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DETTES D’ÉTAT par Dominique CARREAU Professeur émérite de l’Uni versité de Paris I (Pant héon-Sorbonne) DIVISION Généralités, 1-8.  ART. 1.   TRAITEMENT DE LA DETTE PUBLIQUE EXTERNE , 9-24. § 1.   Dettes publiques contractées à l’égard des organi- sations intergouvernementales,  10-16. § 2.   Dettes publiques contractées à l’égard des États, 17-24.  ART. 2.   TRAITEMENT DE LA DETTE PRIVÉE EXTERNE , 25-68. § 1.   Application marginale du droit international, 26-31. § 2.   Soumission de principe au droit interne,  32-68. BIBLIOGRAPHIE E. BORCHARD et W. WYNNE,  State Insolvency and Foreign Bond Holders,  New Haven, 1951, Yale. – D. CARR EAU et M. -N . SHAW, La dette extéri eu re, 1995, Kluw er .  – A.C. CIZAUSKAS,  International Debt Renegotiation : Lessons from the Past,  vol. 7, 1979, World Development. – M. GRUSON et R. REISNER,  Sove reign Lending : Managi ng Legal Risk s, Lon don , 1984, Euromoney Publications. – C.S. HARDY, Rescheduling Developing Country Debts, 1956-1980 : Lessons and Recommendations,  1982, Overseas Development Council.  – G. PAVLIDIS, La défaillance d’État, 2006, Athènes, Sakkoulas Publica tio ns. – D. SURA TGAR,  Defaul t and Resc heduli ng, Corporate and Sovereign Borrowers in Difficulty,  London, 1984, Euromoney Public ation s.  [University of Illinois Symposium on] Default by Foreign Government Debtors,  1982, University of Illinois Law Review n o 1. D. CAR REAU, Le rééchelonnement de la det te extérieure des État s, JDI 198 5. 5 et 1986. 123. – D. CARREAU et J.- Y . MAR TIN , La cap italisation des dettes : un moy en de réduction de l’endettement extérieur des États, Banque et droit 1990. 127, n o 11. – K.H. CROSS,  Arbitration as a Means of Resolving Sovereign Debt Disputes,  Am. Rev. Intl. Ar b. 2006. 335. – T. EBENROTH, Innovations récentes dans la restructuration de la dette, JDI 1992. 859. – L. FOCSANEANU, Endet temen t extér ieur , renégo ciat ion des dette s, contr ôle du crédi t transnat ional, RGD I publ. 1985. 299. – P . FOUCHA RD, Financement et endettement internationaux, aspects juridiques, RID com p. 1986. 635. – E. GAILLARD, Asp ects de droit international privé de la restructuration de la dette privée des État s, Trava ux comit é fr. DIP 1991-1 992, p. 77. – S. HAGAN, De si gning a Legal Framewor k to Rest ruct ure Sovereign Debt, Georget own JIL  2005.299. – G. PEI GNE Y , Aspec ts  juridiques de la réorganisation des créances bancaires sur des emp runteurs éta tiq ues, Journ. dr. af f. int. 1985. 339 .  – M. WAIBEL,  Openi ng Pandora’ s Box : Sover eign Bonds in International Arbitration, AJIL 2007. 711. I. SOARES-MI CALI, Asp ect s jur idi que s de l’ende tte men t international : l’expérience du Brésil, thèse, Paris I, 1992. Généralités.  A. – Endettement étatique : phénomène ancien et contemporain. 1.  Les États, comme tous les agents économi ques, ont des dettes. Ce phénomène n’a rien en soi de malsain. Toutefois, les uns comme les autres ont tendance à s’endetter plus que de raison, c’est-à-dire au-delà de leur capacité de remboursement. Le  surendettement  des États apparaît d’ailleurs comme une const ante histor ique. Nombr e de souve rains, puis d’États , se sont ainsi trouvés dans des situations d’ insolvabilité  à l’égard de leurs créancier s, en partic ulier étrang ers. Les défaillances d’État devaient être particulièrement nombreuses au  XIX e siècle et impliquère nt nombre de pays latino-am érica ins de même que la Grèce, le Portugal, la Turqu ie et l’Égypte. Les années 1930 virent le même phénomène se répéter lorsque la plu- part des pays européens se trouvèrent dans l’incapacité de rembourser les emprunts lancés aux États-Unis pour financer leurs dépense s, inhér entes à la Première Guerre mondiale, tandis que la grande dépression de l’époque allait multiplier le août 2009  - 1 - Rép. internat. Dalloz

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DETTES D’ÉTAT

par Dominique CARREAU

Professeur émérite de l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

DIVISION

Généralités, 1-8.

 ART. 1.   –   TRAITEMENT DE LA DETTE PUBLIQUE EXTERNE, 9-24.

§ 1.  –

 Dettes publiques contractées à l’égard des organi-sations intergouvernementales, 10-16.

§ 2.   –  Dettes publiques contractées à l’égard des États,17-24.

 ART. 2.   –   TRAITEMENT DE LA DETTE PRIVÉE EXTERNE, 25

§ 1.   –  Application marginale du droit international, 

§ 2.   –  Soumission de principe au droit interne,  32-

BIBLIOGRAPHIE

E. BORCHARD et W. WYNNE,  State Insolvency and ForeignBond Holders,   New Haven, 1951, Yale. – D. CARREAUet M.-N. SHAW, La dette extérieure, 1995, Kluwer.

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1990. 127, no 11. – K.H. CROSS,   Arbitration as a Meof Resolving Sovereign Debt Disputes,   Am. Rev. Intl. A2006. 335. – T. EBENROTH, Innovations récentes danrestructuration de la dette, JDI 1992. 859. – L. FOCSANEAEndettement extérieur, renégociation des dettes, contrôlecrédit transnational, RGDI publ. 1985. 299. – P. FOUCHA

Financement et endettement internationaux, aspects juridiquRID comp. 1986. 635. – E. GAILLARD, Aspects de dinternational privé de la restructuration de la dette privée États, Travaux comité fr. DIP 1991-1992, p. 77. – S. HAGDesigning a Legal Framework to Restructure SoverDebt, Georgetown JIL   2005.299. – G. PEIGNEY, Asp

 juridiques de la réorganisation des créances bancaires des emprunteurs étatiques, Journ. dr. aff. int. 1985. 3

 – M. WAIBEL,  Opening Pandora’s Box : Sovereign BondInternational Arbitration, AJIL 2007. 711.

I. SOARES-MICALI, Aspects juridiques de l’endetteminternational : l’expérience du Brésil, thèse, Paris I, 1992.

Généralités.

 A. – Endettement étatique : phénomène ancien et contemporain.

1.   Les États, comme tous les agents économiques, ont desdettes. Ce phénomène n’a rien en soi de malsain. Toutefois, lesuns comme les autres ont tendance à s’endetter plus que deraison, c’est-à-dire au-delà de leur capacité de remboursement.Le   surendettement   des États apparaît d’ailleurs comme uneconstante historique. Nombre de souverains, puis d’États, sesont ainsi trouvés dans des situations d’insolvabilité à l’égard

de leurs créanciers, en particulier étrangers. Les défailland’État devaient être particulièrement nombreuses au  XIXe siet impliquèrent nombre de pays latino-américains de mêque la Grèce, le Portugal, la Turquie et l’Égypte. Les ann1930 virent le même phénomène se répéter lorsque la ppart des pays européens se trouvèrent dans l’incapacitérembourser les emprunts lancés aux États-Unis pour finanleurs dépenses, inhérentes à la Première Guerre mondtandis que la grande dépression de l’époque allait multiplie

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DETTES D’ÉTAT

nombre d’États défaillants, tant en Amérique latine (Brésil, Chili,Colombie, Costa Rica, Guatemala, Uruguay, etc.) qu’en Europedu Sud (Bulgarie et Grèce) ou en Europe centrale (Hongrie, Po-logne), pour culminer avec le défaut allemand de 1933 (V., sur tout cet aspect historique, E. BORCHARD et W. WYNNE,  StateInsolvency and Foreign Bond Holders, New Haven, 1951, Yale).

2.  Après la Seconde Guerre mondiale, nombreux furent encoreles exemples de défaillances d’État (C.S. HARDY,  Reschedu-ling Developing Country Debts, 1956-1980 : Lessons and Re-commendations,  1982, Overseas Development Council,   Wor-king Paper  no 1 ; A.C. CIZAUSKAS,   International Debt Rene-gotiation : Lessons from the Past, vol.   7, 1979, World Deve-lopment). À l’époque contemporaine, l’événement marquant, dumoins  ut singuli,  se trouva être l’annonce faite par le Mexique

 – un des pays mondialement les plus endettés – en août 1982,de son incapacité à faire face à ses obligations financières ex-térieures. C’est à partir de cette date précise que l’endettementinternational des États est devenu un sujet de préoccupation ma-

 jeure pour la communauté internationale. Il est devenu depuislors récurrent, affectant tour à tour des pays appartenant à descontinents différents (Asie en 1997-1998, Russie en 1998, Amé-rique latine avec notamment l’Argentine en 2001, pour ne citer que les exemples les plus saillants) pour maintenant, à raison dela crise financière mondiale de 2008, s’étendre à des pays eu-ropéens comme l’Islande ou la Hongrie. Aujourd’hui, si le phé-

nomène des défaillances d’États a pu encore être largement cir-conscrit, nul n’est en mesure de prévoir si une crise systémiqued’ensemble se produira ou non compte tenu de la situation desurendettement  que connaissent nombre de pays développésparmi les plus puissants où tant la dette que les déficits publicsatteignent des niveaux alarmants en termes de produit intérieur brut (PIB). Pour autant, nul n’a suggéré, du moins jusqu’à pré-sent, que ces dettes pourraient ne pas être honorées : elles de-meurent des engagements obligatoires des États même si, onle verra (V. infra,  nos 33 et s.), des « renégociations » sont fré-quentes afin d’aboutir à leur « allègement ».

B. – Spécificités des dettes d’État.

3.  L’État, à l’évidence, n’est pas un débiteur comme les autres.Les créanciers potentiels ont compris cette particularité comme

signifiant que les États finissaient toujours par payer leurs dettes,car, contrairement auxdébiteurs privés, ilsne pouvaient pastom-ber en faillite. C’était oublier les leçons de l’histoire où les dé-faillances d’États furent légion. C’était aussi oublier les spécifi-cités juridiques de l’État débiteur. Pour se limiter à l’essentiel, ilest bien clair que le principe général posé par le code civil fran-çais à l’article 2093, selon lequel « les biens du débiteur sont legage commun de ses créanciers », est inapplicable à l’État. Ilest également clair que les procédures collectives (faillites) insti-tuées en cas de cessation de paiements des entreprises ne sonten rien transposables à l’État qui ne saurait « déposer son bi-lan ». Ainsi que l’avait fort bien noté sir J. FISCHER WILLIAMSdès 1923, « un État ne peut pas être mis en faillite comme unindividu et ses biens répartis entre ses créanciers… Un État nepeut pas être liquidé comme une société de commerce, et on nepeut pas mettre fin à son existence, simplement parce qu’il estinsolvable » (Le droit international et les obligations financièresinternationales qui naissent d’un contrat, Rec. cours La Haye1923-I, p. 293, spéc. p. 342 et s.). En bref, pour les créanciersprivés des États, le risque encouru n’est pas de nature commer-ciale. Il s’agit purement et simplement d’un  risque de souve-raineté à l’encontre duquel les protections juridiques demeurentlimitées.

4.  Pourtant, à l’époque contemporaine, on rencontre cette idéerécurrente selon laquelle il serait opportun d’instituer des règleset mécanismes spéciaux, ad hoc, pour traiter des dettes d’État.

 Ainsi, en 1939, la Société des nations avait proposé la créa-tion d’un Tribunal international des emprunts ; par la suite, laréflexion s’orienta principalement vers la mise sur pied d’une loiinternationale de faillite destinée à être appliquée aux États sou-verains ; mais l’étude la plus sérieuse fut entreprise officiellementpar le Fonds monétaire international à partir de 2001 sous l’égided’A. KRUEGER pour tenter d’aboutir à un « Mécanisme de re-structuration de la dette souveraine », inspiré du fameux « Cha-pitre XI » (Chapter 11) du code américain des faillites, pour êtrefinalement abandonnée peu de temps après, dès 2003, faute de

soutien suffisant tant de la part des créanciers privés que despays débiteurs (sur tous ces développements, V. pour plus dedétails, G. PAVLIDIS, La défaillance d’État, 2006, Athènes, Sak-koulas Publications, p. 285 et s.). En outre, et on y reviendra(V. infra, nos 35 et s.), une des grandes difficultés de la matièretient à l’extrême diversité des instruments utilisés allant des cré-dits bancaires aux emprunts publics et surtout des créanciers

 – de quelques dizaines pour les premiers à plusieurs dizaines(voire centaines) de milliers pour les seconds.

C. – Typologie des dettes d’État.

5. Sur le simple plan quantitatif, la détermination de la dette exté-rieure des États n’est pas chose aisée, ainsi que l’ont montré lesopérations de rééchelonnement, les statistiques en la matièreétant à la fois imprécises et peu fiables. Au plan du droit, plu-

sieurs catégories de dettes doivent être identifiées dans la me-sure où elles ne sont pas soumises au même régime juridique. Ilconvient tout d’abord de différencier la dette interne (ou domes-tique) de la dette externe (ou internationale), qui seule retiendraici notre attention. Ici, le critère de différenciation n’est pas à re-chercher dans la résidence du créancier mais dans la monnaieutilisée :  si l’État emprunte dans sa propre monnaie nationale envendant des bons du Trésor, par exemple (et c’est la principaleexportation de nombre de pays développés à commencer par les États-Unis d’Amérique), peu importe que les acquéreurs ensoient des non-résidents ; il s’agira toujours d’une composantede la dette publique interne sur laquelle l’État émetteur garde-ra un complet contrôle, sous réserve de ses engagements in-ternationaux : l’État débiteur, en tant que souverain monétaire,pourra altérer les obligations financières qu’il aura souscrites entant que cocontractant. Rien de tel, en revanche, si l’État s’est

endetté dans une monnaie étrangère sur laquelle il n’exerce, par définition, aucun contrôle, la compétence monétaire appartenantà un pays tiers. Telle est d’ailleurs la situation de l’écrasantemajorité des États emprunteurs et de celle de tous les pays endéveloppement ou ex-socialistes. Faute de pouvoir les créer,l’État débiteur devra se procurer ici les devises étrangères re-quises pour honorer ses engagements financiers à l’égard deses créanciers – résidents ou non-résidents, peu importe.

6.   Une situation intermédiaire intéressante est fournie par lesÉtats ayant adopté l’euro comme monnaie unique (V. Rép. com-munautaire,   V o Euro). Cette dernière est gérée en toute in-dépendance par la Banque centrale européenne, de sorte queles pays membres de la zone ne possèdent individuellement au-cun contrôle sur cette monnaie transnationale qui leur est enquelque sorte « tierce ». Pourtant, en dépit de cette commu-

nauté monétaire, ils ne sont pas traités également dans leursemprunts internationaux : ainsi, le coût d’accès au crédit inter-national n’est pas le même et dépend de la qualité de la « si-gnature » de l’emprunteur étatique. Autrement dit, une monnaieunique n’assure pas  ipso jure   une identité de traitement finan-cier pour les États emprunteurs. Cette discordance s’expliquepar le fait que les dettes publiques des pays membres de cettezone (exprimées en euros ou en devises étrangères, peu im-porte) n’ont pas été communautarisées en ce sens qu’elles de-meurent des obligations propres aux pays émetteurs, seul leur montant global ne devant pas être « excessif », c’est-à-dire ne

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DETTES D’ÉT

pas être supérieur à 60 % du PIB selon le critère bien connuposé par le traité de Maastricht afin de garantir la solidité de lanouvelle unité monétaire.

7.  Cette dette contractée en monnaie étrangère par l’État peutêtre publique ou  privée.  Elle est publique si elle est contractéeauprès d’États tiers (ou garantie par eux) ou d’organisations in-ternationales intergouvernementales. Son traitement relève dudroit international général. Elle est privée si elle est contractéeauprès du public sur les marchés financiers internationaux ou,au cas par cas, auprès des banques commerciales. À cela, ilconvient d’ajouter la dette externe des débiteurs privés solvablesdont le service ne peut être assuré en raison de l’exercice par l’État de son pouvoir de police (moratoire, contrôle des changes).Son traitement relèvera de l’ordre contractuel et soulèvera desproblèmes au demeurant classiques de droit international privé.Notons enfin que cette dette, qu’elle soit publique ou privée, peutêtre directement celle de l’État en tant que débiteur principal (oucodébiteur) ou indirectement celle de l’État en tant que garant.

D. – Définition de la dette extérieure des États.

8.  La dette externe qu’il convient ici d’examiner et qui pose desproblèmes de droit international est celle, libellée en monnaieétrangère, qui est contractée ou garantie tant par l’État que par ses émanations et qui n’est honorée par ces derniers ou qui estcontractée par des résidents relevant du secteur privé, mais dontle service ou le remboursement est empêché par le souverain.

 ART. 1er . – TRAITEMENT DE LA DETTE PUBLIQUE EXTERNE.

9.  Les États, qui – en raison de leur crédibilité financière insuf-fisante – n’ont pas ou peu la possibilité de s’adresser aux mar-chés financiers internationaux ou au crédit des banques com-merciales, doivent principalement compter sur des financements« publics » accordés soit par les organisations internationalescompétentes, soit par d’autres États. Il s’agit là de la plupart despays en développement et jadis des ex-pays socialistes en voiede transformation systémique où il convenait de passer d’uneéconomie planifiée à une économie de marché. Cet accès aucrédit « public » international est d’autant plus important qu’ilconditionne le plus souvent l’octroi de nouveaux prêts auprès

des banques commerciales. Sur le plan du droit, cette dette pu-blique externe des États est soumise aux règles du droit inter-national général en raison de son caractère interétatique. Sontraitement est soumis à un régime juridique différent selon qu’ils’agit de dettes contractées auprès d’organisations intergouver-nementales (V. infra, nos 10 et s.) ou d’États (V. infra, nos 17 et s.).

§ 1er . – Dettes publiques contractées à l’égard desorganisations intergouvernementales.

10.  Il ne saurait s’agir ici d’examiner la situation des États inca-pables de faire face à leur contributions ordinaires en tant quemembres d’une organisation internationale (et nombreux sontdans ce cas à l’égard de l’ONU, par exemple), dans la mesureoù les problèmes posés sont fort différents. Il convient ici seule-ment d’étudier le régime juridique applicable aux États débiteurs

de sommes d’argent à la suite de crédits octroyés par des ins-titutions internationales, dont c’est la mission principale, et quine peuvent faire face à leurs engagements. Sont principalementconcernés à ce titre la Banque mondiale, les banques régionalesde développement ainsi que le Fonds monétaire international(FMI). Là comme ailleurs, des situations de surendettement sesont développées sous la forme d’arriérés de paiement  (V.  in-fra, nos 13 et s.). Or, force est de reconnaître que, si ces dettesprésentent une spécificité certaine (V.  infra,  nos 11 et s.), le ré-gime juridique qui leur est applicable demeure ambigu et incer-tain (V. infra, no 16).

 A. – Spécificité de cette catégorie de dettes.

11. Sur le plan du droit, les dettes contractées à l’égard desganisations internationales par leurs États membres présenune originalité marquée, en ce sens qu’elles relèvent du  dinternational général.   En effet, lorsqu’une institution financaccorde un prêt à l’un de ses États membres, celui-ci prenforme d’un traité international. Ainsi, comme tel, celui-ci être exécuté de bonne foi par les parties ; si cela n’était pacas, sa violation entraînerait la responsabilité internationalela partie qui n’en respecterait pas les termes – en l’occurrede l’État débiteur défaillant. Sans doute, au sein du Fonds nétaire international, existe-t-il une certaine controverse quala nature juridique de l’instrumentum formalisant l’octroi de assistance financière. Toutefois, qu’il s’agisse d’un accord innational entre le Fonds et l’État membre aidé, ou d’un acte untéral de l’institution, le droit applicable reste le droit internatiomême si la sanction juridique se manifeste différemment.

12.  Au demeurant, sur le plan factuel, les dettes contractéel’égard des organisations internationales financières présendes particularités certaines. Pour les institutions faisant apaux marchés financiers nationaux et internationaux (et tel escas des diverses banques de développement), les défailland’États débiteurs sont de nature à porter atteinte à leur crédibet donc à leur fonction d’intermédiation en rendant plus coût

 – si ce n’est plus difficile – leur accès au crédit internationalrenchérissement de leurs ressources ne manquerait pas alorse répercuter sur le coût des prêts ultérieurs aux pays membqui se trouverait ainsi mécaniquement accru. Dans le cas scifique du Fonds monétaire international qui, faute d’avoircès aux marchés, apparaît comme une banque coopérativeterétatique, les défaillances de pays débiteurs paralysent ressources qui, perdant de ce fait leur caractère renouvelase trouvent alors immobilisées ; il en résulte ainsi automatiqment une limitation de ses capacités d’assistance financièrest, dès lors, de la plus grande importance pour ces institutid’obtenir le remboursement des sommes empruntées par lemembres en vertu des termes et conditions initialement connus, et d’éviter toute situation d’arriérés de paiement de natudéboucher sur un rééchelonnement ou un réaménagement dettes exigibles.

B. – Arriérés de paiement.

13.   En règle générale, les États qui ne sont plus en mesde faire face aux obligations financières inhérentes aux prêtscrédits accordés par les institutions financières internations’exposent à des sanctions qui se veulent dissuasives de la de ces dernières. Ces sanctions peuvent être de nature fincière et consister dans l’irrecevabilité à utiliser les ressourcesl’institution concernée. Elles peuvent aussi être disciplinairerevêtir la forme de la perte des droits de vote, de la suspensvoire de l’expulsion, de ladite organisation. Parfois, une certasouplesse est prévue par les statuts de l’organisation qui lui mettent de renégocier les accords de prêt en en modifiant larée, les conditions d’amortissement ou la monnaie de paiemdes intérêts (V., par exemple, Statuts de la Banque mondiart. IV, sect. 4 [c] et 7). C’est ici donner un fondement juridicertain aux opérations de réaménagement des dettes des Éà l’égard des organisations financières dont ils sont membre

14.   Il ressort des chartes constitutives de ces organisationsternationales que les défaillances financières des États sont tées de manière très juridique selon une approche plus « cliste » que « commercialiste ». Les accords de prêt doivent respectés au même titre que toutes les autres obligations États à l’égard de ces institutions financières et sont assodes mêmes sanctions en cas de violation. Toutefois, chacun

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DETTES D’ÉTAT

que, dans la pratique, ces organisations se montrent fort peu lé-galistes. Elles tolèrent en effet des situations illégales, pour peuque le pays membre en cause continue de faire preuve de bonnevolonté et d’esprit de coopération. De la sorte, depuis de nom-breuses années, cesinstitutions procèdent en souplesse à un ré-aménagement continu de la dette de certains de leurs membresen situation d’arriérés de paiement, notamment au sein du FMI(G.BURDEAU,Du deuxième au troisièmeamendement auxSta-tuts du Fonds monétaire international : le problème des arriérés,JDI 1992. 71 ; D. CARREAU, Chronique de droit international

économique, Annuaire fr. dr. int. 1990. 656 et s., et 1993. 765et s.).

15.   Il convient de noter qu’aucune des chartes constitutives deces organisations financières internationales n’a retenu le prin-cipe du traitement prioritaire de la dette qui leur serait due. L’idéeen avait été lancée en 1930 par le Comité des prêts de la Socié-té des nations au profit des crédits accordés par cette dernière(P. WOOD, Debt Priorities in Sovereign Insolvency, International Financial Law Review  1982.4, p. 8). Si une telle suggestion avaitété reprise officiellement par voie conventionnelle interétatique,cela aurait contribué à éclairer cette zone d’ombre des opéra-tions de rééchelonnement qu’est celle du traitement des dettesdues aux organisations intergouvernementales.

C. – Traitement des créances des organisations internationales au regarddu processus global de rééchelonnement des dettes.

16.  À chaque fois qu’un État se trouve incapable de faire face àses engagements financiers en raison d’une situation globale desurendettement, se pose le problème du tri des créances entrecellesqui seronthonorées sans modification (etqui donc de factose trouveront privilégiées) et celles dont les termes et conditionsseront modifiés (c’est-à-dire celles qui se trouveront en réalitéallégées). Jusqu’à présent, et sans aucun fondement conven-tionnel  ainsi que nous l’avons signalé précédemment, les par-ticipants aux diverses opérations de rééchelonnement ont étéd’accord pour en exclure les dettes dues aux organisations in-ternationales intergouvernementales. Celles-ci se trouvent ainsidans une situation de créanciers privilégiés,  car  prioritaires.   Il

apparaît que cette pratique régulière de la communauté finan-cière internationale qui bénéficie d’un véritable  consensus a puainsi accéder au caractère obligatoire de la  règle coutumière.

§ 2. – Dettes publiques contractées à l’égard des États.

17.   On est ici en présence de l’endettement public bilatéral, lecaractère « public » de la dette en cause étant attaché à la per-sonne du créancier et non du débiteur. Ainsi, tous les prêts oucrédits accordés ou garantis par un État ou l’une de ses émana-tions au profit d’un autre État ou de ses démembrements, ou del’un de ses quelconques ressortissants, constituent cette dettepublique bilatérale. Le point commun de ces diverses créancesestque toute défaillance du débiteur étranger quel qu’il soit – État

ou personne privée – met directement en cause les  finances pu-bliques de l’État dispensateur du crédit  dont les dépenses setrouvent ainsi accrues et doivent elles-mêmes être financées par l’impôt ou l’emprunt. Produit des circonstances ou heureux ha-sard, les États sont parvenus à mieux s’organiser que les orga-nisations internationales ou les banques commerciales pour gé-rer leurs créances publiques internationales. Ils disposent d’unforum – le club de Paris (V.  infra, no 18) –, d’un encadrement ju-ridique bien rodé (V. infra, nos 19 et s.) et de règles de traitementde la dette qui, tout en étant évolutives pour coller à la réalité,sont traditionnellement suivies (V. infra, nos 22 et s.).

 A. – Forum : le club de Paris.

18.   Le club de Paris  n’est en rien une institution internationale(V. en général, pour de plus amples développements, D. CAR-REAU et M.-N. SHAW, La dette extérieure, 1995, Kluwer ;L. GRARD, Le club de Paris et les dettes publiques des États,dans D. CARREAU et M.-N. SHAW,   op. cit.). Il n’est régi par aucune règle conventionnelle particulière soumis qu’il est auplus grand informalisme. On pourrait le décrire comme étantun lieu de rencontre (le ministère français des Finances et plus

précisément la direction du Trésor), une procédure et des règlesde traitement de la dette publique bilatérale qui, en s’affinantavec le temps, sont maintenant bien rodées. Né par hasarden 1956 comme cadre multilatéral de la renégociation de ladette publique de l’Argentine, il devait connaître une faibleactivité jusqu’au début des années 1980. Depuis l’émergenceofficielle de la crise de la dette extérieure des États à partir de la défaillance mexicaine annoncée en août 1982, le clubde Paris allait devenir fort occupé : bon an mal an, il devaittraiter d’une quinzaine d’opérations de réaménagement pour un montant cumulé dépassant largement les 500 milliards dedollars et impliquant la quasi-totalité des États surendettésd’Afrique, d’Amérique latine et, à un moindre degré, d’Asie oud’Europe (la Russie par exemple, dans le passé). Le club deParis est maintenant devenu une instance incontournable dans

le processus global du rééchelonnement de la dette extérieuredes États. Nul ne doute que la crise financière généralisée néeen 2008 ne vienne encore accroître son rôle dans la perspectived’une solution globale.

B. – Procédure suivie.

19.  Selon un principe bien établi, la saisine du club de Paris  viale ministère français des Finances dépend de la seule  initiativede l’État débiteur. Il est sans doute loisible de le regretter dansla mesure où l’État surendetté – comme tout débiteur en diffi-culté – a tendance à attendre le dernier moment (c’est-à-dire enréalité la cessation de paiements due à une accumulation d’ar-riérés) avant de contacter ses créanciers. Toutefois, en droit,

cette solution est la seule possible, car elle manifeste le   res- pect de la souveraineté de l’État, fût-il débiteur.   Une fois sai-si, le club de Paris peut alors enclencher sa mécanique faitede réunions préliminaires préparatoires suivies d’une négocia-tion stricto sensu qui est en général assez brève (de quelquesheures à quelques jours). Y participent tous les États créanciersintéressés qui le désirent et dont le nombre peut varier selon lescas de quelques unités à plusieurs dizaines. Sont égalementprésents, mais seulement en tant qu’observateurs jouant le rôled’experts objectifs et indépendants, des représentants d’organi-sations financières internationales, à commencer par le FMI, laBanque mondiale ainsi que les banques régionales de dévelop-pement. On notera que les créanciers privés, bien qu’intéressésà la conclusion des négociations, en sont absents. Les discus-sions demeurent confidentielles tandis que l’ensemble de la pro-

cédure se déroule sur la base du consensus.

20.  Les conclusions atteintes au terme de la réunion sont consi-gnées dans un « procès-verbal agréé » qui constitue une desparticularités marquantes de la procédure suivie. Ce documentsigné par tous les participants contient à la fois les termes de larestructuration de la dette du pays concerné et les recomman-dations générales qui lui sont faites quant au traitement de sesautres créanciers publics et privés, tandis qu’il inclut une clausede renvoi à une mise en œuvre ultérieure par voie convention-nelle bilatérale avec chacun de ses créanciers étatiques. Un

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DETTES D’ÉT

tel procès-verbal agréé ne constitue en rien un accord ou untraité international ; il entre dans la catégorie dite des engage-ments non contraignants qui connaît un développement marquédans le droit international contemporain (V. Engagements noncontraignants). Pour autant, les termes de ces procès-verbauxagréés n’en sont pas moins scrupuleusement respectés par lesparticipants.

21.  La dernière phase consiste dans la conclusion d’accords bi-latéraux appropriés entre chaque État créancier et l’État débiteur concerné. Ces accords de consolidation de dette reprennent lesconclusions contenues dans les procès-verbaux agréés avec lesaménagements nécessaires dus aux particularités des créancesconcernées. Ces accords bilatéraux présentent une particulari-té fâcheuse : ils demeurent secrets. Or, on sait que la publici-té des traités est une exigence posée par le droit international(V. Traité international). De plus, dans l’ordre interne, pour denombreux États, dont la France, un traité non publié n’est pasopposable aux particuliers (V. Traité international). C’est dire quele processus de renégociation des dettes publiques, tel qu’il sedéroule au sein du club de Paris, ne saurait créer de droits oud’obligations dans le chef des créanciers privés, les documentsconventionnels (procès-verbaux agréés et accords bilatéraux deconsolidation) ne faisant pas l’objet de la publication requise.Une sentence de la Chambre de commerce internationale de-vait d’ailleurs le reconnaître, bien qu’avec une retenue injustifiée

(V. CCI, aff. no

6219, 1990, rapportée par Y. DERAINS, JDI1990.1047 et s. ; D. CARREAU, article préc. [supra, no 14], Annuairefr. dr. int. 1990. 657 et s.). En outre, sur le plan constitutionnelfrançais, et cette solution ne mérite pas d’être approuvée, cesaccords bilatéraux de consolidation de dettes ne sont pas sou-misà l’approbation parlementaire alors même qu’ilsengagent les« finances de l’État » (Constitution de 1958, art. 53). Cette pra-tique devait malheureusement être validée par le Conseil consti-tutionnel dans sa décision no 75-60 du 30 décembre 1975 (JO31 déc.) au nom de la théorie dite de la « ratification implicite »(D. CARREAU, Le rééchelonnement de la dette extérieure desÉtats, JDI 1985. 5 et s., spéc. p. 22 ; V. Traité international).

C. – Règles de traitement de la dette extérieure.

22.  Au vu de la pratique suivie au sein du club de Paris, un cer-

tain nombre de règles générales que l’on peut qualifier de cou-tumières peuvent être dégagées quant au traitement de la detteexterne tant publique que privée d’ailleurs – ce qui ne manquepas ici d’être surprenant.

23.  En matière de traitement de la dette publique externe, lapratique généralement suivie par le club de Paris, à quelquesrares exceptions près, est de faire de la conclusion d’un accordde confirmation avec le Fonds monétaire international la condi-tion, si ce n’est préalable, du moins suspensive du réaménage-ment négocié sous ses auspices. Il y a là un aspect caracté-ristique de toute opération du rééchelonnement de la dette ex-térieure des États, qu’elle soit publique ou privée. Cette pré-occupation se conçoit aisément. En effet, le club de Paris n’étanten rien une institution internationale n’est pas techniquement et

 juridiquement à même d’imposer à l’État débiteur de suivre un

programme de redressement de sa situation économique et fi-nancière et d’en assurer le contrôle, alors qu’un tel effort de re-dressement est nécessaire si l’on veut éviter le retour à des dé-faillances futures. En revanche, le FMIa développé au cours desans toute une politique de conditionnalité de son aide aux paysmembres en difficulté ; ceux-ci, pour être aidés, doivent s’en-gager à mettre en œuvre un programme de stabilisation dontl’exécution et le respect sont soumis à la surveillance du FMI(V. Monnaie). Autrement dit, la conclusion d’un accord de confir-mation avec le FMI constitue le sceau de bonne conduite éco-nomique permettant au pays débiteur concerné d’avoir accès au

crédit international tant public que privé. En outre, tout le procsus de réaménagement de la dette publique au sein du clubParis est fondé sur la clause du créancier le plus favorisé. L’débiteur s’engage en effet à traiter également tous ses créciers publics. S’il venait à négocier avec des pays créanctiers des accords de consolidation qui leur seraient plus farables, il serait alors tenu d’en faire profiter automatiquemenparticipants au club de Paris – ce qui est resté jusqu’à présune hypothèse d’école. Enfin, depuis la fin des années 19est apparu le principe du traitement différencié de la dette

blique externe en fonction du niveau de développement de l’débiteur, celui-ci bénéficiant d’une réduction dépendant de appartenance à la catégorie des pays les moins avancés ouceux à revenu intermédiaire (V., pour de plus amples détaL. GRARD, article préc. [supra, no 18]).

24.  Certains principes applicables au traitement de la dette vée sont également apparus au titre de la jurisprudence du cde Paris. Les créanciers privés, bien que juridiquement nonnus par les résultats des négociations conclues au sein du cde Paris, se trouvent ainsi indirectement concernés par les ogations de comportement à leur égard imposées à l’État déteur. Ainsi, en vertu d’une clause dite d’initiative, l’État débiayant négocié un réaménagement de sa dette publique s’engà ouvrir des négociations avec ses autres créanciers – pubou privés – afin d’aboutir à une restructuration globale de

surendettement extérieur. Dans les faits, l’État débiteur est ané à ouvrir des négociations parallèles et complémentaires avec le FMI à titre de condition préalable qu’avec ses créancpublics au sein du club de Paris et ses créanciers privés au sdu club de Londres (nom générique, mais sans contenu paculier, communément utilisé pour mentionner l’existence deprocessus de discussion). En outre, non seulement le clubParis impose à l’État débiteur de renégocier sa dette à l’égde ses créanciers privés, mais il précise également que l’accfinal conclu doit l’être sur des bases comparables aux sienpropres. Cette clause du traitement comparable des dettesbliques et privées ne brille pas par sa clarté et a souvent problème à l’occasion des opérations de rééchelonnementl’évidence, il ne s’agit pas d’une nouvelle version, même anuée, de la clause du créancier le plus favorisé mentionnée cédemment (V. supra,  no 23). Les États peuvent en effet ament se montrer plus généreux que les créanciers privés réalité les banques commerciales). Il semble que cette clausgnifie seulement que les renégociations des dettes publiqueprivées doivent aller de pair et que les créanciers privés doivégalement consentir des efforts à la mesure de ceux acceppar l’État débiteur au regard du FMI, au titre du plan de stasation établi en étroite coopération avec le Fonds monétaire

 ART. 2. – TRAITEMENT DE LA DETTE PRIVÉE EXTERNE.

25.   D’une manière générale, on ne peut reconnaître qufaible présence et emprise du droit international qui ne jouela matière qu’un rôle marginal (V.   infra,  nos 26 et s.). Ce pnomène s’explique aisément dans la mesure où les relation

nancières entre l’État débiteur et ses créanciers privés étrangsont en principe exclusivement appréhendées par le droit inte(V. infra, nos 32 et s.).

§ 1er . – Application marginale du droit international.

26.  Le droit international n’a jamais, pas plus hier qu’aujourdappréhendé de façon globale la dette privée externe des ÉtIl est d’ailleurs mal armé pour le faire en raison de l’extrêmeversité des situations tenant à la fois à la nature des créancecause, au nombre considérable des créanciers pouvant alle

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DETTES D’ÉTAT

quelques dizaines ou centaines, lorsqu’il s’agit de banques com-merciales, à plusieurs millions lorsqu’il s’agit de porteurs d’em-prunts obligataires comme ce fut le cas pour la dette russe jadis,et en raison également de la grande dispersion de la nationalitédes prêteurs. Dans ces conditions, l’intervention du droit inter-national ne peut être que partielle et lacunaire, ce qui s’expliqueaisément et logiquement en raison de la compétence de principedu droit interne tel qu’il a pu être choisi par les parties.

27.  En cas de difficultés – en réalité de défaut – de paiement del’État débiteur, l’approche, classique et traditionnelle s’il en est,se trouve dans le recours à la protection diplomatique que l’Étatest en droit d’exercer au profit de ses nationaux, créanciers d’unÉtat étranger défaillant. Les exemples abondent dans l’histoiredepuis l’abandon, il y a plus d’un siècle, de la célèbre politiquede la canonnière. C’est ainsi, par exemple, que dans l’immé-diat après-guerre l’essentiel de l’important contentieux qui étaitné des nationalisations et répudiations de dettes systématiqueseffectuées par nombre de pays d’Europe centrale et orientalelors de leur passage à un régime communiste caractérisé par une économie centralement planifiée devait être réglé grâce à laconclusion d’accords bilatéraux de compensation de nature glo-bale (lump sum agreements) :  ainsi, selon ce schéma largementutilisé, les États débiteurs (et qui pour la plupart étaient aussidéfaillants en termes de non-respect des obligations financièresleur incombant au titre des emprunts étrangers souscritspar eux)

versaient à l’Étatdes créanciers une somme déterminée, à la foisglobale (elle était considérée comme un maximum), exclusive etdéfinitive (aucun recours n’était ouvert aux parties affectées), àcharge pour le pays récipiendaire d’en faire la répartition au pro-fit de ses ayants droit nationaux.

28. La solution de tels différends est à la fois longue et, à l’arrivéebien peu satisfaisante – du moins pour les créanciers originairesou leurs ayants droit. Sur ce point, l’affaire des célèbres em-prunts russes demeure emblématique. En effet, la France – pour ne parler que d’elle – ne cessa pendant près de quatre-vingtsans de faire valoir auprès des gouvernements soviétiques puisrusses lesdroitslégitimes des porteurs français de la dette émisepar l’empire tsariste à la fin du siècle dernier et au début de cesiècle pour obtenir satisfaction en novembre 1996, un accord enbonne et due forme devant être signé deux ans plus tard. Pour 

les bénéficiaires de cet exercice de la protection diplomatiquefrançaise qui pouvait se targuer d’avoir su et pu faire respecter la règle de droit internationale, la satisfaction ne pouvait qu’ap-paraître bien formelle et théorique dans la mesure où l’indem-nisation négociée par les gouvernements ne représentait que…1 % du montant en principal et intérêts dus.

29.   En suivant la même voie, les États peuvent décider d’aller au contentieux en saisissant le juge de La Haye. C’est ainsi, par exemple, que la France décida d’aller devant la Cour internatio-nale de justice pour assurer la défense (avec succèsen l’espèce)des porteurs français d’emprunts émis par le Brésil et la Ser-bie (CPJI 12 juill. 1929, Emprunts serbes et brésiliens, série A,nos 20/21). Par la suite et dans un contexte semblable, elle intro-duisit (mais cette fois-ci sans succès) un recours contre la Nor-vège (CIJ 6 juill. 1957, Emprunts norvégiens, France c/Norvège,Rec. 9, qui ne fut cependant pas jugée au fond par la Cour).

30.   C’est ainsi encore que, dans des cas exceptionnels, lesÉtats créanciers peuvent négocier avec l’État débiteur un trai-té international en bonne et due forme instituant un règlementdéfinitif, obligatoire et pleinement soumis au droit international.Il en alla ainsi pour le règlement de la dette indonésienne en1970 et surtout allemande en 1953 qui vit même la constitu-tion d’un tribunal arbitral international spécifique chargé de tran-cher les litiges éventuels (P. PAZARTZIS, La renégociation desdettes : les exemples allemand (1953) et indonésien (1970),

dans D. CARREAU et M.-N. SHAW,   op. cit.). Dans le mêmesens, il est loisible de citer les accords d’Alger (1981) mettant finà la crise américano-iranienne et instituant un tribunal internatio-nal arbitral ad hoc  pour connaître de toutes irrégularités gouver-nementales commises – y compris dans le domaine financier.

31.   Enfin, il peut arriver que le droit international tente d’ap-préhender une situation de fait particulière. Ainsi, la célèbreConvention Drago-Porter de 1907, qui n’entra d’ailleurs jamaisen vigueur, se proposait d’interdire aux États de recourir à laforce armée pour assurer le recouvrement de leurs créancessur des États débiteurs défaillants. Plus près de nous et danscette même veine, la pratique bilatérale récente américaine, tellequ’elle s’exprime dans ses traités relatifs aux investissements(Bilateral investment treaties ou BIT), vise à limiter le recours àl’arbitrage international pour le recouvrement de créances ayantfait l’objet d’un « accord de restructuration » ou « rééchelonne-ment »   (sovereign debt rescheduling) pour peu que ce dernier cependant soit gouverné par la loi de l’État de New York (V., par exemple, l’annexe G du BIT conclu avec l’Uruguay).

§ 2. – Soumission de principe au droit interne.

32.  Les dettes primaires des États, telles qu’elles dérivent deleurs emprunts initiaux auprès de banques, d’institutions finan-cières ou du public, sont toujours soumises à une loi étatique

choisie par les parties. C’est parfois celle de l’État débiteur lui-même : telle est en général la situation des pays développés(États-Unis, Europe de l’Ouest) en raison de la confiance qu’ilsinspirent et de la sophistication de leur droit, et en dépit du faitque la dette externe soit devenue leur principal produit d’exporta-tion. En revanche, pour tous lesautrespays c’est une loi étatiqueautre qui sera choisie : cela pourra être celle de la nationalité dela majorité, si ce n’est de la totalité, des créanciers, celle du paysde la monnaie utilisée ou encore celle du lieu (marché financier)où le placement de l’opération a été réalisé.

33.  Lorsque ces dettes ne peuvent plus être honorées par l’Étatdébiteur en raison de sa situation de surendettement par rapportà ca capacité contributive, un processus de restructuration s’im-pose et il n’est pas sans rappeler celui de la  faillite,  du moinsdans ses considérations générales. En effet, à supposer que

tous les participants soient de bonne foi, le but global poursuiviest de parvenir à une sorte de concordat aux termes duquel lescréanciers acceptent de faire des sacrifices financiers pour peuque l’État défaillant accepte d’honorer les termes et conditionsde sa nouvelle dette telle que réduite.

34.  Du côté des créanciers, les « sacrifices » sont bien connuset ils ont eu l’occasion d’être testés au cours des ans. Les pa-ramètres les plus souvent retenus sont la réduction du nominal(valeur faciale) des emprunts initiaux, l’allongement de leur du-rée et la diminution du taux des intérêts. Parfois, mais il faut alorsdes contreparties solides, c’est la monnaie de référence qui estchangée, celle des créanciers étant remplacée par celle du dé-biteur. En cas d’accord de restructuration, les créanciers initiauxrenoncent à exercer des poursuites à l’encontre de l’État dé-faillant pour non-respect de ses obligations financières initiales.

35. Sur le plan financier, le but de la négociation est d’arriver à ladétermination du montant « acceptable » de pertes de la part descréanciers (ce qui est communément qualifié de manière imagéede « coupe de cheveux » ou hair cut ). Celui-ci varie à l’évidenceau vu d’éléments de fait tels que l’importance du pays en cause,le montant de sa dette ou les perspectives de recouvrement etde redémarrage. Dans ces circonstances, lors de la défaillancede la Russie en 1998, ses créanciers acceptèrent de subir despertes qui furent évaluées à 30 % du principal dû. En revanche,à la suite de la déconfiture officielle de l’Argentine en 2002, ses

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DETTES D’ÉT

créanciers ne purent espérer récupérer que le tiers environ deleurs placements, se résignant à constater ainsi une perte deprès de 67 % de leurs investissements initiaux.

36.  Sur le plan du droit, une opération de restructuration de cetype est d’une grande complexité à de nombreux titres. Toutd’abord, des instruments juridiques originaux (des contratsde prêt   lato sensu) doivent être fondamentalement modifiés,transformés, voire abrogés, ce qui ne peut être fait qu’avecl’accord des créanciers (et, dans le cas argentin précédent,plus de 600 000 porteurs individuels étaient concernés). Enoutre, il peut se faire que la dette à restructurer soit libellée enune pluralité de devises (il y en avait six, toujours dans le casargentin) ce qui implique, dans une optique de réduction de cetéventail, de délicats problèmes de conversions dus au régimeen vigueur de flottement des monnaies (V. Monnaie). Enfin,cette même dette peut relever de régimes juridiques différentsqu’il convient de réduire, à défaut d’unifier, dans un but évidentde simplicité et surtout d’efficacité ; or, toujours pour se référer à l’exemple argentin récent, il faut rappeler que les emprunts dece pays n’étaient pas soumis à moins de huit droits différents.

37.   Last but not least,   le problème juridique le plus délicatconsiste à l’évidence dans le traitement des créanciers « exté-rieurs » (hold-outs) – c’est-à-dire de ceux qui se sont opposésà la restructuration en refusant le changement et l’échange

de créances qui leur étaient proposés. Il est évidemmentillusoire d’obtenir l’accord de tous les créanciers concernés,même si la plupart d’entre eux acceptent les modificationsproposées ; en effet, il est fréquent que 95 % ou plus d’entreeux le fassent même si ce pourcentage devait tomber à un peuplus de 75 % dans le cas de l’Argentine – ce qui s’expliqueaisément vu les sacrifices financiers élevés demandés auxobligataires. Cela étant, une pratique s’est développée (etavec un succès inégal) de la part de certains de ces créanciersoriginaires de se tourner vers la voie contentieuse pour tenter d’obtenir satisfaction. Mieux, quelques intervenants qui eurentleur heure de célébrité dans les prétoires (Elliott Associates,Pravin Banker ou LNC Investments) allèrent jusqu’à acheter destitres de dettes initiaux décotés sur le marché secondaire afind’être juridiquement en mesure d’intenter une action en justicecontre les États émetteurs, leur réclamant un paiement intégral

pour leur valeur faciale sous peine de saisie de leurs biens etavoirs. Cette stratégie agressive devait valoir à ses auteurs lequalificatif de « fonds vautours »  (vulture funds).   Au cours deces dernières années, le Pérou et le Nicaragua en furent lesprincipales victimes avant d’être rejoints par l’Argentine et ce, defaçon beaucoup plus massive et systématique – ce pays ayantdû (et devant encore) faire face à de très nombreux procès,notamment devant les tribunaux fédéraux de l’État de New York.

38.   Le point de départ est invariablement le même : le porteur d’un titre d’emprunt obligataire non honoré par l’État émetteur etqui a fait l’objet d’un accord de restructuration auquel il n’a pasparticipé (ou refusé de le faire) en demande l’exécution forcéeen justice au nom du respect de la force obligatoire des contrats

 – principe général de droit incontesté s’il en est en la matière. Àce stade, les juges nationaux saisis n’ont pu que donner raison

aux plaignants. Toutefois, certains tribunaux (inférieurs) ont ac-cordé la priorité à des considérations d’intérêt général telles quela nécessité d’assurer une valeur juridique contraignante aux-dits « accords de restructuration » et donc d’en encourager laconclusion (toutes considérations d’ailleurs défendues tant par les États créanciers à commencer que par les États-Unis ou par des institutions internationales comme le FMI, par exemple), lanécessité de permettre la continuité de l’accès aux marchés fi-nanciers par les pays à dette restructurée ou encore la nécessitéde protéger la vaste majorité des créanciers ayant accepté uneréduction de leurs droits à l’issue du processus de renégociation

de la dette en cause (quelle incitation en effet y aurait-il pour à y participer si un traitement supérieur pouvait être obtenuadoptant une attitude de refus ?). Cette obtention d’une décisde justice condamnant l’État débiteur défaillant à payer une ctaine somme d’argent au plaignant ne constitue que la premphase du processus.

39.  Commence alors une deuxième étape qui n’est pas nécsairement judiciaire. En effet, le bénéficiaire de la décision

 justice favorable ne manquera pas dans un premier tempsnégocier une transaction avec l’État débiteur – ce qui est la

lution la plus fréquente. Autrement, il pourra tenter d’exeune pression de nature juridique en recherchant l’exécution cée de cette décision devant les tribunaux compétents (et derniers peuvent être fort nombreux, car il s’agit de tous cdans la juridiction desquels l’État débiteur dispose de biens sissables). Cette seconde phase est semée d’embûches et est liée pour l’essentiel à la portée de l’immunité d’exécution d

 jouit l’État étranger dans le for saisi ; sans pouvoir ici entrer  dles détails de cette question, il convient seulement de noter si, en principe, les emprunts obligataires d’État rentrent dancatégorie de leurs actes de nature commerciale – c’est-à-direceux pour lesquels ils ne bénéficient d’aucun privilège –, envanche, les biens et avoirs de leurs banques centrales jouissd’une large immunité d’exécution – ce qui réduit fortementchances de succès des créanciers dans la mesure où les É

y « logent » systématiquement leurs avoirs liquides étrangCertains plaideurs ont été particulièrement imaginatifs (telsliott Associates) en essayant de saisir les flux financiers tratant par les chambres de compensation (en l’espèce Eurocétabli à Bruxelles) et dont l’État défaillant aurait été le donnd’ordre ; malgré quelques balbutiements judiciaires, une tvoie ne devrait pas être ouverte (du moins dans l’Union eupéenne) en raison du principe général de finalité des paiemequi est absolument essentiel pour assurer le bon fonctionnemdes marchés financiers et des mouvements de fonds, et ce ce soit dans un contexte national ou  a fortiori   transfrontièrereste que, là encore, les parties en viennent à  transiger  stant ainsi la longueur et les coûts du contentieux mais laissaussi des questions de droit importantes en suspens (à noconnaissance aucune « Cour suprême » n’a eu l’occasion à

 jour d’avoir à se prononcer en dernier ressort sur les points

droit soulevés précédemment).

40.  Force est de reconnaître que le traitement (et cela, quque soit leur motivation) des créanciers non participant à opération de rééchelonnement et donc non parties à l’accformel de restructuration est juridiquement très délicat en mêtemps qu’il est fondamental pour assurer le succès du procsus dans son ensemble. Jusqu’à présent, la quasi-totalitécontentieux a eu pour cadre les tribunaux fédéraux américaet l’application aux conventions querellées de la loi de l’ÉtaNew York. Or, dans le passé, ce droit local – contrairemendroit français, par exemple – exigeait (sauf convention expcontraire) l’accord de tous les obligataires en cas de modificad’un contrat d’emprunt, condition à l’évidence impossible à rplir en présence de plusieurs milliers, voire dizaine de millde porteurs répartis dans le monde entier. Aussi, depuis le

but des années 2000, les praticiens ont inséré dans les contd’emprunts obligataires soumis à la loi de l’État de New Yorkils demeurent de loin les plus nombreux) des « clauses d’accollectives » (Collective action clauses ou CAC) aux termes dquelles une majorité qualifiée de porteurs peut décider de mfications du régime juridique des titres émis, ces changemeétant opposables aux minoritaires qui se trouveraient ainsi par elles. Cette réponse contractuelle de marché devrait suffpouvoir traiter de façon satisfaisante le problème des créancne participant pas (hold-outs) aux accords de restructurationdettes souveraines – du moins pour l’avenir.

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DETTES D’ÉTAT

41.  Cela étant, le principe général est que le traitement du sur-endettement des États à raison de leurs dettes privées relèvedu domaine contractuel sous la forme de conventions de ré-échelonnement (ou accords de restructuration). Ces dernièressont soumises au jeu normal du principe de l’autonomie de vo-lonté des parties contractantes. À elles de choisir la loi appli-cable (V.   infra,  nos 42 et s.). À elles également de choisir lestribunaux compétents (V. infra, nos 44 et s.). À elles enfin d’ap-précier la portée des lois de police. Il s’agit là de problèmesclassiques de droit international privé (V.   infra,   nos 57 et s. ;

V. CARRILLO-BATALLA LUCAS, Conflicts of Laws in Internatio-nal Lending Transactions,  dans D. CARREAU et M.-N. SHAW,op. cit. ;  E. GAILLARD, Aspects de droit international privé dela restructuration de la dette privée des États, Travaux comi-té fr. DIP 1991-1992, p. 77 ; M. GRUSON, Controlling Choiceof Law, Controlling Site of Litigation ; Acts of Foreign Governe-ments Affecti ng Borrower’s Obligations : Recent Developments,dans M. GRUSON et R. REISNER,  Sovereign Lending : Mana-ging Legal Risks, London, 1984, Euromoney Publications). Maisau-delà, sur le plan matériel, des règles particulières sont appa-rues en matière de rééchelonnement de la dette privée des États(V. infra, nos 60 et s.).

 A. – Choix de la loi applicable.

42.  Étant donné les enjeux financiers considérables des opéra-

tions de restructuration de la dette privée des États, les partiescontractantes prennent le plus grand soin à choisir une loi appli-cable unique sans recourir à la faculté de dépeçage. Les lois lesplus couramment choisies sont celles de l’État de New York, laloi anglaise et la loi française et ce, en fonction de la tradition juri-dique dominante des participants. Autrement dit, c’est la loi desÉtats créanciers qui est ici choisie. En règle générale, il est bienadmis que les parties ont la liberté de choisir la loi applicable àleurs relations contractuelles internationales (ainsi que la juridic-tion compétente). Dans la restructuration de la dette souverainede l’Argentine de 2005, les nouvelles obligations émises furentsoumises à la loi de l’État de New York si elles étaient libelléesen dollars, à la loi anglaise si elles l’étaient en euros ou en yenset enfin à la loi argentine pour celles libellées en monnaie locale(pesos).

43.  Pourtant, traditionnellement, certains États, notamment lespays latino-américains, ont pour politique officielle de limiter celibre choix des parties au moyen de dispositions constitution-nelles ou législatives (J. SAMTLEBEN,  Clauses on Jurisdictionand Applicable Legislation in the Foreign Loan Contracts of the Latin American Countries, Comparative Juridical Review 27[1990], p. 65 et s., V. aussi V. CARRILLO-BATALLA LUCAS,article préc. [supra,   no 41]). Au nom de la doctrine Calvo(V. Responsabilité internationale), ces États entendent sou-mettre exclusivement à leur propre loi et à leurs tribunauxnationaux les contrats qu’eux-mêmes ou leurs démembrementset émanations viendraient à conclure avec des personnesétrangères. De telles prétentions qui reviennent à imposer la loi(et les tribunaux) de l’État débiteur ne sont guère acceptablespar les créanciers privés et il n’y a en général pas été fait droit.Le non-respect de ces exigences légales des États débiteurs ne

saurait être considéré comme un cas de nullité de l’engagementcontractuel ; la conséquence en sera que, si l’exequatur estdemandé aux tribunaux de l’État débiteur condamné par un for étranger, elle sera refusée, ce qui de toute manière est d’effetpratique limité dans la mesure où celui-ci est déjà protégépar le principe quasi universel de l’insaisissabilité des bienset deniers publics (J. SAMTLEBEN, article préc., p. 82 et s.).Toutefois, au vu de la pratique la plus récente, il est clair queces pays ont grandement assoupli leur position – à commencer par l’Argentine, pourtant pays d’origine de CALVO ; lors dela restructuration précitée de sa dette en 2005, elle accepta

clairement la soumission des nouveaux titres à émettre auxlois anglaise et new-yorkaise. De même, le Brésil ne voit plusd’objection à ce que les emprunts obligataires qu’il émet soientsoumis à une loi étrangère (en général celle de New York).

B. – Choix des tribunaux compétents.

44.  Le principe dominant en la matière est à la fois simple etclassique : compétence est donnée, par les parties au contrat, àdes tribunaux nationaux exclusivement désignés (V. infra, nos 45et s.). Parfois, mais cela demeure exceptionnel, l’arbitre inter-

national peut être amené à connaître de ce type de contentieux(V. infra,  nos 50 et s.).

a. – Compétence de principe du juge national.

45.  Ici encore le problème se pose en des termes classiques etne présente pas de spécificités propres à la matière financière.En règle générale, les contrats de rééchelonnement contiennentune clause de juridiction attribuant compétence exclusive aux tri-bunaux de l’État dont la loi a été choisie comme applicable. C’estla méthode la plus simple. Ainsi, pour en revenir à la restructura-tion de la dette argentine, l’accord de restructuration de 2004, quidevait être approuvé par la majorité des créanciers obligatairesen février 2005, prévoit la compétence des tribunaux fédérauxde l’État de New York à propos de tout différend portant sur lestitres émis selon la loi de cet État, tandis que des tribunaux an-

glais et argentins se sont vu attribuer compétence sur le mêmefondement.

46. Afin d’éviter les risques de blocage en casde recours conten-tieux, ces accords renferment des clauses de renonciation à l’im-munité de juridiction et d’exécution de la part de l’État débiteur.Si la première peut apparaître ici redondante, il n’en va pas demême de la seconde dans la mesure où la loi (américaine, par exemple) ou les tribunaux (français, par exemple) accordent tra-ditionnellement une très large immunité aux États et, en particu-lier, aux fonds détenus par leur banque centrale qui sont diffici-lement saisissables.

47.   Dans la même veine, pour des systèmes juridiques quiconnaissent la doctrine du   forum non conveniens   (ainsi, par exemple, aux États-Unis et dans l’État de New York), il sera éga-

lement demandé à l’État débiteur de renoncer à s’en prévaloir et de nommer dans la juridiction de la cour contractuellementcompétente un représentant chargé de recevoir les notificationséventuelles (E. GAILLARD, article préc., p. 81).

48.  Comme précédemment (V. supra, no 47), il convient de rap-peler les efforts de certains pays, notamment latino-américainsqui, au nom de la doctrine Calvo (V.  supra,  no 43), s’opposentpar voie constitutionnelle ou législative au libre choix de la com-pétence juridictionnelle dans les contrats internationaux qu’ilspassent avec des étrangers, pour imposer la soumission exclu-sive des litiges à leurs propres tribunaux. Cette pratique, autre-fois largement répandue, perdure encore aujourd’hui même sielle revêt une intensité bien moindre en raison de l’intégrationcroissante de ces pays dans l’économie internationale, la globa-lisation ne s’arrêtant pas aux frontières du droit.

49.  Enfin, de façon encore classique, il convient de noter que le juge contractuellement compétent appliquera normalement la loichoisie par les parties dans toute son étendue. Dans un contextefrançais, la question se pose de savoir si le juge appliquera, à uncontrat international de rééchelonnement de dette soumis à la loifrançaise, toutes les dispositions impératives de cette dernière(anatocisme, mention du « taux effectif global », réduction desintérêts en cas de surendettement, usure…) ou s’il accepterade les assouplir au nom des intérêts bien compris du commerceinternational et du… choix de la loi française par les parties, sans

Rép. internat. Dalloz   - 8 - août 2009

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DETTES D’ÉT

parler de la défense des intérêts sur la place financière de Paris(V. sur cespointscontroversés, E. GAILLARD,article préc., p. 81et s., ainsi que la question du professeur M. VASSEUR et laréponse apportée, ibid.  p. 89 et s.).

b. –  Compétence d’exception de l’arbitre international.

50.   Ici, deux situations entièrement différentes sont à envisa-ger qui, au demeurant, sont l’une et l’autre exceptionnelles – dumoins jusqu’à présent. Dans un premier cas, le choix de l’arbi-

trage international apparaît comme un substitut à la saisine dela justice nationale (V. infra, nos 51 et s.) tandis que, dans le se-cond, il apparaît comme un simple complément avant, peut-êtredans l’avenir, de devenir un véritable concurrent (V. infra, nos 54et s.).

1o L’arbitre international, substitut du juge national.

51. En dépit de quelques frémissements contrairesrécents, arbi-trage et finances demeurent deux mondes séparés dans l’ordreinternational. Les praticiens, à commencer par les banquiers,ont traditionnellement préféré attribuer compétence à des jugesnationaux établis dans le siège des grands marchés financiersmondiaux en raison d’une présomption d’expertise due à cetteproximité – qualité dont seraient en général dépourvus les ar-bitres dans ce domaine si spécifique.

52.  Quoi qu’il en soit de ce débat, il convient ici de faire référenceà la pratique constante du Brésil qui, si elle s’explique pour desraisons propres à ce pays, donne aussi matière à réflexion quantà son extension à d’autres États (V. en général K.H. CROSS, Ar-bitration as a Means of Resolving Sovereign Debt Disputes, Am.Rev. Intl. Arb. 2006. 335, spéc. p. 339 et s.). En effet, le Brésilfait encore partie des pays latino-américains demeurant forte-ment influencés par la « doctrine Calvo » (V.  supra, no 43) aveccomme conséquence particulière ici de faire interdiction à l’Étatde se soumettre à la compétence de tribunaux nationaux étran-gers aux fins de règlement des différends ; en pratique, cela si-gnifiait que le Brésil refusait les clauses attributives de juridictionde cette nature pour régler des litiges éventuels liés à ses em-prunts extérieurs, alors qu’il s’agit d’une clause standard insérée

dans ce type de contrats pour donner confiance aux prêteurs.Cette difficulté put être écartée grâce au recours à l’arbitrage in-ternational : ainsi les obligations internationales émises par leBrésil (en un mot sa « dette souveraine ») sont soumises à laloi nationale d’un pays donné (en général, celui du placementde l’emprunt où se trouvent les investisseurs les plus nombreux

 – ce qui veut dire le plus souvent la loi de l’État de New York),les litiges éventuels relevant, eux, d’un arbitrage international ad hoc  opérant dans le cadre du Règlement CNUDCI (UNCITRAL)de 1976. Jusqu’à présent, aucun recours à l’arbitrage internatio-nal n’a été enregistré.

53.   Si cette dissociation entre droit applicable et compétence juridictionnelle s’explique par les contraintes inhérentes au droitdu Brésil et est restée propre à ce pays, il y a beaucoup à dire enfaveur de cette « solution brésilienne », notamment en raison de

sa souplesse. Choisir une loi bien connue comme loi applicableà un contrat international d’emprunt donne confiance aux prê-teurs potentiels ; soumettre les litiges éventuels à un « arbitrageCNUDCI » permet aux parties, prêteurs comme emprunteurs, defaire en quelque sorte du « sur mesure » en profitant de toute laflexibilité offerte par le Règlement de 1976 (et qui ne se retrouvepas, par exemple, dans le mécanisme du CIRDI mis sur pied par la Convention de Washington de 1965). En outre, prévoir dès ledébut (c’est-à-dire lors de la signature des contrats d’emprunt ini-tiaux ou de la convention de rééchelonnement – ou de restructu-ration – ultérieure) un arbitrage CNUDCI (ou CCI, par exemple),

aux fins du règlement des litiges, permettrait de préempter cvoie de recours et… d’éviter un parfois bien aléatoire arbitrCIRDI.

2o L’arbitre international, complément (voire concurrent) du juge nation

54.   Si le juge national a été jusqu’à maintenant traditionnement considéré comme le juge « naturel » des emprunts innationaux émis par les États et, on l’a vu, s’il n’est pas vraimconcurrencé sur ce point par l’arbitre international, en raisonla volonté expresse des parties contractantes, en revanche prait se développer une autre via electa offerte par l’impressnant réseau de près de 3 000 traités bilatéraux en matière dcouragement et de protection des investissements (V. Invessements). Sans pouvoir ici entrer dans ce débat (K.H. CROarticle préc., Am. Rev. Intl. Arb. 2006. 335, et M. WAIBOpening Pandora’s Box : Sovereign Bonds in International Atration, AJIL 2007. 711, qui adoptent au demeurant deux pode vue opposés), on se limitera ici à en poser la problématid’ensemble.

55. Tous ces traités bilatéraux en matière d’investissement (Tont en commun de prévoir des mécanismes de règlement différends nés des contrats entre les investisseurs protégél’État d’accueil ; ceux-ci, au choix des parties peuvent être le

cours au mécanisme précité du CIRDI, au Règlement CNUde 1976 ou à la CCI et à son « règlement d’arbitrage » pprendre les références les plus fréquentes. Tous égalemà défaut de les définir, précisent la portée des investissemeconcernés en en donnant une liste (et c’est ainsi d’ailleurs certains d’entre eux excluent formellement les emprunts d’de leur couverture et protection). Tous, enfin, reconnaissenposent des règles de traitement et de protection que les Édoivent respecter dans leurs relations contractuelles avec lesvestisseurs étrangers protégés à raisonde leurs investisseme(V. Investissements).

56.  Dans un contexte ainsi internationalisé, les porteurs étgers d’obligations non honorées par l’État émetteur peuvense retourner contre ce dernier en recourant à l’un des mé

nismes arbitraux mentionnés précédemment ? À l’évidenceseule réponse possible réside dans le relatif « c’est selon ». Tdépend, en effet, de la teneur du « règlement » arbitral en caLa voie la plus complexe et aléatoire réside à l’évidence dla saisine du CIRDI bien que cela ait été celle choisie en 2et 2007 par près de 200 000 porteurs italiens d’obligationsgentines ayant refusé la conversion et l’échange proposésleurs titres par l’État émetteur dans le cadre de l’accord destructuration auquel il a été fréquemment fait référence : icmoindre des difficultés ne consistera pas à qualifier ou non dvestissements la souscription de titres d’État, tant au regardla Convention constitutive du Centre de 1965 dans son célèet controversé article 25 que du TBI applicable. Sur ce pprécis, les plaideurs auraient eu plus de latitude avec les canismes CNUDCI et CCI, ces derniers laissant aux parties entière liberté quant à l’étendue de l’engagement arbitral, cel

n’étant pas limité aux seuls « investissements ». Cela étdeux questions générales fondamentales se doivent d’êtresolues, quelle que soit l’instance arbitrale saisie : d’une ple traité « parapluie » en question couvre-t-il ou non les simpviolations contractuelles commela défaillanced’un État émetd’obligations à l’égard de leurs porteurs étrangers ? ; d’autre pune défaillance d’État dans un contexte de cette nature contue-t-elle, soit en elle-même soit à raison des conditions desurvenance, une violation des droits des porteurs de titres pnon-respect des règles de traitement et de protection poséesle traité bilatéral (TBI) applicable ?

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DETTES D’ÉTAT

C. – Incidence des lois de police.

57.  Le domaine financier est de ceux où abondent les lois depolice au sens où l’entendait Ph. FRANCESCAKIS, c’est-à-direde « lois dont l’observation est nécessaire à la sauvegardede l’or ganisation politique, sociale et économique du pays »(V. Conflits de lois [Principes généraux]). Ainsi, en matièred’endettement des États, la volonté contractuelle des partiespeut être mise en échec par des fiat  étatiques. Il peut s’agir toutd’abord des lois de police du for. En droit français, un exemplepeut en être donné avec l’arrêt du Conseil d’État du 21 juillet1972 dans l’affaire des Messageries maritimes (Rev. crit. DIP1974. 330, note H. Batiffol), où il était affirmé que la déchéance(quinquennale à l’époque et quadriennale aujourd’hui) desdettes de l’État concernait « l’ensemble des dettes de l’État,qu’elles soient régies par le droit public ou par le droit privé, ycompris celles résultant d’un emprunt, même émis à l’étran-ger et souscrit par des étrangers ». Toutefois, comme le noteP. LAGARDE, « la jurisprudence française en fait une applicationmodérée » (H. BATIFFOL et P. LAGARDE, Droit internationalprivé, t. 1, 8e éd., 1993, LGDJ, p. 428, no 254). De même,aux États-Unis, lors de sa première décision, la cour d’appelfédérale du Southern District of New York  (23 avr. 1984, AlliedBank c/Banco Credito Agricola de Cartago et al.) devait-ellereconnaître l’application d’un moratoire décidé par le gouverne-ment du Costa Rica sur le fondement de la loi américaine sur 

les faillites (V. le texte dans  ILM  1984. 742 ; et D. CARREAU,article préc., JDI 1985. 42 et s.). Dans le contentieux plusrécent qui devait se développer aux États-Unis en matièrede rééchelonnement de dettes d’État (V.  supra,   nos 36 et s.),certains tribunaux s’appuyèrent sur des principes généraux telsque le respect obligatoire par les débiteurs de leurs obligationsfinancières nées de contrats d’emprunt valablement conclus oula nécessaire protection des prêteurs américains à l’encontrede leurs débiteurs étrangers – qu’ils assimilèrent à l’ordre publiclocal, car représentant les   policy interests   nationaux – afinde confirmer les droits contractuels des prêteurs initiaux quiavaient refusé (ce sont les fameux  hold-outs ;  V. supra,  no 40)de les voir amoindris au titre de l’accord de restructuration, aurisque évident de faire échouer l’opération de rééchelonnement.Jusqu’à présent, la Cour suprême n’a pas eu l’occasion de tran-cher en dernier ressort cette question épineuse (on rappellera

que, pour l’avenir, elle a été réglée en pratique par l’insertionsystématique de « clauses d’action collective » pour les contratsd’emprunt soumis à la loi américaine ; V.  supra, no 40).

58.  Plus fréquente et préoccupante est la place réservée auxlois de police étrangères (E. GAILLARD, article préc., p. 83 et s.).Placés devant une situation de surendettement, les États débi-teurs ont fréquemment eu recours à des mesures unilatéralesde contrôle des changes ou à des moratoires spécifiques pour interdire les paiements dus aux créanciers étrangers, quelle quesoit la loi applicable aux contrats de prêt. Doit-il ou non êtredonné effet à ce type de lois de police ? Aux États-Unis, la ré-ponse semble négative si l’on s’en tient à la deuxième décisionde la cour d’appel du  Southern District of New York  (aff. AlliedBank, préc.   supra,  no 57) renversant la solution dégagée par le premier arrêt (757 F. 2d 516 [1985] ; et D. CARREAU, articlepréc., JDI 1986. 123). Du côté des pays européens et à notreconnaissance, en l’absence de jurisprudence en la matière, lerésultat serait le même au vu des règles posées par la Conven-tion de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles et tellesque reprises par le règlement no 593/2008du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 (ditRomeI,JOUE, no L 177, 4 juill.).

59.  Pour terminer sur ce point, on signalera l’existence d’unequestion qui n’a pas encore été tranchée par les tribunaux etqui ne semble d’ailleurs pas leur avoir été clairement soumise,

comme cela aurait pu et dû être le cas dans l’affaire Allied Bank(préc. supra, no 57), et qui a traità l’impact du célèbrearticle VIII,section 2 (b) des statuts du Fonds monétaire international relatif à la reconnaissance mutuelle des restrictions de change impo-sées ou maintenues en conformité avec ceux-ci (V. Monnaie).Si, en effet, un État surendetté adopte avec l’approbation duFMI une mesure de contrôle des changes (un  moratoire,   par exemple) paralysant le remboursement de ses dettes propres(ou de celles de ses non-résidents) à l’égard de prêteurs étran-gers en vertu de contrats soumis à la loi et aux tribunaux de

pays tiers, ces derniers doivent-ils accepter de lui donner effetou peuvent-ils n’en tenir aucun compte ? La question demeurepour le moins ouverte, si ce n’est controversée (D. CARREAU etM.-N. SHAW, op. cit., rapp. nos 45 et 49).

D. – Émergence de règles matérielles de traitement.

60. Sans doute est-il plus difficile en matière d’endettement privéque d’endettement public des États de prétendre qu’il existe desusages communs, des pratiques généralement suivies qui revê-tiraient le caractère obligatoire de la règle coutumière ; il n’existeen effet pas de forum unique pour les renégociations de dettesprivées, ni de véritable « jurisprudence » telle qu’elle a pu sedévelopper au sein du club de Paris. Cependant, au-delà de ladiversité et de la spécificité de chaque opération, il apparaît quele processus de rééchelonnement de la dette privée des États

obéit à des règles communes bien admises.

61.   Sur le plan de la procédure tout d’abord, l’initiative del’opération de rééchelonnement ne peut venir – formellementdu moins – que du   seul État débiteur   pour la même raisonque celle mentionnée précédemment, à savoir le respect de sasouveraineté (V. supra, no 19).

62.   Du côté des banques créancières, et en raison de leur nombre qui peut dépasser le millier, seul un petit nombre d’entreelles conduiront la négociation en comité restreint avec l’Étatdébiteur ; mais n’ayant pas la qualité de mandataires, elles nesauraient en rien engager les autres banques dont le consente-ment final devra être obtenu lors de la signature du contrat derééchelonnement. Cette solution classique fragilise à l’évidencel’effectivité de l’accord de restructuration en laissant ouverte la

voie contentieuse aux récalcitrants (hold-outs ; V. supra, nos 37et s.), d’où l’insertion des « clauses d’action collective » déjàrencontrées (V. supra, no 40)

63.  Certaines dettes privées de l’État débiteur bénéficient d’untraitement de faveur en ce sens que, étant exclues du réamé-nagement, elles devront continuer à être respectées selon leurstermes et conditions originaux : il s’agit des dettes commercialesà court terme (c’est-à-dire à moins d’un an d’échéance) afin demaintenir les courants normaux d’échange. Tel fut aussi pendantlongtemps le cas de la dette obligataire et ce, afin de maintenir laconfiance des épargnants dans le fonctionnement des marchésfinanciers et dans la solidité du crédit public.

64.  Depuis la défaillance de la Russie en 1998, la dette obli-gataire a perdu ce statut privilégié, de sorte qu’elle est mainte-

nant systématiquement incluse dans les opérations de restruc-turation, ce qui n’est pas sans poser de forts délicats problèmesde droit (et l’exemple argentin de 2004/2005 l’a bien montré)lorsque plusieurs dizaines (voire centaines) de milliers de por-teurs se trouvent directement affectés. Pour assurer dans l’ave-nir l’effectivité des accords de restructuration incluant la detteobligataire, les nouveaux contrats récemment conclus (et sou-mis à la loi américaine, car une telle disposition était superflueau regard de certains droits – anglais, français ou japonais – quila consacraient déjà) contiennent désormais des mécanismes(les « clauses d’action collective ») permettant à une majorité

Rép. internat. Dalloz   - 10 - août 2009

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DETTES D’ÉT

déterminée de prêteurs d’accepter une réduction de leurs droits,cette décision « liant » les porteurs minoritaires.

65.   Le contrat de rééchelonnement n’emporte pas novationdes engagements financiers antérieurs : il contient en effet unecondition suspensive de réactivation de ces derniers   a priori moins favorable au débiteur, au cas où celui-ci ne respecteraitpas ses nouveaux engagements.

66.  Le traitement des divers créanciers est à l’évidence le pro-duit de leur pouvoir de négociation respectif. En revanche, en

matière de restructuration des dettes d’État, le principe centralest celui du traitement égal des créanciers qui se manifeste par l’insertion d’une clause pari passu ; celle-ci doit être rédigée clai-rement et sans ambiguïté de façon à éviter les avatars qu’elle apu connaître à l’occasion de certains contentieux et qui étaientde nature à mettre en péril l’économie générale de l’ensembledu rééchelonnement.

67.  De même, et comme dans le cas des dettes publiquescréanciers privés font de la conclusion d’un accord de confirtion avec le Fonds monétaire international la condition préalaà la signature d’une convention de rééchelonnement en mêtemps qu’ils en suspendent l’exécution à son respect tel qu’ilcontrôlé par le FMI.

68.   Enfin, tendance récente, mais lourde depuis les nveaux cours ouverts par l’initiative Brady de 1989 (E. NASS

GUIER, La position du gouvernement américain en matd’endettement des États : du plan Baker à l’initiative Brdans D. CARREAU et M.-N. SHAW,  op. cit.), les opératide rééchelonnement sont maintenant orientées à des degdivers dans le sens de la réduction des dettes privées et plus de leur maintien au nom du principe sacro-saint du respdes contrats régulièrement conclus.

INDEX ALPHABÉTIQUEAccord bilatéral

 – consolidation de dette 21.Accords de restructuration

V.  Conventions de rééchelonne-ment.Action collective

V. Clauses d’action collectives.Arbitrage international 31.Arbitre international 50 s.

 – CCI 53 s. – CIRDI 53 s. – CNUDCI 53 s. – compétence d’exception 50 s. – complément du juge national 54 s. – substitut du juge national 51 s.Arriéré de paiement  10, 13 s.Banque de développement 10.Banque mondiale 10.Bonne foi 11, 33.Change 59.Clause attributive de juridiction 45,

52.Clausedu créancierle plus favorisé

23 s.Clause d’initiative 24.Clauses d’action collectives 40, 57,

62.Club de Londres 24.Club de Paris 18 s.

 – accord bilatéral, conclusion 21. – confidentialité 19. – procédure suivie 19 s.

 – procès-verbal agréé 20 s. – règles de traitement de la dette ex-

térieure 22 s. – saisine 19 s.Concordat 33.Contrat

 – renégociation 36 s.V.  Conventions de rééchelonne-ment.

Contrôle des changes 59.Convention Drago-Porter  30.Conventions de rééchelonnement

41 s. – loi applicable 42 s. – lois de police, incidence 57 s. – règles matérielles de traitement

60 s. – tribunal compétent 44 s.Cour internationale de justice 29.Coutume 60 s.Dette commerciale 63.Dette obligataire 63 s.

Dette privée externe 25 s. – droit international, application 26 s. – droit interne, soumission 32 s. :

conventions de rééchelonnement41 s. V. Ce mot ; créanciers ex-térieurs, traitement 36 ; devises,pluralité 36 ; exécution forcée del’accord de restructuration 38 ; loiapplicable 32 s. ; montant accep-table des pertes 35 ; restructuration33 s.

Dette publique externe 9 s. – contractée à l’égard des organisa-

tions intergouvernementales 10 s. :traitement des créances 16.

 – contractées à l’égard des États17 s. V.  Club de Paris.

 – définition 8.Doctrine Calvo 43, 48, 52.Engagements non contraignants

20.État

 – immunité d’exécution 39, 46.Euro 6.Faillite  3 s., 33.Fonds monétaire international   10,

23 s., 67.« Forum non conveniens » 47.Historique 1 s.Immunité d’exécution 39, 46.Intérêts 34.Investissements 31, 54 s.

 – traités bilatéraux 55 s.

Loi applicable – convention de rééchelonnement

42 s.Lois de police 57 s.

 – étrangère 58. – du for 57. – notion 57.Monnaie 5, 23, 32, 36, 59.Nationalité 32.Novation 65.

Politique de la canonnière 27.Prêt 9, 11 s.

 – contrat 36 s. – renégociation 13 s., 36 s.Procès-verbal agréé 20 s.

 – publication (non) 21.Protection diplomatique 27 s.Ratification implicite 21.Rééchelonnement 12 s.

 – conventions 41 s. V.  Convende rééchelonnement .

Règlement des différends 52, 5Règlement Rome I 58.Responsabilité internationale

43.Restructuration 33 s.

V.  Conventions de réécheloment.

Sanctions 13.Souveraineté 19, 61.Statistiques 18.Surendettement 1 s.

Traité international 21 s., 30. – bilatéral en matière d’investments 55 s.

Tribunal arbitral 30.Tribunal compétent 44 s.

 – compétence d’exception de l’arinternational 50 s. V.   Arbitre inational .

 – compétence de principe du jugtional 45 s.

Typologie  5 s.

août 2009   - 11 - Rép. internat. D