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Éric-Emmanuel Schmitt Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran Classiques Contemporains & LIVRET DU PROFESSEUR établi par JOSIANE GRINFAS-BOUCHIBTI professeur de Lettres

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  • ric-Emmanuel SchmittMonsieur Ibrahim

    et les Fleurs du Coran

    Classiques Contemporains&

    LIVRET DU PROFESSEURtabli par

    JOSIANE GRINFAS-BOUCHIBTIprofesseur de Lettres

  • SOMMAIREDOCUMENTATION COMPLMENTAIRE

    La confrrie des derviches tourneurs ............................................. 3

    POUR COMPRENDRE :quelques rponses, quelques commentaires

    tape 1 Le rcit rtrospectif dune adolescence .................. 5tape 2 Une rencontre............................................................................ 6tape 3 la recherche dune identit .......................................... 7tape 4 Un rcit dapprentissage

    par la conversation ............................................................ 11tape 5 En qute de spiritualit .................................................. 14tape 6 Un ralisme potique ....................................................... 16tape 7 Un conte....................................................................................... 17tape 8 Du rcit au film ..................................................................... 18

    Conception : PAO Magnard, Barbara TamadonpourRalisation : Nord Compo, Villeneuve-dAscq

  • DOCUMENTATION COMPLMENTAIRE

    La confrrie des derviches tourneursLe mot derviche vient du persan ; son synonyme en arabe est faqir. Il

    dsigne lhomme qui devient pauvre en esprit , qui se dpouille de lui-mme dans la voie vers Dieu.

    La confrrie des derviches a pour berceau lAnatolie, et plus prcismentla ville de Konya o se trouvent le mausole de Djelleddn Mevln Rmiet la maison mre des derviches, construite au XIIIe sicle et agrandie lpoque ottomane.

    Cest aprs la mort de Mevln que le groupe de ses disciples prend laforme dun ordre avec des rgles et des rites bien dfinis, centrs sur la danseet le concert spirituels appels sem.

    Les principales rgles des tekke (couvents de derviches) sont les sui-vantes : les frres sont astreints des prires en commun et en priv, lalecture du Coran, laccueil des plerins et des pauvres. Ils renoncent auxbiens matriels mais ne doivent pas mendier. Le mevlev (disciple deMevln) porte un haut bonnet de feutre brun, le sikke (image de la pierretombale), une chemise longue et sans manches, une veste, une ceinture etun ample manteau noir qui reprsente la tombe.

    Le sem ou concert spirituel est un moment fort de la vie du groupe.Dans la tradition soufie, cette audition permet au derviche daccder untat de grce proche de lextase, de plonger en lui-mme et de nourrir sonme. Dans son ouvrage intitul Mystique et posie en Islam, Djalal-ud-DinRm et lordre des derviches tourneurs (Descle de Brouwer, 1972), Eva deVitray-Meyerovitch dcrit ainsi la danse des derviches au son du ney(la flte rituelle) : Les danseurs laissent tomber en un geste triomphal leurmanteau noir dont ils jaillissent habills de blanc, comme librs de leurenveloppe charnelle pour une deuxime naissance. Le cheykh se lve ; lechef des derviches, suivi des danseurs, savance vers lui, sincline et lui baisela main droite ; tous font de mme, ils sollicitent ainsi la permission de

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  • danser. Le cheykh donne son acquiescement en baisant leur coiffe. Les der-viches, les bras croiss, les mains sur leurs paules, se mettent tourner len-tement, puis ils tendent les bras comme des ailes, la main droite tournevers le ciel pour y recueillir la grce, la main gauche vers la terre pour yrpandre cette grce qui a travers leur cur et quils redonnent au mondeaprs lavoir rchauffe de leur amour. En dansant autour deux-mmes, ilstournent autour de la salle : ce tour reprsente lunion dans la pluralit, etaussi les cercles de lexistence, de la pierre lhomme. Il figure aussi la loide lunivers, les plantes tournant autour du soleil et autour delles-mmes.[] un certain moment, le cheykh se met danser avec les derviches, lerythme sacclre. [] La crmonie se termine par un dernier salut, unepsalmodie du Coran et par linvocation soufie Dieu.

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  • POUR COMPRENDRE : quelques rponses,quelques commentaires

    tape 1 [Le rcit rtrospectif dune adolescence, p. 68]

    13 Le prophte Mose apparat dans le Pentateuque nom donn par latradition grecque aux cinq premiers livres de la Bible et qui, dans lejudasme, constituent au sens strict la Torah : Gense, Exode, Lvitique,Nombres et Deutronome. Il est le chef et le guide des Hbreux hors dgypte ; il appartient la tribu de Lvi, a grandi dans la maison du pha-raon ; il est lhomme qui conduit les Hbreux la libert au nom dun dieuunique et tout-puissant quils ignoraient jusque-l.

    La Bible raconte que lternel lui parle sur le mont Sina et lui donnedeux tables du Tmoignage, deux tables de pierre crites du doigt de Dieu.Ce sont les tables de la Loi, que les Hbreux finissent par accepter aprs unelongue priode de doutes et derrances dans le dsert.

    Les lves peuvent dcouvrir le personnage dans lExode, Le Roman de lamomie de Thophile Gautier, les Contes et Rcits bibliques dits chezNathan, et dans la Bible.

    On peut montrer aux lves Les Dix Commandements, film culte de CecilB. De Mille. Au sujet de Mose, il faut lire aussi le livre de Sigmund Freud,LHomme Mose et la religion monothiste (Gallimard, Folio essais , 1939).

    Muhammad est le prophte de lislam. Il est n le 17 juin 569 La Mecque, dans une famille de caravaniers commerants. partir de35 ans, il se met faire des retraites annuelles, passant tout un mois mdi-ter dans une grotte, linstar de son grand-pre. Dans la nuit du22 dcembre 609, lintrieur de la grotte, larchange Gabriel lui annonceque Dieu fait de lui son messager auprs du monde entier, il lui transmet lepremier fragment du Coran et lui montre comment se purifier rituellementet comment clbrer loffice de prire. Pour chapper un complot et unemenace dassassinat, Muhammad sinstalle Mdine le 31 mai 623. Aprs

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  • dix annes plus heureuses, il y rend son dernier soupir le 25 mai, soit le4 juin de lan 632 de lre chrtienne. Selon le Coran, Muhammad est le der-nier des messagers de Dieu, lultime prophte. sa mort, il laisse une reli-gion comptant dj un demi-million dadeptes, un tat thocratique o lesnon-musulmans (arabes non islamiss, juifs et quelques chrtiens) sont par-faitement tolrs et jouissent dune autonomie la fois religieuse et juri-dique, un code crit de lois divines (le Coran) contenant des prescriptions,nationales et internationales, pour tous les aspects de la vie.

    14 Les C.E.S. (collges denseignement secondaire) sont crs en 1963 ;dans le mme temps, lexamen dentre en 6e est supprim.

    Lanne de la gnralisation de la mixit est 1966.Momo est dans un tablissement non mixte. La seule fille de ltablisse-

    ment est la fille du concierge, Myriam (cf. p. 36, l. 584-588).

    15 Ce roman a pour titre LEnfant. Il est publi en 1879 et son hros senomme Jacques Vingtras. Il mle troitement la fiction aux souvenirs auto-biographiques et se veut un rquisitoire contre lenfance maltraite. Il est lepremier volet dune trilogie, dont les deux autres titres sont Le Bachelier(1881) et LInsurg (1886), publi un an aprs la mort de Jules Valls, le14 fvrier 1885.

    16 Cet auteur est Nathalie Sarraute (1900-1999). Dans ce rcit publien 1983, elle retrace sa vie depuis les premires annes de lenfance jusqulentre au lyce. Le texte prend la forme dun dialogue entre la narratriceet son double, et sinterroge sur la relation entre lcriture et la reconstruc-tion du pass.

    tape 2 [Une rencontre, p. 70]

    13 Il sagit des Limbes du Pacifique et de Vendredi ou la vie sauvage.

    14 Le mot cleptomane est construit sur deux radicaux grecs : klepto,qui signifie je vole , et mania, qui signifie folie .

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  • Dans son ouvrage intitul La Folie, histoire et dictionnaire (RobertLaffont, Bouquins ), le professeur Jean Thuillier dfinit ainsi la clepto-manie : Impulsion obsdante voler qui conduit le sujet accumuler desobjets sans quaucune ide de commerce ne prside ce geste. Pour que lacleptomanie soit constitue, il faut que le vol nait pas de caractre nette-ment utilitaire et quil chappe la volont de son auteur, voire sexcute son insu, dans un tat second.

    On considre que lacte de voler a pour fonction de combler, de rparerun manque dont le sujet a souffert dans son enfance (manque de soins,manque damour maternel).

    tape 3 [ la recherche dune identit, p. 72]

    14 Le texte de la Convention relative aux droits de lenfant a t adoptpar lAssemble des Nations unies le 20 novembre 1989. Il contient42 articles, dont voici des extraits tels quils ont t publis par lELCEM(lus locaux contre lenfance maltraite).

    Article 1 : dfinition de lenfantLa Convention concerne tous les enfants de moins de 18 ans sauf si leur

    pays leur accorde la majorit plus tt.Article 2 : le droit la non-discriminationTous les droits noncs par la Convention doivent ttre accords, quelle

    que soit ton origine ou celle de tes parents, de mme qu tous les autresenfants, filles et garons. Les tats ne doivent pas violer tes droits et doi-vent les faire respecter pour tous les enfants.

    Article 3 : le droit au bien-tre1. Toutes les dcisions qui te concernent doivent prendre en compte ton

    intrt.2. Ltat doit te protger et assurer ton bien-tre si tes parents ne peu-

    vent le faire.3. Ltat est responsable des institutions charges de taider et de te pro-

    tger.[]Article 8 : le droit la protection de ton identit

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  • Ltat doit taider prserver ou rtablir ton identit, ta nationalit,ton nom et tes relations familiales.

    Article 9 : le droit de vivre avec tes parents1. Tu as le droit de vivre avec tes parents sauf si cela est contre ton int-

    rt (par exemple si tes parents te maltraitent ou te ngligent).2. Tu as le droit de donner ton avis et de participer toute dcision

    concernant une ventuelle sparation de tes parents. Ceux-ci ont galementle droit de donner leur avis et de participer une telle dcision.

    3. Si tu es spar de tes parents ou de lun deux, tu as le droit de le (oules) voir rgulirement, sauf si cela est contraire ton intrt.

    4. Tu as le droit de savoir o se trouvent tes parents, sauf si cela estcontraire ton intrt.

    15 Dans la Gense, Abraham est le premier des trois patriarches : la pro-messe divine lui a assur une prosprit abondante, un grand peuple . Delui sont issus Isaac, son fils Jacob et les douze fils de celui-ci, devenus plustard les chefs ponymes des douze tribus dIsral.

    Lpoque prsume dAbraham se situe entre 1800 et 1700 avant Jsus-Christ. Le rcit biblique dcrit les prgrinations des patriarches travers leCroissant fertile. Partis dOur, prs de lembouchure de lEuphrate,Abraham et son clan se dplacent vers le nord-ouest. Le but ultime duvoyage est le pays de Canaan. Mais une fois arrivs, ils continuent par-courir la rgion Hbron, Bersabe, lgypte. Isaac, fils dAbraham, se fixe Bersabe.

    Le sacrifice dAbraham est racont dans la Gense (22). En voici le texte : Il arriva, aprs ces faits, que Dieu prouva Abraham. Il lui dit :

    Abraham ! Il rpondit : Me voici. Il reprit : Or a, prends ton fils, tonfils unique, celui que tu aimes, Isaac ; achemine-toi vers la terre de Moria,et l offre-le en holocauste sur une montagne que je te dsignerai. Abrahamse leva de bonne heure, sangla son ne, emmena ses deux serviteurs et Isaac,son fils ; et, ayant fendu le bois du sacrifice, il se mit en chemin pour le lieuque lui avait indiqu le Seigneur. Le troisime jour, Abraham, levant les yeux,aperut lendroit dans le lointain. [] Abraham prit le bois du sacrifice, lechargea sur Isaac son fils, prit en main le feu et le couteau, et ils allrent tous

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  • deux ensemble. Isaac, sadressant Abraham son pre, dit : Mon pre ! Ilrpondit : Me voici, mon fils. Il reprit : Voici le feu et le bois, mais o estlagneau de lholocauste ? Abraham rpondit : Dieu choisira lui-mmelagneau de lholocauste, mon fils ! Et ils allrent tous deux ensemble. Ils arri-vrent lendroit que Dieu lui avait indiqu. Abraham y construisit un autel,disposa le bois, lia son fils Isaac et le laa sur lautel, par-dessus le bois.Abraham tendit la main, et saisit le couteau pour immoler son fils. Mais unenvoy du Seigneur lappela du haut du ciel, en disant : Abraham !Abraham ! Il rpondit : Me voici. Il reprit : Ne porte pas la main sur cejeune homme, ne lui fais aucun mal ! car dsormais jai constat que tuhonores Dieu, toi qui ne mas pas refus ton fils, ton fils unique ! Abraham,levant les yeux, remarqua quun blier stait embarrass les cornes dans unbuisson. Abraham alla prendre ce blier et loffrit en holocauste la place deson fils. [] Lenvoy de lternel appela Abraham une seconde fois du hautdu ciel et dit : Je jure par moi-mme, a dit lternel, que, parce que tu as agiainsi, parce que tu nas pas pargn ton fils, ton fils unique, je te combleraide mes faveurs ; je multiplierai ta race comme les toiles du ciel et comme lesable du rivage de la mer, et ta postrit conquerra les portes des ennemis.

    Dans le Coran, Abraham est prsent par le Coran comme le premier soumis (en arabe littraire muslim, cest--dire musulman ). Lislam estdonc, tymologiquement, la religion dAbraham et celui-ci un prophtearabe comme Muhammad, le dernier de la srie, celui que le Coran appelle le sceau des prophtes (cf. sourate II, verset 118 : Lorsque Dieu tentaAbraham par des paroles, et que celui-ci eut accompli ses ordres, Dieu luidit : Je ttablirai lImam des peuples ).

    Voici le texte qui voque le sacrifice dans la sourate XXXVII, versets 97 109 :

    Je me retire, dit Abraham, auprs de mon Dieu, il me montrera le sen-tier droit. Seigneur ! donne-moi un fils qui compte parmi les justes.

    Nous lui annonmes la naissance dun fils dun caractre doux.Lorsquil fut parvenu lge de ladolescence, son pre lui dit : Monenfant, jai rv comme si je toffrais en sacrifice Dieu. Rflchis un peu,quen penses-tu ?

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  • mon pre ! fais ce que lon te commande ; sil plat Dieu, tu meverras supporter mon sort avec fermet.

    Et quand ils se furent rsigns tous deux la volont de Dieu, etquAbraham leut couch, le front contre terre, nous lui crimes : Abraham ! Tu as cru ta vision et voici comment nous rcompensons lesvertueux. Certes, ctait une preuve dcisive.

    Nous rachetmes Isaac par une hostie gnreuse.Nous avons laiss un souvenir glorieux dAbraham jusquaux sicles

    reculs.Que la paix soit avec Abraham.

    La circoncision est un acte fondamental dans les traditions juive etmusulmane. Elle est un commandement de Dieu. Dans la Bible (Gense,17), on peut lire : Dieu dit Abraham : Pour toi, sois fidle monalliance, toi et ta postrit aprs toi, dans tous les ges. Voici le pacte quevous observerez, qui est entre moi et vous, jusqu ta dernire postrit : cir-concire tout mle dentre vous. Vous retrancherez la chair de votre excrois-sance, et ce sera un symbole dalliance entre vous et moi. lge de huitjours, que tout mle dans vos gnrations soit circoncis par vous ; mmelenfant n dans ta maison, ou achet prix dargent parmi les fils deltranger, qui ne soit pas de ta race. Oui, il sera circoncis lenfant de ta mai-son ou celui que tu auras achet ; et mon alliance, perptuit, sera gravedans votre chair. Et le mle incirconcis, qui naura pas retranch la chair deson excroissance, sera supprim lui-mme du sein de son peuple, pour avoirenfreint mon alliance.

    Chez les musulmans, la circoncision, pratique entre 3 et 7 ans, donnelieu une fte marque par un banquet auquel sont convis tous lesmembres de la famille.

    16 Les communauts juive et arabe cohabitent depuis longtemps danslEst parisien, plus particulirement autour de Belleville et deMnilmontant. Ces quartiers correspondent aux XIXe et XXe arrondisse-ments.

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  • tape 4 [Un rcit dapprentissage par la conversation, p. 74]

    7 Le dialogue didactique (du grec didaskein, apprendre ) met en scnedeux partenaires dont lun dsire acqurir le savoir de lautre. Il prend alorsla forme dune suite de questions-rponses.

    Le dialogue polmique met en scne des personnages dont les affirma-tions rejettent celles de leur interlocuteur au nom dune vrit. Il est mar-qu par un lexique dvalorisant.

    Le dialogue dialectique est le plus complexe : il met en scne des inter-locuteurs qui sont sur un pied dgalit et qui tentent datteindre un certainniveau de savoir.

    Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran prsente les trois types de dia-logue.

    16 Un mentor est un guide, un conseiller sage et avis. Le mot est, lorigine, un nom propre, celui dun personnage de lOdysse dHomre.Dans son livre intitul La Grce archaque dHomre Eschyle (Seuil, Points , 1984), Claude Moss le range parmi les personnages qui font appel une opinion populaire qui sopposerait celle du roi ou du hros .Cest le sage Mentor qui harangue ceux qui sont prsents sur lagora,les gens dIthaque, pour les inviter agir contre les prtendants . On peutlire dans lOdysse, chant II : Dans lassemble se leva Mentor, que lirr-prochable Ulysse avait pour compagnon, et qui, partant sur ses vaisseaux,il avait confi toute la maison : on devait obir au vieillard qui garderaittout intact. Inspir par la bienveillance, il prit la parole et dit dans lassem-ble : coutez maintenant ce que je vais dire, Ithaciens. quoi bon, pour un roi porteur de sceptre, suivre son penchant la douceur et laclmence, montrer des sentiments dquit ? Quil soit plutt cruel et queses actes soient iniques, puisque personne na souvenance du divin Ulyssedans ce peuple dont il tait le roi et pour lequel il avait la douceur dun pre. [] Cest le peuple dont la conduite mindigne : comment !vous restez l sans souffler mot ni adresser de reproches cette poigne deprtendants, sans mettre un terme leurs excs ; vous tes le nombrepourtant !

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  • Un peu plus loin dans le texte, alors que Tlmaque invoque Athnaavant de partir pour senqurir du retour de son pre, celle-ci avaitemprunt la figure et la voix de Mentor ; prenant la parole, elle lui adressaces mots ails : Tlmaque, tu ne manqueras lavenir ni de vaillance, nide sens, si la belle ardeur de ton pre sest installe en toi ; ah ! quil excel-lait mener au terme action et parole ! Si tu lui ressembles, ton voyage nesera pas un vain projet et tu ny renonceras point. Mais si tu nes pas le filsdUlysse et de Pnlope, je nespre pas que tu achves jamais ce que tumdites. Peu denfants sont pareils leur pre : la plupart sont pires ; il enest peu qui aient plus de mrite. Mais, puisque tu ne lui seras infrieur nien courage ni en esprit, que la prudence dUlysse ne te fera nullementdfaut, il y a lieu desprer que tu mneras bien ces projets. Pour le pr-sent, naie cure ni des desseins ni des penses des prtendants insenss ; ilsnont aucune prvoyance, aucune justice, nul pressentiment de la mort etde la noire kre, qui pourtant approche et les enlvera tous un jour. Levoyage que tu mdites ne sera plus longtemps retard : crois-en le fidlecompagnon de ton pre ; je vais quiper pour toi un vaisseau rapide et jetaccompagnerai en personne. Toi, retourne ton manoir te mler aux pr-tendants ; [] moi, je me hterai de rassembler dans le pays un quipagede volontaires. Il y a beaucoup de vaisseaux dans Ithaque cerne des flots,des neufs et des vieux. Je verrai moi-mme quel est le meilleur ; nous lar-merons sans tarder et le lancerons sur la vaste mer .

    Un peu plus loin encore, toujours dans le chant II, cest Athna-Mentorqui exhorte Tlmaque prendre le dpart : Tlmaque, dj tes compa-gnons aux bonnes jambires sont assis leur place, la main sur la rame, etnattendant plus que ton signal. Allons, ne retardons pas le dpart !

    17 Lauteur de Lge dhomme est Michel Leiris (1901-1990), romancier,essayiste, pote et ethnologue proche du mouvement surraliste. 34 ans,il entreprend un travail autobiographique ; dans la prface intitule De lalittrature considre comme une tauromachie, il crit : Entre tant de romansautobiographiques, journaux intimes, souvenirs, confessions, qui connais-sent depuis quelques annes une vogue si extraordinaire, [] Lgedhomme vient donc se proposer, sans que son auteur veuille se prvaloir

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  • dautre chose que davoir tent de parler de lui-mme avec le maximum delucidit et de sincrit. [] Mettre nu certaines obsessions dordre senti-mental ou sexuel, confesser publiquement certaines des dficiences ou deslchets qui lui font le plus honte, tel fut pour lauteur le moyen grossiersans doute, mais quil livre dautres en esprant le voir amender din-troduire ne serait-ce quune corne de taureau dans la littrature.

    18 La maeutique socratique est lart daccoucher les mes : la mre deSocrate tait sage-femme et le philosophe travaille les esprits comme ilvoyait sa mre travailler les corps. La maeutique dsigne la faon dontSocrate, en interrogeant son interlocuteur, lamne retrouver la vrit parson propre effort, sans quelle lui soit enseigne ou transmise. Je ne peux,dit Socrate, que faire natre en toi-mme et si tu le veux, les penses qui sontcaches au fond de toi.

    Socrate, infatigable questionneur, pratique cette mthode de linvestiga-tion par demandes et par rponses jusque dans son procs, quand il forceMltos lui rpondre.

    Dans la philosophie de Platon, la maeutique est lie la thorie de larminiscence, selon laquelle lme a contempl les vrits ternelles avant deles oublier en sjournant dans le corps, et donc selon laquelle apprendrenest rien dautre que se souvenir.

    Dans le Mnon, nous pouvons dcouvrir une illustration des merveilles decette mthode : il semble au premier abord quil nest gure possible de fairedmontrer un jeune esclave ignorant comment on peut doubler un carr.Socrate sy prend si adroitement que lesclave semble trouver tout seul la solu-tion. Puis Socrate interroge Mnon au sujet de ce quil a pu observer :

    Socrate : Que ten semble, Mnon ? Y a-t-il dans les rponses de ce gar-on une seule opinion qui ne soit pas de lui ?

    Mnon : Non, elles sont toutes de lui.Socrate : Et, cependant, il ne savait pas, nous lavons reconnu il y a un

    instant.Mnon : Cest vrai.Socrate : Ces opinions se trouvaient donc en lui, nest-ce pas ?Mnon : Oui.

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  • Socrate : Ainsi donc celui qui ignore une chose, quelle quelle soit, a enlui des opinions vraies sur la chose quil ignore ?

    Mnon : Apparemment.Socrate : Cest ainsi que, chez cet esclave, ces opinions viennent de sur-

    gir comme en songe. Mais si on linterrogeait souvent et de diversesmanires sur les mmes sujets, sois sr qu la fin, il en aurait une connais-sance aussi exacte que personne au monde.

    Platon expose donc ses ides sous la forme du dialogue (la dialectique).Dans une notice sur la vie et les uvres de Platon, mile Chambry crit : Ce qui distingue particulirement les dialogues de Platon de ceux que sonexemple a suscits, cest la vie quil a su donner aux personnages quil meten scne. [] Les plus remarquables ce point de vue sont les sophistes,notamment Protagoras, Gorgias, Hippias, Prodicos. [] Il fait rire leursdpens par le simple contraste qui parat entre lopinion quils ont deux-mmes et celle quils donnent au public.

    Aux sophistes avides de briller soppose le groupe des beaux phbesingnus et modestes. Ce sont des fils de famille avides de sinstruire, quisattachent Socrate pour profiter de ses leons, qui rougissent ses ques-tions et y rpondent avec une dfrence pleine de grce. []

    Dautres, plus gs, sont des disciples tendrement attachs au matrequils vnrent, et pour qui rien nest plus doux que de parler et dentendreparler de lui (Platon, Premiers dialogues, Garnier-Flammarion, 1967).

    tape 5 [En qute de spiritualit, p. 76]

    16 Lhumanisme est, au XVIe sicle, une raction lenseignement scl-ros des universits, fond sur la philosophie scolastique, la logique for-melle et la rhtorique (ou lart de construire des discours). Des rudits veu-lent revenir aux textes originaux, grecs et latins, les utiliser pour rnover laculture et dvelopper lesprit critique.

    Le mot latin humanitas, quon peut souvent lire chez Cicron, dsigne laculture gnrale de lesprit, toutes disciplines confondues, et la politessedes murs . Le mot humanisme dsignera tout ce qui fait dun homme

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  • un homme : idal de sagesse, rflexion sur lexistence grce la lecture desphilosophes et la pratique des arts.

    Celui quon donne comme le modle de lhumanisme est rasme (1467-1536) : n Rotterdam, il sjourne longtemps en France et influence lesesprits novateurs. Il critique lensemble des institutions mdivales ; pourlui, la sagesse se nourrit de la littrature antique et de la Bible.

    Parmi les grands humanistes de langue franaise, citons GuillaumeBud, Franois Rabelais et Joachim du Bellay.

    Le mysticisme est le propre dun type particulier dagrgation socio-religieuse qui se dploie en rseau et qui parat tre transversal [] par rap-port des traditions religieuses diffrentes les unes des autres, occidentalesou orientales. Tel est le cas du soufisme dans lislam. On a affaire ici aumysticisme ou bien au spiritualismus []. Apparemment, le mysticismenorganise pas, ne sorganise pas lui-mme. [] Il na pas besoin dexpres-sions visibles, parce quil est avant tout recherche individuelle et collectivedun contact direct avec la divinit, dans linvisibilit de la communion descroyants (Grand Atlas des religions, Universalis).

    La science alchimique est occulte : elle est ne de la fusion de techniqueschimiques gardes secrtes et de spculations mystiques. Elle sattache autravail des mtaux, leur transmutation (notamment celle du plomb enor), dans leur matire concrte et symbolique.

    17 Les diffrents courants de lislam se trouvent en Afrique du Nord, delOuest et de lEst, dans le golfe Arabo-Persique, au Soudan, en Turquie etdans les anciennes provinces ottomanes, Inde, Indonsie, Iran, Irak, Syrie,Pakistan, Liban.

    Le soufisme, n dans la rgion de Bassora et de Bagdad (actuel Irak), existedans presque toutes les rgions du monde islamique, sunnite et chiite. Il estencore particulirement dvelopp en gypte et en Afrique noire.

    18 On peut lire sur ce sujet le livre rcent dEva Cantarella, Les Peines demort en Grce et Rome, origines et fonctions des supplices capitaux danslAntiquit, paru chez Albin Michel dans la collection BibliothqueHistoire .

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  • Socrate fut contraint de boire la cigu (399 avant J.-C.), qui tait rser-ve aux crimes politiques et dimpit. Il stait attir linimiti et la calom-nie daccusateurs qui le dnonaient comme un impie et comme un cor-rupteur de la jeunesse. Sa mort fait partie des morts exemplaires puisquellefut conforme son ide selon laquelle lhomme sage ne craint pas la mort.Dans le livre III de La Rpublique, Platon fait dire Socrate : Nous disons quelhonnte homme ne regarde pas la mort comme terrible pour un autre hon-nte homme, dont il est le camarade. Nous le disons en effet. Donc il ne pleu-rera pas sur lui comme sur quelquun qui aurait souffert quelque chose de ter-rible. [] Moins que tout autre, aussi, il se lamentera, et cest avec le plus dedouceur possible quil supportera un tel malheur lorsque celui-ci latteindra.

    Snque est un philosophe stocien, prcepteur de lempereur Nron.Aprs avoir soutenu celui-ci alors mme que la longue srie de crimes avaitcommenc, il finit par sen carter et sloigne de la cour. Impliqu, en 65,dans la conjuration de Pison, Nron le contraint au suicide. Il meurt enimitant Socrate, cest--dire en philosophant jusquaux derniers moments.

    Dans le Grand Atlas des religions (ditions Universalis), Giuliana Lanatacrit : Quand on parle de perscutions et de martyre pour les premierssicles du christianisme, on pense principalement la sanglante rpressiondont ce dernier fut alors la cible, ses martyrs enferms dans les prisons oujets dans les arnes. [] Les dits de 303-309, qui dchanrent ce que lona appel la grande perscution, prvoyaient la destruction des glises, lin-terdiction des runions, larrestation des membres du clerg, la peine demort et la confiscation des biens pour qui refusait de sacrifier aux dieuxromains. Ces mesures furent appliques presque sur tout le territoire delEmpire, et saccompagnrent de svices et datrocits de tous genres : on entrouve un catalogue impressionnant dans les Martyrs de Palestine dEusbe.

    tape 6 [Un ralisme potique, p. 78]

    11 Les quartiers les plus cosmopolites de Paris sont ceux qui correspon-dent aux arrondissements du Nord et de lEst parisien : les XIIIe, XVIIIe, XIXeet XXe arrondissements montrent une forte prsence des populations dori-gine africaine, maghrbine, indienne et asiatique.

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  • tape 7 [Un conte, p. 80]

    11 LOrient est trs prsent dans limaginaire des crivains des Lumires,surtout depuis la traduction par Antoine Galland des Mille et Une Nuits(1704-1717), qui excite leur imagination. Sur les vingt-six contes et romansque Voltaire a crits, onze sont nourris de la matire orientale : Zadig, LeMonde comme il va, Memnon, Lettre dun Turc, Histoire dun bon bramin, LeBlanc et le Noir, Aventure indienne, La Princesse de Babylone, Les LettresdAmabed, Le Taureau blanc, Le Crocheteur borgne.

    12 Labandon prend plusieurs formes et a des causes multiples : dans Le Petit Poucet de Charles Perrault (1628-1703), les enfants sont conduitsdans la fort parce que leurs parents ne peuvent plus les nourrir et cet aban-don est le reflet dune ralit socioconomique de la France du XVIIe sicle.Voici le dbut de ce conte : Il tait une fois un bcheron et une bche-ronne, qui avaient sept enfants, tous garons. [] Ils taient fort pauvres,et leurs sept enfants les incommodaient beaucoup parce quaucun deux nepouvait encore gagner sa vie. [] Il vint une anne trs fcheuse, et lafamine fut si grande, que ces pauvres gens rsolurent de se dfaire de leursenfants.

    Labandon peut prendre la forme dune absence de soins, voire duneaversion affirme, comme dans Les Fes ou Cendrillon ; dans les deux cas,lenfant perscut est le reflet du parent rendu absent par la mort.

    Dans La Petite Fille aux allumettes, de Hans Christian Andersen, lh-rone appelle sa grand-mre, la seule personne qui avait t bonne pourelle, mais qui tait morte maintenant.

    Dans les contes rassembls par les frres Grimm, labandon peut tre lersultat dune promesse faite une sorcire, comme dans Rapunzel.

    On peut lire ce sujet le classique et contest livre de Bruno BettelheimPsychanalyse des contes de fes, lincontournable bilan de Franoise Dolto LaCause des enfants et, publi rcemment (2003), le livre de Jenny Aubry surles effets de la carence de soins maternels, Psychanalyse des enfants spars,tudes cliniques 1952-1986, aux ditions Denol.

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  • 13 Le mot fable vient du latin fabula ( rcit, fiction ). Le motdsigne un rcit dimagination tendant illustrer une leon morale. lafois dramatique et didactique, la fable utilise gnralement la fiction all-gorique et la transfiguration anthropomorphique dans lesquelles les per-sonnages sont reprsents, entre autres, par des animaux ou des vgtaux.

    Lapologue, genre connu depuis lAntiquit, est un rcit court qui a pourobjet un enseignement moral rendu sensible par un recours une allgorie.

    La parabole est une forme de lapologue, qui exprime par lintermdiairedune image une vrit dordre religieux. Certains textes du Mesnevi (recueilde contes soufis) sont des paraboles.

    tape 8 [Du rcit au film, p. 82]

    11 N dans les Landes en 1950, Franois Dupeyron a dabord ralis desdocumentaires. Son premier long mtrage, Drle dendroit pour une ren-contre (1988), runissait Catherine Deneuve et Grard Depardieu. En1994, il adapte un roman fantastique de Ren Belletto intitul La Machine.La Chambre des officiers, ralis en 2001, est son cinquime film etMonsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran son dernier.

    Omar Sharif devient une lgende du grand cran en interprtant lepote-mdecin russe du film culte Docteur Jivago, de David Lean. Il compte sa filmographie plus dune soixantaine de longs mtrages.

    Il est n Alexandrie en gypte et a tudi le mtier dacteur la RoyalAcademy of Dramatic Art de Londres. Son premier rle au cinma lui a tdonn par le ralisateur gyptien Youssef Chahine.

    Parmi ses rles les plus clbres, on peut citer La Chute de lEmpireromain, dAnthony Mann ; Mayerling, de Terence Young ; Les Cavaliers, deJohn Frankenheimer ; Le Casse, dHenri Verneuil. Son film le plus rcent estMonsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran. Omar Sharif a t nomm auGolden Globe du meilleur film tranger et a reu le Csar du meilleuracteur pour son interprtation.

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    ditions Magnard, 2004www.magnard.fr