C'est à Brouage, église Notre-Dame, qu'est baptisé Jean Grondin

Ce 18e mars 1640 a été baptisé Jean fils de Pierre Grondin et de Catherine Rigolet. A été parrain

Jean Capel et marraine Marguerite Avrillaud

L'église de Brouage est construite en 1608, comme cela est indiqué au-dessus de son portail, en remplacement de celle qui existait encore en 1601. Elle est placée sous le patronage de la Vierge. La paroisse de Brouage est une annexe d'Hiers dont l'église est dédiée à Saint-Hilaire. Cependant, au XVIIe siècle, le prêtre habite Brouage et délègue un, voire deux vicaires, à Hiers. En 1628, Pierre Goupil est nommé curé d'Hiers-Brouage, il le restera jusqu'à sa mort en 1663, c'est dire si Jean Grondin l'a connu ! En plus de ses fonctions sacerdotales, Pierre Goupil est un homme d'affaires rusé. Il possède des salines et s'adonne au commerce du sel. C'est lui, Pierre Goupil, qui baptise Jean et signe l'acte. L'église a peu changé depuis cette époque, si ce n'est que le cimetière, qui l'entourait, a disparu et que nombre de ses vitraux ont été murés. Le sol était pavé de dalles funéraires, aujourd'hui disparues, et des chapelles étaient consacrées à Saint-Joseph, Saint-Luc, Saint-Roch ou la Sainte-Trinité. A la Révolution, l'église est désaffectée, saccagée, laissée à l'abandon. Elle sert de grange et d'étable. Elle redevient lieu de culte en 1830. En 1909, le maire ferme l'église pour raison de sécurité. La messe est célébrée dans la poudrière de la Brèche, devenue chapelle Sainte-Eustelle. Une société de Secours Mutuel est créée pour faire restaurer l'église, mais les fonds manquent. Le Président de l'association se tourne alors vers le Maire de Québec qui fait parvenir une somme de 6 000 francs par l'intermédiaire de la société Saint-Jean-Baptiste de Québec. Le 27 mai 1912, l'église peut accueillir à nouveau ses paroissiens. A la fin du XXe siècle, des vitraux sont installés, offerts par les autorités des "cousins" d'Amérique, descendants des pionniers de la Nouvelle-France.

Jean est le fils de Pierre Grondin et Catherine Rigolet dont le mariage est célébré dans l'église Notre-Dame de Brouage :

Ce 25e septembre 1631 a été donnée la bénédiction nuptiale par moi curé soussigné

à Pierre Grondin, d'Angoulème, et Catherine Rigoulet de cette ville de

Broüage en présence des témoins bas signés

Pierre Grondin exerce la profession de charron, il a même le titre de "maître charron". A-t-il croisé Samuel Champlain ? Cela est possible, car le fondateur de Québec est présent à Brouage en 1630, année où il vend deux maisons héritées de son père.

Pierre est originaire de Linars, près d'Angoulème, comme nous le verrons à la page suivante. Il est le fils d'Antoine Grondin et de Marguerite Nouveau.

Catherine est issue d'une famille implantée à Brouage avant le XVIIe siècle. Dès 1573, on trouve un barbier-chirurgien du nom de Jean Rigolet. Le père de Catherine est Jean Rigolet, sergent de la garnison de Brouage, et sa mère est Marie Cruseau. En juillet 1616, Catherine, orpheline, est mise sous la tutelle de Bertrand Allard. Sa sœur, Isabelle, a pour tuteur Nicolas Bandriau.

Isabelle passe un contrat de mariage devant le notaire Gouin, le 3 février 1629. Elle épouse Martial Poupot. Catherine Rigolet contracte mariage le 28 mars 1629, devant Maître Gouin, avec Louis Chaunier, marchand boucher, originaire de

Saintes, paroisse Saint-Vivien. Hélas, une épidémie de peste atteint Brouage en cette année 1629. Louis Chaunier en meurt. Hors des murs de la ville, entre Brouage et Hiers, aux Landes (Les sables actuellement), il est construit un village de huttes où l'on

conduit les malades et ceux qui les ont approchés. C'est ainsi que Catherine Rigolet, veuve, doit partir, en quarantaine, s'installer dans une de ces huttes. Elle emporte avec elle un lit, un coffre et une demi-douzaine de linceux d'estouppe.

En février 1630, Catherine donne le jour à un enfant, Martial. Catherine qui a déjà perdu ses parents, son tuteur, son mari, et qui a un enfant à élever, doit travailler. Elle est engagée comme domestique, par l'ingénieur Pierre Lemaître, entrepreneur des fortifications.

Le 31 août 1631, Catherine et Pierre Grondin sont devant le notaire Gouin afin de contracter mariage. Martial Chaunier, fils de Catherine, est signalé comme ayant 18 mois.

Pierre et Catherine vont donner le jour à 11 enfants baptisés à Brouage : Marie (27-6-1632), Pierre (18-1-1634), Anne (22-11-1635), Antoine (25-5-1637), Jeanne (30-8-1638), Jean (18-3-1640), Catherine (8-6-

1642), Marguerite (18-7-1644), Madeleine (14-4-1646), Antoine (17-5-1648), Pierre (28-8-1650). Catherine décède avant 1657. Pierre est présent chez le notaire Lortie, le 7 juin 1660.

Dans la même paroisse, mais habitant la ville d'Hiers, vit une autre famille Grondin. Christophe Grondin et Anne Raboin se marient dans l'église Saint-Hilaire d'Hiers :

Le 17e juillet 1636 dans l'église de Saint-Hilaire d'Hiers moi, Simon Bessonneau prêtre chapelain en ladite église, ai baillé la bénédiction nuptiale à Christophe Grondin, de la paroisse de Linars en Angoumois, et à Anne Raboin de ce bourg en présence de Jacques

de Viat, Jean Barbot, Pierre Grondin et Guillaume Langlois. Le Pierre Grondin présent à ce mariage est le père de notre pionnier. Quelques années plus tard, il est parrain d'une des filles du couple, Elisabeth. Il signe cet acte et cette signature est identique à celle apposée sur le baptême de Jean, paraphe caractérisé par le "P".

Le 9e octobre 1642, en l'église de Saint-Hilaire d'Hiers a été baptisée Elisabeth fille Christophe Grondin et Anne Raboin, sa femme. A été parrain Pierre Grondin et marraine Elisabeth Nouel.

Selon son acte de mariage, Christophe Grondin est originaire de Linars en Angoumois. Linars est une petite ville d'un peu plus de 2 000 habitants. Commune du canton d'Hiersac, elle est située à moins de 5 kilomètres du centre d'Angoulème. Selon son propre acte de mariage, Pierre Grondin est dit d'Angoulême. Le berceau des Grondin est donc Linars. Christophe Grondin et Anne Raboin donneront naissance à 6 enfants baptisés dans l'église Saint-Hilaire : Pierre (22-11-1637), Jacques (7-11-1638), Jeanne (5-8-1640), Elisabeth (9-10-1642), Guillaume (18-10-1643), Charles (5-8-1646). Pierre, Jacques et Charles décéderont entre 1 et 3 ans. Christophe Grondin quitte le monde terrien le 26 février 1646, 5 mois avant l'arrivée de son dernier fils, Charles. Anne Raboin se remarie le 9 octobre 1650 avec Jean Ballot.

Fontaine d'Hiers

Les provinces

de France

jusqu'au XVIIIe

siècle.

Aunis et

Saintonge

Les départements de

France depuis le XIXe

siècle.

Charente-Maritime

La Rochelle est la capitale de l'Aunis, Saintes celle de la Saintonge. Depuis le XIXe siècle, la France est découpée en départements, La Rochelle est la préfecture de la Charente-Maritime.

Brouage en

Saintonge

Diocèse de

Saintes

Les Brouageais sont

environ 2 800

au milieu du XVIIe

et

180

à la fin du XXe.

A l'époque gallo-romaine, existe le golfe de Saintonge parsemé d'îlots. Peu à peu, l'ensemble s'envase, un sol d'argile apparaît, c'est une terre de "bri" imperméable qui ressort. En celte, la vase, la boue, se dit "Brou" et le terme brouage est un nom commun signifiant pays de vase, de boue. Les Gaulois profitent de cette "boue" pour façonner des vases d'argile dans lesquels ils font chauffer l'eau de mer afin d'obtenir du sel.

Les Romains apportent leurs techniques de salines méditerranéennes, mais ce sont les moines du Moyen Age qui vont développer les marais salants.

En 1380, Charles VI récompense Renaud VI de Pons en lui donnant l'île d'Oléron, le comté de Marennes et la seigneurie de Broue. Renaud VI avait vaillamment combattu aux côtés de Du Guesclin pour reprendre aux Anglais le Poitou et la Saintonge.

L'arrière-petit-fils de Renaud, Jacques II de Pons, baron de Mirambeau, crée une nouvelle ville dans sa châtellenie d'Hiers au sein de sa seigneurie de Broue. Il implante cette ville à une demi-lieue d'Hiers et la nomme "Jacopolis" (La ville de Jacques).

C'est à cet endroit sablonneux, au milieu des marais, que les navires hollandais et autres se délestaient et ont rendu possible, bien que précaire, la construction de maisons. Jacopolis prend vite le nom de son sol. Elle est construite dans le brouage (pays de boue) et devient Brouage.

C'est vers 1569, que la ville s'entoure de murailles. En effet, en 1568, Blaise Monluc se sert de Brouage pour lancer des opérations maritimes contre les protestants rochelais. Brouage sera alors alternativement sous la domination des catholiques et des protestants jusqu'à ce qu'elle devienne "domaine royal", le 17 mars 1578.

L'année de naissance de Jean Grondin, on construit l'ouvrage à corne de la porte d'Hiers. Richelieu est alors gouverneur de Brouage, mais il meurt 2 ans plus tard, et c'est son neveu, Armand de Maillé, qui le remplace. Du Daugnon devient lieutenant général de Brouage, puis passe du côté des Protestants. A 12 ans, Jean Grondin voit sa ville assiégée par l'armée royale qui la reprend en 1653. Mazarin est alors nommé lieutenant général et gouverneur de Brouage.

Jean assiste à l'arrivée de Marie Mancini et de ses deux sœurs, le dimanche 14 septembre 1659. Elles logent dans le Logis du Roi, à quelques mètres de la famille Grondin. Marie, née le 1er août 1639, a le même âge que Jean. C'est l'allégresse dans les rues de Brouage. Madame de Venel écrit : "On joue, on danse au château, on court tout le jour et une bonne partie de la nuit". Le 28 juin de l'année suivante, Jean et les Brouageais reçoivent la visite de Louis XIV.

L'emplacement de la maison du

maître charron Pierre Grondin a été retrouvé par Eliane et Jimmy Vigé, historiens et auteurs d'ouvrages de référence sur Brouage.

L'Arsenal de Brouage est

construit l'année où Pierre et Catherine s'unissent. Cinq ans plus tard, le 17 mai 1636, par acte passé devant le notaire Vincent Bellucheau, il est demandé à Pierre Grondin d'élever la façade de sa maison à l'alignement de la dalle de l'arsenal.

L'église.

Jean Grondin ne figure sur aucune liste d'embarquement. Les minutes notariales ne font référence à aucun contrat d'engagement de Jean Grondin. Jean Grondin est absent du recensement de 1666, mais présent lors de celui de 1667. Jean a donc vraisemblablement traversé en 1666. Cette année-là, de nombreux navires arrivent à Québec. Parmi ceux-ci, deux ont laissé une liste de passagers : Le Moulin d'Or et Le Saint-Jean-Baptiste. Jean n'y figure pas. Parmi les autres, partis de La Rochelle, on peut citer : L'Amitié, frégate rochelaise de 50 tonneaux, armée par Jean de Lamothe, commandée par Nicolas Graton. Elle possède 4 pièces de canon et 8 mousquetons. Elle arrive début août. La Catherine, navire rochelais de 100 tonneaux, armé par Pierre Gaigneur, commandé par Tharé Chaillaud. La Fortune Blanche, navire hollandais d'Amsterdam de 200 tonneaux,

loué et armé par Pierre Gaigneur et commandé par Vincent de Neuville. A son retour à La Rochelle le 17 décembre, il déclare avoir perdu 5 passagers. L'Orange, navire de 250 tonneaux, commandé par Elie Raymond. Il transporte des marchandises envoyées par Auger Grignon pour une valeur de 1 662 livres. La Paix, navire rochelais de 180 tonneaux, appartenant à Jean Depont (1/4), Pierre Faneuil (1/4) et Pierre Garbusat (1/2), loué (6 000 livres) et armé par Pierre Gaigneur et Jean Le Royer, commandé par Mathurin Fory. Il est parti essentiellement pour la pêche à Terre-Neuve. Le Paon, navire hollandais de 200 tonneaux, appartenant à Cornelissen Pauw, de Veneloo, Il est loué (1 000 livres par mois plus 150 livres pour le capitaine) et armé par Pierre Gaigneur. Il est commandé par André Chaviteau. Il a à son bord au moins un passager, le chirurgien rochelais Louis Pinard. Le Saint-Joseph, navire rochelais de 300 tonneaux, armé par Jacques Mousnier et Pierre Gaigneur, commandé par Jean Tadourneau.

« Nous fîmes voiles en pleine mer tant que peu à peu nous perdîmes de veuë les grosses tours et la ville de La Rochelle, … disans Adieu à la France. »

Marc Lescarbot

A son arrivée, Jean Grondin est domestique chez le sieur de Saint-Denis, Nicolas Juchereau. Le 10 juillet 1669, il passe un contrat de mariage avec la fille d'un voisin des Juchereau, Sainte Mignault. Les parents de Sainte sont Jean Mignault, engagé à La Rochelle le 1er avril 1643, et Louise, la fille du légendaire Zacharie Cloutier. La bénédiction leur est donnée le dimanche 4 août en l'église de Beauport. Jean et Sainte vont avoir 11 enfants et s'établissent à La Pocatière. Parmi leurs enfants, deux vont s'unir à des descendants Brouageais, Louise épouse Charles Miville et Jean-Baptiste se marie avec Marie-Anne Dubé, fille de Mathurin et d'Anne Miville. Le patronyme est sauvegardé par François, Jean-Baptiste et Sébastien.

Aujourd'hui, les descendants sont regroupés dans l'association des familles Grondin d'Amérique et ont conçu leur blason : Ecu : d'azur et de gueules aux deux chevrons d'or. Au chef azur aux deux épis de blé entrecroisés flanqué à dextre d'un écusson or chargé d'une fleur de lys azur et à senestre d'un écusson or chargé d'une feuille d'érable de gueules. A la base gueules, la Porte Royale entourée de murailles au naturel. Signification : selon l'association : Le rouge provient des armoiries de Brouage ainsi que du Poitou, ancienne province de France qui incluait la Charente-Maritime.

Le bleu et la fleur de lys représentent la France et la Nouvelle-France et la feuille d'érable, nos beaux érables canadiens.

La Porte Royale de Brouage, petit bourg de la Charente-Maritime, avec ses fortifications anciennes construites de libages et de moellons provenant des marais salants de la région.

Les deux épis de blé ainsi que les deux chevrons représentent les deux ancêtres Jean et Pierre Grondin et les aspirations de leurs descendants.

Cimier : listel d'or chargé du patronyme "GRONDIN". Devise : listel d'or chargé "Avenant et Constant".

Bibliographie

Ce dossier a été réalisé grâce aux travaux de recherches de Racines Rochelaises, et J.F. Boscher "Négociants et Navires du commerce avec le Canada de 1660 à 1760"

Nathalie Fiquet et François-Yves Le Blanc "Brouage. Ville royale"

René Jetté "Dictionnaire généalogique des familles du Québec"

Jacques Lamare "Brouage. Terre d'ombre pour un Roi Soleil"

Gérard Lebel "Nos Ancêtres. Jean Grondin"

Johnny Montbarbut "Les colons de l'Aunis et de la Saintonge au Canada"

Benoît Poupart, "De Brouage en Canada"

Programme de recherche en démographie historique de l'université de Montréal

Normand Robert "Nos origines en France"

Eliane et Jimmy Vigé "Brouage. Capitale du sel et patrie de Champlain"

Merci aux Archives départementales de la Charente-Maritime.

Source : Racines Rochelaises