68
Théâtre, cinémas et corridas, lorsque Casablanca s’amusait Numéro 3 | novembre 2014

Casamemoire le mag N°3

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Casamémoire le mag est une publication de l'association Casamémoire. Véritable outil de sensibilisation, cette revue aborde des thématiques liées à l’actualité du patrimoine architectural au Maroc.

Citation preview

Page 1: Casamemoire le mag N°3

Théâtre, cinémas et corridas, lorsque Casablanca s’amusait

Numéro 3 | novembre 2014

Page 2: Casamemoire le mag N°3

2 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 3: Casamemoire le mag N°3
Page 4: Casamemoire le mag N°3
Page 5: Casamemoire le mag N°3
Page 6: Casamemoire le mag N°3
Page 7: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 7

édito

Rachid BenBRahim andaloussiarchitecte, président de casamémoire

Jacqueline Alluchon, cette pionnière

le vendredi 26 septembre dernier, s’est déroulée, à la Koubba du parc de la ligue arabe à casablanca, une cérémonie d’hommage à la mémoire de notre amie Jacqueline alluchon, récemment décédée en France, des suites d’une maladie fatale, à l’âge de soixante-douze ans.

nous étions nombreux dans la salle et devant le micro à exprimer notre chagrin. l’émotion était palpable, nous vivions un moment de grande communion.

Principale fondatrice de casamémoire, Jacqueline alluchon était aimée et respectée de tous ceux qui la connaissaient de loin ou de près. casablancaise, Jacqueline l’était de naissance, ainsi que son père et son grand-père, mais surtout de cœur et d’âme. cette architecte, au talent méconnu du grand public – elle n’a pratiquement réalisé que des villas pour particuliers – a voué, littéralement, sa vie à la défense du patrimoine architectural de la ville blanche.

les membres de casamémoire, cette grande famille quelle s’est elle-même créée, sont unanimes : si l’enveloppe charnelle de Jacqueline alluchon nous a malheureusement faussé compagnie, son esprit, quant à lui, restera à jamais vivant. nous y veillerons. nous nous efforcerons de transmettre à d’autres, la passion et le sens du combat que Jacqueline nous a transmis. Qu’elle repose en paix. les graines que cette grande dame a semé ont donné et donneront des dizaines de bourgeons. Bientôt nous serons des centaines, peut-être des milliers, qui sait ?

Page 8: Casamemoire le mag N°3

8 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 9: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 9

sommaire

en couverture photographie de marcelin Flandrin n direction de la rédaction Jamal Boushaba n secrétariat de rédaction élodie durieux n Coordination sakina choukri n Conception et direction artistique sophie Goldryng n iconographie mehdi Riah n Contributions salomé delille, élodie durieux, Jean-pierre Koffel,

et mehdi Riah n Crédits photos collections particulières (pp. 11, 13, 28, 30), marcelin Flandrin (p. 21), luigi Forese (p. 23), christian lignon (p. 24 à 29), oussama hamama (p.33), aFm (p.55), salomé delille (pp. 56, 57), le molitor (pp. 58 à 65) n Photogravure Graphely n impression imprimerie Toumi n Casamémoire le mag est une publication de l’association casamémoire pour la sauvegarde du patrimoine architectural du xxe siècle au maroc n Contact casamémoire, 14-18 avenue hassan seghir, casablanca. Tél : +212(0) 526 515 829 /522 543 663

10 Quand Casablanca était un petit Paris

Bal musette, opéra, vaudeville, cinéma et variétés, des années 1920 aux années 1960, le public casablancais était gâté.

16 Le théâtre de Saddiki 1964, Tayeb saddiki a vingt-trois ans. hassan ii émet

le souhait de le voir diriger le Théâtre municipal de casablanca.

20 Souvenirs cinématographiques Président de la commission de numérisation, de

modernisation et de création de salles de cinéma, andaloussi nous conte son rapport aux obscures salles casablancaises de sa jeunesse.

26 Les Arènes ou lorsqu’on toréait ferme à Casablanca

Rares sont les casablancais qui se souviennent des corridas, mais beaucoup évoquent les spectacles internationaux auxquels ils ont assisté aux arènes.

32 Portfolio Les Stories of Change de Hassan Ouazzani

les clichés formellement très travaillés de ce trentenaire à la sensibilité toute en retenue, nous content les blessures d’une cité au corps constamment malmené.

54 Le Sphinx ressuscité donner une seconde vie à la célèbre maison

close fédalienne, tel a été le pari réussi de hassan Benkirane, actuel propriétaire du mythique sphinx.

58 Le Molitor nouveau est arrivé après avoir été un haut lieu sportif et mondain,

puis un squat créatif underground, cette piscine, à l’architecture typique des années 1930, renaît sous la forme d’un complexe hôtelier haut de gamme.

Page 10: Casamemoire le mag N°3

10 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Quand Casablanca était un petit ParisBal musette, opéra, vaudeville, cinéma et variétés, des années 1920 aux années 1960, le public casablancais était gâté.

D ès1917, quand les Fran-çais se sont installés au Maroc, ils ont pensé aux routes, aux hôpitaux, aux

fours et aux moulins, mais aussi aux lieux de loisirs dans une époque qui ne connaissait pas encore le cinéma. D’ailleurs, les premières salles de cinéma incluaient des fosses d’or-chestre destinées aux musiciens qui accompagnaient les films muets. Elles disposaient, en outre, d’une scène – avec rideau, coulisses et dispositifs pour décors – pouvant recevoir soit du théâtre soit des variétés. Ces der-nières dites « attractions », étaient le fait d’artistes, souvent des gagne-petit, et passaient soit en première partie, avant le grand film, soit en intermède, avant l’entracte. Une véritable institu-tion, l’entracte, d’où ces promenoirs et ces vastes halls, espaces réservés aux papotages et aux consommations.Dès la fin de la guerre 14-18, des artistes venaient à Casablanca, certains pour une saison, d’autres pour y faire

souche. Artistes lyriques ou de music-hall, ballerines, danseuses étoiles, acteurs de théâtre, figurants, seconds rôles… On était friand de spectacles : les après-guerres, les entre-deux-guerres sont des époques ou les acti-vités prospèrent et se diversifient.Il y avait dans l’ancienne médina des cabarets orientaux tel Le Coq d’or, très en odeur dans la communauté juive, mais pas seulement, et où Salim Halali s’illustrera dans les années 40-50. L’Excelsior, sur la place de France, face à la Tour de l’horloge, avait au rez-de-chaussée, une grande salle avec une estrade sur laquelle se produi-saient des « numéros » : orchestres, danseurs, effeuilleuses, travestis… Je garde – je devais avoir trois ans – un souvenir émerveillé d’une chanteuse coquine, Liné Carotte, qui dans une pause, m’avait pris à la bonne et sur ses genoux.Il y avait des guinches, des p’tits bals du samedi soir. À Aïn-Diab, Le Lido puis Le Calypso ; à Aïn-Sebaâ, Le Luna Park

dossier ThéâTRe

Page 11: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 11

Le théâtre municipal, dessiné par Hippolyte

delaporte, photographié dans les années 1930.

Page 12: Casamemoire le mag N°3

12 - novembre 2014 - casamémoire le mag

et la Guinguette fleurie. Bals musettes, accordéons, flonflons, concerts tzi-ganes aux terrasses des cafés (avec kémia) et pianos-bars. Le Casa des années 30-40 faisait penser à l’Oran de Camus d’avant la Peste.

1922. Le théâtre provisoire fait la fierté de la viLLe.

Mais les différents espaces de la ville qui s’étaient révélés un peu partout dans la ville et ses environs ne suffi-saient pas à combler toutes les aspi-rations, les plus nobles notamment : il fallait un théâtre.Ce n’est qu’en 1922 qu’on songea à donner corps au projet. Celui de l’ar-chitecte Albert Laprade – 1000 places, une architecture proche de celle du Palais de justice et celle des Services municipaux – étant trop cher, c’est celui d’Hippolyte Delaporte qui sera réalisé à la va-vite, en 90 jours exacte-ment. Le Théâtre municipal de Casa-

blanca sera l’exemple de ses provi-soires qui durent longtemps. On disait même : « Provisoire comme le théâtre ».Il n’eut pas de nom. Il était le seul de son genre au Maroc ou presque, si l’on excepte le Théâtre municipal de Mazagan et le Théâtre Cervantes à Tanger. Des villes comme Rabat ou Marrakech devaient se contenter d’ac-cueillir les représentations dans les salles de cinéma, baptisées d’ailleurs « théâtre-cinéma » : théatre-cinéma Royal à Rabat, Palace à Marrakech – où il y avait quand même le petit Théâtre du Casino.Avec sa façade et son masque de la Comédie, le Théâtre municipal s’at-tirait les regards surpris des visiteurs et donnait des complexes aux autres villes du Royaume. Il occupait une position stratégique, en plein centre du quartier Malka, c’est-à-dire en plein centre-ville. Flanqué sur sa gauche d’un grand square très fréquenté, avec

bancs publics, pissotières, bacs à sable et pigeons. En face, la Banque d’État avec sa belle allure. Pas loin, la grande Poste, le Tribunal, la Municipalité, que du beau monde. Lui, c’était l’enfant pauvre. Il était sis boulevard de Paris.La rue qui le longe n’est rien de moins que la rue Talma – sublime tragédien français, immortalisé par Delacroix. Au 1, rue Talma, il y avait une petite officine où l’on pouvait prendre ses billets pour les Galas Karenty, les Amis du théâtre de France, les Jeunesses musicales de France et les Amis de la musique.

Les opérettes ratissaient large. Mary Marquet ou L’art de neutraLiser un poulaiLLer.

Il était très opérationnel, ce théâtre, et très électrique. Il drainait la clien-tèle du Maârif aux Roches-Noires, des quartiers à majorité populaire. Les opérettes ratissaient très large,

dossier ThéâTRe

Le Théâtre municipal de Casablanca sera l’exemple de ses provisoires qui durent longtemps. On disait même : « provisoire comme le théâtre ».

Page 13: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 13

Pochette de disque de salim Halali. Le chanteur judéo-maghrébin a enchanté les nuits d’une certaine jet-set casablancaise, à partir du

Coq d’or, le cabaret qu’il tenait dans l’ancienne médina.

Page 14: Casamemoire le mag N°3

14 - novembre 2014 - casamémoire le mag

surtout le dimanche en matinée, et l’on y allait en famille. Les Saltimbanques, La Veuve joyeuse (1er au hit-parade), Les Cloches de Corneville, Véronique, Cibou-lette jouaient à guichets fermés.L’on raffolait aussi des ballets : les étoiles, les « sujets », les coryphées venant de Paris, de Toulouse et de Bor-deaux, se relayaient sur les planches casablancaises où un jour, un clou, sans doute oublié d’un décor précé-dent, fit choir de tout son long une grosse cantatrice du Roi d’Ys qui s’y était pris la traîne. Coppélia, Le Lac des Cygnes, Gisèle, Casse-noisettes et Belle au bois, rien que des valeurs sûres. On ne se risquait pas dans les innovations hardies.Même chose pour le théâtre, on n’y donnait que les classiques du réper-toire : Molière en tête, Hugo, le Cyrano d’Edmond Rostand, mais aussi le Knock de Jules Romain, par Jouvet et avec Jouvet.On y a vu Ginette Leclerc dans La P… respectueuse, Danielle Darrieux, Miche-line Presle,…Je me souviens de Marie Marquet(1) dans le rôle-titre de Phèdre. Nous sommes dans les années 60. C’est en deuxième matinée. Tous les enfants de l’école sont là et Racine leur passe largement par-dessus la tête. Le pou-lailler chahute. On s’interpelle, s’es-claffe, se siffle l’un l’autre. Ce n’est pas méchant, ce n’est pas dirigé contre la troupe mais ça l’indispose. Mary Mar-quet est superbe, impériale : « Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire. » Et puis, elle s’arrête pile. Le poulailler, qui sent qu’il se passe (enfin) quelque chose, se la boucle. Phèdre s’avance sur le devant de la scène, bien droite, s’immobilise au beau milieu, ménage

sont effet et, son regard de feu planté dans celui du poulailler, lâche ce splen-dide alexandrin, né dans la foulée de ceux de Racine : « Ou bien vous vous taisez ou c’est moi qui me tais ». Taisez, Thésée. Chapeau ! On peut continuer la représentation sans problème. Le poulailler est neutralisé.

un corps de baLLet. un chœur. deux orchestres. des baguettes prestigieuses.

Mais là où le théâtre « provisoire » a conquis ses lettres de noblesse, c’est dans les grandes soirées (il y avait aussi des matinées) d’opéra ou d’opéra-co-mique. Le distinguo est subtil : il suffit qu’il y ait trois mots non chantés pour qu’on soit dans un opéra-comique, Carmen par exemple. On venait d’Aga-dir (par avion), de Marrakech, de Fès ou d’Oujda (ah ! Le rapide d’Alger !). Pour écouter du Wagner, du Gounod, du Bizet, du Puccini, La Tosca, Faust, Namouna, Aïda, Manon, Werther, Otello…A l’époque on chantait l’opéra italien ainsi que l’opéra allemand en français. Il y avait un public de connaisseurs mais bon enfant, capable de fredon-ner le grand air du Barbier ou celui des Pêcheurs de perles. Entre 1920 et 1950, les grands artistes lyriques du moment sont venus chanter à Casablanca : Lili Pons, Ninon Vallin, Georges Thil, Solange Michel, Irène Chantal…L’existence d’un opéra dans la ville avait des conséquences : il fallait sur place un corps de ballet (Sonia Bes-sis, puis Martine Patti, décédée à Casa dans les années 80, en furent les pourvoyeuses), un chœur (y compris d’enfants pour Carmen par exemple), des chefs de chœur, un orchestre, des

chefs d’orchestre. Le conservatoire municipal n’étant pas loin, boule-vard de Paris également, Casa pou-vait s’offrir deux orchestres : celui du Théâtre et celui du Conservatoire. Il y avait aussi les deux orchestres de Radio-Rabat dont certains également pouvaient prêter main-forte, pour du Wagner ou du Verdi par exemple. On vit défiler des baguettes devenues plus tard prestigieuses : Jésus Etchevery, André Mariton, Georges Prêtre, Josie Jeanson. Il y avait soixante musiciens auxquels s’ajoutaient des solistes venus d’ailleurs.

Le théâtre disparaît après soixante-deux ans de bons et Loyaux services.

Si l’on voulait aller congratuler les artistes, il fallait passer par l’entrée des artistes, côté pair de la rue Talma. On y a vu Ferré, Catherine Sauvage – en 1958, le FLN algérien était venu la prier à souper, ce qu’elle fit de bonne grâce révolutionnaire – Piaf, Trénet, Aznavour à ses débuts.Après le spectacle, on pouvait finir la soirée juste en face, à La Comé-die, à moins qu’on aille s’encanail-ler au café du port de pêche, Chez Coréa (ambiance espagnole), ou Chez Mémaine, rue de la Liberté, pour une gratinée, comme aux Halles de Paris. C’est vrai que le Casa de la grande époque du Théâtre municipal jouait un peu les petits Paris. En 1984, quelqu’un à fait abattre ce théâtre et le square qui le jouxtait s’en est retrouvé tout bête.

Jean-pierre KOFFeL

1. mary marquet, 1895-1979, de la comédie française, avait été touchée par l’épuration à la libération, et figurait par ailleurs dans la liste de record de mariages.

dossier ThéâTRe

Page 15: Casamemoire le mag N°3
Page 16: Casamemoire le mag N°3

16 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Le théâtre de Saddiki1964, Tayeb saddiki a vingt-trois ans. hassan ii émet le souhait de le voir diriger le Théâtre municipal de casablanca.

J e remplaçais un certain Afifi, un cinéaste. C’était ce qu’on appelle dans notre jargon un « garagiste ». C’est-à-dire

qu’il se contentait de louer le théâtre à des compagnies et à des artistes qui venaient la plupart du temps de France. Il ne prenait aucun risque, il ne produisait aucune pièce de théâtre, encore moins du théâtre marocain. Les termes du contrat qui liait, en tant que concessionnaire, le directeur du théâtre à la Municipalité étaient très simples : la Municipalité fournissait une subvention annuelle de 160 000 dirhams et il fallait en échange, mettre en œuvre un cahier des charges pré-cis, tant de représentations par mois, tant de matinées... Ma nomination a fâché beaucoup de monde. Il y a eu une véritable cabale contre moi. Mes détracteurs étaient soutenus par l’UMT, à l’époque très présente au Conseil municipal, et ce, bien que je

sois le fondateur du théâtre ouvrier… Durant les treize-ans qu’a duré mon passage au Théâtre municipal, ils n’ont pas baissé les bras. A ma nomination, j’avais vingt-trois ans. J’étais encore très fragile. Pourquoi ai-je résisté à toutes ces attaques ? Parce qu’avec ce théâtre, je disposais d’un lieu perma-nent dans lequel je pouvais monter et présenter mes propres créations.

un pubLic français friLeux

Au début, il a fallu composer. Il faut se souvenir qu’en 1964, Casablanca comptait encore 50 000 résidents français. C’était un public bourgeois, très frileux, qui voulait du vaudeville et de la variété, du Fernand Reynaud…Sur les 2000 places que comptait le théâtre, seul 10% seulement étaient occupés par des Marocains. Un chiffre lamentable dans lequel il faut inclure ce qu’on appelle les « servitudes », c’est-à-dire les billets offerts par la

Municipalité. Les intellectuels maro-cains n’avaient pas l’air très intéressé par le théâtre. Peu à peu et grâce à un travail de relations publiques que j’ai mené, je suis arrivé à les attirer. Progressivement, j’ai également fait évoluer le répertoire. J’ai fait jouer du Ionesco, L’Echange de Claudel, Les Bonnes de Genet… J’ai fait venir Jean-Louis Barrault, Laurent Terzieff, Béjart, le Harkness Ballet de New York…J’ai aussi fait chanter Faïrouz aux Arènes. A ce propos, laissez-moi vous raconter une anecdote. J’ai été à Bey-routh pour négocier l’affaire avec les frères Rahbani. Ils m’ont reçu chez eux, Faïrouz m’a servi le café. Ils ont été très polis, m’ont écouté jusqu’au bout et m’ont donné leur accord de principe. Mais dès que j’ai tourné le dos, ils ont téléphoné à l’Ambassade du Maroc pour s’assurer que je n’étais pas un farceur mais bien un directeur

Portrait de tayeb saddiki par oussama Hamama.

Circa années 2010

dossier ThéâTRe

Page 17: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 17

Page 18: Casamemoire le mag N°3

18 - novembre 2014 - casamémoire le mag

de théâtre. L’Ambassadeur les a, bien entendu, rassurés. Il faut dire qu’à l’époque, j’étais un peu hippy : je por-tais des sandales aux pieds, des bijoux aux cheveux, des gilets brodés au point de Rabat…En tant que metteur en scène, je pré-sentais deux à trois pièces par an, en arabe et en français, des créations ori-ginales ou des adaptations. En 1967, j’ai créé Diwan Sidi Abderrahman el-Me-jdoub, en 1970, Je mange de ce pain-là, en 1971, Maqamat Badiâ ez-Zamane, etc. Entre 1964 et 1977, j’ai ainsi monté vingt-neuf spectacles.

boujMii, francis blanche et Les autres

Au début des années 1970, le public a radicalement changé, grâce, entre autres, à l’arrivée massive des coo-pérants. Je voudrai, ici, leur rendre hommage. C’étaient des jeunes gens à peine plus âgés et moins désargentés que leurs étudiants qu’ils amenaient au théâtre. Mais quel public formi-dable ! Les débats étaient passionnés, les étudiants m’écrivaient des lettres… Ce sont ces mêmes coopérants qui ont introduit la critique théâtrale dans les journaux marocains. Auparavant, il n’y avait que des comptes-rendus de type mondain. J’ai enfin pu programmer du théâtre d’avant-garde.C’est à cette époque que j’ai créé le

premier café-théâtre du Maroc dans un local attenant au théâtre. Pour m’assurer de la présence de tous mes amis à la première, j’ai écrit sur l’in-vitation : « Venez nombreux, il y aura des poules.». La veille, j’ai reçu la visite d’un monsieur de la Sûreté « Je ne com-prends pas, Si Saddiki… Qu’est ce que ça veut dire ? », « C’est simple, venez voir.» Evidemment, j’avais pris la précaution d’installer une cage avec quelques poules dedans.C’est dans ce café-théâtre que Bou-jmiî, Batma et autres futurs Nass El Ghiwane ont débuté. La salle faisait également office de galerie d’art. L’aventure a duré de 1970 à 1974. On ne servait pas d’alcool mais, croyez-moi, l’ambiance était très chaude. Durant toutes ces années, j’ai eu le bonheur d’accueillir un grand nombre de personnalités hors du commun. Je commencerai par évoquer un des types les plus étonnants que j’ai jamais connu, un véritable génie, mon très regretté ami, Francis Blanche. J’ai également été impressionné par des gens comme Brel, Devos et Bedos. Au niveau du théâtre arabe, je citerai le Tunisien Ali Ben Alloula, le Syrien Saâdallah Younous qui m’a invité au Festival de Damas, sans oublier la très grande comédienne Nidal Ashkar avec qui j’ai monté, plus tard, la première troupe réunissant des comé-diens en provenance de différents pays

arabes. Et tant d’autres encore…En 1977, j’ai demandé qu’on me donne, au lieu des 160 000 dirhams annuels, 300 000 dirhams. Ils n’ont pas accepté, alors je suis parti. En fait, j’étais vraiment fatigué. J’avais besoin de retrouver ma liberté : je suis un sal-timbanque, moi !Je me souviens très bien qu’à l’époque, je dormais avec, à mon chevet, un énorme dossier marqué « Urgent ». Il m’obsédait mais je n’arrivais pas à trouver le temps de l’ouvrir. J’ai donc pris un feutre et j’ai rajouté « Pas (urgent) du tout ». Je crois que je dois encore l’avoir chez moi, classé quelque part. Je ne sais toujours pas ce qu’il contient. Comme quoi, il y a des urgences pas si urgentes que ça.En 1984, on a détruit le Théâtre muni-cipal. On devait le détruire. C’était un vieux théâtre, avec des problèmes de vieux. On n’arrivait jamais à le chauf-fer. On ne pouvait pas jouer les jours de pluie, parce qu’avec son toit en tôle, cela faisait un boucan d’enfer… Ne pas avoir sauvegardé sa façade, ça, c’était une grave erreur.

prOpOs recueiLLis par JamaL bOushaba

Croquis de tayeb saddiki.

dossier ThéâTRe

Page 19: Casamemoire le mag N°3
Page 20: Casamemoire le mag N°3

20 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Souvenirs cinématographiquesPrésident de la commission de numérisation, de modernisation et de création de salles de cinéma, andaloussi nous conte son rapport aux obscures salles casablancaises de sa jeunesse.

C asablanca est née au moment où l’automobile et le cinéma étaient rois. Ville nouvelle, vouée à

l’économie, Casablanca n’a pas de monuments historiques notables. Ses véritables monuments sont ses garages et ses cinémas. Aujourd’hui encore, ils rythment la ville. Ce sont nos repères urbains. On dit : « J’habite à côté du Lynx, à deux pas de Auto-hall ou en face du Rif. »Les premières salles de cinéma de Casablanca ont été ouvertes dans la médina avant 1914. Casablanca est connue dans le monde entier grâce

au film de Curtis dont elle est, nous le savons tous, physiquement absente. Ce qui me paraît absolument extraor-dinaire, c’est que, dans les années 1930, les décors que proposaient les films hollywoodiens, alors en vigueur, étaient ceux-là même dans lesquels vivaient, de façon tout à fait quoti-dienne, le spectateur casablancais. La modernité était de part et d’autre de l’écran. Les premiers cinémas de Casablanca étaient – sont tou-jours – ce qu’on appelait alors des cinémas-théâtres. C’est-à-dire qu’ils étaient dotés d’une fosse d’orchestre, d’une véritable scène, de coulisses,

bref de tout ce qui est nécessaire pour assurer des spectacles de music-hall ou des représentations théâtrales. En 1938, selon les publications de l’époque, le Rialto programmait « les films les plus célèbres et les plus récents, en même temps qu’à Paris, quelques fois plus tôt que dans la capitale même. »Personnellement, j’ai découvert le cinéma au milieu des années 1960. J’allais aux matinées enfantines de l’Eden-Club. Il y avait aussi, tous les dimanches matin, des projections pour les jeunes dans l’annexe de l’église Notre-Dame. L’entrée était à 50 centimes. On nous passait des

dossier cinémas

Construit en 1935 par l’architecte marius Boyer, ce cinéma de 2000

places était connu pour être le plus grand d’afrique de son époque.

Victime de la spéculation foncière, il sera détruit dans les années 1970.

Page 21: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 21

Page 22: Casamemoire le mag N°3

22 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Tarzan, des dessins animés de Tex Avery, du Louis de Funès… Plus tard, j’ai accompagné mes parents au cinéma. C’était, à chaque fois, un véritable événement. Nous allions à l’ABC, à l’Empire, au Colisée mais sur-tout au Vox. Je me souviens que j’étais particulièrement impressionné par le gigantisme de ce dernier. J’aimais beaucoup tous ces halls d’entrées tapissés d’affiches. Je trouvais les ouvreuses très élégantes. J’attendais l’entracte avec impatience pour leur acheter des glaces ou du chocolat qu’elles portaient joliment dans un panier. Je demandais souvent à mes parents, la permission d’aller aux toilettes. C’était pour moi l’occa-sion de circuler dans ces espaces qui me semblaient très luxueux. J’étais impressionné par le balisage dans les allées. Je me demandais ce qu’il y avait derrière ces beaux rideaux de velours

rouge. J’étais fasciné par la hauteur et l’ampleur des plafonds, la richesse des ornements, ces gestes architecturaux généreux, élégants et aériens.

au MiLieu des années 1970, on a détruit Le vox et L’apoLLo

A l’époque, le cinéma, ce n’était pas seulement le film, c’était aussi, une cer-taine atmosphère, un cérémonial. Mes parents appréciaient particulièrement les films à grand spectacle. Avec eux, j’ai vu Autant en emporte le vent, Lau-rence d’Arabie, Docteur Jivago, Guerre et Paix, Sissi l’Impératrice, Spartacus avec l’incontournable Kirk Douglas.Adolescent, j’ai connu d’autres ciné-mas. Des cinémas de quartier. J’avais enfin un budget à gérer, je voulais le rentabiliser au maximum. Je voulais aussi choisir mes films. Avec mes amis du lycée Mohammed-V, nous allions au Mamounia dans la nouvelle médina

dossier cinémas

On allait au Vox, on prenait des places au poulailler où nous avons vu A tout casser avec Johnny Halliday et Abi Faouka Achajara, avec Abdelhalim Hafez. Le film comportait 53 baisers, nous les avions comptés !

Page 23: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 23

Construit en 1958 par domenico Basciano, le cinéma rif était à la pointe de la

modernité non seulement par son design mais également par sa localisation,

l’actuelle avenue des Far, alors tout juste percée par l’urbaniste michel ecochard.

Page 24: Casamemoire le mag N°3

24 - novembre 2014 - casamémoire le mag

dossier cinémas

Page 25: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 25

voir des westerns spaghettis. Quand on allait au Vox, on prenait des places au poulailler où nous avons vu A tout cas-ser avec Johnny Halliday et Abi Faouka Achajara, avec Abdelhalim Hafez. Le film comportait 53 baisers, nous les avions comptés ! C’était en 1973.Au milieu des années 1970, on a détruit le Vox ainsi que L’Apollo, une petite salle à laquelle j’étais très attaché.Au début des années 1980, c’était au tour du Triomphe. En fait, c’est années-là étaient marquées non seu-lement par l’abandon et le délabre-ment des salles de cinéma de Casa-blanca mais plus généralement par l’abandon et le délabrement de tout le centre-ville auquel on a fini par tour-ner le dos. C’est une histoire que nous connaissons tous. Une histoire triste ! Mais l’espoir est là. Au début des

années 1990, certaines de ces salles mythiques ont été rénovées. Je pense notamment au Lynx qui, tel un phoe-nix, a connu une véritable renaissance. Aujourd’hui, je ressens un profond plaisir à y retourner. Ce lieu reste pour moi une véritable leçon en matière d’architecture et de loisirs. Je suis conscient qu’aujourd’hui la mode est aux multiplexes de type Gaumont. Mais elle est aussi, et fort heureusement, à la rénovation des anciennes salles. Il faut sauvegarder ces sanctuaires du 7e art que sont les cinémas de Casa-blanca. Mais pas seulement. Les salles de cinéma qui existent un peu partout dans le Maroc sont un patrimoine d’une valeur universelle dont nous sommes aujourd’hui dépositaires.

prOpOs recueiLLis par JamaL bOushaba

Page de gauche : façade de l’aBC, boulevard mohammed-V.Ci-dessus : construit en 1951, par dominique Basciano, le Lynx il reste le plus beau cinéma de Casablanca. rénové, son décor d’origine, tout en courbes, a été exalté par la palette vive de sofia tazi.

Page 26: Casamemoire le mag N°3

dossier les aRènes

Page 27: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 27

Les Arènes ou lorsqu’on toréait ferme à Casablanca Rares sont les casablancais qui se souviennent des corridas, mais beaucoup évoquent les concerts ou spectacles internationaux auxquels, enfants, ils ont assisté dans ces mêmes arènes.

S équence après séquence, au fil des photographies, se déroule sous nos yeux une corrida de qualité, c’est-à-

dire élégante et sanglante. Les scènes sont saisissantes de vérité. On croit entendre la clameur monter des gradins noirs de monde. Où sommes-nous ? Dans une quel-conque cité andalouse ? En Amérique latine ? Non, bien que le public soit de type exclusivement européen, nous sommes à Casablanca. En atteste, si besoin est, cette enseigne publicitaire, bien lisible sur les clichés et reconnais-sable entre toutes : « Ameublement Sidoti », du nom du célèbre magasin

de la rue Gallieri, aujourd’hui avenue Driss Lahrizi.La série de photographies est anonyme et date vraisemblablement des années 1930, si l’on en juge par les costumes. Nous ne savons quand exactement, ni par qui furent construites les Arènes de Casablanca. De belles arènes de style néo-mauresque, répondant par-faitement aux normes du genre. Et puis, qui étaient tous ces aficionados ? Durant le Protectorat, une grande partie du prolétariat blanc, celui des quartiers Aïn-Chok et Maârif, était d’origine espagnole.En 1953, un Catalan organisateur de corridas, Vincente Marmaneu, de

passage à Casablanca, tombe amou-reux de ces arènes, alors à l’abandon, et décide de les faire revivre.Paco Camino, Domingo Ortega, Luis Bienvenida, Antonio Ordonez, Luis Miguel Dominguin et bien d’autres stars de la tauromachie se sont pro-duits à Casablanca ces années-là. En 1969, c’est le célébrissime Manuel Benitez dit « El Cordobès » qui offrit à la ville son ultime corrida.Mais, si rares sont les Casablancais à savoir qu’on a toréé ferme à Casa-blanca, beaucoup ont les yeux qui brillent lorsqu’ils évoquent un des concerts ou spectacles internationaux auxquels, enfants, ils ont assisté dans

Une des trois têtes de taureaux accrochées au mur de la salle. elles sont tombées dans les arènes de Casablanca.

Page 28: Casamemoire le mag N°3

28 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Ci-dessus : vue aérienne des arènes de Casablanca.

Circa années 1930.Page de droite : détail de

la chatoyante peinture murale exécutée par

Patrick Frank à la manière de Christian Bérard

dans une des salles du réstaurant La Corrida.

Les nostalgiques de ce Casablanca sixties élégant, insouciant et cosmopolite, pouvaient faire un tour à La Corrida, avant son tout récent réaménagement.

dossier les aRènes

Page 29: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 29

Page 30: Casamemoire le mag N°3

30 - novembre 2014 - casamémoire le mag

ces mêmes arènes. Au hasard et dans le désordre : Faïrouz, Hollyday on Ice, Sacha Distel, Les Temptations…

détruites à la fin des années 1970, pour spéculation iMMobiLière

Les nostalgiques de ce Casablanca six-ties élégant, insouciant et cosmopolite, pouvaient, jusqu’à il y a deux ans, faire un tour à La Corrida. Le restaurant espagnol, jadis jet-set, était tenu par Solange, la veuve de Don Marmaneu,

décédé dans l’attentat de Skhirat. À La Corrida – rue Al Aaraar, ex Gay-Lussac, Mers Sultan – on trouvait un décor délicieux bien que déliquescent. Patio ombragé et azulejos. Aux murs, les têtes de taureaux tombés à Casablanca. Le plafond était couvert d’affiches tauro-machiques. D’authentiques habits de lumière, naguère portés par d’illustres matadors, étaient posés sur des chaises sévillanes. Encadrées ou rangées dans les albums, quantité de photographies :

Jean Marais, Michel Simon, Fernandel et autres vedettes du music-hall ou de flamenco… Les Arènes de Casablanca furent détruites à la fin des années 1970, pour des histoires de spéculation immobilière, semble-t-il. Pas malin, quand on sait qu’en lieu et place, on ne trouve aujourd’hui qu’un modeste square – boulevard d’Anfa, vers le croi-sement Zerktouni.

JamaL bOushaba

Pablo Picasso à Casablanca. il était venu, l’espace d’un weekend, accompagner Pierrette Le Bourdiec, une femme

qui toréait à cheval. on le voit esquissant un geste de matador devant Pierrette qui rit aux éclats.

dossier les aRènes

Page 31: Casamemoire le mag N°3
Page 32: Casamemoire le mag N°3

32 - novembre 2014 - casamémoire le mag

LeS StorieS of change De HaSSan OuazzaniLes clichés formellement très travaillés de ce trentenaire à la sensibilité toute en retenue, nous content les blessures d’une cité au corps constamment malmené.

PortFoLio

Page 33: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 33

Page 34: Casamemoire le mag N°3

34 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 35: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 35

Page 36: Casamemoire le mag N°3

36 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 37: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 37

Page 38: Casamemoire le mag N°3
Page 39: Casamemoire le mag N°3
Page 40: Casamemoire le mag N°3

40 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 41: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 41

L auréat de l’Institut supérieur du cinéma et de l’audiovisuel de Rabat, Hassan Ouazzani commence par œuvrer dans les domaines du clip-vi-

déo et de la production TV avant de se diriger vers le photojournalisme, collaborant à divers supports nationaux et internationaux, parti-culièrement l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique. S’intéressant aussi bien aux sujets poli-tiques que sociétaux ou culturels, Ouazzani promène sa dégaine de trentenaire à l’allure étonnamment juvénile, appareil en bandou-lière, tant aux abords d’une manifestation de rue, qu’au pied d’un podium de défilé de mode, ou encore, dans les coulisses d’un concert d’électro-gnaoui.Quant au travail à caractère purement artis-tique de notre ami, il tourne actuellement autour du paysage urbain et de sa transforma-tion perpétuelle, comme c’est le cas à Casa-

blanca, dont ce natif de Meknès dit « La ville n’arrête pas de changer, particulièrement cer-tains quartiers comme celui autour de la Grande mosquée. Chaque jour des bâtiments sont détruits, d’autres sont construits, d’autres encore sont depuis longtemps en ruine, dans l’attente dont ne sait quoi… Paradoxalement, tout autour, la vie suit tranquillement son cours. » Le regard que porte Hassan Ouazzani sur ces blessures et ces accidents qui marquent le corps d’un certain Casablanca est à la fois empathique et distan-cié, esthétique et froid – poétiquement froid.Sa science de la composition et sa maîtrise de la superposition des différents plans, lui viennent certainement de sa formation ciné-matographique. Les Stories of Change de Ouaz-zani expriment une belle sensibilité, retenue par une élégante pudeur.

JamaL bOushaba et mehdi riah

Page 42: Casamemoire le mag N°3

42 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 43: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 43

Page 44: Casamemoire le mag N°3

44 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 45: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 45

Page 46: Casamemoire le mag N°3

46 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 47: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 47

Page 48: Casamemoire le mag N°3

48 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 49: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 49

Page 50: Casamemoire le mag N°3

50 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 51: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 51

Page 52: Casamemoire le mag N°3

52 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Page 53: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 53

Page 54: Casamemoire le mag N°3

54 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Le Sphinxressuscité donner une seconde vie à la célèbre maison close fédalienne, tel a été le pari réussi de hassan Benkirane, actuel propriétaire du mythique sphinx.

P endant plus de trente ans, le Sphinx a été le repère incon-tournable de nombreuses personnalités du show-biz

et de la politique française qui cher-chaient de la chaleur humaine auprès de jeunes européennes ou qui étaient de passage à Casablanca. D’autres célébrités y sont passées pour le simple plaisir de prendre un verre dans ce lieu élégant et mystérieux : Edith Piaf et son Marcel Cerdan, Simone de Beauvoir ou encore Maria Callas. Jacques Brel, seul client autorisé à résider au Sphinx, a d’ailleurs éternisé son passage avec la chanson Jeff dans laquelle il évoque une certaine Madame Andrée, alors gérante de la maison. Réalisé dans les années

1950 par Albert Planque, le Sphinx a été conçu dans le seul but d’y installer une maison close de luxe. Plusieurs dizaines de filles se partageaient les quelques quarante-cinq chambres dont deux suites remarquables. Le lieu a vérita-blement été pensé comme un espace clos, avec de rares ouvertures sur l’exté-rieur, de larges et épais brise-soleil sur la façade principale et des portes d’en-trée différentes des portes de sortie. Deux escaliers permettaient d’accéder aux chambres, l’un pour monter, l’autre pour descendre.Fermé en 1977, le Sphinx restera à l’abandon, vidé des vestiges de son âge d’or, jusqu’à ce qu’il soit racheté par Hassan Benkirane. Cet amoureux

restaUration RéhaBiliTaTion

Page 55: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 55

Vue du jardin nouvellement réaménagé, doté d’une piscine

aux lignes courbes qui s’intègre parfaitement à l’ensemble.

Page 56: Casamemoire le mag N°3

56 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Après cinq longues années de travaux passionnés et passionnants, et avec l’aide précieuse de Zhor Jaïdi, architecte d’intérieur, le Sphinx a retrouvé son éclat d’antan.

salle du bas, élégamment rénovée et décorée par Zhor Jaïdi, architecte d’intérieur. tous les meubles

ont été chinés aux quatre coins du pays pour recréer l’ambiance si particulière du sphinx.

restaUration RéhaBiliTaTion

Page 57: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 57

des « vieilles pierres », comme il aime se définir, a eu pour idée folle de faire renaître de ses cendres cet établisse-ment jadis mondialement connu. Pari tenu ! Après cinq longues années de travaux passionnés et passionnants, et avec l’aide précieuse de Zhor Jaïdi, architecte d’intérieur, le Sphinx a retrouvé son éclat d’antan. Le challenge était double : repenser l’organisation des espaces sans égarer l’âme du lieu. Les incontournables de l’architecte de

Fédala – aujourd’hui Mohammedia – ont été conservés en l’état comme le sol en granito, le toit terrasse et les pavés de verre dans l’ancienne salle de bal. La résidence comprend désor-mais une vingtaine de chambres, avec salle de bains ainsi qu’un restaurant, un bar-lounge, une large terrasse et un jardin entièrement réaménagé avec une piscine. Le mobilier et les objets de décoration que l’on découvre au fil de notre visite ont tous été chinés un peu

partout dans le pays, afin de replonger le visiteur dans les années 1950.Le but de cette reconversion était de redonner vie à un emblème de l’archi-tecture de Mohammedia et d’y créer un espace chaleureux accordant l’histoire du Sphinx avec le XXIe siècle. Le ren-dez-vous est pris, la nouvelle histoire du Sphinx commence le 15 novembre 2014 !

saLOmé deLiLLe

Vue du toit où tous les détails ont été savamment soignés. on y reconnaît le style élégant de

Planque, l’architecte vedette de mohammedia.

Page 58: Casamemoire le mag N°3

58 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Le Molitor nouveau est arrivéAprès avoir été un haut lieu sportif et mondain, puis un squat créatif underground, cette piscine, à l’architecture typique des années 1930, renaît sous la forme d’un complexe hôtelier haut de gamme.

Patrimoine d’aiLLeUrs PaRis

Page 59: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 59

Les cabines transformées en chambres donnant sur le bassin à ciel ouvert.

Page 60: Casamemoire le mag N°3

60 - novembre 2014 - casamémoire le mag

i naugurée, en 1929, par les nageurs médaillés olympiques Aileen Riggin Soule et Johnny Weismuller, la piscine Molitor a

longtemps été la plus courue de Paris. Idéalement situé dans le 16e arron-dissement, à mi-chemin entre le Parc des Princes et le Stade Rolland-Gar-ros, cet établissement aussi sportif que mondain, conçu par l’architecte Lucien Mollet, dans le plus pur style Paquebot, offrait deux bassins : l’un couvert, de 33 mètres, le second, à ciel ouvert, de 500 mètres. Tout autour, des cabines peintes dans un bleu pro-fond sur lequel se détachait le blanc éclatant des garde-corps filants. On dit qu’au Molitor, le bikini était de mise bien avant qu’il ne se démocra-tise ailleurs.

Patrimoine d’aiLLeUrs PaRis

Les deux nageurs médaillés olympiques aileen riggin soule et Johnny Weismuller, portant des maillots de bain du molitor

lors de l’inauguration de la piscine en 1929.

Page 61: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 61

Page 62: Casamemoire le mag N°3

62 - novembre 2014 - casamémoire le mag

Patrimoine d’aiLLeUrs PaRis

Page 63: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 63

Après sa fermeture en 1989, ce vaste espace de près de 13 000 m2 est squatté par des artistes graffeurs, devenant, au fil du temps, un temple de l’under-ground parisienne.Classé, in extrémis, monument histo-rique, Le Molitor, propriété de la ville de Paris, est loué, en 2008, pour un bail de 54 ans, au fonds d’investissement Colony Capital qui décide de conver-tir les lieux en complexe touristique, avec pour partenaires, les groupes Bouygues et Accor.

Les Médias saLuent la quaLité de la réhabiLitation

Le Molitor nouveau ouvre ses portes le 19 mai 2014, après deux ans de réno-vation. Il comprend un hôtel 5 étoiles de 104 chambres et 20 suites donnant toutes sur des piscines – une première pour un hôtel urbain – ainsi qu’un

Après sa fermeture en 1989, ce vaste espace

de près de 13 000 m2 est squatté par des artistes graffeurs, devenant, au fil du temps, un temple

de l’underground parisienne.

Voiture tagguée exposée comme une oeuvre d’art. Clin d’oeil à la période underground du lieu.

Page 64: Casamemoire le mag N°3

64 - novembre 2014 - casamémoire le mag

espace détente de 1 700 m2 accessible aux seuls adhérents, sans oublier le toit terrasse aménagé qui domine la ville. Les médias français et internationaux sont unanimes et saluent la qualité de la transformation réhabilitation du site. « Le véritable enjeu était de réussir à faire revivre ce lieu protéiforme, créatif et rigolo », explique Vincent Mézard, chef de projet chez Colony Capital. Les bassins comme les cabines – transfor-mées en chambres – les garde-corps, les mosaïques, ainsi que les vitraux,

et jusqu’aux couleurs d’origine – res-tituées grâce à un nuancier d’époque –, tout est restauré à l’identique. Les élé-ments de décoration trop abîmés pour être sauvegardés ont été reconstitués et posés selon les techniques origi-nelles. Seule entorse à l’ambiance authentiquement années 1930, les quelques belles fresques street-art que les promoteurs ont décidé de conser-ver, en souvenir de la période « squat créatif » du lieu.

éLOdie durieux

Vue depuis un hublot, du bassin à ciel ouvert de

(500 mètres) depuis une des chambres.

Patrimoine d’aiLLeUrs PaRis

Page 65: Casamemoire le mag N°3

casamémoire le mag - novembre 2014 - 65

intérieur d’une des chambres de l’hôtel meublée avec goût. mobilier

design et luminaires des années 1950 créent une ambiance raffinée.

Tout est restauré à l’identique, jusqu’aux couleurs d’origine, restituées grâce à un nuancier d’époque.

Page 66: Casamemoire le mag N°3
Page 67: Casamemoire le mag N°3
Page 68: Casamemoire le mag N°3