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À RAYONS OUVERTS ~ Nº 54 • AVRIL - JUIN 2001 1 BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC 14 e année, nº 54 avril – juin 2001

BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC 14 e …

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À RAYONS OUVERTS ~ Nº 54 • AVRIL - JUIN 2001 1

BULLETIN DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBEC14e année, nº 54 avril – juin 2001

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Le jeune ménage Desrosiers à Rideau Hall,vers 1930.

Michelle Le Normand installée à sa table pour écrire, vers 1940.

Le fonds Le Normand-Desrosierssous le soleil et dans l’ombre

est parfois étonnant d’observerce que révèle une physionomie,aussi humble soit-elle. Le

photographe, en artisan habile, réussitsouvent à fixer sur la pellicule, nonseulement les traits de la personnereprésentée, mais aussi l’humeur et l’étatd’âme de celle ou de celui que sa photo-graphie immortalise.

Cette constatation s’avère particu-lièrement juste dans le cas du couple LeNormand-Desrosiers. Mme Desrosiers,née Marie-Antoinette Tardif, était mieuxconnue sous le nom de plume de MichelleLe Normand. Romancière, nouvelliste etessayiste, elle a laissé une œuvre abondanteet diversifiée, à l’image de son talent.Quant à son époux, Léo-Paul Desrosiers,il fut non seulement correspondant duDroit et du Devoir à Ottawa, courriéristeparlementaire et directeur de la Biblio-thèque municipale de Montréal, mais aussiun romancier de marque, un homme férud’histoire et l’un des membres fondateursde la prestigieuse Académie canadienne-française.

Le fonds Le Normand-Desrosiers,dont nous avons complété l’inventaire au

cours de l’été 1999, contient près de deuxcents photographies dont la plupartprésentent un grand intérêt pour larecherche. Celles-ci nous révèlent maintesfacettes de la vie de ce duo d’écrivains. Del’enfance à l’âge de la retraite en passantpar les joies de la maternité et celles d’êtregrand-parents, ces images fixent aussi dansle temps les lieux de prédilection des épouxet les traits des écrivains, historiens etjournalistes qui ont sillonné leur carrière.Au fil des années de production de chacunet de leurs séjours à l’étranger pour lesétudes, le travail ou le tourisme, des liensd’amitié se tissent, que le temps n’altèrepas. Ces photographies sont aussi le refletd’une époque difficile mais riche enréalisations de toutes sortes.

Michelle Le Normand et Léo-PaulDesrosiers ont beaucoup écrit, chacun deleur côté et plus rarement ensemble.Comme les épouses d’aujourd’hui, MmeDesrosiers doit concilier les exigences dumétier avec le soin des enfants et les tâchesménagères. Cela ne va pas toujours de soi,comme nous l’indiquent sa corres-pondance et son journal personnel. Dotéed’un optimisme et d’une foi solides, elle

naviguera courageusement à travers lesépreuves et les nombreuses difficultés deson existence en conservant malgré tout lagaieté et la fraîcheur qui la caractérisentdès l’adolescence. Vifs et enthousiastes,ses écrits parlent d’enfants, de nature etdes sports de plein air, dont elle demeureune fervente adepte jusqu’à la fin de sa vie.

On connaît surtout d’elle le petitrecueil intitulé Autour de la maison. Maisle fonds contient bien davantage. Desversions de romans, d’innombrablesbillets dans les journaux, une biographie,des essais et des récits de voyage composentl’essentiel de son œuvre. On ne sauraitpasser sous silence l’important journal etles cahiers d’écriture de l’auteur. Constituéde vingt cahiers qu’elle rédigea de façonquasi ininterrompue entre l’âge de quatorzeans et celui de son décès à soixante-neufans, ce journal intime, autrefois soumis àdes restrictions à la consultation n’encomporte plus à présent. Cahiers d’écritureet journal rassemblent des impressions,des récits et des réflexions sur la viequotidienne mais aussi bon nombred’ébauches et de versions des écrits decette femme étonnante. Signalons parmi

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Léo-Paul Desrosiers corrigeant un texte,vers 1940.

Le couple Le Normand-Desrosiers devant la «Maison d'oiseaux » à Chandler, en Gaspésie,vers 1940.

______1 Extrait de Léo-Paul Desrosiers meurt à son

tour / Harry Bernard, dans Le courrier deSaint-Hyacinthe, 114e année, nº 52,27 avril 1967, p. 2.

les inédits le texte dans lequel Michelle LeNormand relate sa rencontre avec GabrielleRoy. Une autre partie du fonds réunitenfin les coupures de ses nombreux arti-cles parus dans Le Devoir et ailleurs, ainsique des spicilèges consacrés à la réceptioncritique de ses œuvres.

De nature plus fermée et secrète,Léo-Paul Desrosiers n’en demeure pasmoins un brillant journaliste et un espritéclairé. Il suffit de lire les articles qu’ilrédige dans l’hebdomadaire Notre tempspour s’en convaincre. L’homme doit com-poser quant à lui avec les contraintes de lavie parlementaire à Ottawa, les exigencesdu métier d’écrivain et les soucis personnelset familiaux. Une importante partie de lacorrespondance des deux époux entémoigne. Souvent éloigné de sa famillependant une partie de l’été avant que nes’achèvent les sessions de la Chambre desCommunes, Léo-Paul Desrosiers démon-tre par ses lettres l’intérêt qu’il porte à lacarrière de son épouse et son souci dubien-être des siens en dépit de la distance.

Si l’on tient compte de l’abondanteproduction de cet auteur, le fonds LeNormand-Desrosiers contient très peud’écrits. Il comporte surtout des versionsde romans inédits, des nouvelles et desarticles à caractère historique. Soulignonsla présence d’une traduction anglaise deson roman Les Opiniâtres, et plusieursversions et notes de travail en vue de larédaction d’une importante biographiedu fondateur de Montréal intitulée Paulde Chomedey, sieur de Maisonneuve. Lespersonnes intéressées par son œuvreconsulteront également avec profit le fondsde cet auteur localisé au Centre de recher-che Lionel-Groulx.

De 1941 à 1953, l’écrivain occupe leposte de conservateur à la Bibliothèquemunicipale de Montréal. Il est intéressantde trouver dans le fonds des notes et desmémoires dans lesquels apparaît plusieursfois le nom de la Bibliothèque Saint-Sulpice. Le nouvel administrateur y affirmeque cette dernière est la mieux placée pourêtre la grande bibliothèque de circulationà Montréal. Il s’intéresse également auxproblèmes que pose l’accès difficile auxcollections des grandes bibliothèquesmontréalaises: des sujets encore d’actualitéquelque soixante ans plus tard.

Malgré leur petit nombre, les écritsde Léo-Paul Desrosiers dans les journauxet les critiques sur son œuvre présententtout de même un bon aperçu de la person-

nalité et de la carrière de cet écrivain.Solitaire et méditatif, c’est en marchantqu’il cherche ses sources d’inspiration. Etle décor de Saint-Sauveur-des-Monts oùles époux s’établissent dans les annéescinquante s’y prête tout particulièrement,comme les paysages enchanteurs deChandler et des environs faisaient naître,sous leur plume, quantité de textesévocateurs des beautés gaspésiennes. C’estlà en effet que se rendait la petite famillependant plus de trente ans, alliant travailet repos pour les parents écrivains, et

plaisirs de toutes sortes pour leurs troisenfants élevés à la ville. Journal, lettres etphotographies témoignent gracieusementde cette époque et des joies de la vie au« Capuchon bleu » et dans la « Maisond’oiseaux »

Puis, en novembre1964, s’éteintsubitement celle dont on avait si souventadmiré la verve et salué les proposrafraîchissants. L’on prétend que, du coup,Léo-Paul Desrosiers ne devient plus quel’ombre de lui-même. Il « se réchauffait,pour ainsi dire, à son soleil, y puisant saraison d’être1. » Et pourtant, il emploie lesquelques années qu’il lui reste à terminerun travail monumental, sa biographie deMaisonneuve, qui paraîtra presque enmême temps que son décès, survenu enavril 1967.

Que ce soit par curiosité ou pour desrecherches bien précises, le fonds LeNormand-Desrosiers, dont la présentationa été entièrement revue, regorge de ren-seignements du plus grand intérêt sur l’artd’écrire, tel que le pratiqua avecpassion ce couple d’écrivains.

FRANCE OUELLET

Division des archives privées

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Miniare, volet québécois

La Bibliothèque nationale du Québecprésente, jusqu’au 5 mai 2001, levolet québécois de Miniare. Cette

exposition a été présentée à la Maison dela culture Côte-des-Neiges à l’automnedernier par le Conseil québécois del'estampe, dans le cadre de la premièreBiennale d’estampes miniatures de Montréal.Pour cette exposition, la BNQ asélectionné plus d’une centaines d’œuvreschoisies parmi les 162 estampes réaliséespar les 83 artistes québécois ayant participéà l’exposition originale. Celle-ci com-portait 300 estampes de 138 estampiersprovenant de 17 pays.

Les Québécois ont récolté six desquatre prix et huit mentions spécialesdécernées lors de la Biennale. Les premieret troisième prix ont en effet été décernésà Jacques Hudon (prix d’excellence de laBanque Nationale) et Wieslaw Nako-nieczny (prix du Fonds de solidarité FTQ).Les mentions spéciales de la Bibliothèquenationale du Québec sont allées à Denise

Blackburn, Juliana Joos et Line Dubois,celle-ci ayant également reçu le prix dupublic à la fin de la Biennale.

Dans un texte publié en avant-proposdu catalogue de l’exposition, PhilippeSauvageau, alors président et directeurgénéral de la BNQ, rappelait l’importancede « provoquer les occasions d’aider lesartistes qui pratiquent ce mode d’ex-pression et de poursuivre la sensibilisationdu public à cette forme d’art riche et variéequi nécessite la maîtrise de plusieurs tech-niques ».

C’est pourquoi la Bibliothèque natio-nale du Québec a contribué de plusieursmanières à Miniare : Philippe Sauvageaua d’abord accepté la présidence du jury desélection composé également de l’estam-pier René Derouin et du galeriste ÉricDevlin ; il a ensuite décidé, devantl’excellence des œuvres présentées,d’accorder un montant de 300 $ à chacundes huit artistes ayant reçu une mention

spéciale du jury et, enfin, de coéditer lecatalogue Miniare avec le Conseil québé-cois de l’estampe.

Il était donc tout naturel que laBibliothèque nationale poursuive cettecollaboration en présentant le voletquébécois de l’exposition, d’autant plusque la BNQ est l’institution où l’onretrouve la plus importante collectiond’estampes québécoises (16 000 titres),grâce au dépôt légal, en vigueur depuis1992, et à ses importantes acquisitionsrétrospectives.

On peut donc visiter gratuitementMiniare, volet québécois, à la Bibliothèquenationale du Québec, 1700, rue Saint-Denis, à Montréal, du mardi au samedi,de 9 h à 17 h, jusqu’au 5 mai 2001.

GENEVIÈVE DUBUC

Directrice des communications

Julianna Joos,Sans titre, 1999, eau-forte, 7 cm x 5 cm

Jacques Hudon,Icare, 2000, sérigraphie, collage, 15,7 cm x 14,7 cm

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Journée mondiale du livreet du droit d’auteur

LES ORIGINES DE LA FÊTE DU LIVRE

La fête du livre du 23 avril est née enCatalogne, où l’on a pris l’habitude d’offrirdes livres et des roses ce jour-là. Cette asso-ciation provient d’une heureuse coïn-cidence. D’une part, on célèbre la fête deSaint-Georges (Sant-Jordi), patron desCatalans, le 23 avril. D’autre part, d’aprèsla légende, le preux chevalier Jordi auraitdélivré une belle princesse des griffes d’undragon. En tranchant la tête de l’animal,une pluie de roses s’en écoula. Dix sièclesplus tard, en 1926, un grand éditeur deBarcelone, Vincenç Clavel, voulutinstaurer une fête pour célébrer l’illustreCervantes, pour se rendre compte qu’ilétait mort le 23 avril 1616… Ainsi naquitle jour des livres et des roses. Aujourd’hui,en Catalogne, ce sont plus de quatremillions de livres et autant de roses quis’échangent ce jour-là.

Cette fête a retenu l’attention del’UNESCO qui, à l’automne1995, enfaisait la Journée mondiale du livre et dudroit d’auteur. Dès 1996, les associationsdu milieu du livre au Québec ont tenu àsouligner cette journée par diverses mani-festations et ont associé, comme lesCatalans, avec qui les Québécois ont denombreuses affinités, les livres et les roses.

ON FÊTE PARTOUT AU QUÉBEC

On fête partout encore au Québeccette année. Dans toutes les régions, desbibliothèques et des libraires offriront desroses à leur clientèle, organiseront destables rondes ainsi que des séances designatures avec des écrivains. Certainsd’entre eux visiteront des détenus dans descentres de détention, d’autres despersonnes hospitalisées. Les jeunes desclubs de lecture de Communication-Jeunesse créeront, et exposeront par lasuite, des œuvres d’art tridimensionnellesinspirées des livres québécois et canadiens-français pour la jeunesse. Le 23 avrilmarquera aussi le lancement d’un projetd’animation qui offrira aux enfantsfréquentant le premier cycle de l’école

primaire l’accès à des livres spécialementchoisis pour eux. De plus, plusieursbibliothèques offriront une amnistie auxpersonnes qui rapporteront un livre dontle délai de remise est échu. Enfin, 5 000exemplaires d’un livre de réflexions sur lalecture, intitulé Je suis fatigué et signé parDany Laferrière, porte-parole de la Journéemondiale du livre, seront distribués gratui-tement aux étudiants en littérature inscritsen première année du collégial.

LA BNQ, PRÉSENTE DEPUIS LE DÉBUT

La Bibliothèque nationale du Québecparticipe à la fête depuis ses débuts. Eneffet, c’est à la Bibliothèque nationale quela ministre de la Culture et des Commu-nications, madame Louise Beaudoin,annonçait pour la première fois l’adhésiondu Québec à la Journée mondiale, le23 avril 1996. Depuis, la Bibliothèque aprésenté à chaque année une exposition :sur la littérature jeunesse, en 1997 ; sur lesprix littéraires du Québec, en 1998 – cequi donnait lieu au lancement du siteWeb sur les prix littéraires du Québec,qui est toujours en ligne – ; sur l’Écolelittéraire de Montréal, en 1999 ; et, en2000, sur l’illustration originale du livrede jeunesse, ainsi que sur les manuscritsd’une dizaine d’écrivains. Soulignonségalement, qu’à l’exception de l’an dernier,les acteurs du milieu du livre et de ladocumentation se sont retrouvés chaqueannée, en début de soirée, à la Bibliothèquenationale pour clôturer la fête du livre.

LE SALON DE LA BIBLIOPHILIE

CONTEMPORAINE

Cette année, la Bibliothèque nationales’est associée à la Confrérie de la LibrairieAncienne du Québec, qui organise le pre-mier Salon de la bibliophilie contem-poraine dans la salle de lecture de l’édificeSaint-Sulpice, 1700, rue Saint-Denis, àMontréal, le dimanche 22 avril, de 12 h à18 h.

Le projet vise, d’une part, à fairedécouvrir et apprécier la production

actuelle de la bibliophilie québécoise et,d’autre part, à présenter un panorama dela bibliophilie des 50 dernières années. Lepublic sera convié à acquérir les livresprésentés ainsi qu’à rencontrer leursproducteurs et leurs diffuseurs. Chaqueexposant (au nombre de 40 environ)confiera un ouvrage à la Bibliothèque quiprésentera une exposition témoin, dansles mêmes lieux, du 23 au 28 avril. L’entréeau Salon, comme à l’exposition, seragratuite.

POUR EN SAVOIR PLUS

Pour en savoir plus sur les activités dela Journée mondiale du livre, consultez lesite Web de l’Association nationale deséditeurs de livre (www.anel.org) ou lecalendrier officiel diffusé dans Le Devoirdu 21 avril 2001.

GENEVIÈVE DUBUC

Directrice des communications

Affiche de la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur.(conception graphique de l'affiche : Mathilde Hébert)

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Portrait de l’édition franco-américained’autrefois

La Bibliothèque nationale du Québeca constitué, au fil des ans, uneimportante collection de livres et

de journaux traitant de l’histoire, de lapoésie et du roman d’expression françaiseen Nouvelle-Angleterre. Les titres publiésau Québec et aux États-Unis, depuis unsiècle, permettent de découvrir lesfondements de cette littérature, de suivreson évolution et de connaître les raisonsde son déclin.

Si les premiers titres sont l’œuvre deCanadiens français établis au sud du45e parallèle, ils ont été par la suite l’œuvred’auteurs francophones, nés en Nouvelle-Angleterre, puis d’auteurs américainsd’origine française et enfin, de Québécoisqui s’intéressent à l’histoire des fluxmigratoires des Québécois vers les Étatsde la Nouvelle-Angleterre.

RAPPEL HISTORIQUE

Comme la littérature franco-américaine est intimement liée aumouvement migratoire vers la Nouvelle-Angleterre, il faut d’abord rappeler lesgrands courants de cette migration qui adébuté au cours des années 1840.

Jusqu’aux années 1930, la frontièreaméricano-canadienne n’a pas fait obsta-cle à la libre circulation des personnes etdes marchandises entre les deux pays.L’industrialisation s’étant effectuée enNouvelle-Angleterre dès 1850, descentaines de milliers de travailleurs, attiréspar la prospérité des centres manufacturiersaméricains, ont quitté le Québec à larecherche d’une situation meilleure.

Les quelque 900 000 Québécois quiont choisi de quitter leur pays, tantôtseuls, tantôt par familles entières, ontdéveloppé dans les villes et les villages de laNouvelle-Angleterre des modes de vie quiles ont toujours caractérisés. La religion, lalangue, la famille sont parmi les tradi-tions, enracinées dans leurs us et coutumes,

qu’ils ont transportées dans leur nouveaumilieu de vie. Des villes comme Nashua,Manchester, Pantucket, Lowell ouWoonsocket sont devenues, au cours desans, de véritables « Petits Canadas ».

LES PREMIERS ÉCRITS

De la même façon qu’on ne peutaborder l’histoire de la Nouvelle-Angleterre, au siècle dernier, sans y voirun rapport avec le Québec, on ne peutétudier la littérature franco-américaine enla coupant de ses liens avec l’institutionlittéraire québécoise. Les thèmes de lafamille, de la langue et de la patrie sontprésents dans les écrits bien que l’on trouvedes divergences idéologiques en raison desterritorialités différentes.

Établis dans leur nouvelle patrie,concentrés autour de leurs institutionstelles que l’église et l’école, et regroupés enassociation, les nouveaux Franco-Américains ont fondé des journaux quileur permettaient de maintenir le lienaffectif avec leurs compatriotes demeurésau Québec.

Les histoires paroissiales, les guidesfranco-américains et les journaux sont lespremières manifestations de cettelittérature qui permettaient aux nouveauximmigrants de rattacher deux sociétésséparées par une frontière mais formanttoujours un même peuple. Bien quecertains journaux francophones fussentpubliés aux États-Unis comme le Courrierdes États-Unis (1825) ou Le Messagerfranco-américain (1859), il faut attendrela fin du siècle avant de voir apparaître unemultitude de journaux voués exclusive-ment aux intérêts des Canadiens françaisde la Nouvelle-Angleterre. Ces journaux,quotidiens dans les grandes villes,hebdomadaires ou mensuels dans les pluspetites communautés, étaient dirigés pardes sociétés francophones ou par unenouvelle élite franco-américaine.

LES PÉRIODIQUES

Les journaux francophones, publiésà partir de 1874, comme Le Travailleur deWorcester, L’Étoile de Lovell, Le Messagerde Lewiston ou L’Avenir de Manchester ontcontribué largement à sauvegarder le faitfrançais en Nouvelle-Angleterre. La pressea toujours été vue comme l’un des rempartsles plus solides de la nationalité jusqu’audébut des années 1930 où l’arrêt del’émigration vers le sud a réduit considé-rablement le nombre de lecteurs unilinguesfrançais, provoquant la disparition deplusieurs journaux.

Plus de 200 périodiques franco-phones ou bilingues ont été publiés enNouvelle-Angleterre entre 1817 et 1911.Parmi ceux-ci, plusieurs n’ont paru quequelques semaines, comme Le Courrier duConnecticut, fondé en 1902, tandis qued’autres, comme L’Étoile de Lowell etL’Opinion publique de Worcester, ont étépubliés pendant plus d’un demi-siècle. Ledernier journal de langue française de laNouvelle-Angleterre a été Le Travailleurde Manchester, publié pour la premièrefois en 1933, et qui a cessé de paraître à lafin de l’année 1978. La disparition de cejournal a marqué la fin de la grandeaventure de la presse francophone auxÉtats-Unis. Alexandre Belisle, dans sonHistoire de la presse franco-américaine,publiée à Worcester en 1911, raconte lesdébuts de cette grande aventure journa-listique. De cette multitude de journauxanciens, la Bibliothèque nationale duQuébec possède cinquante-sept titres quipeuvent être consultés sur microfilm.

LES OUVRAGES GÉNÉRAUX

L’appartenance à une communautéfrancophone établie en Nouvelle-Angleterre depuis le milieu du XIXe siècles’est traduite, entre autres, par des publi-cations qui ont connu beaucoup de succès,comme les comptes rendus de conven-tions nationales franco-américaines, dont

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la première a eu lieu en 1870. Les actes deces congrès sont caractérisés par lenationalisme de l’époque. Ils rapportentles discours de l’élite, les conférencespatriotiques et donnent de nombreusesstatistiques sur la situation des franco-phones aux États-Unis. Il en est de mêmedes nombreux ouvrages publiés par desregroupements comme l’Association desecours mutuel des Canadiens-français-américains, les alliances franco-américaines, les sociétés Saint-Jean-Baptiste et les associations religieuses.

Les guides franco-américains, dontles premiers remontent à fin du XIXe

siècle, constituent une autre manifesta-tion de l’édition franco-américaine. Publiéssporadiquement sous différents titres, ilsprésentent l’histoire des communautésfranco-américaines, de leurs établisse-ments, des principales personnalitésciviles et religieuses et fourmillent destatistiques sur la situation des franco-phones. Le Guide officiel des Franco-Américains, publié au Rhode Island entre1899 et 1946, représente sans doute laplus importante collection de cesannuaires.

Les monographies paroissiales, dontl’ampleur se fait sentir au début duXXe siècle, constituent une autre expres-sion de la littérature franco-américaine.Plusieurs ouvrages, publiés aux États-Unisou au Québec, rappellent ou commé-morent l’établissement des Franco-Américains en Nouvelle-Angleterre. LaBibliothèque nationale possède plus d’unecentaine de titres dont les monographiesde Woonsocket au Rhode Island, FallRiver au Massachusetts ou de Concord auNew Hampshire, pour n’en signaler quequelques-unes. Ces ouvrages, peuconsultés, livrent une mine de renseigne-ments sur l’histoire des premiersétablissements francophones en Nouvelle-Angleterre.

LA POÉSIE ET LE ROMAN

Les journalistes ont été les premiers às’aventurer sur la route littéraire. C’est enfaisant leur métier de journalistequ’Honoré Beaugrand, Rémi Tremblay,Léon Bosue, Arthur Favreau, J.-L.-KLaflamme et tant d’autres ont fait connaîtreleur valeur d’écrivain. Jeanne la Fileuse,publié en 1875 dans le journal de Lowell,est un exemple des ces premiers

balbutiements littéraires. Par la suite,plusieurs auteurs : Louis Dantin, J.-HRoy et Marie Ratté, pour n’en citer quequelques-uns, ont suivi leur exemple etont apporté une contribution importanteà la littérature d’expression française enNouvelle-Angleterre.

Les chercheurs qui s’intéressent à cettelittérature peuvent consulter à laBibliothèque nationale du Québec deuxouvrages importants : Anthologie de lalittérature franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, de Richard Santerre et AlbertRenaud, publiée en 1980 à Bedford, auNew Hampshire et La Littérature franco-américaine : écrivains et écritures, de ClaireQuintal, publié à Worcester, au Massa-chusetts, en 1992.

L’après-guerre marque le déclin de lalittérature et des journaux de languefrançaise en Nouvelle-Angleterre. Denouveaux auteurs comme Jack Kerouac etWill James (Ernest Dufault), de souchefrançaise mais américains dans l’âme etdans la langue, deviennent de nouveauxhéros de la littérature américaine.

LE DÉCLIN

Si les premières générations deFranco-Américains ont su conserver lalangue maternelle et par le fait mêmedévelopper une littérature qui lesrassemblait, il en est autrement pour leursenfants qui, au fil des ans, n’ont su résisterà l’assimilation en raison de la nécessité deposséder la langue anglaise pour réussirdans la société américaine de l’après-guerre.L’abandon des traditions et, dans unecertaine mesure, le rejet des acquis de leurspères ont marqué le déclin de la littératurefrançaise aux États-Unis.

Les journaux, dont la missionconsistait à préserver les intérêts desFranco-Américains ont tous cessé deparaître pour faire place à un nouveaumédia : la télévision américaine, quienvahissait facilement les foyers tantanglophones que francophones. Il en estde même pour le roman, la nouvelle ou lapoésie qui, au départ, étaient l’œuvred’auteurs d’origine canadienne-françaiseet qui sont maintenant produits par desauteurs américains d’origine franco-canadienne.

L’histoire des Franco-Américains estécrite aujourd’hui par des auteursquébécois qui analysent les raisons de leurdéclin. L’historien Yves Roby a publiérécemment, aux Éditions du Septentrion,une magistrale étude sur le sujet : LesFranco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : rêves et réalités.

Comme Yves Roby le rappelle dansson livre : « Que sont devenus aujourd’huices millions de descendants de ces émigrés ?Beaucoup se sont assimilés parfaitement aupoint d’avoir occulté toute trace de leursorigines. Plusieurs autres se voient commedes Américains d’origine canadienne-française ». Au-delà de cette affirmation,les traces de l’histoire des Franco-Américains et de leurs familles trahissentencore l’identité d’origine par les nomsportés aujourd’hui. Les répertoires demariages des paroisses franco-américainesrévèlent les noms de ces premiersCanadiens français et de ceux de leursdescendants. Si certains noms ont conservéleur graphie comme les Chartier ou Laurin,il en est autrement pour les Courtemanchequi sont devenus des Shortsleeves, desJolicoeur qui sont maintenant des Hartou des Hébert, qui ont pris le nomd’Hibbart.

LA COLLECTION DE LA BIBLIOTHÈQUE

Parmi les publications franco-américaines conservées dans nos collec-tions, 1142 titres proviennent du FondsGabriel-Nadeau. Médecin, né à Saint-Césaire, au Québec, en 1900, GabrielNadeau a œuvré en Nouvelle-Angleterrejusqu’à son décès en 1979. En 1974, il acédé, à la Bibliothèque nationale duQuébec, ses archives et sa bibliothèque,d’une grande richesse documentaire pourceux qui veulent suivre l’évolution desFranco-Américains.

De récentes acquisitions permettentde compléter cette collection, souvent malconnue des chercheurs québécois. Lesrecueils de poésie et les romans, les ouvragesen histoire et en généalogie ainsi que lespériodiques et les journaux constituentaujourd’hui des vestiges de cette grandeaventure des Québécois au sud du45e parallèle. �

MARCEL FOURNIERBNQ

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Port de retour garantiBibliothèque nationale du Québec2275, rue HoltMontréal (Québec)H2G 3H1

COUVERTURE :Monique Manseau, Le violoncelle sourd,1999, eau-forte, pointe sèche, 15 cm x10 cm. (numérisation : Édith Martin - Atelierd'images numériques)

PRÉSIDENT ET DIRECTEUR GÉNÉRAL PAR INTÉRIM :Jean-Guy Théoret

COMITÉ DE RÉDACTION :Président : Claude FournierSecrétaire du comité : Daniel ChouinardMembres : Geneviève Dubuc, Marcel Fournier,Jeannine Rivard, Suzanne Rousseau-DuboisCorrectrice : Christiane LacroixConception graphique : Louise Lecavalier

Dépôt légal – 2001Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du CanadaISSN 0835-8672

À rayons ouverts est publié trimestriellement etdistribué gratuitement à toute personne qui enfait la demande. La reproduction des textes estautorisée avec mention de la source. Prière denous en aviser.

On peut se procurer À rayons ouvertsen s'adressant à laBibliothèque nationale du QuébecSection de l'édition2275, rue HoltMontréal (Québec)H2G 3H1

Téléphone : (514) 873-1100, poste 158ou 1 800 363-9028 pour les autres régions duQuébec.

Également accessible à notre site Web à l'adressesuivante : http://www.biblinat.gouv.qc.ca

Pour faciliter un changement d'adresse,veuillez nous indiquer votre numéro d'abonné.

Bibliothèque nationaledu Québec

Envoi de poste-publicationEnregistrement nº 181 5318

Avis de rechercheLa Bibliothèque nationale du Québec est à larecherche des ouvrages suivants afin decompléter ses collections. Toute personnesusceptible de fournir l’un de ces documentsest invitée à s’adresser à Daniel Chouinard au(514) 873-1100, poste 341, ou au 1 800 363-9028, poste 341 ou par courrier électroniqueà l’adresse [email protected].

Centenaire 1882-1982 : un sillon de force et decourage au bord du lac Jumelé, Lac-Bouchette. [Lac-Bouchette : s.n., 1982], 55 p.

Franck, Thomas M. et al. L’intégrité territoriale duQuébec dans l’hypothèse de l’accession du Québec à lasouveraineté. Québec : Commission d’étude desquestions afférentes à l’accession du Québec à lasouveraineté, 1992, 86 f.

Marillac, Alain. Passeport pour la magie : 50 toursen poche. Ville Mont-Royal : Éditions du Rond-Point, 1992, 151 p.

Marillac, Alain. Réussir par l’amour de soi. VilleMont-Royal : Éditions du Rond-Point, 1996,128 p.

Murdock, Freddo. L’histoire de la famille Murdockde 1803 à 1992. [Chicoutimi : F. Murdock, 1992 ?],158 p.

Poularies 1924-1999. [s.l. : s.n.], 1999, 534, [84 p.]

Poularies : un héritage à continuer. [Poularies,Québec : Comité du livre, 1984 ?], 200 p.

Scott, Marc et al. Contes et récits de l’Outaouais.Buckingham : Chardon bleu, 1996, 155 p.

Souvenir de la journée d’action catholique du Lac-Bouchette. Lac-Bouchette : Messager de saintAntoine, 1935, 64 p.

Tremblay, Lucien et al. La récupération et le recyclagedu papier au Québec. Québec : Services de protec-tion de l’environnement, Direction de la gestiondes déchets, 1979, 115 p.

Tremblay, Lucien et al. La récupération et le recyclagedu papier et du verre : état de la situation. [Québec :Secrétariat permanent des conférences socio-économiques, 1983], 115 p.

Wotton 1849-1999. Sherbrooke : Éditions LouisBilodeau, 1998, 471 p.

ERRATAAu dernier numéro, il manquait la mention dela provenance des photographies publiées auxpages 2, 3 et 6. Ces photographies sont de PierrePerrault, photographe à la BNQ. Nos excusespour les inconvénients subis.

Vient de paraître

Cadre de classement des publica-tions gouvernementales du Québec,13e édition

Cet instrument, élaboré par la Bibliothèquenationale du Québec, est largement utilisé par lesbibliothèques qui possèdent des collectionsmoyennes ou importantes de publications gouver-nementales du Québec. Il permet de regrouper cesdocuments dans une collection distincte par l'unitégouvernementale qui les a produits.

Le CCPGQ est une publication annuelle. Entredeux éditions, la Bibliothèque nationale du Québecmaintient un service téléphonique de renseigne-ments gratuit. Il suffit de composer le (514) 873-1100, poste 365.

Le CCPGQ 13e édition (à jour au 31 décembre2000) est publié en feuilles mobiles avec ou sansreliure à anneaux.(274 pages ; ISBN : 2-551-20461-5)

PRIX DE VENTE :sans reliure à anneaux : 25 $avec reliure à anneaux : 35 $Frais d'envoi : applicablesTPS : applicableTVQ : non applicable

Les commandes étant payables à l'avance, faitesparvenir votre commande accompagnée du paie-ment (chèque ou mandat-poste) à l'ordre de laBibliothèque nationale du Québec, à l'adressesuivante : Bibliothèque nationale du Québec,Section de l'édition, 2275, rue Holt, Montréal QCH2G 3H1

Pour information ou commande par carte de créditVISA ou MASTERCARD, téléphonez au (514) 873-1100, poste 158 pour la région de Montréal ou,pour les autres régions du Québec, faites le 1 800363-9028, poste 158.