12
TEXTILES D’AFRIQUE ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ musée industriel de la Corderie Vallois

CatalogueTextilesAfricains

Embed Size (px)

DESCRIPTION

D’AFRIQUE ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ musée industriel de la Corderie Vallois 2 Les étoffes imprimées de manière artisanale semblent les productions africaines les moins connues. Bien qu’elles soient peu répandues, elles sont particulièrement intéressantes pour leur réappropriation de matériaux industriels. 3

Citation preview

TEXTILES D’AFRIQUEENTRE TRADITION ET MODERNITÉ

musée industriel de la Corderie Vallois

2

3

Les étoffes imprimées de manière

artisanale semblent les productions

africaines les moins connues.

Bien qu’elles soient peu répandues,

elles sont particulièrement

intéressantes pour leur

réappropriation de matériaux

industriels.

L’IMPRESSION

4

L’ADINKRA

Le seul procédé d’impression d’origine ouest africaine paraît

être celui de l’adinkra. Son histoire révèle son origine abron et

sa diffusion chez le peuple ashanti. Son mode de fabrication, la

symbolique de ses motifs et la variété de ses supports refl ètent

un ancrage culturel très marqué mais aussi en pleine mutation.

L’HISTOIRE

Cette technique originaire de Côte-d’Ivoire a été élaborée au début

du XIXe siècle par le chef abron des Gyaman, appelé Nana Kwad-

wo Adinkra. Sa puissance et son orgueil l’amenèrent à défi er le roi

ashanti Osséi Bonsu en copiant son trône, c’est-à-dire le tabouret

royal. Il rétorqua en lui déclarant la guerre. Nana Kwadwo Adinkra

partit au combat en arborant son étoffe éponyme, et fut tué. Son

fi ls fut capturé, et pendant son service à la cour du roi ashanti, il

transmit la méthode de décoration textile de son père.

Aujourd’hui, l’adinkra est porté par les populations ivoiriennes

du groupe akan qui l’appellent « adingra », mais c’est surtout

parmi les Ashanti du Ghana que son rôle et sa production se sont

étendus.

En lien avec le contexte funeste de sa transmission, ou de par

sa signifi cation étymologique (adinkra signifi ant « dire adieu »),

l’adinkra s’est imposé comme un tissu de deuil, revêtu lors de

funérailles.

LES ÉTAPES DU TRAVAIL

La décoration des adinkra est un travail masculin, parce qu’il

est effectué dans une posture accroupie jugée indécente pour

les femmes.

Le tissu à imprimer est étalé sur une longue estrade recouverte

d’un molleton.

L’adinkra se caractérise par ses motifs noirs, réalisés à partir

des écorces d’un palétuvier appelé localement badie. Une fois

chauffées, celles-ci se transforment en une matière épaisse,

visqueuse et brillante comme le goudron, dénommée aduru.

●1La préparation de l’aduru, la

matière noire à base d’écorce

qui sert au tracé des motifs

d’adinkra.

●2L’artisan commence par tracer

avec un peigne des lignes

horizontales sur du basin de

couleur étalé sur une estrade

molletonnée.

●3Des lignes verticales viennent

croiser perpendiculairement les

lignes horizontales, pour former

des cases.

●4Dans chaque case, Oteng Boafo

imprime un motif à l’aide d’un

tampon. Il combine trois dessins

différents : fofoo, symbole de

jalousie ; dwannimen, symbole de

force cachée, et asaase tokuro, le

fi n fond de la terre.

●5Une fois qu’une partie de l’étoffe

a été imprimée, l’artisan déplace

le tissu pour continuer son

ouvrage sur la partie vierge.

●1

●2 ●3 ●4

●5

Les étapes de réalisation de

l’adinkra dans l’atelier d’Oteng

Boafo à Ntonso. Ghana.

6

L’emplacement des motifs imprimés est ordonné par le tracé

préalable de plusieurs grandes rayures. Il s’agit de lignes pa-

rallèles exécutées à l’aide d’un peigne aux dents espacées d’un

centimètre. Certains adinkra sont organisés par de simples

rayures longitudinales, et d’autres par des cases. Les tracés

quadrillés sont parfois effectués en binômes. Le premier artisan

réalise les lignes parallèles sur une partie du tissu équivalente

à la longueur de balayage de son bras, et pendant qu’il les pro-

longe sur la droite, un autre artisan commence à faire les lignes

verticales sur cette partie rayée.

L’impression se fait à l’aide de petits tampons découpés dans

de la calebasse. Cette cucurbitacée de forme sphérique ne don-

ne pas des tampons à base plate, et l’artisan les enfonce dans

le support molletonné en les faisant légèrement pivoter pour

transférer la totalité du dessin.

LA SYMBOLIQUE DES MOTIFS

Les représentations des motifs d’adinkra s’inspirent d’événe-

ments, d’animaux, d’objets et de plantes. Leur signifi cation les

élève au rang de symboles.

Le Professeur Ablade Glover a recensé soixante motifs récur-

rents dans les années 1970. Ce répertoire constitue une base

très intéressante pour étudier la production actuelle, qui se ca-

ractérise par trois aspects : la continuité, c’est-à-dire la repro-

duction de ces idéogrammes ; leur déclinaison dans des varia-

tions et des déformations légères ; la créativité, qui se traduit

par l’invention de nouveaux tampons.

Ce phénomène est révélateur de la place de l’artisan à qui l’on

transmet un savoir depuis des générations, et qui n’est pas seu-

lement un relais mais aussi un acteur, un créateur qui partici-

pe, à travers son savoir-faire, à proposer sa vision du monde, sa

part de sagesse. La fi erté de l’artisan s’accroît lorsque ses mo-

tifs sont copiés par d’autres, et deviennent incorporés à part en-

tière dans le glossaire collectif des symboles d’adinkra.

Un adinkra peut combiner un ou plusieurs motifs. Il ne semble

●1Adinkrahene : le chef des adinkra.

●2Donno ntoaso : le double tambour.

●3Gye Nyame : symbole

de l’omnipotence de Dieu.

●4Ntesie-mate masie : symbole

de sagesse et de connaissance.

●5Sumsum : l’âme.

●6Afena : symbole de bravoure.

●7Akoma ntoaso : symbole

d’accord mutuel.

●8Kodee mmowerewa : les serres de l’aigle.

●9Nsaa : symbole de qualité

et de valeur.

●10

Osrane ne nsoromma : symbole de fi délité.

●11

Sankofa : on peut toujours revenir

sur ses actions et

réparer ses erreurs.

●12

Sepow : symbole d’anticipation

et de protection.

●13

Osrane : symbole de patience.

●14

Pa gya : symbolise la guerre.

Tampons d’adinkra découpés

dans des morceaux de calebasse.

●1 ●2 ●3 ●4

●5 ●6 ●7

●8 ●9 ●10

●11 ●13 ●14●12

8

pas y avoir de règle stricte dans le choix de leur association. En

revanche, deux tampons présentent un usage particulier.

Le motif de cercles concentriques « adinkrahene » est considéré

comme « le roi de l’adinkra ». C’est le seul tampon dont l’im-

pression sur le tissu vierge précède et guide le tracé des lignes

reliant les motifs.

« Donno ntoaso », le double tamtam, est toujours aligné entre

deux bandes rayées, dans les adinkra à grandes cases. Ce motif

de frise présente une fonction organisatrice.

Il y a en fait trois catégories de tampons : l’adinkrahene qui est le

seul à organiser totalement la disposition de l’adinkra, les tam-

pons de frise qui rythment les adinkra à grandes cases, et enfi n

les motifs allégoriques qui forment le message de l’adinkra. Ces

symboles expriment la sagesse du peuple ashanti.

UNE VARIÉTÉ DE SUPPORTS

Si les motifs de l’adinkra lui confèrent une richesse symbolique,

la diversité de ses supports exprime son grand dynamisme. Il

existe aujourd’hui quatre catégories d’étoffes imprimées.

Les toiles tissées de manière artisanale présentent des motifs

bicolores en damier à dominante noire, réalisés en fi l de coton

industriel.

Les étoffes industrielles rassemblent trois types de tissu.

– Les toiles simples sont les plus anciennement utilisées. Les

Ashanti ont rapidement délaissé les cotonnades écrues en

fi l artisanal pour travailler sur des draps d’importation. La

production contemporaine poursuit l’usage de ces écrus, qui

sont souvent teints avant l’impression.

– Le basin voit sa popularité se transmettre parmi le grou-

pe akan. Ses effets damassés procurent une touche un peu

luxueuse et moderne, et accentuent le côté brillant de l’im-

pression de l’aduru.

– Les étoffes industrielles imprimées avec des motifs funérai-

res, qui sont sur-imprimées par les artisans, illustrent le ren-

forcement, par l’acte de l’artisan et le symbolisme des motifs,

●1Adinkra sur simple toile. Le motif circulaire de

l’adinkrahene sert à ordonner

le tracé des lignes.

●2Adinkra sur simple toile.

●3Adinkra sur basin rouge. Le rouge constitue une couleur

de deuil chez les populations

ashanti.

●4Adinkra imprimé de manière artisanale sur une étoffe

industrielle de deuil de l’usine

GTMC.

●5Adinkra sur toile simple teinte, décorée de broderies de soie de

type nwummu inkué.

●6Adinkra sur basin avec décorations tissées. L’impression noire sur tissu noir

joue sur les contrastes du mat et

du brillant.

●7Adinkra sur toile blanche avec décorations tissées.

●8

Détail de broderie de soie de type nwummu inkué.

Adinkra imprimé sur un tissage

à carreaux.

●1 ●2 ●3

●4 ●5

●6 ●8●7

10

du message d’accompagnement du défunt.

Les étoffes rythmées de décorations à base de fi l sont structurées

en six larges bandes de tissu reliées par un effet brodé ou tissé.

– Les décorations brodées dites « nwummu inkué » sont exé-

cutées en rayonne. On les retrouve dans d’autres étoffes de

deuil non imprimées, et leur combinaison avec l’impression

de symboles d’adinkra présente un effet redondant.

– Les décorations tissées rayées apparaissent comme une imi-

tation du travail de broderie, et offrent une qualité moindre.

Le tissage, assez lâche et toujours identique, contraste avec

la qualité et la variété des nwummu inkué.

LES COULEURS DES SUPPORTS

Les couleurs des supports d’adinkra témoignent de l’extension de

son usage. Certes, les teintes dominantes sont toujours les tons rou-

ges, marron et noirs attachés à la perte douloureuse d’un proche.

Cependant, les fonds blancs s’adressent à un contexte élargi,

pour remercier Dieu. De façon traditionnelle, les Ashanti por-

taient du blanc lors de funérailles d’une personne âgée, à qui

Dieu avait accordé une longue vie. Aujourd’hui, le port du blanc

est également étendu à l’assistance d’un mariage ou d’autres

événements heureux.

Le développement d’adinkra dans d’autres couleurs (bleu tur-

quoise, rose fuchsia…) refl ète son utilisation dans une sphère

grandissante d’événements sociaux.

L’adinkra s’est développé sur des cotonnades artisanales et ce

support a été abandonné avec l’usage de matériaux industriels

qui ont permis d’explorer de manière complexe le vêtement de

deuil, mais aussi de l’étendre à un contexte commémoratif plus

large. À travers toutes ces adaptations, l’aduru, le pigment qui

sert à imprimer les symboles demeure un produit d’origine vé-

gétale et locale.

L’autre forme d’impression, la sérigraphie, n’a jamais utilisé que

du basin et de la peinture industrielle.

●1Le motif Gye Nyame : symbole d’omnipotence de Dieu.

●2Le motif kodee mmowerewa : les

serres de l’aigle.

●3Le motif donno ntoaso : le double tamtam.

Les motifs sont imprimés

dans de grandes cases

délimitées par des lignes

et des frises du motif

donno ntoaso.

TEXTILES D’AFRIQUEENTRE TRADITION ET MODERNITÉ

musée industriel de la Corderie Vallois

De Anne Grosfi ley

Les étoffes imprimées de

manière artisanale semblent

les productions africaines les

moins connues.

Bien qu’elles soient peu

répandues, elles sont

particulièrement intéressantes

pour leur réappropriation de

matériaux industriels.

méd

iane

s co

nsei

l & L

'ATE

LIER

de

com

mun

icat

ion