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Jean BIDEGAIN LE Grand Orient de France SES DOCTRINES ET SES ACTES Documents inédits ^VV?^ ^ ' PARIS LIBRAIRIE ANTISÉMITE 45, Rue Vivienne, 4^ 1905

Bidegain Jean - Le Grand Orient de France Ses Doctrines Et Ses Actes[1] Copy

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  • Jean BIDEGAIN

    LE

    Grand Orientde France

    SES DOCTRINES ET SES ACTES

    Documents indits

    ^VV?^^ '

    PARIS

    LIBRAIRIE ANTISMITE45, Rue Vivienne, 4^

    1905

  • Le Grand Orientde France

  • Tous droits de traduction et de reproductionrservs pour tous pays,

    y compris la Sude, la Norvge^ le Danemarket la Hollande.

  • JEAN BIDEGAIN

    LE

    Grand Orientde France

    SES DOCTRINES ET SES ACTES

    Documents indits

    PARIS

    LIBRAIRIE ANTISMITE45, Rue Vivienne, ^5

    1905

    7^

  • 3 5-

  • AU LECTEUR

    Ce livre rappelle des vnements aux-

    quels je fus ml, ou, plus exactement, queje provoquai.Les hommes qui, ds 1901, se sont faits

    les plus ardents et les plus dvous instru-ments de ce honteux espionnage de nos of-ficiers qui a t fltri par le Pays et par le

    Parlement, veulent, aujourd'hui, avec

    trop de vhmence, mon gr, chargerde toute cette ignominie, leurs anciens chefs.

    Je ne veux pas les imiter. Je dsire, tout

    d'abord, par respect pour moi et pour la

    vrit, revendiquer les consquences de mesactes et ne point laisser aux vivants, ni

    mme aux morts, la charge d'attnuer ma1

    r'

  • - 2

    responsabilit. C'est ce que je dirai en peude mots.

    Je n'ai parl, jusqu' ce jour, que par l'in-termdiaire du trs vaillant et trs aimableM. Gaston Merv. La Fr )nc-Maconnerie, elle,a beaucoup crit, beaucoup parl, depuis le

    28 octobre 1904. Elle s'est dpartie, en cela,

    de la srnit dont toute association philan-

    thropique et philosophique doit tre cons-

    tamment revtue, ainsi que d'un manteau.

    La divulgation des fichesayant rvolutionn

    les entrailles du Grand-Orient de France, il

    a dpos, sur le |)apier des journaux socia-listes et radicaux, trs tlatts de cet insi-

    gne honneur, le fruit de ses mois.

    Le Conseil de T Ordre, compos de re-

    grettables ciiovt^ns, aussi btes et aussi

    lches qu'ils sont nuisibles, n'opre jamaislui-mme, parce qu'il a peur des coups. Aussi,avec prudence, a-t-il imit l'exemple de cer-

    taines jeunes femmes et soudoy, pour ledtendre, toutes les Terreurs du Bloc.

    Pendant quatre mois, il a mis en campa-gne, dans ses gazettes les crivassiers dis-

  • oo

    ponibles des Loges et, ceux-ci, avec le zleardent que provoque toujours chez eux,l'espoir de gagner quarante sous, ont fouilldans les poubelles du Parti afin d'y trou-ver des immondices me jeter.

    Les insultes de cette truandaille justifie-raient, peut-tre, une correction manuelle,mais un homme soucieux de propret nesaurait effleurer, mme avec des pincettes, Harduin, dont la viande tourne, le museau

    dartreux de Lermina, ou la peau crasseusedes gars qui travaillent dans la Sociale.

    Les ructations de ces Messieurs ayantcess, l'air s'tant purifi de leurs odeurs, il

    me parait que le moment est venu o je puism'expliquer devant l'opinion.

    J'ai voulu, surtout, que ces pages rapidessoient comme le reflet fidle, bien que gros-

    sier, de ce personnage social qu'est l'Ordre

    maonnique. Elles n'ont rien de didactique.Elles ne sont, d'ailleurs, au point de vue

    doctrinal, qu'une contribution aux rvla-

    tions dj faites par toute une pliade devaillants et distingus crivains.

  • 4Bien qu'on puisse reprocher ce livre le

    manque d'unit ncessaire une uvre com-

    plte, vous constaterez que chacun de ses

    chapitres se rattache intimement ceux quile suivent ou le prcdent, parce qu'il est,

    par lui-mme, la synthse d'une des diverses

    manifestations de l'activit maonnique dansnotre pays. Cette activit est contraire aux

    intrts primordiaux de la Patrie.

    Le Grand-Orient de France accomplit, chez

    nous, au point de vue national comme au

    point de vue social, une besogne de mensongeet de trahison.

    Le Grand-Orient de France trahit la Franc-

    Maonnerie qu'il a compltement dtournede son but et dont il a fait un groupementexclusivement politique et une officine lou-

    che de renseignements secrets et diffama-toires.

    Il trahit la dmocratie chaque jour, au seinmme de ses assembles o il foule auxpieds les principes qui rgissent toute asso-

    ciation d'hommes civiliss.

    Il trahit la Rpublique et dterminera sa

  • oruine en la rendant csarienne, sectaire, per-scutrice.

    Il trahit enfin la France en tentant d'a-

    nantir toutes les traditions qui sont sa force,

    en essayant de dsorganiser l'arme par la

    dlation, en provoquant la guerre civile quinatra fatalement de l'existence, au sein de

    la Patrie commune, de deux Frances enne-mies.

    J'ai vcu dix ans dans Tintimit de la

    Franc-Maonnerie, et, pendant ces cinq der-

    nires annes, j'ai assist toutes les san-

    ces du Conseil de TOrdre, l o se concen-

    trent, se concrtent, les efforts, les espoirs,les ambitions du parti au pouvoir et les ap-

    ptits de la racaille parlementaire groupesous la dnomination gnrique de Bloc

    rpublicain . Je ferai, lorsque je jugerail'heure venue, le rcit de mon sjour auGrand-Orient de France. En attendant, jevous invite lire ce qui suit.

    Je crois pouvoir dire que ces pages sm-

    cres sont l'expression de la vrit.

    Jean Bidegain.

  • Prsentations

    UIllustration, qui ]>ijl)lia mon portrait le7 janvier 1905, disait, dans une notice me con-cernant : Le nom dt^ M. Jean Bidegain appar-tient, dsormais, l'Hi>toiie. Cela me parutexcessif, mais un grand nombre de mes amism'avourent partager celte opinion et je n'ai

    pas voulu me refuser plus longtemps croire

    que je fus, pendant quelques mois, un person-nage clbre.

    J'avoue que je n*ai pas le souci de l'opinion

    publique. C'est pour cela que je n'ai presquejamais rpondu aux alla({ues diriges contremoi par la presse mat;

  • 8

    el quelques amis vnrs dont l'approbationme suffit.

    Cependant, on m'a fait entrevoir que, si jecontinuais garder le silence, le temps pourraitconsacrer de son autorit les erreurs elles men-

    songes d'aujourd'hui. Je me suis laiss toucher

    par cet argument, car, si j'aime d'un solideamour tout le pass vcu par mes aeux, j'aimeaussi, un peu,

    par anticipation, tous

    les hommes qui viendront aprs nous et quinous jugeront.

    D'ailleurs, il serait lche, ou au moins fort

    imprudent, d'accepter que l'on vous reprsenteaux yeux de la foule avec un visage et dans une

    attitude que vous n'avez jamais eus. Il n'est peut-tre pas d'poque o, grce aux mensongesde la presse enjuive, il soit plus difficile

    qu'en notre temps, de connatre la vrit sur les

    vnements politiques dont sera faite l'histoirede demain. x\ussi convient-il d'exposer ceux-ci

    en leur simplicit. Les luttes, les incidents, les

    polmiques d'aujourd'hui, contribueront, en

    effet, trs puissamment, former l'me de

    cette France venir que nous souhaitons vri-

    tablement consciente et libre.

    Ces considrations m'ont dtermin crire

    ce livre. Il contient une confession sincre. Je

  • 9

    dis confession, bien que le mol ne soit pasexact. En effet, je ne suis coupable d'aucuncrime et, au conlraire, je suis convaincu d'avoirrendu mon pays un service minent.

    Tout ce que je dirai ici m'attirera des injuresde la part des journaux amis du Grand-Orientde France. Cela ne me troublera pas. C'estaux hommes de bonne foi seuls que je m'a-dresse, ceux qui, lgitimement curieux deconnatre en son intimit l'histoire de leur

    pays, ne se contentent pas de lire chaque jourun journal et de croire aveuglment ses affir-mations.

    * *

    Je suis d'une vieille famille franaise, dontla pauvret, comme celle de beaucoup d'autres,est due aux juifs qui se sont abattus sur laFrance et qui la ruinent. Je n'appartiens pas la bourgeoisie, cette classe suspecte composemi-partie de tripoteurs smites, mi-partie de

    politiciens tout faire. Je suis du quatrimetat, je suis du Peuple, et ds l'ge de 13 ans

    j'ai travaill trs durement pour vivre. J'ai

    appris moi-mme le peu que je sais et n'aijamais sollicit de qui que ce soit une faveur

  • 10 -

    quelconque. Cela m'a permis de toujours con-server mon indpendance morale. Je vous diraiencore que j'ai l lev par des religieux, mais

    que je n'ai pas la foi, que je ne l'ai mmejamais eue intgralement. Mon esprit est ferm,depuis de longues annes, aux choses de l'au-

    del, bien que je ne sois pas le moins du mondeanticlrical la manire d'Edgar Monteil. Jeme suis mari civilement et, avec une rigou-reuse logique, mes anciens Frres en ont conclu

    que j'tais un jsuite de robe courte. Gela se

    comprend, au reste, une des qualits requisespour tre un bon Maon tant d'user, danstoutes les occasions solennelles, du concoursdes prtres.

    Enfin, j'ai un autre dfaut, celui de vouloir

    une France forte, gouverne par des hommeshonntes et intelligents et non par des imb-ciles et des cyniques.

    Je dis tout ceci rapidement pour tablir monidentit morale.

    Mon seul dsir, en crivant ces pages, est

    d'inspirer aux patriotes, aux vrais rpublicains,cette pense de salut national que si un hommeisol a pu contribuer, comme je l'ai fait,

    portera la secte maonnique une grave atteinte,ils pourront, en s'unissant, dlivrer jamais

  • 11

    leur pays de la canaille qui le dshonore et le

    ruine, moralement et matriellement.

    Dans ce livre, je n'ai pas fait uvre d'his-

    torien. En ce qui me concerne, je me suis

    content d'exposer brivement et simplementles motifs et les circonstances de mes actes.

    J'ai voulu surtout montrer la Franc-Maonnerieactuelle sous chacun de ses aspects particuliers.Je crois que la lecture de ces pages, vous

    donnera l'impression trs nette du dangerque fait courir au pays cette nouvelle Congr-gation, par ses intrigues, par les moyens qu'ellemet en uvre afm de raliser le but secret pour

    lequel elle a l fonde et qui est la dnationali-

    sation de notre pays, la destruction des tradi-

    tions et des forces qui sont le meilleur de la

    Patrie.

    La Franc-Maonnerie fut jadis le rendez-vous

    d'esprits calmes et d'une tendre amnit qui,en des discussions-affectueuses, rgles pai' des

    coutumes singulires, aimaient se nourrir en

    commun de cet idal philosophique et social

    dont vcurent intellectuellement les contempo-rains de Rousseau et les hommes de 1848. Des

  • 12

    gens de toutes conditions s'y runissaient sous le niveau de l'galit . Aujourd'hui,la dmagogie, laquelle on donne de nos joursle nom de dmocratie, et qui en est la nga-tion, a envahi les Loges. Le recrutement desateliers maonniques se fait sans aucun soucide slection, le plus souvent dansl'unique pensed'encaisser un peu d'argent. Insensiblement,

    lentement, depuis trente ans, les plus nfastes

    lments d'anarchie s'y sont introduits, et l'on

    peut dire que le niveau moral et intellectuel des

    Loges est sensiblement infrieur celui de la

    moyenne de la Nation. Cependant, les groupesmaonniques dirigent la politique franaise,dira-t-on. Je ne crois pas qu'ils l'aient dirige,avant ces cinq dernires annes, autant qu'onl'a dit, mais, il est incontestable que l'Ordre

    maonnique, malgr son mauvais recrutement,possde une trs grande influence dont les cau-ses sont le fanatisme politique et le proslytisme

    que dtermine chez les siens l'ducation parti-culire qui leur est donne. Cette ducation a

    pour consquence de substituer, l'me pas-sive d'un homme quelconque, une me dehaine et de combat.

    Dans les Loges, ct des arrivistes, de

    plus en plus nombreux, se pressent, en une foule

  • 13

    compacte, ces gens, incompltement affranchis,

    qui, refusant d'accepter les dogmes des reli-

    gions, prouvent cependant, l'imprieuse nces-sit de croire en des mots vagues et trompeursou en la signification mystrieuse des symboles.Ceux-l deviennent vite des clricaux, les piresdes clricaux. Ds qu'un citoyen est devenu un bon Maon , il subordonne tout au but quela Maonnerie lui enjoignit d'atteindre. Il de-vient un exalt, un assoiff d'absolu, un dan-

    gereux fou politique, un futur pourvoyeur de

    guillotines.

    C'est ce qui explique avec quelle facilit,

    quelle extraordinaire inconscience, les Logesont approuv les enqutes policires auxquelless'est livr, depuis 1901, le Grand-Orient de

    France. Ceux qui gouvernent secrtement la

    Franc-Maonnerie ont, depuis les dbuts de la

    Ptpublique actuelle, transform les murs et

    les tendances maonniques dans un sens anti-

    national. Nul ne le peut nier, sauf les incons-cients des Loges.

    Il faut d'ailleurs, se fliciter de cela. Il est

    bon qu'au sein de la socit franaise existe un

    lieu o aboutisse, comme en un cloaque, ce

    qu'elle compte, au point de vue intellectuel, de

    plus abject et de plus nocif. Le rle social de

  • 14

    la Franc Maonnerie est, ainsi envisag, in-

    contestablement utile. Son utilit ne saurait

    tre mieux compare qu' celle des maisons de

    prostitution.Avant d'aller plus loin, il est indispensable

    que je dise, ou que je rappelle, les vrais prin-

    cipes de la Franc-Maonnerie, car il importede les mettre en opposition avec les travaux de

    police et l'uvre de guerre civile accomplis

    par elle.

    Voici ce que dit la Constitution du Grand-Orient de France :

    " LaFranc-Maconnerie, institution essentiellement

    philantlii'opiqiie, philosophique et progressive,a pourobjet la recherche de la vrit, l'tude de la moraleet ia pratique de la solidarit; elle travaille l'am-lioration matrielle et morale, au perfectionnementintellectuel et social de l'humanit.Elle a pour principes la tolrance mutuelle, le

    respect des autres et de soi-mme, la libert absoluede conscienre.Considrant les concpptions mtaphysiques comme

    tant du domaine exclusif de l'apprciation indivi-duelle de ses membres, elle se refuse toute affir-mation dogmatique.

    Elle a pour devise : Lihert, galit, Fraternit.La Franc-Maonnerie a pour devoir d'tendre

    tous les membres de l'humanit les liens fratei-nelsqui unissent les Francs-Maons sur toute la surfacedu globe.

  • 15

    Les fameuses fiches visaient uniquement,

    vous vous en souvenez, les opinions poli-

    tiques et religieuses de nos officiers. Or, le

    Franc-Maon doit pratiquer surtout la Tolranceet je vais vous le prouver en reproduisant iciune partie de la circulaire du Conseil del'Ordre du 15 fvrier 1904. Je puis en affirmerl'orthodoxie maonnique, car c'est moi-mmequi rdigeai cette circulaire et pas un iota n'en

    fut chang par Ips pontifes dont elle porte lessio'natures.

    I. Modification de l'article premier de laConstitution.

    La L.'. U Union Socialiste^ O.*. de Paris, proposede supprimer les mots la libert absolue de cons-cience du 2 paragraphe de l'article l^'' de la Cons-titution, qui est ainsi conu: Elle a pour principes la tolrance mutuelle, le respect des autres et de soi-mme, la libert absolue de conscience. >On peut dire que le principe de la libert absolue

    de conscience est la pense fondamentale et commela cl de vote del Franc-Maonnerie. Notre Ordreest essentiellement une Contre-Eglise.Les Eglises imposent leurs dogmes et proscrivent

    toutes les conceptions trangres leur foi. Ellesprocdent par affirmations et par ngations. Ellessont intolrantes dans leur essence mme.La Franc-Maonnerie, au contraire, accepte dans

    son sein des hommes de toutes les croyances philo-

  • 16

    sophiques. Pendant un sicle et demi, c'est seule-ment dans nos Loges qu'ont pu s^changer les opi-nions les plus diverses et les plus contradictoires.Nous avons renonc, les premiers peut-tre, frap-per d'ostracisme ceux de nos semblables dont lamentalit est diffrente de la ntre. C'est l un titrede gloire et une garantie de puissance.

    Si nous supprimions aujourd'hui, de l'article l^'" denotre Constitution, cette indication expresse que l'unde nos principes essentiels est la libert absolue de

    conscience, il est bien vident que nous paratrionsau moins avoir l'intention de substituer, cette li-bert, l'imposition d'un dogme. Et, en admettantmme que ce ne soit point l notre pense intime,nous sommes persuads que la force des chosesnous entranerait inluctablement, dans un tempsprochain, exiger de nos adeptes une profession defoi conforme aux conceptions philosophiques de la

    majorit d'entre nous.Ds ce jour, la Franc-Maonnerie deviendrait une

    secte parmi d'autres sectes, une association quel-conque d'hommes partageant les passions, les fana-tismes, les erreurs de tous les groupements fonds

    pour conserver et dfendre de toute altration un

    dogme intangible. La Franc-Maonnerie serait alorsmatrialiste ou athiste ou positiviste, mais elle per-drait son caractre de permanence et d'universalit

    et, par consquent, sa raison d'tre. Elle serait, enun mot, une glise, et tous les esprits libres s'loi-

    gneraient d'elle. Ce n'est certainement pas travailler la grandeur de notre Ordre que de vouloir le r-duire de si mesquines proportions.Nous devons ajouter que la suppression demande

    par la L.*. L'Union Socialiste entranerait ncessai-rement une modification profonde de l'article 1^^ de

  • 17

    la Constitution. Si la Franc-Maonnerie ne pensepas que la libert absolue de conscience doive exis-ter pour ses membres, elle ne tardera pas, nousl'avons dit, imposer ceux-ci un dogme spcial.Du coup, elle cessera d'tre philosophique et pro-gressive, s'interdira la recherche de la vrit et netolrera plus les hypothses philosophiques con-traires son dogme particulier. Elle ne pourra plusproclamer qu'elle se refuse toute affirmation dog-matique et enfin, elle devra supprimer, de la devisedont elle dota la Rvolution franaise, le mot Libert,car il ne saurait y avoir de libert vritable et int-

    grale sans la libert de conscience. Telles seraient,pour notre Ordre, les consquences de la suppres-sion propose.Les hommes clairvoyants savent, d'ailleurs, qu'

    l'poque prsente, nous devons ouvrir les portes denos temples tous les hommes libres et de bonnesmurs qui viennent y frapper. Les dcouvertes dela science, l'instruction donne tous, le dveloppe-ment de la presse, dtruisent peu peu dans les es-

    prits la foi traditionnelle. Des hommes timides ouincertains encore viendront nous, de plus en plusnombreux. Devrons-nous les repousser "? Ce serait,croyons-nous, faillir l'un de nos premiers devoirs.La Franc-Maonnerie a t jusqu'ici une vaste

    cole o des hommes de toutes les classes et detoutes les opinions, athes ou distes, sont venuss'instruire, se former pour les bons combats de ladmocratie. Malgr la diversit de leurs origines etde' leur condition, des doctrines communes les inci-taient parler ou agir, dans le monde profane,conformment aux enseignements reus dans lesLoges. La Franc-Mac.-, fut leur inspiratrice, et c'est

    grce leur coopration qu'elle imprgna la Socit2

  • contemporaine de. sa pense/ Si notre Ordre renon-ait son rle historique, sa mission de propa-gande parmi tous les hommes conscients, sans ex-ception de croyance ou d'opinion, elle prononceraitelle-mme sa condamnation.

    Dans sa Dclaration, le Conseil de l'Ordre a

    depuis longtemps proclam, que la loi primor-diale de la Franc-Maonnerie est la tolrance.

    Elle a solennellement inscrit, en tte de sa Cons-titution gnrale, le respect de toutes les croyances,de toutes les ides et de toutes les opinions, et sa

    propagande est bienveillante, car elle sait que lescurs sont faibles et les cerveaux ignorants.

    Enfin je citerai, en terminant, le passage ci-

    aprs du morceau d'architecture que je lusdans un Chapitre de Paris, lors de mon initia-tion au grade de Piose-Croix et qui me valut

    l'approbation unanime des Chevaliers prsents.

    Il me dplairait que Ton n'affirmt point, au seuilde notre Constitution, la libert complte, pour lesmembres de l'Ordre maonnique, de penser confor-mment leurs tendances naturelles ou acquises. Lapersonnalit morale, si originale soit-elle, quedterminrent en nous les hrdits, les milieux tra-verss, les joies vcues et les lattes entreprises, doittre minemment rvre. Une socit serait has-sable o tous penseraient exactement de la mmemanire. Si, ds l'origine, certains hommes n'avaient

  • 19

    pas t des contempteurs de dogme et d'autorits etne s'taient insurgs contre les erreurs pieusementtransmises, nous n'aurions pas- fait la Rvolutionde 1789 et la Science moderne, cette' Science qui,sans souci des traditions, dtruit aujourd'hui lesthories d^hier, la Science moderne i.ne serait pasne. Je veux la libert de conscience et, si celatait possible, car c'est un rve, il me seraitinfiniment agrable de voir, en une Loge maonni-que idale, disserter et discuter le bonhomriie Mon-taigne, l'intransigeant Bossuet, M. de Maistre, etM. de Bonald,. rigides, figs au centre de ce bloc

    glac qu'est le dogme catholique, le prcis et scien-tifique Littr, M. Renan, l'honnte M. Brunetire etenfin le puissant crivain et le trs moderne philo-sophe qu'est Anatole France.Une diffrence existerait videmment entre une

    Loge ainsi forme et la Loge dsire par nos fi".-. L.M...et L. Certes, si ces amis taient prsents, ils nousdiraient qu'en des discussions courtoises et frater-nelles entreprises dans l'atelier dont je parle, M.Re-nan, par exemple, courrait un grand danger d'treclricalis par M. de Maistre ou ramen dans legiron de l'Eglise par l'auteur de VHistoire univer-selle selon Veriture Sainte. Je n'prouve pas untel degr la crainte du prtre.

    Telles sont, en matire de tolrance, les ides

    que les Maons approuvent et professent au

    Yulgum pecus.On avouera qu'ils ne les ont gure mises en

    pratique l'gard des Franais, leurs frres,

    qui, astreints aux devoirs rigoureux de la d-

  • 20

    feiise nationale, n'avaient pas les moyens de

    rpondre aux attaques diriges contre eux de lamanire la plus lche et la plus haineuse.Vous verrez, au cours de ce livre, se rvler,

    de plus en plus, votre esprit, l'antinomie quiexiste entre les principes proclams par la

    Franc-Maonnerie sur le Forum et ceux qui ladirifi^ent dans ses besognes secrtes.Vous serez, ainsi, amens tout naturellement

    penser que son but n'est peut-tre pas celui

    que l'on a dit jusqu' ce jour et aussi que ce but, pour tre cach avec tant de soin, sous untel amas de mensonges, doit tre inavouable,anti-social et anti-franais.

  • Comment et Pourquoij'ai remis les fiches

    Vous ne trouverez pas ici, le rcit mouvantde drames ou d'intrigues. Je vous dirai tout

    uniment la vrit. Elle est fort simple et, j'ensuis persuad, ceux de mes lecteurs qui ac-

    ceptrent comme vritables les contes fantas-

    tiques de la presse subventionne seront sur-

    pris de cette simplicit.Les motifs d'ordre moral qui m'ont fait agir

    furent ceux que peuvent deviner tous les hon-

    ntes gens. Je ne les exposerai donc pas longue-ment, au moins dans ce chapitre.

    Je considre, avant tout, comme ncessaire

    de dclarer que je n'ai pas de comptes rendreni d'explications fournir aux gens du parti

    qui fut le mien. Ce n'est pas pour eux que

  • 22

    j'cris ceci. J'ai toujours cherch la vrit par-tout o je croyais pouvoir la dcouvrir et si jerevenais sur le chemin que j'ai parcouru depuisvingt ans, je retrouverais, certainement, parmiles vnements divers de ma vie intellectuelle,d'videntes contradictions. Je me flatte de cela',car uii des privilges essentiels de l'hommeconscient est la facult qu'il a de modifier libre-

    ment ses opinions sans avoir s'en justifiervis--vis d'une Eglise. Le Sacr Collge desRites et le Conseil de l'Ordre du Grand-Orient

    peuvent donc, tout leur aise, m'excommunier.Je me contenterai de trouver leurs manifesta-

    tions ridicules et vraiment trop clricales. La

    qualification de tratre ne m'meut pas. J'ai

    agi, ainsi que le ferai toujours, aux injouptionsde ma conscience. Si vous avez lu ce que jepensais du rle que devrait jouer, selon moi, la

    Franc-Maonnerie, vous ne serez pas tonnsde mon volution. Elle n'a surpris aucun de

    ceux qui, depuis vingt ans, me connaissent in-

    timement.

    D'ailleurs, la vhmence avec laquelle on me

    reproche ma trahison n'a pas le moins ^ dunionde pour cause une sainte et noble indi-

    gnation. . ; ,V . .Le snateur Delpech, par exemple, qui rdi-

  • liK)

    gea le fameux et grotesque Manifeste du Grand-

    Orient, a fait lever ses enfants aux frais der

    l'Etat et une demi-douzaine au moins de ses

    parents vivent aux dpens de la Rpublique.Un trs grand nombre de membres du Conseilde l'Ordre se trouvent dans la mme situationet vous n'ignorez pas que nos parlementairesont pour souci principal de caser leur famille et

    leurs cratures dans l'administration . C'est parce moyen et non par la proccupation de d-fendre la Pipublique que le vieux Combes

    maintenait, sous sa houlette, ce btail. Or, si

    l'on touche, au rgime prsent, on atteint enmme temps les gens qu'il nourrit et ceux-cisont prts toutes les gredineries, toutes les

    lchets pour conserver leur situation lectorale

    ou les postes qu'ils occupent au dtriment des

    fonctionnaires indpendants. Les Francs-Maons

    qui se sont livrs l'espionnage des officiers

    ont vu, presque tous, leur zle rcompens.C'est afm d'obtenir les faveurs gouvernemen-tales qu'ils ont dnonc et c'est en cela qu'ilssont bien des dlateurs, au sens tymologiquedu mot.Tous ces gens, politiciens pillards, fonction-

    naires arrivistes, ont mis la France en coupe

    rgle. Ils estiment que tout va bien et ils prou-

  • 24

    vent, vis--vis du citoyen malencontreux dontle pied heurte leur cuelle, la colre farouchedu chien qui l'on veut enlever son os.

    Voil le mobile unique, et le seul vrai, de lahaine dont on me poursuit et dont je me moque.

    Je dois ajouter que je nai jamais sollicitdu Grand-Orient de Finance ni du Gouverne-ment rpublicain, une faveur quelconque pourmoi ou pour les miens. J'ai donn la Franc-Maonnerie et mon ancien parti beaucoup])lus qu'ils ne me donnrent et je les tiensquittes.

    Je n'tais li par rien ces gens. Ne m'tant

    jamais abaiss jusqu' leur demander mme cequi m'tait lgitimement d, j'tais libre de les

    quitter au moment et de la manire qui meconviendraient. Les ilotes qui vieillissent dansles antichambres ministrielles n'auraient pasle droit d'en dire autant, j'en conviens.

    Je n'ai donc pas justifier ma conduite, j'aiagi comme je l'ai fait parce que cela m'a plu,parce que j'ai cru devoir le faire. Si les dla-

    teurs, pendant quatre ans, ont espionn et d-nonc secrtement, c'est au grand jour et mes risques et prils que j'ai rvl leur igno-minie; je ne pourrais accepter de remontrances ce sujet que d'hommes pour qui la Rpubli-

  • 25

    que n'est pas une vache lait. Or, ceux-l, jene les rencontrerai ni rue Cadet, ni au Par-

    lement.

    Initi la Franc-Maonnerie en 1892, j'entraiau Secrtariat gnral du Grand-Orient deFrance en 189-4. C^est en 1901, que je reus, enl'absence de Vadecard, des mains de Mollin, la

    premire demande individuelle de renseigne-ments sur quatre officiers suprieurs parmi les-

    quels, je m'en souviens encore, tait le colonelKoch. devenu, depuis, gnral, dcd aujour-d'hui. Je consentis, de prime abord, crire des amis srs afm d^obtenir les indications sol-licites

    ; puis, aprs le dpart de Mollin, un

    scrupule me vint. Je pensai que ce genre de

    correspondance tait totalement tranger au but

    poursuivi par la Franc-Maonnerie et j'envisa-geai les consquences que pourrait avoir la d-couverte de telles pratiques si elles se renouve-

    laient. Je me contentai donc d'tablir la formulede demande qui, depuis, servit presque toujours,et de faire les quatre lettres, mais, dsireux dene pas participer autrement cette besogne, jene voulus pas signer ces lettres et les fis signer

    par M. Fontainas, alors vice-prsident du Con-seil de rOrdre. Cette anecdote a tout simple-ment pour but d'indiquer quelle fut, ds le

  • 26

    dbut, mon impression personnelle sur les en-

    qutes que l'on fit ensuite par milliers au

    Grand-Orient.

    Beaucoup de raisons me faisaient considrer

    cette uvre d'espionnage comme essentielle-

    ment dangereuse pour la Franc-Maonnerie et

    la Rpublique. Ces raisons, lorsque je les

    exposerai, ne constitueront pas, de ma part, des

    rvlations pour beaucoup de mes anciens amis

    qui je me confiai sachant qu'ils partageaier)t peu prs mes opinions sur ce point, h'clairdu l^'' janvier 1905 publiait, ce sujet, une in-terview d'un Franc-Maon haut plac dans la

    hirarchie des Loges , interview dont je cite

    le passage que voici :

    Un de ses amis du rite cossais le vit cette po-que. Quoique Franc-Maon, cet ami tait de cette mi-norit de la Maonnerie qui n'estimait pas la dla-tion comme indispensable et qui la qualifiait demalsaine. C'tait Bidegain qui disait cet ami : C'est pis que vous ne le supposez. Je fais une

    besogne qui m'cure. Il y a des jours o j'ai enviede tout lcher en criant mon dgot. C'est bas, c'est

    malpropre, c'est haineux. La Maonnerie se dsho-nore...

    Il revint la charge plusieurs reprises, il lui

    parla de ce collationnementdes fiches de dlation

    la grande pense du rgne de Lucipia et de Desmons.A moi-mme, qui dplorais ce moyen, et il savait

    mes rvoltes, il me dit :

  • 27

    Je n'cris plus avec de l'encre, j'cris, avec dela boue...

    C'tait, je crois, avant les ngociations qui abou-tirent. INIais je rie m'tonne nullement des proposi-tions qu'on lui Jlt {1), tant donn qu'il manifestait sarprobation tout haut, dans les milieux maonniquesaussi bien que dans les milieux profanes. Si quel-que chose peut me surprendre, c'est que la maon-nerie ait pu tre surprise.En somme, je tiens M. Bidegain pour un garon

    intelligent, original, personnel, de relations peusres, en ce sens qu'il vous chappe facilementplus dsintress qu'on ne l'a prtendu et qui, dansl'tat d'esprit o il tait, a trs facilement pu ngo-cier la livraison des fiches, en se bornant assurertout juste le pain du jour.Et retenez, ajoute "notre interlocuteur, que c'est

    un Maon qui vous parle, qui proteste contre la d-ation mais quiv s'il explique l'acte de M. Bidegain,ne prtend nullement l'excuser.

    Les confidences que je faisais quelquesamis, je ne pouvais les faire Vadecard, touteconvereation politique srieuse tant devenue

    presque impossible entre nous. Vadecard me

    reprochant quotidiennement de n'avoir pas t

    suffisamment dreyfusard et de n'tre pas ra-

    dical ou socialiste la manire de Jaurs,

    j'avais pris le parti d'viter toute discussion

    (1) Jamais on ne me fit de propositions au sujetdes fiches.

  • 28

    inulite. Je dis inutile, car Vadecard, manqueautant de sens critique qu'une mule d'Anda-lousie. Il s'est toujours content de croire

    aveuglm.ent et mon scepticisme l'gard des

    gens et des principes de son parti provoquaitchez lui de regrettables accs de fureur.

    Dans le courant de 1904, j'appris que l'uvrede dlation, au lieu d'tre restreinte, devait,

    dans l'intention de quelques politiciens du Con-seil de l'Ordre, tre tendue tous les fonction-naires. C'tait le moyen, pensaient-ils, d'obtenir

    des divers ministres, des faveurs plus nom-

    breuses et plus importantes.

    Depuis longtemps, j'avais form le desseinde quitter le Grand-Orient de France mais on

    m'avait encourag y rester encore quelquesannes (1). J'esprais que je pourrais, un jour,y exercer une influence salutaire et j'avaismme projet de former un groupe ferm ol'on se serait occup de ramener l'Ordre maon-

    nique ses principes vritables. M. Gaston

    Bouley, grand chancelier du grand Collge des

    Rites, M. Jacques Escuyer et beaucoup d'au-

    tres que je pourrais dsigner se souviendront,

    de ce que je leur ai dit ce sujet. Par suite de-

    (1) Inutile de dire que je pourrais citer les nomsdes personnes qui m'y encouragrent.

  • 29

    circonslances dont l'intrt n'est pas assez grandpour tre relates ici, je compris qu'il me serait

    impossible de raliser le projet que j'avaisconu. J'tais dsormais oblig de prendre unedtermination.

    J'prouvais pour la besogne policire la-

    quelle je collaborais depuis 1901, une telle

    rpugnance que je ne pouvais un seul instant

    envisager l'ventualit d'avoir la poursuivre

    longtemps encore. D'autre part il me paraissaitque l'espionnage des officiers, qui ne sont ni

    lecteurs, ni ligibles, et qui, par consquent,ne peuvent se dfendre, constituait un tel crimecontre les individus viss et contre la patriemme qu'il ne m'tait pas permis, si je quittaisle Grand-Orient, de garder le silence et de fa-voriser ainsi la continuation et l'extension desi monstrueu.ses pratiques. En les dvoilant,me disais-je, je ne trahirai pas, d'ailleurs,

    si elle existe encore, la Franc-Maonnerievritable qui n'a rien de commun avec la policesecrte et je ne faillirai mme pas mes devoirsprofessionnels puisque je suis entr au Grand-Orient seulement pour y accomplir des besognesadministratives dtermines et honorables etnon pour m'y livrer des travaux ignobles dedlation.

  • 30

    Ce n'est pas sans de longues rflexions et, je

    puis le dire, sans un chagrin profond, que jeme rsolus rompre, pour toujours, avec uneInstitution dans laquelle j'tais entr anim detant d'esprances et avec des amis qui m'taient

    chers.

    Ds que j'eus form le dossier qui me parais-sait ncessaire pour mettre fm, d'une manire

    dfinitive, l'uvre de dlation, je 'fis part de

    ma rsolution un ami en le priant de recher-

    cher, parmi les dputs progressistes ou rpu-blicains nationalistes, celui qui; par son carac-

    tre et son pass militaire, aurait le plus d'au-

    torit pour interpeller sur cette question. Cette

    personne me parla de M. Guyot de Villeneuve

    et, aprs que nous emes ensemble convenu deconfier le dossier cet ancien officier, ce fut

    mon ami lui-mme qui remit les lettres et lesfiches au dput de Neuilly. Le nom de cet

    intermdiaire n'a jamais t cit.La presse du Bloc a invent,' propos de cette

    affaire, une conspiration, un complot clrical

    ou csarien

    Dsireux de ne pas voir s'accrditer cette

    lgende et de revendiquer Fentire responsabi-lit de mes actes, je dclare, de la manire la

    plus formelle, que l'on ne dcouvrit pas

  • 31

    les fiches, iiinsi qiion l'a tant de fois crit, quejamais je ne fus, leur sujet, F objet de solli-citations quelconques et que la rvlation pu-blique des manuvres secrtes du MinistreCombes et du Grand - Orient fut due moninitiative seule. Tout ce c[ui a t dit de con-traire cela est absolument inexact et je puisaffirmer qu aucune des personnes qui furent

    mles, ds le premier jour, cette affaire,ne me dmentira.M. Blatin, dans une de ses innombrables in-

    terviews, rappela que je manifestai publique-ment, au Grand-Orient mme, la sympathie quej'prouvais pour M. Syveton cause de sonattitude si courageuse, M. Blatin, exception-nellement, ne mentait pas en disant cela. Il

    tait, d'ailleurs, naturel que mon attention ft

    plus particulirement attire sur le reprsentantd'un arrondissement o je suis n. Cependant,je ne connaissais pas alors M. Syveton, quije fus prsent lorsque, dj, le dossier de dla-tion tait entre les mains de M. Guyot deVilleneuve. Le regrett dput voulut bien se

    charger dans la suite de me chercher une si^

    tuation, mais ni l'ami dont j'ai parl, ni moi-mme ne le vmes antrieurement.

    J'ajoute que je n'ai jamais eu aucune espce

  • 32

    de relations avec la Li^ue de la Patrie fran-

    aise et que je n'en ai eu, pour la premirefois, avec FAssociation antimaonnique de

    France, que le 4 janvier 1905, jour o je rendisvisite son secrtaire gnral, M. Tourmentin,afin de le prier de me fournir quelques expli-cations au sujet d'une interview publie dans

    un journal du matin par un petit reporterjuif nomm Hausser.On se souvient encore du scandale que sou-

    levrent les documents lus le 28 octobre 1904

    devant la Chambre tonne. Ce fut, pour le

    pays, la rvlation d'un mal secret dont toutes

    les consciences droites s'effrayrent.Je dois signaler, propos de cette sance

    clbre que la premire partie de Tordre du

    jour Maujan ainsi conue : La Chambre bl-

  • 33

    situation la veille, en une runion spciale quieut lieu rue Cadet cinq heures et demie et,l, ils avaient mme envisag l'ventualit dela divulgation des correspondances changesentre le ministre Combes et le Grand-Orient.Pas un de ces hommes n'eut le courage, le28 octobre, de tenter une justification.

    Je me rendis rue Cadet, le 29 octobre, commede coutume, dsireux que j'tais de voir queleffet avait produit dans la mare aux crapaudsla pierre que l'on venait d'y lancer. Ici, je suis

    oblig d'entrer dans certains dtails afm deredresser les premires erreurs propages mon sujet par le Grand-Orient. Ayant t

    oblig de m'absenter, je rentrai vers cinqheures, je crois. Dix minutes ne s'taient pascoules que l'on me manda, ainsi que tous les

    employs du Secrtariat gnral, au cabinet du

    prsident. Dans cette petite salle eut lieu unescne que M. Vadecard, faisant ses confidences un reporter du Petit Parisien, qualifia de tragique et dont le souvenir est pour moi

    particulirement rjouissant. Autour d'unetable dment orne de symboles maonniquesse trouvaient runis MM. Rabier, Delpech,Bouley et Sincholle. Aprs m'avoir adress unsalut auquel je m'abstins de rpondre M. Ra-

    3

  • 34

    bier, qui semblait prsider cette runion, fit

    part son voisin de droite en ces termes fami-

    liers : C'est un sale coup pour nous, vous

    savez, de l'ennui que lui causait le malheursurvenu au gouvernement de Combes. Celadevait gner, en effet, M. Rabier en ses com-

    binaisons, car ce petit avocat d'Orlans, aussi

    nul que bruyant et brouillon, a l'ambition de

    devenir ministre un jour. Et pourquoi ne ledeviendrait-il pas aprs Merlou, Dubief ouTrouillot?

    M. Rabier demanda individuellement, aux

    employs prsents, s'ils taient les auteurs des graves indiscrtions commises la veille. Cesbraves gens nirent avec une sombre nergie.

    Alors le dput d'Orlans s'adressant moime posa cette question : Pensez-vous que l'un

    des employs ici prsents ait pris les dossiers qu'a lus hier, la Chambre, M. Guyot de Villeneuve? Je suis certain qu'aucun(( d'eux n'est coupable, rpondis-je. Dans ces conditions, continua M. Rabier, la situa-

    lion se simplifie, le champ des recherches se(c restreint. Si aucun de ces messieurs n'est coupable, le coupable c'est M. Vadecard ou vous. L'adverbe videmment fut ma

    rponse. On lit descendre au triple galop ce

  • 35

    pauvre Vaclecard qui nia trs simplement avoirt le fournisseur de M. Guvot de Villeneuve. Enfin Rabier se tournant vers moi d'un air

    triomphant m'adressa cette interrogation : M. Vadecard nie. De votre ct, pensez-vous qu'il soit le coupable? Je suis absolu-ce ment certain qu'il ne l'est pas. Il est tout fait incapable d'un acte de ce genre.

    ce Dans ce cas, le coupable, c'est vous.

    J'avais presque l'intention de rpondre affir-mativement

    ;mais dans l'espoir de voir se conti-

    nuer cette am.usante comdie, je dis avec un

    grand calme : Non, ce n'est pas moi. Cette

    rponse sembla plonger les personnes pr-sentes dans une profonde stupfaction.Nous n'allmes pas plus loin ce soir-l. On se

    contenta de se donner rendez-vous pour lelundi suivant cinq heures.

    Je me demande encore pourquoi Pvabier ne

    s'aperut pas, au cours de cette ridicule con-

    versation, que je me moquais de luiSoucieux d'viter les visites probables des

    reporters, je quittai mon domicile, avec ma

    femme, le lendemain dimanche vers deuxheures de l'aprs-midi et nous allmes logerchez des parents. Plusieurs amis m'ont re-

    proch, depuis, de n'avoir pas ni rsolument

  • - 36 -

    afin de pouvoir, en restant au Grand-Orient,

    servir encore la cause nationale. J'en avais

    d'abord fait le projet mais je m'aperus vite

    qu'il me serait impossible de le raliser car

    j'aurais l oblig, pour cela, de laisser peserdes soupons sur des innocents. Je ne pus m'yrsoudre.

    Contrairement ce qui a t dit parle Conseil

    de l'Ordre, j'expdiai moi-mme le lundi 21 oc-tobre, du bureau des tlgraphes du boulevard

    de l'Hpital, une dpche annonant que je merendrais au Secrtariat gnral le mme jour cinq heures; retenu jusqu' six heures et demie

    je ne pus tenir ma promesse. On me conseillace soir-l de quitter momentanment Paris ailnde ne pas soulever des incidents personnels.

    Je me rendis alors Irun, dans l'intention

    d'aller jusqu' Pampelune, o j'avais voir

    plusieurs personnes, puis de revenir dans les

    Basses-Pyrnes pour rendre visite mon pre.C'est le 3 novembre, dans un caf d'Irun, que jelus un entrefilet du journal espagnol, La Voz de

    Guipuzcoa, annonant qu'un mandat d'arrtvenait d'tre dcern contre moi. N'ayant pastrouv de journaux franais pouvant me ren-seigner sur l'exactitude de cette nouvelle ex-

    traordinaire, je rsolus de revenir Paris et de

  • 37

    me livrer immdiatement la justice de mon

    pays.Je repartis donc par le rapide, toujours accom-

    pagn de ma femme, et j'arrivai Paris lelendemain matin 4 novembre.Nous descendmes l'Htel Terminus sous

    le nom de Destancfs et je reus, vers 11 heures,la visite de M. Syveton que j'avais fait prvenirde mon arrive. Celui-ci m'annona qu'aucunmandat d'arrt n'avait t lanc contre moi, quela plainte de M. Vadecard n'tait pas recevableet que, par consquent, il tait inutile de me

    rendre au parquet.

    Uniquement dsireux de ne pas tre assailli

    par les inlerviewers qui n'auraient pas tard

    me dcouvrir, je me rendis dans le Nord puis Gharleroi et Lige o je restai jusqu'au6 dcembre. Il m'est impossible de renoncer

    au plaisir de reproduire ici, propos de mon

    sjour dans cette dernire ville, l'entrefiletsuivant qui a paru dans FEcho de Paris du12 dcembre 1904.

  • 38

    Un tranger mystrieux.Bidegain or not Bidegain.

    Bruxelles, 11 dcembre.

    Fut-il Lige, n'y fut-il pas? Voil le sujet demaintes dissertations et de controverses variesdans la bonne cit des princes-vques. Des jour-naux sont affirmatifs, d'autres esquissent des doutes,d'autres encore ne croient pas l'existence Lige,durant un mois, de l'ex-secrtaire du Grand-Orient.Seul, Bidegain le vrai ne dit rien.

    (I Beaucoup de faux Bidegains l'gal de ces fauxEspagnols qui ne sont pas du tout Espagnols, quoiqu'ils en disent, courent travers le monde.

    C'est ainsi que s'exprime le National, de Bruxelles,et tout porte croire que ses doutes sont fonds.Le Bidegain du Caire se dirige en ce moment vers

    Assouan avec un quipage de chameaux; celui deSalonique crit des farces pistolaires; quant celuide Lige, il parait que c'est un homme fort placide,et, au dire d'un garon de caf de l'tablissement

    Mrier, toute sa distraction consiste admirer laplace des Guillemins.Et c'est de quoi parle tout Lige. Etait-ce Bide-

    gain? N'tait-ce pas Bidegain? Et si ce n'est pas lui,quel est ce mystrieux tranger qui s'en vint, pen-dant un mois, examiner de la fentre de l'htel, laplace de la Gare?

    Enigmes.Fernand Sarnette.

    L'motion des Ligeois avait t provoquepar un article de M. Charles Bronne publi

  • 39

    clans FExpress. Ce journaliste, avec une ha-

    bilet professionnelle vraiment remarquable,avait su me trouver FHtel de F Univers o

    je vcus assez longtemps. Il m'apprit que la loi

    Belge punit d'un emprisonnement de huit jours trois mois quiconque prend publiquement un

    nom qui ne lui appartient pas. C'tait l un dlit

    dont je m'tais rendu coupable, avec la plus

    parfaite bonne foi, dans mon dsir d'viter la

    visite des fcheux.

    Voil toute la vrit sur ma trahison et

    ma fuite . En la circonstance, vous le voyez,la ralit fut beaucoup plus simple que les

    romans divers invents par la presse de

    Combes.Je ne puis terminer sans ajouter que si la

    plainte ridicule que le Conseil de l'ordre avait

    fait signer par M. Vadecard avait t reconnue

    valable, c'est--dire si le procureur de la R-

    publique avait estim que le Secrtaire gnraldu Grand-Orient tait bien le propritaire des

    lettres lues par M. Guyot de Villeneuve, j'au-rais t fond revendiquer, au mme titre quelui, les trs nombreuses lettres et fiches querenferment les dossiers du Grand- Orient de

    France et qui me furent adresses personnelle-ment depuis cinq ans.

  • }Mensonges et diffamationsdu Conseil de l'Ordre

    Je ne m'expliquais pas, autrefois, pourquoide bons et vaillants Franais semblaient avoir

    peur des pauvres gens qui forment la Congr-gation de la rue Cadet. Je comprends aujour-d'hui la cause de cette terreur. En effet, si les

    Francs-Maons sont dnus de toute franchiseet de tout courage, ils possdent, par contre,une telle science du mensonge, qu'ils parvien-nent pervertir l'opinion publique et que les

    honntes gens se laissent tromper par leurs

    affirmations. Je viens d'en faire l'exprience.Le nombre d'erreurs qu'a rpandues sur mon

    compte le Grand-Orient de France par l'inter-

    mdiaire d'agents inconscients ou de repor-ters Isralites est tellement grand, que j'ai

  • 42

    rsolu d'en signaler ici quelques-unes. Ceux

    qui me liront pourront voir ainsi combien ilest ncessaire de passer au filtre serr de la

    critique les contes que leur fait chaque jour la

    presse smite ou gouvernementale, et cela peuttre un enseignement d'une haute porte.

    Il ne faut pas juger du monde prsent parles manifestations extrieures de son activit.Les vnements politiques et les grands ph-nomnes sociaux ont des causes profondes, leplus souvent ignores. C'est en exerant notre

    esprit l'examen scientifique des faits quoti-diens que nous acquerrons la certitude du dan-

    ger qui menace notre patrie. Si l'on a pu, en

    deux mois, imprimer, mon sujet, mille petitsmensonges stupides, de quels mensonges plusmonstrueux ne leurre-t-on pas le public lors-

    qu'il s'agit de couvrir la main-mise des Juifssur la richesse nationale ou les dprdations deleur valetaille radicale et socialiste ?

    Au seuil des chaumires d'un villa2:e ou de-vaut les portes des maisons populaires de Paris,avez-vous contempl, ds le matin, le spectacledes commres assembles? Des yeux inquietset fureleurs sous des bonnets crasseux, des vi-

    sages mchants et craintifs, de longues lippesjauntres englues du fiel des mdisances, des

  • 43

    convoitises, d'anciennes luxures, des haines

    recuites, des odeurs fades de linge sale, des

    cabas bants, des chiens galeux, vocations de

    Gallot et de Daumier dans l'obscurit de vies

    reptiliennes, dans la pnombre de murs hostileset souffreteux. De ces vieilles femmes, de ces

    relents, de ces choses et de ces btes, s'lvent,vers la onzime heure, vivantes d'une vie

    obstine, des rumeurs, des paroles imprcisesmais grosses de venimeux mensonges. Elles seconcrtiseront un quart d'heure plus tard et

    deviendront des certitudes, chuchotes, puis

    clames, qui accuseront, d'une manire dcisive,devant l'opinion du quartier, le mystrieuxlocataire du premier qui, dit-on, a fait cuire sa

    mre petit feu et par morceaux dans un

    pole achet chez Dufayel ou la dame du rez-de-chausse qui se ft avorter hier, parat-il,

    pour la quinzime fois.Tel fut le spectacle que donna, en mon hon-

    neur, pendant deux mois, la presse rpubli-caine franaise.Le 14 novembre, le Temps pubhait une lettre

    signe de mon nom, qu'il avait reue de Salo-

    nique. Je fs remettre ce journal quatre lignesdmentant l'authenticit de celte missive; maisautant il avait mis d'empressement insrer

  • 44

    un document faux, autant il fit de difficults

    pour porter ma rectification la connaissance

    du public. Je ne crus pas devoir insister, et matrs courte lettre fut publie, le 25 novembre,

    par la presse librale. L'attitude du Tempstait due simplement ce fait, que le secrtaire

    de sa rdaction, M. Mathias Morhardt, subit

    l'influence du snateur Delpech, dont il est ou

    fut le collgue au comit directeur de la Liguedes Droits de FHomme.Le 28 novembre paraissait, dans le Matin,

    une nouvelle lettre date d'Alexandrie. Je ne

    me donnai pas la peine de la dmentir.

    J'appris depuis, de source sre, que le Grand-

    Orient avait fait envoyer ces deux lettres parses Loges de Salonique (1) et d'Alexandrie.

    Dans quel but? Je ne puis le dire. Des ides

    aussi baroques ne peuvent germer que dans les

    cervelles fuligineuses de vieux Maons, et il

    est impossible aux gens dont l'intelligence est

    saine, de comprendre l'tat d'esprit qui les fait

    natre.

    Le 18 dcembre, avec une touchante unani-

    mit, la presse franaise et trangre annonaurhi et orhi, mon assassinat au Caire. Je re-

    produis ici cette nouvelle :

    (1) Loge rcemment fonde.

  • 45

    La mort de M. Bidegain (?)

    Le Journal de Seine-e-Oise, o crivait nagureM. Bidegain, annonait, hier, la mort, au Caire, de

    M. Bidegain : Jean Bidegain est mort. Ainsi se trouve expi le crime commis par ce

    malheureux qui chappe dsormais, par sa mort,aux haines et aux colres de ceux dont il a si mis-rablement trahi la confiance et l'affection.

    (I Nous ne nous sentons plus, cette heure, le

    courage de le maudire. Et nous pensons avec piti ce cadavre rest sur une terre lointaine, et quin'aura pas pour dernier asile le sol de la Mre-Pa-trie.

  • 4C>

    tablir que la mort est antrieure la strangula-tion...

    Dans la lettre de jeudi, il tait dit que M. Bide-gain tait venu au Caire en compagnie d'un ami deParis, avec lequel il avait eu de trsAjolentes dis-cussions parce que Bidegain, pris ddBBfc^rds, vou-lait crire un ami de Paris pour implorer son par-don, rendre l'argent qu'il avait reu, etc.La lettre se terminait ainsi :" La veille de sa mort, une discussion plus violente

    eut lieu... Le lendemain on trouvait le cadavre de Bidegain

    pendu... Le corps a t port l'hpital Casr-el-An, o

    Ton a dcouvert une plaie pntrante sous le seingauche.

    Mon avis est que... Le Journal de Seine-et-Olse s'arrte sur ces quel-

    ques points.Nous reproduisons l'information de notre con-

    frre avec toutes les rserves d'usage.

    {Journal.)

    Le directeur du Joiiviml de Seine-el-Oisey

    auquel je collaborai gratuilement pendant deux,

    ans, est M. Albert Marchaux, ancien et futurmembre du Conseil de l'ordre.Les motifs de ce nouveau mensonge du

    Grand-Orient taient fort bien exposs, en ces

    termes, le 18 dcembre, par M. Albert Mon-

    niot, dans la Libre Parole :

  • 47

    TRAQUENARD MAC.-,

    La mort de M. Bidegain

    On trouvera plus loin le rcit dramatique de lamort au Caire de Bidegain : violente discussion,plaie pntrante sous le sein gauche, cadavre se

    balanant au balcon, rues tortueuses et vautours

    affams, c'est faire dresser les cheveux sur la tte...ou hausser les paules.

    C'est la petite feuille laquelle collaboraient Va-decard et Bidegain qui a reu la nouvelle et fournitces dtails terrifiants, prs desquels paraissent pleset exsangues la rubrique des faits divers et les dra-mes en feuilleton du rez-de-chausse.

    (( Les bonnes feuilles nationalistes vont enfour-cher ce dada, se sont dit les petits Machiavels de la

    Veuve, elles vont trouver l la preuve irrfutabledu crime maonnique : nous ressusciterons Bidegaindans trois jours, quand nos adversaires seront bienenglus dans le sang qu'aura seule rpandu leurimagination, et l'affaire Syveton, qui devient terri-blement gnante, croulera dans le ridicule. Tout beau, messeigneursl nous ne sommes pas

    des tourneaux.Il est bien certain que l'assassinat de Bidegain, en

    ce moment, dessillerait bien des yeux. Il est incon-testable que ces reprsailles maonniques, exerces cette heure tragique, constitueraient la plus sug-gestive leon de choses que puisse souhaiter l'op-position franaise.

  • 48

    Qui oserait encore nier le crime maonnique,aprs ce nouveau tmoignage de la Mort?Mais nous devinons aussi qu'aucune feuille pari-

    sienne srieuse n'a voulu se faire l'diteur de cetteinformation sensationnelle, et nous voyons qu'il afallu aller chercher la petite feuille o lucubreF.'. Vadecard pour trouver le vhicule de ce tl-gramme d'outre-Mditerrane.

    Et, prcisment, parce que cette disparition mys-trieuse frapperait d'un nouveau et formidable coupla Maonnerie, nous n'y croyons pas.L'assassinat de Bidegain serait une trop lourde

    faute la charge de la secte.Nous restons sceptiques, considrant avec intrt

    les machinations de la Veuve aux abois.Albert Monniot.

    Il est inutile de vous dire, n'est-ce pas, quele Temps publia l'article du Journal de Seine-et Oise.

    J'tais dj trop blas sur ce genre de fac-ties pour me donner la peine de m'en mou-voir.

    Une information venue d'Egypte dmentit,le 21 dcembre, mon assassinat au Caire.Ce pauvre Marchaux en fut pour ses frais

    d'imagination, mais il bnficia, pour son jour-nal, d'une rclame considrable. C'est le dernierservice que je lui rendrai, probablement.Le 31 dcembre, une petite note ainsi conue

    tait publie dans tous les journaux :

  • 49

    Les 38 jours de Bidegain

    Les gendarmes recherchent Bidegain !Ce n'est pas, comme on pourrait le croire, pour

    l'affaire des fiches du Grand-Orient que la mar-chausse est mobilise.Bidegain est simplement recherch parce qu'il n'a

    pas rpondu la convocation lui adresse commerserviste attach aux service auxiliaires de la classe1900.

    {Figaro.)

    Gela tait, si possible, plus bte encore quele reste, car j'ai toujours t parfaitement en

    rgle vis--vis de l'autorit militaire.

    Enfin, le 16 janvier, le Matin publiait, commeextrait de rHiimanii, un entrefilet annonant

    qu'un franc-maon m'ayant rencontr boulevardde la Gare m'avait administr une paire de

    gifles. Gliose tout fait bizarre, FHumanitn'avait nullement publi l'article que le Matindisait lui avoir emprunt. Aprs en avoir com-

    muniqu les preuves son confrre, riiiima-nit, pour des raisons restes inconnues, avait

    sans doute cru bon, au moment de la mise en

    page, de le supprimer. Nanmoins je sollicitai,de la LiJjre Parole^ l'insertion de la lettre sui-vante qui parut dans son numro du 17 janvier :

    4

  • 50

    Monsieur le Directeur,

    Un obscur reporter pay par le.... socialisteJaurs, avec l'argent des Juifs qui entretiennentVHumanit conte, ce matin, en style de concierge, ses lecteurs crdules, qu'un franc-maon m'auraitadministr une paire de gifles.En ce qui concerne les vnements actuels, j'ai

    gard le silence parce que cela m'a plu et malgrles objurgations de la presse stipendie je le gar-derai tant que cela me plaira, mais je ne veux pasaccepter qu'une partie du public si faible soit-elle, comme c'est le cas puisse, un instant, sup-poser qu'un franc-maon m'a manqu de respect.Cela n'est encore arriv aucune personne vivanteet ce n'est certainement pas un des eunuques dela rue Cadet qui, le premier, lvera la main surmoi.

    Les francs-maons tout le monde le sait for-ment une espce animale trop lche pour se per-mettre d'attaquer en face ses ennemis.

    Cependant, si un crtin des Loges ou un des lec-teurs de VHumanit formait le projet de m'insulter,je l'avertis loyalement que je le mettrais aussittdans l'impossibilit physique de faire, le lendemain, l'adipeux Jaurs ou ce pauvre Lafferre, le rcitde sa rencontre avec moi. C'est dire que mes anciensFrres feront bien de prendre, en toutes circonstan-ces, les prcautions ncessaires pour viter leur arrire-train le contact de la semelle de mesbottes.

    En terminant, je ne puis m'empcher de m'tonnerque le Grand-Orient de France soit assez imprudent

  • 51

    pour me faire attaquer dans ses journaux. Quos vultperdere Jupiter dementat prlus.

    Veuillez agrer, monsieur le Directeur, l'assurancede ma considration trs distingue.

    Jean Bidegain.

    Les bons FF.*, ayant t aviss par ce pouletque j'lais Paris, se sont abstenus, depuis ce

    temps, de se livrer leurs coutumires plaisan-teries. Ce simple avertissement suffit.

    Je ne veux pas vous fatiguer en relatant d'in-

    nombrables erreurs de dtail commises par des

    reporters, sous l'inspiration probable de cer-tains membres du Conseil de l'Ordre. Ce seraittrop long et trop fastidieux.

    Cependant, j'ai gard pour la fm, le plus for-midable et le plus imbcile des mensonges duGrand-Orient. Ce mensonge constitue, d'ail-leurs, une diffamation des plus caractrises,c'est propos de l'enqute sur l'assassinat deM. Syveton que ce qui suit fut publi parle Journal le 26 dcembre 1904 :

    Les rvlations imprvues faites par M"^^ Syvetonau juge d'instruction sont de nature affoler davan-tage encore l'opinion, qui, de plus en plus, se pas-sionne pour le mystrieux drame de l'avenue deNeuilly.

    Il parat qu'au cours de son instruction, M. Bou-

  • 52-^.

    card aurait eu connaissance d'un fait de mme na-ture : on est venu lui raconter l'histoire suivante :M. Syveton se serait trouv tre en relations, plus

    que cordiales, avec une jeune femme de l'entouragede M. Bidegain, le secrtaire du Grand-Orient, quilivra les fiches de dlation. Il aurait appris, par cette

    personne, l'existence des dites fiches, et, d'accordavec plusieurs de ses amis politiques, aurait rsolude les acheter.Connaissant la situation modeste de Bidegain, il

    lui aurait fait faire des ouvertures, et aurait russi obtenir les documents convoits, moyennant le ver-sement d'une importante somme.

    Cependant, les amis de M. Syveton auraient cher-ch des fonds. Vainement, ils se seraient adresss la veuve d'un richissime industriel qui, dj, dans lebut de servir a la bonne cause , avait vers des som-mes importantes la caisse de la Patrie Franaise.Et, devant ce refus, trois des notabilits du partinationaliste se cotisrent pour faire la somme de

    200,000 fr. L'une d'elles aurait vers 80,000 fr.

    Or, ces 200,000 fr. remis M. Syveton, il ne lesaurait employs qu'en partie l'usage pour lequelils taient destins. Il se serait content de remettre50,000 fr. d'aucuns disent 75,000 fr. M. Bide-

    gain, et aurait gard le reste !Et c'est devant les rclamations de l'ex-secrtaire

    du Grand-Orient, menaant de tout rvler, queM. Syveton s'est donn la mort...Ce qui semblerait corroborer cette version, c'est

    que, parat-il, M. Syveton aurait reu, la veile ou lematin de l'vnement tragique, une lettre qu'il auraitdchire violemment et cette lettre aurait mande M. Bidegain.

    Il est remarquer aussi que, comme le Journal

  • 53

    Fa racont M. Syveton tait all visiter, ces tempsderniers, un gymnase o l'on traite la neurasthnie.Il avait l'intention de s'y faire inscrire comme abonn.Or, ce gymnase est situ rue Lepic, deux pas de larue d'Orchampt, o habitait, alors, M. Bidegain. 11

    n'y a sans doute l qu'une concidence ; mais elle estcurieuse. Car, dans le cas o la version que nousdonnons viendrait prendre corps, ce fait prouveraitque M. Syveton, qui habitait Neuilly, et pouvaitchoisir un autre tablissement prs de son domicile,avait des habitudes Montmartre.

    ... Telle est l'histoire que l'on chuchote depuisquelques jours. Nous la relatons simplement, titredocumentaire. Car il ne semble pas que la lumiredoive de sitt clairer ce drame, qui a si fortementmu l'opinion, et qui, avec ses pripties multi-ples semble tre plutt du domaine du roman-feuilleton que de celui de la ralit.Et quel coup de thtre si Bidegain qui, de l'a-

    veu d'un de ses amis n'a pas quitt Paris, o ilhabiterait sous un faux nom, sur la rive gauche, sur-

    gissait tout coup, comme le deus ex machina de latragdie antique, pour expliquer son rle en cettetnbreuse affaire !... C'est improbable, mais ce n'est

    pas impossible. Les vnements qui viennent de sedrouler montrent qu'on peut s'attendre toutes les

    surprises si formidables et si dconcertantessoient-elles.

    Le 29 dcembre on lisait ceci clans le Matin :

    Depuis quelques jours, voici q'une nouvelle versiondes causes qui dterminrent M. Syveton se donnerla mort vient s'ajouter celles que nous connais-sions dj.

  • 54

    Le dput du deuxime arrondissement, dit-on,aurait t charg par M. Guyot de Villeneuve et pardiverses autres personnalits de la Patrie Franaisede ngocier avec Bidegaln l'achat des fiches duGrand-Orient. M. Syveton, ajoute-t-on, connaissaitBidegain depuis longtemps. Il avait fait la connais-sance du secrtaire du Grand-Orient par l'interm-diaire de la belle-sur de celui-ci, M" D..., avec

    laquelle il tait en relations intimes ; c^est elle quiaurait entam les premires ngociations. Mais, tou-jours d'aprs les on-dit, M. Syveton n'aurait vers l'employ de M. Vadecard, ainsi qu' la ngociatrice,qu'une faible partie des sommes qui leur avaient t

    promises somms qui, cependant, avaient tmises sa disposition dans ce but, et dont il se se-rait appropri la diffrence. Furieux d'tre ainsifrustrs, Bidegain et sa belle-sur auraient critlettres sur lettres l'ancien trsorier de la Patrie

    franaise, sans pouvoir obtenir de rponse. C'estalors que, dans une dernire lettre, ils auraient me-nac M. Svveton, s'ils n'obtenaient une satisfaction

    immdiate, de tout rvler. La peur de ce scandaleaurait dtermin le dput au suicide.

    Ce canard, qui fit le tour de la presse bio-

    carde, avec une remarquable agilit, avait t

    publi pour la premire fois, plusieurs jours au-

    paravant, par le Radical, journal essentielle-ment maonnique.

    Je vous avoue que ces... rvlations me stu-

    pfirent. En effet, je ifai vu M. Syveton quequatre fois, je ne lui ai jamais crit et ma

  • 55

    belle-sur, M'^' M. D... qui s'occupait fort peude politique, n'avait appris l'existence du dputdu 2" arrondissement que le jour de sa mort.

    Je ne pouvais m'expliquer l'origine de ces

    extraordinaires racontars, mais le Temps se

    chargea de m'clairer en faisant interviewer le

    docteur Blatin.

    Blatin est ancien dput du Puy-de-Dme,ancien maire de Glermont-Ferrand, ancien pro-fesseur la Facult de mdecine de la mmeville, marchand de prservatifs, de bicyclettes,d'instruments de chirurgie, de montres, de v-

    tements pour enfants, de biberons (i), membredu Conseil de l'Ordre et grand-commandeurdu Grand-Collge des Rites.

    Nous avons interrog le D"" Blatin, crivait

    le reporter du Temps, au sujet des rapports que M. Syveton avait eus avec M. Bidegain au sujet de la livraison des ftches publies

  • 56

    // nous tait revenu notamment que la(( belle-sur de Bidegain, AP^^ D..., qui ha- hite dans un passage de la rue Duperr, en- tretenait des relations intimes avec AI. Sy- veton.

    Par ces paroles imprudentes, le marchandde pommades qui prside le Grand-Collge desRites et qui a dj eu maille partir avec la

    justice franaise, avouait que les diffamationsaussi lches que stupides dont ma parente eut

    souffrir avaient pris naissance au Grand -

    Orient mme. C'est donc le Conseil de l'Ordrequi s'en fit le propagateur dans ses journaux.Quel lait son but en se livrant cette iornoble

    besogne? Je l'ignore, mais le fait est acquis.Ma belle-sur avant fait insrer dans la

    presse indpendante une note annonant sonintention de poursuivre pour diffamation les

    journaux qui avaient annonc au public sesprtendues relations avec M. Syveton, il ne fut

    plus question, ds ce moment, de cette singu-lire histoire. (1)Vous pouvez apprcier sa juste mesure,

    (Ij Le mariage de cette jeune fille fut annonc, le21 fvrier par le Petit Journal. C'est cet vnementdomestique qui a empch, jusqu' ce jour, que lespoursuites en question ne soient entreprises.

  • 57

    d'aprs ce qui prcde, l'trange moralil des

    hommes qui dirigent la Maonnerie franaise.Ils n'hsitent pas, si telle est leur fantaisie,

    insulter, salir diffamer une jeune fdle sansdfense.

    Comparez ce fait l'altitude des dlateurs

    qui, en immense majorit, ont refus de sebattre avec les officiers qu'ils avaient espionnset vous aurez dj une suffisante notion de laconscience maonnique, de l'tat d'me qui d-termine les actes des politiciens radicaux et

    jaursistes. La psychologie de ces gens est cer-

    tainement curieuse, mais son tude ne rvle

    rien de beau ni rien de propre.

  • Leurs Polmiques

    Le Conseil de l'Ordre a pour valets de plumeun certain nombre d'individus inconnus ou f-cheusement connus, qui coulent leur copiedans VAction, VHumanit, le Radical ou laPetite Rpublique. L'Action se fait davantage

    remarquer par la vhmence de son anticlri-calisme, sans doute parce que M. Henry B-

    renger, son directeur, tait, il n'y a pas trs

    longtemps, un fervenlissime catholique. Lafferre

    crit si j'ose ainsi parler dans cette feuilleconfidentielle. Le Radical ne compte plus. Le

    programme de VHumanit, personne ne l'i-

    gnore, est celui des Juifs qui la commanditent.

    Quant la Petite Rpublique, elle a pour r-dacteur en chef Grault-Richard.

    C'est a qui, dans la presse, constitue la

  • 60

    vieille garde du Grand-Orient de France.

    En province, un grand nombre de journauxcmboitenl le pas derrire ces leaders minenls.

    La Dpche de Toulouse, par exemple, et lePetit Mridional ont l'il constamment fix

    sur ces Lumires qui ne sont mme pastoujours du 3^ appartement.Que voulez-vous?. . . Dans nos petites villes, il y

    a disette de grands hommes et, aprs une jour-ne monotone, on devient capable, Garpen-tras, de prendre Laurent Tailhade pour un

    successeur de Juvnal.

    Je me suis fort diverti la lecture des articles

    qui me furent consacrs par les divers or-

    ganes du parti rpublicain radical, radical-socialiste et socialiste (1) , lisez : du parti ma-

    onnique.

    Lesdiles feuilles possdent des polmistesd'une rare distinction et d'une subtilit d'esprit nulle autre pareille. Entre autres, M. Gariel,

    directeur du Petit Mridional, m'a cherch,relativement l'authenticit des fiches, une

    querelle singulire. Je suis incapable de lui

    rpondre sur tous les points, car j'avoue n'avoir

    (1) C'est l'tiquette authentique de celte marcban-dise.

  • 61.

    rien compris la premire partie de son article.M. Gariel termine ainsi :

    Dans son interview par la Libre Parole^ l'honnteet loyal Bidegain a dit :

    C'est moi encore qui ai fait les lettres et laformule du questionnaire. Mais peine eus-je faittout cela que j'eus des scrupules. Les lettres quej'avais rdiges, je refusai de les signer, elles lefurent par un membre du Conseil de l'Ordre, lenomm Fontainas.

  • 62 ^

    gain a, par lettres (1) et dans une interview, dclar

    qu'il tait dgot du mtier qu'on lui faisait faire .Aprs s'tre ainsi complaisamment dcern lui-mme ce brevet de vertu, M. Bidegain ajoutait queson dgot allait jusqu' l'enipcher de signer de samain les demandes de renseignements qu'il expdiaitaux Loges de province. A l'en croire, il laissait cettemalpropre besogne au nomm Fontainas .La vertu de M. Bidegain doit tre de bien frache

    date, car voici le texte d'une lettre signe de sonnom qu'il adressait la fin de l't dernier au vn-rable d'une loge des dpartements.

    Ceie lettre ne doit treconnue que de vous.

    Paris, le 26 septembre 1901.

    T.-. C.-. F.-.

    Je vous serais trs oblig de bien vouloir me

    communiquer, dans le plus bref dlai possible, lesrenseignements les plus dtaills que vous aurez purecueillir sur la personne dsigne dans la note ci-

    jointe. Attitude politique, opinions et pratiques reli-

    gieuses, mode d'instruction des enfants"! Les int-resss ont-ils de la famille dans la localit? Si oui,quelles sont leurs frquentations?

    Il vous suffira de me retourner la fiche avec les

    renseignements, sans lettre d'envoi. Remerciements et sentiments frat.\ dvous.

    Bidegain.

    (1) Je n'ai jamais crit cela.

  • 63

    Cette demande de renseignements n'est pas laseule de ce genre adresse par Bidegain aux vn-raloles des loges de province.

    D'autres cas, analogues celui que nous citons,nous ont t signals. En voici un entre autres des

    plus significatifs.A la date du 28 septembre 1904, Bidegain crivait

    M. Dupuy, Alger, et lui adressait un certainnombre de fiches qu'il priait son correspondant delui renvoyer le plus tt possible.Ces fiches devaient concerner les officiers de chas-

    seurs et de spahis en garnison Alger.M. Dupuy garda longtemps ces fiches par devers

    lui. Or, une partie de ces mmes fiches parurentdans le dossier Guyot (de Villeneuve) alors que les

    originaux taient encore sur la table de travail deM. Dupuy.Et voil ce que l'on a appel des documents au-

    thentiques et indiscutables !

    Si j'ai cont M. Gaston Mery l'anecdote

    relative aux lettres que je fis signer, en 1901,

    par M. Fontainas, c'tait dans le seul but d'in-

    diquer quelle fut mon impression premire sur

    les demandes de renseignements faites par leministre de la Guerre et, par consquent, com-

    bien je rprouvai, ds son origine, l'uvre

    policire du Grand-Orient.Je vais rpondre M. Gariel et VHumanit

    par un apologue.Je connais un excellent citoyen, charg de

  • 6i

    famille, qui fabrique de la pouclrelle clans une

    usine de Saint-Denis. Ce brave garon estime

    que son mtier ne correspond pas, d'une manire

    exacte, son tat d'me et il dsire l'abandonner.

    Malheureusement, il a quatre enfants et ne pos-sde pas d'argent, ni la protection de M. Jaurs.

    S'il dclarait tout de go son patron que, la

    fabrication de la poudrette le dgotant, il dsire

    s'abstenir dsormais d'y participer, il est pro-bable qu'il se ferait congdier. Aussi, sans se

    plaindre, sinon en son for intrieur, mon hommecontinue-t-il tripoter ce que vous savez. Moncas tait pareil celui-l, et c'est pourquoil'excellent M. Gariel et FHumanit ne doivent

    point me reprocher d'avoir, moi aussi, manipul

    quelque chose de sale jusqu'en octobre 1904.En ce qui concerne la fm de Tarticle, relative

    M. Dupuy, d'Alger, je ne puis donner d'ex-

    plications, car je ne saisis pas trs bien ce qu'elle

    signifie. En tout cas, ce n'est certainement pasmoi, qui ai devin ce que pensent les officiers

    d'Alger en matire politique et philosophique.Je n'ai pas le don de seconde vue.

    Vers la fin de Janvier FAction me reprocha,d'une manire vhmente, non seulement d'avoir cambriol le Grand-Orient mais aussi d'avoir

    chang d'opinion. Afin de prouver ses rares

  • 65

    lecteurs que je fus anti-militariste, elle se donnala peine de rimprimerun article intitul Chosesmilitaires que j'avais fait paratre, au moisd'Octobre 1902, dans la Revue du xx" sicle,fonde par moi en aot de la mme anne.M. Gaston Mry voulut bien rpondre, dans laLibre Parole^ cette spirituelle attaque. Voici

    son article :

    Les fonds du ministre de la guerre.

    Une lettre du capitaine MoUin.

    UAction, en rponse aux dclarations de M. Bide-gain, rdite un ancien article de lui, qui dnote untat d'esprit tout fait diffrent de celui qui est lesien l'heure actuelle. Le procd, qui, en d'autres

    circonstances, aurait pu tre vraiment malicieux ;n'est peut-tre cette fois qu'imprudent : il serait sifacile de rpliquer notre confrre en mettant, parquelques citations, ses propres collaborateurs en

    contradiction avec eux-mmes.Mais nous avons mieux faire aujourd'hui que de

    nous livrer ce petit jeu, d'ailleurs innocent.Il se trouve, en effet, que l'article de M. Bidegain,

    reproduit par l'Action, va nous permettre de d-

    montrer, avec document l'appui, que l'indignit du

    gnral Andr tait encore plus complte qu'on nel'avait cru jusqu'alors.

    Cet article qui parut dans le numro d'octobre 1902,de la Revue du vingtime s^ec/e, tait intitul: Chosesmilitaires. C'tait une charge fond de train, d'une

  • 66

    part, contre le colonel de Saint-Rmy et contre leconseil de guerre qui avait prononc son acquitte-ment et, d'autre part, contre le capitaine Humbert,que le ministre de la Guerre venait de mettre en dis-

    grce. Sur le dos de ces deux officiers, l'auteur fai-sait l'loge ditliyrambique du gnral Andr.Or, cet article, s'il n'avait pas t fait sur com-

    mande, avait du moins t communiqu en manuscritau ministre de la Guerre, qui l'avait trouv son

    got, et qui avait charg le capitaine ISIoUin, nonseulement d'en fliciter le signataire, mais encore delui offrir les subsides ncessaires pour le rpandre profusion

    C'est prcisment \efac simile de la lettre du ca-pitaine MoUin, lettre officielle crite sur papier duministre de la Guerre, que nous mettons aujourd'huisous les yeux de nos lecteurs (1).Cette lettre, qui saura la lire, prouvera beaucoup

    de choses. Elle prouvera, d'abord, que le gnralAndr a menti impudemment quand il a dclar qu'ilignorait les relations troites du capitaine Nlollinavec le Grand-Orient, Elle prouvera ensuite que le

    gnral Andr, non content d'avoir organis la d-lation dans l'arme, se servait de la presse pour faire

    injurier les ofliciers qui lui dplaisaient. Elle prou-vera, enfin, que le gnral Andr ne ddaignait pas,quand cela pouvait servir sa politique ou ses ran-cunes,de disposer des fonds du ministre de la Guerrepour payer des besognes qui n'avaient rien de mili-^^^^'^' Gaston Mry.

    Cet article me valut de la part de rAclion

    (1) Voir clich page 67.

  • MlNISTERt KEPUBLIQUE FRANAISE

    VAX JTLi/vnAtstfc;)

  • U^U/V.

  • 69

    une borde crinjures qui me dsopilrent larate.

    C'est Bidegain, disait le journal de Lafferre, qui, unjour que le capitaine Mollin se trouvait seul avec luidans son cabinet du Grand-Orient, lui parla le pre-mier do cette publication et lui demanda un doubleservice en lui faisant accorder le patronage deM. Anatole France et en recommandant sa Revue ses amis, afin de lui procurer quelques fonds.Le capitaine Mollin reut quelques jours aprs le

    numro en question, et, comme suite Tentretienqu'il avait eu avec Bidegain, il lui crivait la lettre

    reproduite par la Libre Parole pour lui confirmer

    qu'il s'occuperait bien volontiers de propager sarevue et de lui acqurir quelques concours financiers.Il en parla en effet quelques amis politiques, en

    particulier au trsorier d'une importante association

    rpublicaine qui dclina la proposition, et les chosesen restrent l.Plusieurs personnes nous ontaffirm spontanment

    que jNI. Mollin les avait pressenties en faveur de la

    publication de Bidegain.

    Le Temps publia, le soir mme, ai-je besoinde le mentionner, cette rponse de l'Action.

    J'ai trs peu de chose dire pour vous in-

    diquer, cette occasion, le genre de polmiqueen usage chez mes anciens Frres.

    i'' Jamais je n'eus solliciter l'appui de M. le

    capitaine Mollin pour obtenir le patronage de

    M. Anatole France. C'est sur la recomman-

  • 70

    uaiion do M. Gustave Geffroy que l'aj^pui moral

    dsir par moi me fut accord;2 Jamais je n'eus qumander de fonds pour

    la Revue du xx sicle, tous les frais occasionns

    par cette publication de propagande ayant tou-

    jours t pays intgralement par M. JacquesEscuver ;

    3 La lettre de M. MoUin parle d'un article etnon de la Revue du xx"" sicle. Cette lettre tant

    date du 16 septembre, c'est bien l'article paruen octobre qu'elle faisait allusion.

    Il ne saurait subsister aucun doute cet gard.D'ailleurs, le Figaro, publiant, le 58 fvrier, le

    rsum d'un rapport tabli par le gnral Percin

    pour se justifier d'avoir t l'organisateur de la

    dlation, disait :

    Le cabinet s'tait partag en deux camps: lesofficiers Francs-Maons, MM. Mollin, Violette, Le-merle, auxquels se joignait le colonel Jacquot; et lesnon Francs-Maons, MM. Percin, Humbert, Targe.Ceux-ci furent en butte de mauvais procds : onles espionna, on dtourna leurs lettres, on les ca-lomniait auprs du ministre. La lutte se termina,

    l'avantage du clan Fi'anc-Maon,parle dpart du ca-

    pitaine Humbert, qui plus tard le gnral Andrfit des excuses.

    11 faut chercher, dans ces querelles, aux-

    quelles je me repens sincrement de m'tre

  • 71

    ml, l'origine de mon article. On pourraitfacilement retrouver, peu prs la mme date,dans le Petit MricUonnl, ^^n article de M. Laf-

    ferrc sur la mme personne et le mme sujet.

    *

    Le 31 janvier FAction publiait un article

    ayant comme titres et sous-titres ces phrases

    grandiloquentes: Les Vengeurs de la morale. Thibaudin-Bidegain. Leurs lettres. (f Bide^-ain dfenseur de l'honneur de l'arme. Ce qu'il crivait il y a dix-huit mois.

    Voici le passage de cet article qui me con-

    cerne :

    Elle gt aiijourdMiui, cette preuve, (celle de ma v-

    nalit), en une lettre crite par Bidegain et que nousa communique un de nos amis, Ynraljle d'uneLoge de province.Cet ami n'hsitait pas, certes, transmettre au

    Grand-Orient les renseignements que celui-ci lui de-mandait. Pourtant il le faisait sans enthousiasme.Non point qu'il vit cela le moindre mal, au con-traire, mais il avait constat que ces renseignementsne servaient pas grand'chose, pour ne pas dire

    rien, et que les nominations et promotions taientdans l'arme aussi mauvaises que par le pass.Alors quoi bon ?Il crivit dans ce sens au prsident du Grand-

  • Tr-

    nent, et sa lettre, Judas Bidegain, en qualit dechef du secrtariat du Grand-Orient, rpondit la lettre

    typique que voici :(( Votre lettre est empreinte de pessimisme. Il est

    vident que la mentalit des officiers raction- naires ne sera pas transforme par le ministre(I actuel et qu'ils reviendront probablement un jour leurs premires amours. Nanmoins, je crois

  • 73

    venez de lire. Ce fat celle du Prsident duGrand-Orient.

    Mais je veux me contenter de ces exemples.Je les ai cits atln de vous montrer les moyens

    grossiers que les Francs-Maons emploient

    pour tromper les lecteurs nafs des journauxministriels.

    La polmique politique, illustre par tant denobles et gnreux esprits, est devenue, entreles mains de ces gens, un moyen d'garer le

    proltariat, et d'affermir, de perptuer le r-

    gime ploutocratique actuel. Les mensonges les

    plus cyniques, les plus flagrants, constituent,

    pour eux, des armes prcieuses, leurs seules

    armes, pourrait -on dire.

    Les ouvriers griss de rhtorique la Jau-

    rs, de grands mots et de grands principes,hypnotiss par l'attente de rformes toujourspromises pour demain, se laissent prendre ces appeaux.

    Ils attendent patiemment, le ventre vide,devant le plat o l'on sert, aux apptits d'Is-ral, la richesse cre par leur travail, parleurs souffrances. Il y a l, tout autour,

    normes et cyniques, les Juifs de la hautebanque, du grand ngoce, et, se glissant entreleurs jambes, entre leurs ventres, les roquets

  • 74

    de la majorit, les petits chiens du Parlementet leur niche grouillante, tendant la gueule

    pour attraper un os du festin, un pot-de-vin ouune sincure. On apprit jadis l'ouvrier quece plat s'appelle la Rpublique. Les convives,normes ou minuscules qui s'y repaissent, sont,parat-il, les reprsentants du Travail National

    (avec des majuscules) et les lgislateurs, l'Oret la Sagesse, la Force et la Pvaison, tout ce

    qui rend un pays 1res puissant et trs illustre.

    Jacques Bonhomme le croit sincrement,puisque son journal le lui redit chaque matin ;et il attend, car il est crit dans la Dclaration

    de 1789 que les hommes naissent et demeurent libres et gaux en droits .

  • Dlation

    Dans les sances des 28 octobre et 4 novem-

    bre 1904:, M. Guyot do Villeneuve a suffisam-

    ment indiqu dans quelles conditions et quellemesure avait t organise l'uvre de dlation

    pour qu'il paraisse, aujourd'hui, utile d'y re-venir. Cependant, on a sembl accueillir commedes rvlations tout ce qui fut dit, depuis, parles intresss ou leurs sous-ordres.

    Le dput de Neuilly disait dans sa premireinterpellation :

    M. Guvot de Villeneuve. Voil le der-

    (f nier document que j'apporterai la tribune. Il y en a d'autres, non moins intressants, que je pourrais montrer. Mais ce que je tiens tablir la fin de cette discussion, ce que je tiens dclarer, c'est quil en ressort

  • 76

    d'une fcion lumineuse que M. le ministre(( de la Guerre, d'accord avec M. le prsident du Conseil et d'accord avec le Grand-es Orient, a organis contre Varme la dla- tion et Pespionnage. (Applaudissements au centre et droite. Interruptions ex- trme gauche.)Le livre de Mollin, les nombreuses confi-

    dences faites aux reporters par les membres duConseil de l'Ordre, les aveux de Pasquier, n'ont

    fait que coniirmer ces paroles et les rvlations

    de l'avenir les fortifieront encore par des preuvesnouvelles.

    Puisqu'il est ncessaire de redire aujourd'huice qui fut dit hier, je vais vous rappeler, com-ment a fonctionn la dlation.

    On fit, en premier lieu, une enqute gnralesur tous les officiers de France, d'Algrie et de

    Tunisie. La demande de renseignements tait

    autographie sur une feuille ne contenant aucune

    indication maonnique, et portant cette mention : Pourrait-on avoir des renseignements trs complets et trs dtaills, aux points de vue(c politique et philosophique, sur tous les offi-

    ce ciers suprieurs et gnraux : commandants, lieutenants-colonels, colonels et gnraux de la ville de... Ce fut encore moi qui tablis

  • 11

    celte formule. L'enqute gnrale n'ayant pas

    produit de rsultats assez prcis, on rsolut

    d'organiser la dlation d'une manire complteet permanente. Les documents que je vais citer

    et que j'ai choisis parmi beaucoup d'autres

    parce qu'ils sont fort dmonstratifs, contiennent

    l'aveu de cette enqute gnrale et comme la

    synthse de la besogne abominable entreprisede concert par le Grand-Orient de France et

    par le misrable vieillard qui prsidait, il y a

    quelques mois, le Conseil des ministres, et quidshonora la tribune franaise par tant de l-chets et de mensonges.Le 29 juillet 1901, Molhn adressait Vade-

    card la lettre suivante : {Voir ci-contre la

    photographie de cette lettre.)

  • MINISTERE REPUBLIQUE FRANAISE.

    ^.-.e.

    . ^i^^^.

    -^

  • 'a.^ ^4

  • ^'^t^K^

    u-

  • 83

    Cette lettre, maimnl du ministre de laGuerre tait adresse au Grand-Orient doFrance. Il n'y a pas d'quivoque possible. Des

    correspondances personnelles n'auraient past crites sur du papier de l'Etat ni enregistresrue Cadet. Au reu de cette missive, M. Vade-card tablit, de sa propre main, la fiche quifut envoye M. Schwrer, de Grenoble, avec

    prire de la remplir (1) ; M. Schwrer jugeantque cette feuille n'tait pas de grandeur suffi-

    sante crivit, sur la note reproduite ensuite (2),les... renseignements qu'il possdait sur le lieu-

    tenant-colonel Jaricot et retourna au Grand-Orient cette note avec la fiche de Vadecard.

    Celle-ci porte le timbre d'enregistrement sur le

    livre d'entre de la correspondance officielle duGrand-Orient. Les renseignements demandsle 29 juillet Grenoble parvinrent rue Cadet le

    2 aot. Le zle de M. Schwrer tait indiscu-table.

    Tel tait le mcanisme habituel de la dla-tion maonnico-combisteM. Vadecard s'tant absent pendant le mois

    d'aot 1901,

    ce fut moi qui reus en son absence,en ma qualit de secrtaire gnral adjoint, la

    (1) Voir clich page 85.(2) Voir clich page 87.

  • 84

    correspondance du ministre de la Guerre. Lesdeux enveloppes reproduites (1) vous le prouve-ront et vous prouveront aussi que les lettres de

    MoUin n'taient pas seulement adresses, ainsi

    qu'il le prtend dans son livre, un corres-

    pondant qui, peu peu, tait devenu un ami ,mais au Grand- Orient de France dont le secr-taire gnral tait M. Vadecard et, en l'ab-sence de celui-ci, M. Bidegain.En aot et septembre 1904 je reus du minis-

    tre de la Guerre, prs de cinq cents demandesde renseignements sur des officiers de toutes

    armes et de tous grades.

    * *

    Le front bas, les yeux fuyants, de haute

    taille, avec cette paisseur de l'ossature, cette

    lourdeur du corps qu'ont souvent les paysans de

    rile-de-P"rance, M. Pasquier rappelle l'adjudantstigmatis par Gourteline sous le nom de Flick.

    Dnu d'ducation et d'une intelligence plusque mdiocre, Pasquier conquit cependant les

    faveurs de la plbe maonnique parce qu'il futle premier, avec M. Bergre, ancien secr-

    (1) Voir clicli page SU.

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  • 01

    laire gnral, revtir son uniforme pourassister, comme dlgu, aux Gonvents duGrand-Orient. Les Francs-Maons, plus que tous

    autres, ont chez eux le respect des uniformes et

    des castes.

    Pasquier, affam de popularit, fonda une

    association d'officiers Francs-Maons qu'ilnomma Solidarit des armes de terre et demer plus connue aujourd'hui sous son nomabrviatif de Solmer . Ge groupement tait

    une vritable agence d^espionnage qui existe

    et fonctionne encore l'heure actuelle. G'est

    avec son concours que le clbre mouchardfournit au ministre de la Guerre, par l'inter-

    mdiaire du Grand-Orient, des rapports de po-lice, non pas sur 2^8 officiers mais sur 3,000environ. Pasquier prtendit, il y a deux mois,

    qu'il n'accomplit cette besogne que par ordre.

    En cela il mentit. Jamais l'ancien gardien de

    prison de la rue du Gherche-Midi n'eut, ainsi

    qu'il l'affirma, ses libres entres chez le mi-

    nistre de la Guerre ou chez le ministre de l'In-

    trieur et toutes les fiches, qu'il tablit lui furent

    demandes, par le Grand-Orient ou manrentde son irVitiative personnelle. D'ailleurs, il serait

    impossible cet homme d'appuyer par despreuves ses racontars.

  • 9"2

    M. Guyot de Villeneuve, lors de son inler-

    pellalion du 28 octobre, parlant de cet officier

    indigne, disait: J'ai l, de lui, sur le gnral de Ngrier, une note rvoltante que je ne puis lire. Le Grand-Orient de France eutla sottise de faire authentifier, par YHumanit,cette fiche que j'avais reue, de Pasquier, enl'absence de Vadecard. Or, ni M. Yadecard nimoi ne sollicitmes de renseignements, surM. de Ngrier, du prsident de l'agence Solmer,et si la fiche en queslion lui avait t demande

    par Combes ou par Andr ce n'est pas moi

    qu'il l'aurait remise. C'est donc sans en avoirt pri que Pasquier diffama le gnral de

    Ngrier. C'est aussi par simple amour de l'art

    que cet individu, depuis quelques annes,

    espionnait ou faisait espionner ses camaradesle plus souvent sans en avoir reu mandat.

    Je tiens ne pas insister sur cette question

    rpugnante. Je m'tonne seulement que le

    Franc-Maon zl qui dtient le portefeuille de

    la Guerre et le Grand-Orient de France cou-

    vrent, avec tant de sollicitude, de leur frater-

    nelle protection, le commandant Pasquier, dontle pass maonnique lui-mme ne fut pasexempt de toute tache.

    En tout cas, je suis certain que le Conseil

  • 93

    de l'Ordre ne rpondra pas aux deux questionssuivantes :

    P Pourquoi M. Pasquier, lors de l'Assem-ble gnrale de septembre 1895 fut-il obligde donner sa dmission de membre du Conseil la suite d'une interpellation de M. Michel,

    d'Avignon, aujour