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Assises nationales

Sngal, An 50

Socits Africaines et Diaspora Collection dirige par Babacar SALL Socits Africaines et Diaspora est une collection universitaire vocation pluridisciplinaire oriente principalement sur l'Afrique et sa diaspora. Elle accueille galement des essais et tmoignages pouvant servir de matire la recherche. Elle complte la revue du mme nom et cherche contribuer une meilleure connaissance des ralits historiques et actuelles du continent. Elle entend galement uvrer pour une bonne visibilit de la recherche africaine tout en restant ouverte et s'appuie, de ce fait, sur des travaux individuels ou collectifs, des actes de colloque ou des thmes qu'elle initie.Dj parus Mody NIANG, Le clan des Wade. Accaparement, mpris et vanit, 2011. Mandiaye GAYE, La problmatique de la citoyennet au Sngal, 2011. Amadou-Mahtar M'Bow, Aux sources du futur, 2011. Amadou-Mahtar M'Bow, Le monde en devenir, 2011. Fadel DIA, Wade-Mecum ou le wadisme en 15 mots-cls, 2010. Thierno DIOP, Lopold Sdar Senghor, Majhemout Diop et le marxisme, 2010.

Mandiaye GAYE, Le Sngal sous Abdoulaye Wade. Banqueroute, corruption et liberticide, 2010. Me Boucounta DIALLO, La crise casamaaise. Problmatique et voies de solutions, 2009. Abdou Latif Coulibaly, Contes et mcomptes de IANOCL, 2009Marne Marie FAYE, L'immolation par le feu de la petite-fille du prsident Wade, 2008. Abdou Latif Coulibaly, Loterie nationale sngalaise : chronique d'un pillage organis, 2007 Abdou Latif Coulibaly, Affaire Me Sye : un meurtre sur commande, 2006 Mody NIANG, Qui est cet homme qui dirige le Sngal ? 2006 Mamadou DIA, Radioscopie d'une alternance avorte, 2005. Mamadou DIA, Echec de l'alternance au Sngal et crise du monde libral, 2005. Mody NIANG, M Wade et l'alternance : le rve bris du sopi 2005.

Assises nationalesSngal, An 50 Bilan et perspectives de refondation

Sous la prsidence de

Amadou Mahtar Mbow

LHarmattan

L'Harmattan, 2011 5-7, rue de PEcole-Polytechnique, 75005 Parishttp : // www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan wanadoo.fr harmattan 1 @ wanadoo .fr ISBN : 978-2-296-55643-0 EAN : 9782296556430

Sigles et abrviations

ADPME AFD AGETIP ANCAR ANOCI ANSD APD APIX ASC ASER BAD BCEAO BCI BIRD BNDS BOAD BSD BTP CEDEAO CILSS CIRAD CNCAS CNDS CODESRIA CRAES CRDI CRODT CSE DCEF DIC DIRE DPEE DPS DRDR DSRP ECOMOG EDS EGEF EISMV

Agence de Dveloppement et d'Encadrement des petites et moyennes Entre prises Agence franaise de Dveloppement Agence d'Excution des Travaux d'Intrt public Agence nationale de Conseil agricole et rural Agence nationale pour l'Organisation de la Confrence islamique Agence nationale de la Statistique et de la Dmographie Aide publique au Dveloppement Agence pour la Promotion de l'Investissement et des grands Travaux Association sportive et culturelle Agence sngalaise d'Electrification rurale Banque africaine de Dveloppement Banque centrale des tats de l'Afrique de l'Ouest Budget consolid d'Investissement Banque internationale pour la Reconstruction et le Dveloppement Banque nationale de Dveloppement du Sngal Banque ouest-africaine de Dveloppement Banque sngalaise de Dveloppement Btiments et Travaux publics Communaut conomique des tats de l'Afrique de l'Ouest Comit permanent Inter-tats de Lutte contre la Scheresse dans le Sahel Centre de Coopration internationale en Recherche agronomique pour le dveloppement Caisse nationale de Crdit agricole au Sngal Comit national du Dialogue social Conseil pour le Dveloppement de la Recherche en Sciences sociales en Afrique Conseil de la Rpublique pour les Affaires conomiques et sociales Centre de Recherche pour le Dveloppement international Centre de Recherches ocanographiques Dakar-Thiaroye Centre de Suivi cologique Direction de la Coopration conomique et financire Division des Investigations criminelles Dlgation l'Insertion, la Rinsertion et l'Emploi Direction de la Prvision et des tudes conomiques Direction de la Prvision et de la Statistique Document rgional de Dveloppement rural Document stratgique de Rduction de la Pauvret Economie Community of West African States Cease-fire Monitoring Group Enqute dmographique et de Sant tats gnraux de l'ducation et de la Formation cole Inter-tats des Sciences et Mdecine vtrinaires

Assises nationales du Sngal

EMUS ESAM ESP ESP ESPS FAO FASR FBCF FDD FECL FIDES FMI FNE FPE GOPEC OCRAI IADM ICA ICS IDA IDE IF AN IPAR IPRES IRD ISRA ITA LOASP LPDA MEF NEPAD NPA NPE NPI OCB OCDE ODM OERS OIF OMVG OMVS ONCAD ONECCA ONG OP OPS OSA PADSP PAMLT PAS PASA PDEF

Enqute sur Migration et Urbanisation au Sngal Enqute sngalaise auprs des Mnages cole suprieure Polytechnique Enqute sur les Priorits Enqute de Suivi de la Pauvret au Sngal Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture Facilit d'Ajustement structurel renforce Formation brute de Capital fixe Fonds de Dotation la Dcentralisation Fonds d'quipement des Collectivits locales Fonds d'Investissement pour le Dveloppement conomique et social Fonds Montaire international Fonds national de l'Emploi Fonds de Promotion conomique Groupe oprationnel permanent d'tudes et de Concertation Groupe consultatif pour la Recherche agronomique internationale Initiative d'Allgement de la Dette multilatrale valuation du Climat d'Investissement Industries chimiques du Sngal Association internationale de Dveloppement Investissements directs trangers Institut fondamental d'Afrique noire Initiative prospective agricole et rurale Institut de Prvoyance sociale Institut de Recherche pour le Dveloppement Institut sngalais de Recherches agricoles Institut de Technologie alimentaire Lettre d'Orientation agro-sylvo-pastorale Lettre de Politique de Dveloppement agricole Ministre de l'conomie et des Finances Nouveau Partenariat pour le Dveloppement de l'Afrique Nouvelle Politique agricole Nouvelle Politique de l'Emploi Nouvelle Politique industrielle Organisation communautaire de Base Organisation pour la Coopration et le Dveloppement conomiques Objectifs de Dveloppement pour le Millnaire Organisation des tats riverains du fleuve Sngal Organisation internationale de la Francophonie Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sngal Office national de Coopration et d'Assistance pour le Dveloppement Ordre national des Experts comptables et Comptables agrs Organisation non gouvernementale Organisations de Producteurs Organismes privs stockeurs Office sngalais de l'Artisanat Programme d'Appui au Dveloppement du Secteur priv Programme d'Ajustement structurel moyen et long Termes Programme d'Ajustement structurel Programme d'Ajustement sectoriel agricole Programme dcennal pour l'ducation et la Formation

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PDMAS PIB PISA PME PNB PNDL PNIR PNUD PODES PPTE PRECOL PREF PSAOP RGPH SAED

Programme de Dveloppement des Marchs agricoles Produit intrieur brut Programme d'Investissement du Secteur agricole Petites et moyennes Entreprises Produit national brut Programme national de Dveloppement local Programme national d'Infrastructures rurales Programme des Nations unies pour le Dveloppement Plan d'Orientation pour le Dveloppement conomique et social Pays pauvres trs endetts Projet de Renforcement et d'quipement des Collectivits locales Plan de Redressement conomique et financier Programme des Services agricoles et des Organisations de Producteurs Recensement gnral de la Population et de l'Habitat Socit d'Amnagement et d'Exploitation des Terres du Delta du Fleuve Sngal SAR Socit africaine de Raffinage SCA Stratgie de Croissance acclre SENELEC Socit nationale d'lectricit SEPO Succs, checs, Potentialits, Obstacles SFI Socit financire internationale SISCOMA Socit sngalaise de Construction mcanique et de Matriel agricole SODAGRI Socit de Dveloppement agricole et industriel du Sngal SODEFITEX Socit de Dveloppement des Fibres textiles SODEVA Socit de Dveloppement et de Vulgarisation agricole SOMIVAC Socit de Mise en Valeur agricole de la Casamance SONABANK Socit nationale de Garanties d'Assistance et de Crdit SONACOS Socit nationale de Commercialisation des Olagineux du Sngal SONAGA Socit nationale de Garanties d'Assistance et de Crdit SONAGRAINES Socit nationale des Graines SONAR Socit nationale d'Approvisionnement du Monde rural SONATEL Socit nationale de Tlcommunications SONEES Socit nationale d'Exploitation des Eaux du Sngal SONEPI Socit nationale de Promotion industrielle SOSEPRA Socit sngalaise pour la Promotion de l'Artisanat SRDR Socit rgionale de Dveloppement rural SYSCOA Systme comptable ouest-africain TBS Taux brut de Scolarisation TEC Tarif extrieur commun TIC Technologies de l'Information et de la Communication TVA Taxe sur la Valeur ajoute UASSU Union des Associations sportives scolaires et universitaires UE Union europenne UEMOA Union conomique et montaire ouest africaine

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Prface

Le prsent document constitue le Rapport gnral des Assises nationales ouvertes le 1er juin 2008. Il fait le bilan des cinquante ans d'indpendance et trace les perspectives de refondation de la nation sur des bases nouvelles. Aussi ces Assises feront-elles date dans l'histoire du Sngal tant par leurs rsultats que par la qualit de leurs initiateurs et de leurs participants, de leur objectif, de leur organisation et de leur conduite. L'initiative de leur organisation revient, en effet, des groupes trs larges de la socit Sngalaise : partis politiques, organisations de la socit civile (syndicats des travailleurs, organisations paysannes, organisations patronales, organisations non gouvernementales uvrant dans les diffrents domaines de la vie et de l'activit humaine), intellectuels et religieux de tous bords et de toutes confessions, personnalits diverses ayant occup de hautes fonctions tant civiles que militaires dans le pays et hors de celui-ci. Y ont particip les travailleurs des villes et des campagnes, des intellectuels de tous niveaux, des entrepreneurs aux activits les plus diverses, des notables de toutes ethnies et de toutes confessions, des hommes et des femmes de toutes conditions et de tous ges. Leurs initiateurs avaient voulu qu'elles fussent les Assises de tous les Sngalais, de l'intrieur comme de l'extrieur, soucieux du devenir du pays, hors de toute polmique et de tout esprit partisan. Aussi ont-ils regrett que le parti au pouvoir et ses allis n'aient pas voulu y prendre part, l'occasion devant tre donne tous les Sngalais de se retrouver ensemble pour analyser en commun, et sans animosit, les problmes du pays afin de leur trouver des solutions consensuelles que chacun appliquerait, dans la transparence la plus totale, dans un climat de paix et de concorde, et ce, pour viter des convulsions qui naissent des frustrations et des injustices. A dfaut de la participation des tenants du pouvoir, et malgr les menaces et les pressions de toutes sortes, ces assises ont pu se tenir dans le calme et la srnit dans l'ensemble du pays. Elles ont t ouvertes tous ceux, nombreux, qui ont souhait y participer sans discrimination

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aucune, y compris des personnes se rclamant d'organisations ou de partis politiques autres que ceux figurant parmi ses initiateurs. Aussi, leurs conclusions refltent-elles les sentiments sinon de la totalit du moins d'une grande partie du peuple sngalais. Ces Assises ont consist, d'une part, en une vaste consultation des populations, dont les modalits et la conduite sont exposes dans l'introduction ce rapport, d'autre part, en des tudes et enqutes thmatiques menes par des groupes d'experts, mais ouvertes toutes les parties prenantes. L'objectif tait, dans les deux cas, d'analyser les problmes du pays de l'indpendance nos jours, et en particulier les politiques publiques, de leurs effets et de leurs rsultats sur l'volution du pays et sur la vie des populations, et de formuler, ensuite, de nouvelles orientations en vue de remdier aux dficiences, aux insuffisances et aux drives constates. Pour y parvenir, deux principes majeurs ont guid les travaux des Assises pendant toute leur dure : celui de la participation citoyenne, son caractre inclusif ayant t constamment affirm, d'o l'ouverture tous, et celui de la prise des dcisions par consensus aprs des dbats ouverts et l'accord de tous les participants. C'est ainsi qu'a t adopte, sur la base des rsultats des Assises, la Charte de Gouvernance dmocratique qui est jointe au prsent Rapport gnral. Quant celui-ci, il est fond sur les rapports issus des consultations populaires faites dans les 35 dpartements, des 3 rapports venus de la Diaspora de l'Europe et de l'Amrique du Nord et des 8 rapports des commissions thmatiques, aprs validation de ces derniers dans des sances ouvertes au public. Son laboration s'est faite en plusieurs tapes dont la premire a runi, au cours d'un atelier de 3 4 jours, l'ensemble des parties prenantes, les prsidents et les rapporteurs, de comits dpartementaux et de la Diaspora et ceux des commissions thmatiques. La mise au point a t ensuite confie la commission scientifique puis un comit ad hoc, travaillant en coopration avec les prsidents et les rapporteurs des commissions thmatiques. Un groupe particulier, compos notamment d'universitaires, a travaill sa rvision finale en coopration avec la commission scientifique, le comit ad hoc et la prsidence des Assises. Le Rapport comprend en premier lieu une synthse qui en rsume l'essentiel, sans les recommandations qu'on trouvera la deuxime partie, ensuite vient une introduction qui rappelle le contexte et la gestation des Assises, les objectifs, la mthodologie employe dans les consulta

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tions citoyennes et tout le processus qui a t suivi pendant toute la dure des travaux. La premire Partie : Bilan du vivre en commun depuis 1960 , est une analyse de l'volution du pays de 1960 nos jours. On y fait un diagnostic aussi prcis que possible de la socit et des valeurs, des institutions, des liberts et de la gouvernance sociale, des orientations conomiques et des finances, de l'agriculture, de l'environnement et de l'amnagement du territoire, de la politique extrieure, de l'intgration africaine et des migrations. La deuxime partie : Vision, orientations et recommandations pour un Sngal nouveau est consacre aux mesures qui s'imposent pour redresser la situation du pays. Chacun des 4 chapitres qui la composent est suivi de recommandations. Ces chapitres concernent : les modalits d'ancrage une vision renouvele de notre socit, la refondation des institutions et la garantie des liberts, la cration de richesses et la gestion des finances publiques, les moyens d'assurer l'quit territoriale et le dveloppement durable. La deuxime partie est suivie d'une conclusion qui rappelle les diffrents constats faits au cours des Assises sur les questions socitales, culturelles, politiques, conomiques, sociales ainsi que la nature des recommandations par lesquelles doit tre opr le changement qui conditionne tous les autres : celui du mode de gouvernance du pays. Les Assises ont t ainsi un lieu privilgi de rflexion lucide sur nous-mmes, sur le cheminement qui a conduit le pays la situation de dgradation actuelle caractrise par le dvoiement des institutions, la stagnation conomique, le manque de vision pour un avenir meilleur pour l'ensemble des Sngalais et surtout pour les plus dfavoriss des villes et des campagnes qui connaissent des conditions de vie souvent dplorables. Elles ont t aussi l'occasion de rflchir, en tenant compte de l'exprience du pass et de nos potentialits naturelles et humaines, de nouvelles orientations permettant la refondation de la nation sur des bases qui rendent aux citoyens la plnitude de leurs droits et de leurs responsabilits sur le contrle de la marche du pays. Grce la mobilisation citoyenne qu'elles ont permise et la force des ides qui se dgagent de leurs travaux, elles ont constitu le creuset d'laboration des alternatives populaires qui peuvent donner de l'espoir aux Sngalais et changer la condition du Sngal. Ce changement ne peut tre, en effet, que le fruit de l'action dtermine de toutes les forces vives de la nation dans une union sacre exempte de tout calcul partisan.

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L'ouverture des Assises a t prcde par un travail minutieux de prparation au cours duquel ont t adopts diffrents document de base : les termes de rfrence, le rglement intrieur, le code de conduite, la liste des commissions thmatiques, qu'on trouvera en annexes avec les textes des discours d'ouverture du Prsident en date du 1er juin 2008 et de restitution des conclusions en date du 24 mai 2009. Le premier discours situe la perspective des Assises et rpond aux accusations et aux menaces profres contre elles, le second rend compte de son droulement, de ses rsultats et des enseignements qui peuvent en tre tirs pour l'instauration d'une dmocratie participative qui responsabilise chaque citoyen face au destin commun de la nation. Pour terminer, il faut rappeler que les Assises ont t finances entirement par les contributions volontaires des Sngalais, que leurs rsultats sont le produit de la pense exclusive des Sngalais, et que tous ceux qui y ont travaill l'ont fait bnvolement. Aussi voudrais-je leur exprimer une fois encore notre reconnaissance et leur redire que la tche est loin d'tre acheve. Il nous reste, en effet, publier le rapport spcial sur la Casamance, et surtout poursuivre le travail d'appropriation de la Charte par les populations, en utilisant notamment les traductions qui ont t faites dans diffrentes langues nationales, et mener, dans le Comit de suivi et dans les plateformes thmatiques, la rflexion sur la mise en uvre des recommandations de la Charte de Gouvernance dmocratique que toutes les parties prenantes ont signe volontairement et se sont engages appliquer. AMADOU MAHTAR MBOW

Prsident des Assises nationales

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Rsum du Rapport gnral des Assises nationales

La crise que vit notre pays nourrit une question qui habite tous les esprits : o va le Sngal ? Pour rpondre cette question, il importe de s'adosser nos traditions et notre culture de dialogue. C'est dans cet esprit que des segments de la socit civile, de la socit politique et de la diaspora ont dcid de la tenue des Assises nationales, lesquelles, en procdant par une dmarche ouverte, inclusive, participative et transparente, avaient pour objectif gnral de trouver une solution consensuelle la crise qui secoue notre pays. Cette rflexion collective prend en charge la squence qui va de l'indpendance nos jours. Quatre objectifs taient poursuivis : 1) faire l'tat des lieux dans diffrents domaines et secteurs de la vie nationale et locale ; 2) proposer des lments de bilan de l'orientation des politiques publiques nationales et locales; 3) rflchir sur les conditions de refondation de l'tat et des institutions ; 4) rpondre la question : quel projet de socit partag pour le Sngal ? Les rsultats de cette rflexion ont t restitus autour de deux axes : le bilan des politiques publiques et du vivre en commun de 1960 aujourd'hui ; la stratgie de sortie de crise. Pour le premier axe relatif au bilan, il apparat que le Sngal traverse une crise multidimensionnelle. Qu'est-ce qui, dans le fonctionnement de la socit, peut expliquer les drives observes dans la gouvernance des institutions tatiques et sociales ? Qu'est-ce qui explique l'instrumentalisation des institutions, malgr les dispositions juridiques et la tradition de dialogue de notre pays ? Pourquoi le fonctionnement du jeu politique peine-t-il rguler et quilibrer les relations entre les acteurs politiques ? Existe-t-il des rgles ou mcanismes permettant de sauvegarder les valeurs rpublicaines, sociales et culturelles fortes dans

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lesquelles les Sngalais peuvent se retrouver ? Comment "verrouiller" la Constitution, pour viter toute drive, et stabiliser les institutions sans entraver la libert d'initiative ni induire une rigidit prjudiciable leur fonctionnement ? Les solutions se trouvent-elles seulement dans les textes et, dans ce contexte, quelle place et quel rle attribuer la vertu ? Voil quelques interrogations qui permettent de dresser le bilan du vivre en commun. La question des valeurs occupe une position transversale Elle affecte l'Etat, les institutions, la cration de richesse et la gestion du patrimoine ainsi que la gouvernance sociale et le dveloppement durable. Les trois sources de valeurs modernes, traditionnelles et religieuses sont en interaction dans un pays Finistre , ouvert aux apports extrieurs. Dans ces conditions, pluralisme et diversit sont devenus les traits caractristiques du Sngal mais cela va avec des risques de d-voiement par les lites de tous ordres comme par les simples citoyens. Le tlescopage des diffrentes sources engendre, d'une part, l'cart-lement des acteurs entre valeurs globales de plus en plus dominantes et valeurs locales, d'autre part, la rsistance au changement qui se manifeste notamment travers le renversement de la hirarchie des valeurs, l'instrumentalisation de la religion, de l'administration, de la constitution et des lois et rglements. Les leviers de changement devront tenir compte des tendances lourdes dont les principales ont pour origine le dynamisme dmographique, l'urbanisation rapide et la dstructuration de la famille dans un contexte de pauprisation. La gouvernance institutionnelle est une proccupation centrale La gouvernance est caractrise, depuis 1960, par un dvoiement des institutions de la Rpublique. Le phnomne est cependant bien plus marqu depuis 2000, avec des manipulations rptes de la Constitution, un leadership institutionnel exclusiviste et directif, ainsi qu'un dsquilibre des pouvoirs qui prend sa source, il faut le reconnatre, dans l'aprs-crise de 1962. Cela s'explique par des institutions et une gestion du pouvoir calques sur le modle de la Cinquime Rpublique franaise, mais aussi par un renforcement de la tendance la personnalisation du pouvoir.

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La garantie de l'exercice effectif des liberts et des droits humains s'impose Le Sngal a ratifi les principales conventions internationales ayant trait aux liberts et aux droits humains. Toutefois, leur application rvle des violations de droits, une protection insuffisante des liberts, une ins-trumentalisation flagrante des services publics et judiciaires, des ingalits de toutes sortes entranant une forme d'exclusion d'une partie des citoyens, un accaparement des mdias d'tat et la multiplication de radios caractre ethnique et religieux. Le bilan de la gouvernance locale et de la citoyennet met en vidence le manque de rigueur dans le dcoupage administratif, la faiblesse des ressources locales par rapport aux comptences transfres, l'immixtion du pouvoir central dans la gestion locale et l'implication insuffisante des populations dans la prise de dcision. Cela traduit un manque de vision partage dans la gestion du terroir, accentu par la pauvret et l'analphabtisme des populations, la faiblesse du niveau de qualification des dirigeants lus des collectivits locales, l'insuffisance de l'implication, voire la non-implication des citoyens dans la dfinition et la mise en uvre des politiques publiques. L'examen du systme partisan et du systme lectoral montre, entre autres, une inflation de partis politiques (environ 150) avec une absence notoire de dmocratie interne pour la plupart et un financement non matris qui pse sur le processus et la pratique politiques, un code lectoral l'origine consensuel en 1992 mais qui fait, dsormais, l'objet de modifications unilatrales, en violation des dispositions et recommandations de la CEDEAO, avec en particulier le non-respect du calendrier lectoral. A cela s'ajoute le boycott, par une partie significative de l'opposition, des lections lgislatives du 3 juin 2007, suite l'lection prsidentielle conteste du 25 fvrier 2007. Enfin, au sein du Snat restaur en 2007, les membres nomms par le Prsident de la Rpublique reprsentent eux seuls une proportion quivalente la majorit qualifie. Sur le plan des institutions, des liberts et de la citoyennet, les tendances qui se confirment ont trait : au dsquilibre et la confusion des pouvoirs ; la faiblesse des contre-pouvoirs ; la personnalisation du pouvoir excutif ;

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la perversion de l'exercice du pouvoir travers la corruption, la perception et l'utilisation des partis politiques et de l'appareil d'tat comme moyen d'enrichissement et de promotion individuelle et catgorielle, la faible prise en compte de la souverainet nationale dans les options politiques et dans les politiques publiques, l'accaparement et le dtournement des mandats, notamment les mandats lectoraux ; au non-ancrage des institutions dans les ralits sociales et culturelles avec, entre autres, un leadership alin par l'interfrence du pouvoir religieux, le poids des pouvoirs traditionnels et religieux sur les groupes, les communauts et la classe politique ; un rapport au pouvoir et une culture politique qui ne sont pas en congruence avec l'option politique fondamentale (Rpublique, lacit, tat de droit, etc.) ; un manque de confiance des citoyens envers les institutions ; la non-appropriation par le plus grand nombre du modle politique institutionnalis ; une faible indpendance des corps de contrle et la non-neutralit de l'administration face une corruption grandissante et une multiplication des cas d'enrichissement illicite ; des vellits irrdentistes et la difficult d'assurer une cohsion sociale du fait du dveloppement de sentiments d'injustice et d'ingalit. Si l'on considre les stratgies de sortie de crise, toute alternative devra invitablement chercher rpondre aux questions suivantes : Comment crdibiliser les institutions et travailler l'irrversibilit des acquis dmocratiques ? Comment amener les citoyens devenir les garants d'un tel processus ? Comment assurer, d'un ct, un quilibre adquat des pouvoirs et, de l'autre, renforcer et largir les contre-pouvoirs ? Comment institutionnaliser les processus participatifs dans l'laboration, le suivi et le rajustement des textes fondamentaux ? Comment s'accorder sur une lacit positive qui reconnaisse notre diversit au plan des valeurs cultuelles, des croyances religieuses et notre galit devant la loi ? La solution la crise requiert une profonde autocritique et un consensus autour de valeurs et comportements concernant notre rapport au bien commun, nos modles de russite sociale et de consommation, ainsi que les prrequis d'un renouveau citoyen. En effet, l'exclusion de larges segments de la population des circuits modernes de production et de redistribution, la concurrence que diffrents pouvoirs parallles mnent l'tat, l'ignorance de notions comme celles d'tat, de Nation, de Patrie,

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le brouillage des repres et cadres moraux, les consquences de la globalisation et de l'urbanisation, l'affaiblissement de la famille, appellent une refondation des institutions, ainsi que de l'action individuelle et collective pour renouveler nos modles, nos manires de faire et faons de penser, nos modes de gouvernance, nos orientations conomiques et sociales, nos rapports aux tres et aux choses. Refondation des institutions et des liberts La refondation des institutions requiert un consensus fort autour de principes directeurs qui ont trait : la lacit de l'tat ; la Rpublique dmocratique, comme forme de l'tat ; l'tat unitaire et dcentralis, comme forme d'organisation ; au pluralisme culturel, politique, syndical et mdiatique ; la responsabilit des autorits publiques et leur obligation de rendre compte ; la concertation et la participation ; une constitution consensuelle, connue du peuple, sacre et stable, assortie d'une procdure de rvision juridiquement fixe, empchant toute possibilit de manipulation ; une Charte des liberts, de la dmocratie et de la bonne gouvernance approuve et amende directement par le peuple souverain. La refondation concerne aussi la gouvernance institutionnelle (comprenant le rgime politique, les pouvoirs constitutionnels, le systme lectoral et les partis politiques), la gouvernance locale et le cadre d'expression citoyenne, la garantie effective des droits humains, le pluralisme culturel et social, la dmocratie sociale, le pluralisme mdiatique, les visions et les valeurs. L'ordonnancement de la nouvelle gouvernance institutionnelle doit respecter imprativement la sparation et l'quilibre des pouvoirs, le principe du contrle, tout en mettant en corrlation pouvoir et responsabilit. Le pouvoir excutif Le Prsident de la Rpublique, qui ne sera plus chef de parti et ne concentrera plus entre ses mains l'essentiel des pouvoirs, se verra appli

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quer les principes de responsabilit et de rvocabilit. Il en sera de mme pour le Premier ministre. Le Prsident de la Rpublique devra incarner l'unit nationale et garantir le fonctionnement rgulier des institutions. Il sera le Chef des Armes, nommera les ambassadeurs du Sngal et recevra l'accrditation des ambassadeurs des pays trangers. Issu de la majorit, le Premier ministre sera responsable devant le Parlement. Les ministres seront auditionns avant d'tre nomms. Une attention particulire sera accorde la stabilit de la nomenclature administrative, trop souvent malmene, et la neutralit de l'administration, rpute servir l'tat et la Nation et cense tre soumise l'autorit de la loi. Le nouveau systme garantira la neutralit de l'administration et de ses agents. Par ailleurs, l'administration devra tre transparente dans ses procdures de recrutement et de carrire, de rmunration, de commandes publiques et d'information. Le pouvoir lgislatif Le Parlement, qui tire sa lgitimit du suffrage universel, avec une reprsentation de la diaspora, verra ses pouvoirs renforcs pour contrler l'action du gouvernement et impulser la vie politique. Il pourra faire objection la nomination de ministres. Dans l'ordonnancement institutionnel propos, les cumuls de mandat seront limits et rationaliss. Il sera galement exig des candidats aux fonctions lectives de l'intgrit morale et de relles qualits humaines. La reprsentation nationale doit aussi aller dans le sens de la diversit sociale et culturelle et favoriser la parit. Le pouvoir judiciaire Ce pouvoir a en charge la rgulation de l'quilibre des institutions, le respect de la loi et la garantie du respect des droits des citoyens. Son indpendance et l'extension de son champ de comptence seront affirmes dans le nouvel ordonnancement institutionnel. La Cour constitutionnelle est la gardienne de la Constitution, de son esprit et de son application. Le Conseil suprieur de la Magistrature sera soustrait de la tutelle du Prsident de la Rpublique et plac sous celle du Prsident de la Cour constitutionnelle. Ainsi, les institutions judiciaires seront dsormais : la Cour constitutionnelle, la Cour de Cassa

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tion, le Conseil d'tat, la Cour des Comptes, les Cours et Tribunaux. Le lien troit de sujtion entre le ministre de la Justice et le parquet sera rompu. L'administration L'administration sera rtablie dans sa posture de professionnalisme et de soumission exclusive la loi. Son organisation sera reprcise pour une meilleure stabilit et une rationalit qui mettront de l'ordre dans le recours inconsidr aux Agences. Ses procdures seront rformes en vue d'une meilleure garantie d'efficacit et de transparence pour ses usagers, pour ses travailleurs, pour l'utilisation de ses moyens matriels et financiers, ainsi que pour ses fournisseurs et prestataires de travaux et de service. Sa neutralit sera garantie, en particulier par des mesures d'incompatibilit et d'inligibilit. Enfin, le principe de l'obligation de rendre compte lui sera systmatiquement applicable. Les corps de contrle L'indpendance des corps suprieurs de contrle de l'Etat ncessite leur constitutionnalisation, car ils encadrent l'action publique y compris celle des hautes autorits de l'tat. Il sera cr une Autorit indpendante charge de la vrification gnrale de l'tat la place de l'Inspection gnrale d'tat. Le Vrificateur gnral sera nomm pour sept ans non renouvelables. Et la Cour des Comptes verra ses missions et ses moyens renforcs. Les deux institutions pourront saisir les Tribunaux en tant que de besoin. Pour amliorer le rendement du travail des fonctionnaires des mesures d'incitation permettront de rcompenser les meilleures d'entre eux. La lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite sera appuye par un organe public indpendant dot du pouvoir d'auto-saisine et de saisine des tribunaux, ainsi que de prise de mesures conservatoires. Le patrimoine de l'tat et les libralits La normalisation des fonds spciaux, singulirement celle des fonds politiques et des fonds secrets, ainsi que la dclaration de patrimoine des membres du gouvernement, des candidats des postes lectifs et de certains hauts fonctionnaires contribueront moraliser la vie politique et

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consolider la dmocratie sngalaise. L'octroi comme la rception de cadeaux seront rglements avec prcision de manire leur donner un caractre symbolique. La modernisation du systme partisan et le systme lectoral Comme l'inflation actuelle de partis politiques n'est pas un signe vident de vitalit de la dmocratie, il importe de procder la rationalisation du systme de cration et de fonctionnement des partis. Il convient par ailleurs de soumettre ceux-ci des rgles de bonne gouvernance, de mettre en place un code de bonne conduite associative et, par le biais d'une loi, de rgler la question de leur financement. Les partis doivent aussi assumer leur rle par rapport l'ducation et la socialisation de leurs militants. Le systme lectoral (code, fichier, mode de scrutin, etc.) doit tre transparent, avec un processus et un fichier d'une crdibilit incontestable. Le respect du calendrier rpublicain contribuera aussi asseoir la confiance des acteurs par rapport au systme lectoral. Cette confiance, qui est un impratif pour le bon fonctionnement de la dmocratie, se trouve la base de la proposition de cration d'une Autorit de Rgulation de la Dmocratie dment dote de pouvoirs et de ressources adquats. La gouvernance locale et la participation citoyenne Le dcoupage administratif, la libre administration des collectivits locales, l'largissement de leurs comptences et le renforcement de leurs moyens doivent obir strictement la logique du dveloppement et l'approfondissement de la dmocratie. C'est pourquoi, il a t propos l'institutionnalisation de mcanismes d'interpellation dmocratique et citoyenne et l'autorisation des candidatures indpendantes l'occasion de toutes les comptitions lectorales. Le pluralisme des mdias Le systme dmocratique vis ne peut pas se concevoir sans une presse responsable et libre qui joue son vritable rle de contre-pouvoir. Aussi, sera soutenue la professionnalisation de la presse. En outre, sera labore une politique de communication permettant un appui aux mdias et la promotion d'entreprises de presse viables. De plus, sera insti

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tu un Observatoire de l'audiovisuel. Une Haute Autorit indpendante veillera au respect du pluralisme mdiatique. La garantie des droits humains et de la citoyennet Il ne s'agit pas seulement de proclamer des droits mais surtout d'en garantir le respect en abolissant toutes les dispositions liberticides, en instituant un Juge des liberts ayant pouvoir de protger les citoyens contre les arrestations arbitraires et les abus de la dtention prventive. Le respect des minorits, la promotion des droits conomiques et sociaux et la redfinition des rapports entre le citoyen et l'tat seront assurs en vue de consolidation de la citoyennet. C'est la mme philosophie qui justifie la ncessaire mise en cohrence des textes juridiques entre eux et avec les conventions internationales. L'effectivit de l'exercice de la citoyennet suppose le respect du pluralisme avec la sauvegarde de la diversit sociale et culturelle et la valorisation des langues nationales par le biais d'une politique culturelle et linguistique inclusive. Gouvernance sociale Aprs environ un demi-sicle d'indpendance, l'on ne peut qu'tre frapp par le sentiment gnral d'insatisfaction des populations, tant en ce qui concerne leurs conditions de vie que la dgradation continue du cadre de vie dans les villes comme dans les campagnes. Le systme ducatif, qui est plus sous l'influence de programmes financs par des partenaires techniques et financiers que sous l'inspiration d'une vision politique propre, souffre de plusieurs maux. On note la dispersion des moyens, le faible taux brut de scolarisation (TBS) dans le moyen et le secondaire, un taux d'achvement de la scolarit insuffisant, un taux de redoublement lev et la baisse de la qualit. La progression du taux d'alphabtisation est lente et les objectifs en matire de construction de salles de classe sont faiblement atteints dans le primaire. Plusieurs classes fonctionnent encore dans des abris ou locaux provisoires. L'enseignement suprieur ne peut plus faire face la demande tant en ce qui concerne les infrastructures que l'encadrement. En outre, l'action gouvernementale des dernires dcennies s'est plus proccupe de quantit que de qualit pas d'un rendement satisfaisant et d'une meilleure adquation du systme ducatif la situation aux besoins du pays.

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Au-del des mesures indispensables et pressantes pour consolider les acquis, il est ncessaire et urgent de repenser et de rorienter la politique et les stratgies d'ducation/formation, sur la base d'un dialogue social et politique incluant toutes les couches de la population, en vue de la recherche d'un consensus fort et prcis, permettant de dfinir un systme scolaire et universitaire efficient, un modle d'cole adapt, les responsabilits des acteurs et le type de partenariat souhaits. L'examen du secteur de la sant montre, malgr certains acquis, qu'en matire d'infrastructures, le Sngal reste loign des normes internationales de couverture mdico-sanitaire. Les cots des prestations sont trop levs par rapport au revenu moyen des populations. Par ailleurs, il existe une grande disparit et un grave dsquilibre entre la capitale et le reste du pays o l'accs aux soins spcialiss reste difficile voire inexistant. On note aussi l'absence de politique planifie de formation et de recrutement de personnel soignant, le dfaut de motivation pour servir dans les zones recules, la plthore d'agents peu ou pas qualifis. D'un autre ct, la mauvaise application de la rforme hospitalire est aggrave par un endettement massif et une corruption favorise par l'absence de contrle digne de ce nom dans les tablissements de sant. De faon gnrale, les graves lacunes du systme national de sant et de protection sociale peuvent tre attribues un manque de volont politique des autorits d'accorder la sant publique la priorit qu'elle mrite, et de lui allouer, en consquence, des ressources et des capacits de gestion appropries. S'impose alors la ncessit d'une rvision des drives actuelles, en particulier celle de la privatisation rampante des prestations des soins qui a pour double consquence leur renchrissement constant et l'impossibilit pour le plus grand nombre de Sngalais d'y accder. Sur la question essentielle de la culture, la crise conomique des annes 1980, avec l'application des politiques d'ajustement structurel et de restrictions budgtaires, a entran la fin du mcnat d'tat qui a caractris la priode initiale. Aujourd'hui, outre l'habituelle instabilit ministrielle et l'absence de plan national de dveloppement culturel, c'est la trop grande centralisation des infrastructures et de la vie culturelle Dakar, au dtriment des autres rgions, qui est unanimement dplore. A l'heure actuelle, la politique culturelle se rduit de grands projets qui ne tiennent pas compte des besoins globaux et des exigences imposes par la prise en compte de la diversit culturelle.

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Une politique culturelle digne de ce nom ne saurait se limiter un chapelet d'difices isols les uns des autres, encore moins des manifestations plus ou moins folkloriques et sans lendemain. Elle suppose une concertation large et ouverte tous les acteurs, crateurs et autres professionnels des arts, de la culture et de la communication, mme d'en assurer la restructuration fonde sur les besoins et les aspirations de la majorit de nos concitoyens. Enfin, elle doit tenir compte de la diversit qui caractrise le pays et permettre d'veiller le niveau de conscience culturelle de la jeunesse, afin de la prparer faire face, intelligemment et efficacement, aux risques d'agression culturelle vhiculs par certains mdias transnationaux. La politique sportive pche dans son application et la lgislation dans ce domaine n'est pas en cohrence avec les choix stratgiques en matire de formation des petites catgories, de dtection des talents, d'infrastructures et d'affectation foncire, de ressources humaines et de rpartition des subventions entre les fdrations. Depuis une vingtaine d'annes, on assiste une monte en puissance du "mouvement nav-tan", la perte de vitesse des clubs traditionnels et la lthargie du sport scolaire et militaire. Le dialogue social, politique et citoyen reste le parent pauvre des politiques publiques Malgr les efforts fournis par l'tat en matire de politique sociale depuis 1960, force est de constater que les rsultats obtenus restent trs en-de des attentes des citoyens. En ce qui concerne l'instauration de la dmocratie sociale qui privilgie le dialogue et la concertation entre les partenaires sociaux en vue de solutions durables dans le monde du travail, le Sngal est pass d'un systme mono partisan avec syndicalisme monocolore un multipartisme avec pluralisme syndical. Cependant, il s'agissait d'un systme largement perfectible avec des conflits rcurrents et parfois trs durs. Sur le plan politique, les meutes qui ont suivi la proclamation des rsultats des lections de 1988 ont conduit l'entre de l'opposition au gouvernement puis l'adoption d'un Code lectoral consensuel. Sur le plan social, le dialogue qui s'est progressivement install autour des politiques conomiques et sociales s'est structur la faveur de la dvaluation du Franc CFA.

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Dans la priode rcente, cette option de dialogue social et citoyen, structur et priodique, est interrompue depuis 2005, sans raison apparente, avec des risques srieux pour la paix sociale. Les lments de progrs en matire de gouvernance sociale sont rechercher dans la priorit donner la satisfaction des besoins fondamentaux des populations : droits la nourriture, au logement, la sant, l'ducation, un environnement sain, la mobilit, l'information, un systme de solidarit cohrent et viable. En privilgiant le bien commun, l'tat du Sngal doit se placer ncessairement dans une perspective de rupture par rapport aux pratiques et politiques actuelles. Cration de richesse et gestion des finances publiques L'examen des tendances rcentes de l'conomie montre un ralentissement de la croissance, l'aggravation des dficits budgtaire et extrieur, l'accentuation des ingalits sociales et la persistance de la pauvret. Le ralentissement de la croissance s'est accompagn de l'acclration de tensions inflationnistes, ce qui pse sur le pouvoir d'achat des mnages. La baisse du taux de croissance, observe en 2006, rsulte de la perte d'importantes parts de march l'exportation, suite l'essoufflement de la plupart des secteurs traditionnels d'exportation du pays (arachide, produits halieutiques), du tourisme, et aux difficults d'entreprises comme les Industries chimiques du Sngal (ICS) et la Socit nationale d'lectricit (SENELEC). Le climat des affaires ne s'est pas beaucoup amlior au cours de ces dernires annes. Et c'est ainsi qu'en 2007, le Sngal occupe le 100e rang sur 131 pays dans le classement du Forum conomique mondial. Concernant le profil de la croissance, de l'indpendance nos jours, il apparat qu'en dehors de quelques circonstances exceptionnelles (flambe des prix des matires premires entre les deux chocs ptroliers) et de la priode conscutive la dvaluation du franc CFA de 1994, la croissance du PIB est gnralement reste infrieure au crot dmographique, ce qui s'est traduit par une tendance la baisse du PIB par tte. Ceci s'explique par le lourd hritage et la dpendance de l'activit conomique vis--vis d'une filire arachidire en perte de vitesse et dont la production est mal commercialise et insuffisamment transforme, une dtrioration de la productivit globale des facteurs, la faiblesse des taux d'pargne et d'investissement.

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On peut citer la rcurrence des dsquilibres qui rsultent du fait qu'aprs l'avnement de l'indpendance, le Sngal n'a pas fondamentalement remis en cause le modle conomique antrieur qui avait cr un systme productif dsarticul, extraverti et domin, trs largement consacr aux activits de service, singulirement au commerce, au dtriment de la production agricole et industrielle. Dans ces conditions, les activits de service, le commerce en particulier, n'ont jamais permis la production agricole ou industrielle de se dvelopper ; d'o les profils de crise permanente de ces deux secteurs. Les parts du secteur primaire et de l'agriculture, en particulier dans le PIB, baissent partir de 1968, sans s'accompagner du boom industriel observ en Core, chez les Tigres asiatiques ou lors du dmarrage des pays dvelopps. Les orientations donner aux politiques gouvernementales, en matire de croissance, visent d'abord promouvoir la croissance potentielle travers l'pargne et le taux de croissance travers l'investissement productif. Si l'on considre le degr d'insertion dans les transactions lies l'conomie internationale, aucune solution ne peut faire abstraction de la ncessit de redfinir un positionnement agricole et industriel qui rompe la dpendance vis--vis de l'extrieur et permettre de passer l'industrialisation. A cet effet, il s'agit de mieux s'ancrer dans l'UEMOA et la CEDEAO. Le secteur dit informel joue un rle central dans l'conomie et la socit sngalaises. Il reste un fournisseur essentiel autant pour les biens de consommation courante que pour les services aux mnages, travers les boutiques, les ateliers et les marchs ; par ailleurs, il remplit une fonction reconnue en matire de formation du capital humain. Nonobstant ce fait, ce secteur est marginalis par les politiques publiques et subit des contraintes importantes de la rglementation conomique et financire. Les principales de ces contraintes concernent les difficults d'accs au financement, la concurrence interne qui s'explique par la surpopulation du secteur, le faible recours aux mthodes modernes de gestion y compris la comptabilit, la confusion entre le patrimoine des affaires et celui de l'entrepreneur, la faible productivit. Le financement de l'conomie est caractris par la faiblesse du recours l'investissement par l'pargne, une dette publique extrieure dont la baisse est le rsultat de plusieurs restructurations et annulations

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de la dette, une forte augmentation du financement extrieur, grce notamment aux transferts de fonds des migrs et aux crdits bancaires. Le bilan des politiques macro-conomiques rvle une situation proccupante des finances du pays, avec le dficit budgtaire actuel qui atteint un niveau comparable celui des annes d'ajustement, en dpit du rendement fiscal qui crot depuis la dvaluation du franc CFA et du contexte d'allgement substantiel de la dette extrieure. En l'absence de politique montaire relle, le principal instrument de politique conomique aux mains de l'tat se rduit au budget travers l'impt et l'emprunt. La politique commerciale ne fait pas l'objet d'une gestion prvisionnelle alors que, de 1960 nos jours, la balance commerciale est dficitaire et que la couverture des importations par les exportations se dtriore davantage depuis 2000. Le fait que le franc CFA soit dans une parit rigide avec l'euro prive l'conomie nationale d'un des leviers utiliss dans d'autres pays pour sauvegarder la comptitivit et, de faon plus gnrale, les comptes extrieurs. Quant au march de l'emploi, le secteur informel en dtient la part majoritaire (95 % en milieu urbain), mais c'est aussi lui qui cre la quasi-totalit des nouveaux emplois. Au total, la croissance conomique est non seulement peu gnratrice d'emplois, mais les rares emplois crs sont gnrs par des secteurs faible productivit et bas niveau de rmunration. Les travailleurs bnficient, certes, d'un dispositif de protection sociale, mais parmi eux moins de 5 % sont affilis au systme de scurit sociale. L'environnement des affaires souffre de beaucoup de maux dont les difficults de trsorerie, celles relatives l'accs au crdit, la faible utilisation des outils de gestion et de la comptabilit, etc. Le bilan des politiques sectorielles permet de noter qu'en plus de ne pas couvrir les besoins alimentaires du pays, l'agriculture n'assure pas ses acteurs des emplois ou des revenus suffisants ; de surcrot, elle surexploite les ressources naturelles qui sont en dgradation continue. Les exportations agricoles sont peu diversifies et en baisse, en termes de rentre de devises. L'agriculture, confronte plusieurs difficults, est caractrise notamment par : le manque de planification, des objectifs irralistes, ne tenant compte ni des potentialits ni des habitudes alimentaires ni des marchs explors (programmes spciaux mas, manioc, etc.) ;

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le manque de concertation avec les organisations de producteurs, dans la dfinition des priorits, des stratgies et des programmes ; la suppression des structures d'appui et de prestation de services aux agriculteurs, comme la SONAGRALNES et la privatisation de la SONACOS dans un manque total de transparence ; la mise en veilleuse des industries d'quipement et d'engrais et le recours des importations qui, financirement et conomiquement, ne profitent qu' quelques affairistes, au dtriment du pays et des paysans ; la quasi-suppression du crdit agricole, pour les paysans individuels et les Organisations de Producteurs (OP) qui sont imposes des conditions de plus en plus difficiles remplir. D'autres difficults rsident dans la liquidation des structures paysannes et la mise l'cart des OP les plus reprsentatives, l'affectation mal cible des subventions, un sous financement ou une absence de financement de la collecte des rcoltes. Les rsultats mitigs des politiques successives montrent la ncessit de changer la perception du monde rural et l'approche de son dveloppement en concertation avec les acteurs eux-mmes. Il devient donc imprieux de changer de paradigme. L'levage et la pche ne sont gure mieux lotis. Ils font face, respectivement, aux importations et la surexploitation des ressources. Les difficults que connaissent les secteurs de l'industrie et de l'nergie sont structurelles. S'agissant de l'industrie, taille pour l'exfdration des territoires de l'AOF, elle a d rvaluer ses surcapacits de production puis se diversifier notamment dans l'agro-alimentaire, la chimie, les mines et le textile. Elle a explor, sans grand succs, l'exprience de zones franches et la promotion des petites et moyennes industries dont les diverses structures d'accompagnement n'ont pas survcu la crise de financement connue pendant la priode d'ajustement structurel. Ainsi, concentre sur un spectre troit de secteurs et d'units, l'industrie voit son taux de croissance diminuer sensiblement et sa rpartition se concentrer Dakar et ses environs. Dans la priode rcente, ses principaux fleurons (ICS, SONACOS, SAR, SENELEC) sont confronts une crise de gestion persistante. Au total, sa situation appelle un repositionnement stratgique. La situation de l'nergie peut tre rsume travers le constat d'une double dpendance vis--vis des nergies fossiles (lectricit et transports) et des ressources ligneuses (nergie domestique). La faiblesse de l'nergie hydraulique, malgr le barrage de Manantali, et la timidit du

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dveloppement des nergies solaire et olienne rend le pays dpendant des sources polluantes et onreuses qui affectent la comptitivit des entreprises et ruinent le budget des mnages avec une discontinuit rcurrente des approvisionnements et de la fourniture. En matire d'nergie, il faut noter la ngligence du recours la tourbe dont dispose le pays et aux nergies renouvelables (olienne et solaire) pour lesquelles les potentialits sont normes. La revue des secteurs inclut galement les ressources minires, les BTP, le tourisme et les transports ariens, la petite et moyenne entreprise, la micro-finance et le foncier, la recherche et les TIC. quit territoriale et dveloppement durable Concernant l'amnagement du territoire et l'environnement, les dsquilibres gographiques hrits de l'poque coloniale se sont accentus, avec environ les deux tiers d'une population, estime aujourd'hui prs de douze millions d'individus, concentrs sur moins du cinquime du territoire national. La situation est caractrise par des dsquilibres d'ordre spatial, socio-conomique et environnemental. En effet, les tablissements humains, les activits conomiques, les grandes infrastructures et les quipements sociaux sont concentrs dans la rgion de Dakar. On observe, par ailleurs, une dgradation acclre de l'environnement et du cadre de vie et une prise en compte insuffisante des menaces lies au recul du couvert vgtal, l'avance de la mer. Il faut aussi signaler la surexploitation des ressources halieutiques et minires. Le Sngal a prcocement dvelopp une rflexion sur l'amnagement du territoire en lui faisant une place dans sa planification et sa programmation budgtaire. Mais le caractre impratif du visa de l'amnagement a progressivement perdu de sa vigueur, avec les difficults financires et la rforme des instruments de planification du dbut des annes 1980. Il faut rappeler que le Sngal s'est dot d'un plan national d'amnagement du territoire, valid en 1997, et qui n'a pas encore connu de vritable application. Ainsi, en l'absence de normes, les choix clientlistes ont pris de plus en plus d'importance. Il en rsulte une exploitation non optimale du territoire et des ressources, comme c'est le cas dans l'agriculture o la pluviomtrie, les terres arables, la population active et la production ne sont pas mises en cohrence. Par exemple, les zones la fois les plus pluvieuses et les plus tendues sont les moins

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peuples et reprsentent une part plus faible des superficies cultives et de la production. Toute politique d'amnagement durable du territoire suppose une approche concerte large, visant promouvoir un processus d'laboration de stratgies cohrentes, afin d'assurer l'accompagnement territorial des mutations sociales et environnementales, tout en considrant les transformations et les volutions conomiques. Une telle politique, fonde sur les principes de polycentrisme, de durabilit et de diversit, serait alors un cadre de mise en cohrence des aspirations exprimes par les populations sngalaises tenant compte des potentialits environnementales au niveau des diffrents terroirs . Une dconcentration quitable des moyens l'chelle du territoire et une dmarche cohrente de dcentralisation prsentent d'importants atouts, parmi lesquels on peut citer des interventions qui sont prioritaires pour asseoir une gestion prudente de l'environnement. Il s'agit d'inverser les tendances lourdes concernant la dgradation et la rduction des ressources naturelles, des milieux et cadres de vie, en vue d'assurer, dans la socit, un environnement sain, productif et agrable, amliorant les conditions de vie et de travail des populations de l'espace national et sous-rgional et ce, en ciblant quatre axes stratgiques : la contribution la gestion durable des ressources naturelles pour la "lutte contre la pauvret" et l'inscurit alimentaire ; la gestion des tablissements humains et la lutte contre les pollutions et nuisances pour la promotion d'un environnement sain ; le renforcement des capacits pour une gestion durable et concerte de l'environnement ; le suivi de la mise en uvre des accords multilatraux sur l'environnement et la promotion de partenariats durables. Valorisation du Sngal et des Sngalais de l'extrieur Au chapitre de la politique extrieure, trois constats majeurs ont permis de dfinir de nouvelles orientations pour la politique trangre : - une diversification utile mais brouillonne des relations diplomatiques ; - une gestion des ressources humaines empreinte d'informel ; - des ressources financires plus importantes, mais l'efficacit douteuse de leur utilisation.

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Le Sngal a toujours men une politique trangre dynamique, en contribuant largement la marche du continent vers son indpendance et son unit, la libration des dernires colonies, au dmantlement de l'Apartheid, en adhrant aux principales conventions internationales, en participant toutes les oprations de maintien de la paix. Ces rsultats ont t obtenus grce notamment un personnel diplomatique de qualit. Cependant, dans la priode rcente, des changements importants sont nots au niveau des critres de choix du personnel diplomatique et du processus de nomination qui n'est pas toujours conforme aux usages. Malgr le triplement des allocations budgtaires, on peut s'interroger sur l'efficacit de cette politique, le rle et la mission des reprsentations, voire leur utilit en fonction des critres objectifs d'une carte diplomatique. En tout tat de cause, il est ncessaire de restaurer l'image du Sngal. La redfinition de la politique extrieure sera fonde sur des critres d'objectivit et d'efficacit. De plus, notre reprsentation devra privilgier l'Afrique et la sous-rgion et travailler exiger une rvision des rgles de fonctionnement et de prise de dcision des organisations internationales (Nations unies, G8, etc.). La question de l'intgration rgionale devient cruciale. De l'Organisation de l'Unit africaine l'Union africaine se lisent l'histoire et les hsitations sur la question de l'intgration africaine, surtout devant l'obstacle majeur que constitue la souverainet des tats. L'laboration du NEPAD constituait un nouveau dpart avec une approche qui se voulait plus pragmatique. Mais le NEPAD tarde raliser les promesses de sa cration, du fait de problmes de leadership, de l'incapacit dfinir une stratgie de mobilisation de ressources. Pour ce qui est de l'intgration rgionale, on note des avances dans le domaine de la coopration et de l'intgration montaire, de l'implication dans les conflits, au niveau de l'UEMOA, de la CEDEAO, de certains organismes spcialiss. Cependant, beaucoup reste faire, avec, notamment, la redfinition des missions de certains organismes, une implication plus forte des populations, la construction d'infrastructures rgionales, l'adoption d'une monnaie unique. L'absence d'une politique migratoire digne de ce nom est noter. Pays carrefour qui a une longue tradition d'migration, le Sngal joue un rle important dans les dynamiques migratoires. L'estimation du nombre de Sngalais installs l'extrieur, principalement en Afrique, fait l'objet de chiffres trs varis, les statistiques officielles donnant 650 000 migrs et le ministre charg des Sngalais de l'extrieur

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2 000 000 d'individus. Phnomne marginal avant la mise en place des visas et des autres barrires l'entre des pays d'Europe, l'migration clandestine a pris des proportions d'autant plus dramatiques que les moyens de transport et les voies utiliss mettent en pril de nombreuses vies humaines. L'migration a gnr en 2007 des transferts de fonds de plus de 500 milliards de FCFA. Ces transferts ne sont pas faciles comptabiliser et sont peu orients vers des activits cratrices de richesses. La diaspora est faiblement implique dans les politiques de coopration bilatrale et le cadre institutionnel de la politique migratoire est en perptuel changement. Il importe d'assurer la reprsentation de la diaspora dans les instances dlibratives de la nation, de crer une Assemble des Sngalais de l'extrieur et des Maisons des Sngalais de l'extrieur et, sur le plan social, de rengocier les conventions collectives pour la protection sociale des ayant-droits ainsi que des conditions adquates de versement des pensions de retraite. Sur le plan conomique, il faut promouvoir un fonds de dveloppement orient vers le soutien la cration d'entreprises. Les recommandations des Assises peuvent se rsumer en trois catgories. La premire est celle des exigences citoyennes fortes formules pour normaliser le jeu politique, conomique et social par des rgles crdibles, consensuelles et structurantes, qui placent le citoyen au centre des affaires publiques et mettent le dispositif institutionnel, social et conomique au service exclusif de son bien-tre. La deuxime catgorie est celle des prescriptions destines gurir le malade Sngal des crises de sa vie politique, conomique et sociale et qui, de ce fait, requirent des mises jour rgulires. Enfin, la troisime, celle des contributions formules pour prendre en charge des problmatiques courantes que les futurs candidats l'exercice du pouvoir auront enrichir la lumire de leurs doctrines, idologies et programmes pour diffrencier leurs offres politiques.

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Introduction

Ce document a t labor sur la base des rapports valids par les diffrentes commissions des Assises nationales enrichis par ceux issus des consultations citoyennes organises dans les dpartements et la diaspora. Il constitue, avec la Charte de Gouvernance dmocratique, dj publie, l'un des principaux produits de cet exercice sans prcdent dans l'histoire du Sngal. Ce document n'offre cependant pas une prsentation dtaille des dlibrations organises l'occasion des consultations citoyennes dans les diffrents dpartements du pays ainsi qu'en Europe et en Amrique du Nord. En attendant l'exploitation plus systmatique de ces donnes, d'une richesse remarquable, les rapports issus des consultations citoyennes ont t mis la disposition du public1. La prsente introduction reconstitue et expose les objectifs et la mthode ainsi que le droulement et les mcanismes de coordination des Assises nationales. Pour terminer, elle prsente la structure du rapport. Contexte et gestation des Assises nationales Au Sngal, l'histoire retiendra 2008 comme l'an I des Assises nationales lances le 1er juin, alors que le souvenir du Sommet de l'OCI du mois de mars s'estompait dj dans un pays politiquement divis et qui ne finissait pas de s'enfoncer dans la pauvret, avec l'accentuation des ingalits sociales et une gouvernance conomique et sociale de plus en plus conteste. L'lection prsidentielle de 2007, suivie, la mme anne, du boycott des lgislatives par l'opposition significative, les troubles scolaires, universitaires et syndicaux, ajouts la rupture du dialogue politique et l'incivisme de plus en plus marqu, l'engagement de nombreux mouvements de la socit civile dans des processus participatifs et parfois populaires de recherche de nouvelles orientations pour le dve1

Pour plus de dtails, consulter : http ://www.assises-senegal.info/spip.php?article232

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loppement, la dmocratie et la citoyennet, ont prcipit l'avnement d'un large rassemblement appel par les partis politiques. Les raisons de l'organisation des Assises sont expliques dans les termes de rfrences, comme le montre le passage suivant : Tout le monde sait que le Sngal traverse une priode difficile de son histoire. Dans la plupart des domaines de la vie nationale, les fruits de l'alternance dmocratique n 'ont pas tenu les promesses des fleurs du 19 mars 2000. Aux contentieux politiques d'ordre institutionnel ou lectoral viennent s'ajouter les difficults croissantes de la vie quotidienne, domines par une pauvret et un chmage endmiques, une inflation galopante et des pnuries de toutes sortes. Face cette crise multidimensionnelle aux consquences imprvisibles, l'inquitude et le dsarroi se rpandent, tandis que chacun s'interroge avec perplexit sur l'avenir. L'acuit des problmes de survie du plus grand nombre et l'accumulation des prils l'horizon, exigent de l'ensemble des forces vives du pays une rflexion collective, une mobilisation massive et une action pacifique mais rsolue. Tous ensemble, nous devons nous poser la question suivante : o va le Sngal ? Notre opinion est que le pays se trouve dans une impasse et notre choix est de lui viter des convulsions douloureuses ; de tenter de l'en sortir par le dialogue, qui est conforme nos traditions, notre culture, notre civilisation . C'est autour de ces constats prliminaires que se sont retrouves diffrentes organisations, notamment des partis politiques de l'opposition aussi bien parlementaire qu'extra-parlementaire, des organisations patronales et des oprateurs conomiques, des organisations syndicales de travailleurs, des associations du monde rural, des associations sportives, d'lves, d'tudiants, des organisations professionnelles et des corps de mtiers, des personnes ges, des associations de retraits, des autorits religieuses, des organisations de femmes, des mouvements de jeunes, des Sngalais de la diaspora, des cadres militaires en dehors du service actif, des universitaires, intellectuels et personnalits de renom. Forts des initiatives et appels au dialogue, et face la crise que traverse le Sngal sans qu'aucune perspective rassurante ne se dessine, ces organisations et mouvements ont propos la convocation d'Assises nationales. Cette initiative tait d'autant plus opportune que des expriences antrieures positives de concertation avaient permis l'tat et aux acteurs politiques et sociaux de trouver des solutions consensuelles

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et durables, parfois novatrices, aux problmes difficiles qui se posaient des moments prcis, ou aux contentieux qui les opposaient (tats gnraux de l'ducation et de la Formation, en 1981 ; concertations ayant donn lieu au Code lectoral consensuel de 1992 ; processus d'laboration du nouveau Code des collectivits locales et de la dcentralisation en 1996). Cependant, suite l'appel insistant au chef de l'tat, les partis membres de la "mouvance prsidentielle" ont dclin les invitations rptes qui leur ont t faites de participer ce processus citoyen. Mais malgr les menaces et toutes les tentatives d'intimidation, nombreux ont t les Sngalais, de tous les ges et de toutes les conditions sociales, qui ont particip de manire gnreuse, enthousiaste et engage au droulement de ces travaux organiss et excuts exclusivement avec des ressources nationales. Objectifs, organisation et approches Objectifs L'objectif gnral de ces Assises nationales tait de parvenir des orientations consensuelles, globales, efficaces, afin de surmonter la crise morale, politique, conomique, sociale et culturelle que connat le Sngal. Les objectifs spcifiques taient les suivants : dresser l'tat de la situation nationale ; proposer des rponses appropries aux urgences et priorits (politiques, conomiques, sociales, culturelles et sportives) du prsent et du proche avenir ; btir un consensus dynamique sur les principes essentiels fondant une bonne gouvernance politique et un tat de droit, une gouvernance conomique de qualit, transparente et soucieuse des intrts nationaux, une gouvernance sociale, culturelle et sportive base sur des valeurs de progrs (travail, professionnalisme, culte de la performance, justice sociale, thique, quit, solidarit) ; dfinir les mcanismes d'un dialogue priodique et prenne aux niveaux politique, conomique, social, culturel et sportif entre, d'une part, le pouvoir et l'opposition et, d'autre part, le pouvoir et les partenaires sociaux, afin de crer les conditions de dveloppement du pays dans la paix civile, la dmocratie, la stabilit et la scurit.

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Les Assises nationales ont donc t un espace et un moment de dialogue et de recherche de consensus sur le bilan des politiques publiques, sur les perspectives et la dfinition d'une vision partage du futur. Organisation Les dmarches participatives et la concertation n'ont de sens que si on les met en relation avec des organes de coordination dots de processus de dcision accepts ; c'est--dire, si les rles, les pouvoirs des dlgus ainsi que la dfinition des phases de recherche, de dbats et de validation sont prciss. Sur le plan administratif, les Assises ont t coordonnes par un Prsident, un bureau, un comit national de pilotage et une assemble gnrale des parties prenantes. Le bureau s'est appuy sur trois commissions transversales : la commission charge de l'organisation et des finances, celle charge de la communication et la commission scientifique. Cette dernire a propos la dmarche et coordonn les travaux des commissions oprationnelles qui se composent de huit commissions thmatiques, de commissions dites de consultations citoyennes, au niveau de chaque dpartement et l'tranger, pour favoriser la participation des Sngalais de l'extrieur la rflexion, ainsi que d'une commission spciale sur la Casamance. Par ailleurs, les Assises ont labor un rglement intrieur et fait tablir des programmes pour la conduite des travaux. Approche En ce qui concerne les travaux, une certaine libert a prvalu partir d'un ventail de prs de 200 points organiss en quatorze grands thmes. Sur cette question, la recommandation suivante a t formule ds le dpart : Cette liste d'apparence exhaustive, quoique non limitative, ne correspond pas ncessairement aux thmes des futures commissions de travail. Celles-ci dtermineront elles-mmes l'ordre des priorits, parmi les thmes et sous-thmes suggrs . Ainsi, ces commissions ont runi, en mme temps, des spcialistes et des hommes de terrain qui, en toute autonomie, ont labor des analyses, identifi les perspectives et propos des orientations et actions. Quatre missions ont t assignes aux consultations citoyennes et aux commissions thmatiques :

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faire l'tat des lieux dans diffrents domaines et secteurs de la vie nationale et locale ; proposer des lments de bilan de l'orientation des politiques publiques nationales et locales ; rflchir sur les conditions de refondation de l'tat et des Institutions ; rpondre la question suivante : quel projet de socit partag pour le Sngal ? Par ailleurs, la rflexion devait couvrir la priode allant de 1960, anne de l'accession du Sngal l'indpendance, nos jours. Les outils utiliss Diffrents outils participatifs ont t utiliss : Le SEPO (Succs, checs, Potentialits, Obstacles) Cet outil qui permet de faire le lien entre l'valuation et la planification a l'avantage d'tre simple, facile comprendre et utiliser. Grce l'intervention d'un facilitateur, les participants l'exercice traitent un sujet sous les quatre angles suivants, de manire successive : les Succs qui dsignent les russites, les objectifs raliss ou les points forts ; les checs qui dsignent les objectifs non raliss, les faiblesses, les difficults ou encore les goulots d'tranglement ; les Potentialits qui indiquent les opportunits, les souhaits ou encore les capacits inexploites ; les Obstacles qui dsignent les rsistances face aux potentialits, les conditions dfavorables ou les contraintes ventuelles lever. L'analyse du champ des forces L'analyse du champ des forces permet une comparaison entre les forces favorables ou dfavorables. La dmarche consiste, pour le facilitateur, demander aux personnes runies en groupes de discussion, d'numrer les forces dans le domaine en discussion, par exemple la politique locale ou nationale ou le vivre en commun. A la fin, il propose aux groupes de donner leurs avis partir de la comparaison entre les forces favorables et dfavorables. La discussion qui s'enclenche alors

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permet de mesurer le niveau de prise de conscience du groupe sur son vcu. Le Cadre H Pour cet outil, le facilitateur procde de la mme manire que pour le champ des forces, en dterminant, au dpart, une question centrale autour de laquelle on identifie les forces et les faiblesses en les comparant et en hirarchisant les facteurs favorables ou dfavorables (la hirarchie des priorits varie de 5 1). Une seconde question portant sur les solutions prconiser permet de faire rflchir le groupe de discussion sur les lments de recommandation, en rapport avec la premire question centrale qui structure cet outil. Les deux questions majeures sont mises au milieu de la figure, la premire au-dessus de la seconde en laissant un espace entre les deux, et les deux questions centrales sont bordes, de part et d'autre, par les facteurs favorables et dfavorables de manire descendante (soit du plus important au moins important). De cette faon, les rsultats sont visualiss par la figure H et on dispose ainsi d'un outil d'aide la dcision d'un maniement facile et d'une bonne lisibilit. Les discussions en focus-group (DFG) Les groupes sont slectionns en fonction de critres d'homognit, le plus souvent construits : il s'agit, en fonction du thme, d'identifier un facteur qui permet chacun au sein du groupe de pairs de relater son exprience propre, en tant inspir par celle des autres ; chaque intervenant enrichit le dbat grce son exprience personnelle. A la diffrence des dynamiques habituelles de groupe, les DFG cherchent favoriser l'expression plurielle au sein d'un groupe pourtant homogne. Elles visent viter l'influence des leaders dans la conduite de la discussion. Le rle du facilitateur est de faire en sorte que chacune des personnes prsentes s'exprime sur les deux trois points de discussion en vue de collecter un faisceau de vcus individuels, stimuls par la prsence d'un groupe ayant une similarit de conditions ou de positions, voire de postures en fonction de la thmatique. Les donnes collectes sont par la suite traites selon les rgles de l'analyse de contenu. Les groupes doivent tre limits (entre six et douze personnes au maximum) pour assurer une meilleure matrise de la dynamique de groupe. Cet outil est coupl avec les premiers qui visent construire des consensus.

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L'analyse documentaire Cet exercice a permis de complter les outils mentionns ci-dessus. Ainsi, les documents manant de sources multiples ont apport des informations complmentaires et permis de tracer une volution, voire d'effectuer des mises jour. La dmarche et les choix mthodologiques ont facilit des dbats libres et structurs auxquels tout participant pouvait contribuer, quel que soit son niveau de scolarisation. Runis plus tard, chacun des comits dpartementaux a organis la restitution dans les communauts urbaines et rurales du dpartement, pour partager les rsultats des travaux et recueillir de nouvelles analyses et de nouveaux commentaires. Tout au long des consultations citoyennes, un dispositif de compte-rendu a t mis en place pour enregistrer les dbats, collecter les prsentations crites, rdiger les rapports. Une fois valids, ces rapports ont t transmis la commission scientifique. Le droulement des travaux La mthode de travail a emprunt quatre formats : deux formats prliminaires que sont les consultations citoyennes et les commissions thmatiques et deux formats de synthse et de validation que sont l'atelier de production et la plnire des parties prenantes. Les consultations citoyennes En partant de la conviction que les citoyens sont capables de penser les problmes du pays, d'en dfinir les ressorts et d'indiquer des solutions, il a t convenu de privilgier les dlibrations publiques, de les articuler la production des spcialistes, puis de les valider par des assembles runissant les dlgus des parties prenantes. Les consultations citoyennes se sont droules dans les 35 dpartements du pays et au sein de la diaspora, notamment en France, aux tats Unis d'Amrique et au Canada entre dbut aot et fin novembre 2008. Les Assises nationales tant places sous le signe de la participation populaire, c'est l'approche ascendante qui a t choisie. Elle combine l'exploration des perceptions et perspectives populaires et la dlibration publique sur les options et orientations de dveloppement local et rgio

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nal. C'est ainsi que des consultations citoyennes ont t organises dans l'ensemble des dpartements des onze rgions existant lors du dmarrage des Assises. Cette couverture large et sans exclusive constituait, au dpart, un dfi difficile relever. Mais ce pari a t tenu, confrant, sans conteste, un caractre national et populaire aux Assises. Ces consultations ont relev de la responsabilit des comits dpartementaux de pilotage (CDP) et de l'tranger, pour la diaspora, assists par les commissions transversales et suivant un schma indicatif prpar par la commission scientifique. Les CDP sont composs des reprsentants sur place des parties prenantes aux Assises. Ils ont associ leurs travaux des reprsentants d'organisations locales (socioprofessionnelles, de femmes, de jeunes, etc.), des personnalits dsireuses de participer aux Assises en en respectant le rglement intrieur et le Code de conduite. Les consultations citoyennes ont t l'occasion d'un dialogue large et direct au sein des populations dans leurs domaines d'activits relatifs aux conditions de vie, au vivre en commun, aux politiques locales et nationales. Elles n'avaient pas pour but d'laborer des plans locaux de dveloppement. Elles ont favoris une rflexion d'ordre politique sur les orientations du dveloppement tout en indiquant des lments programmatiques, pour raliser, sur de nouvelles bases, le dveloppement ainsi que les supports pour y parvenir. Les consultations citoyennes ont pous les contours des formes locales et les dynamiques sociales dans chaque dpartement l'initiative des acteurs locaux issus des parties prenantes : dlibrations locales l'chelle des arrondissements ruraux et des petites et moyennes villes, concertations de groupes socioprofessionnels, Assises dpartementales, restitutions des rsultats agrgs au niveau dpartemental. L'organisation et le droulement des consultations citoyennes ont t facilits par des professionnels disposant d'une exprience solide dans le domaine de la dmocratie participative et qui ont adhr l'esprit des Assises. Les facilitateurs ont travaill sous l'gide de la commission scientifique pour mettre au point la mthodologie des consultations citoyennes, en particulier, pour permettre la comparaison des rsultats et l'valuation des procds et mthodes populaires initis par les parties prenantes l'chelle locale. Le format retenu a consist faire exprimer les attentes des participants vis--vis des Assises et s'accorder sur les thmatiques discuter. Ce pralable pouvait se faire lors de l'installation officielle du CDP, ou, dfaut, lors du dmarrage des consultations citoyennes.

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Les moments majeurs des consultations citoyennes ont t les sances de dlibrations publiques organises les week-ends. Les thmatiques ont port, le premier jour, sur les filires (agriculture, levage, pche, foresterie, etc.), les politiques sociales (ducation, sant, habitat, etc.), le rapport des citoyens l'tat et inversement (infrastructures, quipement, amnagement du territoire, etc.). Les thmatiques complmentaires ont t tudies le deuxime jour. Elles ont port sur la culture et les religions (les valeurs, les pratiques, la lacit, etc.), l'emploi des femmes et des jeunes (politique d'emploi, chmage, etc.), les dynamiques sociales (valeurs, changements sociaux, etc.). Tous ces thmes ont t traits aussi bien en plnires - o ils ont donn lieu de larges dbats - qu'en ateliers o ils ont t approfondis. La dernire plnire a permis de restituer les points majeurs consensuels et de traiter de l'orientation des politiques locales et nationales. Les consultations ont t partout l'objet d'une forte adhsion populaire. Y ont pris part activement des centaines voire, lors des restitutions, des milliers de personnes de conditions et d'appartenances diverses. Leur tenue a rvl la volont des citoyens sngalais de participer rellement la rflexion et l'action concernant le dveloppement de leur pays tous les niveaux, dans tous les domaines et sous tous les aspects. Les commissions thmatiques Elles avaient pour objets diffrents domaines et secteurs, comme les institutions, la politique conomique et financire, la politique extrieure, l'intgration africaine, les migrations, la recherche scientifique, mais aussi le monde rural, le secteur primaire, les droits conomiques et sociaux, la gouvernance sociale, l'amnagement du territoire et le dveloppement durable. Elles ont propos le bilan des politiques et programmes dans les secteurs en question, avant d'en tirer les enseignements et de formuler des orientations et des modes d'action susceptibles de corriger les dficiences, les ingalits voire les iniquits. Elles ont organis galement des auditions de personnalits comptentes et pouvant fournir des informations et des analyses pertinentes. Les commissions thmatiques ont initi des travaux susceptibles de faciliter la formulation d'lments de politiques alternatives. Pour assurer une bonne coordination de leurs travaux, des runions entre les commissions ont t organises par la commission scientifique

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qui a fourni, en amont et en aval, les orientations mthodologiques ncessaires aux activits des commissions. Les rsultats des travaux de chaque commission thmatique ont t restitus en sances publiques ; les interventions et les dbats auxquels elles ont donn lieu ont permis d'enrichir et d'amliorer leurs rapports. L'atelier de production Le rapport final des Assises devait prendre en compte les rsultats des travaux de toutes les consultations et des commissions, aussi bien thmatiques que dpartementales, y compris celles de la diaspora extraafricaine, tout en tenant compte de la documentation disponible dont l'exploitation s'avrait utile. A la suite des sances publiques de prsentation des rapports des commissions thmatiques, une plnire des parties prenantes - regroupant 150 dlgus - a t organise pour dbattre des synthses transversales permettant d'identifier, de nommer et de caractriser les points communs qui se dgageaient des rapports de ces diffrentes commissions et d'en percevoir aussi les spcificits. Cette plnire a t un pralable l'atelier de production conu sous la forme d'une "foire aux ides". L'organisation d'un atelier de production runissant, outre les membres du Bureau des Assises, les prsidents et rapporteurs de toutes les commissions, les prsidents et rapporteurs des comits dpartementaux de pilotage s'avrait ncessaire pour raliser la synthse des travaux des Assises et dfinir des stratgies de sortie de crise. L'atelier a t ralis sous la direction de la commission scientifique seconde par des experts dont certains taient des rapporteurs de commissions. Le prsident des Assises nationales a dirig ces travaux. Les travaux ont consist prsenter des synthses transversales combinant les donnes des commissions thmatiques et des consultations citoyennes. Ces synthses ont port sur le diagnostic ralis sur la base d'un tat des lieux. Elles ont t discutes en plnires et en ateliers. Mises en perspective par des intervenants spcialistes en la matire, elles ont permis de comprendre les mcanismes ayant conduit la situation actuelle. L'accent a t mis sur la nature et les ressorts de la situation sociale et conomique que vit le Sngal, depuis 1960, ainsi que les enseignements qu'on pouvait en tirer. Pour aider les participants prendre en compte les futurs possibles, des scnarii d'volution politique ont t prsents, ce qui a permis, lors

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de la dernire journe, de rflchir l'aprs 'Assises nationales'. Au final, l'atelier de production a permis d'identifier trois grands axes de changement : la dfinition du projet de socit pour l'horizon 2025, les conditions de la refondation des institutions et les paradigmes de rupture pour le dveloppement national. L'enthousiasme et la mobilisation nots pendant quatre jours parmi les 120 participants ont confirm l'importance de la dlibration dans les affaires publiques. Les plnires des parties prenantes Les rsultats de l'atelier de production ont t soumis l'assemble gnrale des parties prenantes qui s'est tenue pendant deux jours Dakar et a regroup les reprsentants de toutes les commissions, les prsidents des comits dpartementaux de pilotage, ainsi que les prsidents des comits de pilotage de la diaspora, soit un effectif de 200 dlgus. A l'issue de cette runion, un pr-rapport a t confectionn. Il rassemblait l'ensemble des rapports des commissions dont les diffrentes parties avaient t soumises des spcialistes extrieurs au processus. Le Processus des Assises a dbouch sur deux rapports officiels : la Charte de gouvernance dmocratique qui a t signe par les parties prenantes et prsente avec les conclusions des Assises nationales, le 24 mai 2009 l'Htel Mridien Prsident, et le prsent rapport final avec un rsum. La premire partie de ce rapport montre les principales conclusions qui se dgagent de l'examen de la trajectoire sociale, conomique et politique du Sngal, de 1960 nos jours. C'est sur la base de ce bilan dtaill que sont proposes, dans la seconde partie, la vision et les orientations pour assurer la promotion d'un Sngal nouveau. Un Sngal rpublicain, dmocratique, lac et souverain. Un Sngal rgi par une gouvernance fonde sur l'thique, la dmocratie participative, le respect des institutions et des liberts individuelles et collectives. C'est pourquoi ce rapport propose des solutions dtailles aux problmes mis en vidence par l'analyse rtrospective. Ces recommandations, qui rsultent du travail des commissions thmatiques et des consultations citoyennes, cherchent, en particulier, redonner espoir aux populations, surtout aux jeunes et aux femmes, promouvoir des axes de dveloppement d'une socit la recherche d'un nouvel ordre moral. Il s'agit, notamment, d'amorcer la rvolution culturelle et thique porte par les fortes attentes exprimes par les populations, l'occasion des lections de l'an 2000.

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Premire partie Bilan du vivre en commun depuis 1960

Chapitre I Socit, valeurs, thique

Toutes les socits produisent ou adoptent des normes civiques ou morales sur lesquelles elles s'adossent pour rpondre aux dfis de leur environnement, organiser la vie sociale, inciter leurs membres se conformer aux conduites admises, rprouver les actes et comportements individuels ou collectifs rprhensibles et les sanctionner le cas chant. Ces valeurs ont des sources diverses, locales ou trangres qui interagissent, engendrant ainsi des dynamiques qui influent sur le jeu social, rvlent des menaces et des opportunits, des tendances lourdes impact durable ou des facteurs de rupture imposant de changer ou d'entrer en crise, lorsque l'ancien ordre ne finit pas de mourir alors que le nouveau tarde s'imposer. Alors, le fonctionnement des rgles traditionnelles est perturb, mais pas assez pour laisser la place aux rgles modernes . Il y a refus de s'adapter la nouvelle donne, c'est--dire rsistance au changement. La sortie de crise passe par une citoyennet active d'o merge un leadership capable de proposer une vision dsirable de l'avenir, de prsider son inculturation pour mettre les repres jour et, partir de ces derniers, laborer un systme de valeurs et d'incitations qui promeuve ou dcourage les comportements selon leur adquation ou non au projet national. Le Sngal est un pays Finistre , c'est--dire un territoire dont la dmographie a t constitue par des apports nombreux et successifs de populations, et qui, comme une nasse, capture de nombreuses cultures. La rponse de la socit sngalaise rend compte de sa vulnrabilit la pntration des valeurs trangres. Cela s'est traduit par une forte tendance s'approprier les querelles idologiques et religieuses, plaquer sans rel inventaire les lois et solutions institutionnelles trangres ou encore adopter des modles exognes de consommation et de loisir.

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SECTION 1. LES SOURCES DE VALEURS La perte de repres et l'angoisse des lendemains incertains sont parmi les tats d'esprit les plus largement partags par les Sngalais. Cette situation ne s'explique pas seulement par le comportement des dirigeants ou par le fonctionnement de certaines institutions. Les Sngalais font face la difficult d'intgrer diffrents systmes de rfrence concurrents et quelquefois conflictuels. Le citoyen sngalais semble tre devenu un tre clat dans des sphres diverses avec des normes et rfrences souvent diffrentes, pour ne pas dire contradictoires et une multiplicit de projets de socit. Aussi, les consultations citoyennes et les travaux des commissions thmatiques ont-ils montr la ncessit pour les Sngalais de procder une autocritique, dans le but de rconcilier la socit avec elle-mme et d'actualiser volontairement ses valeurs en tenant compte des volutions respectives de ses populations, de ses institutions et de son environnement. Au Sngal, trois sources principales structurent et encadrent la production et l'volution des systmes de valeurs, d'thique, de comportements : (i) la culture qui est handicape par son oralit, dans un contexte mondialis domin par l'crit ; (ii) le religieux qui s'exprime principaleme