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Choix de poèmes de Daniel Villaperla Période du 01-04 au 30-06- 2009 (N°40) Attendez que la musique de Mozart démarre et prenez le temps d’apprécier les textes poétiques que vous aimez dans cette sélection… Les diapositives changent au clic de

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Choix de poèmes de Daniel Villaperla

Période du 01-04 au 30-06-2009 (N°40)

Attendez que la musique de Mozart démarre et prenez le temps d’apprécier les textes poétiques que vous

aimez dans cette sélection…

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Du fond de mon cœur des larmes me viennentSi je pense, Amour, à ma maîtresse;Elle n'est qu'une enfant que je trouvai ainsiPâle, immaculée au fond d'un bordel. Ce n'est qu'une enfant, blonde rieuse et triste.Elle ne sourit pas et ne pleure jamais;Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boireTremble un doux Lys d'argent, la fleur du poète. Elle est douce et muette, sans aucun reproche, Avec un long tressaillement à votre approche;Mais quand moi je lui viens, de ci, de là, de fête,Elle fait un pas, puis ferme les yeux- et fait un pas.Car elle est mon amour et les autres femmesN'ont que des robes d'or sur de grands corps de flammes, Ma pauvre amie est si esseulée,Elle est toute nue, n'a pas de corps -elle est trop pauvre. Elle n'est qu'une fleur candide, fluette,La fleur du poète, un pauvre lys d'argent, Tout froid, tout seul, et déjà si fané‚Que les larmes me viennent si je pense à son cœur.Et cette nuit est pareille à cent mille autres quand un train file dans la nuit-Les comètes tombent-Et que l'homme et la femme, même jeunes, s'amusent à faire l'amour.

 La Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de

FranceBlaise Cendrars

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Le ciel est comme la tente déchirée d'un cirque pauvre dans un petit village de pêcheurs En FlandresLe soleil est un fumeux quinquetEt tout au haut d'un trapèze une femme fait la lune.La clarinette le piston une flûte aigre et un mauvais tambourEt voici mon berceauMon berceauIl était toujours près du piano quand ma mère comme madame Bovary jouait les sonates de BeethovenJ'ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de BabyloneEt l'école buissonnière dans les gares, devant les trains en partanceMaintenant, j'ai fait courir tous les trains derrière moiBâle-TombouctouJ'ai aussi joué aux courses à Auteuil et à LongchampParis New YorkMaintenant j'ai fait courir tous les trains tout le long de ma vieMadrid-StokholmEt j'ai perdu tous mes parisIl n'y a plus que la Patagonie, la Patagonie qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du SudJe suis en routeJ'ai toujours été en routeLe train fait un saut périlleux et retombe sur toutes ses rouesLe train retombe sur ses rouesLe train retombe toujours sur toutes ses roues"Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre?"

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Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept joursTu es loin de Montmartre, de la Butte qui t'a nourrie, du Sacré Cœur contre lequel tu t'es blottieParis a disparu et son énorme flambéeIl n'y a plus que les cendres continuesLa pluie qui tombeLa tourbe qui se gonfleLa Sibérie qui tourneLes lourdes nappes de neige qui remontentEt le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l'air bleui Le train palpite au cœur des horizons plombésEt ton chagrin ricane... "Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?« ………………………………………………………..Ce soir un grand amour me tourmenteEt malgré moi je pense à la petite Jehanne de France.C'est par un soir de tristesse que j'ai écrit ce poème en son honneurJeanneLa petite prostituéeJe suis triste je suis tristeJ'irai au Lapin Agile me ressouvenir de ma jeunesse perdueEt boire des petits verresPuis je rentrerai seul

Photos: benjamin_mercadier

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Giuseppe Ungaretti J'ai tout perdu 

J’ai tout perdu de l’enfance, Jamais plus je ne pourrai Perdre mémoire à crier.   L’enfance, je l’ai enfouie Au fond des nuits. A présent, lame invisible, Elle me coupe de tout.  Je me souviens comment j’exultais de t’aimer, A présent je suis perdu Dans l’illimité des nuits. Désespoir incessant, croissant, La vie ne m’est plus rien, En travers de la gorge, Qu’un roc de cris.

Photo:Ailime_Ael

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Quêtes absurdes Je l’ai cherché Dans la ronde vive Des amours adolescentesDe fêtes futiles et scintillantes En soirées bruyantes Naïve ou lasciveD’alcool aux lourdes vapeurs Entêtantes, j’ai noyé mes peursPour tromper mon cœur Je l’ai adoréDans le regard sombre D’un autre amour ambigu Au code de la décence tenu… Étouffé de mots tus À vivre dans l’ombre De son émoi hésitant Otage soumise de son tourmentJ’ai dormi longtemps Je l’ai cherché encore Au oui solennel L’anneau d’or qui étincelle D’illusoires promesses éternelles Au pied d’un autel Dans l’union fidèle À bâtir des remparts Jusqu’à ce que l’ennui nous sépareMais toujours trop tard Hélas… il m’a trouvée. Maria

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Petite Nymphe folâtre, Nymphette que j’idolâtre, Ma mignonne, dont les yeux Logent mon pis et mon mieux Ma doucette, ma sucrée, Ma Grâce, ma Cythérée, Tu me dois pour m’apaiser Mille fois le jour baiser. Tu m’en dois au matin trente, Puis après dîner cinquante, Et puis vingt après souper.Eh quoi ? Me veux-tu tromper ? Avance mes quartiers, belle, Ma tourte, ma colombelle Avance-moi les quartiers De mes paiements tout entiers. Demeure ! Où fuis-tu, Maîtresse Le désir qui trop me presse, Ne saurait arrêter tant, S’il n’est payé tout comptant. Reviens, reviens, mignonnette, Mon doux miel, ma violette, Mon œil, mon cœur, mes amours, Ma cruelle, qui toujours Trouves quelque mignardise, Qui d’une douce feintise Peu à peu mes forces fond, Comme on voit dessus un mont S’écouler la neige blanche,

Pierre de Ronsard Les amours diverses

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Ou comme la rose franche Perd le vermeil de son teint Des rais du Soleil éteint. Où fuis-tu, mon Angelette, Ma vie, mon âmelette ? Apaise un peu ton courroux, Assy-toi sur mes genoux, Et de cent baisers apaiseDe mon cœur la chaude braise. Donne-moi bec contre bec, Or’ un moite, ores un sec, Or’ un babillard, et ores Un qui soit plus long encores Que ceux des pigeons mignards Couple à couple frétillards. Ah Dieu ! ma douce guerrière, Tire un peu ta bouche arrière Le dernier baiser donné A tellement étonnéDe mille douceurs ma vie, Que du sein me l’a ravie, Et m’a fait voir à demi Le Nautonier ennemi,Et les plaines où Catulle, Et les rives où Tibulle, Pas à pas se promenant, Vont encore maintenantDe leurs bouchettes blêmies Rebaisotant leurs amies. Photo:brightgirl

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Je n’ai pas d’autre ami que toi, où pourrais-je aller loin de ta porte. ?

J’ai reçu tes bienfaits, je te donne mon âme tout entière. Que tu m’envoies dans la nuit ou dans

la clarté, j’irai volontiers.Je ne m’écarterai plus de tes ordres, je te

sacrifierai et ma tête et mon sang. Si tu me regardes avec douceur, pourquoi

craindrais-je l’Adversaire ?Par ta force, je vaincrai ceux qui constamment

sont vainqueurs de moiSi tu m’entoures d’une haie dans ta vigne, je

serai sans souci du maraudeur.Je n’ai que toi pour vigneron : si tu me laisses

privée de tes soins, je me dessèche. Plante-moi dans une bonne terre, pour que je

prenne de fortes racinesFais frissonner sur moi la brise printanière,

pour que je m’épanouisseÉmonde-moi et plante-moi tout au.fond, pour

que je me réveille et me renouvelle. Répands ton eau vivante sur les rameaux de

mon cœur pour que leur dureté passe Répands-la en ruisseaux abondants afin que je

connaisse la reverdie, la nouvelle jeunesse. Ne me laisse pas me nouer sans feuilles et sans fleurs, Nourris-moi pour qu’à l’heure venue je

te donne mes fruits. Seigneur, épanche ta rosée pour que mes fruits soient délectables.

Irik Prière

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 MotsOù le cœur de l’homme se reflétait- Nu et surpris – aux origines ; je chercheAu monde un coin perdu, l’oasis propiceA vous laver par mes pleursDu mensonge qui vous aveugle. Alors Fondrait aussi la masse des souvenirsEffrayants, comme neige au soleil.

Umberto Saba - Mots

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Page froissée

C’était comme un papier Qu’elle avait froisséMis en boule En un bref frémissementPresque jeté Puis repris avec émotionDéplié, aplati Car c’était sa vie Elle n’en avait pas d’autreSa feuille Plus blanche mais prête encore A l’écritureEt elle tenta pied à pied D’en aplanir les boursoufluresSa feuille Un papier froisséLa mer aussi avait ses séparures Ses craquelures recommencéesSes éclats de voix Ses grondements de cœurLa mer neuve, toujours Et vive La mer et ses divines rives

Odile Rougé

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Un homme désire une bouche comme un voilier l’anse du port. Mais à l’instant qu’elle le touche

cet homme la désire encor.Il peut s’en plaire davantage.

Il peut aussi se lamenterque, toujours, le glaive partage

La définitive unité.Il proteste pour un losange de lui hors d’elle suspendu.

Mais mangé par le doux mélange et jusqu’aux sommets descendu

Dans la belle outre il se tourmente encore : « Dans toi je me perds.

Je te redoute la charmantebouche des voraces enfers.

Tes anémones me disloquent.Ta robe en chair a des boutons.

Je les froisse. Nos dents se choquent. Tigres de miel, nous nous battons.

Éparse avec la tienne, et contre elle, ma substance me fuit

quand le noir poignard sur la montre marque midi. Midi? Minuit.

Ton algue si bien se démembre que je me blâme de n’avoir

d’autre cœur que celui du monstre, nous deux, que je n’ose entrevoir.

Suite…

Le désir de l’homme Jacques Audiberti

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Amie, ah ! pour nous reconnaître dans l’herbe où je grouille avec toi,

quel serpent doit-il ne plus être si nul serpent n’est le plus froid? Si chair identique nous sommes, qu’un même tremblement durcit,

si nous recommençons les hommes, tous, toutes les femmes aussi,

que reste-t-il, ô figue rose,de l’autre, quand l’autre le prend?

L’échange consenti compose le bloc le plus indifférent. »

La femme dit : « Que puis -je.faire ? Dois-je mourir, os de mon doigt?

me défaire pour te refaire,pour qu’enfin tu dises : « Pour moi,c’est pour moi que la pauvre caille

meurt dans le canot de mes bras, pour moi que le masque s’écaille, que tombent les gants et les bas...

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« — Même si tu mourais, pervenche, oui, même si tu meurs, la mort

n’étant, dans ce monde qui penche, qu’un peu plus de bande à bâbord,

même si tu meurs, déchirée ta tendresse par le milieu,

toi qui m’as profonde livrée la passive image de Dieu,

puisque Dieu consentit, nature ! être ici ta bouche, ta main,

l’anthropophage architecturede ton corps, qui songe le mien,

je doute... M’aimes-tu moi-même ou bien m’aimes-tu même moi,

l’anonyme, le cent millième, le fleuve où toute bête boit ?Murène au brillant diadème

tu m’aimes ton profond surcroît Comme peux-tu dire : « Je t’aime » ?

Nul n’est lui. Chacun se reçoit.« — Que dois-je découdre ou répondre

pour que roi tu te sentes toi ?« — Oui, je suis roi, jusqu’à me fondre

dans le crabe et le cacatoi ! Suite…

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Qu’enfin tu me prouves, écarlate tombe de mon sort le plus droit fleur qui flatte mais qui frelate

le rigide sentier du roi !que c’est moi, que c’est mieux que l’arbre

de soufre, le brou-re du dos,mieux que le trijumeau de marbre

et le soleil des animaux,que c’est moi que tu désaltères

aux calebasses de satin,moi, donc, et non l’élémentaire,

le corps, ce pendu qui me tient.« — Tu me piétines. Tu me manges.

Mais tu m’aimes ! Confesse-t’en ! Ah ! Si nous étions des archanges,

si nous étions, nous évitant,des poissons aux pures espèces

je saurais peut-être comment, toi, mon amant, qui me dépèces,

t’aimer sans aimer mon amant,t’aimer, quel deuil ! sans que je t’aime, t’aimer, quel ,froid ! hors de ton corps

jusqu’à te blesser, quel blasphème jusqu’à te laisser, quel remords ! »

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Quand vois l’aube du jour venir Nulle rien ne dois tant haïr Qu’elle fait de moi départir Mon ami que j’aime d’amour. Or ne hais rien tant que le jour, Ami, qui me départ de vous.Je ne vous puis de jour venir, Car trop redoute l’apercevoir,Et si vous dis trestout pour vrai Qu’en aguet sont les envieux.Or ne hais rien tant que le jour, Ami, qui me départ de vous.Quand je me gis dedans mon lit Et je regarde en côté moi,Je n’y trouve point mon amiSi m’en plains à fins amoureux. Or ne hais rien tant que le jour, Ami, qui me départ de vous.Beau doux ami, vous en irez :A Dieu soit vos corps commandé. Par Dieu vous prie, ne m’oubliez Je n’aime nul autant que vous ; Or ne hais rien tant que le jour, Ami, qui me départ de vous.Or prie à tous les vrais amants Cette chanson aillent chantant Ainsi en dépit de médisants Et de mauvais maris jaloux.Or ne hais rien tant que le jour, Ami, qui me départ de vous.

 Aube Gace BruléPhoto:arachnid15

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Fernando Pessoa Si après ma mort Si après ma mort, vous voulez écrire ma biographie,  Rien de plus simple.  Elle n’a que deux dates – celle de ma venue au monde et celle de ma mort. Entre une chose et l’autre tous les jours sont à moi. Je suis facile à définir J’ai vu comme un damné. J’ai aimé les choses sans la moindre sentimentalité.  Je n’ai jamais eu de désir que je ne puisse réaliser parce que je n’ai jamais perdu la vue. Même entendre n’a jamais été pour moi qu’un accompagnement de voir. J’ai compris que les choses sont réelles et toutes différentes le unes des autres ; J’ai compris ça avec les yeux, jamais avec la pensée. Comprendre ça avec la pensée serait les trouver toutes semblables. Un jour le sommeil m’a pris comme n’importe quel enfant. J’ai fermé les yeux et je me suis endormi. A part ça, j’ai été l’unique poète de la Nature.

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Le lac de Lucerne   Comme ces nuits sans sommeil En alerte d'amour et d'émotionEperdue de fatigue. Une nuit grand voyage, à Lucerne ou au CaireEn partance, ton souffle dans mon cou.Ton souffle dans mon cou et ton cil sur ma joue.Aussi belles, aussi fortes, aussi floues,Deux nuits sur ce lac d'insomnie.

Chantal Cudel

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Remy Belleau Ha !Mon cœur

Ha ! mon cœur, que je vis heureux Maintenant que je suis amoureux Ha ! belle nuit entre les belles, Si souvent j’en avais de telles. Je ne voudrais pas être Dieu ! Tantôt, nous nous fâchons ensemble, Tantôt, un baiser nous rassemble Doucement, puis ce boutefeu Amour, entre deux bouches closes Invente mille douces choses Pour vous en donner à choisir Sa flamme n’étant paresseuse En la passion on amoureuseD’allumer un nouveau plaisir.

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Tantôt, nous luttons bras à bras Dessus le lit entre les draps, Tantôt nue me veut combattre Avesques son tétin d’albâtre,Me pressant le ventre et le flanc Puis faisant tantôt la farouche,S’enfuit, me dresse une escarmouche Et se couvre d’un linge blanc, Ou du drap, ou de sa chemise, Pour retarder mon entreprise, Et me fait retirer honteux, Ne voulant pas que je l’approche, Ferme tout aussi qu’une roche Encontre les flots écumeux.Comblé de plaisir, je m’endors. Elle, aussitôt, dessus les bords De mes lèvres, se vient étendre, Moi sentant de sa bouche tendre Mille petits baisers mignards, Le bout de sa lèvre mignotte Coulevrant, qui flotte et reflotte, Deçà, delà, de toutes parts. Je meurs, si mon âme atteinte De trop de plaisir s’est contrainte Laisser ce corps, puis sur son sein Penché tout transi je soupire.

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 Sous l’ombre de leurs cils Soulevés par les songes Les amants se rendorment Et lisent dans la chambre L’araignée du balconTisse un rayon de lune Les amants lisent Le livre qu’ils écrivent Le vent s’effeuille Un dahlia blêmit Les amants se rendorment Et rêvent dans leurs bras.

Fouad El-Etr - Sous l'ombre de leurs cils

Photo:Pichy

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Au fond de mon jardin Sous le regard discret d'un sapin parasol Parmi les herbes gaies parmi les herbes folles

J'ai enfoui mon chagrin J'ai mis sécher aux voltiges du vent Sur la corde du

temps Tes combats et tes guerres Les larmes de ma peine J'ai placé en secret

À l'abri cachés dans un coffret Nos instants enrubannés de bonheur et

de joie Le souvenir de nous, le souvenir de toi Mon cœur tremblant

un peu Je me suis enveloppée dans la chaleur du feu Caressée et bercée par

la tendresse des flammes Je me suis sentie mieux Entraînée plus loin vers

une douce torpeur Les paupières alourdies je me suis endormie À mon

réveil la nuit était venue La lune me souriait la paix m'était rendue

MarybéAu fond de mon jardin

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Là où, comme un oreiller sur un lit, S’enflait un talus fertile pour soutenir Le front penché de la violette,Nous étions assis côte à côte,Trésor inestimable l’un pour l’autre. Nos mains étaient étroitement scelléesPar un baume puissant qui d’elles-mêmes émanait, Et nos regards, en s’enroulant ensemble, Formaient un ,fil uniqueSur lequel étaient enfilés nos yeux. Entregreffer ainsi nos mains, pour le moment, Était notre seule façon de nous unir, Faire naître dans les yeux l’un de l’autre De petits personnagesNotre seule façon de procréer.Comme entre deux armées d’égale force Le Destin suspend une victoire incertaine, Nos âmes (qui pour défendre leur causeAvaient quitté nos corps) planaient entre elle et moi. Et, tandis que nos âmes négociaient là,Nous étions comme deux gisants sur un sépulcre. Tout le jour notre posture resta la même Et nous ne dîmes mot de tout le jour.

L’Extase John Donne

Suite…

Photo:Unrawel

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Et, si quelqu’un d’assez affiné par l’amour Pour comprendre le langage des âmes Et être devenu, par vertueux amour, Pur esprit, s’était trouvé à bonne portée,(Même sans savoir laquelle des deux âmes parlait,Car toutes deux pensaient et toutes deux parlaient de même) Il aurait pu en retirer maturitéEt partir de là plus pur qu’il n’était venu. Cette extase nous tire de notre embarras, Disions-nous, et nous montre ce que nous aimons Nous voyons que ce n’était rien de sexuel,Et nous voyons que nous ne voyions pas ce que c’était Mais, comme chaque âme prise se séparément Contient un mélange de choses inconnues,L’amour mêle à nouveau ces âmes mélangées, De deux en fait une, chacune étant les deux. Transplantez une violette,La vigueur, la couleur, la taille(Qui jusque-là étaient médiocres et chétives) Doublent et redoublent et se multiplient.Quand l’amour fait que deux âmes s’interaniment De la sorte, l’âme plus forte qui naît d’elles Surmonte les défauts de chaque âme isolée.Nous donc, qui sommes cette âme nouvelle,Savons de quoi nous sommes composés de faits, Car les éléments qui nous forment sont des âmes Et rien ne les pourra jamais changerMais, hélas, pourquoi pendant si longtemps Oublions-nous ainsi nos corps? Suite…Photo:graphixgrl

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Ils sont nôtres, bien qu’ils ne soient pas nous.Nous sommes les esprits dont ils sont, eux, la sphère. Nous leur devons beaucoup puisque c’est eux d’abord Qui nous ont à nous-mêmes révélés,Et qu’ils nous ont donné leurs forces et les sens. Ils ne sont pas rebut pour nous, mais alliage. L’influence des astres n’agit sur les hommesQu’après avoir d’abord mis sa marque sur l’air, De même l’âme ne peut couler dans une âme Qu’après être passée par le chemin du corps. De même que le sang peine pour engendrerDes esprits aussi semblables à des âmes qu’il sepeut, Parce qu’il faut de tels doigts pour nouerLe nœud subtil qui nous fait hommes,De même faut-il que l’âme des purs amantsDescende à des passions, à des affectionsQui soient à la portée des sens.Sinon, un grand Prince demeure prisonnier. Retournons donc à nos corps pour que, de la sorte, L’amour soit révélé à de faibles humains.Les mystères de l’amour croissent dans les âmes, C’est pourtant dans le corps que se trouve son livre Et, si quelque amant, comme nous,A écouté ce dialogue d’un seul,Qu’il nous observe bien : il ne verraPresque aucun changementQuand nous serons retournés à nos corps.

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Paul Eluard - Certitude Si je te parle c’est pour mieux t’entendre Si je t’entends je suis de te comprendre Si tu souris c’est pour mieux m’envahir Si tu souris je vois le monde entier Si je t’étreins c’est pour me continuer Si nous vivons tout sera à plaisir Si je te quitte nous nous souviendronsEt nous quittant nous nous retrouverons.

Photo:MY_EKPHRASIS

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Le jardin de mon irréalité  

 Entre dans le jardin de mon irréalité, viens me consoler sous le saule et m'offrir tes pensées, viens rire sur les rimes des rosiers, faire une devinette sur la violette ou chercher des vers dans le pommier ; mais ne camoufle pas tes sentiments devant les camélias et attention, ne fais pas de l'oeil à l'oeillet, tu es à moi, donc enchaînons-nous au chêne avec le pois de senteur, et moquons-nous des marguerites effeuillées puis glissons-nous sous les grappes de la glycine et tu effleureras mes lèvres lys comme les pétales des tulipes.

Alice Lamy

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Anne qui se mélange au drap pâle et délaisse Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts

Mire ses bras lointains tournés avec mollesse Sur la peau sans couleur du ventre découvert.

Elle vide, elle enfle d’ombre sa gorge lente,Et comme un souvenir pressant ses propres chairs,

Une bouche brisée et pleine d’eau brûlante Roule le goût immense et le reflet des mers.

Enfin désemparée et libre d’être fraîche,La dormeuse déserte aux touffes de couleur

Flotte sur son lit blême, et d’une lèvre sèche Tète dans la ténèbre un souffle amer de fleur.Et sur le linge où l’aube insensible se plisse,

Tombe, d’un bras de glace effleuré de carmin, Toute une main défaite et perdant le délice

A travers ses doigts nus dénoués de l’humain.Au hasard ! A jamais, dans le sommeil sans hommes,

Pur des tristes éclairs de leurs embrassements, Elle laisse rouler les grappes et les pommes

Puissantes, qui pendaient aux treilles d’ossement,Qui riaient, dans leur ambre appelant les vendanges,

Et dont le nombre d’or de riches mouvements Invoquait la vigueur et les gestes étranges

Que pour tuer l’amour inventent les amants...Suite…

Anne Paul Valéry

Photo:amiyaz

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Sur toi, quand le regard de leurs âmes s’égare, Leur cœur bouleversé change comme leurs voix,

Car les tendres apprêts de leur festin barbareHâtent les chiens ardents qui tremblent dans ces rois...

A peine effleurent-ils de doigts errants ta vie, Tout leur sang les accable aussi lourd que la mer

Et quelque violence aux abîmes ravieJette ces blancs nageurs sur tes roches de chair.

Récifs délicieux, Ile toute prochaine,Terre tendre, promise aux démons apaisés,

L’amour t’aborde, armé des regards de la haine, Pour combattre dans l’ombre une hydre de baisers

Ah ! plus nue et qu’imprègne une prochaine aurore, Si l’or triste interroge un tiède contour,

Rentre au plus pur de l’ombre où le Même s’ignore, Et te fais un vain marbre ébauché par le jour

Laisse au pâle rayon ta lèvre violéeMordre dans un sourire un long germe de pleur,

Masque d’âme au sommeil à jamais immolée Sur qui la paix soudaine a surpris la douleur

Plus jamais redorant tes ombres satinées,La vieille aux doigts de feu qui fendent les volets

Ne viendra t’arracher aux grasses matinées Et rendre au mouvement tes bruyants bracelets...

Mais suave, de l’arbre extérieur, la palme Vaporeuse remue au-delà du remords,

Et dans le feu, parmi trois feuilles, l’oiseau calme Commence le chant seul qui réprime les morts.

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Compagne d'aujourd'huiAlfonso Costafreda  

Compagne d’aujourd’hui, je ne veux D’autre vérité que la tienne, vivre Où tes yeux s’ouvriront, Offrant ta lumière, ton flux à ce que je vois et sens…   Dénouer cette pelote Obscure de la peur, Retrouver l’objet perdu, Briser la voix du songe…   Et lentement, Réapprendre à vivre, Encore et encoreComme une matinée Chargée de richesse.

Photo:cellists

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 Auprès de toi Mon cœur s'est réchauffé,Mon âme s'est égayée, Mon esprit s'est reposé.Auprès de toi Mon être s'est confié,Mon corps s'est révélé, Ma tendresse s'est dévoilée.Auprès de toi Mes yeux ont brillé,Mon sourire s'est éveillé,Ma douceur a éclaté.Auprès de toi J'ai vécu l'amitié,J'ai connu l'amour, J'ai ressenti le bonheur.

Auprès de toi de Michelle Juaire

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Properce0 nuit éblouissante 0 comble de bonheur, ô nuit éblouissante, ô toi, couche que mon délice a faite bienheureuse ! Que de mots échangés à la lumière de la lampe La lumière enlevée, quelle amoureuse rixe ! Tantôt elle luttait contre moi à seins découverts et tantôt m’attardait en vêtant sa tunique !Elle ouvrait d’un baiser mes yeux chavirés de sommeil « Eh quoi ! grand paresseux, l’on dort ! » me disait-elle. Combien nos bras noués ont d’étreintes changé ! combien sur ses lèvres se sont les miennes attardées ! Hélas ! c’est profaner Vénus que s’ébattre à l’aveugle ne sais-tu que les yeux sont en amour nos guides ? Gare ! Dans ton entêtement à coucher habillée, ta toilette et ton corps éprouveront mes mains Même, pour peu que plus avant m’emporte la colère, Tu produiras des bras maltraités à ta mère ! Tant que faire se peut, emplissons nos regards d’amour la longue nuit s’en vient qui n’aura pas d’aurore.

Photo:for_waver

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Clara Janés Patiente j'attendrai 

Patiente j’attendrai, Guettant, comme un chien, le moment. Ou je m’enfoncerai dans la forêt de tes vers Et me fraierai lentement un chemin A travers d’occultes sentiers, A travers des petits recoinsQue tu as laissés entrouverts.

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 A tourner, lever, tomber les talons sur leurs aiguilles

piétinant les secondes le cri aux heuressecouées, enfoncées temps d'hommes

balanciers de désirs volatiles nids de coucousjetant la minute consommée écarte les jambes à minuit

les aiguilles à douze coups remontent la boîte à vivrecraque en mille nuits pour que vienne le jour mille silences de femme

Louve Mathieu Quelle heure est-elle ?

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Jean-Antoine de BAÏF

L’âme en l’âme mêlée

Ô doux plaisir plein de doux pensementÔ doux plaisir plein de doux pensement,

Quand la douceur de la douce meslée,Etreint et joint, l’ame en l’ame mellée,

Le corps au corps accouplé doucement. 

Ô douce mort ! ô doux trepassement !Mon ame alors de grand’joye troublée,

De moy dans toy s’ecoulant a l’emblée,Puis haut, puis bas, quiert son ravissement.

 Quand nous ardentz, Meline, d’amour forte,

Moy d’estre en toy, toy d’en toy tout me prendre,Par celle part, qui dans toy entre plus,

 Tu la reçoys, moy restant masse morte :

Puis vient ta bouche en ma bouche la rendre,Me ranimant tous mes membres perclus.

Photo:harmonyzz

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Clara Janés Je demande Prisonnière d’une paniqueinsurmontable et bien que sachant les rêves inutiles, depuis cette prison à tortures qu’est la vie, je demande l’autonomie totale de l’homme et le droit de ne justifier en aucune façon son existence.

Photo:SacredMind

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Le ciel est bleu et sans nuages ; Le soleil frappe les murs blancsD'un éclat neuf, réjouissant ; Dans l'air frais courent des messages.Moi je regarde et je respire Cette vigueur de renouveau ;La ville rit dans son berceau Que caresse un joyeux zéphir.Que fais-tu à cette heure du jour, Toi que j'aime peut-être trop tard ?Pourrai-je combler ce retard En te déclarant mon amour ?Le sais-tu quand je songe à toi ? Entends-tu la voix de mon coeurTe parler dans sa pure ardeur T'inviter à venir à moi ?

Nadeige BajzikLe ciel est bleu

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Il est passé ce moment des plaisirsDont la vitesse a trompé mes désirs;Il est passé; ma jeune et tendre amie,Ta jouissance a doublé mon bonheur.Ouvre tes yeux noyés dans la langueur,Et qu’un baiser te rappelle à la vie. Celui-là seul connoît la volupté,Celui-là seul sentira son ivresse,Qui peut enfin avec sécuritéSur le duvet posséder sa maîtresse.Le souvenir des obstacles passésDonne au présent une douceur nouvelle;A ses regards son amante est plus belle;Tous les attraits sont vus et caressés.Avec lenteur sa main voluptueuseD’un sein de neige entr’ouvre la prison,Et de la rose il baise le boutonQui se durcit sous sa bouche amoureuse.Lorsque ses doigts égarés sur les lisViennent enfin au temple de Cypris,De la pudeur prévenant la défense,Par un baiser il la force au silence.Il donne un frein aux aveugles désirs;La jouissance est longtemps différée;Il la prolonge, et son âme enivréeBoit lentement la coupe des plaisirs.Suite…

Evariste De Parny - Délire

Photo:atomjell

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Éléonore, amante fortunée,Reste à jamais dans mes bras enchaînée.

Trouble charmant! le bonheur qui n’est plusD’un nouveau rouge a coloré ta joue;

De tes cheveux le ruban se dénoue,Et du corset les liens sont rompus.Ah! garde-toi de ressaisir encore 

Ce vêtement qu’ont dérangé nos jeux;Ne m’ôte point ces charmes que j’adore,

Et qu’à la fois tous mes sens soient heureux!Nous sommes seuls, je désire, et tu m’aimes

Reste sans voile, ô fille des Amours!Ne rougis point; les Grâces elles-mêmesDe ce beau corps ont formé les contours

Par-tout mes yeux reconnoissent l’albâtre,Par-tout mes doigts effleurent le satin.

Foible pudeur, tu résistes en vain,Des voluptés, je baise le théâtre.Pardonne tout, et ne refuse rien,

Éléonore; amour est mon complice.Mon corps frissonne en s’approchant du tien.

Plus près encor, je sens avec déliceTon sein brûlant palpiter sous le mien.

Ah! laisse-moi, dans mes transports avides,Boire L’amour sur tes lèvres humides.

Oui, ton haleine a coulé dans mon coeur,Des voluptés elle y porte la flamme;Objet charmant de ma tendre fureur,

Dans ce baiser reçois toute mon âme. Suite…Photo:atomjell

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A ces transports succède la douceurD’un long repos. Délicieux silence,Calme des sens, nouvelle jouissance,Vous donnez seuls le suprême bonheur! Puissent ainsi s’écouler nos journéesAux voluptés en secret destinées!Qu’un long amour m’assure tes attraits;Qu’un long baiser nous unisse à jamais.Laisse gronder la sagesse ennemie;Le plaisir seul donne un prix à la vie.Plaisirs, transports, doux présents de Vénus,Il faut mourir quand on vous a perdus !

Photo:atomjell

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Luis Camões De mon état je suis si incertain De mon état je suis si incertain Que consumé d’ardeur je suis tremblant de froid ; Et sans motif je pleure et je ris à la fois, J’embrasse l’univers et j’étreins le néant .   Tout ce que je ressens est une confusion ; Un feu sort de mon âme, un fleuve de mes yeux Tantôt j’espère et tantôt j’ai des doutes, Tantôt je déraisonne et tantôt je vois clair.   Je suis sur terre et je m’envole au Ciel,Je découvre en une heure mille années, Et en mille ans puis trouver une heure.  Si quelqu’un veut savoir pourquoi je suis ainsi, Je dis que je l’ignore ; et pourtant je soupçonne, Madame, que ce n’est que pour vous avoir vue.

Photo:MartaSonija

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Ghislaine Renard Tourbillons  

Tu crois m’impressionner M’intimiderMe pétrir de ta force, Mais c’est de moi que j’ai peurDe l’inconnu qui gronde Déferle au plus profondDe mes torrents intimes, Dangereux précipice.J’ai peur de m’engloutir Et j’ai envie de fuirVers le rivage paisible Rassurant De la tendresse apprivoiséeFamilière. J’ai peur d’avoir trop mal.

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Rémy Belleau Le Corail

Donc c’est toi, bouche cousine De cette branche Coraline,

Qui me commandes la vanter. Las! serai-je toujours esclave Brûlant sous ta parole grave

D’un feu qui ne peut s’alenter ? Ell’ naît en rameaux verdissante,

Dessous l’écume blanchissante Ou contre le roc qu’elle suit,

Ou choisit sa terre propiceSur la rive, maigre nourrice

Puis ayant passé sa jeunesse Courbe déchoit en sa vieillesse,

Tête et racine pourrissant,Comme les corps de toutes choses Qui sont dedans la terre encloses, Dont l’humeur les va nourrissant.

 Confite en cette pourriture, Mourant, bâtit sa sépulture

Molle, glissante au fond des eaux, Mais trois fois heureuse demeure

Qui fait que jamais ne se meure Le sang pourpré de ses rameaux.

Suite…

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 Car sitôt que le ciel s’irrite, Et la mer aigrement dépiteCave les flancs des rochers durs, Cette herbe aux rives écoulée, Dessous une écume mêlée, Emprunte du ciel ses couleurs 0 seigneur, que tu nous découvres De grands secrets, voyant ces œuvres Petit ouvrage de tes mains : Voyez comme une herbe flétrie, Au ,fond de l’eau toute pourrie, Se fait un miracle aux humains. Ce n’est pas la force épanchée Du sang de la tête tranchée De Méduse, qui l’arrosa,Quand Persée aux rives ondoyantes, Sur un lit d’herbes verdoyantes Encore tremblante la posa. Suite…

Photo!devoshun

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C’est le Corail de ma maîtresse Qui tient plutôt de la rudesse

Du sang de ce monstre hideuxCar tant soit peu qu’ell’ le desserre

Pour soupirer, elle m’empierre, Restant muet devant ses yeux.

Doncques, ô branche Coraline, Puisque tu portes médecine

De quelque rafraîchissement,Apaise l’amoureuse flamme

Qui me va brûlant jusqu’à l’âme Par je ne sais quel enchantement.

 Étanche la plaie coulante

Qu’Amour de sa darde volante M’a ,faite au branle de sa main

Et d’un or fin bien enchâssée, D’un cordon de soie enlacée,

Je t’aurai toujours dans mon sein.

Photo:devoshun

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Constance de Salm Lettre XXXVIII de "Vingt-quatre heures d'une femme sensible » 

 L’amour ! … Qu’est-ce que l’amour ? … Un caprice, une fantaisie, une surprise du cœur, peut être des sens ; un charme qui se répand sur les yeux, qui les fascine, qui s’attache aux traits, aux formes, aux vêtement même d’un être que le hasard seul nous fait rencontrer. Ne le rencontrons-nous pas ? Rien ne nous en avertit, ne nous trouble… nus continuons de vivre, d’exister, de chercher des plaisirs, d’en trouver, de poursuivre notre carrière comme si rien ne nous manquait ! … L’amour n’est donc pas une condition inévitable de la vie, il n’en est qu’une circonstance, un désordre, une époque … que dis-je ? un malheur ! une crise… une crise terrible… elle passe, et voilà tout.

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LuceNostalgie

Nostalgie, tu es là ui nous attends au tournant,toujours à l'affût d'une lézarde,tu te dilates dans les pensées, serres de près les cœurs,ranimes les soupirs, veilles les rêves,tu te faufiles et tu t'étends dans l'esprit qui se relâche,cueilles chaque instant de redditionpour te répandre dans l'âme, nostalgie, tu vis en nous et pour nous.

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Je n’aime pas dormir quand ta figure habite,La nuit, contre mon cou ;Car je pense à la mort laquelle vient si viteNous endormir beaucoup. Je mourrai, tu vivras et c’est ce qui m’éveille !Est-il une autre peur ?Un jour ne plus entendre auprès de mon oreilleTon haleine et ton cœur. Quoi, ce timide oiseau replié par le songeDéserterait son nid,Son nid d’où notre corps à deux têtes s’allongePar quatre pieds fini. Puisse durer toujours une si grande joieQui cesse le matin,Et dont l’ange chargé de construire ma voieAllège mon destin. Léger, je suis léger sous cette tête lourdeQui semble de mon bloc,Et reste en mon abri, muette, aveugle, sourde,Malgré le chant du coq. Cette tête coupée, allée en d’autres mondes,Où règne une autre loi,Plongeant dans le sommeil des racines profondesLoin de moi, près de moi. Ah ! je voudrais, gardant ton profil sur ma gorge,Par ta bouche qui dortEntendre de tes seins la délicate forgeSouffler jusqu’à la mort.

Jean Cocteau Souffler jusqu’à la mort

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C’est un nectar, non des baisers, que Nééra Me verse en son haleine aux suaves parfums, Elle y verse le thym, le nard et la cannelle Et le miel que l’abeille aux cimes de l’Hymette Va butiner sur les rosiers en fleur Pétrir en cire et en liqueur Et resserrer dans ses ruches d’osier… Domme-moi mille fois ta bouche à dévorer, J’y gagnerai d’être immortel Convive à ce devin festin ! - Mais, non, préserve-moi plutôt d’un tel bienfait, Ou fais-toi déesse avec moi… Loin de toi ne me chaut ni la table des dieux Ni de Jupin le diadème,  L’Olympe entier m’y voulût-il contraindre.

Jean Second Baiser IV

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Angèle Lux Laisse-moi partager

ton ombre

 Laisse-moi partager ton ombre Te toucher de

toutes mes mainsEt chevaucher les méridiens De cet amour

beaucoup trop grandLaisse mon rêve ployer l'aile Et doucement

toucher du doigt,Sans plus de mots et de paroles, Ton visage

enfin reconnuLaisse-le se poser sans fièvre, À nu, sur ta

peau de mielEt déposer sur tes paupières Le soleil qui dort

sur tes lèvresLaisse-moi le prendre dans mes mains Et

oublier ma thébaïdeDans le sable dormant des songes Ô que toi

seul peux éveiller

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Tristan CORBIERE Féminin singulier

Eternel Féminin de l’éternel jocrisse !Fais-nous sauter, pantins nous pavons les décors !Nous éclairons la rampe... Et toi, dans la coulisse,Tu peux faire au pompier le pur don de ton corps. Fais claquer sur nos dos le fouet de ton caprice,Couronne tes genoux ! ... et nos têtes dix-corps ;Ris ! montre tes dents ! ... mais ... nous avons la police,Et quelque chose en nous d’eunuque et de recors. ... Ah tu ne comprends pas ? ... - Moi non plus - Fais la belle,Tourne : nous sommes soûls ! Et plats ; Fais la cruelle !Cravache ton pacha, ton humble serviteur!...Après, sache tomber ! - mais tomber avec grâce -Sur notre sable fin ne laisse pas de trace ! ...        C’est le métier de femme et de gladiateur.

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Ana Marques Gastão Cible

 Pour une fois raconte comment le corps s’ajuste à la surface de tes mots. Parle d’un après antérieur, de ce

sommeil dément dans la fissure de la lumière ; du vol violent, de la blessure cyclique, l’absence insistant sur la

peau quand à une heure indue tu parfumes mes mains. La chaleur s’étend aux lèvres, l’été simule la

durée dans le vers, l’eau circule, vigoureuse au fond du puits jusqu’à disparaître dans le lit muet. Rien n’est ce

qu’il paraît, on se souvient de ce qu’on oublie et je dis : les doigts nus dissolvent en ta bouche le miel à fleur

d’épaves. Regarde-moi : pose ton regard sur ma robe, enlève-la moi en un geste d’ivresse précipité comme à un prisonnier, les moissons montent lestes dans le lac

immodéré et la nuit revient, Lente, endormie. Je te donne ce que je n’ai – l’histoire d’un fleuve

exultant qui explose dans la bouche en version romantique, poème dépourvu de sillons tragiques ou de discours complets. Et toi, tu me donnes ce que je suis :

métaphore hurlant son mal là où s’achève le texte.

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Musique de Mozart : Romance du Concerto pour

piano et orchestre N°20 K.466Photos: Internet

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Daniel 30 juin 2009

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