Buytendijk- L'Homme Et l'Animal

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    F. /. /. Buytendijk

    L'homme

    et l'animalESSAI

    DE PSYCHOLOGIE COMPARE

    TRADUIT DE L'ALLEMANDPAR RMI LAUREILLARD

    Gal l imard

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    Tous d r oi t s de t r a d u ct i on , de r ep r odu ct i on et d ' a d ap t a t i onrser vspou r t ous l es pa ys, y comp r i s VU . R . S. S.

    Cet ou v r ageatpu bl ior i gi n el l em en t sou sl et i t r eMENSCH UND TIERd a n s l aRowoh U D eu t sche En zyk l opd i e

    sousl ad i r ect i ond eE r n est oGr ossi .

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    I.

    N ot i on s et p r oblm es

    d e p sych ol ogi e com pa re

    I . L' AC TE R EL ET L' AC TE AP PA RE NT

    La psychologie compare a pour tche d'tudierles analogies que nous constatons d'emble parnotre exprience directe de chaque jour et lesdiffrences dans l'activit de l'homme etdesanimaux.Il s'agit de dcrire les phnomnes et de comprendreleur signification. La question, qui sans cesse se poseau cours de cette tude, concerne la distinction entreY ap pa r en ce et lara l i t.

    Afin d'clairer cette distinction fondamentale,prenons un exemple : de nombreux animaux, enparticulier les mammifres et les oiseaux, soignent,nourrissent et protgent leurs petits. Une mreagit de manire semblable avec son enfant. Sommes-nous alors en droit de supposer chez l'animal un

    amour maternel , c'est--dire une relation avecles petits semblable celle qui existe chez l'homme,et en tout cas porteuse d'une mme signification ?Si nous comprenons la conduite de la mre humainecomme l'expression d'un amour rel (authentique),nous nous demandons si le comportement de l'ani-

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    mal n'exprime pas seulement un amour appa ren t .

    Mais qu'entendons-nous par ces termes de rel etd' apparent ?On a maintes fois soutenu que cette distinction

    rel-apparent tait du seul ressort de la pense phi-losophique, savoir de la mtaphysique, et qu'ellene rpondait pas une conception scientifique.Selon cette opinion, toute science doit se limiter l'tude de lois que l'on dcle dans les phnomnesapparents. Le physicien ne s'interroge pas sur la:ralit de la matire, le biologiste s'occupe unique-ment des manifestations de la vie et non de sonessence relle . Cette thse ne vaut que si l'oncomprend sous le terme de ralit unt r e totale-ment indpendant de l'homme, ce qui est peut-treconcevable dans la pense philosophique, mais n'est

    en aucune faon perceptible directement ou indirec-tement. Si l'on admet la notion de rel avec cettedfinition, le psychologue doit bien videmment re-fuser toute question sur la ralit, c'est--dire surl'en-soi du psychisme. Le problme de l'amourrel et apparent doit alors tre rejet, comme nonscientifique.

    Mais il nous faut voir clairement que dansch a qu edomaine de l'exprience humaine, dans l'expriencequotidienne comme dans celle des sciences, la dis-tinction rel-apparent possde une signification quirepose sur des faitsdcel a b l es.Parmi les phnomnes,c'est--dire parmi les choses perceptibles, il en est derels et d'autres apparents. Y a-t-il rellement l-basdans le brouillard un homme ou un saule qui se dresse,

    ou bien n'est-ce qu'une apparence ? La question estsense et nous pouvons y rpondre aprs un simpleexamen. De mme le physicien peut dcider par desexpriences s'il est rellement ou apparemment enprsence d'une masse. Le biologiste distingue l'h-rdit relle et apparente, le physiologue oppose les

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    Ge lien entre la psychologie compare et la connais-

    sance de l'essence humaine, c'est--dire l'anthro-pologie philosophique, se rattache d'une manireparticulirement convaincante certaines concep-tions qui ont. t formules au dbut de l'poquemoderne, au momentdel'essordessciences naturelles,et qui influent encore sur la psychologie actuelle. Ona pens alors que l'homme n'existe pas dans le mondeen tant qu'unit de corps anim, mais comme un

    corps et une me juxtaposs : le corps fonctionneraitcomme un mcanisme complexe et 1' me spiri-tuelle reoit d'une manire mystrieuse dessensations venues du corps et provoque dans lecorps des mouvements. Au xvii sicle, cette concep-tiond u a l i st e de l'homme conduisit logiquement lathse selon laquelle les animaux seraient des auto-

    mates dpourvus d'me. Ces automates ne voientpas, n'entendent pas, ne sentent pas et ne souffrentpas comme les hommes, ils n'en donnent que l'appa-rence, Cette thse contredit radicalement la convic-tion du profane qui estime que les animaux sup-rieurs au moins sont en relation avec leur environne-ment et avec l'homme, et que leurs mouvementsd'expression sont sans aucun doute lis leurs

    impressions. Elle se trouve donc en si totale contra-diction avec le sens commun qu'il n'est pas un homme,pas un savant qui ait jamais pu croire que seul l'trehumain vitrel l em en t quelque chose et que l'animalne vitqu ' a ppa r emm en t mais est en ralit une ma-chine rflexes complique. Nous comprenons ainsique ces anciennes thses, qui prtendaient voir enl'homme l'interaction de l'me et du corps et en l'ani-mal un corps sans me, faussrent vite la comprhen-sion de l'humain. Selon cette conception l'tre humainn'est en effet etaf or t i o r i l'animal rellementrien de plus qu'une structure physico-chimique com-plexe. Mais dans cette structure certains processus

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    du systme nerveux central sont lis la prsenced'un tat de conscience et par consquent d'un vcu (Er l ebn i s). Ce paralllisme des phnomnesmatriels et psychiques est la base de la positionmth od i qu e de la plupart des psychologues et zoolo-gues contemporains qui s'occupent de recherche com-pare du comportement.

    Un congrs se tint en 1948 aux tats-Unis, auquelse rendirent quelques minents psychologues, phy-

    siologues et psychiatres. On adopta l'unanimitainsi que le rapporte E. Straus - comme un articlede loi l'nonc suivant : Tous les phnomnes ducomportement et de l'esprit peuvent et doivent trefinalement inclus dans les notions de mathmatiqueet de physique V

    Y a-t-il conscience et donc vcu chez l'homme

    et chez l'animal, il semble que l'on n'ait pas prouvle besoin de trancher la question. Si le conscient n'esten ralit qu'unp i p hn omn e qui accompagne desprocessus crbraux, ce serait le devoir de la sciencede se limiter une tude des mcanismes physiolo-giques. Est-ce que cette mission ainsi entendue de lascience conduit une comprhension du comporte-ment humain et animal ? Cela reste contestable. Les

    dfenseurs de la psychologie dite objective rpondentaffirmativement la question. Car ils estiment queles faits fournis par l'exprience courante, commela perception et l'action, les relations affectives etleur expression, la formation des habitudes et laconduite intelligente, peuvent tre bien dcrits, maisSeulement en termes qui correspondent une connais-sance non systmatique et non stricte du quotidien.

    Il y a plusieurs annes on avait mme proposd'viter les termes du langage courant comme voiret sentir, et l'on parlait de faon objective de

    1. E. Straus, Vom Sitin der Sinne, Springer-Verlag, Berlin-Gttingen-Heidelberg, 1956, p. 113.

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    photorception et chmorception. Seules ces expres-

    sions taient justifies d'aprs eux, du point de vuescientifique, car on ne peut que constater le phno-mne physique de stimulation de l'animal ou del'homme par la lumire, les corps chimiques, lesondes sonores, la pression et la chaleur. Et on ne peutrien savoir de plus. On ne peut pas savoir si l'animal,qui ragit ces stimulations, voit, sent et entend rellement . Il est galement impossible de con-

    natrecequ'est objectivement - c'est--dire en ra-lit la sensation, la sensibilit, la perception, l'im-pression subjectives. L'unique mthode pour enapprendre quelque chose serait l'observation int-rieure de l'homme,Yi n t r ospec t i on de la psychologietraditionnelle. Mais c'tait prcisment la scurild'une telle mthode qui tait mise en doute par

    la psychologie objective. Les objections critiquescontre la possibilit d'une connaissance introspec-tive de ces modes de comportements immdiats quisont dsigns par les mots voir, entendre, etc., sonttout fait justes. Seulsl evu,Ventendre, Codeur etl asaveur peuvent tre dcrits sur la base de l'exp-rience personnelle, mais jamais les actes des senseux-mmes qui donnent ces sensations. En conclure

    qu'il est interdit du point de vue de la science deparler d'un acte de voir chez les animaux, comme lesoutient le psychologue amricain Skinner est pour-tant faux. En effet, onnesait galement chez l'hommes'ilavu quelque chose quel or sq ueson comportementpar exemple un mouvement de dfense (ou encoreune dclaration verbale), en tmoigne indubitable-ment. Il peut donc arriver que nous ignorions siun homme a vu quelque chose. C'est le cas, parexemple, lorsque le comportement correspondant(ou l'expression verbale) manque ou ne peut tre

    1. B. F. Skinner, Behemorof Organisme, New York, 1938.

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    compris par nous comme une raction sense ce

    qui a t vu.Notre jugement du comportement animal n'estpas diffrent. Lorsque Skinner rejette l'emploi dumot voir comme non scientifique, mais autorisel'expression regarder vers (tol ook t ow a r d s) , il sefonde sur l'ide que voir signifie davantage quetourner les yeux vers une source lumineuse, ou encoredavantage que la simple rception de stimuli(si m p l erecep t ionofst i m u l i ) .E. Straus ajoute trs justement: Le psychologue objectif omet de voir que ce quivaut pour l'animal observ doit valoir pour l'observa-teur. A l'inverse, ce qui ne vaut pas pour l'observa-teur ne saurait valoir pour l'organisme observ.Mais, dans la pratique de la science, personne nerespecte de telles contraintes dictes par la thorie.

    Bien sr!Mais pourtant : il nous faut distinguer unacte de voir rel d'un acte apparent, de la mmefaon que nous avons distingu l'amour rel del'amour apparent. C'est toujours l'analyse des ph-nomnes observs (de mme que pour juger un acte)qui tranchera le dbat ; et nous n'analyserons passeulement des actions isoles, nous tudierons leursrapports avecYi m age g l oba l eque nous possdons de

    l'animal. Nous obtiendrons scientifiquement cetteimage globale en rapprochant les observations quenous faisons dans les divers domaines de la connais-sance. L'anatomie et la physiologie compares, lesmodes de vie, la multiplicit et la diffrenciation desactions motivent notre jugement du cas particulier.

    Comment dcidera-t-on, par exemple, si une larve

    de mouche voit rellement la lumire dont elle sedtourne ou si elle ragit comme un automate lastimulation lumineuse, de mme que la pupille del'homme inconscient se rtracte quand elle est frappepar un rayon? Mais comment devrait-on expliquerla raction de la grenouille qui attrape des mouches ?

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    Voit-elle rellement sa proie, et cela une distance

    telle que nous ne pouvons distinguer aucun mouve-ment, ou bien voit-lle seulement quand elle se dirigevers la proie pour tirer la langue de plus prs ? Snous adoptons le point de vue de la psychologiedite objective, nous ne distinguerons alors que desstimulations actives et inactives, des processusdu systme nerveux central et des contractions mus-culaires coordonnes, provoques par ces phno-

    mnes. La grenouille - mais aussi le chat neserait alors pour l'observateur qu'un mcanismephysiologique. Ge mcanisme ne ferait que voir,attendre, suivre du regard, attaquer, saisir, avalera p p a r emmen t . Si l'on estime que les grenouilles etles chats fontr el l em en t quelque chose, on peut sedemander s'ils le font comme les tres humains. Ou

    bien doit-on penser qu'ils agissent dans une certainemesure de faon analogue, mais toujours a lamanire de la grenouille ( f r osch a r t i g ) et lamanire du chat (hatzenart ig). Tout le problmede la psychologie compare revient donc rpondre la question dcisive : est-ce que les actions desanimaux (et des hommes) constituent des actesrel soua p p a r en t s ? Dans le premier des cas, la psychologie

    compare est une tude compare du comportement ;dans le deuxime, il s'agit d'une physiologie ana-lytique compare.

    II . LE CO MP OR TE ME NT ET LA SI TU AT IO N

    Nous appelons acte relun com po r t em en t . Dansnotre exprience de l'homme cette notion possdeune clart vidente. Le comportement est une ma-nire d'tre et un vnement qui correspond un

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    rapport, c'est--dire une relation intelligible avec

    quelque chose, que ce soit un objet ou un ordred'objet, ou encore des formes, des couleurs, des sons,des odeurs, des tres vivants, des congnres, desmots, des ides, des souvenirs, des projets, des ima-ginations, des souhaits, des esprances, etc. L'hmma avec tout ce qui d'une faon ou d'une autre lui est donn une relation, un rapport.

    Quelque chose estt ou j ou r s donn l'homme aussilongtemps qu'il n'est pas inconscient, par consquentmme quand il se repose ou qu'il dort. En dehors desdonnes des rves diurnes ou nocturnes, l'hommequi se repose ou qui dort a toujours une relationavec son corps. Cela se voit dans sa manire d'tre>l'attitude physique qu'il prend et modifie l'occa-sion. Tant que l'homme est M, c'est--dire n'est pas

    t o t a l emen t inconscient, totalement dpourvu d'unesensibilit, d'une perception, si imprcise et flouesoit-elle, il est dans une relation qui correspond son comportement. L'tre inconscient ne vit (erlebt)rien au sens qu'il ne ressent pas, il vgte(lebt)commevgte une plante ou un organe, par exemple commele cur d la grenouille que le physiologue fait sur-vivre l'animal tu dans certaines circonstancesappropries. Cet tre vgtatif se trouve en un lieu,dans l'espace physique ; mais il ne vit pas quelquepart , au contact de quelque chose , dans quel-que chose . Il montre des manifestations de vie, maisil n'prouve rien, il ne fait rien. Ressentir, c'est tou-

    jours dcouvrir (J edes Em p f i n d eni st ei n Fi n d en [Klages]) et tre quelque part, avec, dans , c'est

    ce que nous appelons tre en situation , conditionabsolue de tout comportement.

    Dans cette courte explication de la notion de com-portement nous sommes partis de l'exprinc subjec-tive immdiatedel'homme et nous avons utilis l'oppo-sition courante de la conscience et de l'inconscience.

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    Dans la psychologie compare, que nous nous pro-

    posonsd emener en tant qu'tude du comportement,nous devons pourtant nous carter du concept deconscience. Un simple examen du comportementhumain le dmontre. Non seulement en psychologiemais encore dans l'exprience quotidienne, noussommes obligs de distinguer encore d'autres tatsde l'tre humain que ceux que l'on entend par con-science (tre connaissant) et inconscience. L'homme

    connat par son exprience de lui-mme deux formesde conscience. Il peut percevoir les choses, et il peutsavoir qu'il les peroit. Il peut voir une couleur rougeet savoir qu'il la voit. C'est pourquoi l'on distingueune conscience rflchie d'une conscience irrflchie.L'tre sans rflexion devant les choses et le compor-tement sans pense ne sont d'ailleurs pas nettement

    spars de la rflexion et on ne peut pas toujours lesdistinguer.Si je veux par exemple descendre l'escalier, je suis

    en position de sortir et je vois la srie des marchesainsi que le vestibule en bas et ventuellement mmela porte de la maison. Mais je ne me rends pas compte de ce que je vois, je ne me reprsente nila dclivit et la hauteur de l'escalier, ni lataille des marches et la distance jusqu' la porte.Je ne suis conscient d'une manire d ailleurs assezvague que de mon orientation vers la rue que jepeuxgagner en descendant l'escalier, en traversantle vestibule et en ouvrant la porte de la maison. Ce pouvoir qui n'est pas du tout une reprsentation,un projet ou une pense, dtermine ma relation avec

    la situation et mon comportement que je mne bien sans penser, par une corrlation directe de lavue et de l'acte. Bien que cette corrlation soit ce point directe que je descends comme on dit

    justement presque en automate cet escalier fami-lier, je nesu i spourtant pas un automate. Ce que je

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    vois estsi g n i f i a n t , ce que je fais a une relation de

    signification avec ce que j'ai vu.Cet exemple doit nous convaincre que la relationdu comportement avec la conscience ne peut presquepas (en ralit pas du tout) tre dchiffre, mmedans les activits humaines les plus simples. Il res-sort donc de l'exprience quotidienne que nous nedistinguons pas seulement la conscience de l'incon-science, la conscience rflchie de la conscience irr-flchie, mais encore que nous devons parler d'uneconscience claire et diffuse, conscience de la situationdu Moi, du corps, du pass et des vnements venir.

    L'exprience individuelle de l'homme l'clair enoutre sur de nombreuses formes de l'illusion. Il d-couvre qu'il n'est le plus souvent pas conscient de sesprojets et de ses souhaits. L'analyse scientifique de

    ces illusions a, comme on le sait, conduit la notiond ' i n consc i en t . Cette notion comme celle de subcon-science, de conscience latrale et la distinction djcite de la conscience claire, trouble et obscure, sontdes moyens pour relier les forme de comportementobserves et les expriences personnelles de l'hommeet pour tenter de les comprendre.

    Nous n'avons indiqu ces formes de consciencehumaine que parce que l'incertitude des termes faitque, en psychologie compare, la notion de con-science ne doit tre utilise qu'avec les plus grandesrserves. On a souvent rpt que nous ne savonsrien de la vie intrieure des animaux, parce quenous n'observons que leurs mouvements et leur atti-tude. Mais ceci est galement valable pour beaucoup

    de nos semblables et d' ord pour les petits enfants,qui ne savent pas ou presque pas exprimer en parolesleurs expriences.

    Nous ne pourrons donc relier qu'indirectementet sous toutes rserves l'tude des diffrences et desparents de l'homme et de l'animal avec l'examen

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    des diffrentes formes de conscience. L'image globale

    du comportement nous autorise en fait penser queles animaux suprieurs peuvent non seulement res-sentir mais encore percevoir, qu'ils savent non seu-lement acqurir des habitudes mais encore se fixerdes buts et les atteindre ; mais cette opinion repose,comme chez l'homme, sur l'observation et la com-prhension des activits dans le cadre d'une situationdonne.

    Nous avons dit que le comportement est la mani-festation d'un rapport intelligible entre un hommeou un animal et son entourage du moment. L'obser-vateur ne comprend jamais le comportement qu'partir de lasi t u a t i on .Imaginons, par exemple, qu'unanimal saisit une proie : les mouvements des pattes,l'ouverture et la fermeture des mchoires sont en

    soi dnus de sens. Ces mouvements n'acquirentune signification donne pour l'observateur que dansleur rapport avec la situation. Si l'on observaitun i q uemen t le mouvement comme un film donton aurait effac de l'image tout l'entourage de l'ani-mal y compris la proie , on pourrait supposer alors,mais non pas voir, ce que fait l'animal. La signifi-cation de l'activit animale ne se montre donc qu'en

    liaison avec le contenu sens de ce secteur structurdu monde que nous appelons une situation. Maisl'inverse est vrai. On ne connatra la situation d'unmulot qui reste immobile dans un coin ou qui semeut rapidement qu'en relation avec le comporte-ment de l'agresseur : il s'agit alors d'une proie qu'unchat a remarque et qui tente de fuir ou de se cacher.

    En gnral nous ne parlons de fuite ou de tentativede se cacher que lorsque nous considrons la dispo-sition d'un lieu non comme une structure physiquemais comme des places dcouvertes, des recoins, destrous qui peuvent signifier pour un animal poursuiviun danger ou un abri sr. Mais l'acte le plus simple

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    de l'homme ou de l'animal, par exemple marcher ou

    nager, peut tre compris par l'observateur commeun comportement parce que nous reconnaissons lesol et l'eau comme situations, c'est--dire dans unrapport significatif avec le poids et les mouvementsdes extrmits.

    Pour expliquer l'unit du comportement et de lasituation nous choisirons un exemple dans l'activithumaine. Supposons que nous passions un soirdevant une maison et que nous apercevions par unefentre dans une pice claire un homme qui lveun bras ; nous ne savons pas ce que signifie ce geste.Mais nous l'apprenons bientt lorsque nous contem-plons l'ensemble de la situation et que nous obser-vons l'volution du geste en relation avec la trans-formation de cette situation. Cet exemple montre

    qu'il ne nous est pas possible de reconnatre la con-duite de l'animal et de l'homme si nous ne pouvonsau pralable tablir un rapport significatif entrel'acte et une situation, et entre celle-ci et l'acte.L'exemple nous apprend en second lieules activitsanimales dont nous avons parl plus haut nous l'ap-prennent galement que seuleYu n i td'unesu c-cessi on t em por el l e de mouvements possde le carac-

    tre de comportement. Cette unit est signifiante ;en elle chaque moment possde une significationpropre en relation avec le prcdent et le suivant.Aussi a-t-on appel, non sans raison, le comportementune mlodie du mouvement. Si nous voulons conser-ver cette image, en pensant que la mlodie, forme tem-porelle, reprsente bien une unit significative, compo-

    se de parties significatives, il nous faudrait ajouterque cette mlodie du mouvement est chan te pour ainsidire a deux voix *: par la situation et par le sujet se comportant qui tous deuxa ccor d en tleur voix

    1. Cf. Jakob von Uexkll, Bedeutungslehre, t. XIII , 2e d.,Hambourg, 1958, p. 141 sq.

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    Cette comparaison du comportement avec une

    composition musicale nous fait remarquer que notreperception dpend, l'intrieur de certaines limites,de la rapidit de l'excution. Si nous augmentonsla rapidit d'excution d'un mouvement de manireapprciable, ce que nous pouvons raliser facilementpar une projection cinmatographique approprie,l'expression se modifie alors de mme que changepartiellement la signification. Nous nous rappelonsces tout premiers films o les gens se mouvaient tropvite. On voit bien qu'ils se saluent, qu'ils traversentla rue, qu'ils s'assoient, se lvent, mangent, boivent,saisissent ou posent un objet, etc., mais le temps-rapide cause une invitable surprise et peutmme aller jusqu' provoquer le rire. De mme ungrand ralentissement nous empche de comprendre

    un mouvement comme une activit significative. Laprojection cinmatographique qui reproduit au ra-lenti un exploit sportif en vient disloquer l'unitde la mlodie du mouvement.

    Mais si le mouvement humain ne prend son senspour nous que quand sa vitesse est peu prs nor-male , nous nous demanderons bon droit si lanature du comportement de beaucoup d'animauxen mouvement ne reste pas cache notre observa-tion par une excution trop rapide ou trop lente.Mais aussi, l'inverse, le droulement d'un mou-vement que nous observons pourrait tre faussementinterprt comme un comportement. Il existe desfilms qui prsentent d'une faon acclre la crois-sance d'une plante, l'panouissement d'une fleur,

    le mouvement d'une vrille autour d'un chalas, l'clo-sion d'un uf. Le spectateur interprtera aismentces croissances vgtales et ces volutions animalescomme autant d' actes , de comportements, etpourtant il s'agit l d'une illusion de la perception.Apparemment la plante s'allonge vers le haut, la

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    fleur 'ouvre comme la main d'un homme, la vrille

    se love comme un serpent autour du bton, l'ufse transform en un animal. Le droulement rapidede la division d'une cellule ou de la phagocytose(mouvement des globules blancs du sang vers lesbactries et leur ingestion dans le protoplasme) nousdonne dj l'impression d'un mouvementa u ton om e.Mais des processus mcaniques et machinaux peu-vent dans certaines conditions simuler un mouvementautonome alors que nous n'avons l absolument pasde comportement, c'est--dire de relation significa-tive avec une situation comprhensible. Dans laphysique classique on parlait d'unet en da n ce l'tatd'quilibre, on parlait de corps qui s'attirent ouserepoussent. On expliquait, il est vrai, ce mouvementautonome perceptible par des puissances hypothti-

    ques (non perceptibles) appeles forces qui causent lemouvement autonome apparent. Quand nous disonsqu'une machine saisit quelque chose, qu'elle fabriquedes cigarettes, qu'elle imprime et plie des journaux,tandis que d'autres machines modernes calculent etmme jouent aux checs, il s'agit encore d'une illu-sion de la perception car le mcanisme compliqun esecom por t eni envers un problme mathmatique

    ni envers une situation de jeu.Pour l'homme de la rue naf, le mouvement d'un

    mcanisme, d'une montre par exemple, apparatais comprendre. La pression et l'impulsion sontdes notions qui reprsentent nos yeux la cause(la chose) d'un dplacement, et que nous connais-sons par notre exprience matrielle. Mais la physi-

    que moderne a dmontr que toute action des partiesvisibles ou supposes matrielles se produit dd i s-t ance . Nous ne pouvons pas imaginer cette action distance, c'est--dire que jamais nous ne pouvonsla comprendre directement par notre perception.C'est pourquoi la reprsentation du monde en phy

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    sique atomique ou en astrophysique ne peut tre

    imagine concrtement. Heisenberg nous enseigneque les lois de la nature que nous formulons math-matiquement dans la thorie quantique ne traitentplus des particules lmentaires en soi, mais denotre conna i ssance des particules lmentaires1 .Il est essentiel, pour tablir une science autonomedu comportement de l'homme et de l'animal, que lascience exacte de la nature, science de notre temps,ne prtende pas tracer une image dfinitive de lanature ; le problme est au contraire d'obtenir u n ei m age de nos r app or t s avec l a n a t u r e. L'anciennedivision du monde en un droulement objectif dansl'espace et le temps, d'une part, et, d'autre part,en l'me dans laquelle se reflte ce droulement... neconvient plus comme point de dpart pour l'tude

    de la science^naturelle moderne. (Heisenberg,op. c i t .)Ces quelques remarques de Heisenberg suffisent pourrejeter en son principe la psychologie dite objectivequi prtend assimiler tout rapport d'un tre vivantavec son entourage un processus physique.

    Retournons prsent aux diverses apparencesque revt nos yeux le mouvement autonome de

    l'homme et de l'animal : nous en venons la conclu-sion que tous les mouvements autonomes observsne sont pas des comportements. Le mouvementvivant au sein d'une cellule, par exemple au coursde la division cellulaire, le mouvement des partiesde la plante ainsi que la formation des diffrentesstructures d'un germe, au cours de son dveloppe-ment, ne sont certes pas comparables des proces-

    sus physiques ; mais leur image est pour nousfacile distinguer de 1' image des tres vivantquelque part, avec et dans , qui se meuvent etprouvent des sensations et qui reprsentent une

    1. W. Heisenberg, La Nature dans la physique contemporaine,Gallimard, coll. Ides.

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    relation significative avec leur situation. De mme

    que l'image physique du monde est dfinie par lesprincipes mthodiques de la physique et, causede cela, s'est modifie avec l'apparition de mthodesmodernes, de mme la connaissance biologique n'at rendue possible que par Vide de Vorganismela connaissance psychologique que par Vide ducomportement.

    Nous concevons toute organisation, toute forme(Gestalt) comme une unit dont les parties sont liespar un rapport de signification et qui donc prsenteun ordre intrieur, une loi intime (Gthe). Cetordre peut nous apparatre dans la forme vivantecomme un ordre logique, orient vers un but, unordre conomique ou technique, ventuellementcomme un ordre esthtique et mme normatif (thi-

    que). En tout cas, l'objet de la biologie est impen-sable sans les units de signification qu'une consciencey trouve et voit s'y dployer 2 .

    L'organisme, la plante qui crot, le germe qui sedveloppe, la cellule qui se divise n'est pas seule-ment une forme mais une forme qui en produitd'autres, chantante mlodie (cf. Jakob v. Uexkull).Cependant l'organisme vit pour lui-mme, en lui-mme, et le milieu n'est que la condition indispen-sable son tre qui se dploie de faon exstatique (Scheler). On ne peut pas expliquer la vie lmen-taire, par exemple le dveloppement organique, pardes structures caches dj en place. Ruyer dit avecraison que ce serait folie de croire que la structurecomplique du systme nerveux est dj prforme

    dans le code-script de l'uf 3

    .1. K. Goldstein, Der Aufbau desOrganismus,Nijhoff, La Haye,

    1934, p. 242.2. M. Merleau-Ponty, La Structure du comportement.. P. U. F.f

    Paris, 1942, p. 218.3. R. Ruyer, Finalit et instinct , in : L'Instinct dans le com-

    portement des animaux et de l'homme, Masson, 1956, p. 758.

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    L'organisme animal et humain ne fait pas que

    vivre, ilexi st e, e'est--dire qu'il cre une relationavec l'entourage. L'entourage n'est pas seulementla condition ncessaire au processus vivant intra-organique, mais il existea vec l'animal ou l'homme,pou reux ett r a v er s eux en tant que structure signi-ficative. Cet entourage vivant avec , vcu et for-m, s'appelle l'environnement de l'animal, le mondede l'homme. Nous serons amens reparler encore

    de la distinction fondamentale entre les notionsd'environnement et de monde. Ce qu'ils ont encommun, c'est qu'ils sont constitus tous deuxda n sle comportement et qu'ils appellent etf aon n en t cedernier. Nous voyons dans cette corrlation indis-soluble une parent entre l'homme et l'animal quenous exprimons par le terme desu b j ect i v i t.

    Le terme de sujet est plus large que celui deconscience. Ce terme dsigne un mode d'existencequi s'affirme comme le fondement d'une rceptivitaux significations intelligibles et en mme tempsd'une activit qui cre ces significations et y rpond in-telligemment. L'animal se montre nous dj commeune subjectivit regarde1 . Nous constatons quequelque chose a pour lui la signification de nourri-ture, de but, de danger, de congnres, etc. Ce n'estqufe par l'observation de ce comportement que noussavons que ces significations existent pour le sujetanimal. Mais le comportement ne nous est intelli-gible que si nous comprenons les mouvements et lespositions du corps non comme des contractions demuscles, qui sont lies des phnomnes du systme

    nerveux, mais comme des actes qui sont orientsvers une situation, bref, comme l'expression d'unesignification vcue et d'une activit intentionnelle.

    4. V. v. Weizscker, D er Ges t a l l l i r e i s , Georg Thieme Verlga,Stuttgart, 1947.

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    autre. Michotte1a montr la suite de nombreuses

    expriences dans quelles conditions l'hommeperoitdirectement, sans rflexion et argumentation, cer-taines relations causales comme repousser, carter,entraner, etc. Nous reconnatrons de mme, nonpas partir d'une dduction analogique mais ennous appuyant sur une signification immdiatementperceptible, une fuite, une agression, une prise denourriture, une attente, une tentative de se cacheret beaucoup d'autres modes de comportement. Cesconditions peuvent tre remplies mme si nous som-mes en prsence non pas des animaux ou des hommesrels mais de reproductions images. Nous observonssans difficult un comportement dans un film, undessin anim et mme si nous avons, la placed'animaux fictifs, uniquement des points, des traits

    ou des figures gomtriques qui se meuvent d'unemanire approprie. Cela n'est il est vrai possibleque s'il existe de faon explicite ou implicite unesituation correspondante. Il est connu que les dessinsanims sont agencs de telle sorte que la situationet les modes de comportement apparaissent spci-fiquement humains.

    Nous interprtons aussi de prfrence l'activitdes animaux domestiques qui nous entourent, enparticulier les manifestations affectives, dans unsens humain. Nous interprtons donc ce que nouspercevons dans un sens anthropomorphique et cetteinterprtation, comme tout mouvement de l'ima-gination, ne nous engage en rien. Lorsque nousdisons par exemple que le chat qui somnole est en

    train de philosopher , que le chien qui montre del'impatience pense au repas imminent, et qu'ilpose une muette question lorsqu'il nous regarde,nous interprtons. Cette tendance humaniser les

    i. Perception de la causalit, d. de l'Inst. Sup. de Philos.,Louvain, 1946.

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    animaux a amen toutes ces histoires, anecdotes et

    pomes o les personnages sont des btes. L'histoiresuivante est un exemple extrme d'anthropomor-phisme et, par suite, un exemple de perceptionfausse et de description inexacte. Romanes1 nousl'a transmise d'une dame australienne qui l'avaitrapporte laLinnean Society :

    Dans un nid de fourmis appeles fourmis guer-rires, on procda l'enterrement de quelques cama-rades tues de la faon suivante : Toutes les fourmissortirent deux par deux en file rgulire et gagnrentl'emplacement o gisaient les morts. Deux fourmiss'approchrent, soulevrent le cadavre d'une de leurscongnres, puis deux autres firent de mme etainsi de suite jusqu' ce que tous fussent chargspour le dpart. En tte marchaient deux fourmis

    qui portaient un corps, puis deux autres suivaient sanscorps, puis nouveau deux avec une fourmi morte,etc., de telle sorte que le cortge comptait quarantepaires. La procession s'avanait lentement, suivied'une foule d'environ deux cents insectes, sans ordre.

    De temps en temps, deux fourmis porteusess'arrtaient, dposaient la fourmi morte, et les deuxsuivantes qui ne portaient rien la soulevaient leurtour. De cette faon, en se relayant les unes lesautres, elles arrivrent sur un endroit sablonneuxau bord de la mer. On creusa l une tombe particu-lire pour chaque mort. Six ou sept fourmis tentrentde s'esquiver sans donner leur contribution latche commune. Mais elles furent aussitt rattrapes,ramenes et toute la foule des fourmis les attaqua

    et les tua sur-le-champ. On creusa pour elles unefosse commune dans laquelle on jeta les cadavres. Il n'est certes pas toujours ais de comprendre

    clairement le comportement et la situation la-

    1. Romanes, Animal Intelligence, New York, 1883.

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    quelle il est reli de faon significative, sans rajouter

    des interprtations, des opinions et des suppositions.Nous devons tudier la situation avec soin, et celanon seulement au moment du comportement, maisencore au cours de sa transformation dans le temps.Nous devons savoir ce qui a eu lieu auparavant etce qui suit. Cela semble trs simple, mais c'est unetche dlicate, car ce qui s'appelle ici situation n'estune situation qu'en fonction de l'animal. Nous devons

    chercher savoir comment le monde environnantpeut apparatre l'animal. Quel est le monde qu'il peroit? Quel est l'espace, le temps pour lui?Qu'est-ce qui est proche ou lointain pour lui?Connuou nouveau ? Seule l'exprimentation scientifique laplus rigoureuse peut nous clairer.

    La science a pour tche de fournir un systme des

    formes du mouvement, formes qui correspondentaux diverses relations des animaux avec leurs envi-ronnements. Et cela n'est possible que si nous tu-dions ces diverses relations partir des situations.Il existe des situations quet ou sles animaux peuventconnatre. Elles appartiennent l'essence de l'treanimal. C'est pourquoi certaines sortes de compor-tements telles que la fuite, l'approche, le sursaut defrayeur, l'acte de saisir sont possibles pour tous lesanimaux. Nous ne sommes pas anthropomorphistesquand nous disons : une fourmi fuit, un escargots'arrte effarouch, un poisson s'approche de la p-ture, une araigne saisit une mouche. Cependant ilnous faut bien noter que nous usons l de termesqui ne sont pas utilisables pour la matire inanime

    ou pour le monde vgtal.Certains animaux, d'autre part, prsentent desformes de comportement particulires : ils menacent,ils cherchent, ils attaquent, ils hsitent, ils vitentle combat, ils se cachent, ils jouent, etc. Nous tu-dierons ce point plus en dtail.

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    l'animal devient une structure physiologique com-

    plexe au sein de laquelle, comme dans tout mca-nisme, les processus se droulent en un enchanementcausal (non significatif). Nous lisons plus loin : Dufait que les stimulations extrieures ainsi que leshormones influencent normalement, travers lesystme nerveux, le comportement! nous devrionsen troisime lieu tudier le phnomne nerveux.

    La question dupou r q uoi causal n'est d'ailleurs pas

    la seule. Tinbergen, comme tous les biologistes, nepeut gure s'empcher de poser la question dup ou r - quo ifinal (par exemple au sujet de l'attitude comba-tive). Nos expriences nous apprennent que l'atti-tude combative de l'pinoche mle effraie et chasseles autres mles. Nous en concluons qu'il combata f i n de protger son domaine contre leurs incursions.

    Exprime d'une manire plus objective : la signifi-cation biologique de ce comportement, c'est l'vic-tion des autres mles. Cette explication est trsconvaincante, mais qu'est-ce que la question desprtendues causes a faire avec celle des encha-nements de significations ?Ruyer dit trs justement propos de l'extrait cit : C'est une folie de penserque l'on puisse lire dans le systme nerveux central

    la construction du nid ou le vol de l'oiseau. C'estpourquoi Watson, le fondateur du behaviorisme, asoulign que l'tude objective du comportement n'arien faire avec la physiologie.

    L'analyse physiologique causale peut expliquer)eut-tre certaines fonctions de ces organes dansesquels la vie est rduite des structures qui n'en

    produisent pas de nouvelles. Pour le comportementdu sujet, on peut comprendre le corps soit commeun systme de conditions inintelligible, soit comme lamatrialit (Leiblichkeit) du sujet, c'est--dire commeune situation significative sur laquelle s'appuie touterelation avec les situations extrieures. Certes, il

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    tifs ou nous pouvons encore nous garer ; nous savons

    que c'est la tche de la psychanalyse que de chercherles mobiles authentiques de l'activit.Dans une tude scientifique de pyschologie compa-

    re, il nous faut distinguer exactement les termes decause, de condition et de motif. Si l'on omet de lefaire, la science du comportement se trouve toujoursembrouille dans des conceptions naturalistes.C'est le cas, par exemple, lorsque l'auteur amricain

    Young soutient l'opinion selon laquelle tout compor-tement, qu'il recherche un but ou non, est motiv(mo t i va t ed), c'est--dire est causalement dterminpar la libration ou la transformation d'nergie 1 .Ce psychologue estime que le problme de l'interpr-tation en psychologie compare dpasse le problmede la motivation. Le comportement est command

    par beaucoup de facteurs. Le psychologue tented'clairer les faits du comportement dans diffrentesdirections, savoir : 1 les dispositions hrditaires ;2 la constitution (par exemplelesactions hormonales) ;3 la distribution extrieure et intrieure des stimuli ;4 la conformation du corps, en particulier la struc-ture du systme nerveux ; 5 le milieu sociologique.

    Selon cet auteur, le psychologue recherche aussifinalement une explication dans les expriencesconscientes de l'homme. Les vnements affectifs,les buts et les espoirs conscients, les souvenirs, l'in-fluence d'une exprience prcoce sur la perceptionont une signification particulire pour la connaissancedes motifs humains.

    Mais le psychologue objectif considre toujours

    la motivation comme un processus dynamique qui sedroule Vi n tr i eu r de l'organisme. C'est pour celaque l'on parle d'instincts, qui sont lis par exempleau maintien d'un tat intrieur constant (ce qu'on

    1. P. Th. Young, Motivation ol Animal Behavior , in:Comparative Psychology,d. C. P. Stone, New York, 1951, p. 62 sq.

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    appelle l'homostasie), instincts de la reproduction ou

    de la sauvegarde des petits. En fait on peut adopterpour chaque comportement un instinct particuliercomme motif (au sens de cause). Quand un animalou un enfant joue, il s'agit l d'un instinct de jeu.Ainsi Young parle dans son trait d'un instinctd'exploration (chez les rats), d'un instinct de manipu-lation (chez les singes), d'un instinct de fuite devantla douleur, etc. Il est clair que ce terme d'instinct

    appliqu chaque acte sert simuler une connais-sance des causes du comportement, et en ce senscherche sauver la face d'une psychologie objective(naturaliste). Pourquoi admettrait-on, par exemplechez l'pinoche, uniquement un instinct de reproduc-tion et non un instinct de combat chez le mle ainsiqu'un instinct de poursuite, un instinct de rivalit,

    etc. ? Les excitants extrieurs qui conditionnent lemode de comportement joueraient alors pour l'ins-tinct le rle de dclencheurs. On peut, en observantquantits d'activits caractristiques d'une espce,par exemple l'dification du nid de gupes, distinguerdiffrentes activits partielles. Chacune de ces acti-vits partielles possde-t-elle sa cause, son nergiemotrice, son rapport avec une signification ressentie ?

    L'instinct doit avoir peu prs la signification d'unfacteur causal interne, qui provoque certaines stimu-lations et, l'occasion, certaines inhibitions et libra-tions.

    Dans une machine, on peut distinguer, d'une part,l'nergie motrice, d'autre part, le mcanisme mis enmouvement. Pourquoi transposer cette image et les

    notions correspondantes, lorsqu'il s'agit de comporte-ment?On ne le fait que parce qu'on considreap r i or il'explication mcaniste commelaseule vraiment scien-tifique.

    L'emploi de termes physiques et techniques appli-qus des phnomnes psychologiques nous conduit

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    effacer les diffrences fondamentales entre l'vne-

    ment dpourvu de signification et l'attitude signifi-cative. Veut-on vritablement savoir si la notiond'instinct, d'impulsion intrieure (Tr ieb) a un sensdans le domaine du comportement, il faut alors tu-dier un comportement qui soit d'une faon indu-bitable le rsultat d'une impulsion. Rappelons doncnos propres expriences. Nous connaissons certainsrapports entre notre moi et notre personne phy-

    sique qui sont exactement dfinis par le mot d'ins-tinct. Quand nous ressentons la faim, la soif, unedifficult respirer ou encore le froid, nous sommespousss certaines activits. Cette impulsion peuttre faible et se manifester par une lgre tension ouinquitude, par une impression de besoin. Elles'exagre parfois jusqu' nous dchirer et nous dses-

    prer. Ce que nous ressentons dans notre corps a lesens d'une force qui nous domine et cela sans autrecaractre que celui d'une impulsion. L'insatisfac-tion qui accompagne cet tat prsente diffrentsaspects. La soif se manifeste par le desschementde la muqueuse buccale, la faim par des crampesd'estomac et des vertiges. Nous distinguons trsnettement la force de l'instinct, des sensations d'in-

    satisfaction qui l'accompagnent, quand par exemplenous avons une impression de difficult respirer.Essayons de retenir notre respiration : nous prou-vons une tension et une inquitude croissantes. Sinous observons exactement ces sensations physiques,nous constatons qu'elles n'annoncent pas en fait unmouvement d'inspiration. Quand, malgr nous, cemouvement se produit, nous nous sentons librsde la force obscure de l'impulsion. L'impressionde manque d'air monte en nous comme un processusdynamique indpendant de nous (analogue en cela tout manque ), jusqu' devenir impulsion d'une ins-piration. Et cette impulsion estp r ou vecomme cause.

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    qu'il s'agit l d'un aspect, c'est--dire d'une caract-

    ristique apparente. Il existe des motifs qui se pr^sentent dans une certaine mesure comme des causes.Mais nous ne pouvons nous en autoriser pour iden->tifier les mobiles du comportement avec des proces-sus dynamiques. Dfions-nous de la notion d'im-pulsion interne , dclare un des plus minentsspcialistes anglais de l'tude du comportement,D. Lack1. Cette impulsion interne est d'une part

    une entit distincte qui propulse le mcanisme ducorps, elle est par ailleurs une partie de cette ma-chine et la production mme de cette machine. Cettenotion peut utilement servir de terme de compa-raison. Mais si l'on en abuse, elle nous engage dansdes difficults inextricables. Nous savons que lathorie des instincts, la notion d'unel i b i d o nergie

    et mainte autre interprtation mcaniste de la viespirituelle ont induit la psychologie dite dynamique,base sur les conceptions de Freud, des vuesschmatiques et errones sur la nature humaine.

    Nous pouvons observer la diffrence entre le motifet la cause, en tudiant chez l'homme et chez l'ani-mal sang chaud la raction au froid. Le refroi-dissement cutan est suivi, on le sait, d'un grandnombre de modifications vgtatives : diminutionde la circulation superficielle, augmentation deschanges organiques, et, chez les mammifres, h-rissement des poils. Paralllement l'homme et l'ani-mal font quelque chose : leurs muscles se tendent,ils tremblent, ils rduisent la surface extrieure deleur corps en se pelotonnant sur eux-mmes, ils

    cherchent un coin abrit, etc. L'homme sait, parsa propre exprience, que ces ractions de rgulationsont suscites par la sensation de froid. Si cette

    1. D. Lack, Some Aspect of Instinctive Behavior and Displayin Birds. The Ibis, 1941, p. 419 ; cit par A. Portmann dans

    Dos Tier als soziales Wesen.

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    sensation fait dfaut, par exemple si le sujet est

    sans connaissance, un refroidissement violent d-termine un abaissement de la temprature interneet peut amener la conglation des membres. Il enest de mme chez l'animal, l'observation le montre.Le simple frisson involontaire est dj une ractiondirecte la signification de refroidissement. Lasituation significative suscite le comportement quiy rpond. Il suffit de suggrer la sensation de froidpour motiver le comportement correspondant. Lasignification de cette situation suggre suscite nonseulement le tremblement et la tension musculairemais aussi, jusqu' un certain point, la diminutionde circulation superficielle. Il y a des personnes qui l'autosuggestion (la reprsentation) du refroidisse-ment ragissent l'endroit o elles l'imaginent, sur

    les bras par exemple, et c'est la chair de poule .Nous mentionnerons par la suite d'autres ractionsvgtatives motives (non causes), o, comme dansce cas du refroidissement, ce n'est pas le stimulantphysique qui agit, mais sa signification.

    Nous avons constat que la faim peut prsenterl'aspect d'une force impulsive. Mais nous savonsque l'homme et mme l'enfant prouve lasensation de faim avec des significations varies quidpendent de la situation o il se trouve. La faimest lie l'apptit. Et cela non seulement chezl'homme, mais aussi chez l'animal. L'instinct defaim n'est pas simplement l'exact correspondantd'une baisse de la teneur du sang en glucose. L'tatphysique ressenti dpend d'un contexte compliqu.

    Nous en avons maints tmoignages dans les coutumeslies aux repas et la nourriture : crmonial dumanger, influence des sentiments affectifs : sympa-thie, haine, colre, angoisse, chagrin, souci, etc.L'instinct, d'apparence purement physiologique,peu tprendre la signification d'une disposition

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    IV. T AT CE NT RA L

    OU DISPOSIT ION AF FE CT IV E

    Le traducteur a annex l'dition allemande dulivre de Tinbergen un rpertoire des expressionstechniques allemandes et anglaises. Il y traduit leterme de motivation par celui de S t i mmu n g(disposition spcifique l'action). Le contexte mon-tre que l'auteur, d'accord en cela avec la psychologieobjective amricaine, entend cetteSt i mm u n g commeun tat physiologique du secteur central . Il yvoit ce que Young dsigne dans son trait sous

    le nom de G. M. S. (central motivating state), c'est--dire un tat du systme nerveux, un tat d'excitationet d'excitabilit des lments structurels sensiblesaux excitants externes ou internes, hormones etautres corps chimiques. De mme que le terme demotif signifie seulement cause dterminante, demme le mot deSt i mm u n g n'a rien faire pour lebhavioriste avec la signification que lui attribuela psychologie de l'homme. Quand ainsi Young citecomme exemple de C. M. S. le fait qu'un animalaltr manifeste moins de faim et que l'activitmotrice dpend de la soif, de la faim et de l'instinctsexuel, il veut souligner par l que c'est un tatphysico-chimique interne qui provoque le compor-tement.

    Tinbergen nomme les facteurs internes de causalitm ot i v a t i on a l f a c t or s , soit facteurs de motivation .Ils sont dterminables par la recherche objective.Cela signifie qu'on peut par exemple tablir quele comportement sexuel et le comportement paternelou maternel sont influencs par des hormones. Ce

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    fait est aussi peu comprhensible que la transfor-

    mation du vcu par un quelcon

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    la de (et du bien portant), plus elle dcouvre que

    l'organisation psycho-physique et l'existence ne fontqu'un. Cette unit se manifeste dans la significationdu vcu pour l'tat physique et le fonctionnementde l'organisme et aussi pour la motivation subjec-tive. Appelons cette unit disposition affective(Gestimmtkeit). Cette disposition se dveloppe dansle temps. Elle a une dure. Elle a une force plus oumoins grande dont nous prenons conscience par sondegr de prcision ou d'intensit. Cette force engnral augmente graduellement (c'est le cas de lafaim par exemple). Puis, par un changement d'tatphysique ou sentimental ou par une transformationdes circonstances extrieures, la disposition affectivedisparat ou se transforme en une disposition nou-velle. Th. von Uexkull distingue l'volution de la

    disposition, des modes de comportement et des sen-timents qui peuvent en tre l'occasion. Cette dis-tinction est juste. La disposition affective est unem an ir e d 't r e (u n t a t ), t a n d i s qu e les actions etles sentiments, sont des actes intentionnels, c'est--dire une manire d'adopter la situation, de la com-prendre, de la prendre, de ragir cette situation.Avoir faim, comme tre fatigu, c'est d'abord un

    tat donn, qui nous dtermine en tout, qui dter-mine non seulement nos perceptions, l'orientationde nos sentiments, la forme de notre action maisaussi les fonctions dont nous n'avons pas la dispo-sition directe. Pour nous convaincre de l'influencecapitale de la motivation sur nous dans l'ensembleet le dtail de notre vie, dans notre corps, notre

    subjectivit, nos rapports avec le monde percep-tible et ses aspects spatiaux et temporels, maisaussi nos jugements de valeur, songeons l'tatangoiss, apeur ou rotique. L'homme entier dansson existence, dans son tat de personne physiqueen situation dans le monde est dtermin par un

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    tel tat affectif gnral. C'est ainsi que nous compre-

    nons la phrase du philosophe Heidegger : L'exis-tence est toujours prdtermine . Ce qui intressele psychologue et le mdecin, c'est l'unit du sujet,du corps et de la situation. La dcouverte de cetteunit a ouvert la voie la mdecine psychosomatique.

    Il est intressant pour la psychologie comparede constater que certains tats affectifs fondamen-taux de l'homme peuvent tre observs galement

    chez les animaux suprieurs. Naturellement, nousignorons le vcu subjectif dans la peur, l'agressi-vit ou la sexualit, presque totalement chez l'hommeet totalement chez l'animal. Mais dans notre re-cherche d'une nouvelle image de ce qu'est un orga-nisme, dit Portmann 1, nous sentons de plus en plusque, pour interprter l'tre vivant, nous devons

    imaginer chez l'animal au centre de l'expriencevcue, une vie intrieure croissante avec la diff-renciation des espces. Nous devons nous efforcerde figurer ce domaine clos l'aide de tous les indicesde ces vies intrieures que nous pouvons atteindre.

    Portmann est d'avis il est vrai que nous nedevons employer qu'avec grande prudence les exp-riences humaines pour interprter la faon d'tredes animaux. Cependant pour juger de ce qui danstel mode de comportement est signifiant, il fautinterroger la motivation qui commande ce compor-tement particulier 2 . Il n'existe pas d'tat ammalneutre ; l'tre vivant est toujours dans une dter-mination, qu'il apparaisse extrieurement actif ouen repos. Le sommeil et le repos dtendu sont aussi

    bien des attitudes que des motivations, et l'animalqui n'est plus dtermin, ou bien est soumis desdterminations contradictoires ou se prpare r-soudre ces contradictions. Seul l'animal mort est

    1. Portmann, op. cit., p. 198.2. Op. cit., p. 184.

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    neutre On ne peut parler pour l'animal d'habitat

    (Heim) sans inclure dans ce terme une disposition,un sentiment de scurit. On ne peut parler de d-fense de la proprit chez un animal sans se deman-der quelle peut tre la situation qui conditionne cegeste, de quelle disposition nat ce comportement 2. Nous sommes n train de dcouvrir la vie intrieuredes animaux. Autrefois les biologistes cherchaientparfois sauver l'interprtation mcaniste, l'imagede l'organisme-machine, en dsignant les tats defaim, soif, rut, maternit, etc., du terme d' tatsphysiologiques . Le mot voque moins l'ide d'meque la dsignation d' tat intrieur ou mme quecelle de disposition. Aujourd'hui nous sommes deplus en plus convaincus qu'il est en fait plus exactde choisir, pour dsigner ces phnomnes cachs,

    l'expression relativement large prise prcismentdans ce domaine, dont nous avons connaissance parnous-mmes et dont la ralit chez l'animal nousparat certaine, dans ce domaine qui est li et oppos celui de l'apparence, dans le vcu.

    Ce vcu chappe aussi partiellement chez l'homme toute dfinition, il est souvent si cach celui quile vit que nous devons supposer l'existence de mo-tivations inconscientes aussi bien que de motifsinconsciente. En outre les motivations de l'hommesont troitement lies son vcu et le plus sou-vent d'une manire inexplicable. Par suggestionhypnotique, on peut provoquer les dterminationsles plus varies, ce que montrent les phnomnesphysiques oonnexes. Nous avons dj cit la sugges-

    tion du froid. Il est facile de provoquer la dtermi-nation de nourriture, c'est--dire l'apptit ou ledgot accompagns des ractions vgtatives etdes mimiques expressives correspondantes. Le cli-

    1. Op. cit., p. 182.2. Op. cit., p. 185.

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    nicien Hansen a dsign ces motivations suggestives

    sous le nom de ractions idagntiques. Il voulaitmarquer par ce terme que les processus vgtatifset le comportement ne rpondent pas des stimu-lants, mais VE i d os, la signification image. Onpeut provoquer la motivation de soif si on fait ima-giner la personne en tat d'hypnose, qu'elle vou-drait boire de l'eau. Si on fait excuter un sujetl'action apparente de boire, on observe que le sang

    devient plus dilu et que la scrtion urinaire aug-mente, si on suggre la chaleur, la peau rougit, lasudation se manifeste. On n'arrive cependant pro-voquer une motivation fbrile que chez des personnesqui viennent d'avoir une maladie accompagne defivre.

    En corrlation avec ces observations il est int-

    ressant de noter qu'il existe une sociologie des moti-vations. Dans certains groupes nationaux et dansdes priodes historiques antrieures apparaissentcertaines motivations qui manquent ou sont raresdans d'autres milieux de civilisation. Il y a une modedes motivations, qui s'explique par la valeur quenous attribuons aux sentiments et au comportementde nos semblables. En outre, une disposition peut

    facilement se rpandre par induction et cela surtoutdans des groupes sociaux ferms, dans des familleset la faveur de certaines circonstances exception-nelles. Il est curieux de noter qu' l'poque victo-rienne, dans les cercles de la bonne socit, l'usagevoulait que les femmes s'vanouissent toute occa-sion, mme futile. Aujourd'hui aucune femme n'en

    serait plus capable. Rougir mme devient de plusen plus rare. A l'ge romantique, et sans doute pen-dant une bonne partie du xixe sicle, les naturessensibles savaient contracter par simple motion destats fbriles comportant non seulement une im-pression de maladie mais aussi une augmentation

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    de temprature considrable. Aujourd'hui, on n'ob-

    serve plus que trs rarement de telles fivres ner-veuses .Ces quelques exemples montrent qu'il existe une

    diffrence essentielle entre les motivations humaineset les motivations animales. Toute activit humaine,mme le comportement involontaire et non accom-pagnd e pense, est toujours lie directement ouindirectement des chelles de valeur. Celles-ci ontt incorpores l'individu par l'ducation ou parles relations sociales et peuvent donc aussi se mani-fester en motivations.

    V . O R G A N I S M E OU S UJ E T

    Nous avons tent de montrer que l'organisme,qu'il soit plante, cellule ou tout aussi bien tissu ouorgane, reprsente une unit de signification, maisnef a i t rien, n'a pas un comportement rpondant une situation. On peut identifier l'opposition orga-

    nisme-sujet, que nous fournit l'observation directeavec celle purement conceptuelle de vie et d'exis-tence. Nous n'entendons pas existence dans le senstroit que lui prtent dans la thorie de l'tre l'anthro-pologie et l'ontologie actuelles, qui en font un moded'tre rserv l'homme. Ce terme d'existencedsigne pour nous une situation manifeste par unoomportement.

    Si on observe les animaux infrieurs, par exemple :une amibe, un infusoire ou une anmone de mer,on se demande si leurs mouvements doivent treinterprts comme des fonctions vitales intra-orga-niques ou comme des modes de comportement lis quelque chose.

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    Observons d'abord les animaux les plus simples,

    les amibes. Elles se trouvent en abondance dans l'eaudes fosss et des mares. Ces tres vivants sont par-ticulirement intressants pour nous du fait qu'ilssont trs diffrents de tous les animaux connus denous. Ils ne possdent en effet pas de forme perma-nente et ne sont pas diffrencis en organes ; ce sontde petits grumeaux glatineux, dont les dimensionsne dpassent pas un dixime de millimtre, et qui

    cependant sont dous de mouvements. Ils se dplacenten projetant et rentrant de petits pieds purementapparents, les pseudopodes. Ces projections se fontirrgulirement en n'importe quel point de leur suface.Chaque espce d'amibes prsente dans son mode delocomotion des caractristiques particulires. Cer-taines mettent des appendices longs trs dlis,

    d'autres de plus grossiers. Il y a des espces qui che-minent comme sur des pattes, d'autres qui rampentcomme une limace en se coulantsurleurappui.Chaqueindividu se nourrit d'une faon particulire, propre son espce, s'enfuit, se contracte sous une excita-tion puissante, ragit la lumire, la tempratureet la composition chimique de son milieu.

    On a cru, pendant un temps, pouvoir expliquerces animaux infrieurs par des processus physico-chimiques, car leurs mouvements sont analogues ceux qu'on peut dclencher en physique dans cer-taines conditions exprimentales. Si on dpose unegoutte d'huile sur une solution sodique dilue onvoit la goutte excuter des mouvements qui pr-sentent une certaine analogie avec la projection et la

    contraction des pseudopodes et ceci par le jeu devariations de tension superficielle. Il est probableque ces variations de tension superficielle sont lesmoyens par lesquels les amibes se dplacent.

    Les amibes ont un mode de locomotion qui variesuivant l'espce. L'Am oeba p r ot eu s ne coule ni ne

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    roule sur son appui mais court pour ainsi dire, debout

    sur les pseudopodes qui se forment du ct o elle sedirige et disparaissent l'arrire. Une autre varit,dcrite par Jakob v. Uexkill, constitue avec ses nom-breux appendices allongs et fins une sorte de toiled'araigne vivante, au milieu de laquelle se trouvele corps. De petits infusoires restent colls aux appen-dices, ils sont propulss dans le corps qui les digre.

    Dj Uexkill a fort bien observ que la formationdes pseudopodes ne peut s'expliquer par un simpleprocessus mcanique. Il est d'ailleurs impossible defabriquer artificiellement des amibes.

    Uexkiill dclare insoutenable l'ide que les amibesse sont formes partir de la matire non vivantegrce une combinaison chimique approprie. Cetteide, dit-il, est aussi insoutenable que de prtendre

    imaginer qu'un tremblement de terre ou l'incendied'une fabrique produit une automobile. Un trepurement mcanique suppose ncessairement un en-vironnement immuable, qui s'adapte lui. Car l'tremcanique ne possde pas l'aptitude rpondre effi-cacement une modification de son environnement.

    Ce n'est que par cette aptitude, que nous dsi-

    gnons du terme de rgulation, qu'un tre peuts'adapter des modifications de son environnement.Or, d'aprs Uexkll, il existe trois modes de rgu-lation, diffrents dans leur principe : 1 la rgulationexterne ; 2 la rgulation interne prvue dans lastructure interne ; 3 la rgulation interne modi-fiant la structure.

    Les deux premires formes de rgulation sont

    possibles par un simple jeu des lois mcaniques. Iln'y a que la troisime qui constitue une activitanimale dpassant les simples lois mcaniques.

    Y a-t-il une diffrence perceptible entre lesractions et activits spontanes des amibes etcelles des animaux suprieurs?

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    direction diminuait. Mast estime que la modifi-

    cation du comportement aprs rptition de la mmesituation est de nature faire supposer chez l'amibeune raction gnrale quivalant l'a constitutiond'habitudes.

    De tous les infusoires, c'est leParamaecieumqui at le mieux tudi. Les infusoires possdent unestructure trs complique. Leur forme extrieure aune certaine permanence, ce qui permet de distin-guer plusieurs espces de Paramaecium. Chez cesinfusoires, il existe au sein de la cellule une divisionfonctionnelle des parties et comme des organes in-tracellulaires. On trouve des parties particulire-ment excitables (rcepteurs) et des organes dumouvement (effecteurs). Certaines structures ta-blissent une coordination entre ces parties et cons-

    tituent ainsi fonctionnellement un systme nerveux.Les mouvements des cils des infusoires sont trsparfaitement coordonns. Non seulement les poilsciliaires des espces qui se dplacent en nageant,mais aussi les soies qui introduisent les particulesalimentaires dans l'ouverture de la bouche et cellesqui assurent la marche de certaines espces,prsentent dans leur mouvement une coordination

    bien agenoe. On ne peut prciser pour l'ensembledes infusoires dans quelle mesure cette coordinationest dtermine par des structures appropries.

    Les recherches morphologiques ont en tout caspermis d'tablir que les infusoires prsentent avecles organismes multicellulaires une grande parentet que oertaines conditions de vie font apparatre des

    diffrenciations organiques et fonctionnelles, qui nesont pas subordonnes la classification zoologiqueen organismes infrieurs ou suprieurs.

    La locomotion natatoire en spirale est impose parla structure. Mais celle-ci n'est pas seule en dcider.La participation fonctionnelle, la succession de

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    battements des diffrents groupes de cils dtermi-

    nent le mouvement de l'animal. Ainsi leP a r a - maec i um peut nager reculons, tourner droite ou gauche, s'arrter, tout en continuant mouvoirson orifice buccal.

    Une raction trs caractristique du Pa r amae - c i umest la raction de fuite. Cette raction ngativese produit lors d'un contact avec une surface exci-tante, et en particulier lors d'un contact avec une

    paroi solide ou avec un corps chimique. Au micro-scope, on voit lePa r am aeci u m nageant en avantheurter un objet. Aussitt le battement de cils seretourne et l'animal nage un peu en arrire, puisil effectue un mouvement de ct auquel succde unnouveau mouvement natatoire normal. Plus l'exci-tation est forte, plus le mouvement de ct est fort.

    La rotation ainsi effectue peut amener un retour-nement complet de l'animal si bien que, suivant lemode d'excitation, nous assistons diffrentesformes de fuites. La raction ngative peut se pro-duire aussi sous une forme diffrente, par volte-facesur place, par nage sur le dos.

    Le caractre variable de la raction a une grandeimportance pour la recherche. Nous observonschez ces animaux infrieurs une srie de mou-vements successifs, qui ne prsentent pas une corr-lation ncessaire, imposant aprs telle phase unesuite toujours identique. Bien au contraire, l'excita-tion agit par ses caractristiques quantitatives etqualitatives tout au long de la raction. Nous assis-tons, non pas un enchanement additionnel, mais

    un dveloppement locomoteur dans lequel toutes lesphases prcdentes conditionnent le processus.Les Pa r amae c i um prsentent une aptitude

    s'orienter par rapport la direction de la pesanteur.Une exprience simple permet de l'tablir facile-ment. Si on place dans un long tube de verre un

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    certain nombre d'infusoires, ils se rassemblent sur la

    partie suprieure, indpendamment de la surfacede sparation entre l'eau et l'air et indpendammentde l'clairement. Il semble donc que la raction lapesanteur dpende de la pression des particulesenfermes dans l'organisme cellulaire. Des animauxqui ont absorb de minuscules morceaux de limaillede fer modifient leur direction de mouvement et leurvitesse quand la pression de ces petits morceaux sur

    le protoplasme environnant est modifie par l'ap-proche d'un aimant.Rappelons-nous nos constatations : les infusoires

    nagent dans tous les sens en spirale dans l'eau,donc la pression des portions de limaille enfermes semodifie constamment, et en outre ces parties elles-mmes ne conservent pas une position constante

    l'intrieur de la cellule. Notre exprience nousdmontre donc l'existence d'une corrlation entreexcitation et locomotion. Chez les animaux sup-rieurs, les processus sensoriels dterminent des pro-cessus moteurs et les processus moteurs dterminentgalement des processus sensoriels. La sparation deces deux sortes de processus n'existe pas dans leflux vital, elle ne se produit que quand une action

    extrieure interrompt son cours naturel.Les mouvements des amibes ne prsentent pas

    nettement l'aspect d'actions. Mais l'analogie desmouvements spontans ou des ractions motrices desinfusoires avec le comportement des animauxsuprieurs est manifeste, en particulier dans leurfaon d'esquiver des obstacles au cours des recherches

    alimentaires.trangement lents nous apparaissent les mouve-ments des tentacules de ces animaux bizarres quenous nommons anmones de mer, parce qu'ilsrestent immobiles sur place et ressemblent desplantes. L'tude de ces mouvements est intres-

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    sant. De nombreuses recherches exprimentales ont

    montr que l'accomplissement de ces mouvementsdpend de nombreuses conditions. On a constat chezles anmones une excitabilit variable aux agentsmcaniques et chimiques. Sans aucun doute, l'tat del'animal, par exemple l'ingestion de nourriture, exerceune influence dominante sur son degr d'excita-bilit. Mais celui-ci dpend galement des excita-tions antrieures ; leur intensit, leur extension etleur localisation conditionnent d'une faon compli-que l'effet d'un excitant tactile. Des expriencesmenes avec une extrme prcision ont tabli que lesanmones de mer qui sont transportes dans lescoquillages habits par les bernard-1'ermite sur le solmarin sont capables d'adaptation trs complexe auxdiffrentes situations. Toutefois la contraction et

    l'extension des tentacules, leur collaboration lors del'absorption de nourriture, leurs rapports avec lesobstacles peuvent tre interprts aussi bien commeun mcanisme physiologique que comme des acti-vits ayant le caractre de comportement. Nousinclinerions les expliquer par la thorie physio-logique courante des rflexes, car une excitationtactile de la tentacule rpond de sa part le mme

    mouvement, qu'il s'agisse d'un toucher actif oupassif. Nous reviendrons la distinction de ces deuxcatgories d'excitations cutanes, quand nous expli-querons par la suite la diffrence entre le monde del'homme et l'environnement de l'animal. Cette tudenous permettra de prciser l'interprtation desrsultats exprimentaux relatifs l'anmone de

    mer.

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    fois la tique tombe sur le pelage, la sensation de

    chaleur l'oriente vers la peau, dans laquelle elles'insre, et se gorge de sang. La tique n'a pasd'yeux, mais sa surface sensible la lumire luisuffit pour s'orienter au milieu de la vgtation.C'est d'une faon analogue que coquillages, toilesde mer, oursins, anmones de mer, crevisses, cra-bes, pieuvres, insectes et vers explorent leurs milieux.

    Von Uexkull tait d'avis que l'homme possdegalement un environnement, environnement d'ail-leurs diffrent de celui de l'animal et correspondant l'organisation de l'homme et ses opinions condi-tionnes par son exprience et de ses habitudes : Dansson livre N iegeschau te Wel ten , sous-titr : Lesmilieux de mes amis , von Uexkull dcrit la faondont chaque homme, par suite de ses dispositions

    innes, de son ducation et de sa profession considreles objets autrement 1. Un arbre est un objetdiffrent pour le chasseur, pour le marchand de bois,pour le pote, de mme qu'il comporte pour uncureil, un hibou, un papillon ou un scarabe descaractristiques diffrentes. Cette comparaison estabsolument errone.L 'h omm e n 'apa su nen v i r on n e-m en t , i l a u n m on de. En face de ce monde il secho i s i t un point de vue. Ce choix n'est pas complte-ment libre, sa libert de choix est limite par lescaractristiques physiques personnelles, la situationdu moment et les dcisions historiques antrieures,les intrts, les penchants, les intentions. Le mondeest pour l'homme autre chose qu'un environnementanimal spcifique propre une espce, dpendant de

    la constitution de ses organes de perception etd'action et subordonn aux dterminations dumoment. L'homme n'existe pas seulement par sessensations et actions comme l'animal, il existe par

    1. Berlin, 1936 ; 3e d. Berlin et Francfort, 1949.

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    sa connaissance et ses actes. Le monde au contraire

    de l'environnement animal est un monde objectif,ce n'est pas seulement un monde apparaissant spcifique , mais un monde apparaissant exis-tant . Ce monde est l'homme don et donne, qu'ilcomprend et auxquels il rpond de sa libre initiative.Sa rponse n'est pas seulement raction, mais prise,ralisation cratrice et organisatrice sous la conduitede lar a t i o et des normes d'un systme de valeursqu'il a trouv tout fait dans le monde prtabli deson enfance, qu'il a accept, qu'il a assimil et qu'ila renouvel.

    L'animal est une espce naturelle, son environne-ment est spcifique de cette espce. L'homme estune ide historique (Merleau-Ponty), son mondeest une unit d'objets d'utilit et de civilisation que

    l'histoire a forme et continue former. L'hommeexiste non seulementa vecson monde etd a n s sonmonde comme l'animal, maisenfa ce de son monde.Entre la subjectivit humaine et l'objectivit deschoses, il y a un hiatus, un abme, qui peut trefranchi sans doute dans la perception et l'actionmais coexiste avec elles. Aussi l'homme peut-ils'imbriquer dans une situation qu'il ressent et o ilse meut etsim u l t a nmen t en tre le spectateur d-sintress.

    Si nous interrogeons les actions des animauxsuprieurs, un problme se pose : la diffrence entrel'homme et l'animal est-elle absolue ? ou au contraireles stades suprieurs de l'volution animale ne pr-senteraient-ils pas des caractristiques de compor-

    tement qui nous autoriseraient considrer l'en-vironnement des animaux sang chaud et enparticulier celui des anthropodes comme une formeprimitive du monde humain ? Nous savons tous entout cas qu'au cours de leurs relations vcues avecleur entourage, ces animaux manifestent de la sur-

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    prise propos de certaines choses ou de certains

    phnomnes. Les choses ou phnomnes frappentsoudain l'animal et captivent un temps son atten-tion qui les isole et atteint une relative fixit. Peut-on comparer ou identifier cet arrt de l'attentionsur un objet avec notre observation des choses ? Sic'tait le cas, les animaux suprieurs ne se conten-teraient pas de coexister avec un environnementd'objets, ils se trouveraient dans une certaine mesureen face des objets. Comment valuer ce en facede et quelles consquences en tirer pour le com-portement? C'est ce que nous tudierons plus tard.

    Bornons-nous indiquer qu'un animal qui va quelque part , soit en marchant, soit en nageant,soit en grimpant, soit en sautant, qu'il vise unrepaire, une proie ou une compagnie, habite un

    environnement aux caractres spatiaux, et doncprsentant une structure qui permet au sujet ladistinction du proche et du lointain dans diversesdirections. Quand il s'agit d'une tique ou de telautre animal ragissant la lumire, au son, auparfum ou une quelconque nergie, comme le ferragit l'aimant, il sufft d'imaginer l'action d'uneforce oriente vectoriellement. Mais partir du

    moment o l'animal situe ici ou l, la remarquede Erwin Straus prend toute sa valeur : Le lointainest la forme spatio-temporelle de la sensation 1

    L'homme, comme l'animal, remarqueose trouvela nourriture, un arbre etc., tous deux voient cetendroit le but de leur bond. Il existe donc une carac-tristique commune l'environnement animal et au

    monde humain : la distance spatio-temporelle. Cettedistance est pour chacjue sujet sa faon de sentir unechose qui, par sa signification est le mobile du mou-vement qui se droule dans le temps. L'opposition :

    1. Vom Sirm der Sinne, p. 405,

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    proche-lointain est perue optiquement. Le sens

    tactile peut galement dceler la diffrence entre iciet l. Le sens du toucher ne fournit pas, comme onl'a cru longtemps, des donnes sensorielles isoles, ilnote galement la spatialit de l'environnement (oudu monde), donc la distance. Le mouvement tactilecommence par une approche dans le vide et s'achvepar une prise de contact avec le vide. Chaque impres-sion tactile comporte l'autre, le lointain, qui forme

    le vide sur lequel se dtache l'objet. (E. Straus).Nous avons l'exprience vcue de la parent du loin-tain et du vide, quand nous nous avanons dansl'obscurit ttons. L'animal prouve-t-il consciem-ment le lointain et le vide?Nous l'ignorons.

    L'tude compare du comportement ne peut ja-mais s'appuyer, nous le rptons, sur la comparaison

    du vcu animal et du vcu humain. Mais l'obser-vation nous permet d'tablir le caractre spatial dumilieu animal : l'animal, comme l'homme, distinguele contact actif du contact passif. Son comportementmontre qu'il note leur diffrence. Les expriencesfaites sur des animaux aveugles de diffrentes espcesmontrent que, comme chez l'homme, le mmecon-tact cutan, donc objectivement le mme excitantprovoque une raction diffrente, quand l'excitanttactile prsente un rapport diffrent avec le mou-vement propre. Exemple, une seiche aveugle se meutcomme un homme dans l'obscurit, elle promne sesbras tendus sur le sol de l'aquarium. Si on touchel'extrmit d'un bras antrieur avec une baguettede verre, le bras se retire. Si l'animal touche la ba-

    guette au cours de son mouvement propre, le brasne se retire pas, l'animal lance un ou plusieurs braspour tter l'obstacle. Ce comportement montre quela mme excitation tactile, au mme point del peau,prend une signification diffrente suivant que le con-tact est actif ou passif.

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    Chez tous les animaux tudis, crevisses ou pois-

    sons, on retrouve cette distinction. Les milieux ani-maux ont, comme l'univers humain, un caractre despatialit, de polarit entre le proche et le lointain.

    A la fin du chapitre prcdent nous avons men-tionn les expriences faites sur l'anmone de mer,d'o il ressort que les tentacules de cet animal ra-gissent au contact actif ou passif de la mme faon.Ce fait semble dmontrer que cette espce animaleinfrieure n'a pas un vritable environnement, maisun milieu comme tout vivant (plante, cellule). Ilsemble que l'anmone de mer n'habite pas unespa ceet donc n'a pas un environnement form et struc-tur.

    VII . ACT ION ( H A N D L U N G )

    ET ACTE ( LEISTUNG )

    Nous avons exprim l'opinion que l'homme, ladiffrence de l'animal, n'est pas seulement enfermdans le complexe signifiant des situations, mais ilest simultanmenten f a cede ces situations. L'homme,comme l'animal, participe aux significations de lasituation qui sont ralises dans ce qu'ilf a i t .Mais ila galement connaissance de la signification des signi-fications, de l'tre, de l'apparence, des formes deschoses : c'est sur cette connaissance que se fondel'acte de l'homme, qu'ignore l'animal. Ds longtemps

    on a appel l'hommeh om o fa ber et donc vu en luinon pas un tre simplement capable de contracterdes habitudes nouvelles et d'acqurir par l uneseconde nature, aptitude que nous observons cheznos animaux domestiques, mais un tre galementcapable de s'manciper de toutes les habitudes con-

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    tractes, de toutes les natures acquises, grce

    une libert qui se manifeste dans le dessin universel,rsultante de l'ensemble des actes .L'animal vit dans l'unit sans quivoque de la

    sensation et de la locomotion. Il ne rencontre pas cequi l'attire ou le menace, sous forme de fait objectif ;l'attirant, le repoussant se constituent seulementdans la signification intentionnelle du comportement,dans le mouvement d'approche ou de recul de l'ani-

    mal. Homme et animal prouvent, par exemple, dela mme faon le dangereux verglas en faisant desfaux pas. Mais l'homme observe en mme temps leverglas de fait, le verglas objectif qui lui est sujetde rflexion . Il est capable de prter au fait de saglissade plusieurs sens qui dpendent d'une manirevarie de ses expriences, de ses jugements, de ses

    plans, de ses contacts avec autrui et de ses jugementsde valeurs. Cet exemple montre la diffrence essen-tielle du faire animal et humain. Ce que fait l'ani-mal a un sens par son rapport avec une situation in-trieure et extrieure non quivoque. Ce que faitl'homme est suscit simultanment par plusieurssystmes de corrlations. L'homme qui fait doitdcider par un choix ce qu'il veut, doit et peut faire.

    Les systmes de connexions chez l'homme se consti-tuent suivant les diffrentes valeurs attribues auxexpriences et aux dcisions. Sonfaireest unacte .

    L'action humaine se rapporte bien comme l'acti-vit animale un systme de signification (une situa-tion), mais galement un systme de valeurs. C'estpourquoi l'homme non seulement vit son acte

    mme irrflchi et habituel, comme rsolution d'unetension, mais en mme temps l'prouve comme justeou faux.

    Cette conscience de la valeur de l'acte est presquetoujours un simple sentiment implicite, elle ne s'ex-prime que rarement d'une manire claire et distincte,

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    en paroles ou en reprsentations. Comme l'homme,

    dans l'ambigut de ses rapports, doit faire un choixet se dcider, son acte nat d'une initiative choisieavec une relative libert, c'est--dire d'une adhsionvolontaire.

    La seule excution des activits habituelles lesplus simples, que ce soit le fait de manger, de saluer,d'apostropher quelqu'un ou de l'couter, exige uneadhsion, un choix du valable, par exemple un style

    de l'excution qui dans la situation donne parat juste . Nous n'avons pas besoin de rflchir auxvaleurs qui dterminent notre attitude quotidienne.La plupart du temps, nous ne le pouvons pas, car lesvaleurs sont incarnes , inscrites dans le cur.Elles constituent notre maintien intrieur (Zutt)en face de la situation du moment. Ce maintien int-

    rieur est le jeu naturel d'un rle, d'un personnage ,dit Gusdorf, que l'homme s'est choisi, s'est rserv,s'est assimil1. Cette assimilation fait que mainteaction ne semble pas un acte . L'homme parat,comme le fait l'animal, vivre sans rflchir, sansprendre conscience de l'objet, sans se dcider, dansun monde qui n'est qu'un environnement.

    Il est pourtant facile de dceler dans l'accomplis-sement des gestes de tous les jours les rapports nor-matifs qui dterminent l'action. Ces rapports man-quent chez l'animal. L'observation d'un hommeaccomplissant un acte quelconque, par exemple duchauffeur conduisant une auto, est rvlatrice. Il nes'agit pas l d'une habitude, comme celles que saitacqurir l'animal, mais d'une utilisation normative

    d'un savoir technique mue en habitude2

    . Les normesutilises dans l'activit humaine, par exemplepar l'homme conduisant l'auto, sont d'ordre tech-nique, conomique, thique ou esthtique, tous

    1. Gusdorf, Trait de mtaphysique, Paris, 1956.2. D. Va Lennep, Trafic Quarlerly, 1952.

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    ordres de nature intellectuelle (Ruyer). tre homme

    est une faon physique d'tre dans le monde tellequ'en chaque situation un esprit connaissant seralise par un acte. Aussi Merleau-Ponty dclare-t-il en se basant sur l'tude philosophique de la per-ception : Voir comme voit un homme et tre Espritsont synonymes 1.

    Nous ajouterons : Accomplir un acte et treesprit sont identiques.

    L'homme n'est pas un animal recouvert d'unecouche superficielle de fonctions intellectuelles. C'estun esprit incarn, c'est--dire que chaque compor-tement o intervient son corps dcle une dimen-sion spirituelle .

    Qu'un homme ou un chien traverse une artreanime, on peut dfinir le comportement de l'un

    comme de l'autre comme tant la corrlation signi-fiante de perceptions et de mouvements. L'approcheplus ou moins menaante des vhicules dtermineles mouvements, mais ceux-ci dterminent leurtour le danger plus ou moins grand. Ce que fontl'homme ou l'animal se produit d'une faon aussiirrflchie qu'au cours d'un combat ou d'un jeu.L'image de la situation impose la raction appro-prie, et oette raction modifie l'image de la situa-tion. Cela vaut pour une situation complique, commela traverse d'une rue. Cela vaut galement pour desactions simples. L'enfant et le chimpanz, ensoulevant, vidant et reposant un verre de laitressentent le poids et l'quilibre du verre, saforme, ses proprits tactiles, au cours d'une action

    dont l'excution est son tour lie ces qua-lits. Cependant, au cours de ces activits simples,il existe une diffrence essentielle entre l'homme etl'animal. L'hommesa i t ce qu'il fait et peroit. Cette

    1. Phnomnologie de la perception, p. 159.

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    connaissance accompagne, pour ainsi dire latrale-

    ment, son implication senso-motrice danslasituation.Et ce savoir se manifeste par trois caractristiquesdu comportement humain, que notera tout obser-vateur objectif : 1 l'homme a un style d'excutionpropre ; 2 il essaie de corriger une perturbation ;3 il risque, exprimente et dcouvre des ractionsnouvelles.

    En apparence, l'homme, comme l'animal sait, parroutine, escalader un pic, traverser une rue, com-battre ou jouer. L'animal, ce faisant, se dpasse (depass ie ren) compltement, l'homme tente de se dpasser . Ce terme dsigne un comportementfix dans un tre dans la situation , tre en liaisonorganique sensori-motrice avec elle, comportementqui n'implique ni distanciation ni attitude objective.

    L'homme russit se dpasser presque enti-rement au cours d'actions simples que rien ne troubleet qu'il excute automatiquement. Tout hommepeut marcher sans rflchir, viter d'autres pitons,dpasser, saluer, allumer entre temps une cigaretteou boutonner son manteau. Nous nous dpassons ,particulirement quand nous sommes plongs dansnos penses ou pris par une conversation anime,

    au point de ne plussa voi rce que nous voyons, ce quenous faisons, ce que nous avons vu ou fait. Notrecomportement est apparent celui des animaux.Mais bien peu d'hommes russissent escalader danscet tat un pic ou grimper sur un arbre. Au coursde ces actions, et plus encore dans l'escrime, le foot-ball, le tennis, se manifestent les trois caractristiques

    de l'activit humaine ci-dessus mentionnes. Cestrois caractristiques y apparaissent en variantesdes gestes appris, adaptes judicieusement auximages de situation.

    Le style d'excution que nous observons est l'ex-pression de l'valuation de l'action suivant les

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    valeurs personnelles adoptes. L'homme joue ou

    combat par exemple du mieux qu'il peut pour gagner.Mais en mme temps, ses gestes sont partiellementdtermins par des obligations implicites duf a i rp l a y , de l'attitude courtoise, du respect des rgles,obligations auxquelles il se sent intrieurement tenu.

    Deuximement le caractre spcifiquement hu-main de l'action se manifeste par la correction desperturbations. De la source de la connaissance accom-

    pagnant l'action, jaillit, parfois avec la rapidit del'clair, une rponse neuve, un comportement invent,un plan nouveau bas sur des expriences antrieures.Ce processus rappelle le joueur d'checs ou l'inter-locuteur la rpartie prompte lanant soudain lajuste riposte.

    Troisimement : il existe sans doute des diff-

    rences entre animaux d'une mme espce, de bonset mauvais chiens de chasse, des chimpanzs intel-ligents et btes. Mais seul l'homme accomplit vri-tablement un acte en exprimentant, risquant etdcouvrant de nouveaux modes de comportement.Dans le combat, le jeu, l'ascension d'une montagne,la conduite d'une auto, il est unhom o fa ber . Les dif-frences individuelles de comportement ne sont pas

    dtermines seulement par la constitution hrdi-taire ou l'entranement, elles proviennent d'un sen-timent fin de ce qui peut et doit tre essay et risqu,d'unef i n esse d 'esp r i t