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Le Praticien en anesthésie réanimation (2012) 16, 94—101 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Carence en fer Iron deficiency Sara Dadoun Département anesthésie-réanimation, hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Dr-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France MOTS CLÉS Carence martiale ; Fer intraveineux ; Anémie ; Grossesse ; Métabolisme du fer Résumé La population mondiale carencée en fer représente 1,5 milliards d’individus. Le défi- cit en fer retentit sur la qualité de vie et réduit la capacité à faire face à un événement hémorragique. Une attention particulière doit être portée aux femmes enceintes qui cumulent des besoins en fer élevés, un risque hémorragique imprévisible et une activité soutenue : les soins au nouveau-né. Le dépistage de la carence martiale avant le stade de l’anémie repose sur le dosage de ferritine. Le traitement par voie orale est efficace en l’absence d’urgence thé- rapeutique et à condition d’être suivi jusqu’à son terme. Les formulations de fer glucidiques intraveineuses sont très bien tolérées et d’un apport thérapeutique majeur lorsqu’une correc- tion rapide de la carence s’impose. L’essentiel reste de penser à la carence martiale afin de la dépister et de la traiter. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Iron deficiency; Intravenous iron; Anemia; Pregnancy; Iron metabolism Summary Iron deficiency, with or without anemia, is the most frequent nutritional deficiency in the world. The incidence remains especially high in some subgroups, such as pregnant women and children. Consequences of iron deficiency on physical and cognitive status impair the qua- lity of life and could be life threatening in case of haemorrhage related to delivery or surgical bleeding. One must pay special attention to pregnant women and young mothers because of high iron requirements and unpredictable bleeding. Ferritin measurement allows an early detection of iron deficiency before the occurrence of anemia. Except in emergency cases, oral supple- mentation is effective if taken as long as required. Glucidic iron preparations are well tolerated and very useful if a rapid correction is needed. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] 1279-7960/$ see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2012.02.006

Carence en fer

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e Praticien en anesthésie réanimation (2012) 16, 94—101

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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Sara Dadoun

Département anesthésie-réanimation, hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue duDr-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France

MOTS CLÉSCarence martiale ;Fer intraveineux ;Anémie ;Grossesse ;Métabolisme du fer

Résumé La population mondiale carencée en fer représente 1,5 milliards d’individus. Le défi-cit en fer retentit sur la qualité de vie et réduit la capacité à faire face à un événementhémorragique. Une attention particulière doit être portée aux femmes enceintes qui cumulentdes besoins en fer élevés, un risque hémorragique imprévisible et une activité soutenue : lessoins au nouveau-né. Le dépistage de la carence martiale avant le stade de l’anémie repose surle dosage de ferritine. Le traitement par voie orale est efficace en l’absence d’urgence thé-rapeutique et à condition d’être suivi jusqu’à son terme. Les formulations de fer glucidiquesintraveineuses sont très bien tolérées et d’un apport thérapeutique majeur lorsqu’une correc-tion rapide de la carence s’impose. L’essentiel reste de penser à la carence martiale afin de ladépister et de la traiter.© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSIron deficiency;Intravenous iron;Anemia;Pregnancy;

Summary Iron deficiency, with or without anemia, is the most frequent nutritional deficiencyin the world. The incidence remains especially high in some subgroups, such as pregnant womenand children. Consequences of iron deficiency on physical and cognitive status impair the qua-lity of life and could be life threatening in case of haemorrhage related to delivery or surgicalbleeding. One must pay special attention to pregnant women and young mothers because of high

Iron metabolism iron requirements and unpredictable bleeding. Ferritin measurement allows an early detectionof iron deficiency before the occurrence of anemia. Except in emergency cases, oral supple-

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mentation is effective if tak and very useful if a rapid correc© 2012 Published by Elsevier Ma

Adresses e-mail : [email protected], [email protected]

279-7960/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2012.02.006

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Carence en fer

Introduction

L’amélioration globale des conditions de vie et del’alimentation après la seconde guerre mondiale a laissépenser, à tort, que la carence martiale et l’anémie ferriprivene faisaient plus problème. Depuis une dizaine d’année, desétudes dans les pays occidentaux montrent qu’il s’agit aucontraire d’un problème de santé publique majeur, toujoursd’actualité. À un stade avancé, la carence martiale induitune anémie ferriprive, cause de surmortalité, en particu-lier en cas de spoliation sanguine aiguë. On sait par ailleursaujourd’hui que la déficience en fer, même en l’absenced’anémie, est responsable d’une diminution des capaci-tés intellectuelles, physiques à l’effort, immunitaires, dethermorégulation, et perturbe les métabolismes thyroïdienet catécholaminergique. Des apports en fer insuffisants etune absorption intestinale peu performante expliquent engrande partie l’impossibilité pour l’organisme de faire faceà une demande en fer accrue : croissance, grossesse ouhémorragie. En dépit de ses effets délétères, marqués parune morbidité et une mortalité majeures, la carence mar-tiale demeure une pathologie sous-estimée, dont la prise encharge thérapeutique est souvent négligée.

Épidémiologie

Avec 20 à 50 % de la population mondiale atteinte, la carenceen fer est le déficit nutritionnel le plus répandu dans lemonde ; 1,5 milliards d’individus présentent une anémie [1].Si les pays en voie de développement sont les plus touchés,les pays développés ne sont pas épargnés. Les besoins éle-vés en fer lors des grossesses et de la croissance, les pertesliées aux menstruations, aux contaminations parasitaires,associés à des apports nutritionnels insuffisamment richesen fer expliquent que les femmes et les enfants soient lesgroupes les plus à risque de déficit en fer (Fig. 1). En France,près d’un quart des femmes en âge de procréer présententune déplétion complète des réserves de fer et en régionparisienne 10 à 25 % des nourrissons de dix mois ont unecarence martiale ; 20 % des femmes au troisième trimestrede la grossesse et 2 à 8 % des enfants de 10 mois à quatreans sont atteints d’anémie ferriprive [2,3]. Diverses étudesont montré l’absence de réserve en fer dans une fractionimportante de la population, en particulier chez le jeuneenfant, l’adolescente et la femme en âge de procréer. Dansune étude réalisée dans le Val-de-Marne, 29 % des enfants demoins de deux ans, 14 % des jeunes de deux à six ans, 15 %des adolescentes et 10 % des femmes en âge de procréerprésentaient une carence en fer. Enfin, une carence en fera été relevée chez 60 à 75 % des femmes au terme de leurgrossesse, à l’origine d’une anémie chez 10 à 30 % d’entreelles.

Métabolisme du fer

Le fer est un métal essentiel pour tous les organismes,

jouant un rôle structurel et fonctionnel pour de nombreusesprotéines, notamment celles qui sont impliquées dans letransport et le stockage de l’oxygène, la synthèse d’ADNet le transport d’électrons. Ces fonctions, vitales pour les

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95

ellules, sont possibles grâce aux propriétés d’oxygénationt d’hydroxylation du fer. Ces mêmes propriétés oxydativesoivent être contrôlées pour éviter une production inap-ropriée de radicaux libres, extrêmement nocive pour lesellules. La ferritine et la transferrine, protéines capablese fixer et transporter le fer tout en neutralisant ces effetsxydatifs délétères sont les piliers du métabolisme du fer.’est lorsque leur capacité de fixation et de stockage estépassée que l’on voit apparaître une augmentation du feribre plasmatique responsable des effets secondaires. Ainsi,l est essentiel pour l’organisme de réguler de facon fine sonontenu en fer, afin d’éviter l’état de carence martiale, sans’exposer au risque d’une surcharge. En l’absence de méca-ismes excréteurs du fer, la régulation de son absorption este principal moyen de maintenir l’homéostasie martiale.

Un organisme adulte contient 4 g de fer, répartis pour 70 %ans l’hémoglobine des globules rouges et la myoglobinees muscles, 5 % dans les diverses cellules (réserve fonc-ionnelle de fer) et 25 % dans les macrophages du foie et duystème réticulé endothélial, compartiment de stockage. Leer d’apport exogène exclusif arrive dans la lumière intesti-ale par l’alimentation. Une diète occidentale « classique »pporte quotidiennement 12 à 18 mg de fer dont à peine0 % (1—3 mg) sont absorbés. Le fer non héminique d’origineégétale est particulièrement peu biodisponible, tandis quee fer héminique d’origine animale est mieux assimilé. Uneois capté par l’entérocyte, le fer est excrété ou non dans lairculation sanguine en fonction des besoins de l’organisme.ans le sang, c’est la transferrine qui fixe le fer et leransporte vers tous les organes, en particulier la moellerythropoïétique. Toutes les cellules possèdent des récep-eurs à la transferrine, proportionnellement à leurs besoinsn fer. Au sein des cellules, le fer est stocké grâce à la fer-itine, protéine capable de fixer jusqu’à 4600 ions de fer.es macrophages du système réticulé endothélial sont par-iculièrement riches en ferritine ; ils constituent le principalieu de stockage du fer. L’hepcidine, protéine synthétiséear le foie, inhibe l’absorption du fer par les entérocytest son relargage par les macrophages, elle favorise auontraire le stockage intracellulaire du fer. Ainsi, un tauxlevé d’hepcidine entraîne une faible quantité de fer dis-onible pour l’érythropoïèse. Un taux élevé d’hepcidinest observé en cas de réplétion martiale, mais égalementors des situations inflammatoires. Elle apparaît aujourd’huiomme une protéine-clé du métabolisme martial physiolo-ique ou pathologique (Fig. 2) [4,5].

anifestations cliniques

’anémie chronique et la carence martiale se manifestente facon souvent insidieuse. Les signes cliniques sont poly-orphes : asthénie, diminution de la libido, difficultés à

ssurer des efforts physiques ou intellectuels, manifesta-ions neurosensorielles (vertiges, acouphènes), troubles dea croissance des ongles (koïlonychie), glossite atrophique,

omportement alimentaire (Pica : ingestion durable de sub-tances non nutritives). Penser à la nature organique de cesymptômes, d’apparition et d’aggravation progressives, est’autant plus important que :

Page 3: Carence en fer

96 S. Dadoun

Figure 1. Prévalence dans le monde de l’anémie. A. Chez les femmes. B. Chez les enfants en bas âge ; d’après De Benoist et al. [1],reproduit avec l’aimable autorisation de l’Organisation mondiale de la santé.

Page 4: Carence en fer

Carence en fer 97

Figure 2. Représentation schématique du métabolisme du fer. Étape 1 : absorption. S’effectuant au niveau de l’intestin, l’absorptiondu fer est peu performante et altérée par de nombreux aliments ; étape 2 : transfert au compartiment sanguin. Variable selon les besoinset le statut inflammatoire du sujet ; étape 3 : utilisation du fer. Chaque cellule capte et utilise le fer selon ses besoins. Les cellulesérythropoïétiques de la moelle sont les grandes utilisatrices de fer. Le fer en excès est stocké dans les macrophages du système réticuléendothélial ; étape 4 : actions de l’hepcidine. Protéine clé du métabolisme du fer, l’hepcidine est sécrétée par le foie en cas de réplétion

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martiale ou d’inflammation. Elle inhibe l’absorption du fer et son rfer dans les macrophages.

• les sujets eux-mêmes peuvent avoir tendance à les mino-rer, du fait d’une adaptation progressive par économied’activité physique notamment ;

• qu’ils retentissent sur tous les aspects de la vie ;• qu’un risque de décompensation est à craindre, à

l’occasion d’une augmentation de la demande en fer,grossesse, spoliation sanguine, croissance accrue ;

• que le traitement est simple : apport de fer ;

Chez la femme

En France, 93 % des femmes en âge deprocréer ont des apports alimentaires en ferinférieurs aux recommandations [2], 20 à 25 %

n’ont aucune réserve martiale.

Or, la carence martiale, même isolée, ferritine inférieureà 50 �g/dL sans anémie, est impliquée dans la survenued’asthénie, de limitation des performances intellectuelleset physiques, ainsi que d’une baisse de la libido. Il estfréquent d’ignorer la possibilité d’un élément carentieldans la survenue de ces symptômes, subjectifs et mul-tifactoriels. L’impact de ces perturbations sur la qualitéde vie et leur atténuation avec la prise de fer justifient

pourtant le dépistage et le traitement de toute carencemartiale chez la femme. Quatre-vingt pour cent des ané-mies chez la femme de moins de 50 ans sont liées àune carence martiale. L’origine gynécologique domine très

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uage dans la circulation. Elle favorise au contraire le stockage du

argement l’étiologie de la carence martiale et de l’anémieerriprive dans cette population. L’abondance et la duréees saignements menstruels, le mode de contraception,ispositif intra-utérin ou non, peuvent modifier de facononsidérable les pertes en fer, et sont répétons-le, souventous-estimées. Au cours d’une gestation, 500 à 800 mg deer sont délivrés au fœtus, d’où des besoins en fer trèslevés, exceptionnellement comblés par l’alimentation. Lesonséquences d’une carence martiale, à ce moment cru-ial, peuvent êtres sévères, pour la mère comme pour’enfant. La grossesse et le post-partum nécessitent uneépense énergétique importante, rendue difficile en cas’anémie. L’asthénie et le sentiment d’incapacité à faireace à la charge de travail vont favoriser les dépressions duost-partum. L’anémie au cours de la grossesse favorise larématurité et le petit poids fœtal et pourrait perturber leon développement cérébral du fœtus. Les hémorragies duéripartum restent la première cause de mortalité et deorbidité maternelles en France. Le taux d’hémoglobinee départ va conditionner la tolérance à l’hémorragie, ete recours à la transfusion sanguine. Pour toutes ces rai-ons, la normalisation des réserves en fer des femmes enge de procréer et surtout des femmes enceintes doit êtren objectif de santé publique. Un dosage de la ferritinémie,ouplé ou non à la numération globulaire, suffit le plus sou-ent à dépister la carence en fer chez la femme. En Europe,

es pays pratiquent, soit une supplémentation martialeystématique pour les femmes enceintes comme leoyaume-Uni, soit un dosage de la ferritine en début derossesse modulant le début de l’apport de fer. En France,
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l n’y a plus de supplémentation martiale systématiqueu cours de la grossesse et le seul dépistage obligatoirest la numération faite à 26 semaines d’aménorrhée. Deombreuses anémies de début de grossesse passent ainsinapercues. Une correction martiale insuffisante au momente l’accouchement n’optimise pas les conditions pour faireace à une hémorragie, survenant pour 4 à 5 % des accouche-ents.

hez l’enfant

e six mois à neuf ans, les apports nutritionnels conseillés ener sont de 7 mg/j. Au cours de la première année de vie, lesesoins en fer sont estimés à 250 mg soit 0,8 mg/j [6]. C’est,apporté au poids, huit fois les besoins d’un homme adulte.a carence en fer induit des modifications comportemen-ales et cognitives particulièrement graves chez le jeunenfant du fait de l’importance de sa croissance cérébrale.a réversibilité des symptômes, par la correction du défi-it, ne semble pas acquise [7]. La constitution des stockse fer dans les différentes régions du cerveau s’effectuantelon une chronologie précise. Le fer est nécessaire à uneyélinisation correcte de la moelle épinière et de la sub-

tance blanche du cervelet et intervient dans la recapturees neurotransmetteurs depuis la fente synaptique. Le sys-ème dopaminergique montre une sensibilité particulière etonstante aux modifications du statut en fer. Les enfantsouffrants d’anémie carentielle, outre un développementntellectuel moindre sont sujets à des troubles du compor-ement à type d’agitation, de trouble de l’attention [8]. Làncore, le caractère subjectif et multifactoriel de ces para-ètres de développement rendent difficile l’appréciation du

iveau d’imputabilité de la carence en fer dans leur surve-ue. La sensibilité aux infections bactériennes, notammentRL semble augmentée en cas de carence martiale. Unetude portant sur 680 enfants ayant des otites moyennesiguës à répétition montre que 20 % d’entre eux sont ané-iés ([hémoglobine] inférieure à 9,5 g/dL). Le traitementartial réduisait significativement le nombre d’otites ulté-

ieures [9].Les réserves en fer du nouveau-né proviennent de la

ère, elles devraient atteindre à la naissance 75 mg/kg,ont deux tiers constitués au dernier trimestre de la gros-esse [10]. La grande richesse du placenta en récepteurs à laransferrine indique l’importance du transport de fer poure bon développement fœtal. Ce transport augmente pro-ressivement pour être au maximum, 4 mg/j, à la fin de larossesse. Au total, 500 mg de fer sont délivrés au fœtusendant la grossesse [11]. Si la quantité de fer transportéermet le plus souvent d’éviter une anémie du nouveau-né,lle peut être insuffisante pour la constitution des réserves,n cas de carence martiale chez la mère. La correction deout déficit martial pendant la grossesse, en plus des béné-ces pour les mères, est donc également primordiale pour

’enfant.

ériopératoire

tant donné l’incidence élevée de l’anémie carentielleans la population, il n’est pas surprenant de retrouverne proportion importante de patients chirurgicaux ané-iés ou présentant une carence martiale [12]. Or, en

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S. Dadoun

ériode périopératoire, surtout en cas de chirurgie hémor-agique, la réplétion martiale est hautement souhaitable.lle permet d’améliorer la tolérance au saignement eta régénération globulaire et d’optimiser la réhabilitationostopératoire. L’anémie préopératoire apparaît comme unacteur indépendant d’augmentation du risque de morbi-ortalité [13]. La pathologie motivant l’intervention, peut

tre responsable de pertes en fer augmentées ou de diffi-ultés d’utilisation de ce dernier. Le dépistage de l’anémiet de la carence en fer, couplé à leur correction préopé-atoire, doit être envisagé systématiquement. C’est le casn gynécologie, où 25 % des patientes suivies pour méno-étrorragies présentent une anémie [14]. Un dépistageréopératoire, couplé à une correction de l’anémie permet-rait de diminuer drastiquement le recours à la transfusionour ces patientes. Il en va de même en chirurgie carci-ologique, surtout si les patients ont subi des traitementsréalables. Or, la transfusion sanguine a été mise en causeans la récidive cancéreuse du fait des effets de tolérancemmunitaire qu’elle induit [15]. Dans tous les cas, la tolé-ance au saignement et le recours à la transfusion dépendente l’hémoglobinémie de départ [16]. En phase postopéra-oire, l’anémie limite la rééducation, la cicatrisation, etavorise au contraire les infections [17,18].

Le dépistage de la carence martiale estrecommandé en sus de celui de l’anémie.

Surtout la supplémentation martialepréopératoire doit être privilégiée.

En effet, au moment même du stimulus hémorragique,ne sécrétion accrue d’érythropoïétine endogène permetne régénération globulaire rapide à condition de disposere fer pour l’érythropoïèse. De plus, en phase postopéra-oire, le syndrome inflammatoire tendra à détourner le ferdministré vers les compartiments de réserves.

Pour obtenir un bénéfice périopératoire en termes deéduction des anémies et des transfusions le recours au ferntraveineux est parfois nécessaire. Les délais avant chirur-ie ne permettant pas le plus souvent une efficacité de laoie orale.

iagnostic biologique correspondant auxifférents stades de la carence martiale

’anémie est le stade ultime de la carence en fer, elle seiagnostic aisément par l’abaissement de l’hémoglobinémien decà des seuils définis par l’Organisation mondiale de laanté (OMS), inférieure à 13 g/dL chez l’homme, inférieure

12 g/dL chez la femme. Toute anémie doit être traitéen raison de son impact sur la qualité de vie des sujetstteints. La survenue de l’anémie est précédée par deuxtapes, l’érythropoïèse déficitaire en fer et la déplétionartiale. La réalisation d’un bilan martial et l’analyse fine

es caractéristiques des globules rouges sont nécessairesour diagnostiquer ces situations de carences.

Dans certaines situations cliniques, on parlera de carenceonctionnelle en fer, lorsque la quantité de fer mobilisable

Page 6: Carence en fer

Carence en fer 99

Tableau 1 Diagnostic biologique de la carence martiale. L’anémie est le stade ultime de la carence martiale ; lorsquel’anémie apparaît, les réserves de fer sont totalement épuisées.

Normale Déplétionmartiale

Érythropoïèsedéficitaire en fer

Anémiecarentielle

Ferritine (�/L) 100 ± 60 < 40 < 20 < 10Saturation de la transferrine (%) 35 ± 15 < 30 < 15 < 10Globules rouges Normaux Normaux Normaux, microcytaires Microcytaires hypochromes

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Réserves médullaires 2—3 Traces de

ne couvre pas les besoins de l’érythropoïèse, malgré desréserves martiales correctes voir augmentées [19].

Diagnostic de la carence absolue en fer

Les dosages de l’hémoglobinémie, de la ferritine et de lasaturation de la transferrine suffisent le plus souvent à diag-nostiquer et à traiter les situations de carence absolue enfer (Tableau 1).

Carence fonctionnelle en fer

Des situations cliniques plus complexes, lors de syndromesinflammatoires aiguës ou chroniques, aboutissent à desanémies, alors mêmes que les réserves en fer sont préser-vées voir augmentées. En présence d’une anémie suspectéeinflammatoire, le pourcentage de saturation de la trans-ferrine ou les anomalies qualitatives des globules rougesgardent leur valeur diagnostique contrairement au taux deferritine. Le traitement oral étant inefficace, une supplé-mentation par voie intraveineuse est proposée.

Traitement de l’anémie/carence martiale

Toute anémie/carence martiale diagnostiquée doit être trai-tée par des modifications du régime alimentaire associéesle plus souvent à une supplémentation par voie orale ouintraveineuse. La correction du déficit doit être contrôlée àl’issue du traitement. La première étape est d’effectuer lecalcul du déficit martial pour déterminer la quantité totalede fer à apporter et préciser la durée minimale de traite-ment en cas de choix de la voie orale.

Calcul du déficit martial

(hémoglobine cible—hémoglobine réelle)g/dL × 2,4 × poids en kg + réserves = quantité defer manquante pour l’organisme en mg

Les réserves sont estimées à 500 mg chez l’adulte et15 mg/kg chez l’enfant.

Plus simplement chez l’adulte, 150 mg de fer augmente

de 1 g/dL l’hémoglobinémie, ne pas oublier les 500 mg deréserve dans le calcul du déficit martial.

Cette quantité totale de fer pourra être apportée par voieintraveineuse ou orale. Dans ce dernier cas, il faut multiplier

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ar dix la dose totale à administrer afin de tenir compte dea médiocre absorption intestinale du fer.

upplémentation par voie orale

raitement de référence en raison de sa simplicité’administration et de son faible coût, les limites deon efficacité sont hélas nombreuses. L’information ini-iale détaillée des patient(es) sur les conséquences de’anémie/carence martiale permet d’améliorer considéra-lement la compliance à ce traitement souvent long. Enrésence d’une inflammation aiguë ou chronique, ou inges-ion concomitante de certains aliments le traitement estnefficace car le fer n’est pas absorbé.

ndications du traitement martial per osraitement curatifnémie carentielle ou carence martiale, sans pathologie

nflammatoire chronique ni saignements importants et en’absence d’échéance hémorragique à court terme. Enomplément d’un traitement initié par voie intraveineuse.

raitement préventifprès une spoliation sanguine mineure à modérée (inter-uption de grossesse, ménométrorragies, post-partum,aignements hémorroïdaires).

ffets secondairesa coloration noire des selles est à signaler aux patient(es).es troubles digestifs sont mineurs le plus souvent. Cesffets secondaires digestifs sont dose-dépendants et raresn decà de 60 mg/j. Lorsqu’ils sont présents, une diminu-ion des doses journalières, ou une prise intermittente unour sur deux ou trois peut être proposée. Un changemente spécialité permet parfois également d’améliorer la tolé-ance.

ontre-indicationsl y a surtout des non-indications au fer par voie orale. Danses situations où ce dernier est inefficace, par malabsorptionu détournement vers les sites de réserves (inflammationiguë ou chronique) ou inadapté (correction rapide néces-aire).

odalités

es formulations de fer à disposition en France sont toutes

base de sels de fer et diffèrent par leur dosage en fer et’adjonction d’acide folique ou de vitamine C ; il existe desirops à usage pédiatrique.

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Les comprimés sont pris de préférence entre les repas,ar l’absorption du fer, déjà médiocre, à peine 10 %, est alté-ée par de nombreux aliments. La quantité de fer manquanteour l’organisme doit être multipliée par dix pour obtenir laose à administrer par voie orale, la durée du traitementst alors établie en tenant compte de la quantité effective-ent absorbée. La notion de quantité totale de fer à prendreoit être comprise par le patient, tout oubli de traitementtant compensée par la prolongation de ce dernier au-delàu délai initialement prévu. Les doses administrées variente 50 à 160 mg de fer par jour, ce qui correspond à 5 à 16 mgffectivement absorbé quotidiennement.

uivi du traitementes contrôles biologiques s’imposent pour s’assurer de laorrection de l’anémie. La normalisation des réserves ener sera vérifiée par le dosage de la ferritine et du coef-cient de saturation de la transferrine une semaine après

’arrêt du traitement, avec pour objectifs plus de 40 �/mLe ferritine et plus de 25 % de coefficient de saturation dea transferrine, en dehors de tout contexte inflammatoire.

upplémentation par voie intraveineuse

ndicationsnémie sévère.

Correction rapide souhaitée (pré-partum à moins d’unois de l’accouchement, post-partum, réhabilitation post-

pératoire).Spoliation sanguine prévue à court terme, chirurgie ou

ccouchement hémorragique.Mauvaise compliance ou inefficacité du traitement oral.

ffets secondaireséactions locales graves si extravasation, d’où la nécessitée toujours vérifier la qualité de la perfusion avant adminis-ration.

Syndrome anaphylactoïd-like : douleurs abdominales ethoraciques, tachycardie, sueurs, hypotension. Avec les pré-arations glucidiques de fer, ce syndrome est attribué à laibération de fer libre par saturation de la transferrine lors’administrations trop rapprochées par exemple.

Réactions anaphylactiques plus fréquentes et plus gravesvec les préparations à base de dextrans. Pour cette raisones préparations, déjà réservées à l’adulte hors grossesse,nt recu un avis défavorable de la Haute autorité de santéHAS) lors d’une réévaluation de 2009.

ontre-indicationsurcharge martiale.

Intolérance au fer par voie intraveineuse.Allergie aux préparations de fer.

odalitése fer-saccharose doit être administré en doses fraction-ées, en perfusion de 30 à 90 min. C’est le seul fer par voie

ntraveineuse à avoir une autorisation de mise sur le mar-hé (AMM) chez l’enfant. Le fer-carboxymaltose, disponibleepuis peu, permet l’administration d’une dose élevée deer en perfusion brève. Son coût est compensé par sa facilité

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S. Dadoun

’utilisation qui réduit les hospitalisations. Le fer-dextran,u fait de son risque d’accidents allergiques plus nombreuxt plus graves qu’avec les préparations à coques glucidiques,evrait être abandonné.

Un contrôle rigoureux de la qualité de la voie veineusest toujours nécessaire.

Préférer les préparations de fer avec coques glucidiques.Espacer d’au moins 48 h et idéalement une semaine les

njections en cas d’utilisation de fer saccharose.L’association le jour de la cure d’un comprimé d’acide

olique à 5 mg permet d’éviter la carence fonctionnelle enitamine B9. Arrêt du fer par voie orale, avec reprise uneemaine à dix jours après la cure en cas de compensationixte.

osologiesdulte : 300 mg par cure, sans dépasser 600 mg paremaine avec l’hydroxyde de fer saccharose. Jusqu’à 1 g en5 minutes avec le fer-carboxymaltose.

Enfant : fer-saccharose, 3 à 5 mg/kg, sans dépasser mg/kg par semaine. Pour l’enfant de moins de 14 kg réduirea dose de moitié, soit 1,5 mg/kg/cure.

xemples de prise en charge d’une anémie

xemple adulte

our une anémie à 9 g/dL chez une femme de 60 kg en pre-ant 13 g/dL comme hémoglobine cible :déficit martial : (13—9) × 2,4 × 60 + 500 = 4 × 2,4 × 60 + 500 = 576 + 500 = 1076 mg ou (13-9) × 150 + 500 = 1100 mg ;correction par voie orale : sept à huit mois de traitementavec un supplément de 50 mg/jour ; trois mois de traite-ment avec un supplément de 160 mg par jour ;correction par voie intraveineuse : une perfusion de 1 g defer-carboxymaltose en 15 minutes ou trois cures de 300 mgde fer-saccharose ;correction mixte : cure de 300 mg par voie intraveineusesuivie d’un supplément de 50 mg/jour pendant cinq mois.

xemple enfant

our une anémie à 9 g/dL chez un enfant de 15 kg en prenant3 g/dL comme hémoglobine cible :déficit martial : (13—9) × 2,4 × 15 + (15 × 15) = 4 × 2,4 × 15 + 225 = 144 + 225 = 369 mg ;correction par voie orale : quatre mois de traitement avecun supplément de 30 mg/jour, 2 mois de traitement avecun supplément de 60 mg par jour ;correction par voie intraveineuse : sept cures de 50 mg defer ;correction mixte : cure de 50 mg par voie intraveineusesuivie d’un supplément de 30 mg/jour pendant 3,5 mois.

La rédaction de procédures de prise en charge de’anémie ferriprive/carence martiale adaptées aux popu-ations cibles et au contexte clinique est souhaitable pourptimiser et faciliter la prise en charge des patient(e)s.

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Carence en fer

Conclusion

Les dosages de la ferritine et la saturation de la transferrinepermettent de dépister la carence martiale avant le stade del’anémie. Ces mesures doivent être réalisées plus systéma-tiquement en complément de la numération globulaire pourles groupes les plus à risques, femmes et enfants. Le trai-tement par voie orale est simple, peu coûteux et efficace.Le fer intraveineux est d’un apport précieux par sa rapiditéd’action, aux stades avancés de carence martiale ou en casd’urgence à la correction du déficit. Réaliser le dépistageet surtout traiter toute anémie ou carence en fer doit fairepartie des préoccupations médicales quotidiennes.

Déclaration d’intérêts

Conférence : invitation en qualité d’intervenant pour ViforPharma.

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