17
md-Duché de Luxembourg Ministère d'État Bulletin de dcxximentation SOMMAIRE La présentation du projet de budget pour 1981 Les problèmes essentiels des finances publiques luxembourgeoises luméro spécial décembre 1980 Service Information et Presse Luxembourg - 10, boulevard Roosevelt

Bulletin de dcxximentation

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Bulletin de dcxximentation

md-Duché de LuxembourgMinistère d'État

Bulletindedcxximentation

SOMMAIRE

La présentation du projet de budget pour 1981

Les problèmes essentiels des finances publiquesluxembourgeoises

luméro spécial

décembre 1980 Service Information et PresseLuxembourg - 10, boulevard Roosevelt

Page 2: Bulletin de dcxximentation

La présentation du projet de budget pour 1981par Monsieur Pierre Werner, Président du Gouvernement,

à la séance de la Chambre des Députés du 11 novembre 1980

II y a quelques mois, à l'occasion de la Déclarationsur l'état de la nation, j'ai dit à cette tribune que«l'établissement du projet de budget pour 1981s'avérerait laborieux du fait que les marges budgé-taires se réduisaient sous le coup d'une croissanceréelle encore faible et de dépenses incompressiblesen expansion». Ces prévisions se sont avérées justes,même si au printemps, un certain nombre de tendan-ces contradictoires de l'évolution économique nepermettaient pas encore d'évaluer exactement l'am-pleur du fléchissement que connaît actuellement l'ac-tivité économique.

Après le bref redressement de 1979, les perspec-tives de croissance sont de nouveau peu encoura-geantes. La crise que nous pensions atténuée et pro-gressivement maîtrisée par tout un arsenal d'instru-ments de politique économique, se révèle aujour-d'hui longue sinon durable. Nous sommes loin desvariations conjoncturelles qui caractérisaient la pé-riode d'après-guerre, qui n'étaient en somme que desinfléchissements périodiques d'une croissance vigou-reuse et continue. La superposition d'une crise con-joncturelle à une crise structurelle nous oblige àprendre conscience d'une situation nouvelle où lesacquis et les progrès paraissent à nouveau bien fra-giles.

Le Luxembourg n'échappe pas à ce nouvel ébran-lement. Le seul alourdissement de notre facture pé-trolière après les récentes hausses équivaut à un sur-plus à payer de l'ordre de 3 milliards de francs en1980, alors que notre consommation est en baisse.Depuis 1973 notre facture pétrolière totale s'est ac-crue d'un peu moins de 6 milliards de francs, pesantlourdement sur notre balance commerciale. Notreéconomie a directement subi les effets du secondchoc pétrolier qui a entraîné dans le monde indus-trialisé une recrudescence de l'inflation et une stag-nation voire une baisse de la production industrielle.Les incertitudes politiques et économiques interna-tionales ne permettent pas d'espérer une reprise ra-pide de la croissance stable à laquelle nous nousétions habitués pendant les années 60. La détériora-tion de la situation internationale, les nouvelles ten-sions dans différentes régions du globe pèsent au-jourd'hui sur une évolution économique caractériséepar une incertitude et une fragilité croissantes. Mêmesi notre approvisionnement en pétrole est assurépour les quelques mois à venir, de nouvelles haussesrisquent de se produire, rendant une nette améliora-tion de la conjoncture encore plus difficile.

A côté de certains aspects plus conjoncturels del'évolution économique, comme par exemple la ré-cente flambée des taux d'intérêt, les mutations struc-turelles de l'économie mondiale lancent un véritabledéfi aux économies européennes. La perspective denouvelles augmentations du prix des matières pre-mières, la concurrence accrue de certains pays envoie d'industrialisation rapide, la situation obérée etl'endettement de la plupart des pays en développe-ment non-producteurs de pétrole, la percée des pro-duits japonais sur les marchés européens sont autantde nouvelles contraintes dont un pays extraverti etdépendant comme le nôtre ne pourra faire abstrac-tion.

Ces contraintes alliées à une révolution technolo-gique basée sur les micro-processeurs ont aggravé lasituation de l'emploi dans la Communauté europé-enne, qui compte désormais quelque sept millions dechômeurs, à un moment où la croissance zéro est uneprévision réaliste, par exemple en République fédé-rale.

Si jusqu'à présent et eu égard à certaines particula-rités de la structure de notre marché de travail, le Lu-xembourg connaît un taux de chômage exceptionnel-lement faible, 0,6% contre 6,8% pour la moyennecommunautaire, la conjoncture internationale peufavorable ainsi que les mutations structurelles àl'échelle internationale l'affectent profondémentdans sa substance économique et requièrent une vigi-lance particulière. Certes l'inflation est restée souscontrôle, mais les perspectives d'une croissance ex-trêmement faible chez nos principaux partenaires nepermettent pas de miser pour 1981 sur une crois-sance de notre PIB supérieure à 1%. Comme il y acinq ans, c'est la sidérurgie qui a été frappée de pleinfouet par les tendances récessionnistes.

La production mensuelle d'acier brut est régressivedepuis le mois de juin 1980 et en même temps lesprix de vente se sont effondrés malgré la hausse cons-tante des prix des matières premières et de l'énergie.La diminution de 31,8% pour le mois d'août illustrela gravité d'une crise qu'il serait fatal de mésestimer.Il semble bien que nous n'ayons pas encore atteint lecreux de la vague et que la reprise sera lente. Le sec-teur vital de notre économie est menacé. Mais la pro-duction industrielle, hors sidérurgie, a égalementstagné dès le 1er semestre 1980.

Compte tenu de ces nouvelles contraintes qui con-tinueront de peser sur l'économie luxembourgeoise,le Gouvernement a opté pour une politique active

1

Page 3: Bulletin de dcxximentation

qui donne la priorité aux mesures qui permettent ànotre appareil productif de se moderniser et des'adapter aux nouvelles données internationales.Voilà la philosophie du projet de budget 1981. Sastructure reflète à la fois l'impact de l'évolutionlanguissante de l'économie et la riposte résultantd'une politique volontariste axée sur de grands ob-jectifs socio-économiques.

Nous avons ainsi accentué certaines orientationsparaissant déjà au budget de 1980, car l'action quinous est imposée par notre forte dépendance de l'ex-térieur s'intègre dans une politique économique plu-riannuelle. Nos objectifs primordiaux sont la compé-titivité internationale de notre économie par un ren-forcement des bases et de la productivité de notreéconomie. Dois-je rappeler que c'est la seule voiepossible qui garantisse à plus longue échéance lemaintien de notre niveau de vie, de l'équilibre de nosfinances publiques, et du «way of life» luxembour-geois tout court.

Le renforcement de la base structurelle de notreéconomie pose au premier chef la question de l'ave-nir de notre sidérurgie. Je viens de rappeler la gravitéde la crise qui frappe ce secteur dont les produitsconstituent encore quelque 57% de nos exportations.Jusqu'à présent la sidérurgie luxembourgeoise a bé-néficié d'aides relativement modestes en comparai-son avec ses concurrentes étrangères.

Dans ce contexte il importe d'attirer l'attention surles véritables distorsions de concurrence créés parl'inégalité et le caractère disparate des aides finan-cières accordées à leur industrie de l'acier par lesEtats-membres de la Communauté du Charbon et del'Acier.

L'insuffisante coordination communautaire de cesaides expose un pays comme le nôtre, dont l'écono-mie globale est encore dominée par l'apport de la si-dérurgie, à ne pas pouvoir suivre le train de mesuresprises dans d'autres pays et dont le financement peutpuiser dans un plus vaste réservoir national. Nousavons noté avec satisfaction que la récente décisionsur l'application de l'article 58 du Traité de Paris estaccompagné du mandat donné à la Commission depromouvoir une plus grande harmonisation de cesaides. Nous devons insister pour qu'il y soit donnésuite. Mais peut-on corriger l'effet des distorsions an-térieures ?

En mars 1979, comme conclusion d'une négocia-tion tripartite sur l'avenir de la sidérurgie, le Gouver-nement précédent a accepté, comme contrepartied'un plan d'investissement quinquennal de l'Arbedde l'ordre de 23 milliards des engagements de sou-tien financier et de garantie.

Le plan de financement de l'Arbed y relatif se fon-dait sur des prévisions pluriannuelles de rentabilité etde cash-flow combinant un autofinancement de l'en-treprise avec des emprunts garantis jusqu'à concur-rence de 10 milliards par l'Etat et enfin certainesaides directes. L'affaissement conjoncturel constatédepuis le 2e trimestre de 1980, compromet, aux yeux

des entreprises sidérurgiques l'exécution de ce plan.Aussi l'Arbed demanda-t-elle au Gouvernement unrenforcement notable de l'aide de l'Etat, en mêmetemps qu'elle réduisait fortement le programme d'in-vestissement.

Le Gouvernement convoque l'assemblée de la tri-partite sidérurgique dans le cadre de laquelle se dé-roulent depuis juillet dernier des négociations. Cel-les-ci ont porté jusqu'à ce jour essentiellement surune analyse approfondie des perspectives et del'orientation des programmes de production. Le sou-ci du Gouvernement dans cette phase a été de provo-quer une prise de conscience des données de l'avenirde la sidérurgie dans le chef de tous les participants àla Tripartite afin d'y conformer les programmes d'in-vestissements. Ce faisant il vise à obtenir le plus hautdegré possible de certitude quant à la garantie demaintien d'une forte implantation de la sidérurgie auLuxembourg.

Comme résultat de ces tractations et analyses quiont amené l'Arbed à produire un nouveau pro-gramme d'investissements élargi, un consensus entreles trois parties semble possible depuis la semainedernière sur un programme d'investissements et unordre de priorités.

C'est seulement à partir de cette semaine et surune base ainsi redéfinie que s'engagent les négocia-tions sur les autres aspects: aides de l'Etat, problèmesd'emploi, problèmes sociaux et autres modalités desaccords à conclure.

Le Gouvernement approche cette négociationavec une disposition de compréhension pour les pro-blèmes sidérurgiques actuels et futurs. Il n'entendpas exclure notre industrie principale, dans le maras-me actuel, de l'aide permettant une modernisation del'outil de production et améliorant sa position com-pétitive. Il est conscient que la survie de l'industrie si-dérurgique est pour notre pays une question vitale.

Tout le monde se rend compte cependant qu'enétendant les aides financières à l'industrie lourde,nous franchissons un seuil dans l'intervention éta-tique et que le Gouvernement se trouve confronté àdes chiffres d'un ordre de grandeur tel que, si ces de-mandes trouvent satisfaction, elles ne peuvent man-quer d'influer sur la politique financière générale. Ilnous appartient ici de faire une juste balance entre cequi ressort de la responsabilité propre de l'entreprisede veiller à son prix-de-revient et le rôle d'encoura-gement de l'équipement national qui incombe auxpouvoirs publics.

Pour autant que les accords futurs auront des con-séquences budgétaires, il est vrai que le projet debudget 1981 ne prévoit ni mesure ni crédit, ce qui adéjà donné lieu à maints commentaires. J'aimerais àce sujet montrer le bien-fondé de notre attitude, IIaurait été incongru de prévoir dans le projet de bud-get de nouveaux crédits en faveur de la sidérurgie àun moment où les négociations avaient à peine com-mencé, mais où les préparations budgétaires étaientarrivés dans leur phase finale. Si nous avions fixé dèsle début des négociations le montant probable del'aide, nous aurions dès le départ restreint notre mar-

Page 4: Bulletin de dcxximentation

ge de manœuvre au sein de la tripartite. Nous avonsentendu mener ces négociations sans précipitation etsans improvisation.

Au mois de juillet il s'agissait essentiellement d'en-gager la procédure législative du budget sur la basedes données relatives aux multiples devoirs de l'Etattelles qu'elles ressortaient des propositions adminis-tratives. Le fait que nous ayons qualifié ce budget debudget de préaustérité prouve que les incidences dudéveloppement et des besoins futurs n'étaient pasabsentes de notre esprit. Je reviendrai plus loin sur cepoint. Nous ferons tout notre possible pour que laChambre puisse se rendre compte de l'envergure desaides accordées, de leur incidence sur le budget, ainsique sur les moyens de financement, le plus tôt possi-ble. Elle jugera elle-même de l'équilibre final à éta-blir entre nos moyens et nos dépenses.

L'enjeu sidérurgique est de taille et sera incorporéà la politique globale. Les objectifs du Gouverne-ment sont clairs. Nous voulons une sidérurgie com-pétitive assurant des emplois stables. Nous deman-dons des garanties pour le site de Luxembourg quidevront aller au-delà de 1984. Nous ne soutiendronsaucune stratégie de repli ce qui suppose des capacitésde laminage modernes et compétitives et adaptéesaux capacités de la phase liquide.

L'Etat est d'accord pour prendre ses responsabili-tés à condition que l'avenir à plus longue échéancesoit garanti par un plan d'investissement qui ne cachepas un démantèlement progressif de notre outil deproduction. Sous quelle forme ces aides seront-ellesaccordées ? Elles ne seront pas nécessairementtoutes budgétaires ni à fonds perdu. Les besoins se-ront analysés et les formes d'intervention y serontadaptées.

Si l'Etat accepte ainsi son rôle dans la restructura-tion de notre sidérurgie, il devra également poursui-vre les efforts en vue d'une plus grande diversifica-tion de notre appareil productif et la recherche denouveaux créneaux de production, car c'est de cettecapacité d'adaptation aux nouvelles données écono-miques que dépendra la croissance économique etpar là le maintien du plein emploi.

Nous devons prendre conscience du fait que la re-structuration de notre économie sera un processuscontinu et durable qui se distinguera en ceci fonda-mentalement de la politique de diversification desannées soixante qu'il ne bénéficiera pas d'une crois-sance forte et que la concurrence internationale de-viendra de plus en plus effrénée.

Dans ce contexte où les contraintes externes pèse-ront de plus en plus lourdes, nous avons besoin d'unestratégie économique offensive, seule capable d'en-courager la création de nouvelles activités industriel-les. Voilà pourquoi nous devrons encore mieux défi-nir le rôle que l'Etat et la collectivité toute entièredevront jouer dans le renouvellement de nos structu-res économiques.

Les efforts qui ont été faits sont déjà considérables.Près d'un milliard de francs ont été investis dans lecadre de l'aménagement de nouvelles zones indus-trielles.

Nous avons ainsi créé les infrastructures nécessai-res à l'implantation de nouvelles industries. Sur ceplan-là les perspectives restent relativement bonnesgrâce à une politique d'accueil très active. Depuis1975 plus de quatre mille emplois ont été créés pour'quelque 17 milliards d'investissements industrielsréalisés ou décidés.

Nous poursuivrons cette politique conformémentaux engagements pris dans l'Accord du 19 mars. Lacréation d'emplois hautement productifs et l'amélio-ration de notre compétitivité nécessitent une concen-tration particulière de nos efforts sur les investisse-ments dans les secteurs d'avenir.

Déjà apparaissent les produits de pointe qui serontvraisemblablement les éléments avancés d'une nou-velle révolution industrielle fondée sur les énergiesnouvelles, l'électronique, la télématique et la biochi-mie. Nous devons encourager les investissementsdans ces secteurs qui seront à la base d'une nouvellecroissance. Voilà pourquoi la recherche appliquée etl'innovation devront être soutenues davantage. Troplongtemps le rôle des petites et moyennes industriesdans l'innovation a été sousestimé tandis qu'elles re-présentent un potentiel économique et un dynamis-me non négligeables. Le projet de budget 81 innoveen ce sens, car il prévoit pour la première fois un cré-dit destiné à soutenir et à encourager l'innovation etla recherche.

Mais le vaste processus d'adaptation de notre éco-nomie suppose un changement de nos comporte-ments. Dans la bataille économique, chaque Luxem-bourgeois est concerné, quelle que soit sa placecomme agent économique. Nous devons savoir quel'adaptation ne sera nullement automatique et quetout retard pris sur nos concurrents pourra se trans-former en baisse de niveau de vie voire en perted'emplois. Nous ne contrôlons pas une évolutionéconomique et technologique dont dépend néan-moins par le biais de notre commerce extérieur, no-tre bien-être. Il serait donc extrêmement dangereuxde sacrifier l'assainissement et le dynamisme futur denotre économie à la sauvegarde d'intérêts voire deprivilèges particuliers.

Le plein emploi reste un objectif primordial et leprojet de budget 81 est un budget de plein emploi.Mais l'emploi est menacé quand la productivitéstagne et quand la compétitivité est insuffisante.

La création de nouveaux emplois hautement pro-ductifs dans les entreprises dynamiques et modernessuppose évidemment une plus grande mobilité et uneflexibilité accrue sur notre marché de l'emploi. Il estéconomiquement irrationnel voire dangereux demaintenir des emplois moins productifs dans des sec-teurs en difficulté tandis qu'au même moment desemplois nouveaux stables et qualifiés ne trouvent paspreneurs sur notre marché de l'emploi national etque nous devons importer de la main-d'œuvre del'étranger, ce qui constitue à terme de nouvellescharges futures pour notre balance de paiements.

Le Gouvernement compte encourager la mobilitédes travailleurs en collaboration avec les partenaires

Page 5: Bulletin de dcxximentation

sociaux. Cela suppose non seulement des moyens ac-crus pour l'incitation à changer d'emploi, pour la for-mation professionnelle et le recyclage, mais égale-ment une meilleure information sur les différentesperspectives en matière d'emploi.

Si le budget 1980 avait déjà mis des accents nou-veaux quant à la mise en œuvre d'une politique struc-turelle active, le projet de budget 81 renforce d'oreset déjà les moyens, car les aides directes et indirectespour la consolidation et la diversification de l'indus-trie passent de 848,5 millions en 1980 à plus d'unmilliard, ce qui correspond à une augmentation de21%.

Par ailleurs la compétition économique internatio-nale ne nécessite pas seulement une structure decoûts concurrentielle et une offre de produits adap-tée aux évolutions de la demande mondiale. Ellerend indispensables la présence active sur les mar-chés ainsi que l'octroi de conditions financières deplus en plus favorables. A l'instar de tous les paysprésents sur les marchés internationaux, nous renfor-cerons la promotion du commerce extérieur, en aug-mentant la dotation de l'Office du Ducroire et encréant un instrument supplémentaire, celui des prêtsd'Etat à Etat.

Ayant esquissé les perspectives économiques pourles années à venir, je dois constater que les efforts quinous seront demandés pour nous adapter seront con-sidérables. Assurer dans des conditions optimales laréalisation de nouveaux projets industriels en vued'un meilleur équilibre de nos échanges commer-ciaux signifie pour l'Etat des dépenses supplémen-taires. Les nouvelles contraintes externes nous im-posent la définition de priorités et l'utilisation effi-cace des dépenses publiques selon leur répercussionéconomique, d'autant plus que nous ne pourrons pluscompter sur une expansion rapide de nos recettes.

L'accent mis sur l'investissement du secteur privéne doit pas porter préjudice au devoir de l'Etat depromouvoir l'investissement public à propos de toutce qui peut améliorer l'infrastructure du pays. C'estpourquoi il est peu probable que le budget extraordi-naire puisse diminuer au cours des années à venir.

Le Gouvernement entend garder une vue d'en-semble sur tout ce qui se projette actuellement etpour les années à venir comme investissements pu-blics notables dans notre pays. Il fixera, après inven-taire sur ordre de priorités pour la réalisation desdivers projets.

D'autre part, l'exécution des projets devra êtresoumise à une surveillance beaucoup plus étroite etserrée.

Des critères plus sévères d'utilité des constructionsdevront être appliqués, l'exécution des travaux con-formément aux devis et cahiers des charges étroite-ment surveillée.

Contrairement à ce qui se passait dans tous les au-tres pays européens, nos recettes publiques n'avaientpas été affectées par la crise. Elles ne cessaient decroître, notamment grâce au développement rapidede la place financière. Bien que l'expansion des acti-

vités bancaires se poursuive, — en une année quatrenouveaux établissements ont été créés - , il seraitillusoire de miser aveuglément sur une croissanceindéfinie des recettes provenant de ce secteur.

L'incertitude de l'évolution économique et poli-tique a eu un impact sur la politique des établisse- .ments bancaires. En 1979 nous avons eu une moins-value de recettes de plus de 400 millions de francs re-lative à l'impôt sur le revenu des collectivités qui pro-vient essentiellement des résultats financiers des éta-blissements bancaires. La régression relative des bé-néfices du secteur financier ainsi que la politique deprovisions et de réserves pratiquée par un grandnombre d'établissements font apparaître des limites àcette manne qui a permis à nos finances publiques derester saines.

La place financière est suffisamment consolidée,mais les activités financières n'échappent pas à leurtour à l'insécurité et à l'instabilité qui caractérisent laconjoncture internationale. Voilà pourquoi le déve-loppement du secteur tertiaire qui a permis pendantles cinq années de crise de compenser largement lespertes aussi bien d'emplois que de recettes fiscalesdoit être poursuivi et diversifié. Mais à la structureéconomique trop monolithique du passé ne doit passe substituer une nouvelle.

En ce moment où les contraintes internationalesqui pèsent sur notre économie et nos finances publi-ques augmentent, la force d'inertie des grandes mas-ses budgétaires rétrécit notre marge de manœuvre.

Nous sommes confrontés depuis l'exercice budgé-taire 1979 à un revirement d'une tendance quinous a été exceptionnellement favorable pour les rai-sons que j'ai déjà rappelées. Avec un excédent provi-soire des dépenses de l'ordre de 1,1 milliard pourl'exercice budgétaire 1979, nous serons désormaisobligés de mieux contrôler le rythme d'accroissementdes dépenses publiques.

Il ne s'agit pas là de considérer l'équilibre budgé-taire comme un dogme absolu, surtout en période debasse conjoncture. Il serait erroné de juger la poli-tique budgétaire par le seul chiffre du solde budgé-taire. Il faut plutôt situer le déficit d'une part dansune stratégie à plus long terme et de l'autre par rap-port à la situation globale des finances publiques. Carsi la plupart des pays européens connaissent aujour-d'hui des déficits budgétaires, leurs situations respec-tives ne sont pas toujours comparables. Il importe dedistinguer les modes de financement du déficit bud-gétaire. Un financement par la planche à billets estexclu chez nous. Il est essentiel de rappeler que nosrecettes ordinaires couvrent encore plus que totale-ment nos dépenses ordinaires, ce qui n'est pas le casdans d'autres pays de la Communauté.

Ici je dois rappeler que les besoins d'investisse-ments publics au Luxembourg ne pourraient être sa-tisfaits entièrement, si nous ne pouvions pas consa-crer une partie des recettes ordinaires au finance-ment des dépenses extraordinaires. Cette doctrine,proclamée dans la déclaration gouvernementale de1969 a été appliquée et poursuivie depuis cette date.

Page 6: Bulletin de dcxximentation

C'est elle qui a permis de financer les programmesd'investissement considérables intervenus au coursde la dernière décennie. La dette publique a été mé-nagée et de ce fait ne pose pas de problème actuel.Tout le monde se plaît à le constater.

A partir de Tannée 1981 nous devrons emprunterdavantage sur le marché.

La croissance des dépenses par rapport à 1980 estbeaucoup plus rapide que l'augmentation des re-cettes. Les excédents des recettes ordinaires qui ser-vent à financer les dépenses d'investissements dimi-nuent, moins 1,4 milliard par rapport au budget1980.

Faut-il pour autant appliquer le slogan que j'ai en-tendu dans le passé et qui transparaît à travers l'un oul'autre avis: Endettez-vous !

Si nous disposons heureusement d'une marge d'en-dettement, nous courrions de grands risques si nousvoulions aveuglément nous orienter vers un état dechoses où le service d'une dette publique excessivecomprimerait successivement pour les anéantir fina-lement les marges budgétaires dont nous avons be-soin annuellement pour faire face à la charge de nou-velles institutions législatives ou autres.

Les engagements potentiels ou conditionnels del'Etat dépassent les chiffres de la dette publique.L'inventaire des garanties assumées par l'Etat pourcautionner des obligations d'institutions publiques etprivées doit être établi. Il s'élève à de nombreux mil-liards qu'une gestion responsable des deniers publicsne doit pas perdre de vue.

S'il est vrai qu'une partie des frais des infrastruc-tures peut être mise à charge des générations mon-tantes pour qu'elles en profitent, le degré et l'enver-gure de cette politique doivent être confrontés avecla masse des engagements multiples que nous laisse-rons aux générations futures et dont notre générationa profité.

Par ailleurs, nous nous sommes référés jusqu'à pré-sent à l'idée d'un budget cyclique étroitement lié àl'évolution cyclique de la conjoncture économique.

Cette conception est désormais mise en cause parles effets structurels de la crise qui ne permet paspour le moment d'anticiper sur une reprise de lacroissance forte.

Une faible croissance économique, comme nous laconnaissons depuis cinq ans, accentuera encore da-vantage que dans le passé deux orientations para-doxales des finances publiques. D'une part, la mon-tée constante des besoins administratifs réduira lamarge de manœuvre du Gouvernement pour pro-mouvoir une politique volontariste, d'autre part lapolitique budgétaire devra promouvoir le développe-ment à plus long terme de l'économie et créer lesbases de sa future expansion.

Une politique de rigueur s'impose, car si la situa-tion financière de l'Etat est fondamentalement saine,des signes de détérioration apparaissent. Certes no-tre capacité d'endettement reste intacte bien quel'évolution de la dette totale de l'Etat soit caractéri-sée depuis 1976 par une forte progression qui s'élève

à un accroissement moyen de 10,6% par an. Cetteforte progression qui est essentiellement due àl'émission de certificats au profit des régimes de pen-sion contributifs montre l'urgence d'une réforme glo-bale de notre système de sécurité sociale redéfinis-sant le financement de l'Etat et son intervention dansles régimes.

Dans ce contexte se pose la question de savoir dansquelle mesure les réserves budgétaires et les réservesdes fonds d'investissements publics contribueront àl'avenir au financement des budgets, extraordinaires.

A ce sujet il faut récuser les jugements trop opti-mistes qui se basent sur des calculs trop faciles. Lesdifférentes réserves budgétaires s'amenuiseront rapi-dement, comme le montrent les calculs effectués parvotre Commission des Finances dans son rapport à lapage 23, même si l'on n'a pas besoin de faire siennesles prévisions hypothétiques de calcul. La réalisationdu vaste programme d'investissements publics va àson tour diminuer massivement les avoirs des fondsd'investissement. A moins de redressement de la si-tuation économique, les perspectives paraissentsombres à partir de l'exercice 1983.

Dès lors il serait irresponsable d'utiliser dès main-tenant toute la réserve budgétaire. Le fonds de crisen'est même pas directement disponible. Le momentd'en mobiliser les fonds ne me paraît pas venu. Ilconstitue une réserve de dernier recours en cas de vé-ritable crise nationale. Nous devrons sans aucundoute recourir plus fréquemment et peut-être plusamplement au marché des capitaux pour financer larestructuration de notre potentiel de production,mais sans perdre de vue les limites de notre marchéfinancier national.

Le projet de budget 1981 tient déjà largementcompte de ce revirement de tendance qui marque dé-sormais les limites de nos finances publiques.

Certes l'enveloppe globale des dépenses connaîtune progression de 11,5% dépassant ainsi légère-ment la norme budgétaire résultant des principes depolitique budgétaire que le Gouvernement s'est don-nés.

Néanmoins ce dépassement de la norme budgé-taire ne contredit nullement la ferme volonté duGouvernement de mieux tenir compte des effets dela crise dans l'élaboration de la politique budgétairepour les années à venir. Certes tous les Etats indus-trialisés sont aujourd'hui confrontés plus ou moinsavec la difficulté de maîtriser et de contrôler la pro-gression quasi exponentielle des dépenses publiques.Nous nous heurtons à l'incompressibilité qui caracté-rise le train de vie des Etats modernes, une évolutionqui est accélérée et aggravée par la crise structurelledans laquelle se trouvent les économies industrielles.

Le projet de budget 1981 est déjà marqué par laprise de conscience de cette situation dangereusepour le dynamisme de nos économies.

Nous avons réussi à limiter la progression des dé-penses de consommation de l'Etat à moins de 10% etnous sommes décidés de faire des efforts supplémen-taires dans l'avenir.

Page 7: Bulletin de dcxximentation

Il faut être également conscient du fait que la capa-cité d'investissement de l'Etat n'est pas illimitée.Nous voulons continuer à améliorer et à développerles infrastructures, mais tandis que les besoins d'in-vestissement sont considérables, les crédits destinés ày répondre ont atteint un seuil qu'il sera de plus enplus difficile de dépasser voire de maintenir. Deschoix s'imposent, la définition de priorités est néces-saire. Un tel programme est en train d'être établi et ilvous sera présenté le plus rapidement possible.

Certes les investissements publics ont deux fonc-tions socio-économiques importantes. Il s'agit depoursuivre la modernisation de notre pays et d'amé-liorer le cadre de vie. Il faut également maintenir,précisément en ces temps de ralentissement de laconjoncture, un bon niveau d'activité en vue du pleinemploi.

Mais ceci implique à la fois davantage de rigueurquant à la réalisation-même des nouveaux investisse-ments publics ainsi qu'une meilleure connaissancedes charges permanentes qu'ils comporteront. Toutinvestissement impliquera désormais une analyseaussi bien socio-économique que financière, car lesinvestissements d'aujourd'hui grèveront les budgetsde demain.

Pour réaliser nos objectifs d'équipement et decroissance, il importe d'utiliser avec le maximumd'efficacité économique les chances que nous don-nent les possibilités de la place financière et plus spé-cialement les instituts spécialisés de notre système decrédit; y compris la S.N.C.I.

Le Gouvernement a qualifié le projet soumis à laChambre de préaustérité. Il a voulu de cette façon àla fois attirer l'attention du pays sur le défi qui lui estadressé par l'aggravation de différentes données éco-nomiques autant que financières et l'inviter à affron-ter la nouvelle situation avec lucidité et prise de con-science de ses impératifs.

Fondamentalement une nouvelle répartition desrichesses et des réserves se fait à travers le monde.Pendant plus de deux décennies nous avons cru enEurope aux miracles économiques, à la croissancecontinue et automatique, à la victoire proche sur lescontraintes matérielles. Aujourd'hui, face au dyna-misme de certaines jeunes nations, nous commen-çons à prendre conscience des gaspillages et à crain-dre notre déclin.

Nous devrons désormais consacrer une part crois-sante de notre richesse nationale aux investissementset rétablir notre compétitivité menacée par le dyna-misme de nations entreprenantes et modérées dansleurs prétentions consommatrices.

A l'abri d'exceptionnels développements du P.I.B.au cours de deux décennies, les Luxembourgeoisn'ont pas été touchés vraiment par les effets de cesmutations mondiales. Depuis quelque temps ils res-sentent quand-même de l'inquiétude au sujet del'avenir. Cette saine inquiétude doit conduire à l'étatd'esprit de préaustérité.

En ce sens le rapporteur du budget a raison de lequalifier de «budget de prise de conscience». Il re-

connaît que le Gouvernement a comprimé davantageles dépenses moins essentielles que par le passé. Ilestime par ailleurs que l'austérité est inévitable.

Elle le serait sûrement si effectivement la prise deconscience n'était pas accompagnée d'un change-ment d'attitude dans le sens de la modération des re-vendications et des appels multiples à l'interventionde l'Etat.

La nouvelle vague d'augmentation du prix du pé-trole engendre de nouvelles tendances inflationnistesqui menacent actuellement la position encore privilé-giée que nous occupons dans la comparaison interna-tionale des taux d'inflation. Au cours des prochainsmois nous devrons particulièrement veiller à ne' pasajouter à ces causes extérieures des impulsions à lahausse interne.

Ici encore l'inconscience pourrait nous amener ra-pidement à des mesures plus rigoureuses d'austérité.L'esprit de préaustérité recommande donc une ex-trême modération dans les revendications quant à lahausse des prix, des marges, des revenus salariés etautres.

Cela n'empêchera pas, mais doit favoriser plutôt,un partage plus social et équitable du revenu natio-nal.

Compte tenu de ces contraintes qui nous oblige-ront à «trouver le juste équilibre entre consommeraujourd'hui et investir dans l'avenir», selon la formu-le du secrétaire général de l'OCDE, le Gouverne-ment poursuivra une politique sociale active. L'amé-lioration du niveau de vie des plus défavorisés resteune des priorités et se concrétise dans les proposi-tions budgétaires. Nous devrons également encoura-ger toute mesure visant à améliorer les conditions detravail, notamment en ce qui concerne la sécurité.L'Etat restera le principal garant contre les risquessociaux tels que le chômage, la maladie, l'invalidité.Nous savons que le maintien des acquis suppose lajustice sociale et la solidarité de tous les groupes so-ciaux.

En dehors des mutations et dangers sur le planmondial, notre pays a à affronter de nombreusesremises en cause de ce qu'il avait acquis sur le plannational.

Je n'ai qu'à énumérer les négociations et discus-sions diverses que le Gouvernement doit mener defront pour vous faire saisir la complexité de la situa-tion.

Il y a la restructuration de la sidérurgie à réaliseravec le consensus des partenaires sociaux et en enga-geant l'Etat dans la mesure où cela est compatibleavec l'ensemble de ses autres engagements actuels etfuturs,— la sauvegarde des moyens d'expansion du secteur

audio-visuel avec la télévision par satellite,— la prorogation pour une nouvelle période de dix

ans de la Convention d'Union économique avecla Belgique, à propos de laquelle un réexamenparticulier s'impose de certaines modalités duProtocole monétaire afin de tenir compte d'unepart de l'évolution du Système monétaire euro-

Page 8: Bulletin de dcxximentation

péen, d'autre part d'une nouvelle définition descritères d'émission de billets et de signes moné-taires luxembourgeois,

— les problèmes des communications internatio-nales ferroviaires (Ligne du Nord) et aériennes(Icelandair),

— les discussions au sujet des sièges européens,— la sauvegarde de nos intérêts à propos d'une cen-

trale nucléaire en construction à proximité de no-tre frontière,

— la constante préocupation de la consolidation etdu développement de la place financière,

— la politique européenne avec ses incidences sur lapolitique agricole et financière et j'en passe.

Le problème démographique reste inquiétant.Des problèmes de chômage intellectuel peuvent se

poser prochainement.

Des réformes difficiles comme la réforme de l'as-surance vieillesse seront attaquées par le présentGouvernement.

Pour toute cette politique le Gouvernement doitcompter sur la compréhension et la collaboration dela Chambre des Députés.

Si j'interprète correctement les conclusions du rap-port de votre Commission des Finances et du Budget,la prise de conscience des problèmes nationaux et lavolonté de s'y attaquer existe effectivement. En cesens le rapport remarquable et l'analyse pénétrantede votre rapporteur l'honorable Monsieur Pescatorepeuvent ouvrir des perspectives encourageantes d'undialogue fructueux et constructif pour le bien de tou-tes les couches de la population.

Je suis sûr que notre peuple comprendra l'enjeu, sinous l'en informons correctement et objectivement.

Les problèmes essentielsdes finances publiques luxembourgeoises

Exposé budgétaire de Monsieur Jacques Santer, Ministre des Finances,fait à la Chambre des Députés, le 11 novembre 1980

Introduction

Avant de me lancer dans cette course de fond queconstituent les discussions budgétaires annuelles, jene voudrais pas manquer d'exprimer mes compli-ments sincères aux membres de la Commission desFinances et du Budget et, plus particulièrement, aurapporteur, l'honorable Monsieur Pescatore, pour laqualité de leurs travaux.

En situant le projet de budget pour 1981 dans soncontexte économique et social marqué plus quejamais par les problèmes de la restructuration écono-mique de notre pays, ils ont cerné d'une manière par-ticulièrement pertinente les problèmes essentielsauxquels est confrontée notre communauté natio-nale.

Mes remerciements s'adressent également au Con-seil d'Etat, aux chambres professionnelles ainsi qu'aupersonnel du Ministère et de l'Inspection Généraledes Finances, dont les efforts ont permis d'aborderles discussions budgétaires dans les meilleures condi-tions.

A titre liminaire, je voudrais également situer leprésent exposé dans l'ensemble des interventions quemoi-même et Monsieur le Secrétaire d'Etat aux Fi-nances avons à effectuer dans le cadre de la procé-dure budgétaire.

Après avoir présenté le projet de budget pour1981 dans ses grandes lignes au cours du mois de sep-tembre, je mettrai à profit l'occasion qui m'est offerteaujourd'hui pour expliciter plus en détail les problè-mes essentiels de nos finances publiques. Ce faisantj'essaierai de tenir compte dans la mesure du possibledes critiques et des suggestions du Conseil d'Etat et

des chambres professionnelles et de répondre ainsi àleur désir de concertation et de dialogue. Quant aurapport de la Commission des Finances et du Budget,nous aurons l'occasion de vous faire part des obser-vations qu'il appelle à la fin des discussions concer-nant le département des finances.

Dans un souci de parfaire votre information, j'ail'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre lestableaux récapitulatifs concernant les classificationséconomique et fonctionnelle du projet de budgetpour 1981. Ce dernier, faut-il le rappeler, présenteun total de recettes de quelques 49,7 milliards defrancs, soit une augmentation de 9,9% par rapportau budget définitif de 1980. Etant donné que le bud-get total des dépenses renseigne un montant de quel-que 51,1 milliards, soit un taux de progression de11,5%, l'exercice 1981 se clôturera avec un déficit del'ordre de 1,4 milliard de francs.

La toile de fond sur laquelle ce projet s'inscrit restecaractérisée par la récession économique et la néces-sité de la restructuration en profondeur de notre éco-nomie qui s'ensuit. Si l'équilibre budgétaire a été jus-qu'à présent assuré sans que des sacrifices aient étédemandés à la populationj'ampleur de l'effort com-mun requis exigera sans doute à l'avenir un climat decompréhension mutuelle et une prise de consciencede la gravité de la situation par la communauté natio-nale tout entière. C'est cette appréciation des réalitésqui m'avait amené à conclure, lors de la présentationdu projet de budget devant cette haute assemblée,qu' en ces temps difficiles nous devrions nous retrou-ver aussi nombreux que possible autour des objectifs

Page 9: Bulletin de dcxximentation

essentiels de notre vie économique et sociale quesont le plein emploi, la restructuration de notre appa-reil de production et la protection des couches lesplus défavorisées de notre population.

La définition et l'appréciation de toute politiquebudgétaire requièrent bien évidemment la prise encompte de l'environnement économique et socialtant sur le plan national qu'international. Cette ré-flexion a amené Monsieur le Président du Gouverne-ment à esquisser les tendances fondamentales del'économie mondiale et européenne et à évoquer lesproblèmes qui en résultent pour notre pays. Il a parailleurs tenu à dégager les grandes lignes des mesuresà prendre par l'Etat pour y faire face pendant l'annéeà venir et à décrire les contraintes budgétaires qui enrésultent. Afin de compléter utilement l'exposé deMonsieur le Président du Gouvernement, et aprèsavoir approfondi l'ensemble des problèmes décou-lant des contraintes budgétaires, je décrirai plus enavant les accents de la politique gouvernementale etleurs incidences sur le projet de budget en discussion.

I. Evolution récente, situation actuelle et perspec-tives des finances de l'Etat

Les avis du Conseil d'Etat et des chambres profes-sionnelles concluent à une quasi-unanimité à un étatdes finances publiques relativement satisfaisant et cemalgré la détérioration de la situation économique etles déficits enregistrés en 1979 et présumés en 1980et 1981.

Seule la Chambre de Commerce estime que, quoi-que notre situation financière soit actuellement en-core beaucoup plus confortable que celle dénotéedans d'autres pays industrialisés, l'analyse globaleprouve que la dégradation s'accélère et que la situa-tion atteinte ne donne plus aucun répit. Toutes lestergiversations qui obnubileraient les cruelles réalitéss'avéreraient fatidiques.

Cette appréciation alarmiste attire à bon escientnotre attention sur le développement préoccupantdes finances publiques consécutif à un revirement detendance en matière d'exécution des budgets.

Je rappellerai à cet égard qu'avec un excédent dedépenses du compte provisoire de l'ordre de 1,1 mil-liard de francs, l'exercice budgétaire 1979 non seule-ment s'est soldé par un déficit dépassant les prévi-sions du budget définitif de quelque 370 millions,mais qu'encore il se différencie de façon fondamen-tale des exercices antérieurs. Ces derniers étaient eneffet caractérisés par un compte général clôturé dansdes conditions plus favorables que ne le laissaientsupposer les prévisions du budget définitif - écartspositifs de 1,5 milliard pour 1978 et de 1,1 milliardpour 1977 — ainsi que par des excédents effectifs desrecettes de l'ordre respectivement de 1 milliard et de400 millions de francs.

Lors de l'analyse de ces chiffres, il convient de serappeler qu'en 1979 le Gouvernement a jugé indiquéde surseoir à l'émission d'un emprunt obligataire de500 millions prévu au budget définitif. Cette déci-sion, motivée par les taux d'intérêts prohibitifs pré-

valant sur le marché des capitaux, a trouvé l'accordunanime des organes consultés.

Parmi les facteurs qui ont contribué à ce revire-ment de tendance, il faut relever la plus-value nettedes recettes ordinaires de quelque 400 millions defrancs, somme toute assez modeste comparée auxrésultats des exercices antérieurs.

La comparaison des recettes ordinaires effectivesdes derniers exercices fait apparaître en effet un tauxd'augmentation de 15,4% pour 1977, de 12,5% pour1978 et de 2% seulement pour 1979. Cette évolutionest la résultante d'un ensemble de facteurs hétérogè-nes d'ordre économique et technique, parmi lesquelsje ne citerai que le plus préoccupant, à savoir la dimi-nution des recettes relatives à l'impôt sur le revenudes collectivités qui sont passées de 8.374 millionspour 1978 à 7.093 millions pour 1979, ce qui corres-pond à une diminution de quelque 15,3%. Cette évo-lution qui n'est due ni à une réduction du nombre desbanques opérant sur la place ni à une diminution duvolume des affaires traitées résulte essentiellementdu rétrécissement des marges des banques et des éta-blissements de crédit suite à un environnement poli-tique et économique moins favorable sur le planinternational. Certains problèmes techniques et ad-ministratifs liés notamment à l'introduction de l'in-formatique dans l'administration compétente ont puégalement influencer négativement cette évolution,sans que l'on puisse en tirer des conclusions quiseraient hâtives.

Les résultats disponibles en ce qui concerne lesrentrées fiscales de l'exercice en cours semblent con-firmer les évolutions divergentes par catégories d'im-pôts relevées déjà en 1979 et notamment le tasse-ment, voire la régression, de l'impôt sur le revenu descollectivités.

En partant des résultats effectifs du compte provi-soire pour 1979 et en me basant sur les critères d'ap-préciation usuels en la matière, je m'efforcerai depréciser par la suite la situation actuelle et les pers-pectives à court terme des finances publiques pourdégager les capacités de financement de l'Etat.

En ce qui concerne tout d'abord la réserve budgé-taire, dont le montant élevé est dû d'une manièreassez paradoxale aux rentrées fiscales importantesdes premières années de crise, elle est passée de 7,3milliards fin 1978 à 6,2 milliards fin 1979. Par ail-leurs, je me dois de rappeler qu'une grande partie decette réserve n'est pas disponible, vu notamment lessommes bloquées par les crédits d'équipements ac-cordés avant la création de la Société Nationale deCrédit et d'Investissement, par le stockage public deproduits agricoles pour le compte des CommunautésEuropéennes ainsi que par l'indispensable fonds deroulement de la trésorerie.

A en juger d'après les données budgétaires actuel-lement disponibles, l'exercice en cours sera égale-ment clôturé avec un excédent de dépenses. Bienqu'il soit encore trop tôt pour avancer un chiffre pré-cis, il y a cependant tout lieu de s'attendre — malgrél'emprunt de 500 millions de francs émis au cours dumois d'octobre — à un excédent de dépenses sensi-

8

Page 10: Bulletin de dcxximentation

blement plus important que celui accusé par le bud-get définitif de 1980. Au-delà de l'emprunt de 1,75milliard de francs prévu dans le projet de budgetpour 1981, celui-ci présente par ailleurs un excédentde dépenses de quelque 1,4 milliard de francs, àcouvrir lui aussi moyennant un recours à la réservebudgétaire. En définitive, la diminution rapide de laréserve budgétaire disponible qui résultera de cesprélèvements substantiels et répétés ne permettrasans doute pas d'y recourir pour financer, en tout ouen partie, l'octroi éventuel d'aides supplémentaires àla sidérurgie.

Tout en notant avec satisfaction que les prélève-ments sur la réserve budgétaire pour le financementde la restructuration économique de notre pays ontété qualifiés par tous les organes consultés commerelevant d'une parfaite orthodoxie budgétaire, je medois de souligner que les chiffres cités illustrent d'unemanière particulièrement éloquente l'effritementprogressif de la réserve budgétaire.

A première vue, cette évolution inquiétante se re-trouve dans les chiffres relatifs aux réserves des fondsd'investissements publics. Suivant les prévisions bud-gétaires, le niveau de ces réserves tombera de 5,6milliards fin 1979 à 3,4 milliards fin 1980 et à 1,2milliard fin 1981. Toutefois, les expériences du passéont démontré que certains programmes annuels am-bitieux n'ont pas pu être réalisés dans leur intégralitésuite à des problèmes de capacité technique et ad-ministrative.

On peut donc douter à bon escient de la possibilitéde réalisation des programmes d'investissementspublics dans des termes si rapprochés de sorte que lefinancement des opérations des fonds sera encore ga-ranti en 1982.

Quant aux avoirs des fonds spéciaux, et contraire-ment aux allégations de la Chambre des Fonction-naires et Employés Publics, je tiens à souligner unefois de plus que seules les disponibilités des fondsd'investissements publics peuvent être assimilées à laréserve budgétaire. En effet, les avoirs des autresfonds spéciaux, tels que le fonds de crise, le fonds dechômage, le fonds pour le logement social et le fondspour la réforme communale, sont soit bloqués, soitgrevés d'engagements existants; par définition lesfonds spéciaux constituent d'ailleurs des fonds affec-tés à des dépenses publiques d'une nature détermi-née et ne peuvent donc plus être mobilisés à d'autresfins. Il en est de même des importantes dotationsmises à la disposition de la Société Nationale de Cré-dit et d'Investissement et de l'Office du Ducroire.

Au chapitre des tendances structurelles de la dettepublique il convient de souligner que depuis 1976l'évolution de la dette totale de l'Etat est caractériséepar une forte progression. Au cours de l'exercice1981 la dette publique totale - à l'exception de ladette flottante — augmentera probablement de 24,2à 27,7 milliards de francs, soit de quelque 14,5%.

Si à l'origine de cette évolution défavorable on re-trouve la très forte accélération de la dette à termenon défini, on dénote du côté de la dette à moyen et àlong terme — qui constitue la contrepartie du finan-

cement des dépenses extraordinaires non couvertespar des excédents du budget ordinaire ainsi que pardes prélèvements sur les réserves — une évolutionsensiblement plus modérée. Suite à une diminutionde son montant pendant deux exercices successifs,son niveau passera de quelque 9,2 milliards de francsfin 1978 à quelque 8,3 milliards fin 1980. Comptetenu notamment de l'emprunt de 1,75 milliard prévuau projet de budget pour 1981, la dette à moyen et àlong terme s'élèvera à la fin de l'exercice à 9,3 mil-liards de francs.

Le développement favorable de cette composantede la dette publique a bien évidemment contribué àlaisser intacte la capacité d'endettement de l'Etat. Enreprenant l'exercice de calcul effectué par la Cham-bre des Fonctionnaires et Employés Publics, on peutestimer que la dette publique totale — à l'exceptionde la dette flottante — ne représentera en 1980 que53% de recettes de l'année, soit les recettes de 6,4mois, les chiffres respectifs pour 1981 étant de 56%et de 6,7 mois.

Même s'il existe donc une marge de manoeuvrecertaine en ce qui concerne la capacité d'endette-ment de l'Etat, il faut tenir compte, lors de la fixationdu niveau des emprunts à lancer sur le marché descapitaux, tant de la relative étroitesse de celui-ci quede la charge financière à moyen terme qui doit restercompatible avec l'équilibre budgétaire. Ceci d'autantplus que des recours au marché des capitaux plus fré-quents et plus importants s'imposeront sans doute aucours des années à venir.

Le bien-fondé d'une approche prudente et réalisteest confirmé par ailleurs par cet autre critère d'ap-préciation qu'est le taux de couverture des dépensesextraordinaires par l'excédent du budget ordinaire.En effet, si suivant les prévisions du projet de budgetpour 1980, l'excédent de recettes du budget ordi-naire couvre encore — tout comme en 1979 - plusde 80% des dépenses extraordinaires, ce mode decouverture n'est cependant plus assuré au projet debudget pour 1981 que dans une proportion de 55%.

II. Dépenses publiques et rôle de l'Etat

La part du revenu national qui transite par les cais-ses de l'Etat indique dans quelle mesure les pouvoirspublics croient devoir intervenir dans la vie écono-mique et sociale d'une nation. Ainsi, la part des dé-penses de l'Etat dans le produit national brut, aprèsavoir oscillé durant la période de 1960 à 1974 autourde 25% environ, s'est accrue rapidement à partir de1975 pour atteindre en 1979 quelque 32%. Depuislors, le rapport entre les dépenses de l'Etat et leP.N.B. a pu être stabilisé de nouveau.

On peut constater que dans les économies occiden-tales, et cela même en l'absence de crises ou de réces-sions économiques, les dépenses publiques tendent àaugmenter nettement plus vite que le revenu natio-nal. Ce phénomène est dû en grande partie, commel'a souligné le rapporteur du budget de l'année pas-sée, l'honorable M. Rau, à des raisons économiqueset sociales telles que l'amélioration générale du

Page 11: Bulletin de dcxximentation

niveau de vie et les fortes pressions tendant à obtenirune redistribution des revenus, les limites relative-ment étroites posées à l'amélioration de la producti-vité dans les administrations publiques ainsi que l'in-fluence croissante des groupes de pression et d'inté-rêt.

Mais, pour la raison même qui lie pression budgé-taire et fonctions assumées par l'Etat, l'augmentationde la première au-delà d'un certain niveau mettraiten cause la nature de notre régime économique, quidemeure, pour l'essentiel, dans ses ressorts et ses mé-canismes, celui de la libre entreprise. Si les bienfaits(ou les méfaits) des dépenses budgétaires s'appré-cient aussi et peut-être en définitive en dehors desnormes économiques, elles ont toujours un poids qui,lui, grève l'économie.

Ce sont probablement ces mêmes réflexions quiont amené les différents organes consultés à préconi-ser un freinage de l'évolution des dépenses publiquesque je viens de décrire.

Au moment où il s'agit de choisir les catégories dedépenses à comprimer pour infléchir cette évolution,il faut faire la distinction entre les deux fonctions pri-maires de tout budget national, à savoir la couverturedes dépenses courantes et la réalisation d'un pro-gramme gouvernemental.

Suivant la classification économique, les dépensesde consommation représentent environ un tiers dutotal des dépenses de l'Etat et sont constituées pourplus de 80% par des dépenses de personnel. Lagrande majorité de ces dépenses étant tributaires del'évolution de l'indice des prix, voire de celle del'échelle mobile des salaires, les possibilités réelles decompression s'en trouvent très fortement réduites. Silors de discussions récentes, certains sont allés jus-qu'à demander une restructuration et une rationali-sation fondamentales des dépenses de consomma-tion, il faut cependant savoir que la détermination del'accroissement des crédits en cause ne se fait pasd'une façon globale, mais que les propositions bud-gétaires sont examinées cas par cas quant à leur op-portunité. Toute compression excessive risqueraitpar ailleurs de nuire au bon fonctionnement des ser-vices publics.

La véritable marge de manœuvre politique résidesans aucun doute dans les dépenses relatives à la réa-lisation du programme gouvernemental et, plus pré-cisément, dans les transferts de revenus et de capi-taux ainsi que dans les investissements publics. Enpériode de crise et de restructuration économique, ilconvient toutefois de bien se rendre compte que cesont précisément les catégories de dépenses que jeviens d'énoncer dont peuvent se servir les pouvoirspublics pour obtenir un effet d'entraînement etd'orientation sur les autres secteurs économiques.

L'inventaire des opérations prévues au budget ex-traordinaire des exercices à venir a toutefois révéléque le volume global des investissements publics pro-jetés risque de dépasser les possibilités techniques etfinancières de l'Etat et de produire en plus des effetsinflationnistes. C'est pourquoi mon département vaterminer sous peu les travaux relatifs à l'établisse-

ment d'un programme pluriannuel des investisse-ments publics qui fixera des priorités suivant des cri-tères d'utilité-coût englobant les frais de fonctionne-ment ultérieurs entraînés par ces investissements.

Une compression valable des dépenses publiquesne peut résulter que de l'application de critères biendéfinis, énoncés et mis à jour en tenant compte d'unenvironnement économique et social changeant. Onretrouve une tonalité comparable dans les différentsavis des organes consultatifs.

En se référant aux avis successifs du Conseil éco-nomique et social, la Chambre de Commerce notam-ment insiste sur une approche pragmatique en ma-tière de politique financière et sur le fait qu'au lieud'attacher une valeur exclusive à la corrélation entrel'évolution du P.I.B. et celle du volume budgétaire, ilimporte davantage de savoir quel est le degré d'uti-lité des diverses affectations données aux moyensbudgétaires dès lors que les contraintes structurellesspécifiques de notre budget ne laissent en toutehypothèse qu'une marge de manœuvre réduite auxpouvoirs publics et que la charge fiscale est devenuedes plus préoccupantes.

Ces considérations nous amènent en toute logiqueau problème de la norme budgétaire. Les attaquesportées à rencontre de cet élément de la politiquebudgétaire peuvent être regroupées en des critiques àl'encontre des éléments composant la norme et endes critiques à l'encontre du dépassement de cettedernière.

La composante la plus controversée de la normeest constituée sans nul doute par les possibilités decroissance à moyen terme de notre économie natio-nale. En dépit d'une révision vers le bas, par rapportaux prévisions de base du budget pour 1980, de lacroissance escomptée à moyen terme du produit inté-rieur brut en volume de 3 à 2,5%, la plupart des avisparlent de surestimation en la matière. Tout en ren-voyant à la partie économique de l'exposé de M. lePrésident du Gouvernement, je rappellerai simple-ment que la moyenne annuelle de croissance duP.I.B. au cours de la période 76—80 a été de 2,6%.On verserait dans un pessimisme sans doute excessifen admettant que les possibilités de croissance pourla période 81—85 puissent s'écarter sensiblement dela tendance récente. Dans ces conditions, il faut évi-demment attendre l'évolution ultérieure de la criseéconomique pour voir si les possibilités de croissanceéconomique pendant la période 81-85 s'écartentréellement et de manière significative des tendancesenregistrées au cours des dernières années.

L'évolution comparée du P.N.B. à moyen terme etcelle des dépenses publiques est certes un critère né-cessaire et suffisant pour définir la politique budgé-taire globale dans notre pays. Toute appréciation ba-sée uniquement sur une vue globale des chiffres bud-gétaires négligerait toutefois l'incidence du budgetsur l'avenir économique et social de notre pays. Voilàpourquoi, dans toute analyse budgétaire, il importeaussi de savoir comment les dépenses de l'Etat sontfinancées, comment elles sont utilisées et quelle estleur utilité économique et sociale.

10

Page 12: Bulletin de dcxximentation

Il y a donc lieu de ne pas tomber dans un féti-chisme de la norme budgétaire, mais plutôt d'accor-der à cette norme une valeur d'orientation à moyenterme. La politique budgétaire d'un Gouvernement,et j'insiste là-dessus, ne peut être jugée qu'à moyenterme, c.-à.-d. au terme d'une législature. En adop-tant cette approche, on constate que la politique bud-gétaire tendancielle poursuivie au cours des exercices70 à 74 a eu pour résultat une augmentation réelledes dépenses de 0,9% inférieure en moyenne à l'évo-lution économique réelle. Par contre, la politiquebudgétaire plurianuelle mise en œuvre dans les an-nées 75 à 79 a errtraîné une augmentation réelle desdépenses dépassant de 2,3% en moyenne l'évolutionéconomique.

En adoptant une politique budgétaire structurelle,le Gouvernement entend rompre avec les expé-riences du passé récent en revenant à une politiquede parallélisme à moyen terme entre la croissancedes dépenses publiques et celle du produit nationalbrut, compte tenu, le cas échéant, du facteur del'élasticité des recettes ordinaires par rapport à lacroissance du produit national brut.

Ces réflexions de fond quant à la valeur normativede ces paramètres budgétaires doivent nous amener àrelativiser le problème du dépassement de la normed'augmentation des dépenses publiques définie pour1980. Ceci d'autant plus si on tient compte des rai-sons qui sont à l'origine du dépassement de la normede l'ordre de 1,2%.

En premier lieu, le Gouvernement a en effet dû in-corporer au projet de budget un grand nombre de dé-penses incompressibles résultant de législations ré-centes et dont les répercussions financières n'avaientpas encore été traduites, soit entièrement, soit par-tiellement, en crédits budgétaires. Ces dépensescouvrent des domaines très divers dont je me per-mets de citer quelques exemples:— dans le domaine économique, la loi du 8 juin

1979 ayant pour but de favoriser la restructura-tion et la modernisation de la sidérurgie;

— dans le domaine de l'éducation nationale, la loidu 21 mai 1979 portant organisation de la forma-tion professionelle de l'enseignement secondairetechnique et de la formation professionnelle con-tinue;

— dans le domaine de la famille, du logement socialet de la solidarité sociale, notamment la loi du 27février 1980 portant relèvement des allocationsfamiliales ainsi que la loi du même jour portantmajoration de l'allocation compensatoire enfaveur de certaines catégories de bénéficiaires derentes et de pensions;

— dans le domaine de la sécurité sociale, la loi du 31juillet 1980 déterminant les conditions et modali-tés à l'effet de majorer les pensions de certainsbénéficiaires de pension ae remplissant pas lesconditions prévues pour l'obtention de pensionsminima.

En deuxième lieu, d'autres dépenses inévitables sesont imposées suite à la dégradation de la conjonc-ture économique internationale. Ainsi, par exemple,

les crédits prévus en faveur de la Société Nationaledes Chemins de Fer luxembourgeois comprennentune aide supplémentaire substantielle destinée àcompenser le déchet de recettes dû à la régression dutrafic marchandises découlant de l'aggravation de lacrise de la sidérurgie.

La motivation du dépassement de la norme a d'ail-leurs été approuvée par la plupart des organes con-sultés et notamment par la Chambre de Travail, quiestime, je cite, qu'un dépassement exceptionnel de lanorme budgétaire peut être admis dans la mesure oùle surcroît de dépenses sert à consolider et à dévelop-per l'économie nationale ainsi que les acquis sociaux.

Le développement des dépenses prévu doit encoreêtre nuancé si l'on tient compte des compressionsmassives des propositions budgétaires initiales desdépartements ministériels pour un montant de prèsde 5,2 milliards de francs. Ce sont ces réductionsopérées par le Gouvernement qui m'ont amené à af-firmer que le projet de budget porte déjà, dans unecertaine mesure, la marque d'un budget de préausté-rité. Finalement, et conformément aux distinctionsfaites précédemment, il y lieu de relever que les dé-penses de consommation qui s'identifient au train devie normal des administrations, ne connaissentqu'une progression de 9,6% en se basant sur le ta-bleau économique que je viens de communiquer àvotre haute assemblée. Les catégories de dépensesmarquées par des progressions dépassant la normebudgétaire sont constituées en revanche par lestransferts de capitaux et de revenus à d'autres sec-teurs avec des taux d'augmentation respectifs de15,3% et de 13,2%.

Ainsi donc l'évolution globale des dépenses cacheà la fois une modération des dépenses de consomma-tion, dont la progression reste inférieure à la norme,et un développement considérable des transferts ré-sultant d'une politique économique et sociale à com-posante essentiellement structurelle.

Le projet de budget pour 1981 répond donc plei-nement aux recommandations des organismes inter-nationaux qui préconisent une relance de la crois-sance économique non pas axée sur une stimulationde la demande, mais provoquée par une restructura-tion en profondeur de l'offre.

III. Le projet de budget, instrument de la politiqueéconomique

Lors de la présentation du projet de budget devantvotre Chambre le 10 septembre dernier, j'ai déjà eul'occasion de relever les accents fondamentaux de lapolitique gouvernementale figurant au projet de bud-get pour 1981. Je me limiterai par la suite à examinercertaines actions politiques concrètes et à en appro-fondir les éléments essentiels tout en tenant comptedes observations formulées dans les différents avis.

Il serait superfétatoire de souligner une fois de plusqu'en ces temps de crise et de restructuration écono-miques, l'action gouvernementale dans le domaineéconomique revêt une importance primordiale.Aussi une simple addition des coûts présumés de

11

Page 13: Bulletin de dcxximentation

l'ensemble des mesures prioritaires engagés dans lecadre du projet de budget pour 1981 fait-elle ressor-tir un total de plus-values de dépenses et de moins-values de recettes de l'ordre de 720 millions de francspour la politique économique.

L'esprit général de ces efforts ainsi que les mesuresprises sont unanimement approuvés par les différentsorganes consultés qui relèvent notamment que leGouvernement est parfaitement conscient desexigences réelles qui imposent des modifications destructure conséquentes et importantes. Je ne vou-drais toutefois pas passer sous silence le fait que cer-tains d'entre eux ont cru devoir qualifier plusieurs deces mesures comme étant trop timides et exiger desefforts supplémentaires de la communauté nationale.

Je rappellerai également que les efforts de restruc-turation portant sur l'offre économique, dont l'ur-gence est renforcée du fait de la conjoncture interna-tionale, se situent sur trois plans distincts, mais com-plémentaires, à savoir la stimulation des investisse-ments privés, l'amélioration de la compétitivité denos entreprises et le développement des infrastruc-tures publiques.

En ce qui concerne le renforcement du potentielproductif des entreprises, le Conseil d'Etat constateavec satisfaction qu'indépendamment des créditsdestinés à améliorer l'infrastructure favorisant l'éco-nomie luxembourgeoise, le montant total des créditsaffectés à la consolidation et à la diversification desentreprises luxembourgeoises passe en 1981, parrapport à 1980, de 848 à 1.026 millions de francs.

En application de cet instrument classique de notrepolitique économique que sont les lois-cadre ayantpour but d'instaurer et de coordonner des mesures envue d'améliorer la structure générale ainsi que l'équi-libre régional et de stimuler l'expansion de l'écono-mie nationale, et suite à la mise en vigueur de la loidu 8 juin 1979 ayant pour but de favoriser la restruc-turation et la modernisation de la sidérurgie, les cré-dits du budget extraordinaire relatifs aux bonifica-tions d'intérêt et aux subventions en capital, sontpassés de 520 millions, prévus au budget de 1980, à875 millions au projet de budget de 1981, soit uneaugmentation de plus de deux tiers d'une année surl'autre.

Vous constaterez également que la plupart de cesmoyens d'intervention à mettre en œuvre pour favo-riser l'implantation d'industries nouvelles sont cou-verts par des crédits budgétaires non limitatifs. Cecime permet d'affirmer qu'aucun projet d'investisse-ment utile à notre emploi ne trébuchera par suited'une insuffisance éventuelle de moyens budgétaires!

En outre les chiffres que je viens de citer ne tien-nent pas encore compte des aides supplémentaires auprofit de l'industrie sidérurgique luxembourgeoise.

Ces aides ne pourront être fixées quant à leur am-pleur et leurs modalités qu'après qu'un consensusaura pu être trouvé entre les partenaires sociaux et leGouvernement sur un plan d'investissement viable àmoyen et à long terme.

En prévoyant un crédit nouveau de 15 millions àtitre de subsides dans l'intérêt de la recherche appli-

quée et de l'innovation en faveur d'entreprises deproduction et de prestation de services au niveau in-dustriel, le Gouvernement concrétise l'intérêt qu'ilattache à un effort constant de réflexion et d'imagi-nation créative de la part des entreprises privées.Cette introduction d'un régime transitoire en la ma-tière complète et amplifie les efforts déjà entreprisdans le cadre de la recherche scientifique. Elle de-vrait permettre aux entreprises luxembourgeoises derépondre d'une manière rapide et efficace aux défislancés par une concurrence étrangère exacerbée parla nouvelle division internationale du travail ainsique par la rareté et la cherté croissante des matièrespremières.

L'encouragement des investissements privés et lerenforcement de la compétitivité des entreprises sontégalement recherchés du côté du budget des recettespar le biais de la politique fiscale. Si une premièreétape vers l'abolition progressive de l'impôt sur le to-tal des salaires et l'allégement de l'impôt commercialsur le capital d'exploitation vient d'être réalisée aumoyen de la loi du 26 juillet 1980, les risques de dé-gradation de la situation des finances de l'Etat ontamené le Gouvernement à reporter la seconde étapede la prédite réforme et à la remplacer par deux au-tres mesures à savoir:— en ce qui concerne l'impôt sur le total des salai-

res, le relèvement du seuil d'imposition de800.000 à 1,6 million et de la limite d'applicationde l'abattement dégressif de 2,4 à 4,8 millions defrancs;

— en matière d'impôt commercial, la majoration del'abattement d'après le bénéfice d'exploitation de400.000 à 600.000 pour les personnes physiqueset de 200.000 à 400.000 francs pour les contri-buables passibles de l'impôt sur le revenu des col-lectivités.

En vue de la sauvegarde du plein emploi dans labranche de l'aviation et du développement et la villede Luxembourg en tant que centre financier et euro-péen, le Gouvernement s'est proposé de verser àl'exploitant actuel de la ligne de transport aérien surl'Atlantique nord des subventions pour un montantmaximum de 90 millions de francs en attendantqu'une solution définitive ait pu être apportée à ceproblème.

On peut signaler que par ailleurs des crédits pourun total de 120 millions sont prévus dans l'intérêt duprolongement de la piste principale et de la créationde nouvelles zones techniques et industrielles dansl'enceinte de l'aéroport.

Ces efforts en vue de la modernisation et de la re-structuration de l'appareil productif des différentssecteurs économiques sont complétés et renforcéspar l'activité de la Société Nationale de Crédit etd'Investissement. En effet, le montant des opérationsdécidées par cette dernière au cours du premier se-mestre est en augmentation de 16% par rapport aumontant total des opérations décidées au cours de lamême période de l'année précédente et passe à quel-que 1.278 millions de francs. Le Gouvernement estdécidé à doter la Société Nationale de Crédit et d'In-

12

Page 14: Bulletin de dcxximentation

vestissement, sous la forme qui lui semble la mieuxappropriée, des moyens nécessaires à l'accomplisse-ment de ses objectifs de financement. C'est ainsi quela Société Nationale a été autorisée à émettre un em-prunt public de 250 millions de francs, garanti parl'Etat, au cours du mois d'octobre. Par ailleurs, lesfonds propres de la SNCI seront renforcés en 1981par une dotation de 160 millions correspondant auremboursement des dépôts effectués par le Trésorauprès des établissements bancaires dans le cadre del'ancien régime des crédits d'équipements.

En abordant le chapitre relatif à l'amélioration dela position concurrentielle de nos entreprises sur lesmarchés extérieurs, il convient de relever la dotationspéciale de 75 millions accordée à la SNCI pour l'oc-troi de prêts d'Etat à Etat. En effet, dans l'intérêt dela promotion du commerce extérieur, notammentdans le cadre de la coopération au développement, leGouvernement se propose de créer un instrumentsupplémentaire de soutien des exportations etd'avoir recours, tout comme dans les autres pays in-dustrialisés, à la technique des prêts d'Etat à Etat. Acet effet, il soumettra aux instances législatives unprojet de loi ayant pour objet d'autoriser l'octroi detels prêts et d'en confier la gestion à la Société Natio-nale de Crédit et d'Investissement.

L'importance que le Gouvernement accorde aurôle que jouent les exportations dans une économieaussi ouverte que la nôtre l'a amené à porter les cré-dits destinés à l'octroi de bonifications d'intérêt surdes crédits à l'exportation au profit d'entreprises lu-xembourgeoises exportatrices de biens d'équipementde 25 millions en 1980 à 35 millions en 1981. Enfin,le crédit inscrit au budget du Ministère des AffairesEtrangères et du Commerce Extérieur en faveur desmesures et interventions favorisant l'expansion com-merciale à l'étranger connaît une augmentation dequelque 25%.

Dans l'intérêt de la création de nouvelles facilitésd'exportation pour l'industrie, le projet de budgetaligne en outre un crédit de 50 millions comme deu-xième tranche d'une nouvelle majoration, de 400 à800 millions, de la dotation de l'Office du ducroire, àautoriser par une loi spéciale. Compte tenu des au-tres moyens dont peut disposer l'Office, la dotationainsi accrue permettra de couvrir, à partir de l'année1981, les risques concernant des exportations d'unevaleur totale de plus de 5 milliards.

Cet important effort d'aide à l'investissement desentreprises privées est complété par un volume élevéd'investissements directs de l'Etat qui témoigne de laferme volonté du Gouvernement de créer et de par-faire les infrastructures publiques indispensables à larestructuration et à l'expansion du potentiel de pro-duction de notre économie. En me basant une fois deplus sur les chiffres du tableau économique, je rap-pelle que les dépenses d'investissement prévisibles del'Etat se maintiendront en 1981 au niveau élevé pro-jeté de 7,1 milliards pour 1980 et supérieur de67,5% par rapport au niveau atteint en 1979.

Si, en premier lieu, ces dépenses sont destinées àcréer et à compléter les infrastructures publiques in-

dispensables au redéploiement des activités écono-miques de notre pays, on ne doit toutefois pas perdrede vue leur finalité ultime, c'est-à-dire la sauvegardedu plein emploi. Les organes consultés sont d'avisque la plupart des dépenses d'investissements corres-pondent bien à cette nécessité, maintes fois soulig-née.

Ceci ne doit bien sûr nullement empêcher la fixa-tion rapide de priorités dans le cadre du programmepluriannuel d'investissements publics annoncé. Pourconclure ce chapitre, je dirai que si l'on considèrel'ensemble des aides étatiques à l'économie, à savoirles aides à l'investissement, à l'exportation, à la re-cherche appliquée et l'innovation, les aides à la for-mation professionnelle, à la promotion du commerceextérieur, ainsi que le développement des infrastruc-tures publiques, on doit constater que l'arsenal desinstruments de soutien à l'économie a été considéra-blement renforcé aux deux derniers budgets.

IV. Le projet de budget, instrument de la politiquesociale

Malgré l'étroitesse des moyens disponibles, leGouvernement a tenu en outre à intégrer au projetde budget une série de mesures dans l'intérêt del'amélioration de la situation matérielle des couchesdéfavorisées de la population. En additionnant lescoûts présumés de l'ensemble des mesures priori-taires envisagées dans le domaine social au projet debudget pour 1981, on aboutit à un total de plus-values de dépenses et de moins-values de recettes del'ordre de 660 millions de francs. Je me borneraidans la suite de cet exposé à rappeler succinctementles principales mesures sectorielles ou ponctuelles àcaractère social.

La loi du 31 juillet 1980 déterminant les conditionset modalités à l'effet de majorer les pensions de cer-tains bénéficiaires de pension ne remplissant pas lesconditions prévues pour l'obtention des pensions mi-nima inscrites dans les différents régimes de pensioncontributifs a complété par des dispositions transi-toires, en attendant la réforme de l'assurance-pen-sion, les législations de base des régimes de pensioncontributifs. Des paliers intermédiaires entre lesdeux pensions minima ont été accordés aux person-nes ressortissant notamment des régimes des indé-pendants et des périodes d'activité professionnelle sesituant avant la création des régimes respectifspeuvent être mises en compte pour parfaire le stagedes pensions minima.

Les charges supplémentaires résultant des nouvel-les dispositions sont assumées intégralement par lesfinances publiques et elles sont estimées à 243 mil-lions de francs pour 1981. Par ailleurs l'Etat reprendà sa charge les dépenses de l'ordre de 48 millions defrancs résultant de la loi du 23 décembre 1976 por-tant fusion des régimes de pension des artisans et descommerçants et industriels, de sorte que le coût totalrésultant de la loi du 31 juillet 1980, ajouté à celui as-sumé d'ores et déjà par l'Etat en tant que complé-

13

Page 15: Bulletin de dcxximentation

ment pour pensions minima, fait ressortir une chargetotale de 517 millions de francs dont 353 millions defrancs reviennent à la caisse de pension agricole.

En ce qui concerne le fonds national de solidaritéle Gouvernement se propose de relever de 10% leslimites de revenu garanti par le fonds. En outre il estprévu d'étendre les prestations du fonds aux person-nes qui se trouvent en chômage et qui, après avoirbénéficié pendant respectivement 12 et 18 mois del'indemnité de chômage, ne peuvent plus touchercette indemnité.

Le volume des dépenses consacrées à l'éducationdifférenciée accuse des augmentations assez considé-rables de l'ordre de 28 millions. Le Gouvernemententend ainsi marquer sa détermination de continuerà œuvrer pour une scolarisation améliorée des en-fants handicapés. Dans ce contexte, il faut releverl'extension du service national de guidance de l'en-fance ainsi que le dépistage et la prise en charge, dansl'ensemble du pays, des enfants déficients auditifs etde la parole par les services du centre de logopedie. Ily a lieu de souligner par ailleurs l'accent budgétairemis sur les mesures pédagogiques en faveur d'enfantsplacés en milieu hospitalier.

Les augmentations des crédits en faveur du serviced'intégration sociale de l'enfance pour un total de 54millions permettront au Gouvernement de poursui-vre la politique dans l'intérêt des enfants qui fontl'objet d'une mesure de placement. En dehors descrédits importants en faveur des maisons d'enfantsdont la majeure partie ont conclu avec le ministère dela famille une convention fixant les modalités de lagestion financière et du travail éducatif, le ministèrea continué à prévoir au budget de 1981 des créditsplus substantiels pour développer de nouveaux sys-tèmes de placement, à savoir les foyers de jour, leplacement familial et les garderies privées. Ces diffé-rentes mesures reflètent la détermination du Gou-vernement de poursuivre dans ce domaine une poli-tique d'ensemble qui doit permettre de maintenir,dans la mesure du possible, les enfants dans un milieufamilial normal. Il est évident que, compte tenu desimpératifs budgétaires, la politique poursuivies'orientera d'après l'intérêt primordial des enfants etse limitera aux mesures indispensables.

Pour ce qui est du projet de budget des recettes etétant donné que les mesures d'allégement fiscal pré-vues ont suscité un certain nombre de réactionsquant à leur ampleur, jugée insuffisante, je tiens àrappeler et à réaffirmer la position définie par leGouvernement dans sa déclaration du 24 juillet1979:

«II importera de ne pas alourdir au cours de la pré-sente législature la charge fiscale globale et d'atté-nuer les effets de la progressivité des barèmes. (. . .)Il est entendu que toutes les mesures fiscales prévuesseront prises en tenant compte des possibilités bud-gétaires et au vu d'une évaluation de leur impact fi-nancier.

En ce qui concerne le chapitre des impôts directs, ilest entendu qu'en matière de TVA tout doit être faitpour que les taux actuels en vigueur dans notre pays

soient maintenus. Au cas où les taux de la TVA de-vraient être relevés dans le cadre d'une harmonisa-tion sur le plan communautaire, le Gouvernementprocédera à un réajustement de l'impôt sur le reve-nu.»

L'application de ces principes généraux a abouti àla mise en œuvre, dans le cadre du projet de budgetpour 1981, de nouvelles mesures ponctuelles tendantà éviter un alourdissement de la charge fiscale. Endehors de l'adaptation indiciaire du tarif de l'impôtsur le revenu des personnes physiques — qui entraî-nera une moins-value de recettes de l'ordre de 650millions de francs — le Gouvernement se propose deréaliser un certain nombre de réaménagements de lalégislation relative à l'impôt sur le revenu des person-nes physiques, dont la principale consiste dans le re-lèvement de 12.000 à 15.000 francs du montant an-nuel du minimum forfaitaire pour frais d'obtentionen rapport avec les revenus nets provenant d'une oc-cupation salariée.

En plus de ces mesures à prendre dans le cadre dela loi budgétaire, le Gouvernement se propose demettre en œuvre en 1981, soit par la voie réglemen-taire, soit par la voie législative, divers autres allége-ments de la charge fiscale.

Ainsi le Gouvernement procédera à une adapta-tion correspondante des forfaits majorés annuelspour frais d'obtention dont bénéficient les salariés in-valides et infirmes. Il est en outre envisagé de libéra-liser les conditions d'octroi de l'abattement forfai-taire du revenu imposable du chef de l'engagementd'une aide de ménage. Enfin, le Gouvernement dé-posera un projet de loi tendant à relever temporaire-ment à 90.000 francs, à partir de l'année d'imposi-tion 1980, le montant annuel de l'abattement agri-cole, fixé à l'heure actuelle à 45.000 francs.

Le déchet de recettes qui sera entraîné par la miseen œuvre de l'ensemble de ces mesures ponctuellesd'allégement de l'impôt grevant les personnes physi-ques est évalué à un montant total de quelque 150millions pour l'exercice 1981, dont une somme de110 millions concerne le relèvement du minimumforfaitaire pour frais d'obtention des salariés.

A l'image du Conseil d'Etat, les chambres profes-sionnelles reconnaissent que le Gouvernement conti-nue à s'en tenir à sa déclaration et qu'il évite d'alour-dir la charge fiscale globale. Tout en estimant que cesdifférentes mesures répondent, quant à leur nature,bien que partiellement, à leurs revendications, leschambres professionnelles qualifient de largementinsuffisante l'envergure des mesures proposées etdemandent des allégements supplémentaires. Cefaisant, elles ne font que remplir bien sûr la missionqui est la leur. Le Gouvernement, dans une approcheplus globale et en considération de la détériorationdes conditions d'équilibre budgétaire, estime toute-fois qu'il s'avère impossible de procéder pour l'année1981 à des dégrèvements fiscaux supplémentaires.Par ailleurs, ceux qui sont proposés vont dans le sensdes recommandations contenues dans l'avis du Con-seil économique et social sur la situation économi-que, financière et sociale du pays en 1980.

14

Page 16: Bulletin de dcxximentation

Je réaffirmerai donc que le Gouvernement a l'in-tention de respecter en toutes choses le programmequ'il s'est fixé, notamment quant à sa politique fis-cale, et qu'il étudie actuellemennt l'opportunité d'uncertain nombre de mesures d'ordre fiscal à incidenceséconomiques favorables.

Monsieur le Président,Mesdames, Messieurs,

La crise économique que traversent à l'heure actu-elle les pays industrialisés est un défi, un défi à notreimagination et à notre courage.

Pour y répondre nous devons d'abord rejeter unefois pour toutes l'idée que l'avenir sera une simple ré-pétition du passé. Nous devons nous rendre comptedu caractère exceptionnel de la croissance économi-que des années 60, croissance exceptionnelle parceque fondée sur un prix de l'énergie exceptionnelle-ment bas. Cela a permis une accumulation rapided'équipements fort gourmands d'énergie, mais per-mettant à la productivité de croître rapidement. Lessalaires, le niveau de vie et les aspirations ont suivi; eten ce qui concerne en tout cas les aspirations à unecroissance rapide des revenus, celles-ci continuentsur leur lancée alors que les conditions économiquesse sont détériorées.

Cette période de croissance exceptionnelle s'estterminée fin 1973 lorsqu'en quelques mois le prix dupétrole brut a quadruplé. Depuis lors, les économiesindustrielles ont entamé un processus lent et péniblede reconversion.

Ces reconversions nous imposent un vaste effortd'investissement dans tous les sens du terme: c'est laseule réponse valable au défi de la crise économique.

Un secteur-clé de notre économie, à savoir la sidé-rurgie, a été frappé de plein fouet. Nous sommes bienconscients que les conséquences immédiates, à moy-en et à long terme, en sont graves. Ce nuage sombrene doit cependant pas faire oublier que l'économienationale est heureusement solide. Celle-ci présentecertes d'autres points faibles, mais la main garde detrès bonnes cartes et ce sont celles-ci qu'il convientde bien jouer.

Nous devons dès lors refuser le rôle de gestion-naire passif de la crise et rejeter l'immobilisme ettoute forme de découragement qui relève du défai-tisme. Nous devons continuer à développer des inci-tants à l'innovation, à la valorisation de nos atouts, àl'aide aux initiatives créatrices de débouchés nou-veaux. Voilà pourquoi nous serons obligés d'affron-ter avec succès l'intensification de la concurrence surles marchés mondiaux et de renforcer la base structu-relle de notre économie. Le maintien de la prospéritéet de la compétitivité des entreprises est la conditionindispensable de la sauvegarde de l'emploi et des ac-quis sociaux.

Les problèmes que je viens d'évoquer prennent en-core plus de relief, si l'on prend en compte le point derupture atteint en matière de finances publiques.Sans vouloir verser dans un pessimisme exagéré, jeme dois d'insister encore sur les évolutions qui ris-quent de mettre en cause l'équilibre budgétaire à

moyen terme. Les chiffres que je viens de citer, tantau sujet du tassement des recettes fiscales qu'au sujetde l'effritement progressif des réserves de l'Etat, sontparfaitement éloquents. Ils le sont d'autant plus, sil'on tient compte de facteurs structurels tels que la ri-gidité de la plupart des dépenses de consommation,l'inéluctabilité des dépenses de restructuration éco-nomique et le niveau atteint d'ores et déjà par lapression fiscale.

Manifestement, l'heure n'est pas à l'interprétationabusive, voire à la manipulation, des chiffres dans unsens ou dans l'autre, mais à la prise de conscience desdures réalités auxquelles notre collectivité est con-frontée et de la marge de manœuvre très réduite dontdisposent les pouvoirs publics.

Dans une économie de petite dimension, obligéepar sa structure de compter sur son talent de trans-formateur pour assurer son bien-être matériel, dé-pendant de l'extérieur pour ses approvisionnementscomme pour ses ventes, on peut certes se demandercomment la dépense intérieure a pu se développerau-delà de ce que permettaient le rythme de crois-sance dans le monde et les difficultés spécifiques desactivités exportatrices du pays.

Ce processus lent mais irréversible est sans doutedû à la pression de comportements tant individuelsque par groupe qui deviennent homogènes, malgré ladiversité des situations qui les inspirent. Pression detous ceux — et les exceptions sont rares — qui consi-dèrent les consommations publiques qui doivent sa-tisfaire leurs exigences, a priori légitimes, commetoujours trop chichement dispensées, sans s'inquiéterde savoir à combien se montera l'addition générale etcomment le coût sera supporté. Pression de tous ceux— et ils sont nombreux - qui demandent le dévelop-pement des activités produisant des services collec-tifs, sans se préoccuper des ressources nécessaires.Pression de ceux qui exigent de l'Etat qu'il subven-tionne le fonctionnement de producteurs de servicesdu secteur privé, sans qu'il puisse se soucier d'éviterle gonflement de la dépense mise à charge de la col-lectivité.

Le Gouvernement ayant, dès le départ, orienté sapolitique budgétaire d'après les contraintes dont jeviens de faire état, n'a pas à revenir sur sa position,arrêtée ici même il y a une année. Il appartient au-jourd'hui plus que jamais, à la collectivité touteentière de prendre ses responsabilités au regard de lasituation effective du pays. La marge de manœuvreen matière de finances publiques exigera de ceux quicroient l'heure opportune d'exiger des dépenses sup-plémentaires, d'indiquer les impôts à augmenter oules dépenses à supprimer en contrepartie.

Pour ma part, je reste persuadé que la situation ac-tuelle et les perspectives à moyen terme de notreéconomie exigent une politique budgétaire rigou-reuse et disciplinée. Nos partenaires européens ontdécidé ou vont décider des politiques économiquesrestrictives. Notre pays est confronté aux mêmesexigences d'austérité. Il s'agira à l'avenir de ne rete-nir que les options indispensables à la restructuration

15

Page 17: Bulletin de dcxximentation

économique et à la défense des couches les plus défa-vorisées de la population.

Trop longtemps les parties prenantes au budget del'Etat se sont, globalement, alloué une manne de plusen plus généreusement distribuée. Il faudra bienqu'elles admettent désormais que des priorités s'éta-blissent en faveur des plus démunis. Il faudra, unefois pour toutes, se rendre à l'évidence que l'ensem-ble des ménages ne peut pas exiger plus longtempsque leurs revenus et leur consommation augmententtoujours plus vite que le produit national. Il y a lesfaits dont il faut bien tenir compte, et les faits, dansune période moins facile, rendent nocifs des exigen-ces devenues excessives et des luxes devenus exagé-rés.

Les déséquilibres que nous enregistrons aujour-d'hui ne sont pas tenables à la longue. Ils portent, eneux, les germes de difficultés essentielles. Or, laisséesà elles-mêmes les choses ne peuvent que s'aggraver.Des remises en ordre s'imposent. Elles impliquent uneffort collectif dont la répartition ne pourra cepen-dant être agencée de façon telle qu'elle accentue, nimême qu'elle cliche des inégalités sociales.

Certes, il est impensable qu'il soit mis fin sans tran-sition au déséquilibre. Les médecines qui font chocsont néfastes au patient. Mais il ne convient pas nonplus de cacher son état à celui-ci, le laissant sans miseen garde, s'abîmer plus avant dans un mal pourtantcurable.

Pour ce faire, le Gouvernement prend l'engage-ment de procéder à des choix équilibrés, de concilier

et de trancher dans l'optique d'une juste répartitiondes sacrifices et dans l'intérêt de la communauté na-tionale toute entière.

Pour conclure je voudrais lancer un appel à votreassemblée pour que le débat des prochaines semainessoit abordé avec la claire conscience des problèmesposés et la ferme volonté de les résoudre en plaçantl'intérêt général au-dessus des revendications parti-culières, pour justifiées qu'elles puissent paraître.

Car, en définitive, ce n'est pas la défense intransi-geante, par chaque groupe, de points de vue particu-liers qui assurera le maintien et le progrès de la pros-périté nationale. Dans une période moins faste, eneffet, un peuple ne peut défendre son bien-être géné-ral qu'en mesurant sans aveuglement les difficultés,en s'imposant un effort solidaire de travail et en ré-partissant équitablement le poids, d'ailleurs tolera-ble, de cette discipline de modération qui le garde dupire.

C'est à partir de ces principes que le Gouverne-ment a arrêté ses choix budgétaires et a fait les arbi-trages politiques qui s'imposent. Il espère que sespréoccupations essentielles seront partagées par vo-tre haute assemblée. Car son unique souci a été deprojeter pour l'année à venir — en embrassant dansune vue aussi complète et aussi large que possiblel'état économique et social de la nation - une poli-tique qui réponde aux réalités directes et aux besoinsurgents du pays.

16 I Imprimerie Linden, Luxembourg-Gasperich