6
J.Y. Pierga V. Diéras 264 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 7 - juillet 2013 DOSSIER DOSSIER Compte-rendu Compte-rendu et analyse et analyse CHICAGO 2013 CHICAGO 2013 Cancers du sein Breast cancers J.Y. Pierga*, V. Diéras** * Institut Curie et université Paris- Descartes. ** Département de recherche clinique, Institut Curie, Paris. L’ actualité de ce 49 e Congrès américain en oncologie clinique n’a pas été marquée par de nouvelles molécules changeant la prise en charge de certains sous-types de cancer du sein comme cela avait été le cas l’an dernier avec le T-DM1 (trastuzumab emtansine). Au contraire, c’est un nouveau regard sur le traitement par tamoxifène, médicament mis au point dans les années 1970, qui a été mis en avant lors de la session plénière, avec l’ob- tention d’un bénéfice de la prolongation du traitement adjuvant jusqu’à 10 ans au lieu des 5 ans habituels. Par ailleurs, la démonstration par F. André, au nom d’Unicancer, de la faisabilité de la mise en place d’une médecine personnalisée fondée sur la biologie de la métastase dans le cancer du sein avancé dans un cadre multicentrique est une première, avec des retombées thérapeutiques encore préliminaires. Enfin, le curage axillaire classique est clairement remis en cause, avec la confirmation à très long terme de la sécurité sur le plan du contrôle tumoral de la procédure du ganglion sentinelle (GS) et le remplacement possible du curage par une irradiation si le GS est positif. Chirurgie et radiothérapie L’actualisation de l’essai NSABP B-32, étude majeure dans la validation, dans la pratique courante, du GS chez des patientes sans atteinte ganglionnaire clinique, a été présentée par T.B. Julian (abstr. 1000) [1]. Un total de 5 611 patientes a été randomisé entre GS suivi de curage axillaire (CA) systématique et GS seul suivi de CA uniquement en cas d’atteinte métastatique du GS. Soixante et onze pour cent des patientes n’avaient pas d’atteinte ganglionnaire. Le suivi médian des patientes était de 10 ans. La survie globale (SG) ainsi que la survie sans récidive (SSR) – locale et à distance – étaient strictement identiques, qu’il y ait eu ou non un CA, confirmant l’absence d’effet délétère sur la survie et le contrôle tumoral de l’absence de curage lorsque le GS est négatif. De plus, l’analyse du GS par immunohistochimie (IHC) a retrouvé une atteinte occulte dans 15,9 % des cas sur l’ensemble des 2 bras, dont 11,1 % correspon- daient à des cellules tumorales isolées. Après 10 ans de recul, la différence en termes de SG, de 3 %, en défaveur de l’atteinte micrométastatique, n’était plus significative (p = 0,06) ; elle était faible en termes de SSR (HR = 1,27 ; différence absolue de 4,7 %). Que les patientes aient eu ou non un CA, il n’y avait aucune différence en termes de contrôle locorégional ou à distance entre les 2 bras de l’essai. L’auteur a donc conclu à l’absence d’intérêt de l’analyse en IHC du GS pour la décision de curage ganglionnaire secondaire. L’étude AMAROS de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) a comparé le curage à une irradiation axillaire seule en cas de GS positif chez 4 806 patientes ayant une tumeur classée T1T2 (Rutgers EJ et al., abstr. LBA1001). L’irradiation axillaire était pratiquée avant la chimio- thérapie (CT) adjuvante, si elle était indiquée, afin de respecter le même intervalle pour le contrôle de la maladie axillaire dans les 2 bras. La SSR et la SG, après un recul de 5 ans, n’étaient pas significative- ment différentes entre les 2 bras. Le taux de récidive axillaire était de 0,43 % et de 1,19 % pour le curage et la radiothérapie (RT), taux bien inférieurs aux hypo- thèses initiales et ne permettant pas de conclure sur ce critère de jugement principal. Le taux de lymphœ- dème était significativement inférieur dans le bras RT. La différence en qualité de vie n’était pas significative, avec une tendance à plus de lymphœdèmes dans le bras chirurgie et plus de limitations de la mobilité de l’épaule dans le bras RT. Les auteurs ont conclu qu’il fallait considérer l’irradiation axillaire comme un standard en cas d’atteinte du GS et ne pas faire de curage. La discussion a ensuite porté sur les cas où l’on pourrait proposer l’absence de toute intervention axillaire (chirurgicale ou radiothérapique), même en cas de GS positif, comme cela a été montré par l’essai ACOZOG Z0011 lorsqu’il y a une faible probabilité d’atteinte d’autres ganglions (2).

Cancers du sein - Edimark

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

J.Y. Pierga

V. Diéras

264 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 7 - juillet 2013

DOSSIERDOSSIERCompte-renduCompte-rendu

et analyseet analyse CHICAGO 2013CHICAGO 2013

Cancers du seinBreast cancers

J.Y. Pierga*, V. Diéras**

* Institut Curie et université Paris-Descartes.

** Département de recherche clini que, Institut Curie, Paris.

L’actualité de ce 49e Congrès américain en oncologie clinique n’a pas été marquée par de nouvelles molécules changeant la prise

en charge de certains sous-types de cancer du sein comme cela avait été le cas l’an dernier avec le T-DM1 (trastuzumab emtansine). Au contraire, c’est un nouveau regard sur le traitement par tamoxifène, médicament mis au point dans les années 1970, qui a été mis en avant lors de la session plénière, avec l’ob-tention d’un bénéfi ce de la prolongation du traitement adjuvant jusqu’à 10 ans au lieu des 5 ans habituels. Par ailleurs, la démonstration par F. André, au nom d’Unicancer, de la faisabilité de la mise en place d’une médecine personnalisée fondée sur la biologie de la métastase dans le cancer du sein avancé dans un cadre multicentrique est une première, avec des retombées thérapeutiques encore préliminaires. Enfi n, le curage axillaire classique est clairement remis en cause, avec la confi rmation à très long terme de la sécurité sur le plan du contrôle tumoral de la procédure du ganglion sentinelle (GS) et le remplacement possible du curage par une irradiation si le GS est positif.

Chirurgie et radiothérapie

L’actualisation de l’essai NSABP B-32, étude majeure dans la validation, dans la pratique courante, du GS chez des patientes sans atteinte ganglionnaire clinique, a été présentée par T.B. Julian (abstr. 1000) [1]. Un total de 5 611 patientes a été randomisé entre GS suivi de curage axillaire (CA) systématique et GS seul suivi de CA uniquement en cas d’atteinte métastatique du GS. Soixante et onze pour cent des patientes n’avaient pas d’atteinte ganglionnaire. Le suivi médian des patientes était de 10 ans. La survie globale (SG) ainsi que la survie sans récidive (SSR) – locale et à distance – étaient strictement identiques, qu’il y ait eu ou non un CA, confi rmant l’absence d’effet délétère sur la survie et le contrôle tumoral de l’absence de curage lorsque le GS est négatif.

De plus, l’analyse du GS par immunohistochimie (IHC) a retrouvé une atteinte occulte dans 15,9 % des cas sur l’ensemble des 2 bras, dont 11,1 % correspon-daient à des cellules tumorales isolées. Après 10 ans de recul, la différence en termes de SG, de 3 %, en défaveur de l’atteinte micrométastatique, n’était plus signifi cative (p = 0,06) ; elle était faible en termes de SSR (HR = 1,27 ; différence absolue de 4,7 %). Que les patientes aient eu ou non un CA, il n’y avait aucune différence en termes de contrôle locorégional ou à distance entre les 2 bras de l’essai. L’auteur a donc conclu à l’absence d’intérêt de l’analyse en IHC du GS pour la décision de curage ganglionnaire secondaire.L’étude AMAROS de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) a comparé le curage à une irradiation axillaire seule en cas de GS positif chez 4 806 patientes ayant une tumeur classée T1T2 (Rutgers EJ et al., abstr. LBA1001). L’irradiation axillaire était pratiquée avant la chimio-thérapie (CT) adjuvante, si elle était indiquée, afi n de respecter le même intervalle pour le contrôle de la maladie axillaire dans les 2 bras. La SSR et la SG, après un recul de 5 ans, n’étaient pas signifi cative-ment différentes entre les 2 bras. Le taux de récidive axillaire était de 0,43 % et de 1,19 % pour le curage et la radiothérapie (RT), taux bien inférieurs aux hypo-thèses initiales et ne permettant pas de conclure sur ce critère de jugement principal. Le taux de lymphœ-dème était signifi cativement inférieur dans le bras RT. La différence en qualité de vie n’était pas signifi cative, avec une tendance à plus de lymphœdèmes dans le bras chirurgie et plus de limitations de la mobilité de l’épaule dans le bras RT. Les auteurs ont conclu qu’il fallait considérer l’irradiation axillaire comme un standard en cas d’atteinte du GS et ne pas faire de curage. La discussion a ensuite porté sur les cas où l’on pourrait proposer l’absence de toute intervention axillaire (chirurgicale ou radiothérapique), même en cas de GS positif, comme cela a été montré par l’essai ACOZOG Z0011 lorsqu’il y a une faible probabilité d’atteinte d’autres ganglions (2).

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 7 - juillet 2013 | 265

RésuméAprès l’essai ATLAS, dont les résultats ont été publiés en début d’année, une deuxième étude, aTTom, montre un bénéfice en survie sans récidive de la prolongation à 10 ans de l’hormonothérapie adjuvante par tamoxifène. La sécurité de la procédure du ganglion sentinelle (GS) sur le plan du contrôle tumoral est confirmée à 10 ans dans l’essai B32, et l’irradiation axillaire serait une alternative au curage axillaire en cas de GS positif selon l’essai AMAROS. L’adjonction d’un sel de platine à la chimiothérapie néo-adju-vante augmente le taux de réponse histologique dans les tumeurs triple-négatives. L’inhibition de mTOR par l’évérolimus restaure − mais modestement − la sensibilité au trastuzumab en cas de résistance, selon l’essai BOLERO3. L’essai SAFIR01, une étude française multicentrique, a démontré la faisabilité d’une personnalisation des traitements du cancer du sein métastatique.

Mots-clésTamoxifèneÉvérolimusTrastuzumabGanglion sentinelleMédecine personnalisée

SummaryAfter the publication of the ATLAS trial earlier this year, a second study (aTTom) has shown a benefit in disease-free survival of the extension to 10 years of adjuvant hormonal therapy with tamoxifen. The safety of the procedure of sentinel lymph node biopsy (SLN) in terms of tumor control was confi rmed at 10 years in the B32 trial. Axillary irradia-tion could be an alternative to axillary dissection in case of positive GS according to the AMAROS trial. The addi-tion of a platinum salt to neoadjuvant chemotherapy increases the rate of patho-logic response in triple nega-tive tumors. Inhibition of mTOR by everolimus restores, albeit modestly, sensitivity to trastu-zumab in case of resistance according to BOLERO3 trial. The SAFIR01 trial demonstrated the feasibility of personalizing the treatment of metastatic breast cancer in a multicenter French study.

KeywordsTamoxifene

Everolimus

Trastuzumab

Sentinel node

Personalized medicine

La question de la chirurgie conservatrice chez les femmes de moins de 35 ans reste débattue en raison d’un risque de récidive locale plus élevé, et la mastectomie a même été recommandée par le National Comprehensive Cancer Network (NCCN) américain en 2007. Une étude de cohorte canadienne comprenant 1 381 femmes de moins de 35 ans, avec un suivi de plus de 10 ans, n’a pas retrouvé d’aug-mentation du risque de récidive ni de mortalité lié à la conservation mammaire, après ajustement de toutes les variables (Quan ML et al., abstr. 1002).L’étude HEBON (HEreditary Breast and Ovarian cancer study in the Netherlands) a comparé, chez des patientes porteuses d’une mutation de BRCA1/2 et traitées pour un premier cancer du sein, celles qui avaient choisi la réalisation d’une mastectomie prophylactique du sein controlatéral (MPC) à un groupe contrôle non opéré (Heemskerk-Gerritsen BAM et al., abstr. 1502). Les 565 patientes ont été incluses de 1980 à 2011, 239 (42 %) dans le bras opéré et 326 (58 %) dans le bras contrôle. Plus de 75 % portaient une mutation de BRCA1. Elles devaient avoir un suivi de plus de 2 ans sans méta-stase après le traitement de leur premier cancer du sein. Le suivi médian était de 11 ans. Les patientes du bras MPC avaient reçu plus souvent de la CT (66 versus 50 %) et avaient eu plus souvent une ovariec-tomie prophylactique (80 versus 69 %). Seules 2 % des opérées ont développé un cancer du sein contro-latéral, versus 20 % dans le bras suivi seul, et leur risque de mortalité par cancer du sein était réduit (HR = 0,55 ; IC95 : 0,32-0,94) après ajustement sur la réduction du risque lié à l’ovariectomie, la SG à 15 ans passant de 81 à 90 % (p = 0,006). Cette étude prospective n’est, bien sûr, pas randomisée, mais elle est la première à montrer un bénéfi ce en SG de la MPC dans cette population.

Traitement néo-adjuvant des tumeurs HER2+A. Buzdar et al. (abstr. 502) ont présenté les résultats de l’essai randomisé de CT néo-adjuvante associée au trastuzumab, ACOSOG Z1041, chez 282 patientes atteintes d’un cancer du sein surexprimant HER2. Un schéma “classique” de FEC (5-FU, épirubicine, cyclo-

phosphamide) sans trastuzumab suivi de paclitaxel hebdomadaire associé à du trastuzumab était comparé à un schéma débutant par paclitaxel et trastuzumab suivis de FEC avec du trastuzumab concomitant. Les taux de réponse histologique complète étaient iden-tiques dans les 2 bras, de 54 et 56 % respectivement. La toxicité cardiaque ne semblait pas majorée par l’association des anthracyclines avec le trastuzumab (Ewer M et al., abstr. 526). En conclusion, cette étude montre une faible cardiotoxicité de la combinaison anthracyclines + trastuzumab, comparable à celle d’un schéma séquentiel suivant les recommanda-tions habituelles. Cependant, l’absence de gain en termes de taux de réponse histologique n’incite pas à prendre le risque du traitement concomitant, car des incertitudes persistent sur les effets à long terme des modifi cations de la fraction d’éjection ventriculaire gauche, même s’ils sont réversibles.Les résultats de SG de l’essai NOAH, qui comparait, chez des patientes atteintes d’un cancer du sein HER2+ localement avancé, une CT néo-adjuvante avec et sans trastuzumab, ont été actualisés après un suivi médian de 5 ans (3). L’augmentation du taux de réponse histologique lié au trastuzumab se traduit par un gain en SG (Gianni L et al., abstr. 503).L’essai C40601 visait à comparer, lors d’une CT néo-adjuvante par paclitaxel hebdomadaire, 3 schémas de thérapie anti-HER2 : avec le trastuzumab, avec le lapatinib ou avec lapatinib + trastuzumab (Carey LA et al., abstr. 500). Le taux de réponse histologique complète (RCH) dans le sein est passé de 46 % avec le trastuzumab seul à 56 % avec l’association, sans que la différence soit statistiquement signifi cative. Le taux de RCH était de 37 % avec le paclitaxel + lapatinib. Ces résultats sont à rapprocher de ceux déjà obtenus dans les essais NeoSphere (4) ou NeoALTTO (5), qui ont montré la supériorité d’une combinaison de thérapies ciblées (soit trastuzumab + pertuzumab, soit trastuzumab + lapatinib) sur une monothérapie ciblée seule prescrite avec la CT. Cette étude a impliqué d’emblée les chirurgiens dans le protocole (Ollila DW et al., abstr. 501), afi n de défi nir le traitement à proposer à la patiente avant l’inclusion – mastectomie ou trai-tement conservateur –, de le redéfi nir à l’issue de la CT néo-adjuvante, puis de collecter ce qui avait réellement été pratiqué. Sur les 292 patientes évaluables pour la chirurgie, 169 (58 %) n’étaient pas considérées comme

Figure 1. Étude aTTom : rechutes en fonction du groupe de traitement (5 versus 10 ans de tamoxifène) [d’après Gray RG et al., abstr. 5, actualisé].

3 468 3 283 3 113 2 754 1 959 1 239 2 933 2 513 1 576 682 314 2 210 924 463 190 101 3 485 3 305 3 139 2 714 1 908 1 143 2 928 2 453 1 527 618 275 2 180 843 429 164 87

Patientes à risque

0

10

20

40

50

30

0 1 2 4 7 93 5 8 11 136 10 12 14 15

2p = 0,003

10 ans5 ans

Années à partir de la randomisation

Rech

utes

(%)

580 versus 672 rechutesRR = 0,85 ; IC

95 : 0,76-0,95 ; p = 0,003

Depuis 2008 : 143 versus 216 rechutes supplémentaires

32 % 28 %

Figure 2. Étude aTTom : décès par cancer du sein en fonction du groupe de traitement (d’après Gray RG et al., abstr. 5, actualisé).

3 485 3 399 3 293 2 981 2 206 1 347 3 145 2 748 1 785 743 334 2 482 1 013 520 207 116 3 468 3 384 3 275 2 972 2 207 1 419 3 143 2 753 1 804 794 369 2 474 1 066 551 226 130

2p = 0,06

Décè

s (%

)

Patientes à risque Années à partir de la randomisation

10 ans5 ans

404 versus 452 décès par cancer du sein

RR = 0,88 ; IC95

: 0,77-1,01 ; p = 0,05

p = 0,06

0

10

20

40

30

50

0 1 2 4 7 93 5 8 11 136 10 12 14 15

24 % 21 %

266 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 7 - juillet 2013

Cancers du seinDOSSIER

Chicago 2013

accessibles à un traitement conservateur ; 72 d’entre elles (43 %) ont pu être candidates à un traitement conservateur après un traitement néo-adjuvant.L’étude randomisée GeparSixto a évalué l’intérêt d’associer du carboplatine à différents schémas thérapeutiques néo-adjuvants chez des patientes atteintes d’un cancer triple-négatif (TN) [n = 315] ou HER2+ (n = 273) [Von Minckwitz G et al., abstr. 1004]. Elles ont toutes reçu une association de pacli-taxel (80 mg/m2/sem.) et de doxorubicine liposo-male non pégylée (20 mg/m2/sem.), ainsi que du trastuzumab (6 à 8 mg/kg/3 sem. pendant 1 an) et du lapatinib (750 mg/j pendant 18 sem.), pour les patientes HER2+, ou du bévacizumab (15 mg/kg/3 sem.), pour les patientes TN. Le taux de RCH était signifi cativement plus élevé dans le groupe avec carboplatine pour les cancers TN (58,7 versus

37,9 % ; p < 0,005) ; il était non signifi cativement différent parmi les groupes de patientes atteintes de cancers HER2+ (36,3 versus 33,1 %). La toxicité du carboplatine était non négligeable (myélotoxicité et troubles digestifs, surtout en cas d’association avec le lapatinib). Cette étude donne des éléments impor-tants en faveur de l’utilisation des sels de platine en situation néo-adjuvante dans les cancers du sein TN.L’essai de phase II randomisé (2:1) TBCRC02 a comparé un traitement néo-adjuvant par létrozole + bévacizumab (n = 50) à du létrozole seul (n = 25) chez des patientes ménopausées atteintes d’un cancer du sein HER2−, exprimant les récepteurs hormonaux (RH+), de stade II ou III (Forero-Torres A et al., abstr. 527). Le taux de réponse clinique était de 38 % (9 patientes sur 24) dans le bras standard et de 64 % (29 patientes sur 45) dans le bras expé-rimental. De plus, 5 RCH (11 %) ont été observées dans le bras avec bévacizumab et aucune dans le bras létrozole seul, ce qui est habituel avec l’hormono-thérapie (HT) néo-adjuvante. Dans les limites de cette étude de phase II randomisée, le bévacizumab semble donc potentialiser l’HT.

Traitement adjuvant

Hormonothérapie

Les cancers du sein exprimant les RH sont suscep-tibles de rechuter tardivement, parfois même plus de 10 ans après le traitement de la tumeur primitive. Le bénéfi ce du tamoxifène adjuvant non seulement augmente avec le recul mais il persiste en outre à très long terme, à 15 ans, bien après l’arrêt de ce traitement, comme l’ont montré les méta-analyses du groupe d’Oxford (effet “carry over”) [6]. La ques-tion de l’intérêt d’une prolongation du tamoxifène adjuvant au-delà de 5 ans a déjà été posée par 3 essais, dont les 2 derniers ont été considérés comme négatifs, la prolongation du traitement semblant être délétère (7, 8). Depuis, les résultats de l’étude ATLAS ont montré une prolongation de la SG avec 10 ans de tamoxifène (9). L’essai aTTom, présenté en session plénière (Gray RG et al., abstr. 5), a étudié, chez 6 953 patientes ayant déjà reçu un traitement adjuvant par tamoxifène pendant 5 ans, sa prolon-gation jusqu’à 10 ans. La détermination des RH sur la tumeur n’a pas été réalisée chez près de 60 % des patientes. Cependant, avec un long recul, une réduc-tion signifi cative du taux de récidive à 15 ans a été observée, celui-ci passant de 32 à 28 % (p = 0,003) [fi gure 1]. Le taux de décès liés au cancer du sein

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 7 - juillet 2013 | 267

DOSSIER

passe quant à lui de 24 à 21 % (p = 0,06) [fi gure 2]. La différence devient signifi cative au-delà de 10 ans de suivi. Lorsqu’on analyse la SG – en incluant donc les décès de toutes causes –, la différence globale n’est pas signifi cative ; cependant, si l’on se focalise sur les seules patientes ayant un recul de plus de 10 ans, le bénéfi ce en SG apparaît alors. L’augmentation des taux d’incidence du cancer de l’endomètre et de mortalité est tout à fait signifi cative, passant respec-tivement de 1,3 à 2,9 % (p < 0,0001) et de 0,6 à 1,3 % (p = 0,02). Cependant, la mortalité sans récidive du cancer du sein, comprenant les décès toxiques, n’est pas augmentée. En cumulant les résultats d’aTTom à ceux d’ATLAS, soit 17 477 patientes, la mortalité par cancer du sein est signifi cativement réduite, avec un HR de 0,85 (IC95 : 0,77-0,94) [p = 0,01]. Les avantages modestes en termes de SG de la prolongation de l’HT doivent être mis en balance avec les effets indési-rables induits par celle-ci, ainsi qu’avec les effets de la faible observance à long terme avant de décider de changer nos référentiels. Les douleurs sont fréquentes sous traitement par inhibiteurs de l’aromatase (IA), mais leur origine est encore mal connue. Cent trente-cinq patientes atteintes d’un cancer du sein au stade précoce ont été incluses dans une étude de cohorte prospective au début de leur traitement par IA (Cottu PH et al., abstr. 569). Soixante-dix-sept (57 %) ont développé un syndrome douloureux, provoquant un arrêt du traitement dans 12 cas. Les arthropathies étaient les effets indésirables les plus fréquents (36 %), suivies par les douleurs diffuses (22 %), les tendinites (22 %) et les douleurs neuropathiques (9 %). Les caracté-ristiques du cancer, les taux d’hormones sexuelles et les valeurs des paramètres de l’infl ammation ou de l’immunité n’étaient pas associés à l’incidence du syndrome douloureux. En revanche, l’anxiété basale, l’altération de la qualité de vie et la présence de certains traits de personnalité ont été identifi ées comme des facteurs de risque majeur de développe-ment d’un syndrome douloureux sous IA.

Chimiothérapie

L’équipe du MD Anderson Cancer Center (États-Unis) a repris les données concernant le délai avant la mise en œuvre de la CT adjuvante chez les 6 827 patientes traitées de 1997 à 2011 (Gagliato DDM et al., abstr. 1022) : 2 716 (39,79 %) ont commencé leur CT dans les 30 jours suivant la chirurgie, 2 994 (43,86 %) entre 30 et 60 jours après, et 1 117 (16,37 %) plus de 60 jours après. On constate un effet délétère sur la survie lorsque

la CT était commencée 30 jours après la chirurgie pour les patientes ayant une tumeur TN, ou lorsqu’elle datait de plus de 60 jours chez les patientes ayant une tumeur HER2+ traitées par trastuzumab. Pour les autres tumeurs RH+ ou HER2+ n’ayant pas reçu de trastuzumab, on ne constate pas de différence. L’essai S0221 a montré une équivalence, en situa-tion adjuvante, des schémas paclitaxel tous les 15 jours et paclitaxel hebdomadaire, avec plus de toxicités du schéma tous les 15 jours : le schéma hebdomadaire reste donc la référence (Budd GT et al., abstr. CRA1008).En revanche, l’essai CALGB 40101 a conclu qu’un traitement par paclitaxel seul en adjuvant n’est pas équivalent à un schéma de type AC (doxorubicine, cyclophosphamide), même si cette CT était plus toxique, en particulier en termes d’hémopathies secondaires (Shulman LN et al., abstr. 1007).

Stade métastatique

HER2+

L’étude BOLERO-3, présentée par R. O’Regan et al. (abstr. 505), faisait suite à des essais prometteurs de phase Ib associant l’évérolimus (inhibiteur de mTOR) à une CT et à du trastuzumab dans le cancer du sein HER2+ métastatique. Le blocage d’une voie de transduction du signal en aval passant par la voie mTOR devrait potentialiser le blocage membranaire de HER2 par un anticorps, et restaurer la sensibi-lité chez des patientes ayant une tumeur devenue résistante au trastuzumab. Un total de 572 patientes atteintes d’un cancer du sein HER2+ métastatique ayant déjà reçu un taxane et considérées comme résistantes au trastuzumab ont reçu une associa-tion de vinorelbine + trastuzumab avec de l’évéro-limus (5 mg) ou un placebo. La médiane de survie sans progression passait de 5,7 à 7,0 mois avec l’évérolimus (p = 0,0067), avec un taux de réponse objectif similaire dans les 2 bras, d’environ 40 % (fi gure 3, p. 268).Les toxicités étaient celles connues pour l’évéro-limus (mucite et asthénie), avec une augmentation modérée de la toxicité hématologique. Le recul n’était pas suffi sant pour avoir des données en SG. La qualité de vie, malgré la toxicité majorée, était identique dans le bras avec évérolimus. Cette association, qui semble plus effi cace dans le sous-groupe des patientes ayant une tumeur n’exprimant pas les RH, reste loin d’être un standard et devra trouver sa place, probablement après le T-DM1, le pertuzumab et le lapatinib.

Figure 3. Étude BOLERO-3 : survie sans progression évaluée localement (d’après O’Regan R et al., abstr. 505, actualisé).

284

285

259

253

233

202

200

177

161

138

126

109

98

85

78

64

54

49

40

38

35

26

26

23

18

19

14

16

14

12

9

10

5

7

4

4

0 6 12 18 24 30 36 42 48 54 60 66 72 78 84 90 96 102

0

20

40

60

80

100

Évérolimus (n/N = 196/284) Placebo (n/N = 219/285)

Semaines

Prob

abili

té (%

)

HR = 0,78 ; IC95

: 0,65-0,95 ; p= 0,0067

Patientes à risque (n)

Évérolimus 7,00 mois 6,74-8,18

Placebo 5,78 mois 5,49-6,90

SSP médiane IC95

Figure 4. Essai SAFIR01 : Essai multicentrique de CGH array et de séquençage de l’ADN pour un traitement personnalisé dans le cancer métastatique (d’après André F et al., abstr. 511, actualisé).

Altérationsgénomiques rares

423 patientesincluses

CGH arrays(n = 287)

Biopsie demétastases(n = 404)

194 altérationsgénomiques

ciblables 25 %

Traitement conduitpar la génomique

chez 48 patientes

+ 4 patientesERBB2 ampCGH array

12 %

106 matériels tumorauxnon éligibles

(faible cellularité : n = 91)

11 analyses pangénomiquesnon interprétables

4 patientessans cancer

Amplification CCND1

Amplification FGFR1

Mutation AKT1 Amplifications FRS2, EGFR, MDM2

Amplifications PIK3CA, FGFR2

Amplifications IGF1R, ALK, MET

Mutation PIK3CA

67 %

%

0

5

10

15

20

25

30

268 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 7 - juillet 2013

Cancers du seinDOSSIER

Chicago 2013

Anti-mTOR

En 2012, les études BOLERO-2 (10) et TAMRAD (11) ont établi la place de l’évérolimus en situation d’hormonorésistance secondaire. Une analyse en séquençage massif chez 227 patientes dans l’étude BOLERO-2 a été menée (Hortobagyi GN et al., abstr. LBA509). Les anomalies retrouvées (mutation de

PI3K et de p53, amplifi cation de CCND1 et de FGFR1, etc.) ne sont pas prédictives individuellement de la réponse, mais les patientes cumulant les alté-rations semblent moins bénéfi cier de l’évérolimus. Dans l’étude TAMRAD (Treilleux I et al., abstr. 510), une approche immunohistochimique ciblant les protéines clés de la voie PI3K et leur forme phos-phorylée semble montrer qu’un niveau d’expres-sion élevé de p-4EBP1 ou bas de LKB1, associé à l’activation de la voie, est prédictif du bénéfi ce de l’évérolimus.

Médecine personnalisée

F. André et al. (abstr. 511) ont présenté l’étude d’Unicancer SAFIR01, dont le but était de pratiquer une analyse moléculaire en CGH array (Compara-tive Genomic Hybridization array) et en séquen-çage par la méthode de Sanger de PI3K et AKT1 sur des biopsies de métastases de cancer du sein, afi n de rechercher une anomalie utilisable comme cible d’une thérapie spécifi que à chaque cas. Ce programme a inclus 423 patientes de 18 centres français en 1 an. Les échantillons étaient adressés à l’une des 5 plateformes sélectionnées. Le profi l tumoral ainsi obtenu était ensuite analysé par une équipe multidisciplinaire (biologistes, bio-informa-ticiens, cliniciens) au cours de réunions régulières. Si une altération génomique identifi ée correspondait à une cible thérapeutique possible, une recomman-dation était faite, et la patiente était alors orientée vers un essai précoce de la molécule potentiel-lement adaptée. Une biopsie a été réalisée chez 404 patientes et une CGH array a été possible dans 71 % des cas (n = 287). Dans 194 cas, une anomalie moléculaire a été identifi ée et considérée comme une cible thérapeutique potentielle ; 48 patientes ont été orientées vers un traitement spécifi que (rapalogues, inhibiteurs de PI3K, inhibiteurs de FGFR, inhibiteurs de mTOR, d’AKT, d’EGFR ou de VEGFR, etc.). Finalement, 12 patientes ont eu un bénéfi ce clinique (réponse ou stabilité tumorale) [figure 4].Finalement, SAFIR01 ouvre, en France, grâce à la mise en place de ce circuit très complexe, mais maintenant bien rôdé, la possibilité d’autres études avec un programme d’accès aux molécules théra-peutiques planifi é (pipeline d’industriels) et avec des techniques d’analyse plus performantes par séquençage de nouvelle génération. ■

J.Y. Pierga déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche.

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 7 - juillet 2013 | 269

DOSSIER

1. Krag DN, Anderson SJ, Julian TB et al. Sentinel-lymph-node resection compared with conventional axillary-lymph-node dissection in clinically node-negative patients with breast cancer: overall survival findings from the NSABP B-32 randomised phase 3 trial. Lancet Oncol 2010;11(10):927-33.2. Giuliano AE, Hunt KK, Ballman KV et al. Axillary dissection vs no axillary dissection in women with invasive breast cancer and sentinel node metastasis: a randomized clinical trial. JAMA 2011;305(6):569-75.3. Gianni L, Eiermann W, Semiglazov V et al. Neoadjuvant chemotherapy with trastuzumab followed by adjuvant trastuzumab versus neoadjuvant chemotherapy alone, in patients with HER2-positive locally advanced breast cancer (the NOAH trial): a randomised controlled supe-riority trial with a parallel HER2-negative cohort. Lancet 2010;375(9712):377-84.4. Gianni L, Pienkowski T, Im YH et al. Effi cacy and safety of neoadjuvant pertuzumab and trastuzumab in women with

locally advanced, infl ammatory, or early HER2-positive breast cancer (NeoSphere): a randomised multicentre, open-label, phase 2 trial. Lancet Oncol 2012;13(1):25-32.5. Baselga J, Bradbury I, Eidtmann H et al.; NeoALTTO Study Team. Lapatinib with trastuzumab for HER2-posi-tive early breast cancer (NeoALTTO): a randomised, open-label, multicentre, phase 3 trial. Lancet 2012;379(9816):633-40.6. Davies C, Godwin J, Gray R et al.; Early Breast Cancer Trialists' Collaborative Group (EBCTCG). Relevance of breast cancer hormone receptors and other factors to the effi cacy of adjuvant tamoxifen: patient-level meta-analysis of rando-mised trials. Lancet 2011;378(9793):771-84.7. Stewart HJ, Prescott RJ, Forrest AP. Scottish adjuvant tamoxifen trial: a randomized study updated to 15 years. J Natl Cancer Inst 2001;93(6):456-62.8. Fisher B, Dignam J, Bryant J, Wolmark N. Five versus more than fi ve years of tamoxifen for lymph node-negative breast

cancer: updated fi ndings from the National Surgical Adju-vant Breast and Bowel Project B-14 randomized trial. J Natl Cancer Inst 2001;93(9):684-90.9. Davies C, Pan H, Godwin J et al.; Adjuvant Tamoxifen: Longer Against Shorter (ATLAS) Collaborative Group. Long-term effects of continuing adjuvant tamoxifen to 10 years versus stopping at 5 years after diagnosis of oestrogen receptor-positive breast cancer: ATLAS, a rando-mised trial. Lancet 2013;381(9869):805-16.10. Baselga J, Campone M, Piccart M et al. Everolimus in postmenopausal hormone-receptor-positive advanced breast cancer. N Engl J Med 2012;366(6):520-9.11. Bachelot T, Bourgier C, Cropet C et al. Randomized phase II trial of everolimus in combination with tamoxifen in patients with hormone receptor-positive, human epidermal growth factor receptor 2-negative metastatic breast cancer with prior exposure to aromatase inhibitors: a GINECO study. J Clin Oncol 2012;30(22):2718-24.

Références bibliographiques

Objectif oncologie

* Inscription immédiate et gratuite réservée aux professionnels de santé.

Avec le soutien

institutionnel deDirecteur de la publication : Claudie Damour-Terrasson

Rédacteur en chef : Pr Jean-François Morère

Sous l’égide de

Dr Sébastien ALBERT, Pr Bertrand BAUJAT, Pr René-Jean BENSADOUN, Dr Philippe CÉRUSE,Dr Sylvie CLAUDIN, Pr Sandrine FAIVRE, Pr Joël GUIGAY, Dr Frédéric KOLB, Pr Jean-Louis LEFEBVRE, Dr Frédéric PEYRADE, Dr Patrick SOUSSAN, Dr Stéphane TEMAM, Dr Alain TOLEDANO, Dr Gérald VALETTE

Dr Véronique DIÉRAS, Dr Florence LEREBOURS, Dr Anne LESUR, Pr Jean-François MORÈRE, Dr Rémy SALMON, Pr Laurent ZELEK

Pr René ADAM, Pr Thomas APARICIO, Dr Pascal ARTRU, Dr Frédéric DI FIORE, Pr Michel DUCREUX, Dr Éric FRANÇOIS, Dr Astrid LIÈVRE, Dr Jean-Philippe METGES,Pr Jean-Marc PHELIP, Pr Jean-Christophe SABOURIN, Dr Denis SMITH, Pr Jean-Philippe SPANO,Pr Julien TAÏEB, Dr Christophe TOURNIGAND, Pr Marc YCHOU

Dr Martine ANTOINE, Dr Benjamin BESSE, Dr Fabienne ESCANDE, Pr Dominique GRUNENWALD,Pr Jean-François MORÈRE, Pr Françoise MORNEX, Pr Denis MORO-SIBILOT, Dr Maurice PÉROL,Dr Gilles ROBINET, Pr Jean TRÉDANIEL

Dr Sarah DAUCHY

Oncologie thoracique

Psycho-oncologie

Sénologie

Oncologie digestive

Oncologie ORL

LES EXPERTS ET LA LETTRE VOUS LIVRENT LEUR REGARD SUR VOS SPÉCIALITÉSRetrouvez-les sur www.edimark.tv *

Nouvelle séquence