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CHIKUNGUNYA D'ACTUALITES ET AUTRES ARBOVIROSES Herve Zeller a,* 1. Introduction L es arbovirus sont des virus qui sont transmis par piqQre d'un arthro- pode infecte & des vertebres receptifs chez lesquels il provoque une viremie. IIs correspondent a un vaste ensemble de virus capables de se multiplier alternativement dans certaines cellules de vertebres et darts certaines cellules d'insectes. IIs se rencontrent surtout en zones tropicales et subtropicales. Actuellement, plus de 500 virus apparte- nant & diverses families de virus sont repertories. Parmi les viroses en phase d'expansion et presentant un impact majeur en santa publique, se rencontrent la dengue (DEN) qui compte quatre virus dif- ferents, West Nile (WN) et I'encephalite japonaise (genre Flavivirus, famille des Flaviviridae) ainsi que chikungunya (CHIK) (genre Alphavirus, famille des Togaviridae). D'autres arboviroses touchent spa- cifiquement le monde veterinaire comme la fievre catarrhale (blue- tongue) ou bien & la fois homme et animal comme WN ou la fievre de la vallee du Rift (tableau I). Les vertebres developpent une infection aigu~ avec amplification de I'agent infectieux et apparition subsequente d'anticorps & pouvoir neu- tralisant. [_'infection chronique des vertebres n'est pas demontree. Selon les virus, les formes asymptomatiques peuvent 6tre plus ou moins nombreuses. Le vecteur peut ~tre considere comme le ,, reser- voir ,, du virus, restant infectieux a. vie. Pour certains virus, la trans- mission verticale & la progenie est un mecanisme qui assure la peren- nite du cycle. Les traitements antiviraux specifiques n'existent pas. Les traitements sont palliatifs et seule la prevention par vaccination permet une pro- tection. Les vaccins disponibles sont peu nombreux : fievre jaune, encephalite a tiques, encephalite japonaise chez I'homme. Plusieurs infections comme la dengue font I'objet de recherches multiples en matiere de vaccination (vaccins vivants attenues, vaccins chimeriques) mais sans succes tangible & moyen terme [6]. 2. Arbovirus et 6mergences Les arbovirus sont parmi les exemples les plus frappants dans le groupe des pathogenes emergents. Les variations climatiques et modi- fications environnementales induites ou non par Fhomme peuvent favo- riser t'expansion geographique de vecteurs potentiels d'arboviroses. L'exemple majeur est Aedes (Ae.) albopictus, moustique originaire d'Asie qui a conquis I'ocean indien au 18e-debut du 20 e siecle puis une partie de I'Afrique [17]. Sa diffusion aux l~tats-Unis observee depuis 1985 a ate reliee au commerce de pneumatiques usages entre I'Asie et les I~tats-Unis. Dans la Cardtloe, le moustique a ete signale & Saint- Domingue, aux Bahamas, & Trinidad et au Bresil. En Hollande, le mous- tique s'est installe via le commerce de bambous en provenance d'Asie et un foyer tres limite a egalement ete signale en Haute-Vienne tou- jours en liaison avec les pneumatiques (F. Schaffner, communication personnelle). II est aussi present dans le sud de I'Europe (Italie...) et s'est implante recemment en France dans la region nigoise et en Corse. II fait I'objet d'une surveillance entomologique renforcee depuis 2006. Ce moustique est un vecteur secondaire de la dengue, premiere arbo- virose au niveau mondial et fut le vecteur unique de I'epidemie majeure de chikungunya & La Reunion, Maurice et Seychelles en 2005-2006. A contrario, la lutte contre les anopheles vectrices du paludisme a per- mis d'eradiquer Ae. aegypti, vecteur principal de la dengue et de la fievre jaune, en Europe meridionale (Grece...) ainsi que dans de nom- breuses regions d'Amerique du Sud et d'Amerique centrale. IJarret des traitements insecticides dans les annees 70 a permis la recolonisa- tion progressive par Ae. aegyptiet l'apparition d'epidemies majeures de dengue. Les arbovirus peuvent se propager dans des zones ou il etait inconnu auparavant comme WN sur le continent americain ou bien CHIK dans certaines ties de I'Ocean indien. I 'introduction du virus en plein centre de New York en juillet-aoet 1999 reste une enigme (moustiques infec- tes ? oiseaux en phase viremique ?...) [20]. La similarite des souches de WN Israel 1998 et celles de New York 1999 suggerent une intro- duction venant du Proche-Orient selon t'hypothese la plus probable. a Centre national de reference/Centre collaborateur OMS des arbovirus et virus des fievres hemorragiques Institut Pasteur 21, av. Tony Gamier 69365 Lyon cedex * Correspondance [email protected] © 2007 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves. 3. Chikungunya Le virus CHIK, identifie en Tanzanie en 1952, signifie en langage local ,, celui qui marche courbe ,,, de par la posture des personnes infec- tees. II induit des polyarthralgies severes avec parfois des recurrences pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois ou annees. Le virus est present en Afrique subsaharienne et en Asie transmis par des moustiques du genre Aedes principalement Ae. aegypti et Ae. albo- pictus comme pour le virus dengue [14]. Les flambees se caracteri- sent par un nombre important de personnes touchees. La viremie ele- vee est un facteur supplementaire pour permettre une infection de vecteurs potentiels. Supplement au N ° 389, Revue Francophone des Laboratoires, fevrier2007 37

Chikungunya et autres arboviroses d'actualités

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Page 1: Chikungunya et autres arboviroses d'actualités

CHIKUNGUNYA D'ACTUALITES

ET AUTRES ARBOVIROSES

Herve Zel ler a,*

1. Introduction

L es arbovirus sont des virus qui sont transmis par piqQre d'un arthro- pode infecte & des vertebres receptifs chez lesquels il provoque

une viremie. IIs correspondent a un vaste ensemble de virus capables de se multiplier alternativement dans certaines cellules de vertebres et darts certaines cellules d'insectes. IIs se rencontrent surtout en zones tropicales et subtropicales. Actuellement, plus de 500 virus apparte- nant & diverses families de virus sont repertories. Parmi les viroses en phase d'expansion et presentant un impact majeur en santa publique, se rencontrent la dengue (DEN) qui compte quatre virus dif- ferents, West Nile (WN) et I'encephalite japonaise (genre Flavivirus, famille des Flaviviridae) ainsi que chikungunya (CHIK) (genre Alphavirus, famille des Togaviridae). D'autres arboviroses touchent spa- cifiquement le monde veterinaire comme la fievre catarrhale (blue- tongue) ou bien & la fois homme et animal comme WN ou la fievre de la vallee du Rift (tableau I).

Les vertebres developpent une infection aigu~ avec amplification de I'agent infectieux et apparition subsequente d'anticorps & pouvoir neu- tralisant. [_'infection chronique des vertebres n'est pas demontree. Selon les virus, les formes asymptomatiques peuvent 6tre plus ou moins nombreuses. Le vecteur peut ~tre considere comme le ,, reser- voir ,, du virus, restant infectieux a. vie. Pour certains virus, la trans- mission verticale & la progenie est un mecanisme qui assure la peren- nite du cycle.

Les traitements antiviraux specifiques n'existent pas. Les traitements sont palliatifs et seule la prevention par vaccination permet une pro- tection. Les vaccins disponibles sont peu nombreux : fievre jaune, encephalite a tiques, encephalite japonaise chez I'homme. Plusieurs infections comme la dengue font I'objet de recherches multiples en matiere de vaccination (vaccins vivants attenues, vaccins chimeriques) mais sans succes tangible & moyen terme [6].

2. Arbovirus et 6mergences

Les arbovirus sont parmi les exemples les plus frappants dans le groupe des pathogenes emergents. Les variations climatiques et modi- fications environnementales induites ou non par Fhomme peuvent favo- riser t'expansion geographique de vecteurs potentiels d'arboviroses. L'exemple majeur est Aedes (Ae.) albopictus, moustique originaire d'Asie qui a conquis I'ocean indien au 18e-debut du 20 e siecle puis une partie de I'Afrique [17]. Sa diffusion aux l~tats-Unis observee depuis 1985 a ate reliee au commerce de pneumatiques usages entre I'Asie et les I~tats-Unis. Dans la Cardtloe, le moustique a ete signale & Saint- Domingue, aux Bahamas, & Trinidad et au Bresil. En Hollande, le mous- tique s'est installe via le commerce de bambous en provenance d'Asie et un foyer tres limite a egalement ete signale en Haute-Vienne tou- jours en liaison avec les pneumatiques (F. Schaffner, communication personnelle). II est aussi present dans le sud de I'Europe (Italie...) et s'est implante recemment en France dans la region nigoise et en Corse. II fait I'objet d'une surveillance entomologique renforcee depuis 2006. Ce moustique est un vecteur secondaire de la dengue, premiere arbo- virose au niveau mondial et fut le vecteur unique de I'epidemie majeure de chikungunya & La Reunion, Maurice et Seychelles en 2005-2006. A contrario, la lutte contre les anopheles vectrices du paludisme a per- mis d'eradiquer Ae. aegypti, vecteur principal de la dengue et de la fievre jaune, en Europe meridionale (Grece...) ainsi que dans de nom- breuses regions d'Amerique du Sud et d'Amerique centrale. IJarret des traitements insecticides dans les annees 70 a permis la recolonisa- tion progressive par Ae. aegyptiet l 'apparition d'epidemies majeures de dengue.

Les arbovirus peuvent se propager dans des zones ou il etait inconnu auparavant comme WN sur le continent americain ou bien CHIK dans certaines ties de I'Ocean indien. I 'introduction du virus en plein centre de New York en juillet-aoet 1999 reste une enigme (moustiques infec- tes ? oiseaux en phase viremique ?...) [20]. La similarite des souches de WN Israel 1998 et celles de New York 1999 suggerent une intro- duction venant du Proche-Orient selon t'hypothese la plus probable.

a Centre national de reference/Centre collaborateur OMS des arbovirus et virus des fievres hemorragiques Institut Pasteur 21, av. Tony Gamier 69365 Lyon cedex

* Correspondance [email protected]

© 2007 - Elsevier Masson SAS - Tous droits reserves.

3. Chikungunya

Le virus CHIK, identifie en Tanzanie en 1952, signifie en langage local ,, celui qui marche courbe ,,, de par la posture des personnes infec- tees. II induit des polyarthralgies severes avec parfois des recurrences pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois ou annees. Le virus est present en Afrique subsaharienne et en Asie transmis par des moustiques du genre Aedes principalement Ae. aegypti et Ae. albo- pictus comme pour le virus dengue [14]. Les flambees se caracteri- sent par un nombre important de personnes touchees. La viremie ele- vee est un facteur supplementaire pour permettre une infection de vecteurs potentiels.

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49 es Journ6es de biologie clinique

En Indonesie, des episodes sont observes regulierement et il appa- raTt que pros de 90 O/o des personnes infectees presentent des signes cliniques, ce qui differencie cette arbovirose de la dengue ou WN pour lesquelles la majorite des infections sont asymptomatiques. Lors des phenomenes de recurrence des arthralgies, aucun virus ou genome viral n'a ete jusqu'& present detecte au niveau general ou local (liquide synovial, articulaire). En revanche, les IgM semblent persister sur de Iongues periodes pouvant signaler une reactivation ou un processus d'autodmmunite. Le virus CHIK du genre Alphavirus appartient au groupe Semliki Forest qui comprend d'autres virus proches qui indui- sent des douleurs articulaires comme O'Nyong-nyong en Afrique de I'Est et centrale ou Ross River en Australie. Parmi les Alphavirus, sont decrits egalement Sindbis (en Afrique et en Scandinavie), et le groupe encephatite du Venezuela (Amerique centrale/Sud) [8].

Suite & une epidemie au Kenya en 2004, les Comores ont ete atteintes debut 2005 avec plus de 5 000 cas de formes febriles polyarthral- giques et le virus identifie en mars. Les premiers cas & La Reunion furent confirmes fin avril 2005, puis #, Maurice et aux Seychelles. Madagascar fut atteinte debut 2006 avec une co-circulation de la dengue (virus DEN1) jusqu'a, present meconnue dans la grande ~le.

A Maurice et aux Seychelles, des flambees importantes ont ete obser- vees au premier trimestre 2006. Selon I'OMS, I'lnde a rapporte plus de 1,25 millions de cas en 2006 dans huit etats : Andhra Pradesh, Andaman et Nicobar, Tamil Nadu, Karnataka, Maharashtra, Gujarat, Madhya Pradesh, Kerala et Delhi. Le Sri Lankha a ete egalement touche.

La premiere flambee & La Reunion entre avril et juin 2005 fut d'am- pleur limitee [13]. La transmission du virus se poursuivit pendant I'hi- ver austral avec une diminution du nombre de cas avec apparition de formes severes. La saison des pluies fin 2005-2006 s'accompagna par une explosion dans les differentes Ties, avec un pic de 47 000 cas la derniere semaine de janvier [15]. A la mi-2006, pres de 40 O/o de la population reunionnaise a et6 infectee. La moyenne d'&ge des deces avec mention d'infection par CHIK etait de 79 ans.

La surveillance active des formes emergentes hospitalieres a denombre parmi 224 cas pediatriques : 27 o/0 de syndromes hyper- algiques, 22 % de convulsions, 17 O/o de dermatoses bulleuses, 4 O/o myopericardites, 3 o/0 meningo-encephatites (donnees de la CIRE Reunion-Mayotte). Parmi 610 adultes, ont ete rapportes : 11 °/'0 d'en- cephalites, 7 o/0 de troubles du rythme, 6 % de myopericardites, 3 %

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d'hepatites aigues, 2 % de convulsions, 1 % de Guillain Barre. Plusieurs cas de transmissions maternofoetales ont ete enregistres, Iorsque la mere etait viremique dans la semaine precedant I'accou- chement [11 ]. Un total de 45 cas maternoneonatals ont ete identifies avec 84 % de syndromes hyperalgiques, 22 % de meningo-ence- phalites, 4 % de dermatoses bulleuses et 4 % d'hyperpigmentations (donnees de la ClRE Reunion-Mayotte).

La presence du virus peut etre detected dans le serum des patients dans les 5 jours qui suivent le debut des signes cliniques, meme en presence d'lgM correspondantes. II n'y a pas de tests commerciaux disponibles actuellement pour le diagnostic serologique mais plusieurs laboratoires devraient en proposer en 2007.

Au niveau phylogenique, les virus CHIK se distribuent en trois geno- types : Afrique de I'Ouest, Afrique centrale et de I'Est, et Asie. Le virus en cause darts I'Ocean indien appartient au genotype Afrique de I'Est. Plusieurs mutations ont et6 observees entre les deux epidemies notam- ment une mutation Alanine --~ Valine en position 226, region codant pour la glycoproteine E1 [18]. Cette mutation induit chez le virus proche Semliki Forest une perte de la dependance au cholesterol, ce qui favo- riserait une replication plus importante chez le moustique vecteur, sus- ceptible de contribuer & I'explosion observee fin 2005. En Inde, le virus responsable est egalement du genotype Afrique de I'Est.

4. Dengue

La dengue est une virose qui se rencontre dans la plupart des regions tropicales et subtropicales avec entre 20 et 80 millions de personnes infectees chaque annee selon I'OMS. Elle comprend quatre virus qui ne presentent pas d'immunite croisee entre eux. L'homme est I'unique hete amplificateur des virus dengue & I'exception d'un cycle selvatique entre moustiques et singes tres limite decrit en Malaisie et au Senegal. Si la majorite des infections sont asymptomatiques, plusieurs centaines de milliers de cas cliniques avec un nombre croissant de formes severes dont des cas de dengue hemorragique sont rapportes. Dans les annees 1970, I'OMS a propose une classification de la dengue en formes cliniques de dengue classique (DF) et dengue hemorragique (DH) (figure 1) [2]. Suite & une incubation de 5 a. 8 jours, la dengue se manifeste par un syndrome febrile algo-eruptif benin avec un debut

LJe

brutal avec fievre 39-40 °C, des cephalees, arthralgies, myalgies. La phase d'etat, qui peut apparaftre vers le 3e-5 e jour, associe une asthe- nie tres intense, un rash souvent petechial ou purpurique, malaise, dou- leurs abdominales, quelques hemorragies (epistaxis, gingivorragie), une hepatomegalie, et une chute de la temperature avec regression des signes et guerison pour les cas benins ou moderes. Dans les cas graves, les hemorragies sont abondantes et nombreuses (melena, hematemeses, hematomes spontanes), avec syndrome de choc (DSS), malaise general et deces sans traitement dans 15 a plus de 50 % des cas. Des formes cliniques severes autres que les formes hemorra- giques et syndrome de choc sont decrites de plus en plus frequem- ment (formes neurologiques, atteinte hepatique,...). Une concertation internationale pour la redefinition des cas cliniques de dengue est necessaire [2]. Les episodes recents dans la region Antilles-Guyane montrent I'urgence de cette redefinition. Parmi les facteurs de risque sans cesse evoques, il semble que la presence d'anticorps generes Iors d'une atteinte dengue anterieure ne permet pas de predire la seve- rite du tableau clinique ni le niveau de viremie Iors d'une infection secondaire [10].

4.1. I~p idemies recen tes en A n t i l l e s - G u y a n e

Dans les departements et territoires d'outremer, la dengue est un pro- bleme de sante publique majeur. En Martinique, entre juin 2005 et fin fevrier 2006, 13 500 personnes ont ete touchees soit 3,5 % de la population. Ont ete retrouves 70 % de DEN4, 28 % de DEN2 et 2 % de DEN3. les infections de DEN2 ont ete plus souvent lies & une hospitalisation (donnees de la CIRE Antilles-Guyane, Fort-de- France). Parmi 1 26 patients, etaient denombres 119 cas de fievre dengue classique (DF), 6 cas de DH et 1 cas de DSS. En fait, parmi les 119 cas de DF, 34 correspondaient & des cas severes : 9 cas de DH sans tousles criteres d'inclusion, 9 cas avec thrombopenie < 50 000/mm 3, 3 cas de rhabdomyolyse, 3 cas d'encephalite, 8 cas de syndrome d'epuisement, 4 cas de defaillance viscerale (hepatite fulminante, myocardite, hemorragique ventriculaire et syndrome de defaillance multiviscerale) avec 4 deces. La classification de I 'OMS ne permettait pas de diagnostiquer 34 sur 41 cas de formes severes (CIRE Antilles-Guyane, www.invs.sante.fr). A la Guadeloupe, une epi- demie similaire a ete observed avec 182 cas hospitalises dont 6 cas

Infection dengue virus infection

Asymptomatique ] I Symptomatique ]

Fievre indifferenciee (syndrome viral)

Syndrome fievre dengue (DF)

I

I Sans hemorragies ] Avec hemorragies non usuelles

Dengue hemorragique (DH) (fuite plasmatique)

I

[ Pas de choc ] Syndrome de choc dengue (DSS)

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49 Journ6es de bioiogie clinique

de DH et 28 autres cas severes. La dengue 4 representait 115 cas sur 121 etudies ainsi que 2 DEN2 et 4 DEN3. Le pic eut lieu fin sep- tembre 2005.

Une epidemie de dengue a touche la Guyane depuis fin 2005 avec trois serotypes qui circulent mais principalement la dengue 2 (180/ 185 cas) puis DEN 3 (4 cas) et DEN 4 (1 cas). 73 patients ont et6 hospitalises dont 11 cas de DH (dont un cas de transmission mater- nofoetale probable) et 54 cas de dengue severes. Trois deces attri- hues & la dengue ont ete observes chez des enfants de 7 mois, 4 et 6 ans. (CIRE Antilles-Guyane, www.invs.sante.fr).

4 .2 . Les tes t s d i a g n o s t i q u e s d e la d e n g u e

Le diagnostic de la dengue est realise soit par RT-PCR/isolement viral avec possibilite de serotypage du virus, et ce dans les 5 jours suivant le debut des signes cliniques ou par serologie.

Une autre approche alternative consiste & detecter I'antigene viral comme le test NS1 utilisable dans les 5 jours suivant le debut de la fievre. L'evaluation de ce type de kit est en cours avec des resultats encourageants [4]. Suite & la RT-PCR, le sequen?age des souches est realise pour etudier les genotypes circulants et leur evolution. Les techniques de RT-PCR doivent faire I'objet de re-evaluations regulieres afin de couvrir la grande majorite des souches virales circulant dans le monde. II n'y a pas de test standard. Des tests en temps reel sont aussi developpes [5].

La serologie dengue est realisee par des tests commerciaux qui pre- sentent une sensibilite parfois trop importante a I'origine de faux posi- tifs en test IgM. Les reactions croisees avec d'autres flavivirus comme West Nile ou I'encephalite japonaise sont frequentes. Les reactions croisees en IgG sont systematiques au niveau des flavivirus. Des tests rapides de detection des IgM par immunochromatographie type ban- delette sont disponibles mais les resultats font apparaffre egalement de fausses positivites. En cas d'infection secondaire, I'apparition des IgM peut etre tres fugace. Seule I'augmentation importante des IgG permet alors d'etayer une infection dengue. Les tests de neutralisa- tion specifiques ne sent pas realises en pratique et il n'existe pas de standard international. Ceci est un handicap notamment dans I'eva- luation de vaccins. La prescription de diagnostic de dengue comme pour toute autre arbovirose dolt s'accompagner obligatoirement de la date de debut des sympt6mes et des pays et regions d'exposition potentielle dans les 3 semaines precedentes.

5. West Nile

West Nile, virus africain, est #. I'origine depuis quelques annees d'epi- demies et d'epizooties equines recurrentes dans le bassin mediter- raneen avec des atteintes neurologiques mortelles. Le cycle usuel de transmission fait intervenir des oiseaux sans manifestations cliniques majeures et plusieurs especes de moustiques principalement du genre Culex. En 1998, une souche virale a ete demontree responsable de mortalite chez des oiseaux sauvages et domestiques (oies) en Israel [20]. Uemergence d'un virus WN homologue a New York en juillet- aoOt1999 s'est traduite par une mortalite massive de diverses especes d'oiseaux comme les corbeaux ou les geais bleus ainsi que plus de 60 cas d'encephalites chez I'homme dont 7 deces initialement attri- bues a I'encephalite de Saint-Louis de par la parente antigenique. La similarite des souches WN israelienne de 1998 et celles de New York 1999 font penser a une introduction venant du Proche-Orient selon I'hypothese la plus probable mais le mode d'introduction reste une enigme. Le virus s'est rapidement propage & travers tousles I~tats-Unis mais aussi au Canada (provinces d'AIberta Ontario, Manitoba, et Saskatchewan). Les enquetes ont montre que plus de 75 O/o des infec-

tions sont asymptomatiques. Ainsi depuis 1999, le virus WN a infecte entre 1,5 & 3 millions de personnes dont plus de 8 000 cas d'ence- phalites et plus de 750 deces (moyenne d'&ge des deces > 70 arts) (www.cdc.gov). Des tableaux cliniques proches de ceux de paralysies flasques polio avec sequelles ont ete denombres plus particulierement chez des patients entre 30 et 60 ans. Les personnes &gees et les per- sonnes ayant reou une greffe d'organes sont les plus fragiles. L'apparition de cas de transmission par vole sanguine ou greffes d'or- ganes en 2002 a necessit6 de mettre en place rapidement un scree- ning systematique des dons de sang et de greffes (detection de genome viral des 2003). La viremie s'est averee de duree beaucoup plus Iongue qu'initialement appreciee. Neanmoins, les systemes de detection mis en place sont tres cot3teux et la detection par pools de serums a montre rapidement des limites de sensibilites avec des cas de transmissions rapportes en 2004 et 2005 [1].

Le virus a poursuivi sa progression en Amerique centrale, Cardlbe et Amerique du Sud (Colombie, Argentine), avec notification de tres rares cas d'encephalites chez I'homme ou les chevaux et sans mortalite aviaire notable [12, 16].

6. Surveillance des arboviroses en metropole

Un plan specifique a ete mis en place pour gerer le risque d'implan- tation du virus chikungunya et de la dengue. II vient en complemen- tarite avec le dispositif de declaration obligatoire de ces maladies en metropole (mai 2006). II comprend un protocole local de signalement et d'alerte dans le departement des AIpes-Maritimes et la Corse ou Aedes albopictus a ete detecte dans plusieurs communes du littoral. En periode d'activite vectorielle, la presence simultanee, de cas impor- tes viremiques de chikungunya ou de dengue et de ce vecteur, pour- rait induire une chafne de transmission locale et des cas autochtones. Le risque est minime mais ce plan permet le renforcement des sys- temes de surveillance entomologiques afin d'adapter la lutte anti-vec- torielle preventive [7]. IIs ont montre pour 2006 une extension vers Antibes et ont permis de preciser la zone d'infestation en Corse prin- cipalement autour de Bastia.

Une surveillance specifique a ete mise en place pour West Nile depuis la reapparition du virus (epizootie equine) en Camargue en 2000. Elle associe les ministeres de la Sante, de I 'Agriculture et de I'Environnement. Entre juin et octobre, la circulation du virus est recher- chee au niveau du cycle primaire chez des oiseaux sentinelles repar- tis dans cinq departements du littoral mediterraneen. En parallele, I'ap- parition de formes neurologiques chez I'homme et le cheval font aussi I'objet d'une surveillance specifique. Sept cas cliniques ont ete rap- portes en 2003 dont quatre cas d'atteintes neurologiques [3]. La sero- conversion observee chez des oiseaux sentinelles des juillet-ao~3t 2004 dans les Bouches-du-Rh6ne a precede I'apparition de cas cliniques equins [9]. L'impact de WN en France reste jusqu'a present limite ; la circulation est cantonnee aux regions littorales. Cinq cas equins ont ete diagnostiques en septembre-octobre 2006 dans les Pyrenees- Orientales. Aucun cas humain n'a ete rapporte ni aucune mortalite aviaire specifique durant cette periode.

En France metropolitaine, d'autres arboviroses sont presentes comme Toscana (Phlebovirus, famille des Bunyaviridae), responsable de meningo-encephalites en zone mediterraneenne. Quelques cas sont rapportes chaque annee en ete au decours de la surveillance WN prin- cipalement dans le Var et les Bouches-du-Rh6ne. Uencephalite b, tiques (Flavivirus) tres repandue en Europe centrale mais aussi en Allemagne, Suisse, Slovenie, Italie... est endemique en Alsace-Lorraine. D'autres arbovirus comme Sindbis ou Tahyna ne sont recherchees que tres occasionnellement [8].

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