Blanchi Ment

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Depuis toujours, les entreprises ont eu besoin de gérer leurs productionspour imposer leur efficacité. Ainsi le rôle de la gestion de production est-ilaussi ancien que l’entreprise elle-même. On peut dater les premières réellesexpériences en matière de gestion de la production au moment de la réalisationdes premières pyramides égyptiennes. Ces grands chantiers ont permisles premières réflexions dans le domaine des approvisionnements, des ressourceshumaines mais aussi de la standardisation des tâches.

Citation preview

  • 1Mmoire de DEA dfense nationale et scurit europenne prpar par :LECOMPT Stphane

    Sous la direction de Pierre-Andr Lecocq

    Les moyens de lutte contre le blanchiment decapitaux.

    Ecole doctorale n 74 - Lille 2

  • 2Partout, les chiffres, les enqutes, les estimations relaient inlassablement lemme message, la criminalit organise est une ralit plus que proccupante. Le traficde stupfiants, la vente illgale darmes, conventionnelles ou non, le trafic dtreshumains, femmes, enfants, infirmes sont autant de flaux qui gangrnent les socitsdu monde entier. En outre le terme de mafia que lon avait presque oubli fait songrand retour sur le devant de la scne internationale, pire encore lappellation ne se limiteplus au seul clan des siciliens mais stend dsormais diverses organisationsdorigines diffrentes. Ainsi sont apparues depuis peu les mafias russe et albanaise,organisations qui ont profit du dsordre provoqu par lclatement du bloc sovitique,auxquelles sajoutent les yakuza japonais, les triades chinoises, les cartels dAmriquelatine(1).

    Cette criminalit transfrontalire gnre des sommes dargent considrables. Cette massedargent sale est lorigine de lapparition dune conomie souterraine au sein mmede lconomie mondiale. Le Dpartement des statistiques financires internationales duFonds Montaire International (FMI) estimait en 1993 que la criminalit organise,toutes activits confondues, raliserait entre 5OO et 1 OOO milliards de dollarsamricains de chiffres daffaires, avec une croissance annuelle de 10 %.60 % du chiffre daffaires rsulterait du seul trafic de stupfiants. En 1998, on estime quelargent sale issu du trafic de drogues, darmes, dtres humains et de la grandedlinquance financire reprsente entre 900 milliards et 1 billion de dollars par an soit ledouble du commerce ptrolier dans le monde.(2) Une organisation criminelle disposantdune telle somme dargent est en mesure de semparer du contrle du territoire entier,tout comme de secteurs de lconomie illgale et lgale, ainsi que de secteurs deladministration publique. Le pouvoir corrupteur dune telle masse dargent estincommensurable.

    Ainsi chaque anne, un certain montant chappe aux statistiques et des pans entiers delconomie mondiale se soustraient au contrle des Etats, un vritable trou noir .

    Cette conomie parallle , conomie noire , u encore conomie informelle constitue la matire premire du blanchiment dargent. En effet lensemble des fondsprovenant dactivits illgales ne peut videmment pas tre utilis en ltat. Aussi lescriminels sont dans lobligation de dissimuler lorigine illicite de ces fonds, autrementdit de blanchir cet argent au travers des circuits de notre socit.

    Le terme blanchiment est apparu rcemment (depuis un peu plus de 10 ans) dans levocabulaire conomique, financier, judiciaire, et policier. Pendant longtemps lexpression blanchissage fut prfre celle de blanchiment.(3)

    (1) Philippe BROYER. Largent sale. Dans les rseaux du blanchiment. Edition LHarmattan. CollectionEconomie et Innovation. 2000.

    (2) Intervention de J. DUTHEL DE LA ROCHERE in Droit et Dfense , acte du Colloque organis les 19 et 2Ooctobre 1999 p. 177.

    (3) J.F.COUVRAT et N.PLESS, La face cache de lconomie mondiale, Hatier, 1989.

  • 3Selon une dfinition de Stefano MANACORDA, le terme blanchiment dsignelensemble articul doprations de nature conomique et financire visant linsertiondans le circuit lgal de capitaux provenant dactivits illicites, traditionnellement du traficde stupfiants et aujourdhui plus largement de toute infraction pnale dune certainegravit. (1)Monsieur Jeffrey ROBINSON rsume pour sa part le processus de blanchiment ainsi quesa dfinition dune faon trs explicite : Le blanchiment de largent est avant tout unequestion de doigt. Cest un tour de passe-passe capable de gnrer des fortunes ().Force vitale des trafiquants de drogue, des escrocs, des contrebandiers, des preneursdotages, des marchands darmes des terroristes, des racketteurs et autres fraudeurs, leblanchiment, daprs la lgende, aurait t invent par Al Capone : celui-ci utilisait unechane de laveries automatiques dissmines dans Chicago pour maquiller les revenusquil tirait en ralit du jeu, de la prostitution, du racket et de la violation des lois de laprohibition. Lhistoire est jolie mais hlas dnue de fondement. Si le blanchiment delargent est ainsi nomm, cest parce que ce terme dcrit parfaitement le processus mis enuvre : on fait subir une certaine somme dargent illgal, donc sale , un cycle detransactions visant le rendre lgal cest--dire le laver . En dautres termes, il sagitdobscurcir lorigine de fonds obtenus illgalement travers une succession doprationsfinancires, jusquau moment o ces fonds pourront finalement rapparatre sous formede revenus lgitimes (2).

    Le dnominateur commun de ces dfinitions est reprsent par le lavage de largentsale comme en tmoignent dailleurs les termes employs par les diffrents ordresjuridiques. A lexception de lexpression italienne de riciclaggio, qui met laccent sur laphase de rinvestissement de largent blanchi, partout ailleurs lide de nettoyageapparat : dans le blanchissage de la lgislation suisse, dans le money laundering des paysde common law, dans le Gelduwsche utilis en Allemagne, dans le blanqueo espagnol etdans le lavado de certaines lgislations latino-amricaines.

    La dfinition du blanchiment dargent aussi fondamentale soit-elle pour lutterefficacement contre le phnomne ne va pas de soi. Ainsi sur le plan juridique, cettedfinition est complexe. Les normes nationales et internationales ont tent diffrentesapproches.La convention internationale des Nations Unies contre le trafic illicite de stupfiants et desubstances psychotropes fut la premire cerner le phnomne. Adopte Vienne le 19dcembre 1988, signe le 13 fvrier 1989, linfraction de recyclage et celles qui lui sontassimiles se dfinissent comme la conversion ou le transfert de biens dont celui qui sylivre sait quils proviennent dune infraction de trafic de stupfiants ou duneparticipation une commission dans le but de dissimuler ou de dguiser lorigine illicitedesdits biens ou daider toute personne qui est implique dans la commission de lune deces infractions chapper aux consquences juridiques de ces actes .

    (1) Stfano MANACORDA. La rglementation du blanchiment de capitaux en droit international : lescoordonnes du systme. REV. sc. crim. (2) avril-juin 1999.

    (2) Jeffrey ROBINSON. Les blanchisseurs. Presse de la Cit, Paris 1995.

  • 4Cest aussi la dissimulation ou le dguisement de la nature, de lorigine, delemplacement, de la disposition, du mouvement ou de la proprit rels des biens ou dedroits y relatifs dont lauteur sait quils proviennent dune infraction de trafic destupfiants , ou encore la participation lune des infractions tablies prcdemmentou toute autre association, entente, tentative ou complicit par fourniture duneassistance, dune aide ou de conseils en vue de sa commission .

    Cette dfinition est reprise par la Convention de Strasbourg signe par les Etats de laCommunaut Europenne en 1990 et par la directive du Conseil du 10 juin 1991 sur laprvention de lutilisation du systme financier aux fins de blanchiment de capitaux.

    On retrouve galement ce principe dans larticle 222-38 du nouveau Code pnal franais(NCP). Le blanchiment est le fait, par tous moyens frauduleux, de faciliter lajustification mensongre de lorigine des ressources ou des biens de lauteur de lune desinfractions de trafic tablies aux articles 222-34 222-37 ou dapporter sciemment sonconcours toutes oprations de placement, de dissimulation, de conversion du produitdune telle infraction .La tentative est galement punie (art. 222-40).

    Lune des dfinitions les plus labores est sans doute celle du GAFI (Groupe dactionfinancire sur le blanchiment des capitaux), instance ad hoc cre lors du sommet du G7runi Paris en juillet 1989.Dans son premier rapport annuel, publi en fvrier 1990, le GAFI dfinit le blanchimentde capitaux comme :- la transformation ou le transfert de biens, sachant que ces biens proviennent

    dagissements dlictueux, en vue den dissimuler ou den dguiser lorigine illicite oupour procurer une aide toute personne implique dans la commission dun ou de telsagissements aux fins de la soustraire aux consquences lgales de ses actes ;

    - le recel ou la dissimulation de la vritable nature, provenance, localisation, cession,mouvements, droits concernant de tels biens, ou la possession de ces biens, sachantquils proviennent dune infraction ;

    - lacquisition, la dtention ou lutilisation de biens dont celui qui les acquiert, lesdtient ou les utilise sait, au moment o il les reoit, quils proviennent duneinfraction ou de la participation lune de ces infractions. (1)

    Cette dernire dfinition se veut volontairement englobante , comme le soulignePhilippe BROYER dans son ouvrage (2). En effet une opration de blanchiment nest pastoujours la consquence dune activit criminelle. Aussi lauteur distingue t-il quatrecatgories de capitaux devant tre blanchis :- les capitaux exports en infraction par rapport la rglementation nationale sur lecontrle des changes et les sorties de devises ;- les capitaux exports aprs avoir chapp limposition fiscale nationale ;- les capitaux provenant de divers autres dlits ;- les capitaux constituant vritablement les revenus dactivits criminelles.

    (1) GAFI, La lutte contre le blanchiment de capitaux, La Documentation Franaise, 1990.(2) P.BROYER, Largent sale. Dans les rseaux du blanchiment. Ed. lHarmattan. 2000.

  • 5Pour dautres auteurs tel que Olivier JEREZ (1) cette typologie particulire permet demettre en lumire deux sortes de capitaux composant cette conomie parallle etncessitant une opration de blanchiment : largent noir , fruit dactivits lgales maisnon dclares, et largent sale , fruit dactivits illgales et criminelles.

    Au titre de largent noir lauteur distingue lvasion de capitaux et la fraude fiscale.Largent sale , n de transactions et dactes illicites, dlictueux et/ou criminels,regroupe pour sa part les fonds provenant de la drogue, les fonds amasss par les voleurs,escrocs, contrebandiers, le trafic darmes, dtres humains, ainsi que la corruption et lespots-de-vin, les infractions la lgislation sur les valeurs mobilires, lescroquerie, lesactivits clandestines internationales, la contrebande de billets.Ces diffrentes activits illicites produisent des profits colossaux (entre 2 et 5 % duProduit Intrieur Brut -PIB- mondial.) (2).

    En dfinitive, rflchir sur le blanchiment cest, selon la formule du Commissaire PatrickGLORIEUX (3) sinterroger la fois sur lorigine et limportance des capitaux blanchir, sur les techniques de blanchiment et la qualit des blanchisseurs et, enfin, surles consquences conomiques et politiques du phnomne.

    (1) Olivier JEREZ, le blanchiment de largent, Banque diteur , 1998.(2) Les tentatives pour quantifier le phnomne du blanchiment sont nombreuses. Nombre dauteurs, dorganismesde toute nature, dorganisations internationales fournissent rgulirement des estimations chiffres.Lexercice nest pas ais : il sagit en fait de dterminer le montant des bnfices dgags par les nombreusesactivits illgales de centaines dorganisations criminelles implantes dans la plupart des pays du monde. Toutes lesdonnes sur le blanchiment reposent sur lestimation pralable du montant des ressources que les organisationscriminelles tirent de leur diffrentes activits illgales, leurs chiffres daffaires en quelque sorte. Les chiffressont sans cesse revus la hausse. Cependant, si on sen rfre aux travaux du Fonds Montaire International, on peutestimer que le chiffre daffaire mondial issu des activits de la criminalit organise slve 1 000 milliards par an.En ce qui concerne les fonds blanchir, cest dire les profits, ltude de rfrence est celle du GAFI (rapport1990). Cependant, les chiffres avancs ne concernent que le trafic de stupfiants et ne tiennent pas en compte lesvnements survenus depuis le dbut des annes 1990. Le Fonds Montaire International a dj mis de nouvelleshypothses (bulletin du FMI 5 aot 1996). En aot 1996, ses experts ont valu un minimum de 5OO milliardsde dollars par an le montant des profits issus des activits criminelles du monde entier et donc des sommes blanchir.

    Un autre lment prendre en compte est laccumulation du capital dorigine criminelle. En effet, les capitauxblanchis sont source de revenus ( la suite dinvestissements ou de placements financiers) qui eux-mmes gnrentde nouveaux profits. Dans son ouvrage Philippe BROYER procde une simulation sur une priode 10 ans. A partirdune mise initiale de 3OO milliards de dollars dargent blanchit, investit avec un taux de rendement annuel de 3 %,et renouvele chaque anne, le capital accumul en fin de priode, slve plus de 38OO milliards de dollars.(3) Patrick GLORIEUX a rdig plusieurs tudes sur le blanchiment pour le compte de lInstitut des Hautes Etudesde la Scurit Intrieure (IHESI). Deux dentres elles (Le blanchiment de largent occulte en Europe et Leblanchiment en France. Textes et territoires) sont reprises dans louvrage collectif dirig par P. KOP, Lconomiedu blanchiment, Association dEconomie Financire,1995 (Cf. p 57 pour la prsente citation).

  • 6Les consquences de lactivit de blanchiment sont multiples et gravissimes. En premierlieu, cette activit a une influence nfaste sur lconomie (des investissements directstrangers peuvent se ralentir lorsque les secteurs commerciaux et financiers dun payspassent pour tre soumis au contrle et linfluence de la criminalit organise). Ensecond lieu, elle agit sur la socit en gnral, ainsi le blanchiment peut avoir de gravescots sociaux et politiques (la criminalit organise peut en effet infiltrer les institutionsfinancires, acqurir ou contrler des pans entiers de lconomie par ses investissementsou encore proposer des pots-de-vin des agents publics voire corrompre desgouvernements entiers).Enfin, elle permet lactivit criminelle de se poursuivre directement ou indirectement.

    Dans son ouvrage, Philippe BROYER insiste particulirement sur limmixtion etlacquisition de positions significatives dans lconomie lgale par les organisationscriminelles. Selon lui le potentiel conomique de ces fonds dorigine illicite est tel, quilspeuvent, terme, menacer lautonomie de dcision des autorits publiques et ce plusieurs niveaux :- en influant sur les politiques budgtaires et/ou montaires ;- en altrant la fiabilit des principaux indicateurs conomiques (cf. le cas de la

    Russie) ;- en affaiblissant la crdibilit financire.

    Plus grave encore est, selon le mme auteur, la possible contamination du systmefinancier international . Ainsi la difficult croissante dtecter les capitaux blanchirconjugue linternationalisation des changes, la libre circulation des capitaux et linterdpendance croissante des conomies, et enfin limportance des sommesconcernes permettent de penser que les effets nfastes de ces capitaux pourraientrapidement se propager lensemble du systme financier mondial.

    La nature et les mthodes du blanchiment sont sophistiques et sont donc difficiles dterminer avec prcision. Cependant les experts du GAFI ont examin un certainnombre de cas concrets de blanchiment dans le but den dgager des traits communs.Ces analyses ont permis de mettre en exergue limportance du rle jou par le secretfinancier qui constitue linstrument et le support privilgi des transactionsillicites (1).

    (1) Olivier JEREZ, Le blanchiment de l'argent, Banque Editeur, 1998

  • 7Dans leur rapport annuel, les experts du GAFI distinguent quatre pratiques deblanchiment de largent (1) :

    - la premire correspond la cration dune socit off shore avec laide de spcialistesqui proposent leurs clients une localisation rpondant leurs besoins (crationrapide, faible cot, non identification du propritaire, avantages fiscaux), puiscrent la socit en trouvant, si ncessaire, des prte-noms et offrent des servicesrelevant de lingnierie juridique et financire. Le rle de ces socits cran estprimordiale pour trouver la formule cl en main du blanchiment de largent ,

    - la deuxime pratique relve des systmes parallles de remise de fonds partirdintermdiaires clandestins. Les montagnes sont souvent complexes etvolontairement peu lisibles, mais le principe reste simple : une personne remet unesomme dargent liquide un intermdiaire dans un pays A et peut retirer sonquivalent dans un pays B. Lintermdiaire et son correspondant sarrangent ensuiteentre eux pour compenser dettes et crances. Le procd dit march noir du peso sinscrit dans cette deuxime pratique : un dtenteur de drogue par exemple reoitdes dollars de se ventes aux Etats Unis et doit payer son fournisseur en Colombie ; unintermdiaire clandestin lui fournir les pesos obtenus dimportateurs colombiensdsireux dchapper au march officiel et rgle leurs fournisseurs aux Etats-Unis ouailleurs, avec les dollars obtenus du passeur de drogue. Un autre procd relevant decette deuxime pratique est celui des agences de remise de fonds . Elles sont le faitdindividuels proposant des remises de fonds en change dautres services, ou bien desocits de commerce souvent des structures htelires grant les remises de fondsparalllement leur activit principale ;

    - la troisime pratique de blanchiment sassocie aux techniques de sur ou sous-facturation qui, sous couvert dune opration commerciale dimportation-exportationrgulire, permettent de faire facilement passer largent sale dun secteur ou dun pays un autre ;

    - la quatrime pratique a trait lexploitation des services bancaires en ligne et plusgnralement lusage des dveloppements dInternet. La banque en ligne dispense leclient de tout contact avec sa banque, do un moindre contrle sur la ralisation deses transactions. Ainsi la banque Fortis (Luxembourg) propose-t-elle ses clients uncontrat appel e-banking , entirement sur Internet, depuis son ouverture jusqu saclture. Outre ces banques offrant leurs services sur Internet mais qui restent intgresdans le circuit de distribution des banque traditionnelles, il y a dsormais des cyberbanques . Ce sont des tablissements financiers totalement dmatrialissmais qui en conservent nanmoins le statut. Leur dmatrialisation et leurdomiciliation le plus souvent dans des pays off shore les soustraient tout contrledes gouvernements et banques centrales

    (1)Cf. rapport annuel du GAFI, Paris, 3 fvrier 2000.

  • 8Ces diffrentes mthodes visant confrer une apparence lgale des fonds doriginecriminelle impliquent lutilisation des arcanes du droit des socits(1) ainsi que despratiques sotriques de lunivers bancaire et financier. Autrement dit le blanchiment estune affaire de spcialistes voire de professionnels. En effet dans bien des cas lesblanchisseurs ne sont pas des dealers, des trafiquants mais des individus rompus auxtechniques financires et avides dargent facile. Ces gens ont fait du blanchimentllment le plus sophistiqu du crime organis (Olivier JEREZ). Ces membres distingus de llite blanche ont transform le recyclage dargent sale enune industrie financire en plein essort. Pour certains mme, il ny a pas plus dargentpropre que dargent sale. Il ny a que de largent (Monsieur Charlie Lucky Luciano)(2).

    Concrtement le blanchiment de capitaux appartient cette catgorie du crime quonappelle dlinquance conomique et financire ou encore dlinquance daffaire(3). Cetteforme de criminalit astucieuse est le fruit doprateurs conomiques, commerciaux etfinanciers, qui par leur formation, ont une capacit non ngligeable de tirer profit deleur exprience, de leur connaissance des mcanismes des marchs tant nationauxquinternationaux, des lgislations fiscales, des particularits du droit communautaireainsi que celles du droit pnal international. (4)

    Ces dlinquants en col blanc utilisent notamment deux instruments, deux supports pour blanchir des fonds. Il sagit du secret bancaire et/ou financier ainsi que de larglementation laxiste et complaisante des places off.shore et de certains centresfinanciers.

    (1) Le GAFI a toujours attir l'attention sur la nocivit de certaines structures socitaires dotes de la personnalitmorale et de leur redoutable efficacit dans le processus de blanchiment des profits illicites. Le rapport du 10 fvrier1999 insiste tout particulirement sur "le grave problme pos par les entits trangres ayant la personnalit moralevis vis du succs des enqutes anti-blanchiment. Obtenir des informations de certaines juridictions sur lespropritaires rels d'entits trangres ayant la personnalit morale semble constituer l'obstacle principal auxenqutes sur les oprations internationales de blanchiment".En outre, le rapport fait mention du refus de certains Etats "non coopratifs" de rpondre une demande trangred'enqute ou d'entraide judiciaire soit parce qu'il n'y a pas de convention bilatrale permettant une telle cooprationsoit que l'information demande ne figure dans aucun registre officiel soit encore parce que les renseignements sontprotgs par un secret bancaire strict dont la violation est pnalement sanctionne.Ainsi l'utilisation de la technique socitaire et de la personnalit morale apparat tre au cur du processus deblanchiment.Ces structures socitaires sont appeles "socits cran". Il en existe plusieurs types. On peut en effet distinguer :- la socit en rayon (l'objectif poursuivi est de pouvoir fournir une socit en apparence lgitime et ayant un

    pass ceux qui en l'utilit.)- la socit de faade (ce sont des socits lgalement constitues et qui ont une activit licite, qui n'est en ralit

    qu'une faade et qui sert masquer des activits de blanchiment.)- la socit fantme (elles n'ont d'existence que nominale et ne sont enregistres nulle part.)- la socit de domicile ou socits d'affaires internationales ou encore socits off shore ou socits crans (il

    s'agit d'institutions, de socits, de fondations qui ne se livrent pas des oprations commerciales ouindustrielles dans le pays o est situ le sige social. Elles servent brouiller les pistes.)

    (2) Jeffrey ROBINSON, Les blanchisseurs, Presses de la cit, Paris, 1995.(3) Jean-Claude DELEPIERE, Stratgies de la criminalit conomique et financire et lutte contre le blanchiment,Les Cahiers de la scurit intrieure, 36 Noir, gris, blanc :les contrastes de la criminalit conomique, 1999. Sur lesujet voir galement Jrme et Bernard CABY, Ingnierie financire et blanchiment dargent, revue BANQUEn591, avril 1998.(4) idem

  • 9Le secret bancaire et/ou financier est largement point du doigt dans les affaires deblanchiment dargent.(1)

    Le secret financier apparat comme la pierre de vote du systme de blanchiment et duprocessus de recyclage . Cette formule dOlivier JEREZ rsume elle seulelimportance de cette notion et la ncessit den fixer les limites. Quoi de plus pratique,en effet pour des criminels dsireux de dissimuler lorigine illicite de fonds, quunmcanisme qui garantit le silence et la discrtion la plus totale sur lensemble destransactions.A lorigine ce secret bancaire est n de lexigence dun certain degr de confidentialitentre le banquier et son client.Le secret est dailleurs une composante essentielle non seulement des oprations debanque mais galement des transactions financires et plus gnralement du monde desaffaires.En matire bancaire on parle galement de pouvoir de non immixtion du banquierdans les affaires prives de son client, ou bien de principe de non ingrence , ouencore de relations de confiance .En France, la loi bancaire du 24 janvier 1984 prvoit dans son article 57 la sanction encas de divulgation et violation du secret bancaire(2).

    Concrtement cette notion de secret bancaire est constitue de deux lments et empruntedeux voies distinctes. Lune est le secret bancaire dfini par la loi qui interdit laccs desautorits nationales et trangres aux informations financires juges confidentielles,lautre est la procdure lgale dobstruction qui empche dans les faits toute divulgation,copie, consultation ou sortie de documents dtenus dans le pays daccueil la demandedun pays tranger.(3)

    Dune manire gnrale cest lensemble du secret professionnel affrent notamment auxactivits des notaires et des avocats qui est vis.(4)

    (1) Sur la question voir notamment Alain BUZELAY, Secret bancaire, vasion fiscale et blanchiment de largent enEurope, Revue du March commun et de lUnion europenne, n453, dcembre 2001 ; Olivier JEREZ, Leblanchiment de largent (cit prcdemment), Yann PACLOT, Secret et relations daffaires : les diverses facettes,Droit et patrimoine, n102, mars 2002.(2) Lart. 57 de la loi du 24 janvier 1984 indique que tout membre dun conseil dadministration et, selon le cas,dun conseil de surveillance et toute personne qui un titre quelconque participe la direction ou la gestion duntablissement de crdit ou qui est employ par celui-ci, est tenu au secret professionnel dans les conditions et sousles peines prvues larticle 378 C.P. Lart. 378 CP punit dun emprisonnement dun six mois et dune amendede 500 15000 francs la violation du secret professionnel.(3) Pour des exemples dinstruments utilisant le secret bancaire voir O. JEREZ, Le blanchiment de largent, p.69 80.(4) Olivia DUFOUR, Lutte anti-blanchiment : polmique autour du secret professionnel, Petites affiches, 24 octobre2000, n212, p.3.

  • 10

    Les avantages du secret bancaire et/ou financier se retrouvent notamment dans certainsorganismes nommes places offshore et paradis fiscaux.(1)Les paradis fiscaux ou rglementaires sont daprs la dfinition de Olivier JEREZ deszones gographiques dfinies en fonction de certains critres parmi lesquels figurentlabsence de dispositions juridiques faisant obligation aux organismes et professionsfinancires de conserver des traces de lidentification de leurs clients ou des oprationsralises, labsence dautorisation lgale permettant aux autorits charges delapplication de la loi davoir accs ces documents, limpossibilit dans laquelle cesautorits se trouvent de communiquer ces lments leurs homologues trangers. Les centres offshore ( au large ), sont des places financires dont lessentiel delactivit est ralis par des non rsidents. Mais par dfinition un centre offshore est unparadis fiscal, donc la dichotomie retenue en la matire est celle opposant centresonshore et centres offshore.La lgret fiscale, le secret bancaire et un bon rseau de communication sont, avec lastabilit politique, les principaux critres dun paradis fiscal.

    On compte environ une cinquantaine de paradis fiscaux (offshore ou onshore), parpillsun peu partout dans le monde.Le Vanuatu, archipel situ au sud-est du Pacifique, ancienne colonie franco-britanniquedes Nouvelles-Hbrides, est un exemple relativement nouveau. Ce minuscule archipel aentrepris de devenir une place financire en mettant en avant sa stabilit politique,labsence de contrle des changes, de droits de succession, dimpt sur le revenu et lafortune, un systme de communication adquat et une transparence financire limite.Elle a permis aux actionnaires de socits enregistres au Vanuatu de rester anonymes,sans demander aucune rfrence ni vrification sur les listes dInterpol. Les contrlesfinanciers annuels sont facultatifs, comme lest la notification des changements depropritaire tant que la socit nexerce pas dactivits sur le territoire du Vanuatu.

    Lensemble des services proposs par ces organismes financiers constitue unenvironnement propice aux oprations financires de toutes natures et notamment aublanchiment de capitaux(2).

    Il existe donc certains facteurs, certains supports aux oprations financires qui facilitentlinfiltration de fonds dorigine criminelle dans nos socits et dans les circuits de notreconomie. Il apparat clair que le secret financier est un lment fondamental duprocessus de blanchiment dargent.

    (1) Pour plus de prcisions sur les paradis fiscaux, voir notamment Jean-Pierre THIOLLET, Beau linge et argentsale. Fraude fiscale internationale et blanchiment des capitaux, Anagramme ditions, 2002.(2) Quelques exemples de mcanismes offerts par les paradis fiscaux : le trust ou fiducie, lassurance tousrisques , les banques captives , les brevets et autres services, les prix de transfert (prix fictifs auxquels sontcomptabiliss les transactions), la course dite de lobus et du blindage (expression anglaise recouvrant la chasseentre le fisc et le citoyen, personne physique ou morale.), les socits de faades

  • 11

    Classiquement, on a coutume de distinguer trois phases dans le processus du blanchimentde capitaux, qui sont autant dtapes cls pour la dtection par les autorits comptentesde ces oprations (1) :

    - la phase de placement- la phase de dispersion- la phase d'intgration

    A partir bien souvent de l'argent liquide rcupr par des transformateurs ou grossistes,le blanchiment se fera par des intermdiaires, comme les services d'un avocat ou autremandataire, d'un agent de change, d'une socit de gestion de films ou spectacles, d'uncasino, d'une entreprise familiale, d'une banque ou socit offshore, pour tre dpos surun compte bancaire puis redistribu dans les circuits financiers en empruntant diversesvoies. (2)

    La premire tape appele placement, immersion ou encore "prlavage" consiste sedbarrasser matriellement d'importantes sommes d'argent en numraire, soit auprsd'tablissements financiers, soit dans l'conomie de dtail, soit encore par transfert dedevises l'tranger.(3)Le rle des banquiers ou des financiers ds l'tape initiale du processus revt uneimportance capitale, car la banque est dans bien des cas le passage oblig pour cesdlinquants.

    La deuxime tape appele empilage, transformation ou encore dispersion ou lavage consiste rendre difficile tout retour comptable vers l'origine des dpts par lamultiplication successive des transactions. Cette tape a pour finalit la dissimulation dessources de l'argent blanchir afin d'augmenter les difficults des enquteurs ventuels etrendre peu ais la dtection des fonds passible de saisie. (4)

    La troisime et dernire tape appele intgration ou encore "recyclage" a pour objetd'habiller de lgalit l'argent blanchi en fournissant une justification irrfutable de laprovenance des capitaux c'est--dire confrer une apparence de lgalit une richessed'origine criminelle.

    Ce dernier stade est celui durant lequel les fonds blanchis sont remis en circulation sousforme de revenus "propres".(5)

    (1) Voir notamment Les tapes du blanchiment, le Monde, dossiers et documents, n174, Fvrier 1990.(2) C'est ainsi que Olivier JEREZ rsume le processus de blanchiment d'argent dans son ouvrage (Le blanchiment del'argent).(3) Pour des exemples de mthodes de placement d'argent illicite voir notamment O. JEREZ, Le blanchiment del'argent (pages 99 106).(4) Au titre des mthodes utilises lors de cette tape d'empilage on peut citer la conversion de numraires en outilsde paiement (chques de voyages, lettres de change, chques de banque), ou en placements (obligations, etc),galement l'acquisition et la revente de biens matriels, les transferts lectroniques de fonds, le faux crditdocumentaire(5) Pour illustrer cette dernire tape on citera quelques exemples de mthodes utilises : Les ventes de biensimmobiliers, les "compagnies cran" et les emprunts fabriqus, les fausses factures en import export

  • 12

    L'analyse du processus de blanchiment montre que plus on avance dans les tapes qui lecomposent et plus il est difficile de dtecter la provenance illicite des capitaux concerns.A ce titre la mtaphore utilise par M. Jeffrey ROBINSON dans son ouvrage Lesblanchisseurs est trs rvlatrice de cette affirmation : Vous avez srement dj jet un caillou dans une mare. Les claboussures produitespermettent de voir distinctement l'endroit o il a percut la surface.Ensuite, il se met couler et l'eau se creuse de rides circulaires. Pendant un moment, ilest encore possible de dire quel endroit le projectile a sombr. Mais au fur et mesureque celui-ci s'enfonce, les cercles vont s'estompant. Et quand notre caillou atterrit au fondde la mare, toute trace de son passage a depuis longtemps disparu de la surface. Lui-mme risque fort d'tre impossible retrouver. C'est exactement la mme chose avecl'argent blanchi .

    En dfinitive, il apparat que le seul stade dans le processus de blanchiment o ladtection de l'argent "sale" est encore possible est celui du placement ou immersion.C'est donc ce stade que les institutions de dtection et de rpression vont concentrerleurs efforts.

    Ce modle de description du processus de blanchiment d'argent est cependant de plus enplus contest. En effet , Monsieur de MAILLARD a dmontr qu'une telle approche necorrespond plus la ralit du grand blanchiment moderne.D'aprs cet auteur, ce type d'analyse ne permettrait pas de rendre compte de la circulationde l'argent d'origine criminelle sur les marchs financiers qui sont pourtant, par nature,des lieux privilgis o s'effectuent les transactions financires entre diffrents oprateursconomiques.(1)

    (1) Jean de MAILLARD, Un monde sans loi, Stock, 1998. Dans cet ouvrage l'auteur montre que le paradigmeclassique est rvolu et se propose de lui en substituer un nouveau.Le modle classique semble inadquate dcrire la ralit actuelle parce que d'une part les autorits en charge despoursuites sont en mesure aujourd'hui de dtecter les formes classiques de blanchiment et de les combattre et d'autrepart parce qu'il est inapte dcrire les mthodes mises en uvre pour blanchir les milliards de dollars. Enfin lemodle classique ne permettrait pas d'apprhender les destinations empruntes par l'argent sale.Plus prcisment pour Jean de MAILLARD le modle classique propos reposerait sur un postulat erron, savoirque les sommes blanchies ncessite automatiquement un rinvestissement dans l'acquisition de biens deconsommation ou dans la ralisation d'investissements productifs. Cependant il apparat que lorsque les sommes enquestion sont trop importantes elles restent cantonnes dans la sphre financire o elles produisent des intrts etdonc des revenus pour les organisations criminelles.En outre le modle classique ne permettrait pas de classer les techniques de blanchiment.

    L'auteur propose un nouveau modle fond sur la finalit du blanchiment.

    Dans cette nouvelle typologie il distingue trois sortes de blanchiment :- le blanchiment lmentaire, dont les techniques consistent mettre en uvre des circuits courts permettant de

    transformer un faible volume de liquidit. L'argent blanchi servira des dpenses de consommation courante o raliser des investissements de faible valeur.

    - le blanchiment labor qui permet de rinvestir l'argent criminel dans des activits lgales (les techniques sontdiverses, on y trouve : la spculation immobilire simule, la fausse spculation sur l'art, le prt bancaireadoss)

    - le blanchiment sophistiqu dont les marchs financiers sont le thtre d'oprations.

  • 13

    Le blanchiment d'argent est devenu en l'espace de quelques annes une proccupationcroissante des Etats et plus largement de la communaut internationale. L'amplificationdu phnomne, avec notamment l'utilisation des nouvelles technologies (1), a lev lalutte contre le blanchiment au rang de priorit.

    En outre, priver les criminels des revenus de leur activit a pour consquence directed'inhiber l'activit criminelle elle-mme.En effet, les tudes et l'exprience ont montr qu'il s'est avr qu'il tait plus payant delutter contre le crime organis en ayant la main mise sur les revenus que ces criminelsescomptent que de lutter contre l'activit illgale elle-mme : Qui frappe la boursefrappe au cur (2).

    Quels sont les moyens mises en uvre tant au niveau international que national pourcombattre le blanchiment de capitaux illicites ?

    La lutte contre le blanchiment de capitaux est devenue ces dernires annes une questioncentrale dans les discussions internationales relatives la prvention de la criminalit et la justice pnale.Pour endiguer le phnomne les Etats ont mis en place un dispositif de textes l'cheloninternational, europen et national. (1re partie)A ct de cet arsenal lgislatif, des structures spcifiques de lutte ont t mises en place.Ces structures sont de nature administrative, policire, douanire et judiciaire, etconstituent le volet institutionnel de la lutte contre le blanchiment d'argent. (2me partie)

    (1)Lvolution des technologies de linformation et de la communication ont permis dacclrer de faonconsidrable les mouvements de largent, crant ainsi largent virtuel . Ces volutions technologiques rendentplus difficiles lidentification des intervenants et profitent par l mme aux organisations criminelles : lacommunication globalise, instantane, synaptique de la fin du 20me sicle, reposant sur des appareillages lgers etnomades, la fois compltement autonomes et entirement intercommutables, joue plutt en faveur des criminels. (M.GURFINKIEL, Gopolitique de la criminalit , La criminalit organise, La Doc. Franaise, 1996.)Les criminels tirent avantage des caractristiques de ces nouvelles technologies que sont la libre circulation descapitaux, lanonymat, la multiplication des intervenants et des fluxLa monnaie lectronique, la banque sur Internet et la banques directe sont les nouveaux services ns de lvolutiondes techniques et autant de perspectives nouvelles pour le blanchiment dargent.Dans son rapport publi en 1997 le GAFI met en garde contre les possibilits offertes par la monnaie lectronique :la monnaie lectronique peut permettre aux criminels de dissimuler plus facilement la source du produit de leursactivits et de transfrer plus facilement ce produit sans que cette opration puisse tre dtecter. On peut trepratiquement certain que si ces nouveaux systmes voluent de manire mieux rpondre que les systmes actuelsde paiement aux besoins des criminels, ceux-ci les utiliseront. (GAFI, Rapport 1996/1997 sur les typologies dublanchiment de largent.)La banque sur Internet constitue une autre source de proccupations. A ce sujet le problme majeur nest pas celuides sites Internet dont disposent toutes les grandes banques mais plutt la perspective de voir fonctionner destablissements virtuels offshore. En effet ces services bancaires sur Internet offrent aux criminels ainsi quauxblanchisseurs la possibilit de raliser rapidement et avec discrtion la quasi-totalit des oprations financires derecyclage des capitaux.Enfin, le dveloppement des banques directes, dont le principe exclut tout contact physique avec le client, est pour lemoins antinomique avec lexigence de vrification de lidentit des clients.(2) P.H. BOLLE, Revue Internationale de criminologie et de police technique.

  • 14

    1re partie L'arsenal juridique

    Le combat mener contre le blanchiment d'argent est le fruit d'une longue recherche, ettrs vite l'internationalisation de cette lutte ainsi que l'harmonisation des rglesinternationales de chaque Etat impliqu s'est avr tre une ncessit.Aussi la lutte contre le phnomne visant dissimuler l'origine criminelle de fonds s'estconcrtise par la naissance de textes et accords au niveau international (chapitre 1).Ces textes ont eu une rpercussion significative sur les diffrents systmes juridiquesnationaux et notamment pour ce qui nous concerne sur le droit positif franais(chapitre 2).

    Chapitre 1 Les instruments internationaux de lutte contre le blanchiment d'argent

    L'internationalisation, ou plus prcisment la transnationalisation , du phnomne deblanchiment exige une mobilisation l'chelon international. Autrement dit la lutte contrele phnomne doit ncessairement revtir une dimension internationale et ds lors lacoopration entre les Etats devient une priorit.Dj en 1928, H. DONNEDIEU de VABRES crivait " l'internationalisation du crimedoit rpondre l'internationalisation de la rpression" (1).

    Concrtement cette mobilisation internationale est visible deux niveaux : au niveaumondial d'une part (section 1), au niveau rgional avec l'action de l'Union europenned'autre part (section 2).

    L'originalit de la rponse mise en uvre pour juguler le blanchiment de capitaux rsidedans l'enchevtrement des espaces normatifs, interne et international et du contenu desnormes, prventives et rpressives.Lobjectif de ce cadre normatif nest pas de substituer laction tatique un ordrejuridique supra-national dont la finalit serait la globalisation des moyens de lutte contrele blanchiment au dtriment des souverainets nationales, mais de tenter dharmoniser lesdiffrents ordres juridiques nationaux pour apporter une rponse efficace cette forme decriminalit.

    (1) H. DONNEDIEU de VABRE, Les principes modernes du droit pnal international, 1928, p.302.

  • 15

    Les efforts de la communaut internationale tendent plutt promouvoir, coordonner etorganiser les politiques de lutte contre ce phnomne, quelles soient rpressives ouprventives.

    Traditionnellement l'internationalisation du droit pnal relve d'un mouvement linairequi part du droit interne pour aboutir au droit international.Avec le blanchiment le mouvement est inverse. Si l'incrimination a commencexceptionnellement au plan national dans les pays o la criminalit organise tait la plusmenaante (Etats-Unis et Italie), elle est apparue dans les autres la suite d'uneintervention internationale. Concrtement le droit international pose les principalesdfinitions, puis le droit interne les intgre aux normes pnales nationales.

    A consquence principale de ce mcanisme est, paradoxalement, de dvelopper unecertaine htrognit entre les lgislations nationales dans la mesure o des divergencessinscrivent lors de la transposition en droit interne.

    Cependant, leffort entam doit tre poursuivi et intensifi car, seule une action concerteest de nature affaiblir voire anantir les activits des organisations criminelles.

  • 16

    Section 1 les textes et accords internationaux.

    La raction internationale contre le blanchiment est relativement rcente puisquelle adbut la fin des annes quatre-vingt. Les responsables politiques occidentaux ont alorsconsidr que le recyclage de capitaux dorigine criminelle, en particulier ceux provenantdu trafic de drogues, devait tre combattu de manire spcifique.Cette prise de conscience internationale sest traduite dans les faits par la cration dunestructure spcifique dexpertise - le Groupe dAction Financire sur le blanchiment decapitaux (GAFI) (I), ainsi que par la rdaction de diffrents textes internationaux valeur incitative (1) (II).

    I Le Groupe dAction Financire International (GAFI).

    La cration du GAFI en 1989 par les sept pays les plus industrialiss le G7 pourexaminer les mesures permettant de lutter contre le blanchiment dargent marque un tournant extraordinaire (2) dans lvolution de la mobilisation internationale.Limpact du GAFI sur lensemble des travaux concernant la lutte contre le blanchimentest considrable. Aussi ltude de cette instance originale, (composition, organisation etmission, fonctionnement) (A) est un pralable ncessaire lanalyse de son activit quirside essentiellement dans la rdaction de quarante recommandations (B).

    A Le rle du GAFI

    Le troisime rapport annuel du GAFI donne une dfinition de cet organisme : Le GAFInest pas une organisation internationale mais un groupement de gouvernements ayantdcid dadopter et de mettre en uvre un ensemble complet de recommandations pourlutter contre le blanchiment de capitaux. Laction du GAFI est essentiellement axe sur lacoopration entre les gouvernements membres mais elle suppose, bien entendu, desprolongements extrieurs .(3)

    (1) P.GLORIEUX, Le blanchiment en France , in P.KOPP, Lconomie du blanchiment, Paris, AssociationdEconomie Financire, Cahiers finances, thique, confiance, 1995.(2) O.JEREZ, Le blanchiment de largent,(cit prcdemment).(3) GAFI, Rapport 1991/1992.

  • 17

    Le GAFI regroupe vingt-six pays (1) et deux instances rgionales (la Commissioneuropenne et le Conseil de coopration du Golfe). Tous les membres de lUnioneuropenne sont reprsents, ce qui nest le cas, par contre, des pays faisant partie duConseil de coopration du Golfe. Les dlgations auprs du GAFI sont composes dexperts appartenant aux diffrentesadministrations centrales (finances, justice, intrieur, affaires trangres) des paysconcerns. La dlgation franaise est ainsi place sous la responsabilit dun hautfonctionnaire de la direction du Trsor du ministre des finances.

    En ce qui concerne leffectif, un consensus sest rapidement dgag pour quil demeurelimit, dans la mesure o un largissement important du GAFI serait prjudiciable sasouplesse et son efficacit. De ce fait, il a t dcid de crer des groupes dactionsrgionaux, afin de relayer laction du GAFI dans les diffrentes zones confrontes auximpratifs de la lutte contre le blanchiment :

    - le Groupe daction financire des Carabes (GAFIC) cr en 1992, comprend vingt-cinq pays et territoires (2) ; il dispose dun secrtariat autonome install Trinit etTobago et son fonctionnement sinspire directement de celui du GAFI ;

    - le Groupe Asie/Pacifique sur le blanchiment de capitaux, qui compte dix neufmembres, a t cr en fvrier 1997(3) ; la tche accomplir dans cette zone estimmense, la fois pour tudier le phnomne et pour le combattre ; il est noterquINTERPOL et le FINCEN ont lanc, en 1997, un ambitieux programme dtudequi doit aboutir la ralisation dun rapport dtaill pour chacun des pays de largion ;

    (1) Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grce,Hongkong, Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvge, Nouvelle-Zlande, Portugal, Royaume desPays Bas, Royaume Unis, Singapour, Sude, Suisse, Turquie.

    (2) Anguilla, Antigua et Barbuda, Antilles nerlandaises, Aruba, Bahamas, Barbade, Belize, Bermudes, Costa Rica,Dominique, Grenade, Iles Cayman, Iles Turks et Caicos, Iles Vierges britanniques, Jamaque, Montserrat,Nicaragua, Panama, Rpublique Dominicaine, Saint-Kitts et Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et lesGrenadines, Surinam, Trinit et Tobago, Venezuela.

    Dix huit de ces vingt-cinq membres du GAFIC figurent dans la liste mondiale des cinquante et un centres financiersoffshore tablie par le GAFI. En outre, certains sont notoirement connus comme des hauts lieux du blanchiment.(3) Australie, Bangladesh, Core du Sud, Etats Unis, Iles Fidji, Hongkong, Inde, Indonsie, Japon, Malaisie,

    Nouvelle Zlande, Pakistan, Philippines, Rpublique populaire de Chine, Singapour, Sri Lanka, Taiwan,Thalande, Vanuatu.

    Le Groupe Asie/Pacifique a prvu de consacrer chaque anne une runion aux typologies du blanchiment et denpublier la synthse dans un rapport.

  • 18

    - le Groupe anti-blanchiment de lAfrique de lEst et du Sud (CABAES) et le Groupedaction interministriel contre le blanchiment dargent (GAIBA, qui runit des paysdAfrique de lOuest et du centre) nexistent que depuis peu de temps (aot etdcembre 1999)(1) ;

    - en Amrique latine, le GAFI soutient laction de lOrganisation des Etats amricains(OEA) au sein de laquelle fonctionne la Commission interamricaine de lutte contrelabus des drogues (CICAD) ; lOEA/CICAD a mis en place un groupe dexperts surle blanchiment de capitaux qui travaille sur le modle du GAFI ; ce groupe soccupenotamment de la mise en uvre du plan daction adopt lors de la confrence deBuenos Aires, en dcembre 1995 ;

    - en Europe centrale et orientale, diverses runions et confrences internationales ont eulieu depuis cinq ans mais elles nont pas abouti, pour linstant, la cration destructures permanentes.

    Les positions sur la question de leffectif ont progressivement volu et le sujet doit fairelobjet dun nouvel examen dici 2OO4.

    La prsidence du GAFI est assure annuellement par lun des membres.Un secrtariat permanent est install Paris, au sige de lOrganisation de coopration etde dveloppement conomique (OCDE).Les experts des diffrents pays forment des groupes de travail qui se runissent plusieursfois par an et dont lactivit est synthtis dans un rapport annuel.

    La mission du GAFI a t dfinie en 1991 et confirme en 1994 pour cinq ans.Ainsi le GAFI se voit assigne quatre objectifs :

    - obtenir, de la part de tous ses membres, une auto-valuation mutuelle sur ladoption etla mise en uvre des quarante recommandations formules en 1990 et rvises en1996 ;

    - instaurer une coordination et une superposition des efforts dans le but dinciter lespays non-membres adopter et mettre en uvres lesdites recommandations ;

    - laborer dautres recommandations, tout en constituant un forum dtude destechniques de blanchiment et dchange de renseignements sur les mthodes dedtection et de rpression ;

    - faciliter la coopration entre les organisations charges de la lutte contre leblanchiment de capitaux, ainsi quentre les pays et les territoires concerns par cephnomne.

    (1) Ces groupes ont t crs la suite de la confrence du Cap (1996) laquelle les treize pays ont particip :Afrique du Sud, Botswana, Kenya, Lesotho, Malawi, Ile Maurice, Mozambique, Namibie, Ouganda, Swaziland,Tanzanie, Zambie, Zimbabwe. Deux autres confrences, destines aux pays dAfrique de lOuest, ont lieu en CtedIvoire en dcembre 1997 et au Sngal en dcembre 1998 elles ont t organises dans le cadre du programmemondial de recherche et de coopration technique contre le blanchiment de largent lanc par lONU en 1997.

  • 19

    En avril 1998, la runion ministrielle des pays membres a t loccasion daffirmer lancessit de poursuivre les travaux du GAFI jusquen 2004.Plusieurs objectifs ont alors t fixs :- la cration dun rseau mondial de lutte contre le blanchiment et la diffusion gnrale

    du GAFI. Dans cette perspective, llargissement du GAFI des pays dimportancesur le plan stratgique ayant mis en place certaines mesures anti-blanchiment () etqui sont politiquement dcids sengager sans rserve dans la mise en uvre desquarante recommandations () (GAFI, Rapport 1997/1998).

    En outre, la mise en place de ce rseau mondial passe par la cration de nouveauxorganismes rgionaux et le renforcement des organismes existants, ainsi que parlapprofondissement de la coopration avec les organisations internationales concernes.

    - Lamlioration de lapplication des quarante recommandations rvises.- Le dveloppement des diffrentes tudes sur les typologies du blanchiment.- Le but de cette opration serait dadapter les contre-mesures aux nouvelles ralits du

    blanchiment et les informations recueillies cette occasion pourraient conduire unenouvelle rvision des recommandations en 2003-2004.

    Pour satisfaire lensemble de ces objectifs, le GAFI a mis au point une mthodologie.Ainsi, les pays membres sont tenus de rpondre chaque anne deux questionnaires, lunjuridique, lautre financier portant sur lapplication des quarante recommandations. Il estgalement demand aux membres daccompagner leurs rponses de commentairesexplicatifs. Cette pratique est appele procdure dauto-valuation.A partir des rsultats des questionnaires, le secrtariat du GAFI tablit deux synthses,une juridique et une financire qui sont transmises aux groupes dexperts concerns. Lesprincipales conclusions sont ensuite consignes dans le rapport annuel.Le GAFI a galement mis en place, ct de cette procdure dauto-valuation, uneprocdure dite dvaluation mutuelle. Chaque anne, plusieurs pays sont slectionns etchacun dentre eux se voit attribuer une mission par lintermdiaire dexperts. A partirdes lments obtenus par questionnaires et entretiens, les experts aids par le secrtariatdu GAFI rdigent des conclusions dont le rsum figure dans le rapport annuel du GAFI.

    Cette pratique du questionnaire est galement utilise dans le cadre de la procduredvaluation horizontale. En loccurrence les questionnaires portent sur des sujetsspcifiques, et l encore les rponses recueillies feront lobjet dune synthse rdige parle secrtariat. Cette procdure a t utilise pour lanalyse des questions suivantes :

    - en 1994-1995 pour la mise en uvre des recommandations relatives la dclarationdes transactions suspectes ;

    - en 1995-1996 et 1996-1997 pour la mise en uvre des recommandations relatives ladtection , au gel, la saisie et la confiscation des produits dactivits criminelles ;

    - en 1996-1997 pour la mise en uvre des recommandations relatives lidentificationdes clients ;

    - en 1997-1998 pour le retour de linformation vers les institutions financiresdclarantes.

  • 20

    Le GAFI a galement pour fonction doprer des typologies des techniques deblanchiment. Cette tude donne lieu a un texte distinct du rapport annuel dont il constitueune annexe. Ce document constitue une source prcieuse dinformations sur lvolutiondes pratiques du blanchiment.

    Dans son rle de lutte contre le blanchiment, le GAFI a nou des relations avec desorganisations rgionales et internationales. Cette coopration stend aux pays nonmembres ainsi quau secteur financier priv. (1).

    En dfinitive, le GAFI est un organisme multidisciplinaire qui rassemble en son sein lacapacit des experts juridiques, financiers et oprationnels dlgus par ses membres orienter laction des pouvoirs publics. Le GAFI procde au suivi des progrs raliss parses membres dans lapplication des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux. Ileffectue des tudes et prpare des comptes rendus sur les tendances et les techniques deblanchiment et sur les contre-mesures correspondantes ; enfin il assure la promotion etlapplication de ses normes de lutte contre le blanchiment lchelle mondiale.

    Le rle du GAFI consiste dvelopper une approche globale de la lutte contre leblanchiment de capitaux. La ncessit de couvrir tous les aspects de ce phnomne sereflte dans les quarante recommandations.

    (1) Au titre des principaux partenaires du GAFI ont peut compter :- les institutions financires et conomiques internationales telles que le Fonds montaire international (F.M.I.) la

    Banque mondiale, la Banque des rglements internationaux (la B.R.I), la Banque europenne pour lereconstruction et le dveloppement (la B.E.R.D.), lOrganisation de coopration et de dveloppementconomique (lO.C.D.E.), ou encore le Groupe des autorits de contrle bancaire des centres financiers extra-territoriaux (souvent dsigns sous le sigle O.G.B.S.)

    - les grandes organisations et instances politiques telles que lOrganisation des Nations Unies, le Conseil delEurope ou encore lUnion Europenne .

    - les structures de lutte contre le trafic des stupfiants.- les organisations de coopration policire et douanire.

    Le GAFI entretient des relations avec les pays dits non-coopratifs. A cet effet, un groupe ad hoc a t cr enseptembre 1998 dans le but dtudier les mesures prendre vis vis des pays/territoires qui continuent dappliquerdes rgles de secret bancaire dune rigueur excessive et de permettre lutilisation de socits cran des finsillgales et qui, en outre, entravent la coopration internationale en matire de lutte contre le blanchiment. Enfvrier 2000, ce groupe a publi son premier rapport qui retient 25 critres didentification dun pays ou dunterritoire non coopratif. Un premier inventaire des juridictions non coopratives a t tabli en juin 2000.

    Enfin, le GAFI a organis en 1996, 1998 et 2000 des forums runissant des organisations reprsentatives du secteurfinancier priv. Diverses questions ont t abordes lors de ces runions comme lexamen des typologies dublanchiment de largent, lapprciation de la menace et des contre-mesures pour les institutions financires nonbancaires, les consquences du dveloppement des nouvelles technologies de linformation et de la communication,le problme du retour de linformation vers les institutions financires effectuant des dclarations de soupons, lerle des experts-comptables dans la lutte contre le blanchiment.

  • 21

    B - Les quarante recommandations du GAFI

    Ces recommandations ont t rdiges en 1990 et rvises en 1996 afin de tenir comptede lexprience acquise et des volutions constates. Les quarante recommandations constituent le fondement des efforts de lutte contre leblanchiment de capitaux et elles ont t conues pour une application universelle.Elles portent sur le systme de justice pnale et lapplication des lois, le systme financieret sa rglementation, ainsi que sur la coopration internationale.Le GAFI a reconnu ds le dpart que les pays taient dots de systmes juridiques etfinanciers divers et, quen consquence, tous ne pouvaient pas prendre des mesuresidentiques.Les recommandations consistent donc en des principes daction dans le domaine dublanchiment, que les pays doivent mettre en uvre en fonction de leurs circonstancesparticulires et de leurs cadres constitutionnels, en leur laissant une certaine marge desouplesse plutt que de tout imposer dans le dtail.Les mesures ne sont pas particulirement complexes ou difficiles, sous rserve que lavolont politique dagir existe.Elles ne risquent pas non plus de compromettre la libert deffectuer des oprationslgitimes ou de menacer le dveloppement conomique (1).

    Dune faon gnrale, ces recommandations portent sur le systme de justice pnale etdapplication des lois, le systme financier et sa rglementation ainsi que sur lacoopration internationale.Les recommandations se rpartissent en quatre rubriques :- le cadre gnral (recommandations 1 3) ;- le rle des systmes juridiques nationaux (recommandations 4 7) ;- le rle du systme financier (recommandations 8 29) ;- le renforcement de la coopration internationale (recommandations 3O 4O).

    Le groupe a invit chaque pays prendre sans dlai, les mesures ncessaires pourmettre en uvre sans restriction la convention de Vienne (1988) et procder saratification .Cette recommandation majeur a pour objectif dharmoniser les rgles appliques dans lesdiffrents pays en matire de secret bancaire et dincrimination en matire deblanchiment de capitaux, mais galement de dvelopper lentraide judiciaire. En effet,concernant le secret bancaire, il a t admis lunanimit que les lois sur le secretprofessionnel des institutions financires devraient tre conus de telle faon quellesnentravent pas la mise en uvre des recommandation du Groupe. Enfin, un programmeefficace de lutte contre le blanchiment dargent devrait comprendre une amlioration dela coopration multilatrale et de lentraide judiciaire dans les enqutes et les poursuitespour les cas de blanchiment de capitaux, ainsi que des procdures dextradition le caschant.

    (1) GAFI, Les quarante recommandations, 1996

  • 22

    Dans cette perspective le GAFI fixe deux impratifs :- dune part la ncessit dinterventions rapides et fermes (laccent sur la convention de

    Vienne et plus prcisment sur la ncessit de ratification et de mise en uvre de cetteconvention sans restriction, ni dlai et quelles que puissent tre les difficults au planjuridique ou technique).

    - dautre par la ncessit de mesures concrtes (les divergences entre les mesures prisesentre les diffrents pays pour combattre le blanchiment sont autant datouts pour lestrafiquants qui nhsitent pas exploiter ces distorsions et dplacent les circuits deblanchiment en direction des pays et des systmes financiers o la rglementation estla plus faible ; une harmonisation entre mesures nationales et en particulier cellesvisant renforcer et amliorer la diligence des institutions financires est ncessaire).

    A partir de ce cadre gnral, le GAFI invite les Etats porter leurs efforts dans troisdirections.

    Le premier volet consiste dans lamlioration des systmes juridiques nationaux de luttecontre le blanchiment de capitaux.Cette premire exigence fixe par les recommandations ne peut tre satisfaite que si lesEtats sentendent sur une dfinition commune de linfraction de blanchiment etdterminent son champs dapplication et lnergie de la rpression.Ainsi, le GAFI invite ses membres ne pas cantonner linfraction aux capitaux issus dutrafic de stupfiants. Chaque pays devrait envisager dtendre linfraction du blanchiment des capitaux dutrafic de stupfiants dautres infractions lies aux stupfiants ; une autre approcheconsisterait incriminer le blanchiment de capitaux se rapportant toutes les infractionsgraves, et/ou toutes les infractions qui gnrent un montant important de produits ou certaines infractions graves .Le GAFI recommande galement ladoption de mesures provisoires et de confiscation.Autrement dit, les Etats doivent se doter de mesures permettant aux autorits comptentes () de confisquer les biens blanchis, les produits en dcoulant, ainsi que lesinstruments utiliss ou devant ltre pour commettre toutes infractions deblanchiment(.) .Concrtement, ces mesures devront instaurer des processus permettant lidentification etlestimation des biens susceptibles de faire lobjet de confiscation, la mise en uvre demesures provisoires de gel ou de saisie des biens pour viter toute possibilit de transfertou de cession et le dclenchement denqutes appropries.Outre la confiscation et les sanctions pnales, certains pays envisagent aussi les sanctionspcuniaires et civiles et/ou les poursuites judiciaires notamment devant une juridictioncivile.

    Le renforcement du rle du systme financier constitue le second volet des objectifs fixspar le GAFI.Dans cette perspective, le Groupe a recommand dtablir une liste commune minimaledinstitutions financires non bancaires et dautres professions recevant des espcesauxquelles devraient sappliquer ces recommandations.

  • 23

    En outre, le GAFI prconise la mise en place de rgles didentification des clients et deconservation des documents. Lusage des comptes anonymes et des comptes ouverts sousdes noms demprunts doit tre prohib. Les organismes financiers doivent prendre toutesles mesures qui leur permettront dobtenir des informations sur lidentit vritable despersonnes lorigine dune ouverture de compte ou de lexcution dune transaction sily a le moindre doute sur lorigine illicite de ces oprations.Cette exigence de vrification didentit peut amener les organismes financiers :- vrifier lexistence et la structure juridique du client en obtenant de celui-ci ou partirdun registre public ou bien grce ces deux sources, une preuve de la constitution ensocit comprenant des renseignements concernant le nom du client, sa forme juridique,son adresse, les dirigeants et les dispositions rgissant le pouvoir dengager la personnemorale ;- vrifier que toute personne prtendant agir au nom du client est autorise le faire et

    identifier cette personne .La vigilance doit tre toute particulire vis--vis des structures de domicile (socits,fondations, trusts, fiducies, etc.) qui exercent des activits en dehors du pays o elles sontlocalises. Enfin, il convient de prendre garde aux menaces inhrentes au dveloppementdes nouvelles technologies, trs protectrices de lanonymat.

    Les institutions financires sont galement assujetties une obligation de diligenceaccrue. Ainsi, ces institutions doivent () apporter une attention particulire toutesles oprations complexes, inhabituelles, importantes et tous les types inhabituels detransactions, lorsquelles nont pas de cause conomique ou licite apparente .

    Enfin, le GAFI prcise et affine le rle des autorits de rglementations et dautresautorits administratives.Les autorits charges du contrle de banques ou dautres organismes ou intermdiairesfinanciers, ou dautres autorits comptentes doivent sassurer que les institutionsfinancires contrles disposent de programmes adquats pour viter le blanchiment decapitaux.

    Ces autorits doivent cooprer et apporter leur concours soit spontanment, soit surdemande aux autres autorits nationales, judiciaires ou de dtections et de rpressionsdans les enqutes et les poursuites relatives au blanchiment.

    Les recommandations 22 25 apportent des prcisions sur les autres mesures devigilance adopter par les organismes financiers. Pour le GAFI, il est souhaitable :- de surveiller les transports physiques transfrontaliers despces, sans toutefois gner

    la libre circulation des capitaux ;- dtudier la cration dagences nationales charges de centraliser les informations

    relatives aux transactions en espces (nationales et internationales) suprieures uncertain montant ;

    - de limiter autant que possible les transactions en espces ;- de prvenir lutilisation abusive des socits cran.

  • 24

    Le renforcement de la coopration internationale est le dernier volet des propositionsvisant renforcer lefficacit des moyens de lutte contre le blanchiment manant duGAFI.Cette coopration conduisant un change dinformations de caractre gnral est dunedouble nature. Il sagit en effet dorganiser une coopration administrative mais aussi unecoopration entre les autorits judiciaires en matire pnale.La coopration en matire de confiscation, dentraide judiciaire et dextradition esttraite de manire dtaille par la recommandation (recommandation 33 40).Paralllement le GAFI a cherch renforcer les mesures de coopration administrativeinternationale. Trois recommandations traitent de cette coopration administrative(recommandation 3O, 31 et 32). Ces textes prconisent une amlioration de latransmission spontane ou sur demande dinformations relatives aux transactionssuspectes et aux personnes physiques ou morales impliques dans ces oprations. Cestextes insistent par ailleurs sur la ncessit pour les instances internationales comptentesde compiler des informations sur les volutions les plus rcentes des techniques dublanchiment et de les transmettre aux autorits comptentes nationales. Enfin, il estrecommand aux administrations nationales de mettre la disposition du F.M.I et de laB.R.I. des donnes statistiques concernant les flux internationaux despces en toutesdevises, afin de faciliter les tudes transnationales.

    Deux aspects des autres recommandations concernant la coopration internationale ontgalement trait au domaine de lentraide administrative. Le dveloppement de latechnique de la livraison surveille est demand. Les pays sont en outre encourags examiner lopportunit dintroduire une obligation de dclarer la frontire les avoirstransports, soit de songer la mise en uvre de mesures ralistes, destines surveillerles transports physiques transfrontaliers despces et dinstruments au porteur.

    Lefficacit des recommandations du GAFI dcoule de ce que le Groupe a admis ds ledpart que les pays taient de systmes juridiques et financiers diffrents et quenconsquence, tous ne pouvaient pas prendre des mesures identiques. Lesrecommandations consistent donc en des principes dactions dans le domaine dublanchiment, que les pays doivent mettre en uvre en fonction de leurs caractristiquesparticulires et de leur cadre constitutionnel.

    En raison de leur vocation universelle et multidisciplinaire, les recommandations duGAFI se sont imposes en tant que standard. Elles ont trs largement inspir lesinitiatives internationales.

  • 25

    II Les normes vocation universelle.

    Lapparition de normes internationales rsulte dune constatation. En effet, il est trsrapidement apparu quune stratgie de lutte contre les capitaux qui se limiterait la seulesphre tatique serait invitablement voue lchec.Le caractre transnational de lactivit de blanchiment a pouss les Etats rechercher desformes de coordination et dharmonisation de leurs lgislations.Cet effort de coordination sest concrtis par la rdaction de diffrents textes.LOrganisation des Nations Unies a une part importante dans la raction internationale(A). Elle est en effet lorigine de la convention de Vienne de dcembre 1988.Cependant, la mise en place dun cadre normatif international nest pas lapanage desNations Unies. Aussi, dautres organisations ont apportes leur contribution (B).

    A - La mobilisation des Nations Unies.

    Le texte international de rfrence est reprsent par la Convention des Nations Uniescontre le trafic illicite de stupfiants et de substances psychotropes adopte Vienne le19 dcembre 1988 dite Convention de Vienne.Ce texte est dimportance car il constitue le premier acte travers lequel la communautinternationale sest engage fournir une rponse au phnomne du blanchiment mmesil souffre dun handicap majeur qui est de se limiter aux produits issus du trafic destupfiants et de substances psychotropes.La Convention de Vienne est le rsultat de textes plus anciens quil a fallu reprendrecomme point de dpart rel dune lutte internationale.

    La lutte lchelle mondiale contre le trafic illicite de stupfiants a vritablement dbut en 1936 avec la conventionpour la rpression du trafic illicite des drogues nuisibles, et sest renforce avec la convention unique de 1961 sur lesstupfiants, son protocole additionnel de 1972 et la convention de 1971 sur les substances psychotropes.

    Lobjet du texte de 1988 est de promouvoir la coopration entre les parties de telle sortequelles puissent sattaquer avec plus defficacit aux divers aspects du trafic illicite desstupfiants et des substances psychotropes qui ont une dimension internationale.La convention vise ainsi la production, la fabrication, lextradition, la prparation, loffre,la mise en vente, la distribution, la vente, la livraison, le courtage, lexpdition, letransport, limportation, lexportation de tout stupfiant ou de toute substancepsychotrope en violation des dispositions des conventions antrieures et initiales de 1961et 1971.

    Lapport essentiel de la Convention de Vienne rside dans deux innovationsfondamentales : - lobligation faite aux Etats dtablir le dlit de blanchiment de capitaux provenant duntrafic de stupfiant lorsque lacte a t commis intentionnellement ; - le leve possible du secret bancaire dans le cadre dune enqute judiciaire touchant autrafic de stupfiants.

  • 26

    Larticle 3, 1 de la convention oblige les Etats signataires confrer la naturedinfraction pnale au blanchiment dargent la condition que les agissements ainsirprims aient t commis intentionnellement et portent sur des biens dont celui qui sylivre sait quils proviennent dune activit criminelle ou dune participation une telleactivit .Ce mme article numre les agissements pouvant tre qualifis dactivit deblanchiment. Ainsi, la Convention de Vienne considre comme faisant partie dublanchiment dargent :

    - La conversion ou le transfert de biens dans le but de dissimuler ou de dguiserlorigine illicite desdits biens ou daider toute personne qui est implique dans uneactivit criminelle chapper aux consquences juridiques de ses actes ; - la dissimulation ou le dguisement de la nature, de lorigine, de lemplacement, de ladisposition, du mouvement ou de la proprit rels de biens ou de droits y relatifs ; - lacquisition, la dtention ou lutilisation de biens .

    Llment intentionnel est une composante indispensable de la rpression des activits deblanchiment, cependant lexigence de la prsence de cet lment diffre selon leshypothses envisages. Autrement dit larticle 3 1 opre une gradation du niveaudintention exig. Dans le premier cas, des buts particuliers en sus de lintention doiventtre attachs laccomplissement dune transaction financire neutre en soi , tandisque dans le second la dissimulation ou le dguisement doit simplement avoir t commisintentionnellement. La dernire hypothse, quant elle, tend considrablement ledomaine punissable, puisquelle dclare rprhensibles lacquisition, la dtention oulutilisation de biens dont la provenance criminelle est connue.

    Les parties contractantes se sont engages rpercuter ces mesures sur leur lgislationinterne par ladoption de normes visant incriminer les agissements de blanchimentdargent lorsque ceux ci ont t commis intentionnellement et que les biens concerns parces activits proviennent de lune des infractions relatives la production, la culture, la dtention, la fabrication() de stupfiants et de substances psychotropes ou duneparticipation la commission dune infraction, dans le but de dissimuler ou de dguiserlorigine illicite desdits biens ou daider toute personne qui est implique dans lacommission de lune de ces infractions chapper aux consquences juridiques de cesactes.

    Au del de la mise en place dun mcanisme visant rprimer le blanchiment de capitauxprovenant du trafic de stupfiants, la convention dicte un certain nombre de principesayant pour finalit :

    - dassurer la coopration internationale pour les enqutes judiciaires ;- de lgaliser les possibilits dextradition entre les Etats signataires ;- dassurer la coopration internationale dans les enqutes administratives ;- de lever le secret bancaire pour les enqutes pnales effectues dans le cadre de la

    coopration internationale.

  • 27

    La Convention de Vienne de 1988 permet galement la confiscation des produits tirs dutrafic de stupfiants ou de biens dont la valeur correspondant celle de ces produits(article 5.).La confiscation, selon la convention de Vienne, peut porter sur nimporte quel avoir,corporel ou incorporel, meuble ou immeuble, tangible ou intangible, ainsi que sur un actejuridique ou un document attestant la proprit de ces avoirs ou des droits y relatifs.Le texte vise aussi bien les produits originels du trafic de stupfiants que les biens enlesquels ces produits ont t transforms ou convertis.En cas de mlange de biens obtenus illicitement avec des biens acquis lgitimement, laconfiscation portera alors sur les biens acquis lgitimement jusqu concurrence de lavaleur estime des produits illicites qui y sont mls.La convention stend enfin aux revenus ou autres avantages qui sont tirs du produitdirect de linfraction, des biens acquis en change dautres obtenus illicitement ou encoredes biens acquis licitement auxquels ont t mls les produits illicites.

    La convention de 1988 vise ainsi rprimer la dissimulation ou le dguisement de lanature, de lorigine, de lemplacement, de la disposition, du mouvement ou de laproprit rels de biens ou de droits y relatifs dont lauteur sait quils proviennent delune des infractions tablies conformment la convention ou dune participation unede ces infractions. Elle tend aussi imposer aux parties contractantes, sous rserve deleurs principes constitutionnels et des concepts fondamentaux de leur systme juridique,de confrer le caractre dinfraction pnale lacquisition, la dtention ou lutilisation debiens, dont celui qui les acquiert, les dtient ou les utilise sait, au moment o il les reoit,quils proviennent de lune des infractions vises par la convention ou de la participation lune de ces in fractions. La connaissance, lintention ou la motivation ncessaires entant qu'lments dune des infractions vises par la convention, peut tre dduite decirconstances factuelles objectives (art. 3 3).

    Seuls les aspects rpressifs et successifs (mesures de confiscation) font lobjet dunerglementation. Rien nest dit en ce qui concerne la mise en uvre de mesures deprvention et de dtection du blanchiment.En dpit de ses lacunes, la Convention de Vienne prsente le mrite davoir t critedans un langage juridique clair et prcis de telle sorte quil est ais den transposer lecontenu dune manire relativement uniforme dans les lgislations nationales desdiffrentes parties contractantes. En effet, chaque lment important telle que, le dlitdu blanchiment , les produits , les biens ou encore llment intentionnel fontlobjet dune dfinition.En outre, comme il souvent difficile dtablir lorigine illicite des biens, la Conventionprconise de renverser le fardeau de la preuve de lorigine licite des produits prsumsillicites ou des autres biens pouvant faire lobjet de confiscation. Elle prvoit enfin queles droits des tiers de bonne foi ne doivent pas tre lss.

    Cette convention a t signe par plus de quatre-vingts pays mais seulement quatre lontratifie (la Chine, le Sngal, les Bahamas et le Nigeria), le droit interne de certains paysntant pas adaptable immdiatement cette convention. Pour que la convention entre envigueur, vingt ratifications sont ncessaires.

  • 28

    Lactivit normative des Nations Unies en matire de blanchiment de capitaux sestpoursuivie. Initialement focalise sur les produits ou les biens issus du trafic destupfiants, cette organisation a largi sa conception lensemble des activitscriminelles.Ainsi, une dizaine danne aprs ladoption de la convention de 1988, la 20me sessionextraordinaire de lAssemble gnrale des Nations Unies sest conclue par unedclaration politique assortie dun plan daction dirig contre lensemble du blanchimentde capitaux. Ce texte labor New York en juin 1998 engage les Etats membres lutteravec une nergie particulire contre le blanchiment en adoptant des programmes ad hoc.

    En outre la mobilisation des Nations Unies a t raffirme plus rcemment de manireapprofondie par la Convention du 15 dcembre 2000.Dans ce texte deux articles sont consacrs au blanchiment dargent. larticle 4 dfinitlacte de blanchiment, tandis que larticle 4 bis organise les mesures de lutte.

    Larticle 4 de cette convention prvoit que chaque Etat Partie adopte les mesureslgislatives et autres ncessaires pour confrer le caractre dinfraction, conformment son droit interne, lorsque lacte a t commis intentionnellement.- A la conversion ou au transfert de biens, dont celui qui sy livre sait quils sont leproduit dun crime, dans le but de dissimuler ou de dguiser lorigine illicite desditsbiens ou daider toute personne qui est implique dans la commission de linfractionprincipale chapper aux consquences de ses actes.- A la dissimulation ou au dguisement de la nature, de lorigine, de lemplacement, dela disposition, du mouvement ou de la proprit relle de biens ou de droits y relatifs,dont lauteur sait quils sont le produit dun crime ; et, sous rserve de ses principesconstitutionnels et des concepts fondamentaux de son systme juridique.- A lacquisition, la dtention ou lutilisation de biens dont celui qui les acquiert,les dtient ou les utilise, sait, au moment o il les reoit, quils sont le produit duncrime.- A la participation lune des infractions tablies conformment au prsent article ou toute association, entente, tentative ou complicit par fourniture dune assistance,dune aide ou de conseils en vue de sa commission.Ce mme article ajoute : Les Etats parties prennent les mesures appropries pour veiller ce que les biens acquis au moyen dune activit illgale ou le produit dune telle activitillgale ou le produit dune telle activit ne soient pas intgrs lconomie lgale .

    Larticle 4 bis concerne les mesures de lutte contre le blanchiment dargent. Cet articleprcise cet effet que : Chaque Etat partie institue un rgime interne de rglementation pour les institutionsfinancires exerant des activits dans le cadre de sa juridiction, afin dempcher et dedtecter le blanchiment dargent. Ce rgime prvoit des conditions minimales :- loctroi de licences ces institutions et leur inspection priodique ;- labrogation des lois sur le secret bancaire qui peuvent empcher lexcution des

    programmes de lutte contre le blanchiment dargent mis en place par les Etats parties ;

  • 29

    - ltablissement et la conservation par ces institutions de registres clairs et completssur les comptes et les transactions effectus dans ces institutions, par elles ou par leurintermdiaire pendant au moins cinq ans ; ces registres doivent tre accessibles auxautorits comptentes aux fins denqutes et de poursuites judiciaires et denqutes etde procdures dordre rglementaire ou administratif ;

    - la mise la disposition des organes de lapplication des lois, des organismesrglementaires et des services administratifs des informations dtenues par cesinstitutions sur lidentit des clients et des titulaires effectifs des comptes ; cette fin,les Etats parties interdisent aux institutions financires de proposer des comptesidentifis seulement par un numro, des comptes anonymes ou des comptes sous unfaux nom ;

    - lobligation pour ces institutions de signaler les transactions suspectes ouinhabituelles.

    Les Etats parties examinent leur rgime interne rgissant la cration des organisationscommerciales et envisagent si des mesures supplmentaires sont ncessaires, afindempcher que ces entits ne soient utilises pour faciliter des activits de blanchimentdargent.

    Les Etats parties envisagent dappliquer des mesures ralisables afin de dtecter et desurveiller le mouvement de fonds et deffets de commerce pertinents travers leursfrontires, sous rserve de garanties permettant dassurer une utilisation correcte desinformations et sans entraver daucune faon la libert de mouvement des capitauxillicites. Ces mesures peuvent exiger des particuliers et des entreprises quils signalentles transferts transfrontires de quantits importantes despces et dinstrumentsngociables pertinents

    Ce texte apporte des innovations importantes dans lapprhension du phnomne dublanchiment. En premier lieu, ce nouveau texte impose aux Etats dincriminer leblanchiment du produit de tout crime.Il prvoit galement que la preuve de lintention peut se dduire de circonstancesfactuelles .

    En second lieu la Convention des Nations Unies du 15 dcembre 2000 opre unrenversement de la charge de la preuve pour toute personne condamne en tant quemembre d'un groupe criminel organis. Il appartient cette personne d'tablir la lgalitde la provenance des biens lui appartenant. A dfaut d'une telle justification les biensseront susceptibles de confiscation.Il est prvu en troisime lieu que le produit des activits illgales li la criminalitorganis ne pourra pas tre transfr par succession, don ou "de toute autre manire".La convention tablit une prsomption d'illgalit pour les produits d'activits illgales.La consquence est que les principes du droit ne leurs sont pas applicables.

    Le fait de rputer ces fonds illgaux, revient considrer qu'ils sont affects, de part leurorigine mme, d'un "vice rdhibitoire" les rduisant une inexistence de facto, du fait deleur impossible utilisation dans le circuit lgal et de leur indisponibilit pour leurdtenteur.

  • 30

    En dernier lieu le texte prvoit toute une srie de sanctions dont l'chelle varieproportionnellement au montant des sommes obtenues grce aux activits criminelles.

    L'ensemble de ces dispositions constitue des facteurs de protection de "l'conomielgale".

    Une dernire srie de dispositions contenue dans l'article 4bis concerne le secret bancaire.En effet, ce texte vise assouplir le principe du secret bancaire. Les Etats se doiventd'interdire purement et simplement les comptes bancaires identifis seulement par unnumro, les comptes anonymes et les comptes pris sous des faux noms. La conventionfait galement rfrence aux "socits commerciales" qui facilitent et sont utilises dansles oprations de blanchiment. Cette disposition fait directement rfrence aux socitsd'affaires internationales, socits off shore, trustDans ce domaine les Etats doivent examiner la possibilit de mesures supplmentairesvisant viter que ce type de socits soit un acteur actif dans le processus deblanchiment.

    Ce texte apparat comme une avance capitale. En effet, c'est la premire fois que detelles mesures sont matrialises dans un texte rayonnement international mme si laconvention ne sera vritablement oprationnelle qu'aprs quarante ratifications.Il est important de noter que la convention prvoit galement une coopration avec lesecteur priv afin que celui-ci signale les transferts transfrontaliers d'espces oud'instruments ngociables.

    Le blanchiment d'argent impose la mise en place d'un systme de lutte internationale.L'effort commenc par les Nations Unies a t poursuivi et a donn lieu d'autresinitiatives internationales.

    B - Les autres initiatives internationales

    La convention de Vienne avait abord les aspects rpressifs et successifs de larglementation contre le blanchiment. Rien n'avait t prvu cette poque quant lamise en uvre de mesures de prvention et de dtection du phnomne. A cet gard desindications importantes sont apparues au cours de la mme anne dans la Dclarationadopte Ble par le Comit des rglements bancaires du Club des Dix.(1)

    C'est le 12 dcembre 1988 qu' t adopt une dclaration de principes du Comit deBle ( laquelle participaient tous les Etats membres du GAFI l'exception de l'Autricheet de l'Espagne). Celle-ci vise prvenir l'utilisation du systme bancaire comme moyende blanchiment des fonds d'origine criminelle.

    (1) La Dclaration de principes du Comit sur le contrle bancaire concernant la prvention de l'utilisation dusystme bancaire pour le blanchiment de fonds d'origine criminelle : "la Dclaration de Ble".

  • 31

    L'ide de base du Comit de Ble ou encore "Comit Cooke" (du nom de son ancienprsident) tait que les tablissements financiers en gnral pouvaient involontairementservir d'intermdiaire pour le transfert ou le dpt de fonds illicites. Autrement dit lesystme bancaire et financier participe inconsciemment au processus de blanchiment.

    Le Comit de Ble a t cr par les Gouvernements des banques centrales du Groupedes Dix en dcembre 1974 dans le but d'amliorer la coopration entre les autorits desurveillance bancaire. L'activit de ce comit se divise en trois volets :- il constitue d'abord un forum privilgi d'changes d'informations entre autorits de

    surveillance des diffrents pays ;- il dtermine les modalits de partage des responsabilits de contrle entre les autorits

    du pays d'accueil et les autorits du pays d'origine en ce qui concerne les succursales,filiales et socits en participation ouvertes par les banques ;

    - il dfinit les normes minimales de fonds propres et analyse les avantages ventuels del'instauration de normes dans d'autres domaines.

    Ce comit souffre de handicaps. Il n'a pas la personnalit juridique. Il ne repose pas surun accord international et n'est pas une organisation internationale. Enfin et surtout iln'est pas investie d'une autorit supranationale en matire de contrle.Le comit ne peut donc pas dicter des rgles d'application directe dans les Etatsreprsents.Ses recommandations sont le rsultat d'une concertation des autorits nationales membreset ont pour unique effet d'engager moralement celle-ci s'employer les faire adopter parles autorits comptentes de leur pays.

    La dclaration de principe de 1988 est compose de recommandations qui visent enpremier lieu l'identification du client, en second lieu le respect des lois et en dernier lieula coopration avec les autorits charges de l'application des lois.

    La rgle de principe Know your customer ou encore connais ton client (on netraite pas avec des gens qu'on ne connat pas ; avoir un compte en banque constitue uncertificat d'honorabilit ; ce certificat n'est pas donn n'importe qui ni n'importecomment) qui vise identifier l'ensemble des clients d'un tablissement bancaire n'est pastoujours observe, et ce en raison des astreintes de productivit et de chiffre auxquelles sont assujetties de plus en plus de commerciaux dagences bancaires.

    La Dclaration de Ble dfinit donc certains principes de base et invite les banques :

    - identifier le client faisant appel leurs services ;- conserver les justificatifs ;- respecter les lois et les rglements en vigueur sur les oprations financires et prendre

    les mesures ncessaires afin dviter de prter son concours des affaires quiparaissent lies au blanchiment ;

  • 32

    - assurer la coopration entre les autorits de dtection et celles de rpression chargesdappliquer les lois dans la mesure o les rglementations nationales spcifiquesconcernant lobligation du secret professionnel lgard de la clientle le permettent(cest--dire en respectant les rgles dobligation de confidentialit) ;

    - mettre sur pied un dispositif interne afin dassurer lapplication de ces principes(formation du personnel, mise en place de procdures spcifiques permettantlidentification de la clientle ainsi que la conservation de lenregistrement desoprations).

    Ce texte na aucune valeur contraignante mais il permet en revanche la mise en uvre desolutions donnant ces principes valeur dobligation. Ainsi des mesures pratiques sontentres en vigueur dans les banques la suite de cette dclaration.En novembre 2000, onze banques suisses se sont dotes de rgles communes contre leblanchiment dargent visant tablir plus de transparence dans lorigine des fondsdposs, lidentit de leurs titulaires, notamment sil sagit de responsablesgouvernementaux.Une autre convention a t signe le 17 dcembre 1997. Ce texte qui concerne 34 paysdont 29 membres de lOCDE, est entr en vigueur la fin de lanne 1998.Il incrimine leffet de corruption active de tout agent public tranger quil soit ou nonressortissant dun pays signataire.Lintrt principal de cet acte rside notamment dans la dfinition donne aux agentspublics. Au sens de la convention, sont considrs comme agents publics les personnesqui dtiennent un mandat lgislatif, administratif ou judiciaire, celles qui exercent unefonction publique ainsi que les agents des organisations internationales publiques.La notion dagent public retenue comprend galement les dirigeants de parti politiquelorsque ceux-ci exercent une autorit publique de fait.Cette convention a des rpercussions tant sur le plan fiscal que sur le plan pnal.Sur un plan strictement pnal des dispositions internes devront tre modifies. Lespersonnes coupables de faits de corruption pourront encourir des peines de dix annesdemprisonnement et dun million de francs damendes (convertis depuis le 1er janvier2002 en euros).En outre la responsabilit des personnes morales devra tre prvue.La convention oblige les Etats incriminer le blanchiment de capitaux li la corru