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bibliothquedel150ecol

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  • HIBLIOIIEQUIDE L'COLE

    DES HAUTES TUDESPUBLIEE SOUS LES AUSPICES

    DU AJINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

    SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES

    CENT-CINQUANTIME FASCICULE

    LA PROVINCE ROMAINE PROCONSULAIRE D'aSIE,DEPUIS SES ORIGINES JUSQU'A LA FIN DU HAUT-EMPIRE,

    PAR VICTOR CHAPOT,ANCIEN MEMBRE DE L'COLE FRANAISE D'aTHNES,

    DOCTEUR EN DROIT.

    PARIS (2'^)LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

    67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER

    1904(tous droits RSK'.tVts)

  • LA.

    PROVINCE ROMAINE PROCONSULAIRE

    D'ASIE

  • LA

    PROVINCE ROMAINEFHOCONSULAIUE D'ASIE

    DEPUIS SES ORIGINES JUSQU'A LA FIN DU HAUT-EMPIRE

    Victor CHAPOTANCIEN MEMBRE DE L'COLE FRANAISE d'aTHNES

    DOCTEUR EN DROIT

    PARIS (2^)LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, DITEUR

    67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER

    1904(tous droits rservs)

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  • A MON EXCELLENT MAITRE

    M. HRON DE VILLEFOSSE

    HOiMMAGE DE RESPECTUEUSE GRATITUDE

  • Sur l'avis de M. A. Hron de Villefosse, directeur de laConfrence d'pigraphie latine^ el antiquits romaines, et deMM. Emile Chtelain et B. Haussoullier, commissaires res-ponsables, le prsent mmoire a valu M. Victor Chapotle titre d'lve diplm de la Section d'hisldirc el de })hilolo,uie

    de l'cole pratique des Hautes tudes.

    Paris, le ;> novembre 1899.

    Le Directeur de la Confrence.

    Sign : A. IIuon de Yillkfosse.

    Les Commissaires responsables.

    Sign : E. Chtelain.

    B. Haussoullier.

    Le Prsident de la Section,

    Sign : G. Monod.

  • AVANT-PROPOS

    Quand je songeai pour la premire fois entreprendre unmmoire en vue du diplme de l'cole des Hautes-tudes, leprogramme que je me proposais n'tait pas celui que je viens

    de remplir de mon mieux. Il s'agissait pourtant dj du conti-nent asiatique, dont l'tude, mme pour la priode de l'occupa-tion romaine, n'avait gure t aborde que par les hellnistes

    ou les pigrapliistes curieux d'antiquits grecques, et d'une

    faon trs sommaire, sans plan d'ensemble. Mme les savantstravaux de Waddington constituaient plutt un assemblage dedocuments et un examen critique de points de dtail {*). L'Aca-

    dmie des Inscriptions, voyant quelle grave lacune il tait utile

    de combler, a rcemment commenc la publication d'un CorpusinscHplionum Graecarivm ad rem Romanam pertinentium.M'inspirant d'une ide semblable, j'avais song rechercher et

    noter les traces de l'occupation romaine dans la moiti orien-

    tale du monde grec, c'est--dire dans les diverses parties del'Asie au sens moderne du mot o elle s'tait tendue. Jeme serais donc born aux rapports de Rome avec ces provinces,

    (1) J'ai trouv grand profit, comme on pense, consulter ses Fastes des pro-vinces asiatiques, qu'il n'a eu le temps de rdiger, et encore incompltement, quepour la province proconsulaire. Malgr le soin qu'il prenait de tenir au courant sesnotes, restes manuscrites, l'achvement de cette publication, utile il y a trente ans,se comprendrait peu aujourd'hui, aprs les nombreux travaux de prosopographiequi ont vu le jour. Runir ainsi, pour rappeler tout ce que l'on sait de leur vie etde leur carrire, des personnages romains qui ne prsentent d'autre caractre

    commun que d'avoir t gouverneurs d'une mme province, o ils ont accompli uneuvre quelquefois insignifiante et bien souvent ignore, est une mthode arbitraire,et elle conduirait les rudits se rpter frquemment, vu que tel ou tel snateur agouvern successivement plusieurs provinces. Un travail de ce genre n'est, en dfi-nitive, qu'un lambeau dtach sans raison d'un Onomasticon gnral de l'antiquitclassique.

    V. CHAPOT. La Province d'Asie. i

  • II AVANT-PROPOS.

    l'administration romaine en Asie, Bithynie, Cappadoce, etc. .

    .

    jusqu'au dbut du Bas-Empire.Les premires recherches auxquelles j'ai t, par suite, conduit,

    et mme la seule rflexion, m'ont bien vite montr le dfautd'unit qu'aurait une uvre semblable et l'insuffisance d'infor-

    mation qu'on serait en droit de me reprocher. videmment, lapolitique romaine, dans les diverses parties de l'Asie Mineure,

    n'a pas t diris^e par dos principes uniformes; la nature mmedu pays s'opposait cette mthode et aussi la grande varit despopulations qui y vivaient. Le Snat de Rome, les empereurs

    et les fonctionnaires dlgus dans le gouvernement des diff-

    rentes parties de la pninsule, ont d tenir compte du degr dedveloppement de ces peuples, des institutions auxquelles lesavaient accoutums antrieurement d'autres souverains, d'autresinfluences. Et ainsi, pour avoir une ide complte de l'action

    des nouveaux matres du pays, j'tais amen considrerjusqu' la vie municipale; les assembles, les magistratures descits et des bourgades n'avaient gure pu voluer librement

    sans subir la tutelle de Rome, et l'tude des inscriptions et des

    textes me montrait en effet, pour les unes et pour les autres, au

    cours des temps, des changements assez notables. Voyant ma

    tche s'tendre ce point, j'ai pris le parti, non pas d'abandon-

    ner la seule mthode qui part lgitime, mais de restreindre lechamp gographique de mes observations, et au lieu de les faireporter sur toute l'Asie Mineure, de me limiter une seule pro-

    vince, o je m'attacherais en revanche tous les faits classscomme historiques. Je me suis dcid pour l'Asie proconsulaire,

    et voici brivement les motifs de ce choix.

    Cette partie de l'Empire, plus que toutes les autres rgions de

    l'Asie Mineure, a donn lieu un assez grand nombre de travauxspciaux. Il a paru, dans ces dernires annes, une foule de

    courtes dissertations consacres, par exemple, telle ou telle

    ville d'Asie ou bien d'autres questions de dtail. J'ai trouv

    ainsi, dans quelques cas, le terrain dblay; et une certaine

    uniformit que je remarquais dans les conclusions de mes pr-

  • AVANT-PROPOS. III

    dcesseiirs me permettait d'esprer quelque rsultat, ds mainte-

    nant, d'un travail d'ensemble. Si l'Asie proconsulaire a tent

    plus de chercheurs que les provinces voisines, le fait s'explique

    trs simplement : pour mainte raison, l'activit des habitants ya t bien suprieure, et les souvenirs qui nous en restent ont

    l'avantage du nombre et quelquelbis de la prcision ; les texteslittraires sont, vrai dire, peu abondants; mais nous sommes

    ddommags, dans quelque mesure, par une riche moisson pi-graphique.

    On pourrait penser, ds lors, que la faveur d'iuie plus large do-cumentation et d'une matire plus varie a sa contre-partie dans

    le danger d'une information plus facilement incomplte. Pour-

    quoi, notamment, n'avoir pas attendu la venue du Corpus enprparation? Mais ce recueil des inscriptions grecques rappelant

    des noms, des institutions, des usages latins, ne comprendrapas, mme largement conu, toutes les sources pigraphiquesauxquelles il m'a fallu recourir; la runion pure et simple destextes en un seul volume ne m'et pas dispens de parcourirles commentaires qui ont t dj donns de quelques-uns ; enfinl'obligeance de mon ancien matre, M. Gagnt, qui m'a commu-

    niqu les premiers travaux prparatoires de ce Corpus nouveau,m'a fait tenir ds le dbut un certain nombre de renvoisbibliographiques essentiels et a diminu ainsi mes chancesd'oublis. Il est possible, malgr tout, que quelques documentsm'aient chapp, en raison de leur infinie dispersion ; d'autres,avant moi, ont eu mme infortune. Je dois m'attendre aussi lamise au jour, et prochaine, d'inscriptions nouvelles, puisqueles recherches archologiques se poursuivent sans interruptionen Asie Mineure, et l'histoire de ce pays s'en trouvera srementrenouvele ('). Pourtant, l comme ailleurs, le gros uvre est

    (1) Il faut noter que ces voyages archologiques ont souvent pour effet principalde complter notre connaissance de la gographie historique et de permettre uneidentitication plus gnrale des anciens noms de lieux avec les noms modernes.Pour ce motif, le prsent mmoire est moins menac de vieillir vite. Je me suisnaturellement interdit les tentatives de restitution topographique. Sans doute, ellesn'auraient pas form un hors-d'uvre, mais elles ne sont, permises qu' quiconque a

  • IV AVANT-PROPOS.

    accompli ; on doit creuser le sol pour atteindre l'indit, et les

    fruits obtenus s'amoncellent moins vite et moins haut qu'au-trefois. J'ai lieu de redouter plus d'une erreur et plus d'une

    dfaillance dans l'utilisation de tant de donnes qui prsentaientde grandes difficults d'claircissement, qu'il tait long et ardu

    de mettre en ordre. Mais, lorsque je les runissais il y a trois

    ans, avant de partir pour l'Orient, j'tais sous l'influence du cri

    d'alarme pouss par quelques savants autoriss : le livre dispa-

    rat,

    l'article provoque l'article , les moyens d'information

    s'parpillent, ou nglige de construire des synthses de nos

    connaissances. J'en ai alors tent une, audacieusement. Je crois

    que depuis, le mal s'est attnu; mais cet essai n'en devient pas

    inutile. Je me trouve envers lui personnellement trs redevable :

    l'tendue mme et la varit du sujet n'ont pas nui monapprentissage; j'apporte une bauche laquelle de plus habilesferont ensuite les remaniements ncessaires, sans avoir perdu

    leur temps la partie aise de la tche. Ils rajusteront mieuxles lments disperss de ce tableau de la province d'Asie.

    J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris.

    Oblig de runir beaucoup de faits et beaucoup d'hypothses,

    et ne voulant pas que mon livre atteignt des proportions

    exagres, j'ai d lui donner une forme mixte, le concevoir

    la fois comme un manuel et comme un rpertoire, rpertoire

    d'exemples plutt que nomenclature sans lacunes ; assumer

    enfin la discussion rapide des doctrines, que je ne pouvais sim-

    plement juxtaposer. De la sorte, mme mal venu et sujet critiques, cet essai, je l'espre, rpondant plus de besoins,

    rendra plus aisment service.

    En parcourant l'an dernier, pas trop rapides, les principales

    explor longueirient lui-mme le terrain. Aussi bien l'emplacement et surtout

    l'emplacement approximatif de la plupart des villes de la province proconsulaire

    est-il dj bien tabli. Dans les cas rares o il y a doute, j'ai adopt l'opinion laplus communment admise. La carte jointe ce travail est sans aucune originalit:elle n'a pour objet que de dispenser le lecteur de se mettre la recherche d'un atlas.

  • AVANT-PROPOS. V

    routes de cet admirable pays, j'entendais dire regret que l'ac-tivit franaise y tait bien ralentie. 11 est vrai que ses efforts ysont plus isols, elle est trop fivreusement occupe sur d'autrespoints du monde antique. Mais elle s'y est longtemps exerceavec honneur, avant de laisser le champ libre aux initiativesgermaniques; et si modeste soit le rle que j'ai ambitionn,

    c'est avec plaisir que je me vois replac dans une des plus glo-

    rieuses traditions de l'cole franaise d'Athnes.

    Payais, dcembre 1902.

  • BIBLIOGRAPHIE

    Pour trouver un ouvrage portant, peu de chose prs, le titreauquel je me suis arrt, il faut remonter l'anne 1846. C'est cette date que Richard Bergmann publia Berlin sa petite dis-sertation inaugurale : De Asia Romanorum proinncia. Ce n'-tait qu'un commencement d'excution du programme quel'auteur s'tait fix, qui est expos dans sa prface et ressembleassez au mien. Il y traitait de la formation de la province et deses limites. L'anne suivante, il abordait la question des gou-verneurs d'Asie dans un article du Fhilologus (II, p. 671 sq. :De Asiae Romanorum prouinciae p7''aesidWus jusqu' labataille d'Aclium), Plus tard enfin, il s'attaquait l'tude desvilles libres, mais, dbord par l'ampleur de son sujet, ne pou-vait s'occuper que de Rhodes ('). Et ses tentatives en sont restesl. Vers la mme poque, une autre dissertation allait paratresur la formation de la province d'Asie (-).

    Les dates mmes de ces premiers essais indiquent assez lavaleur qu'ils ont pu conserver. Et d'abord, quelles sourcesleurs auteurs avaient-ils puis? Les documents littraires taientdj ce qu'ils sont aujourd'hui, mais on constatera tout instantque les renseignements les plus importants ne nous viennentpas de ce ct. Les auteurs anciens ne nous laissent pas tropignorer les vnements qui se sont drouls en Asie pendant laRpublique; mais vienne l'Empire, et la paix en Orient, et noustrouvons les historiens grecs ou latins presque muets sur notresujet ; l'existence calme et monotone de ces rgions les a moinsintresss que les rvolutions de palais, Rome. Les recueilsnumismatiques, si riches, d'Eckhel et de Mionnet taient djprcieux, mais la connaissance des monnaies grecques a encorebien progress depuis. I^e matriel pigraphique dont ces

    (1) De Asine liomanorum prouinciae ciuitalihiis liberis, Brandenburg, 1855, in^".(2) W. Mkrckens, Quomodo Romani Asiatn prouinciam conslituerint exponi-

    tur, Vralislaviae, 1860, in-S".

  • VIII BIBLIOGRAPHIE.

    auteurs se sont servis tait enfin fort maigre et peu maniable.Ils avaient dj quelques ouvrages gnraux, comme ceux deLaborde(^), de Hamilton (-) et de Texier(^) ; le, Corpus inscripiio-num graecamim avait paru, mais dpourvu encore des prcieuxIndices du tome IV, guide si ncessaire dans un pareil amas detextes. La gographie mme de la contre ne leur tait connueque par l'ouvrage de Tchihatchef(*), si heureusement remplacmaintenant par le livre de M. W. H. Ramsay('j, que compltela grande carte de H. Kiepert(*,.

    Depuis lors, les journaux de voyages archologiques se sontmultiplis, ainsi que les recueils pigraphiques, et les Franais

    ne se sont pas adonns les derniers cet ordre d'investigations.Citons d'abord les ouvrages divers de M. Georges Perrot(') ; unemention toute particulire est due la publication capitale dePhilippe Le Bas (*), mettant au jour une foule d'inscriptionsnouvelles, et corrigeant, pour d'autres dj parues, les copiesantrieures. Un commentaire prcieux accompagne la plupartdes textes; Le Bas n'avait pu l'achever que pour quelques-uns;

    W. II. Waddington a discut les autres avec une mthode nonmoins rigoureuse ; et lui-mme, dj rompu l'archologie del'Asie Mineure (^), s'est attach restituer les Fastes des pro-vinces asiatiques de VEmpire romain, depuis leur origine jus-qu'au rgne de Diocllien. La politique et la diplomatie ont

    (1) Lon DE Ladorde, Voyage en Orient, Pari.s, 1837-45, 2 vol. in-f, avecplanches.

    (2) liesearches in Asia Minor, London, 1842, 2 vol. in-S".

    (3) Ch. Texier, Description de l'Asie Mineure, faite par ordre du gouverne-ment franais, Paris, Didot, 1839-49, gr. in-f, 3 vol. texte et 3 vol. planches.

    (4) P. DE TcHiiiATCHEFF, Asie Mineure, description physique, statistique et archo-

    logique de cette contre, Paris, 1853-56.

    (5) Historical Geography of Asia Minor. London, 1890, gr. in-S.

    (6) Specialkarle vom westlichen Kleinasien, Berlin, 1892, in-f. Depuis lors

    a t publie en un format plus maniable : Archnoloqisclie Karte von Kleinasien,

    bearb. v. d^ W. Ruge tmd d' E. Friedrich. Maasstab : i : 2 500 000. Halle, 1899.Ci) Souvenirs d'un voyage en Asie Mineure, Paris, 1864, in-8 ; Exploration

    archologique de Gulatie, Bithynie, Mysie, Phrygie, Cappadoce et Pont, Paris,

    Didot, 1872, 2 vol. grand in-4o ; Inscriptions indites d'Asie Mineure, Paris,

    1877, in-8.

    (8) Voyage archologique en Grce et en Asie Mineure, fait par ordre dugouvernement franais pendant les annes tS43 et 1844, et publi sous les aus-

    pices du Ministre de l'Instruction publique, par Pu. Le Bas et ses collabora-teurs et continuateurs, t. III : Inscriptions, Paris, Didot, 1870.

    (9) Cf. son Voyage en Asie Mineure au point de vue numismatique, Paris,

    1853, in -8.

  • BIBLIOGRAPHIE. IX

    occup raiiteiir trop tt et trop longtemps. De cet ouvrage, fruitd'immenses recherches, une faible partie seulement a paru (');elle comprend les proconsuls del province qui nous occupe etnous conduit presque jusqu' Diocltien. Les dcouvertes ult-rieures ont amen l'auteur publier un supplment {*j. Depuislors, M. Mommsen a donn le tome III du Corpus inscriptiomimlalinarimi ; mais il a trouv peu glaner dans une rgion o lalangue grecque tait universellement matresse. Il y a beaucoupplus prendre dans les recueils du British Musum (') et dansquelques pages du Corpus des les grecques de l'Acadmie deBerlin (*).

    Les recueils de documents, en volumes spars, se font raresmaintenant(^), et quiconque veut se tenir au courant des dcou-vertes pigraphiques en Asie Mineure est naturellement astreintau dpouillement minutieux des nombreux priodiques qui lesfont connatre. C'est avant tout le Bulletin de Correspondance

    (1) Paris, Diclot, 1872, in-8.

    (2) Dans le BvUetin de correspondance hellnique^ VI (1882).(3) The Collection of Ancient Greek Inscriptions in the Brilish Musum,

    Oxford, Clarendon Press. La Part II, by C.-T. Newton (1883) comprend notam-ment : Islands of the Aegean. Nous avons eu galement consulter : Part III,Sec/ion I : Priene and lasos, by Rev. E.-L. Hicks (1886); section II : Ephesos,by HicKs (1890); Part IV, Section I : Knidos, Halicarnassos and Branchidae,by Gustav Hirschfeld (1893). Le volume consacr Ephse a beaucoup diraiul'utilit de l'ouvrage de Wood : Discoveries at Ephesus, including the Sites andRemains of the Great Temple of Diana, London, 1877, in-80 ; cependant quelquesinscriptions ne se trouvent encore que l.

    (4) Inscriptiones graecae insularum, Berlin, Reimer; tome I, Rhodes (1895) ettome m, renfermant notamment Astypalaea (189S), par M. Fr. Hiller vonGaertringen

    ;le tome H (1899) nous donne le Corpus de Lesbos, par M. Paton,

    qui y a introduit des textes indits.

    (5) Notons pourtant, comme pouvant passer pour des ouvrages part, les tomes I,II et III des Papers of the American School of Classical Sludies at Athens ; leprpmier ren''erme des Inscriptions of Assos and Tralleis (1885) ; les autres sont dustous deux M. Sitlington Sterrett : An Epigraphical Journey in Asia Minor,et The Wolfe Expdition to Asia Minor (l888j. Notons en passant que l'auteur areproduit plus d'une inscription dj connue sans y apporter de grandes modifica-tions. Une partie seulement de ces deux volumes concerne le Sud de l'Asie pro-consulaire.

    Citons galement : Ans Lydien, epigraphisch-geographische Reisefriichte, hin-terlassen von Karl Buresch, herausgegeben von Otto Ribbeck (avec carte deKieperl), Leipzig, Teubner, 1898, gr. in-80.

    Enfin, d'autres r'^cueils forment un tout et puisent leur matire; aussi, bien quecelle-ci soit assez restreinte, mritent-ils une mention spciale : Paton and IIicks,Inscriptions of Cos, Oxford, Clarendon Press, 1891, gr. in-8. i\Iax Frankel,Die Inschriften von Pergamon (fait partie des Atterthiimer von Pergamon)-^ le

  • X BIBLIOGRAPHIE.

    hellnique, puis les Miltheilimgen des deutscfienarchologischenInstituts^ Aihenische Abtheilung, le Journal of Hellenic Studies,les Archdologisch-epigrapUische Mittheilungen ans Oesterreich-Ungarn et le recueil qui y fait suite : Jahreshefte des sterrei-cMschen archologischen Insliluts in Wien, VHerms, YEphe-meris epigraphica, les comptes rendus divers des Acadmies deBerlin et de Vienne, la Revue des tudes grecques, le Mouffeovxat piXioOv^xYj T^ zy.^fdX'Ti cy^oX-Tj; v Sjjuipvyj, l"EcpTr)[JLpi pyatoXo-

    yix-fi, la Revue archologique, la Revue de Philologie, la Revuedes ludes anciennes, de Bordeaux. Il serait superflu d'indiquerici toutes les pages o ces priodiques divers ont publi destextes pitrraphiques nouveaux ou rviss. Les nombreuxemprunts que j'aurai faire ces recueils m'offriront de fr-quentes occasions de citer mes rfrences, et l'numration ensera ainsi plus mthodique (').Les catalogues de monnaies se sont galement multiplis;

    ceux que j'ai dj cits plus haut, il convient de joindre lesexcellents catalogues du British Musum ; les volumes qui nousconcernent sont de date assez rcente, et les diffrentes partiesde la province s'y trouvent reprsentes, l'exception de laPhrygie (^). Malheureusement, les descriptions de mdailles qu'ilsrenferment font naturellement double emploi, dans certains cas,avec celles d'Eckhcl et de Mionnet, nombre de pices que ceux-ciavaient tudies tant entres au Muse Britannique, et lesrecherches s'en trouvent allonges d'autant sans profit. Nos

    tome II renferme les inscriptions de l'poque romaine. C. Humann, C. Cichorius,

    F. WiNTER, W. JuDEiCH : Allerihmer von Hierapolis {Jahrbuch des K. d.archol. Instituts, Err/unzungsheft, IV, 1898).Add. le Corpus qui forme le tome III de l'tude de M. Ch. Waltzing sur Les

    Corporations professionnelles chez les Romains, Louvain, 1899, in-8".

    (1) L'avantage n'est pas insignifiant, tant donne la manire dont ces textes sontsouvent publis. Il arrive bien des fois, et dans des recueils des divers pays, qu'on

    nous apporte simplement une reproduction en caractres pigraphiques ; l'auteur de

    lusulloge nouvelle nglige de tenter une transcription en caractres courants et,

    plus forte raison, d'apporter ce premier commentaire gnral qui pourtant coterait

    peu de peines et rendrait de grands services aux travailleurs, condamns desdpouillements aussi considrables que celui qui m'a t impos.

    (2) Catalogue of Greek Coins in Ihe British Musum, London, in-8" : Mysia,by Warwick Wroth, edited by Reginald Stuart Poole, 1892 ; lonia, by BarclayV. Head, ed, by Poole, 1892; Troas, Aeolis and Lesbos, by W. Wroth, 1894;Caria, Cos, Rhodes, etc

    ,by B. Head, 1897; Lydia, by B. Head, 1901.

    Chaque tome prsente une prface analytique particulirement soigne dans les

    derniers volumes cits.

  • BIBLIOGRAPHIE. XI

    informations se compltent enfin par la publication de Vlnven-taire de la Collection Waddington, par M. Ernest Babelon('),le catalogue de la collection Hunter(^) et un prcieux rpertoirede M. Imhoof-Blumer(*).Quels sont maintenant les travaux critiques qu'ont fait natre

    ces collections nouvelles de documents? Ils sont nombreux,mais presque tous ne reprsentent que de courtes monogra-phies assez spciales, consacres l'tude d'une institution oud'une ville unique. Je n'ai pas en donner la liste ici ; il mesemble prfrable de les citer leur place, c'est--dire intercalsdans les dveloppements consacrs aux sujets qu'ils traitenteux-mmes respectivement. J'ai tch de ne commettre aucunoubli leur gard; mais je n'entends pas laisser croire que jeles ai parcourus absolument tous ; beaucoup ont dj vieilli ;quelques-uns ne me sont mme pas venus sous la main ; etd'ailleurs, largissant mon cadre comme je le fais, je dois veiller ne point sacrifier, par trop de scrupules, les gnralits auxdtails.

    Je veux seulement mentionner quelques dissertations qui ontun intrt moins particulier, et quelquefois, donnent plus queleur titre ne promet. Bien que les diverses cits grecques d'Asieaient conserv sous la domination romaine une assez grandelibert municipale qui a facilit la bigarrure des institutions, ilest impossible de ne point remarquer certains points communs,

    et c'est ainsi que M. Menadier, dans une thse inaugurale con-sacre d'aprs son titre (*) Ephse seule, la capitale de la pro-vince, en est venu indiquer, chemin faisant, les analogies queprsentaient les villes voisines dans la composition et le fonc-tionnement des assembles locales et des corps de magistrats. Il

    y avait beaucoup dire, et le petit nombre de pages de l'opusculemontre que les lments ont t plutt assembls qu'utiliss.M. Ludwig Mitteis a publi, il y a quelques annes, un ouvrage (^)trop spcialement consacr au droit priv, que je ne pouvaissonger effleurer, pour qu'il m'ait t ncessaire d'y faire beau-

    (1) Inventaire sommaire et provisoire. Paris, Rollin et Feuardent, 1893.

    (2) George Macdonald, Greek Coins in the Hunterian Collection, University ofGlasgow, II (1901).

    (3) Kleinasiatische Miinzen, I (1901). Wien, Holder.

    (4) Qua condicione Ephesii usi sint inde ab Asia in formam pvouinciae redacta,Berolini, 1880, in-8o.

    (5) Reichsrecht und Volksrecht in den stlichen Provinzen des rmischenKaiserreichs, Leipzig, Teubner, 1891, in-8

    .

  • XII BIBLIOGRAPHIE.

    coup d'emprunts ; il renferme pourtant quelques dveloppementsutiles sur les rapports des villes avec Rome. La Revue des tudesgrecques, qui nous avait promis un tableau de la vie municipalede l'Asie Mineure au moment de sa pleine prosprit, remplitpeu peu ses enaragements ; nous lui devons dj l'tudebien conduite des assembles locales et des offices publics (').M. Liebenam, enfin, a tent rcemment la synthse historiquedu rgime municipal romain et publi un rpertoire prcieux (^),complet et exact, fruit d'un immense labeur, o les vues d'en-semble disparaissent forcment quelque peu devant l'accumu-lation des rfrences ; on constate chaque page que l'unit dusujet n'est qu'apparente.On sait la place considrable que lesjeux et concours tenaient

    en Orient; aussi un rudit a t bien inspir en dressant le bilan

    de nos connaissances sur les institutions agonistiques d'Asie l'poque romaine (').Le culte des Empereurs, provincial ou municipal, avait dans

    le proconsulaire des caractres assez particuliers et encore peu

    connus, on le verra, en dpit de quelques travaux qui mritent

    malgr tout une mention logieuse(*).M. Georges Radet a retrac sous une forme attrayante ses sou-

    venirsd'un voyageen Phrygie quiintressentsurtoutlagographieancienne, mais complts par un petit Corpus des inscriptionsdes environs de Doryle(*). La mme rgion phrygienne adonnlieu deux gros volumes d'une conception un peu discutable,mais dont l'intrt ne saurait tre contest (^).

    (1) Isidore Lvy, La Vie municipale de l'Asie Mineure sous les Antonins, I(Rfv. des tudes grecques, VIII (1895), pp. 20.3-250); H (ibid., XII (1899),pp. 255-289 et t. XIV (1901), pp. .350-371).

    (2) Sludteverwaltung im rmischen Kaiserreiche, Leipzig, 1900 (Cf. Schulten,

    Gotting. Gelehrt. Anzeig., 1901, pp. 560-575).

    (3) 0. LiERMANN, Analecta epigraphica et agonostica (Diss. philol. Halenses,

    X (1899), p. 1-242). Dissertation instructive, mais mal compose , dit avec raisonM. Th. Reinach (Rev. Et. gr. XVII (1893), p. 161, note 1).

    (4) Paul Mo.NCEAux, De Communi Asiae proidnciae, thse, Paris, 1835, in-8o ;Guilielmus Buchner, De Neocoria, Giessen, 1888, in-8o ; E. Beurlier, Essai sui' le

    culte rendu aux Empereurs romains, thse, Paris, 1890.

    (5) En Phrygie.^ mission scientifique en Asie Mineure (aot-sept., 1893).

    Nouvidles Archives des Missions, VI.

    (6) Je veux parler des Cities and Bishoprics of Phrygia (Oxford, Clar. Press1895-97) de M. W. H. Ramsay. L'auteur a un plan, mais mal conu et mal suivi.

    Abordant une une les diverses rgions de Phrygie, il en tudie la topographie ;

    mthode fort lgitime si elle tait applique un ouvrage purement gographique.

  • BIBLIOGRAPHIE, XIII

    Je n'ai pas besoin de rappeler que dans le manuel deMarquardt, il y a un certain nombre de pages consacres l'Asie ('); l comme ailleurs, se retrouvent les traits caractris-

    tiques de cette compilation, ses qualits de documentationprcise et ses dfauts de surabondance mme, cet entassementde textes, de notes, qui rend la lecture du livre presqueimpossible. Les principales encyclopdiesd'antiquits classiquesont t amenes donner, et ds le dbut de leur publication,un article Asia, except le dictionnaire de Daremberg- et Saglio,dans le plan duquel ce travail n'entrait pas. Dans le Dizionarioepigrafico de M. Ettore de Ruggiero, M. Dante Vaglieri atourn la difticult en rduisant l'expos gnral un minimumqui compte peine, et en fournissant en revanche une srie denomenclatures qui sont comme la prosopographie de chaquequestion ; disons du moins qu'en gnral elles sont conscien-cieusement dresses et prsentent peu de lacunes; c'tait uncadre utile pour le travail qui restait faire. Dans la Real-encyclopdie der AUerthwnswissenschaf de Pauly-Wissowa,M. Brandis a abord la question plus rsolument et de front ; sanotice sur la [Proinncia) Asia est certainement un des meilleursarticles de dictionnaire qu'on puisse dsirer; il va sans dire qu'ilne traite pas de tous les points que j'ai cru devoir faire entrerdans mon propre expos; la nature mme du rpertoire o sontravail figure lui imposait, pour viter le double emploi, derserver certaines matires secondaires qui sont appeles parl'ordre alphabtique faire l'objet d'autres articles, et fatalement,cela devait donner la notice moins d'quilibre et d'ampleur.Les principaux problmes y sont en tous cas bien poss.Mais celui qui voudrait avoir en peu de temps un aperu exact

    et une description vivante de cette civilisation asiatique del'poque romaine, devrait plutt encore s'adresser ailleurs (-).

    Tel n'e?t pas le cas. A propos de la situation d'une ville quelconque, il en expose lesinstitutions et, en mme temps, celles des cits voisines ; brusquement il nous fait passerde l'histoire de la grousie aux lgendes juives, puis examine la topographie d'unevalle, se consacre tout entier aux choses byzantines, revient l'tude des domainesimpriaux que suit un chapitre intitul : inscriptions chrtiennes. L'auteur n'a pas

    pris soin de composer son livre;quel trsor il nous et livr sans cette faute 1

    Mieux que personne peut-tre il connat l'Asie Mineure, et nous communique surune foule de points des vues fort justes et originales. Je dois beaucoup M. Ramsay.

    (1) V. le tome IX de la traduction franaise de MM. P.-L. Lucas et Andr Weiss.

    (2) Dans l'article de M, Gaston Boissier {Les Provinces orientales de L'Empireromain, Revue des Deux Mondes, l^f juillet 1874), il n'a pu tre consacr que

  • XIV BIBLIOGRAPHIE.

    C'est M. Mommsen qu'il a t donn d'en rsumer le plusheureusement les traits principaux ; en une soixantaine de pagesseulement ('], il a su en tracer un tableau trs color, o ilpntre plus profondment que tous les autres rudits qni l'ontprcd ou suivi dans la psychologie compare du peuple romainet du peuple grec, et montre fort bien les consquences de leurcontact. Lui seul avait la force de gnralisation, la nettet devision ncessaires pour dgager la physionomie de cette socitdu monceau des pices justificatives . Bans ces pages, lapense est exprime d'une faon si concise, la substance est sitouffue, que bien des nuances chappent aux lecteurs mal pr-pars. C'est cependant un magnifi(iue chapitre d'histoire gn-rale

    ;j'ai voulu faire autre chose; un rperloire consulter.

    Du reste, ce chapitre embrasse tout la ibis l'Asie Mineureentire, et les pai'agraphes o l'auteur a trait sparment desdiverses rgions de la pninsule ne pouvaient suflire en accen-tuer les caractres distinctifs. Considrant ce qui n'est pasau fond une critique le besoin de marquer moins brivementles points ac([uis ;\ la science, et de mieux isoler l'individualitpropre de la province d'Asie, j'ai entrepris une uvre toute diff-rente, qui est ainsi l'abri d'une crasante comparaison.Comme l'historien minent que je viens de nommer, je me

    suis fait une loi de ne consigner que les faits rigoureusementconstats en Asie, sans essayer, comme on l'a os trop souvent,de combler arbitrairement les lacunes qui persistent dans cetteexposition, l'aide de traits emprunts d'autres parties dumonde romain.

    J'ai adopt les abrviations suivantes pour les recueils lesplus souvent cits :

    CIG. = Corpus inscripiiomim gymecariim.CIL. = Corpus inscriptionum latinarum.IBM. = Ancient Greek Inscriptions m the British

    Musum.BCH. = Bulletin de Correspondance hellnique.

    quelques pages la question qui nous occupe. C'est sans doute aussi un ouvrage devulgarisation que le travail suivant qu'il m'a t impossible de consulter : V. Masi,

    Vicende politiche delV Asia dalV Ellesponto aW Indo, II DelV anno 67 aWanno 333 di C. ; Citl di Castello, 1901.

    (1) V. le 2 chapitre du tome X de son Histoire romaiiie, dans la traduction deIVIM. Gagnt et TouTAiN.

  • BIBLIOGRAPHIE. XV

    AtJi. MU. = Miitheilungen des deiiischen archologis-chen Instituts, Athenische Abtfieilung

    .

    Leb. = Le Bas-Waddington , hiscriptions d'AsieMineure.

    IGI. = Inscriptiones graecae insularum.JHSt. zn Journal of Hellenic Studios.GGBM. Catalogue of Greeh Coins in the British

    Musum.R. Et. Gr. = Revue des tudes grecques.

    Pap. Am. Sch. = Papers ofthe American School.

  • PREMIRE PARTIE

    FORMATION ET VICISSITUDES GNKALESDE LA PROVINCE

    CHAPITRE PREMIER

    PREMIRES ORICtIINES DE LA PROVINCE

    La province d'Asie ne reprsentait pas, nous le verrons, unterritoire aux limites prcises et imposes par la nature. Elleaurait donc pu difficilement se constituer tout d'un coup, d'elle-mme, entre des frontires jamais fixes. L'tendue en taittrop vaste et les populations bien trop civilises pour que ladomination romaine russt s'y implanter en une fois, parune brusque conqute. Cette annexion l'Empire a une doubleorigine : des oprations politiques, au sens large du mot, quisont facilement saisissables, et aussi une immixtion pacifiquequi s'entrevoit, une sorte de lente colonisation, dont la tracenous chappe encore. On ne saurait passer sous silence le petitnombre de faits prcis qui marquent l'acheminement progressifvers la solution fatale, invitable; mais ici nous sommes sur unterrain connu

    ;pour viter seulement une lacune, il convient

    et il suffira de rappeler les faits principaux (').Vers la fin du ni^ sicle , la mort de Ptolme Philopator,

    (1) Un bon rsum de ces vnements est donn par Bergmann, De Asia ,p. 7 sq. Le 23 mai 1902, M. Paul Foucart a expos l'Acadmie des inscriptions le

    rsum de ses recherches sur les origines de la province d'Asie et sa transmission l'empire romain. Je n'ai pu encore en prendre connaissance; mais il est probable

    qu'une partie de ses conclusions avait trouv place dans son cours du Collge de

    France;

    j'ai t en mesure de le suivre en 1898-99, et je lui dois de prcieux

    dveloppements.

    V. CHAPOT. La Province d'Asie. 2

  • 2 PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE.

    roi d'Egypte, qui ne laissait qu'un tout jeune fils, le roi deMacdoine Philippe III avait conclu avec Antiochus, dit leGrand, roi de Syrie, un trait en vue du partage des tats duprince dfunt. Cette convention attribuait au premier l'AsieMineure occidentale, comprenant au Nord le royaume indpen-dant de Pergame

    ; Philippe n'hsita pas s'y jeter et leravager. Les deux princes avaient compt sans le roi du pays,Attale ; il eut l'nergie de rsister et, profitant de ce que lesRhodiens taient eux-mmes en butte aux attaques du chefmacdonien, il vmit ses forces celles de cette nation, parvenue une redoutable puissance maritime. Les allis battirentPhilippe dans un combat naval prs de Ghios (a. 200 av. J.-C.),sans russir toutefois l'empcher d'aborder en Carie et d'ypasser l'hiver. Leurs forces militaires ne suffisant pas l'enexpulser, ils s'adressrent aux Romains (').

    Ceux-ci se voyaient depuis peu dbarrasss de leur grandennemi, Hannibal ; ils accueillirent favorablement les ouver-tures qui leur taient faites par les allis, en mme temps quepar la ville d'Alexandrie. Sous prtexte de protger l'hritage dujeune roi d'Egypte et de soutenir ses partisans, ils taientheureux de s'immiscer dans les afTaires d'Asie, voyant s'offrird'elle-mme une occasion si opportune (^). Ils eurent tt faitd'craser les forces du roi de Macdoine Cynoscphales (a. 197)et de rassurer les Grecs d'Asie, comme ceux d'Europe, par leurapparente gnrosit; sur les deux continents, ils prparaientl'annexion future.Le roi vaincu accepta toutes les conditions que le Snat

    voulut bien lui imposer. Il fut entendu que et omnes Graeco-rum chuttes qv.ae in Europa, quaeqiie in Asia essent, liber-tatem ac suas haberent leges (^). Avant mme que les Grecs ne

    (1) Les Rhodiens, au dbut, auraient prfr se passer de ce secours ; le navarque

    de l'an 201, Thophiliskos, recommandait une politique purement hellnique (Polyb.,XVI, 9, 3); mais il tait difficile de s'y tenir cause d'Atlale, alli tout la fois

    des Rhodiens et des Romains, et dsireux de triompher sans trop grand effort

    personnel. Thophiliskos, l'me de la rsistance nationale, ayant succomb auxblessures reues dans la batdille de Chios, la majorit de la population se laissaentraner par Attale chercher auprs de Rome un appui. Inutilement aussi les

    ministres du jeune Ptolme piphane songrent-ils tenir les Romains en dehorsdes affaires de la Grce (Liv., XXXI, 9, 1-4). Cf. H. van Gelder, Geschichte deralten Rhodier, Haag, 1900, p. 122, 124, 127.

    (2) Polyb., XV, 21-23; XVI, 2-9, 11, 24, 27 35; Liv., X.XXI, 2 sq., 46 ; Iv.tin.,

    XXX, 2-4.(3) Liv., XXXIIl, 30.

  • PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE. 3

    connussent les conditions de la paix, la rumeur courait quebeaucoup de villes allaient obtenir des garanties ; il en est deuxqui voulurent se les assurer : Smyrne et Lampsaque, quivoyaient dj surgir un autre ennemi, le co-partageant Antio-chus III. Elles furent les premires solliciter la protection desRomains. Diodore parle d'une ambassade au Snat , Appiend'une ambassade Flamininus(^). Il dut y avoir les deux. Nousavons la bonne fortune de possder le dcret de Lampsaque quirappelle la premire (^). Les dputs de cette ville exposrentdans un long discours que le peuple de Lampsaque, commedescendant aussi d'Iliou, tait parent du peuple romain, parentr,v xat 7ro[o^a(7ai arou], lit-on la ligne 25, avec la restitutionde M. Mommsen, parent que les Romains ont accepte ; cequi supposerait dj des rapports entre Lampsaque et Rome,fait intressant, mais conjectural, d'une restitution fort incer-taine. Arrivs Rome, ils avaient appris la teneur du trait etla clause gnrale : certaines villes de Philippe seront libres,d'autres recevront une garnison. On ne connaissait pas encoreen Grce la liste des premires ; les Lampsacuiens supplirentles Romains d'y comprendre leur patrie. Le Snat les satisfit ;mais il parat qu'ils prsentaient encore d'autres demandes, carle document ajoute (II, 1. 25) : Sur tous les autres points, leSnat les renvoya au Consul Titus et aux Dix chargs desaffaires de la Grce. Ce dcret est curieux par plus d'un dtailsur lequel je ne puis m'appesantir; il contient l'historique de lapremire ambassade que les Asiatiques aient envoye Rome;l'Italie leur semblait un pays recul aux confins du monde! Lescraintes diverses des dputs, au dbut d'un pareil voyage, ontun ct plaisant; ils imaginent d'aller d'abord jusqu' Marseille,une cit sur, et d'y demander des lettres de recommandationpour le Snat romain. On saisit sur le vif la timidit relle desGrecs l'gard du redoutable nom romain, leur manie de solli-citations interminables. Le Snat en est obsd et les renvoie,le plus tt qu'il peut, s'entendre avec les magistrats spcialementchargs de leurs intrts.Cependant l'alli de Philippe, Antiochus, plus libre de ses

    mouvements, s'tait assur par conqute la part que son traitlui abandonnait, la Syrie et la Phnicie ; il voulut en outreramener les villes d'Asie, nous dit Tite-Live, in antiquam

    (1) DiOD. Sic, XXIX, frgm. 7; Appian., Sur., 2.

    (2) LoLLiNO, A th. Mit., VI (1881), p. 95 sq.

  • 4 PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE.

    imperii formulam[^). Mais aprs la dfaite du roi de Macdoine,Anliochus aussi allait avoir compter avec les Romains; ils luiinterdirent de s'tablir dans les anciennes possessions dePhilippe et de Ptolme, qu'il convoitait i^alement, et nouveauils proclamrent la libert des villes grecques d'Asie. Antiochusse borna dclarer que les Romains n'avaient rien faire surce continent, il les laissait libres d'agir eu Eiu'ope; s'ils voulaient

    se montrer gnreux, ils trouveraient des cits atranchir enItalie mme. Et, plus audacieux encore, il franchit l'Hellespont,entranant dans son parti le roi de Cappadoce, mais sans pou-voir dcider Eumne II de l^ergame se joindre lui(-).

    C'tait une faute grave: s'il s'en ft tenu l'Asie, l'intervention

    des Romains ne se serait peut-tre pas produite. On le voit parles ngociations fort longues qui s'ouvrirent alors, par les pro-positions dfinitives transmises au roi : si Antiochus s'abstenaitrsolument de toute tentative sur l'Europe, les Romains renon-ceraient s'occuper des affaires d'Asie. Mais ceux-ci prvoyaientsans doute la rponse : La situation n'est pas la mme ;Sleucus , mon aeul , a eu dans ses domaines des villes deThrace et de Chersonse, alors que l'Asie n'a jamais appartenuaux Romains (^). Stimul par les conseils d'Hannibal, Antio-chus se laissa sduire aussi par les sollicitations des Etoliens,qui lui promettaient l'appui de la Grce. Vain secours ; iln'engageait pas moins la lutte la lgre contre un ennemimieux prpar. Il fut vaincu dans la Grce d'Europe, auxThermopyles, et s'enfuit en Asie, vers Ephse (191 av. J.-C).Les villes d'Asie Mineure, ne pouvant se dfendre seules,

    n'avaient plus qu' choisir entre les deux adversaires. La plu-part, notamment Smyrne, Lampsaque, Alexandria Troas, solli-citrent le secours des Romains. La mme anne, une flotteitalienne approchait des rivages d'Asie, sous le commandementdu prteur C. Liuius Salinator ; elle remporta un avantage ancombat de Korykos, puis l'quipage hiverna sur le continent,au cap Kanai, en face de Mytilne. Gelle-i semble bien s'trerange aussi au parti des Romains , comme Erythres , Cos

    ,

    Gym, etc.. Au commencement mme de l'anne suivante,

    (1) Liv., XXXIII, 38.

    (2) Aepian., Sur., 1, 2, 3, 4; Polyb., XVIII, 27, 20-35; Plvt., Flamin., 10;

    ZoNAR., IX, 16 sq.; Liv., XXXIII, 30, 31, 34, 38 sq.; XXXV, 13.

    (3) Polyb., XXVIII, 15, 3; Liv., XXXIV, 58, 3; Diod. Sic, XXVIH, 16;Appian., Sur., 6.

  • PREMIERES ORIGINES DE LA PROVINCE. 5

    quand le prteur, renonant an sige d'Abvdos, recula versTEolide pour se tourner contre l'amiral du roi, Polyxnidas,Mytilne fournit un renfort de deux trirmes la flotteromaine('). Antiochus en conut un violent dpit, alla, pillanttoute la rgion, jusqu' Adramyttion et renversa les fortificationsde Mytilne P). Une nouvelle bataille, Myonnessos, compromitencore davantage la fortune d'Antiochus, qui fut dfinitivementvaincu sur terre Magnsie du Sipyle (a. 190). Une paix hon-teuse lui enleva tout ce qu'il possdait en de du Tanrus et del'HalysO.Annexer le pays ds ce moment et t pour les Romains une

    imprudence, car l'annexion ne pouvait se justifier; ils prf-rrent s'abstenir provisoirement et, en attendant, payer Eumneet les Rhodiens de leur fidlit, en leur concdant quelques ter-ritoires. Aprs la bataille, le Snat ordonna Gn. Manlius Vulsode rester en Asie(*j avec le titre de proconsul (^), pour rglertous ces intrts demeurs en suspens et, suivant son habitudeen pareil cas, il lui adjoignit dix commissaires d'ordre snatorial, la fois pour l'assister et pour le contrler f). Manlius, lescommissaires et Eumne hivernrent Ephse (189-188), puisse rendirent Apame et y reurent les dputations des Grecs.

    (1) Liv., XXXVII, 12-15.

    (2) Ibid., 21 sq.

    (R) FoLYB., XX, 8; XXI, 4-14; Liv., XXXVII, 8-45; Appian., Sur., 17-39.

    (4) 11 venait alors de vaincre les Galates, tribus celtiques redoutables, qui ranon-naient les populations voisines, et de leur imposer le respect des biens des citsd'Asie. Ainsi, la mme date, Rome dlivrait celles-ci de l'oppression des rois etdes incursions des bandits.

    (5) Cf. l'inscription d'Hracle du Latmos (Haussoullier, Revue de Philologie,XXIII (1899), p. 275 sq.) : oxpaz-r^yo uTraxo; 'Pwfi.acwv. Son vrai titre est uTraTOi;,qui alors signifiait galement proconsul; a^pixrqjoi est une addition destine fairecomprendre aux Grecs que c'est un gnral.

    (6) Il est difficile de savoir exactement les pouvoirs respectifs des Dix et duproconsul. En gnral, tout magistrat devait prendre l'avis de son consiliuyn, sanslre tenu de s'y conformer. L'inscription d'Hracle signale un [twv 6xa TtpaoetDvTtpoeSjpo; mais ce n'est videmment pas Manlius, en dpit des restitutions fautivesqui ont t donnes de la partie mutile. Du moins, Tite-Live nous apprend quecarte blanche tait laisse aux dputs pour les affaires comportant une discussionsur les lieux; pour la siirnma reriim, ils devaient s'en remettre au Snat, et demme en cas de dsaccord avec le proconsul. En outre, ds le dbut, il fut dcidque le Snat rglerait ceitaines affaires d'Asie directement. Polyb., XXII, 7 :Tteij.Ttov TOu 6xa up rvtov tov {iTtaxov eti; Tr)v 'Acrav. Liv., XXXIII, 31 :In senatusconsiilto, que missi decem leqati ab urbe erant, ceterae Graeciaeatqiie Asiae [urbes) haud dubie liberabantur.

  • 6 PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE.

    Les commissaires, qui ne vonliirent prlever pour Rome unseul pouce de terrain, n'eu disposrent pas moins en matres detout le pays, en fait conquis. Les tmoignages de Polybe et deTite-Live(^) concordent littralement et nous indiquent trsexactement les dispositions prises. Eumne aurait voulu rece-voir en prsent toute l'Asie; les Rhodiens, eux, affectaient d trefavorables l'indpendance des villes, qui leur aurait assurune prminence. Le Snat se montra plus adroit : les citslibres avant la guerre ou qui payaient tribut Antiochus, maisqui avaient pris le parti de Rome, furent dclares autonomes;quant aux villes bostiles la cause romaine, elles devinrenttributaires d'Eumne, qu'elles l'eussent t d'Attale ou d'Antio-chus. Le royaume de Pergame tait alors fort exigu (^), ne com-prenant gure que la ville de ce nom et quelques cits sur lerivage, entre Adramyttion et le golfe d'Elaea. Les Romains yajoutrent la Chersonse de Thrace (ne craignant pas de laissermatre du dtroit un prince leur dvotion), la Phrygie mineurejusqu' rilellespont, la partie de la Mysie qui appartenait auroi de Bithynie Prusias, la Lydie, la Lycaonie, le nord de laCarie jusqu'au Mandre, la grande Phygie, et quelques villesdisperses en dehors de ces rgions, comme ralles de Carie etTelmcssos de Lycie. Quant aux Rhodiens, qui possdaientdj la Pre sur le continent, en face de leur le, ils reurentla plus grande partie de la Lycie et le reste de la Carie (').Ue la sorte, il n'y eut en Asie aucune puissance prpond-

    rante : le royaume de Pergame, les possessions de Rhodes, etl'ensemble des villes libres constituaient dans la pninsule troislments divers et rivaux; l'entente semblait peu probable. Enaccordant Eumne la lointaine Telmessos, Rome s'ingniaitpeut-tre prparer quelque conflit entre les Rhodiens et lesAttalides qui se jalousaient; les cits indpendantes taient trsparpilles et formaient des enclaves , dplaisantes pour lespropritaires du pays d'alentour. Les Rhodiens, en effet, conu-rent un vif dpit de voir leurs annexionsrestreintes par les pri-vilges des villes libres, et ils chargrent les dputs de contes-ter les prtentions de quelques cits l'autonomie. On voit par

    (1) PoLYB., XXII, 27; Liv., XXXVIII, 39.

    (2) Strab.. XIII, 4, 2, p. 624 C.

    (3) Add. Strab., XIV, 3, 4, p. 665 C. La Lycie devait causer aux Rhodiens

    des ennuis incessants (Polyb., XXXI, 7, 4; 16, 3; Va.\ Gelder, Gesch. d. ait.

    Rhod., p. 143).

  • PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE. 7

    la fin de rinscriptiou d"Hracle que Manliiis et les Dixenvoyrent aux habitants de cette ville un certain L. Orbius,charg de la dfendre contre les attaques ventuelles desRhodiens, q^uand ceux-ci viendraient prendre possession de leursnouvelles provinces.Ce sont donc bien les Hellnes tous ces vnements le mon-

    trent clairement qui avaient fait des avances aux Romains.Aussi ces derniers devinrent-ils sans effort, par la nature deschoses, juges dsigns des litiges entre Asiatiques. Nous connais-sons dans le dtail un de ces diffrends (').Les Samiens possdaient, de temps immmorial, un territoire

    sur le continent asiatique, limitrophe de celui de Prine. Lescontestations ce sujet, entre les deux cits, dataient du visicle. Le territoire disput comprenait plusieurs districts, no-tamment Kptov et un fort {9 poupiov). La question fut remise, unecertaine date, l'arbitrage des Rhodiens, qui rendirent une sen-tence favorable Prine (-), renouvele un peu plus tard(^). Maisles Samiens ne dsespraient pas : ils s'adressrent, aprs la ba-taille de Magnsie, Manlius et aux commissaires, et obtinrentune dcision conforme leurs dsirs (*), peut-tre par corruption,car Manlius fut plus tard, Rome, accus de vnalit (^).Disons tout de suite que l'affaire trana longtemps encore.Quelque cinquante ans aprs la dcision du proconsul, les Pri-niens demandrent au Snat que leur territoire leur ft rendu,et le Snat leur donna raison (*). Peu satisfaits, les Samiensenvoyrent une nouvelle ambassade en 136, et cette fois lesRomains rendirent une sentence dfinitive. Ce snatusconsulte (')nous a t conserv; nous y voyons que les deux parties,traites chacune de peuple honorable, notre ami et alli envoyrent des dputs; il y eut la curie un dbat contradic-toire, la suite duquel le Snat, annulant une fois pour toutesla sentence de Manlius, confirma l'arbitrage rhodien, commesollicit d'un commun accord par les deux villes. De tout ceci,deux choses sont retenir : l'esprit conservateur des Romains,

    (1) Cf. IBM, III, 1, Inlroductory Note, p. 1-6 (Hicks), et pour les questionschronologiques, Van Gelder, Geschichte der alten Rhodier, p. 133.

    (2) Leb., 189 = IBM, 403, 1. 1-24.

    (3) Leb., 193 IBM, 403, 1. 124-127.

    (4) CIG, 1956, I. 6.

    (5) Liv., XXXVIII, 45-46.

    (6) CIG, 29057 un Leb., 199 = Viereck, 13 = IBM, 405, 1. 7-8.

    (7) CIG, 2905 6 = Leb., 195 = Viereck, 14 = IBM, 405 a.

  • 8 PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE.

    qui s'en tenaient aux prcdents, et le rle qui leur tait rserven Asie, de pacificateurs des villes, constamment engages dansdes disputes parfois puriles.

    Ils avaient cette habilet suprme de ne garder parfois qu'undroit de juridiction minent et de confier des tiers, dans uncas donn, le soin de rendre la sentence. Les Priniens mon-trrent, en d'autres circonstances encore, leur humeur proces-sive : un second territoire tait revendiqu par eux, cette fois rencontre des habitants de Magnsie du Mandre; il se trouvaitsitu dans le voisinage du sanctuaire d'Apollon de Myonte, etPhilippe V l'avait concd, en mme temps que Myonte, auxMagntesC). Les deux parties s'tant adresses aux Romains, leSnat chargea de rgler l'affaire le prteur M. Aemilius M. f...,dont on ignore encore l'identit. Celui-ci dsigna la. villede Mylasa comme arbitre ; elle donna raison aux Priniens,ordonnant le rtablissement de l'tat de choses antrieur kl'alliance avec les Romains (^). Celle-ci remonte 190; la con-testation dut se produire quelques annes aprs (').Adroitement encore, Rome flattait certaines cits d'Asie en

    leur remettant l'arbitrage dans de nouveaux procs portsdevant elle; c'est ainsi que, probablement vers 138-132, le Snatdlgua ses pouvoirs Magnsie du Mandre, pour trancher lediffrend survenu entre deux villes Cretoises (*).Une cinquantaine d'annes se passrent sans que les Romains

    eussent nouveau l'occasion d'intervenir directement en Asie.Ils semblent nanmoins avoir cherch la provoquer. Pendantla guerre contre Perse, les Rbodiens avaient d'abord observune attitude correcte, mais bientt ils prtendirent imposer lapaix aux belligrants par la menace d'une action militaire (^]. Il

    faut ajouter seulement que cette imprudence tait due aux con-seils perfides du consul Q. Marcius. qui vit dans cette tactiqueun moyen de les conduire leur perte. Du reste, Aulu-Gellenous l'apprend, quelques Rhodiens proposrent, dans des assem-bles, une intervention en faveur de Perse, mais il ne fut renduaucun dcret sur cette question (^). Et mme, le roi de Mac-

    (1) POLYB., XVI, 24.

    (2) Otto Kern, Die Inschriflen von Mag7iesia am Mliander, Berlio, 1900, n 9.3.

    (3) V. Kern, ibid., p. 79.

    (4) Kern, Insch., n" 105.

    (5) Liv., XLIV, 14.

    (6) Noct. atl., VI, 3, pr.

  • PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE.

    doine une fois vaincu Pydna, la rpublicpie envoya des flici-

    tations Rome ; mais lambassade fut trs mal reue ; on parlaitde dclarer la guerre aux Rhodiens. Quant leur tentative demdiation, le Snat y avait rpondu aussitt par l'annonce quela Carie et la Lycie leur taient enleves.

    Les dputs finirent nanmoins par obtenir une audience duSnat ; le premier d'entre eux exposa que les Rhodiens taienttonns de se voir accueillis Rome comme des ennemis et nepouvaient comprendre les raisons de cette disgrce ('). 11 rappela

    les services que sa patrie avait rendus aux Romains pendant lesguerres de Philippe et d'Antiochus et les offres d'assistance

    qu'elle leur avait prsentes dans celle contre Perse. Nosprin-cipio belli misisse ad uos legatos, qui polliceretitiir uobis quae

    ad belluni opus esseni : naualibus, armis, iuuentute nostra,sicut prioribus bellis, ad orania paraios fore Neque bono-rum sociorum defuimus offlcio, sed a uobis prohibai praes-tare nequiuimus . Enfin, ajouta- t-il, il n'y avait eu faute quede la part de quelques individus isols O, qu'on ne se refuserait

    pas punir. Si la guerre tait dclare aux Rhodiens, ils ne se

    dfendraient pas, mais se mettraient la discrtion du peupleromain. Nunquam iudicabimiis nos uestros hostes, tiec quic-qiiam hostile, eiiam si omnia patiemur, facieynus. Nous avonsconserv une partie du discours vritable prononc par Catonau Snat en cette circonstance, en faveur des Rhodiens ; il ex-prime l'avis qu'il y avait eu tout au plus de leur part intention,mais non excution ('). Et le snat se contenta d'annuler sonancienne libralit.

    Cet pisode nous atteste que les Romains taient bien rsolus paratre de nouveau en Asie d'une manire ou d'une autre ;ils refusrent d'autre part le secours propos par les Rhodiens,parce qu'ils ne voulaient rien leur devoir. La guerre n'tant pas

    en Asie, mieux valait que ces allis n'eussent rien fait pourRome ; celle-ci ne serait pas oblige de traiter avec eux d'gal gal. On remarquera encore l'extrme diplomatie dont les Grecsdevaient user, les marques de dfrence, les prvenances qu'ilsfurent fatalement amens prodiguer aux Romains. En son-

    (1) V. son discours dans Liv., XLV, 22-24, qui l'a viderament remani ; cf. Van

    Gelder, op. laud., p. 151, sq.

    (2) PoLYB., XXX, 6, confirme en effet cette allgalion.

    (3) Meyer, Orator. roman, fragm., p. 104, 2 d., ou Johdan, M. Catonis quae

    exstant, p. 21.

  • 10 PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE.

    gant tons les vnements qne j'ai raconts jnsqu'ici, ilsdurent faire la rflexion que Rome tait videmment la plusforte, et, puisqu'aucune puissance n'existait plus, capable deralentir son expansion, qu'il y avait tout profit s'inclinerdevant elle, que c'tait folie de vouloir lui rsister.La campagne contre Perse s'tant faite tout entire de l'autre

    ct de l'Archipel, les domaines du roi de Pergame n'en furentpas branls. Il est certain que le Snat dut continuer dicteren quelque faon ses volonts aux souverains asiatiques ; seu-lement ceux-ci, en droit tout au moins, restaient indpendants.Mais voil qu'en 133 se produisit, au dire des historiens, un faitinoui dans l'histoire du inonde : le roi Atlalc III Philomtormourut, lais.sant un testament qui faisait le peuple romain sonhritier. Il est singulier qu'une nouveaut semblable n'ait pasproduit plus de commentaires, amen les historiens . s'enquriret nous transmettre quelques dtails sur ce mode, jusqu'alorsinconnu aux Romains, d'acquisition de territoire. Du moins lestmoignages sont nombreux ('). Il n'y a donc pas de doute : toutle monde, h Rome et en Grce, croyait la ralit de la dernirevolont d'Attale. Pourtant tous ces tmoignages sont extrme-ment brefs ; ils consignent simplement le fait ; enfin on pou-vait considrer que tous sont postrieurs l'vnement, quel-ques-uns mme de plusieurs sicles, motif gnral de suspicionen histoire. Les sceptiques n'ont en effet pas manqu ; Berg-mann, reproduisant les arguments de Meier, fait valoir lalettre de Mithridate au roi des Parths, Arsace, rapporte parSalluste(^), o il parle du testament impie et simul ; simpleprsomption nanmoins; Mithridate pouvait calomnier ses ad-versaires. On a fait valoir la haine que devait prouver Attale l'gard des Romains, qui s'taient moqus de son pre, le faitqu'il avait un hritier naturel, le caractre un peu nigmatiquede cet Eumne de Pergame qui, au seul tmoignage de Plutarque,aurait apport Rome le testament et pouvait passer pour unagent secret de la faction des Gracques ; le soin que prenaientd'ordinaire les Attalides, princes d'origine trangre, de mnager

    (1) Liw., Epit., 58, 59 ; Ivstin., XXXVI, 4 ; Strab., XIII, 4, 2, p. 624 C ; Vell.Paterc, II, 4 ; Val. Maxim., V, 2, Ext. 3 ; Flor., I, 35, 47 ; II, 3 (= II, 20, III,12, 15); Plvt., Tib. Gracch, 14; Appian., Mithr., 62; Bel. ciu., V, 1, 4; Ivl.

    Obseq., 87; Evtrop., IV, 18; Gros., V, 8; Serv., ad. .4en., 1,697, et ad Gorgie,m, 25.

    (2) Fragm., Hist., IV, 61, 8, d. Dielsch.

  • PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE. 11

    les susceptibilits de leurs sujets. Mais les Grecs ne s'levaientpas la notion de nationalit, et le dernier des Attales, fantasqueet brutal, ne suivait gure les traditions de ses prdcesseurs.Remarquons qu'aucun auteur, grec ou romain, n'met l'hypo-thse mme d'une falsification. videmment, toutes ces consi-drations ne nous clairent pas sur les motifs qui ont dterminun prince, du reste, ce qu'il semble, mal quilibr ; mais dumoins nous avons depuis peu une attestation trs srieuse del'authenticit du testament. En 1885 a t trouve, dans lesfouilles du thtre de Pergame, une inscription qui nous rap-porte deux dcrets de l'assemble du peuple, rendus immdiate-ment aprs la mort du dernier roi(^).

    tant prtre Mnestrate, fils d'Apollodore , le 19 du moisEumeneios ; dcrets du peuple ; proposition des stratges :attendu que le roi Attale Philomtor et Evergte, ayant quittles hommes, a laiss libre notre patrie, et lui a mme assignun territoire ennemi (^) qui il a jug propos [de donner ga-lit de droit?] et qu'il faut que le testament soit sanctionn parles Romains (') , etc . . .

    Ainsi, cet intitul nous donne les motifs de droit public de lacomptence de l'assemble pour les dcisions qu'elle vaprendre : il n'y a plus de puissance royale, la ville est libre etpeut user sans limites du droit de se gouverner elle-mme, lesRomains n'ayant pas encore assum les droits de souverainetque leur confre la dernire volont du roi. On est au termed'une guerre, la paix n'est pas encore revenue dfinitivementdans l'tat de Pergame; il y a des mesures de sret prendre ;l'tat se dcide relever la situation juridique d'un certainnombre d'habitants. Que dirait maintenant le plus sceptique?Que les Romains, ayant forg un acte mensonger, ont su per-suader aux Pergamniens que c'tait bien l'uvre d'Attale.Quelle invraisemblance ! La placidit mme avec laquelle cetteassemble dlibrante s'exprime ce sujet, donne penser quela chose s'est faite sans surprise et que peut-tre mme l'opiniontait dj informe avant la mort du roi.Donc, les Romains n'avaient pas fabriqu le testament de

    (1) Fhankel, Inschriften von Pergamon, I, p. 171 sq. ; no 249.

    (2) Allusion fort vague (comme celle du n 246, 1. 8, p. 153) une guerre incon-nue et forcment rcente.

    (3) C'est--dire : attendu qu'il n'a pas t sanctionn encore par les Romains, etque jusque-l notre libert reste entire.

  • 12 PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE.

    toutes pices; ils acceptrent du moius le legs trs volontiers.Tib. Gracchus fit voter par le peuple que l'organisation dela nouvelle province serait dlibre dans les comices partribus; mais la dlibration n'eut jamais lieu, le tribun ayantt tu peu aprs. Lui mort, le Snat se ressaisit de la question (') ;le grand pontife Scipion Nasica, celui-l mme qui s'tait mis la tte des optimales, fut envoy en Asie avec quatre autressnateurs pour rgler la condition future des villes. Mais la mortle surprit bientt Pergame (a. 132).

    Les princes voisins et la plupart des cits grecques quiavaient t sous la domination des Attalides reconnurent lavalidit du loslament. Nanmoins, l'britior prsomptif d'Attale,le fils naturel d'Eumne II, Aristonicus, leva des prtentions l'hritage; il parvint se crer des partisans, s'empara desvilles qui lui rsistaient. P>ome ne put sur le champ le mettre la raison, car elle tait alors agite par les factions de Tib.Gracchus et de ses adversaires ; la commission d'abord envoyedans le pays se montra fort au-dessous de sa tche; Nasica lui-mme avait t dpch en Asie par son parti qui voulait lesauver, le drober aux menaces du peuple; la foule l'appelaitmeurtrier, sacrilge, irrite de son rle dans l'assassinat de Tib-rius Gracchus. Aristonicus s'etforait de reconqurir tout leroyaume d'Attale; les Phocens d'abord avaient embrass sacause, mais une dfaite navale que les Ephsiens lui infligrentvers Cym faillit compromettre sa fortune. Il ne trouvaitqu'hostilit dans les cits o dominait le parti aristocratique,sympathique ses adversaires (^) ; il recruta une arme de mis-rables, et d'esclaves auxquels il accorda la libert, s'empara parla force de Thyatira et des autres villes favorables aux Romainspar got ou par crainte, Apollonide, Myndos, Samos, Colophon (^).

    (1) Les rcentes campagnes de fouilles Pergame ont mis au jour une inscriptionmutile, o l'on peut tout juste reconnatre un snatusconsulte qui fi-xait les instruc-tions donner aux prteurs qui seraient envoys en Asie- il semble avoir t rendu

    immdiatement avant l'insurreclion d'Aristonicus {Ath. Mit., XXIV (1899), p. 191sq., no 61).

    (2) Aelius Aristide, implorant les empereurs en faveur de Smyrne, fort prouvepar les tremblements de terre, faisait valoir le dvouement tmoign par cette ville la cause romaine pendant la guerre contre Antiochus, et au moment de la rvolte

    d'Aristonicus, rappelant qu'elle avait d subir des siges tl soutenir des batailles,et qu'elle avait gnreusement distribu des vtements aux soldats romains qui enmanquaient (I, p. 766 Dind. = II, p. 15 Keil).

    (3) Sur tous ces vnements, v. Strab., XIV, 1, 38, p. 646 C; Ivstin., XXXVI,

    4; XXXVII, i; Vell. Paterc, II, 4, 38; Flor., Z. cit.; Plvtarc, Flamin., 21;

  • PREMIRES ORIGINES DE LA PROVINCE. 13

    Les troubles qui agitaient la Rpublique empchaient lesRomains d'agir avec promptitude, et ils ne savaient qui confierla conduite des oprations, Les consuls de l'anne 623/131taient L. Valerius Flaccus, flamine de Mars, et P. LiciniusCrassus Mucianus Diues, grand pontife. Crassus jalousait soncollgue; il dclara que Flaccus, s'il abandonnait ses fonctionsreligieuses, devenait passible d'une amende; mais jamais ungrand pontife n'avait non plus quitt l'Italie; le peuple n'y pritpas garde et nomma Crassus. Heureusement les rois de Bithynie,de Paphlagonie, du Pont, de Cappadoce lui prtaient leur con-cours. Aristonicus, lui, s'tait assur celui des Thraces. Crassus,esprit cultiv, mdiocre gnral, ne sut pas conduire les troupes,pourtant aguerries, qu'on lui avait confies, et en 131, il futbattu et tu. Un des consuls de l'anne suivante, M. Perperna,vint le remplacer; il empoisonna les sources, et put, non sanspeine, rduire Aristonicus par la famine; Stratonice, le pr-tendant dut se rendre, et sa dportation Rome fut dcide.Les clbres trsors du roi Attale furent transports en Italie (*).Perperna, arriv au terme de son mandat, allait repartir quandune maladie l'enleva subitement Pergame. Manius Aquilius,consul de 625/129, eut l'art de s'attribuer tout le mrite de lavictoire dfinitive, et, aid d'une commission snatoriale de dixmembres, il organisa la province, o il demeura, aprs la fin deson consulat, jusqu'en 126 (-).

    Appian., Mithr,, loc. cit.; Evtrop.,IV, 20. Il serait curieux de connatre

    l'attitude de la ville mme de Pergame, si vite rsigne changer de matre. Florusne la cite pas parmi les iirbes paucae resislentes. Probablement, elle fut d'abordfavorable Aristonicus, pour l'abandonner ensuite quand la fortune des armes l'euttrahi.

    (1) IvsTiN., XXXVl, 4.(2) Aussi Strabon {l. cit.) lui attribue la formation mme de la province d'Asie :

    Mvioi; S"AxuX)ao tteXwv uTtaTo; [ASt Sxa TrpeaEyxwv StlTa^e t-jV Trap^fav.

  • CHAPITRE II

    HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE

    Il ne s'agira pas imiqnement dans ce chapitre de Thisloire del'Asie comme province; cette lude se confondrait partiellementavec celle de l'administration romaine et des agents du pouvoircentral. L'ancien royaume des Attales et les rgions voisinesont t le thtre d'vnements politiques et militaires; les popu-lations ont t mles aux conflits extrieurs et aux guerresciviles; le rle qu'elles ont jou dans les uns et dans les autresn'a pas t sans exercer une grande intluence sur la situationque leurs matres leur ont laite. Distinguons pourtant tout desuite deux poques : la Rpublique, durant laquelle l'Asie a tpresque constamment agite; l'Empire, poque de calme assezconstant; la distinction n'tonnera pas, puisqu'elle s'applique-rait vraisemblablement presque toutes les parties du monderomain. Les dveloppements relatifs la premire priode aurontdonc quelque tendue; les autres seront beaucoup plus courts.Quiconque voudrait tudier la civilisation de la province, soussa forme la plus acheve, sans s'occuper de son volution, seplacerait videmment sous l'Empire, et de prfrence au tempsdes Antonins. Ce que j'en viens raconter sera par suite commeune prface; d'o la place de cet expos en tte du tableaugnral des institutions de l'Asie.

    1. L'Asie sous les derniers rois.

    Il est intressant d'avoir un aperu de la situation du paysavant la domination romaine, ne ft-ce que pour rpondre cette double question : les Grecs d'Asie ont vu leur vie locale setransformer; du rgime antrieur qu'ont-ils pu regretter? quellesnouveauts ont t pour eux un bienfait? Cette histoire, il estvrai, reste malheureusement encore crire; aprs Alexandre,les annales du monde grec inspirent en gnral peu de curiosit.

  • HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE. 15

    et pour parler surtout du royaume de Pergame, on s'est attachfort peu les reconstituer. Il y a nanmoins des faits bien acquis.

    Les temps qui ont suivi le dmembrement de l'empire mac-donien sont caractriss essentiellement par un tat de guerre

    continuel ou peu prs permanent. Les disputes entre gnraux,entre rois, pour la possession de territoires plus vastes que le

    domaine du voisin, n'ont pas cess; chaque prince peut-tre a euson tour de succs; le pays seul n'a rien gagn ce dchane-ment de convoitises, qui a srement produit beaucoup de ruines.Mais les guerres dont nous avons un cho certain datent surtoutde l'poque des Sleucides, du iii sicle avant notre re. Pourles cinquante annes qui ont prcd l'tablissement dfinitifdes Romains en Asie , ce que nous connaissons proprementde l'histoire locale est fort peu de chose; les auteurs classiques

    ne nous en ont gure entretenus qu' propos de leur histoirenationale; s'ils parlent de l'Asie, c'est que les lgions romaines

    y ont dbarqu. En dehors de ces heures de crises, le pays jouis-sait-il donc de la paix, ou le silence qui enveloppe ses destinesindique-t-il que l'activit et la vie y faisaient dfaut? tudiantla rgion de Milet, Olivier Rayet s'exprimait ainsi (') : Lesdeux sicles qui s'coulent entre la conqute d'Alexandre et lamort d'Atlale Philomtor, sont l'poque de la plus grande pros-prit (de Tralles, comme) de toutes les villes de l'Asie Mineure.Les guerres des Attales, des Sleucides et des Plolmes n'taientni trs meurtrires, ni trs ruineuses pour le pays, et l'autoritdu vainqueur du jour tait toujours trop menace pour pouvoirdevenir trop oppressive (-). Au milieu de ces interminablescomptitions, les cits populeuses et riches parvenaient aisment se faire mnager, obtenir des privilges et mettre hautprix leur fidlit. La scurit plus grande du commerce, le dve-loppement du luxe, les progrs de l'industrie compensaient lar-gement pour elles les quelques exactions qu'elles avaient subir. De nombreux faits, ajoute Rayet, prouvent combienTralles (en particulier) tait riche et prospre cette poque.C'est du m et de la premire moiti du ii* sicle que datent lesmonuments les plus importants de la ville. Enfin, une autre

    (1) Milet et le golfe lalmique, Paris, 1877, 4, I, p. 66.

    (2) Pourtant la Carie, pour ne citer que cette rgion, que Rayet avait principale-

    ment en vue, prit volontiers parti pour les Romains, lors de leur premire entre

    en scne ; cette sympathie pour l'tranger, qui arrive avec un appareil de guerre,

    donne penser malgr tout, mme si on la croit inspire en partie par la crainte.

  • 16 HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE.

    preuve de la prosprit des cits avant l'hgmonie romaineserait la frappe abondante des cistophores, la nouvelle monnaiegnrale du pays.Je ne puis m'empcher de penser que ces paroles rvlent un

    optimisme exagr; et surtout, je crois raisonnable de distin-guer plusieurs poques dans tout le cours de la priode hell-nistique ('); Rayet lui-mme fait la distinction pour Tralles,quoiqu'il ait gnralis plus haut. Non , les guerres des Sleu-cides et des Plolmes ne furent vraisemblablement pas siinolfensives; peu meurtrires, c'est possible; peu ruineuses,on le croirait malaisment. Elles ont t trop constantes etil est trop visible qu'aucune d'entre elles n'a t utile l'Asie Mineure. Qu'importaient aux rivages d'Ionie les affairesd'Egypte ou la question des Parthes? Les Galates, que lessouverains macdoniens n'avaient pas su refouler, ces pillardsinfatigables, tlau de ces contres, ont seuls profit des luttes

    des princes, qui ne voyaient les dtruire aucune vraiegloire militaire. Quant aux rois mmes, ils auraient, mo-narques phmres, mnag leurs sujets pour conserver plussrement leur couronne? Mais jamais les courtes dominationsn'ont t les plus lgres un pays; le matre du jour, peuassur du lendemain, abuse volontiers du prsent. Evidemment,les noms pompeux ou terribles que ces rois s'taient donns oufait donner ne prouvent pas leur cruaut ou leur despotisme ;mais le culte qu'on leur rendit n'est signe non plus d'aucunattachement sincre de la nation pour eux.

    Je n'affirmerai rien de pareil des Attalides. D'abord, il semblebien que, sous leur rgne, les guerres aient beaucoup diminu.Au rebours de leurs prdcesseurs et de leurs voisins , ilsn'eurent pas la pas.siou des conqutes, et ils ne commirent pasla folie de vouloir rsister Rome. A part une expdition assezsrieuse, mais invitable, contre les Galates, sous Eumne II(^),une campagne heureuse en Bithynie(^) et une guerre contre unennemi inconnu, que deux inscriptions rappellent en termesvagues (*), et qui auraient valu au royaume de Pergame unaccroissement de territoire, nous ne voyons pas que la vie du

    (1) La plus malheureuse peut-t.'-e a t celle qui embrasse la seconde moiti du

    m' sicle. Cf. Beva.n, The House of Seleucus, Londres, 1 (1902), passim.

    (2) Frnkel, Inschriften von Per'gamon, n 167.

    (3) POLYB., XXIV, 1.

    (4) Frankel, 246 et 249.

  • HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE. 17

    pays ait t vraiment trouble. Le despotisme avait ses limites,puisqu'un certain nombre de villes taient libres, c'est--direafifranchies du tribut, en l'an 130.Une vraie ambition civilisatrice parat mme avoir saisi certains

    de ces rois. Attale II possdait des richesses proverbiales; il lesemployait protger les arts et les lettres; lui-mme prenaitl'initiative des grandes entreprises industrielles et commerciales

    ;

    on attribuait aux rois de Pergame l'invention des toffes bro-ches d'or, dont parle Pline l'Ancien ('), connues sous le nomde iiestes Attalicae, et qui taient travailles dans des fabriquesroyales; il existait encore de nombreuses tuileries royales,comme l'attestent les inscriptions des tuiles conserves (^).Eumne II, prdcesseur de cet Attale, s'tait montr un grandconstructeur (^), auquel Pergame devait beaucoup. Son dsir decrer une rivale la bibliothque d'Alexandrie avait amenl'invention et rpandu l'usage du parchemin (^).

    Mais il faut bien remarquer que la capitale surtout profita decet essor; il est certain qu' cette poque les routes faisaientpresque dfaut en Asie Mineure ; la faible longueur de leurrseau mettait obstacle aux transactions, et l'on ngligeait deles entretenir; les hritiers d'Attale ont eu, pour la voirie,beaucoup l'aire. L'intrieur du pays ne fut gagn que lente-ment la colonisation; la prosprit que Rayet a constate Tralles pouvait prter l'illusion, maisTralles tait prcismentsitu aux abords du Mandre, c'est--dire dans une positionexceptionnelle sur la plus grande voie commerciale d'alors.

    Enfin cette quitude relative ne provenait pas uniquementde la sagesse des matres du pays. On n'a pas oubli que, duranttout le second sicle, la main de Rome n'a cess de se fairesentir en Asie. Elle y tait dj matresse de fait; elle avaitinterdit Antiochus d'y venir guerroyer, dfense salutaire cespopulations, qui gotaient dj par avance la paix romaine.Elle dictait ses volonts aux gostes rois de Pergame, commedu reste leurs voisins. Plus d'une ambassade des Attalides pritle chemin de l'Italie (*), et en rapporta l'indication d'une ligne

    (1) //. A'., VIII, 1%; XXX YI, 115.(2) Cf. Cari Schuchhardt, Die Inschriften auf Thon, dans les Alterthumer von

    Pergamon, VIII, 2.

    (3) Strab., XIII, 4, 2, p. 624 C; cf. Frankel, n" 167.

    (4) Plin., h. N., XIII, 70.

    (5) PoLYB., XXII; XXIII, 6; XXIV, 3; XXV, 6; XXXI, 9; XXXII, 3, 5.

    V. Chapot. La Province d'Asie. 3

  • 18 HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE.

    de conduite suivre. Eu ralit, le rgime romain commenaitdj par un protectorat dguis ('); et nous allons voir que cettepremire foi-me de domination avait t en somme plus heureuse,plus douce que le gouvernement direct des Romains, au moinscelui des premiers temps.

    2. L'Asie au Pillage.

    Je rsume dans cette formule l'tat de la province durantl'poque rpublicaine. Il y eut pourtant d'abord, du dbut del'occupation jusqu' la guerre de Mithridate environ (131-90)une priode de calme relatif. Pendant quelque quarante ans,absorbe sans cesse par les discordes civiles l'attention du Snatromain est fort peu attire par l'Orient. On ne voit mme pas

    (i) Celte inlluence lalente se trahit souvent par de petits cts qui ne sont pasngligeables. 11 nous est rapport qu'ApoUonis, pouse d'Attale I"", femme d'un raremrite, fut exceptionnellement respecte de ses enfants et de son entourage (cf.

    Plvtahch , De fralerno umore, 5, 18). Nous avons encore un dcret de Tos,instituant des cnJmonies religieuses en son honneur (Leb., 88). Aprs sa mort,Attale II lui leva un temple Cyzique et l'orna de nombreux bas-reliefs reprsen-tant dos sujets tirs de la mythologie et rappelant des traits d'amour filial et dedvouement maternel; il y en avait mme d'emprunts aux traditions romaines, etc'est peut-tre, comme le dit Waddington (ad Leb., loe. cit.), le plus ancien desmythes latins sculpts sur un temple asiatique. Le texte nous a t conserv dansVAittholoffie palatine (d. Stadlmiiller (Teubner), III, 19 [p. 66-67]) :

    Tdv 8e (l'j [lv TcaStov xp-j^tov tk^vov "Ape TiXTEti;,'Pvi[A(5v te |yv^ xal 'Pm[i.uXov Xe^^lwv

    0r|p k ).ijxaiv ' avpwTEv 'jno (i-Kr{kfjyyi TtGrjv;,o'i' (7 uffyjxdTwv ripTiacav x xajAxwv.

    Voil les enfants que tu as donns Ares, peine secrte, Rmus et Romulus,ns du mme lit; une louve en a fait des hommes, en les allaitant dans unecaverne; et ils t'ont arrache aux souffrances dures gurir Plaoude, dans soncommentaire, explique qu'il s'agit l de Rhea Syluia, mre du fondateur de Rome,que son oncle Amulius avait fait entrer dans le corps des Vestales, et qui fut dli-vre ensuite par Romulus.

    L'intrt historique de cette banale pigramme est vident. Avant la formation desprovinces d'Orient, les Grecs n'empruntaient que trs rarement des lgendes romaines,leurs traditions mythologiques se sont jalousement maintenues l'cart. L'existenced'un texte semblable sur un monument de Cyzique au ii sicle n'est pas lersultat d'une lente infiltration d'ides trangres; elle atteste une influence directeet un peu autoritaire, qui seule a pu provoquer cet acte de flatterie.

  • HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE. ^ 19

    qu'alors les bases de l'administratioa provinciale aient t jetesd'une manire durable et rellement arrtes. Les gouverneursportent des titres assez divers pendant toute la Rpublique ; engnral, ils partent pour leur gouvernement au printemps, enmai ; mais la dure de leurs fonctions est extrmement variable ;ainsi, M'. Aquilius y passa plus de trois ans. Les premiers d'entreeux et aussi l'opinion publique cette date, Rome semblent avoir considr l'Asie uniquement comme un champde pillage qui s'ouvrait l'avidit romaine.A en croire Justin, le premier gouverneur, P. Licinius Cras-

    sus, n'aurait eu. d'autres vises que de s'enrichir du butin laisspar Attale : qui intentior Aitalicae praedae, quam bello, cumextremo anni iempore inordinata acte praelium conseruisset

    ,

    uictus paenas inconsultae aiiaritiae sanguine dedii{^) ; et ilaurait retard l'issue de la campagne contre Aristonicus, sim-plement pour s'assurer une plus longue suite de dprdations.Il est vrai que Justin seul porte contre lui cette accusation

    ;

    mais elle est assez vraisemblabe, en juger par la conduitedes successeurs de Grassus. M. Perperna et M'. Aquilius fail-lirent en venir aux mains propos des dpouilles du royaumede Pergame ; et la mort du premier empcha temps d'claterviolemment une hostilit depuis longtemps latente. Ici encorec'est Justin qui nous renseigne, au mme paragraphe : Atta-licas gazas, hereditarias populi Romani, yiauibus imposiiasRomam deporiauit. Quod aere ferens successor eius M\ Aqui-lius consid, ad e?npiendum Aristonicum Perpernae, uelutisui poilus triumphlmunus esse deberet fesiinata iielocitate con-tendit. Sed contentionem consulum mors Perpernae diremit. Le mme Aquilius, pour activer sa besogne, empoisonna lesfontaines (-) ; il fut, lui aussi, accus de concussion une dateultrieure, mais acquitt. Le dnouement du procs, nan-moins, ne doit pas nous faire illusion ; les moyens stratgiquesde ce pei'sonnage proclament assez haut que la vraisemblanceest du ct de l'accusation, et la longueur mme de son gou-vernement parle encore contre lui (^).Dans des temps troubls comme ceux o les Gracques agi-

    taient la rpublique, on comprend que les dlateurs ont pu tre

    (1) XXXVI, 4.

    (2) Flor., 1, 35 :i^ II, 20 : Aquilius Asiatici belli reliquias confecit, mixlis(nefas!) iieneno fonlibus ad deditionem quarumdmn urbium.

    (3; Appian., B. du., I, 22; Mithr., 57 ; Cic, In Q. Caecil. diuin., 2[, 69.

  • 20 HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE.

    en nombre ; mais il est clair aussi que les hommes choisis pourune mission quelconque, au milieu de ces violences, neprsentaient priori aucune iraranlie de caractre et de probit,et que les arrts de la justice devaient se ressentir de l'atmos-phre o les juges respiraient.Un trouverneur sans scrupules tait d'autant plus dangereux

    que ses pouvoirs, mal dtiiiis, pouvaient sa guise s'tendredmesurment. En Asie, dit M. Thodore Reinach, l'adminis-tration romaine s'tait installe aussi solidement que peut l'trevm gouvernement qui ne s'appuie ni sur l'intrt ni sur le sen-timent de ses administrs (') . A cette poque au moins, il estavr qu'elle mprisait l'un et l'autre. Elle avait donn quel-ques villes le titre de cits amies et allies ou fdres ; maisleurs privilges taient fort mal respects dans la pratique. Danstout le reste de la contre, le rgime provincial demeurait tablidans toute sa rigueur, le proconsul et ses lieutenants avaientjuridiction suprieure, au criminel et au civil ; les bnficesqu'ils en savaient retirer atteignaient des chiffres normes. Il yavait aussi, pour les villes sujettes, obligation de loger les gensde guerre, de dfrer aux rquisitions de l'autorit militaire ; etcelles-ci ne manqurent pas. Un des premiers arrivs, M. Aqui-lius, avait dj lev des troupes sur le pays.Mais la plus lourde charge subie par la province, ce fut natu-

    rellement l'impt, qui revtait en Asie diverses formes. Aumoment de l'annexion, les hritiers d'Attale, pour se concilierles faveurs des populations, avaient promis l'abolition desanciens tributs (cppo-.), d'ailleurs modrs, qu'elles payaient auxsouverains de Pergame. On se rappelle que beaucoup de villes,peu clairvoyantes, commirent l'imprudence de favoriser l'in-surrection d'Aristonicus. Rome savait quelquefois reconnatreles bons offices ; elle ne sut jamais pardonner. 11 n'y avait euqu'une simple promesse d'exonration ; le gouverneur en exer-cice s'empressa de la retirer.

    Il avait t entendu d'ailleurs, ds le. commencement, quel'Asie serait, suivant l'expression de M. Th. Reinach, la vache lait de la rpublique. Tibrius Gracchus, la premirenouvelle du testament du roi, proposa de distribuer les biensd'Attale aux nouveaux propritaires que sa loi agraire devaitcrer; c'et t dpouiller les villes et les particuliers d'une

    (1) Milhridate Eupalor, roi de Pont, Paris, 1890, p. 83 sq.

  • HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE. 21

    possession lgitime, souvent immmoriale. Le frre du tribun,quelques annes plus lard, en 123, fit voter cette lex Sempro-nia ('), qui organisait le systme fiscal del province nouvelle i^).L'Asie dut fournir sa mtropole une dme gnrale des pro-duits de son sol, et payer des droits levs de page et dedouane ('). Quel tait alors le montant du portorium? Nousn'avons qu'une valuation postrieure ; sous l'Empire, on l'ap-

    pela la qiiadragesima{^). Le quarantime de la valeur, ou2 1/2 /o, joindre au 10 /o des ressources gnrales du sol lui-mme, faisait monter thoriquement au huitime de leurs reve-nus les contributions annuelles des Asiatiques.

    C'tait dj un chiffre lev ; pratiquement, l'impt n'eut pasde limites. La perception fut afferme, sur adjudication faitetous les quatre ans, Rome, par les censeurs ; les adjudicatairesdevaient la rpu])lique un prix fixe; eux de retirer un avan-

    tage de l'opration. Ils n'avaient qu' se payer sur la pro-

    vince ; peu importait que les ressources de celle-ci fussent

    insuffisantes une anne ; il n'y avait pas de rabais sur le prixde location. Il arriva pourtant que la brutalit ne put suffire

    arracher au contribuable ce qu'on exigeait de lui. En 692/62,nous dit Cicron, Asiani, qui de censoribus conduxey^ant yqiiesii sunt in senalu se, ciipiditate pr^olapsos nimium magnocondiixisse ; ut inducerelur locaiio, postulauerunt i^) . Ainsi

    cette ferme des impts de l'Asie tait tellement recherche que

    les adjudicataires, en dpit de leurs pleins pouvoirs de fait,devaient renoncer pressurer les habitants au point d'atteindre

    le chiffre exorbitant de leur enchre. Inuidiosa res, turpis pro-

    testatio ! s'crie Cicron ; nous prfrerions connatre le succs

    de la requte.Les fermiers, devant lever les contributions dans des districts

    de grande tendue, taient astreints d'normes avances defonds ; leur recrutement s'en trouva par suite singulirementcirconscrit. Il existait dj avant la loi Sempronia de grandessocits financires , les syndicats de publicains , formsde riches banquiers et usuriers appartenant l'ordre questre.

    (1) Cic, Verr., III, 6, 12.

    (2) Je renvoie au chapitre des impts la discussion des questions que cette loi

    soulve.

    (3) Cic, Pro leg. Manil.,6, 14 ; Sallvst., fragm. V, V Kritz.

    (4) SVET., Vesp.^ 1.

    (5) Ep. ad Atlic, I, 17, 9.

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    Eux seuls furent en mesure d'acqurir la perception desimpts. Ils fondirent sur le pays et en commencrent l'pui-sement mthodique. Ils fixrent leur bureau central phse,dans la capitale, aux cts du gouverneur dont ils purent ais-ment se faire un complice, quitte sans doute acheter au besoinsa complaisance. Ces hommes avaient leurs services une nued'agents de perception.Mais ils ne se bornrent pas recueillir les contributions ; ils

    entreprirent aussi l'exploitation industrielle et commerciale desrichesses de la province ; Cicron, dans le discours pro legeMa?iUia{^), fait des allusions constantes aux intrts que denombreux Romains ont en Asie. Ils se sont rendus acqureursde champs, de carrires, de salines, de mines ; ils y font travail-ler des troupes normes d'esclaves ; et vont jusqu' voler leshommes libres des royaumes voisins pour complter l'embau-chage de leurs ouvriers. Beaucoup de particuliers taient venusd'Italie dans cette rgion rpute riche pour y chercher fortune ;dj plus de 100 000 s'taient abattus sur elle quand clata laguerre de Mithridate. C'taient, naturellement, en majeure par-tie, des aventuriers, pratiquant l'usure, volant, eux aussi, des

    esclaves, l'imitation des grands personnages qu'ils avaient

    suivis. Sous la protection du gouverneur, tous ces hommesfaisaient aux indignes une concurrence dloyale ; et les Asia-

    tiques, en retard dans le paiement de la dme, peuplaient lesprisons et grossissaient le chiffre de l'lment servile.

    Tout ceci nous est connu surtout par des documents d'une po-que postrieure la guerre de Mithridate, et un scrupule d'ordre

    chronologique, qui me parat ncessaire, m'amne renvoyer quelques pages plus loin le tableau complet de cette exploitation

    des Asiatiques par les Romains. Je veux cependant noter toutde suite que les sources auxquelles je fais allusion et qui sontempruntes l'uvre de Cicron nous renseignent sur unesituation qui tait sans doute dj ancienne l'poque o ilparlait ou crivait. La description du gouvernement provincialnous manque pour le dbut du !' sicle, mais nous avonsquelque aperu de ce qu'il devait tre. Ces hommes qui

    (1) V. surtout cap. 7 : Haec fides, atque haec ratio pecuniariim , quae liomae,

    quae in foro uersatur, implicila est cinn illis pecuniis Asiaticis et cohaeret ;

    ruere illa non possunt, ut haec non eodem lahefactata motu concidant. Beau-coup de Romains sont venus pRrsonnelleraent en Asie, d'autres suas et suoriim

    in ea proiiincia pecunias magnas coUocatas habent.

  • HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE. 23

    puisaient l'Asie taient asssiirs de l'impunit, car, depuis lesGracques, les tribunaux de Rome taient forms de chevaliers,confrres, souvent associs des publicains.Ces pillards titre public ou priv ne tolraient pas qu'il y

    et un gouverneur honnte. Tel parat s'lre montr pourtantle second Q. Mucius Scaeuola ; sa dignit de, grand pontife lemit l'abri des reprsailles ; mais il fallait une victime auxchevaliers, et ils jetrent leur dvolu sur son questeur, RutiliusRufus, qui, aprs le dpart de Scaeuola, resta charg lui-mmequelques mois du gouvernement de l'Asie, en attendant l'arrivedu nouveau titulaire. Il avait tent d'arrler les exactions desfermiers. Ce fut lui qu'on accusa de concussion ; ses juges, leschevaliers, soutinrent les publicains et condamnrent l'exilleur censeur trop svre. Personne, Rome, ne pouvait ignorerla vrit; trop d'crivains la font brutalement connatre ('). Etpourtant, tels taient les prjugs des Romains l'gard desGrecs, l'opinion publique accepta la sentence, et ce n'est qu'unequinzaine d'annes plus tard, au temps de Sylla, que le con-damn fut invit rentrer dans sa patrie, ce quoi d'ailleurs il serefusa. Retir My tilne, puis Smyrne, il tait devenu citoyende cette dernire ville, o on semblait le considrer commel'unique reprsentant de l'esprit de justice parmi les Romains.Depuis quelques annes pourtant, nous ne sommes plus

    autoriss croire que les plaintes de ces provinciaux infortunssoient restes inutiles. Au-dessus des tribunaux ordinaires deRome, il y avait encore une ressource pour tous les mcontents,c'tait le Snat. Nous avons vu que les publicains s'taient djadresss lui pour obtenir un rabais sur leurs obligations. LesAsiatiques, de leur ct, l'ont implor, et il nous est rest uncho, trs vague, il est vrai, de leurs instances dans une ins-cription d'Adramyttion(^). Elle nous donne l'intitul d'unedcision arbitrale, rendue par le consul ou le prteur, par ordredu Snat {Z6yiLa.xi (7uy)cX-i^toii)(^), sur l'avis d'une commission de

    (1) V. notamment Cic, Priit., 30; Liv., Epit., LXX ; D. Cass., fgm. 97; cf.Val. Max., II, 10, 5.

    (2) HoMOLLE, BCH, ir(1878), p. 128; Pottier [et Hauvette, IV (1880), p. 376;Foucart, IX (1885), p. 401 ; Mommsen, Ephem. epigr., IV (1881), p. 217; Herms,XX, p. 278 ; WiLLEMS, Le Snat de la Rpublique romaine, I, Appendice, p. 693 sq.

    (3) Ce m'est une occasion nouvelle de rappeler que le Snat n'aimait pas discu-ter avec les Grecs. Leurs ternels discouis l'obsdaient; il avait coutume de les

    renvoyer aux magistrats ; ceux-ci les rudoyaient gnralement, mais du moinsl'assemble n'eu prenait pas la responsabilit.

  • 24 HISTOIRE GNRALE DE LA PROVINCE.

    trente-cinq snateurs, dont les noms nous sont conservs. Ladlibration tait motive parles prtentions opposes des Perga-mniens et des publicains sur un territoire que ces dernierssoutenaient devoir tre soumis l'impt : itept /oSpa; 7[Tt; v vn]Xoyta (TTtv