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BIBLIOTHQUE? 'DE L ECOLE

DES HAUTES TUDESPUBLIE SOUS LES AUSPICES

DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

SCIENCES PHILOLOGIQUES ET HISTORIQUES

CENT-VINGT-SEPTIME FASCICULEANNALES DE L'HISTOIRE DE FRANCE A L'POQUE CAROLINGIENNE

LOUIS IV D'OUTREMER, PAR PH. LAUER

r*

PARISLIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER

1900Tous droits rservs.

ANNALES DE L'HISTOIRE DE FRANGE A L'EPOQUE CAROLINGIENNE

LE REGNE

LOUIS IV D'OUTRE-MER

CHARTRES. IM1T.IMERIE DURAND, HUE FULBERT.

ANNALES DE L'HISTOIRE DE FRANGEa l'poque carolingienne

LE REGNE

LOUIS IV D'OUTRE-MER

Ph. LAUER

PARISLIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

67, RUE RICHELIEU,', AU PREMIER

1900Tous droits rservs.

Sur l'avis de M. A. Giry, directeur adjoint des conf-rences d'histoire, et de MM. G. Monod et F. Lot, com-missaires responsables, le prsent mmoire a valu M. Lauer le titre d''Elve diplm de l'Ecole pratique desHautes Etudes.

Le Prsident de la Section,

Sign : G. Monod.

Les Commissaires responsables,

Sign : G. Monod, F. Lot.

A LA MMOIRE

DE

M. Arthur GIRY

AYANT-PROPOS

La prsente tude est destine combler une lacune dans

les Annales carolingiennes dont la rdaction a t entreprise

sous l'impulsion de notre regrett matre M. Arthur Giry.

L'histoire du rgne de Louis IV d'Outre-Mer n'avait pas

encore t traite part, et lorsque nous l'avons aborde

on n'a pas manqu de nous faire craindre de ne pouvoir ytrouver les lments d'une thse. Ceux qui nous ont exprimcette crainte seront sans doute surpris, comme nous l'avons

t nous-mme, de constater qu'une matire qu'ils suppo-saient si pauvre ait pu fournir la substance d'un volume d'o

l'on a banni pourtant tout ce qui n'avait pas trait direc-

tement au sujet. On n'a abord l'histoire provinciale etl'histoire littraire qu'autant qu'il tait ncessaire pour l'in-

telligence des vnements ou l'claircissement de l'histoirepolitique du rgne. Le Xe sicle passe pour une poque fortobscure, et c'est presque devenu un lieu commun de le dire;

qu'on nous pardonne de le rappeler ici : nous le faisons pour

justifier la mthode suivie. A toutes les origines se trouventdes lgendes, des popes ; ainsi en est-il des origines duroyaume franc et des origines de Rome. De mme aux ori-gines de la socit fodale : Au milieu du x e sicle on critpeu, les rcits prennent facilement la forme pique, et les

historiens qui paraissent un peu plus tard acceptent, sans

critique, toutes les fables que leurs ans racontent. Il faut

faire dans ces rcits le dpart entre ce qui est certain, ce qui

n'est que vraisemblable et ce qui est tout fait inadmissible,

en s'aidant des actes authentiques qui ont t conservs etdes mentions sres, malheureusement trop brves, qu'ont

laisses certains contemporains. Telle est la tche que nous

avons entreprise, n'ayant d'autre souci que celui d'arriver

savoir la vrit sur chaque fait, vitant autant que possible

cette abondante source d'erreur : le respect superstitieux de

l'opinion reue.

Rome, 1900.

INTRODUCTION

SOURCES NARRATIVES DE L'HISTOIRE DU REGNE

On peut distinguer les sources historiques d'aprs la formequ'elles affectent en deux classes bien tranches, les sourcesdiplomatiques et les sources narratives. Les premires quioffrent par leur caractre authentique un intrt capital

feront ailleurs l'objet d'une tude particulire 1 . Nous n'enten-dons examiner ici que les secondes.

L'ouvrage historique le plus important que nous possdons pour l'poque de Louis d'Outre-Mer est incontestable-ment celui de Flodoard*2 : les Annales. C'est une suite dementions gnralement fort brves, et sans liens entre elles,dont la concision et quelquefois l'obscurit laissent une large

place aux conjectures 3 . L'ordre suivi dans le rcit des v-nements de chaque anne, qui forme un paragraphe,

est, semble-t-il, l'ordre chronologique, ce qui rend cette uvretrs prcieuse. Un grand nombre de faits ne nous sont connusque par les Annales, et, sans les indications sres qu'on y

1. En tte de la publication des diplmes de Louis IV et de Huguesle Grand.

2. Ce nom, d'origine germanique, est le mme que celui de Chlo-doaldus qu'on rencontre dans les textes mrovingiens. La gutturaleaspire a t remplace par la labiale aspire. C'est un phnomnequi ne se prsente qu' l'tat sporadique. On a gard ici la formehabituelle Flodoard. On relve encore dans les textes les formes lati-nes Frodoardas, Flanaldus. Les formes franaises sont Flodoon,Flohaut, Flahaut ou Frou.

3. A signaler aussi les rptitions dans la dernire partie des ,4?*-nah's.

Laoer. Louis IV d'Outre-Mer. a

VI INTRODUCTION

trouve, une histoire du rgne de Louis d'Outre-Mer ne con-sisterait gure que dans un tissu de lgendes.

Quoique Flodoard n'ait aucun moment jou de rle }>oli-tique, il est ncessaire dp rappeler certaines circonstances de

sa vie pour permettre d'apprcier leur juste valeur lesrenseignements qu'il nous fournit. Il a vcu Reims, la mtro-pole du nord del France, dont les archevques ont jou diverses reprises, au x" sicle, un rle prpondrant, lue

lutte entre deux comptiteurs pour le sige de Reims dontl'un est soutenu par le roi. l'autre par les grands, remplit

une bonne partie du rgne qu'on se propose d'tudier. Flo-

doard tail donc admirablement plac pour connatre les

vnements de son temps. Il fut en grande faveur auprs del'archevque Herv 900-2 juillet 922] sous l'piscopat du-quel il devint clerc de l'glise de Reims. Il accompagna l'ar-

chevque Sulfen -M 1 lorsque celui-ci suivit le roi Raoul aucolloque d'Autun l . On ne peut doue pas l'accuser de tendancescarolingiennes. D'ailleurs, par la suite, il apparat comme

galement estim par Hugues le Grand 2 , duc de France, etpar Artaud, chancelier de Louis IV. Ii est permis de le croire

impartial dans le rcit trs complet qu'il fait de la lutte entre

le duc de France et le roi carolingien.

Il ne pourrait tre sujet caution que lorsqu'il parle de la

maison de Vermandois : En 925, la mort de Sulf, quandle comte de Vermandois Herbert II intronisa son fils Hugues,Flodoard se trouva dpouill de ses bnfices. De l a dnatre un ressentiment dont on a peine saisir la trace.

Peut-tre vers cette poque commena-t-il ses ouvragespotiques, le De triumphis Christi sanctorumque Palestine,

le De triumphis Christi Antiochise gestis et le De Christi

triumphis apud Italiam \ ce dernier ne comptant pas moinsde quatorze livres. Cet ensemble constitue l'uvre potique la

plus considrable du xu sicle 4 . Malheureusement on n'y

1. Que Raoul eut avec Hugues de Provence et Guillaume Tte-d'Etoupe; cf. Flod.. Ann. a. 924.

2. Flod., Ilist. Eccl. Hem., lib. IV, c. 28.3. Migne, Patrol. lai., t. CXXXV, col. 491-886.i. Cette uvre valut Flodoard l'estime de Rathierde Vrone ; cf.

INTRODUCTION VII

trouve pas d'allusions aux vnements politiques de Francequi nous intressent.

Rintgr dans ses bnfices par Artaud que le roi Raoulsubstitua au fils d'Herbert, Flodoard partit, vers l'anne 936,

pour Rome, on ne sait quel sujet. C'est cet loignementqu'il faut, semble-t-il, attribuer son silence, dans les Annales,

sur les vnements qui suivirent immdiatement la sparationde Louis et de Hugues le Grand. L'anne 937 est presqueentirement remplie par des dtails sur l'invasion hongroise.Le mariage de Hugues le Grand et d'Avoie n'est mentionnqu' l'anne suivante alors que nous savons par un acte qu'il

tait consomm au moins ds 937 \ L'anne 938 est assezpeu dveloppe et, si la date d'un diplme pour l'abbaye deRipoll est exacte, il y manquerait le rcit d'une invasion enAlsace au cours de laquelle Louis d'Outre-Mer aurait s-journ prs de Brisacb. On a rapport au cours de l'histoiredu rgne comment Flodoard fut de nouveau dpossd en940, puis rtabli, l'anne suivante, dans la possession de sa

charge. Il est donc inutile d'en parler ici. Observons seule-ment, ce propos, que Flodoard parle, l'anne 940, de samise en libert qui est de 941, preuve vidente qu'il a rdigl'anne 940 aprs coup. Rappelons enfin que Flodoard taitgarde des archives de l'glise de Reims dans lesquelles il apuis avec tant de sagacit pour crire son Histoire del'glise de Reims, qu'il assista au concile d'Ingelheim et qu'ilfut envoy par Artaud Aix-la-Chapelle rclamer au sujetdes destructions opres par un certain Raimbaud sur desterres concdes par Artaud Conrad et abandonnes par cedernier Raimbaud 2 .

Il semble que ce soit vers 948 que Flodoard commena crire YHistoire de l'glise de Reims dont l'pitre ddica-

Folcuin, Gest. abhal. Lobiens, c 20. Bhr, Gesch. der RmischenLiteratur im Karolingischen Zeitaller (Carlsruhe, 1840) p. 127. Depuisl'dition Migne on a retrouv de nouvelles posies de Flodoard dansun ras. de la Bibl. de l'Arsenal (Catal. de la B. de VA., t. II, p. 174).

1. Diplme de Hugues le Grand (14 septembre 937) o parait A voie;

Besly, Ilist. des comtes de Poitou, pr., p. 239.2,'Flod., Hist. Ecel. Rem., lib. I, c. 20.

VIII INTRODUCTION

toire est adresse un voque dsign par la lettre initialeR. On admet gnralement qu'il faut lire Rotberto . L'ou-vrage aurait ainsi t compos la requte de l'archevquede Trves, Robert. On pourrait lire aussi Roriconi . Il s'a-girait alors du savant Rorgon, vque de Laon, frre natureldu roi Louis. C'est lu plus belle histoire ecclsiastique carolin-gienne. Mais pour L'poque comprise entre 936 et 948 elle n'a-joute gure aux Annales. Un seul chapitre est vraiment pr-*cieux, c'est le ch. :^5 (du livre IV) o est l'apport tout aulong le discours prononc par Artaud au concile d'Ingel-heim '.

En 951, 952 ou 953 Flodoard fut lu vque de Noyon etTournai par les clercs et le peuple en remplacement deRaoul (mort le 9 janvier 951), mais il ne put, on ne sait pourquelle raison, entrer en charge, et un certain Fouchier, doyende Saint-Mdard de Soissons fut consacr sa place par Artaudlui-mme en 954*. Flodoard mourul en 966 (le 28 mars oule 17 mai 8).

La dcouverte de Richer par Pertz n'a pas jet sur lergne de Louis d'Outre-Mer la mme lumire que sur la p-riode suivante. On peut mme dire que. depuis 1833, les his-toriens ont moins bien connu les vnements des annes 936-954 que leurs devanciers, parce qu'ils ont voulu attribuer autmoignagne de Richer une valeur qu'il n'a pas 1 : pour s'enconvaincre il sufft de parcourir les Comtes de Paris deM. Mourin, les Derniers Carolingiens de M. Babelon oumme la Geschichte

INTRODUCTION IX

Kalckstein et VHistory of the Norman Conquest de Free-man.

Richer prvient lui-mme qu'il s'est servi de Flodoard,et il indique la manire dont il l'a fait : ex quodamFlodoardi presbiteri Remensis libelle me aliqua sumpsissenon abnuo, at non verba quidem eadem, sed alia pro aliislonge diverso orationis scemate disposuisse Il est in-

tressant de comparer Richer Flodoard. Son procd ap-parat alors trs nettement. En maint endroit Richer se borne changer les expressions de son devancier, comme il l'avouelui-mme navement.

Par libellus Richer semble indiquer les Annales. Celles-cisont, en effet, dsignes par ce mot {libellas) dans l'additionaux Annales de Flodoard que fournit le manuscrit de la Bibl.Nat. lat. 5354 : prrecedentis libelli aliorumque librorumdictator egregius. Il n'est pas douteux cependant qu'il aitutilis, outre les Annales, Y Histoire de l'glise de Reims 1 .Toutefois, pour le rgne de Louis d'Outre-Mer il ne parait yavoir fait qu'un emprunt, c'est la mention du couronnementde Gerberge 2

,

qui ne se trouve pas dans les Annales.On signalera plus loin 3 les chapitres o Richer utilise des

sources diffrentes des deux ouvrages de Flodoard. L'auteursemble puiser la tradition orale, c la lgende. On tendrait croire qu'il a eu connaissance de quelque cycle pique.Sur bien des points, il se rapproche de Dudon de Saint-Quentin, qui a fix un peu plus tard les relations orales four-nies par Raoul d'Ivry.Au chapitre 87 du livre II Richer parle de son pre qu'il

dit avoir t un miles de Louis d'Outre-Mer. Il crit sonnom Rod qu'il a corrig en Rot et on s'accorde ylire Rodulfus. La prise de Laon en 949 serait due, selonlui, son pre. Le fait n'est pas de nature tre contest,

1. Reimann, De vita et scriplis Richeri, p. 17 et suiv. Richer citelui-mme cette Histoire et y renvoie au sujet de l'archevque Herv : lgat [lector] librum Flodoardi presbiteri, quem ab urbe condita deejusdem urbis episcopis uberrime descripsit (lib. I, c. xix).

2. Rich.. Hist., lib. II, c. 19 (in fine).3. Appendice II.

X INTRODUCTION

mais il n'en faudrait pas conclure que l'pisode rapport ft

exact de tous points. Son pre tait, il l'avoue, facundia

plurimus ; le rle qu'il lui attribue peut bien avoir t quel-

que peu exagr.

Telles sont les sources de Richer : Flodoard, la lgende ou

les rcits de son pre. Ajoutons-en une autre, l'imaginationde l'auteur qui se donne libre carrire dans les discours l'antique qu'il prte ses personnages

1,dans certaines ap-

prciations qui sont trs contestables- et dans les faits invrai-

semblables qu'il invente sans crainte de dformer l'histoire 8 .Avec cela un archasme d'expression dont l'historien ne

saura jamais trop se dfier, el des souvenirs d'auteurs del'antiquit.

Quant au tton cder lepas Louis 6 . Or, c'est l une lgende qu'il n'a pas invente

puisqu'on en trouve la trace dans Dudon de Saint-Quentin etdans l'pope 7 . Par contre, sa partialit pour le roi carolin-

gien contre les grands clate maintes reprisess

: Il qualifie

les adversaires de Louis de tiranni9

,et il passe assez volon-

tiers sous silence les attaques que le mme Louis dirige

1. Voy. Reimann, Devita et scriptis Richeri, Olsnae, 1845.2. Telle que : Hugo patrem obinsolentiam periisse reminiscebatur

et ob hoc regnare formidaret. (lib. II. c. 1). Voy. la Conclusion.'S. Par exemple le ch. 16 du liv. II: Belgicorum querimonia ad

regem super ejus levitate. \. Pertz va jusqu' parlera ce propos des bulletins de Napolon I er .

Cf. Richer. d. Waitz, p. vin. Wattenbach, Richers vier Bcher Gesch.(Leipzig. 1891) p. xv, se montre un peu plus rserv.

5. Nous les signalons au cours du rcit des vnements.6. Rich., Mst.. lib. II, c. 30.7. Dudon, d. Lair. p. 196, 198. Voy. Appendice II.8. Il tait fort souvent les attaques de Louis contre Herbert et Hugues

que mentionne Flodoard.9. Rich.. llist.. lib. II, c. 26, 27. 28. etc.

INTRODUCTION XI

contre ses vassaux. Enfin, il n'aime pas les Normands qu'ilpersiste appeler pirates [pyrate] longtemps aprs leur ta-

blissement en Neustrie.

Pertz, se fondant sur la diffrence des encres employesdans le manuscrit autographe, a mis l'hypothse que leschapitres 1 78 du livre II (qui seul nous occupe) ont t critsde 995 996 1 , et que les chapitres suivants ont t rdigs de996 998 2 . Richer crit donc prs de cinquante ans aprs lergne de Louis d'Outre-Mer. Pertz ajoute qu'on ne connatRicher par aucune mention contemporaine, sinon par cellequ'on lit sur un manuscrit de la loi salique [Bibl. Nat.lai. 4789) 3 . Nous croyons cependant avoir retrouv la tracedu sjour qu'il fit Chartres partir de mars 991 [Hist.,lib. iv, c. 50). Dans une lettre de Foubert de Chartres l'abbde Fleury Abbon, date par les diteurs de 1003, on voitfigurer parmi les moines de Saint-Pre de Chartres un cer-tain Richer qui pourrait bien tre notre auteur \

Le troisime historien qui a trait d'ensemble l'poque

dont nous nous occupons est Raoul Glaber. C'est unefigure assez trange que ce moine indocile. Il a visit plu-sieurs monastres au commencement du xi sicle, et nousa laiss un ouvrage intitul Historie o il a la prtention denous donner une histoire complte du monde chrtiendepuis 936. Les rares mentions relatives au rgne de Louisd'Outre-Mer qu'on y trouve sont errones

3.

Un autre auteur fournit des renseignements aussi peu srsmais plus abondants, c'est Dudon, doyen de Saint-Quen-

1. Parce qu'ils sont crits de la mme encre ple et rousse que lesadditions finales relatives aux annes 995-996.

2. Ils sont crits de la mme encre noire que les additions finalesrelatives aux annes 996-998. Cf. Richer, d. YVaitz, Rer. Germ. Scr. inus. scholar., p. iv, n. 4.

3. Richer, d. Waitz, p. x.'i. Histor. le /'/.. t. X, p. 444 d.5. Voy. l'd. Prou {Coll. de textes pour servir l'tude dp Fhist.).

Cf. J. Havet, fier. Hist., t. XI, p. 41-48; Kniepers. Sludien ueber Ru-dolf den Kahlen (1891): Gebhart, Revue des Deux-Mondes (1891,1 er octobre). Nous disons linon! Glaber pour nous conformer l'usap;e.Mais cette alliance d'un mot latin avec un mot franais est ridicule.On devrait dire Raoul le Chauve (en lat. Glaber Rodaifus).

XII INTRODUCTION

tin. Dans son De moribus et actis prirrtorum Normanniseducum il se place au point de vue spcial de l'histoire deNormandie, mais cette province tient une place si grande, de943 946, que son histoire se confond alors avec celle de laroyaut carolingienne elle-mme. Aussi une bonne partie del'ouvrage de Dudon se rapporte-t-elle au rgne de Louisd'Outre-Mer.

Les opinions mises au sujet de la valeur du tmoignagede Dudon de Saint-Quentin diffrent essentiellement entreelles. Dom Bouquet ne l'avait pas admis dans son Recueil(t. VIII, p. xxiv), o cependant il a donn place Guil-laume d Jumiges qui le copie. Plus rcemment Licquet 1

,

A. Le Prvost 2 , Dmmler 8 et A. de la Borderie* ont misdes doutes sur sa vracit, tandis que M. Lair a essay d'ta-

blir son autorit'' en s'appuyant sur le passage o Dudonappelle Raoul d'Ivry, frre utrin du duc Richard, ['auteur

de son ouvrage, operis relatorem 6 .

M. Lair recule la difficult sans la rsoudre. On n'est pasrenseign d'une manire trs sre au sujet de la personnalitde ce comte Raoul (d'Ivry, d'aprs Guillaume de Jumiges),frre de Richard l", selon Dudon, ills naturel de Sprota etd'Esperlens, lev au moulin de Vaudreuil (Guillaume deJumiges, lib. VII, c. xxxvm , sous la dicte duquel Dudona crit cujus... relatu digessit attonitus, tremulus, hebes,anxius, anceps.

Quelle qu'ait t la nature des renseignements fournis par

Raoul d'Ivry, il no parait pas douteux qu'ils aient t oraux.

Cette circonstance permet de suspecter leur exactitude, et

1. Ilist. de Normandie2. d. d'Ordric Vital.3. Forschungen zur ileulschen Geschichte, VI. Band, p. 377 : Zur

Kritik Dudos von Saint-Quentin. Nachtrge, ibid, IX, 651.4. Ilist. de Bretagne, t. II (Paris, 1898), p. 496. M. de la Borderie, en

repoussant aussi les fables de Dudon relatives la Bretagne, a suiviles traces de D. Morice (Ilist. de Bref., t. I, col. 969). Voy. aussiWattenbach, Deutschlands Geschichtsquellen, t. I, 420.

5. d. der

Dudon de Saint-Quentin (1865).6. Lair, tude critique sur Dudon (en tte de l'dition), p. 27. Waitz,

Mon. Ger/ii. Scr.,t. IV, 93. Steenstrup, Eludes j>n :lim inaires pour servir Vhist. des Normands (Bull, de la Soe. des Antiq. deNorm-, t. X, 263).

INTRODUCTION XIII

une tude approfondie de l'ouvrage du doyen amne croireque les relations de Raoul d'Ivry devaient trs probablementaffecter la forme de lgendes mises bout bout. M. Lair aindiqu dernirement (en 1893), dans une courte phrase, lersultat auquel de longues recherches l'ont finalement con-

duit : ... L'uvre de Dudon, dans une certaine mesure, n'estque la traduction latine d'une chanson de geste, chanson

historique ou donne pour telle 1 . Dudon semble s'treborn mettre en latin assonance, entrecoup de pices devers, une uvre en langue vulgaire forme presque sponta-nment par la juxtaposition de toutes les fables qui avaientcours la fin du xe sicle et au commencement du xie surles invasions normandes et sur les premiers ducs de Nor-mandie 2 . Dclarer cette uvre historique c'est, croyons-nous, aller trop loin. Raoul d'Ivry tait un de ces soldats-trouvres comme Raoul le pre de Richer, comme Bertolaisqui chanta la mort de Raoul de Cambrai laquelle il avaitassist, comme ce vieux guerrier Albert qui narra au moinede Saint-Gall les lgendes qui couraient sur Charlemagne.Ajoutez que l'ouvrage de Dudon affecte la forme d'un pan-gyrique des ducs de Normandie crit sur leur requte. Ainsil'on s'expliquera les doutes que nous mettrons, au cours del'tude qui va suivre, au sujet des dtails que nous fournitDudon. C'est pour n'avoir pas reconnu le caractre piquede cette sorte de geste que MM. Lair, Kalcksteinet Dummlerse sont trouvs amens admettre comme certaines des as-sertions extrmement contestables, voire mme manifeste-ment errones. On sait que le De moribus a t commencau dbut du xi p sicle, et ne peut tre postrieur 1043,anne o le doyen avait cess de vivre 3 .

1. Lair, Elude sur Guillaume Longue-pe, p. 57.2. Jl n'est pas invraisemblable de supposer que ces fables affectassent

dj en langue vulgaire une l'orme potique. Il est possible que Dudonait eu, ct de cela, connaissance d'un ms. des Annales de Flodoardde la branche normande. Cf. Mlanges de VEcole de Home, 1898, p. 507.

3. Lair, Etude crit. sur Dudon, p. 19. Dudon est encore mentionncomme simple chanoine en 1015. Mabillon, Ami. Bened., t. IV, 226. Bienqu'il ait vcu en Vermandois en bons termes avec le comte Albert II,il appelle Herbert II princeps satraparum.

XIV INTRODUCTION

Guillaume de Jumiges, dans son Historia Normannorum*

,

n'a fait que copier Dudon de Saint-Quentin en v faisant quel-ques courtes additions que nous signalerons plus loin en ex-

posant la suite des vnements.UHistoria ecclesiastica d'Ordric Vital, rdige au com-

mencement du xne sicle, ne donne que peu de dtails origi-

naux. Elle drive de Dudon, de Guillaume de Jumiges, de

YHistoria Francorum Senonensis ei des Annales de Saint-

vrouP. Wace dans le Roman

INTRODUCTION XV

que peu de renseignements. Ce sont les Annales de la cath-drale de Rouen [Chronicon Rotomagense), continuation desAnnales Colonienses maximi transportes en France au x*5

sicle; le Chronicon Fiscannensis monasteriV qui drive desprcdentes; la Chronique de Lire- n'a pas non plus d'im-portance. Il en est de mme des Annales de Saint-Etienne

XVI INTRODUCTION

Le Narratio de commendatione Turonic provincissest une histoire des archevques de Tours et de l'abbayede Marmoutier.

Pour l'Aquitaine le Chronicon Aquitanicum est une chro-nique pascale trs sche qui ne nous a fourni aucune indica-

tion. L'Histoire

INTRODUCTION XYII

simu, qui, bien que postrieurs do trois sicles, renferment

des renseignements intressants sur les seigneurs d'un pays

qui fut en rapports constants avec les Carolingiens '.

Si nous remontons vers le Nord, en Bourgogne, nous trou-

vons signaler le groupe important des sources crites

Dijon. Les Annales de Saint-Bnigne ne sont pour le x e

sicle que des Annales de Cologne compltes Toul. Ellesne deviennent utilisables qu' partir de l'an 1000. La Chro-

nique de Saint-Bnigne n'a que peu d'intrt pour notretude. L'auteur crivait peu aprs 1031, date de la mort del'abb Saint Guillaume. Il copie imoin.

Les Annales de Bze, qui affectent la forme de chroniquepascale, donnent des dtails curieux sur les Hongrois.

Les Gesta pontificum Autissiodorensium, uvre anonymepour la priode qui nous occupe, donnent peu pour l'histoiregnrale ; ils nous apprennent l'existence d'un fils naturel deHugues le Grand.

Les Annales Niremenses ne renferment que quatre mentionsrelatives au rgne de Louis d'Outre-Mer, en 938, 949, 953 et954. Le curieux fragment connu sous le nom ftHistoria cn-

mitum Nivernensium*, attribu Hugues de Poitiers, nerenferme pas de mentions se rapportant aux annes 936-954.Un autre centre historique est Sens. Du monastre de

Sainte-Colombe viennent des annales pascales qui fournissentdes dates prcises qu'on ne trouve pas ailleurs, ainsi celle dela captivit de Louis (le 13 juillet 940). De Saint-Pierre-le-Vifest sortie une chronique, uvre de Clarius, qui drive en par-tie des Annales de Sainte-Colombe mais aussi d'Annales de Sensperdues. L'Historia Francorum Senonensis qui apporteencore des renseignements utiles est beaucoup moinsexacte 3 .

En Champagne, outre Flodoard et Richer, nous possdons

1. Marca Hispanica, col. 538.2. Labbe, Bibl. Nov., t. I, p. 399-400.3. Yoy. sur cette source : .Monod, Revue ht., 1885, t. II, p. 255;

Lot, Les dern. Carol. Appendice VII, p. 338. Elle utilise des annalesecclsiastiques de Sens aujourd'hui perdues.

XVIII INTRODUCTION

encore une chronique de Reims 1 , ouvrage dcharn qui ren-voie mme Flodoard Tanne 932.On a enfin d'Adson de Der un libellus sur la translation

et les miracles de Saint-Basle, dans lequel on relve des anec-

dotes sur l'invasion hongroise de 937 \

Les Annales Mosomagenses ne commencent qu'en 9(59.

Aussi en ce qui concerne Mouzon, dont l'importance est

grande sous le rgne de Louis d'Outre-Mer, sommes-nousrduits aux Annales de Flodoard.

Pour la Lorraine nous possdons des Annales Virdunenses,qui proviennent de l'abbaye do Saint-Vanne de Verdun, les

Annales Sancti Vitoni Virdunensis, qui ont t composes Saint-Vanne, les Annale* Sancti Pauli Virdunensis qui don-

nent des renseignements d'intrt surtout local.

Les Gesta episcoporum Virdunensium, crits nu milieu

du xi 1 ' sicle par un moine, de Saint-Vanne, ont le mme ca-ractre.

Les Miracles de Saint-vre de Toul, composs aprs978etattribus souvent tort Adson, renferment une allusion

aux invasions hongroises.

Les Annales de Saint-Vincent qu' partir de 1 l."V.).

En Hainaut le principal foyer historique est Cambrai. Los

Gesta pontifkum Cameracensium sont dus un chanoineanonyme qui crivit au xi'' sicle sur l'ordre le l'erque

Grard I er de Florennes (1012-1051). Ils donnent un curieuxrcit du sige de Cambrai par les Hongrois en 954.

Les Annales de Marchiennes ne sont pas originales avant

le xi sicle.

Pour le diocse d'Arras on possde les Gesta abbatumSithiensium de Folcuin, qui nous ont donn certaines indica-

tions utiles sur des translations.

UHistoria relationis corporis sancti Walarici, bien qu'elle

ait t crite au xi e sicle, a pour un vnement. des dernires

annes du rgne une relle importance.

t. Labbe, Bibl. Nov., t. I, p. 358-361.2. Mabillon, Acta Sanclor. ord. S. Bened., sc. IV 2 , p. 137-142.

INTRODUCTION XIX

Le Chronicon Centulense i ne contient pas de renseigne-ments concernant l'histoire gnrale notre poque.

Les Annales de Saint-Quentin sont originales 2 . Au con-traire la Chronique de Saint-Mdard de Soissons ne le de-vient qu' partir de l'an 1000 environ.A la fin du xe sicle, l'cole de Fleury-sur-Loire, florissante

sous L'abbatiat d'Abbon, produisit diverses uvres histo-riques :

Le Chronicon Floriacense qui est d'une scheresse extrmemais fournit quelques dates. Les Miracles de Saint Benot,uvre d'Aimoin pour la premire moiti du x sicle, nenous apprennent rien d'utile sur l'histoire politique du temps;ils nous ont conserv quelques lgendes.

Pour la rgion parisienne la Translatio sancti Maglorii etaliorum Parisius ne se rapporte, selon la dernire opinionmise relativement sa date 3

,

qu'au rgne de Lothaire.Le Chronicon Sancti-Dionysii ad cyclos paschales ne con-

tient que des mentions fort brves, mais trs prcieuses, carelles sont contemporaines.

Les Annales de Saint-Germain-des-Prs, qui paraissent serattacher des annales anglaises de Cantorbry et de Lin-disfarn, fournissent par contre une indication de premireimportance, l'anne 946.En ce qui concerne la Germanie dans ses rapports avec notre

histoire, les principales sources utilises sont les suivantes.

Le Continuateur de Rginon, dans lequel Giesebrecht a vouluvoir l'archevque de Magdebourg Adalbert ; sa chronique assezpeu dveloppe est en gnral exacte. Widukind, moine deCorvey (en Saxe), dont l'ouvrage [lieru ni gestarum libri 1res)est crit avec talent mais manque d'exactitude; il rapportequelques lgendes et fait songer, par sa manire, Richer'.

1. Edition F. Lot(Coll. de textes pour servir l'tude de Vhisl. ,fasc. 17).2. Leproux, Notes d'histoire locale (Soc. Acad. de S. Quentin,

3 e srie, t. IX, p. 315) en a donn une traduction.3. R. Merlet, Les origines de Saint-Magloire de Paris, Bibliothque

de l'Ecole des Chartes, t. LVI, p. 237-273.4. Maurenbrecher(Z)e historicis decimi sculi scriploribus..., Bonn,

1861, in-8, p. 40) signale ses emprunts Salluste, dont Richer a faitaussi un grand usage.

XX INTRODUCTION

Liudprand, vque de Crmone, prtend raconter l'histoire detoute l'Europe de 888 950. A vrai dire, il ne nous donned'indications utiles que pour l'anne 939. Le caractre sin-gulier et l'obscurit de son ouvrage sont au reste assez con-nus. Mentionnons enfin la Vita Brunonis de Ruotger, lesAnnales Lobienses, Altahenses, Sangallemes, etc.

Les chroniques universelles de Hugues de Flavigny et deSigebert de Gembloux ei les Chroniques Hongroises n'ontpas d'originalit. Nous ne les avons cites que [mur mmoire.Terminons cette numration par l'indication de quelques

textes isols qui ont une valeur relle. L'pitaphe (A) deLouis d'Outre-Mer tire du Psautier de In reine Emma etconserve par Mabillon dans ses Anna 1rs Bndictines', YObi-tuaire de Sant-Rmy de Reims; la Gnalogie crite entre951 et 959 par le moine de Saint-Corneille de CompigneWitger, qui nous fournil les noms de tous les frres et sursde Louis d'Ontre-Mer 1 ; les Visions de Flothilde qui donnentde curieux dtails sur l'tal dos esprits Reims en 940 2 .Enfin les Actes du concile d'Ingelheim, publis d'aprs tousles manuscrits par Weiland '.

Nous n'avons pas la prtention de ne rien omettre dans celapide expos des ouvrages historiques que nous avons mis contribution. On trouvera indiqus en note certains textesqui ne figurent pas dans cet aperu prliminaire, et d'autres,

au contraire, que nous avons cru ncessaire de mentionnerici, n'auront pu tre utiliss ou cits faute d'intrt assez

immdiat. Nous ne nous sommes pas propos, en effet, dedresser le catalogue des sources ; nous avons voulu seule-

ment tracer un tableau gnral des principales d'entre elles,

en y joignant les indications accessoires ncessaires pourdonner une ide de la littrature historique de l'poque

dont les annales vont suivre.

1. Mon. Gertn., Scr.,t. IX, 303.2. Pice just. n 2.3. Mon. Germ., Constit. imperat., t. I. p. 14 et suiv.

BIBLIOGRAPHIE

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Lauer. Louis IV d'Oulre-Mer. b

XXII BIBLIOGRAPHIE

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t. VIII, 254).Annales Floriacenses brves (Mon. Germ.. SS.. t. XIII, 87).Annales Formoselenses (Mon. Germ.. ss., t. V, :;5).Annules necfologici Fuldenses (d. Wait/.. Mon. Germ.. SS.. t. XIII,

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Germ.. SS.. t. IV. (.)-20).

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/t>ma/

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LOUIS IV D'OUTRE-MER

CHAPITRE PREMIER

DBUT DU RGNE. INVASION HONGROISE. EXPEDITIONDE LORRAINE.

(936-fin 939).

L'avnement de la dynastie carolingienne avait port at-teinte au principe de l'hrdit qui s'tait tabli en faveur

de la famille mrovingienne. Il avait t le point de dpartd'une transformation grave dans le mode de dvolutionde la couronne. Ds lors on avait vu le rgime lectif tenirsa place ct du principe de l'hrdit. C'est ainsi quedurant la priode o l'autorit de la nouvelle dynastie avaitt le mieux assise, ses princes ne s'taient succd sur letrne qu'en vertu d'un simulacre d'lection. Charlemagne etLouis le Pieux n'avaient pas chapp cette rgle 1 , et, mesure que la royaut s'tait affaiblie en face des grands,le rgime lectif, en germe dans le formalisme, s'taitdvelopp et avait fini par prvaloir 2 . Il tait arriv unmoment o la famille carolingienne n'avait plus eu le privilgeexclusif de fournir des souverains la France. La date de887 marque l'poque laquelle l'hrdit avait cess d'tre

1. Einhard, Vita Karoli, c. 3 ; Chron. Moissiac. {Mon. Germ., Scr.,t. I, :>10). Cf. P. Viollet, Hist. des inslit. polit, et admin. de la Fr., t. I,240; La question de la lgitimit l'avnement de Hugues Capet (Mm.de l'Ac. des Inscr., t. XXXIV, 257-288). Luchaire, Institutions despremiers Captiens, p. 23. Marius Spet, Gerbert et le changement dedynastie. (Rev. des quest. histor., t. VIII, 122).

2. Lothaire, fils de Louis d'Outre-Mer, dclare formellement dans undiplme qu'il a t lu par les grands : ab omnibus Francorumproceribus electus sum. Historiens de France, t. IX, G 17 d.

Lauer. Louis IV d'Oulre-Mer. 1

Z MORT DE RAOUL

en vigueur. A la fin du ixe sicle et au commencement du x,trois personnages trangers la dynastie carolingienne,trois interrois (interreges), comme dira plus tard Gerbert 1

,

parvinrent la royaut : Eudes, son frre Robert, et Raoul, legendre de ce dernier. Mais par deux fois les rejetons de l'an-cienne dynastie reparurent sur le trne : ce fut d'abord Charlesle Simple, couronn du vivant mmo d'Eudes avec lequel illutta cinq annes, puis Louis [V, fils de Charles le Simple,surnomm d'Outre - Mer [Transmarinus ou Ultramarinus)c'est--dire d'Outre-Manche ou VAnglais k cause de son s-jour en Angleterre avant son avnement".

La seconde de ces deux restaurai ions diffre de la premireen ce qu'elle fut toute pacifique. Au commencement de l'anne936, le 14 ou le 15 janvier, le roi Raoul mourut Auxerre,aprs une douloureuse maladie dont il avait souffert toutle dernier automne 3 . Il fut enseveli le 11 juillet suivant dansla basilique de Sainte-Colombe de Sens'. Raoul, qui avaitperdu, ce qu'il semble, un fils appel Louis', ne laissaitqu'un frre Hugues le Noir, son hritier, et un beau-frreHugues le Grand. Aussi sa mort crait-elle une nouvelleoccasion pour les grands de l'aire usage du droit d'lection.

Le nord de la Erance tait partag entre cinq paissantsseigneurs: Hugues le Grand, Herbert de Vermandois, Arnoulle Vieux, Guillaume Longue-Epe et Hugues le Noir.

1. En parlant de Hugues Capet et de Robert II. Lettre 163 (d. J. Ha-vet, p. 145).

2. Pour ce surnom voyez l'Appendice VII.:;. Flodoard, Annales (a. 9U6); Hist. eccl. Rem., lib. IV, c. xxvi. Richer,

Hist.,\\b. I,c. lxv. Ann. Floriac.,ai.9M (Mon. Germ., Scr., t. 11,255). Ann.S. Medardi Suession., a. 936 (ibitl., t. XXVI, 520). Ann. S. Quint. Vero-mand.,a. 936 (iW.. t. XVI. 507) Lausonenses, a. 937 (ibid., t. III, 152),S. Germani Paris., a. 942 (ibid., t. III. L68). Les Ann. S. ColumbSenon. (Duru. Bibl. hist. de l'Yonne, t. I, 205), Adon, Contin. ail.(Mon. Germ., Scr., t II, 326) et le Ncrolor/e d'Auxerre (Lebeuf, Mm.concernant l'hist. d?Auxerre, t. II, 274; nouv. d.. t. IV, 9) donnent le 14janvier. Au contraire les textes suivants : Hist. Francor. Senon. (Mon.Germ., Scr.. t. IX, 366), Clarius, Chron. S. Ptri Vivi Senon. (Histor.de /'/.. t. IX, 34); leNecrolog. cathed. Nirern. (Lebeuf, loc. cit., t. II, 48)donnent le 15. Lippert (Geschichte des westfrnkischen Reiches unterKnig Rudolf, p. 92) admet la date du 14 janvier. Celle du 15 janvierest pourtant fournie par des textes aussi dignes de foi.

4. Mabillon, De re aiplom., p. 200. Lippert, loc. cit.5. Lippert, op. cit., p. 93 (d'ap. Chron. S. Benigni Div., Hugues

de Flavigny, Aubry de Trois-Fontaines ; Bruel, Chartes de Cluny,n" 379).

HUGUES LE GRAND S

Hugues le Grand, fils du roi Robert et neveu du roi Eudes,possdait toute la rgion correspondante l'ancienne Neus-trie 1 , entre la Loire et la Seine, moins cette portion dulittoral que Charles le Simple avait, en 911, concde auxNormands de la Seine, compagnons de Rollon. C'tait l'anciencommandement militaire (marcha Franci et Britanni)jadis possd par Robert le Fort, dont le noyau primitiftait l'Anjou, et que Rginon qualifie de duch d'entreLoire et Seine [ducatus inter Ligerim et Sequananif . Uncontemporain, habitant de Reims, appelle Hugues le Grand le prince d'outre-Seine [transseqianus princeps) 3 . On saitpar les diplmes que Hugues possdait en propre, entrebien d'autres domaines, l'alleu de Martigny, la viguerie deChanceaux (dans le canton de Vouvray) avec Le Villeray, LaRonce (Spicaria) et les Verreries en Touraine 4

,Fontanas*>

Ingr", et un certain nombre de localits dans la vigueriede Muids en Orlanais 7

,Champoigny 8

,Couture (?)

9,Alleville,

les Bruelles 10,

Bagnols ", Montpatour '% Villaris a,

les

1. Richer se sert encore de ce terme pour dsigner les domaines deHugues le Grand : Interea dux Neustriam combustam direptamquedolens (lib. II, c. lx).

2. Admar de Chabannes, lib. III, c. 27. Rginon, Chron., a. 861{Bit. Germ. Scr. in us. schol., p. 79).

3. Flod., Ann., a. 960. Cf. les vocables TransseqiUDiani et Ultrase-qanenses dans les Annales de S. Berlin (d. Waitz, p. S, 62, 107, 116)et l'expression : tulam inter Ligerim et Seguanam dans le partage de835 (I/istor. de Fr.. t. VI, 413). Raoul avait donn le Mans Hugues leGrand (Flod., Ann., a. 924).

4. Histor.de Fr., t. IX, pp. 720, 1722; A. de Barthlmy, Les originesde la maison de France (Bev. des Quest. hist.,t. XIII, pp. 129 et 130).Favre, Eudes, p. 14. Il s'agit probablement de Martigny, commune deFondettes, arrondissement et canton de Tours, comme l'a pens Pli.Salmon. Cf. Barthlmy, loe. laudat.

5. Histor. de Fr., t. IX, 723. 11 n'y a pas de raison de croire avecM. de Barthlmy (loc cit.) qu'il s'agit de Fontaine-en-Sologne pluttque d'une des autres localits du mme nom sises en Orlanais.

6. Lpinois et Merlet, Cartul. de N.-D. de Chartres, t. I, 74-77.Ingr, arrondissement et canton d'Orlans.

7. Muids, prs d'Ingr.8. Commune d'Ingr.9. Commune de Saint-Jean-de-Braye, arrondissement et canton

d'Orlans.10. Alleville (Alici villa) est dans la commune de Saint-Jean-de-la-

Ruelle. Les Bruelles ct d'Alleville.11. Situ d'aprs Cassini tout prs d'Ingr.12. Commune d'Ingr.13. Peut-tre Grand-Villiers deux kilomtres N.-E. d'Orlans.

4 DOMAINES DE HUGUES LE GRAND

Chiseaux 1,Coust ~, Casnagiw 3, Sorberes k, Pailly\ Buxi-

dus 6 , Ormes 7 , Montabusard *, Sucrogilas, Buiras, Mansus,Certus 9 . En Berry il avait l'alleu de Chtillon-sur-Loire,que lui avait laiss sa mre Batrice, avec les glisesde Saint-Firmin, Saint-Brisson et Saint-Martin (Pantiacum,Pometum et Sanciacum) 10 ; en Autunois Nolliacum, Cres-centiacum " qui lui venaient peut-tre de son grand-preRobert le Fort 12 . Ses domaines s'tendaient encore, au nordde la Seine, jusque dans le pays de Meaux, notamment aupays de Queudes, Lachy et Szanne qu'il donna Saint-Martin de Tours en change de la prcaire de Mons 13 , Hou-dancourt sur l'Oise (alleu enlev au comte Gerbaud), Che-vrires " Epineuse 15 et Villare Berul/i"'. Hugues avait aussiun alleu prs de Melun qu'il donna Saint-Magloire de Pa-ris 17 . Le comte de Senlis, Bernard, qui parait avoir possdCoucy (auparavant l'glise de Reims) 18

,Thourotte 19 et Oeil

1. Chingius, commune de Saint-Jean-de-la-Ruelle. Cf. Cassini.2. Ou (/oues, commune d'Ingr.:;. Serait Changy, commune d'Ingr, d'aprs M. de Barthlmy, op.

cit., p. 132, et Lpinois et Merlet, loc. cit.4. Serait Sorbires, hameau dtruit aujourd'hui, d'aprs les mmes.5. Commune de La Chapelle-Saint-Mesmin, arrondissement et

canton d'Orlans.6. Serait Bucy-Saint-Liphard, canton de Patay, d'aprs Lpinois et

Merlet, loc. cil.7. Canton de Patay, arrondissement d'Orlans.8. Ferme de la commune d'Ingr.9. Mansus serait Les Masures (commune de Cercottes), et Certus,

Cercottes (canton d'Artenay, arrondissement d'Orlans), selon Lpinoiset Merlet.

10. E. Mabille, Introd. aux chron. les comtes d'Anjou, p eu. LeBerry appartenait Guillaume Tte-d'toupe (Flod., Ann., a. 92'i).

11. Maluze, Jlist. gnal. de la mais. d'Auvergne, t. II, p. 6.12. Robert le Fort possdait en effet des domaines dans le comt

d'Autun, par exemple Tillenay: cf. Kalckstein, Robert der Tapfere,p. 87. Barthlmy, loc. cit., Favre. Eudes, p. 14.

13. Canton de Donnemarie, arrondissement de Provins (Seine-et-Marne). Queudes et Lachy dans le canton de Szanne, arrondissementd'Epernay (Marne).

14. Canton d'Estre-Saint-Denis, arrondissement de Compigne.15. Arrondissement et canton de Clermont (Oise).16. Histor. de Fr., t. IX. 720. Cf. Bibl. Nat., Coll. Moreau, t. LXXVI,

f? 321. Mabille, Pancarte noirede Saint-Martin de Tours, LXXVI, XCIIet CXI.

17. Gall. Christ., t. VII, instrum. n XXIII.18. Flod., Ann., a. 927. Sur les comtes de Senlis voy. Flammermont,

Ilist. des Instit. munie, de Senlis, p. 2.19. Oise, arrondissement de Compigne, canton de Ribecourt.

VASSAUX DE HUGUES LE GRAND 5

[Cretheltense castrum)1 , tait son vassal 2 ainsi que le ch-telain de Chauny du mme nom 3 , le comte de Montreuil,Hlouin 4 et le comte de Montdidier Hilduin 8 .La plus grande partie de ses possessions tait infode.

1. Dudon, d. Lair, p. 233 n(). L'identification de Torotense cas-trum avec Thoury-sous-Clermont est fausse.

2. Diplme de Hugues le Grand (mai 939). Histor. de Fr.,t. IX, p. 723 a.Kalckstein suppose, sans la moindre vraisemblance, que ce fut Louisd'Outre-Mer qui accorda Hugues le Grand la suzerainet sur Bernardde Senlis. M. Lair (d. de Dudon, p. 90) dit, sans en donner aucunepreuve, qu'en 930 Bernard dtenait Coucy. C'est une erreur, car Flo-doard (Ann., hoc anno) rapporte prcisment qu'en 930 Herbert deVermandois donna Coucy Anseau, vassal de Boson (frre du roiRaoul), qui lui avait livr Vitry. Herbert possdait Coucy depuis l'lec-tion de son fils Hugues comme archevque de Reims, en 925 (Flod.,Ann., hoc anno). Nous ignorons comment Coucy passa des mains d'An-seau en celles de Bernard de Senlis. En ce qui concerne la gna-logie de ce dernier, l'opinion de Kalckstein (p. 128, n. 1, 246, n. 1)peut se rsumer dans le tableau suivant :

ppin, fils de Bernard roi d'Italie.HERBERT I PPIN I3RENGER

I I

HERBERT II BERNARD DE SENLISKalckstein se fonde sur cette circonstance, que Guillaume Longue-Epeappelle Bernard son oncle maternel (avunculus) dans Dudon (d. Lair,p. 189), pour supposer que Bernard tait frre de Popa, mre de Guil-laume, et par suite fils du comte Brenger. De ce que Bernard possdaitSenlis comme Ppin, frre d'Herbert I er

,il conclut que Brenger devait

tre frre de Ppin. Tout cela est bien conjectural, et a le grave dfautd'tre chafaud sur un mot de Dudon de Saint-Quentin qui auraitbesoin d'une confirmation. En outre, Rginon mentionne les trois filsde Ppin, fils de Bernard : Bernard, Ppin et Herbert, et ne parle pasde Brenger (Chron., a. 818). Une autre hypothse mriterait peut-tre plus de crance. Il a exist, en 912, un comte de Senlis appel Guiton,dont la fille, devenue femme de Rollon, fut mre de Guillaume Longue-Epe (Ann. Botom., a. 912): on comprendrait pourquoi Dudon repr-sente Bernard comme l'oncle de Guillaume, si l'on considrait Bernardde Senlis comme le fils de Guiton de Senlis, ce qui est, semble-t-il, assezadmissible. On pourrait aussi identifier Bernard de Senlis avec ceBernard, cousin (consobrinus) d'Herbert, qui fut envoy par lui auprsde Charles le Simple, pour persuader ce prince de se* rendre Saint-Quentin (Flod., Ann., a. 923). Bernard de Senlis serait alors le petit-filsde l'un des frres d'Herbert Ier , soit Bernard, soit Ppin. Le nom mmede Bernard parat tre un indice de la descendance de Bernard d'Italie,et de plus on s'accorde gnralement considrer Ppin comme comtede Valois et de Senlis (Art de vrifier les dates, t. II, 700; Kalckstein,p. 80). Mais ce ne sont l que des inductions sans vrification possible.

3. Flod. Ann.. a 969.4. Flod., ibid., a. 939. Richer, lib. II, c. il. Dudon de Saint-

Quentin, d. Lair, pp. 203-204.5. Diplme de Philippe I er

,Tardif, Mon. hist., n 284 ( l'anne 1061).

6 TITRES DE HUGUES LE GRAND

Il y avait un vicomte de Paris, Thion1

,un vicomte de Char-

tres-, Geoffroi, un vicomte d'Orlans, Geoffroi, un comtede Blois et de Chartres qui tait aussi vicomte de Tours,Thibaud 3

,enfin un comte d'Anjou, Foulques le Roux 4 .

De plus Hugues faisait de nombreuses donations aux mo-nastres. Il est vrai qu'il tait abb laque d'un grand nombred'entre eux, ce qui lui procurait des revenus considrables. Iltait abb de Saint-Martin de Tours, de Marmoutier, de Saint-Germain d'Auxerre 8 , de Saint-Denis' 1 , deMorienval 7 , de Saint*Riquier, de Saint-Valry et sans doute de Saint-Aignand'Orlans, de Saint-Germain-des-Prs et, de Saint-Maur-des-Kosss s . Aussi le voit-on qualifi dans les annales deFlodoard

1. Lasteyrie, Carlul- gn. de Paris, n 63, p. 86. Thion apparat djcomme vicomte de. Paris en 925. (T. un acte du 23 aot de cette anne,ainsi souscrh par Hugues le Grand : Signum Hugonis comitis atquemarchionis seu abbatis. (Lasteyrie, op. cil.. p. 84, n 62.) Cela n'em-pchait pas Hugues le. Grand d'avoir un palais l'aris. C. Barth-lmy, op. cit., p. 132. Mais il nVsi qualifi de cornes Parisiensis quedans des chroniques postrieures. - On admet aussi gnralementl'existence d'un comte de Corbeil, Aymon. Yoy. Bourel de la Roncire,Vie de Bouchard le Vnrable, p. 5 n. 2.

2. Ordric Vital (Hist. eccl., d. Le Prvost, t. Il, p. 01) appelle tort. Hugues le Grand : Hugo Magnus Aurelianorum aux .

::. Histor.de Fr., t. IX, 923. Les diverses opinions relatives Thibaudle Tricheur onl t rsumes per Lpinois, Hist. de Chartres, 1. 1, 432-436;cf. d'Arbois de Jubainville, pp. 130-136 et notes. Flodoard l'appelleTetbaldus cornes ( Ann., a. 946, 950)el Tetbaldus Turonenxis(ibid.,a..9i5').La Chronique de S. Bnigne de Dijon l'appelle Carnotensium cornes ; laChronique de Nantes: Blesii ductorem, cornes Blesii. Theobaldus Blesen-sis : Admar de I lhabannes: Tetbaldus Campanensis cause de son ma-riage avec Ligeard, fille d'Herbert II de Vermandois, dont il hrita decertains domaines sis en Champagne (d'Arbois, loc. cit.). Thibaud s'in-titule lui-mme Turonorum vicecomes, en souscrivant un diplme deHugues le Grand (Histor. de Fr., t. IX, 72;!). On l'a surnomm le Vieux( Vetulus, dans le Chron. Sithiense de Jean d'Ypres)pour le distinguerde ses descendants homonynes, et le Tricheur (Tricator, dans RaoulGlaber, lib. III, c. ix et, Lambert d'Ardres, d. Mnilglaise, p. 115).

4. Depuis 886, cf. Mabille, Inlrod. aux chron. des comtes d'Anjou,p. LIX.

5. Gall. Christ. .t. XIV, 169, t. XII, 375. Quantin, Cartulaire gnral del'Yonne, t. I, 139-141. Kalckstein (p. 198, n. 3) avance sans preuveque Hugues le Grand reut cette abbaye de Louis d'Outre-Mer en 936.Robert le Fort avait possd le comt d'Auxerre. Ann. S. Bertini, a. 865.

6. Doublet, Hist. de Vabbaye de S. Denis, p. 216; Flibien, id.,\>. 108.Cotai, des abbs de S. Denis par Gaignires (Bibl. Nat., lat. 17111,fol. 5).

7. Histor. de Fr., t. IX, 5i6-5i7. Hugues tenait cette dignit de sonpre Robert.

8. Lot, Les derniers Carolingiens, pp. 117 et 184. Hugues Capettenait ces abbayes de son pre Hugues le Grand. Robert II tait

HERBERT II DE VERMANDOIS 7

indistinctement d' abbas et de princeps . Lui-mmes'intitule tantt rector abbatial sancti Martini tantt clementia omnipotentis Dei Francorum dux ou excel-lentissimus Francorum dux et marchio ou encore corneset Francorum dux J ou bien gratia Dei dux et cornes atquerector abbatise egregii confessons Christi beati MartiniMajoris Monasterii \ Il porte aussi le titre grec de demarcus(Sr

(;xap-/;^), celui de tramarcus, qui parat signifier marquis

de la triple marclie , comme celui de trimarchio que son preRobert avait port :i . Il avait comme duc de France la suze-

abb de Saint-Aignan (Hislor. de Fr., t. IX, 462). Ann. S. GermantParis., a, 954, 958 {Mon. Germ., Scr., t. III, 168).

1. Hislor. de Fr., t. IX, 720, 722, 723. Les Gesta consulum Andega-vensium {Hislor. de Fr.. t. IX, 50) appellent Hugues le Grand abba-comitem. Le pape Lon VII. dans une bulle qu'il lui adresse pour luienjoindre d'interdire aux femmes l'accs du monastre de Saint-Martinde Tours, le qualifie de gloriosus Francorum princeps (Hislor.de Fr., t. IX, 219). Le titre de dux Francorum a donn lieu diversesinterprtations (voy. Favre, Eudes, p. 227). Notre opinion diffre decelle de M. Favre. Nous l'indiquons au cours de cet ouvrage, nousrservant de la dvelopper ailleurs. Le surnom d'Albus (le Blanc)donn communment Hugues le Grand nous parat le rsultat d'uneerreur palographique. Ce surnom apparat pour la premire fois dansles Annales de Flodoard, l'anne 941, dans le manuscrit employ parD. Bouquet. Le manuscrit de Montpellier porte au contraire Abbas.preuve que la confusion s'est faite entre Abbas et Albus. Si nous obser-vons que l'appellation d'Albus n'est employe qu' partir du momento Hugues le Noir (Hugo Niger) pue un rle dans l'histoire, nous pour-rons considrer comme vraisemblable qu'un des premiers transcripteursdes Annales, influenc par ce surnom de Noir, ait t amen attribuerle nom de Blanc l'adversaire homonyme de Hugues le Noir. C'estd'autant plus admissible que nous ne voyons le nom d'Albus figurerqu'au nominatif, seul cas o la confusion soit possible avec Abbas. Richern'emploie d'ailleurs jamais le surnom d\4lbtis pour dsigner Hugues leGrand. Richer (lib. II, c. 30) est un des premiers mentionner le surnomde Magnus donn Hugues, Fragm. hist. Fr.: Hugoni... qui posteaprobis actibus Magni nomen promeruit Hislor. de Fr.. t. VIII, 298, c.

2. Bibl. Nat., Coll. Moreau, VII, 189.3. Du Cange (Glossar.. v Tramarcus). considre ce mot comme une

dformation de demarcus. Les deux mots se trouvent en effet dans lemme acte (Hislor. de Fr.,t. IX, 722, b,723a). Tramarcus nous paraittre plutt une dformation de trimarchio, titre que porte Robert, frred'Eudes, dans une charte du 11 novembre 912 en faveur de Marmoutier(publ. par Mabille. Bibl. de l'Ec. des Ch., anne 1869, p. 961). Ce titresemble provenir de ce que Robert et Hugues taient marquis sur latriple frontire de Bretagne, Anjou et Poitou. Cf. Em. Chnon, Lesmarches sparantes d'Anjou, Bretagne et Poitou. Paris, 1892. Le ducd'Aquitaine Raimond-Pons s'intitule en 937 primarchio (Hist. de Lan-guedoc, t. V. col. 176). Renier de Lorraine prend aussi le titre dedemarcus (Carlui. de St.-Lambert de Lige, d. Bormans et School-mester, t. 1, n 11).

8 i/ARCHEVQUE DE REIMS ARTAUD

rainet sur toute l'ancienne Frauda mrovingienne (moins laLorraine) comme le duc d'Aquitaine l'avait sur VAquitania.

Il tait assurment le plus riche et le plus indpendantdes grands IVudataires du nord de la France. Il avait pourfemme Ethile (Eadhild), sur du roi des Anglo-Saxons,Athelstan (^Ethelstan), et on aurait pu s'attendre le voirsuccder son beau-frre Raoul. Mais il aurait fallu pourcela qu'il et eu l'appui des grands. Or le comte de Wr-mandois, Herbert II. son cousin et son beau-frre 1 , contrelequel il avait lutt pendant le dernier rgne, ne pouvait pastre dispos lui cder une couronne que peut-tre il am