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Pour beaucoup de bourgs et de

villes de France, la Reconstruction

marque l’apparition d’un bâti dont

la valeur reste encore aujourd’hui

trop souvent mal perçue. Née dans

l’urgence et influencée par l’indus-

trialisation, l’architecture de l’après-

guerre n’en est pas moins le fruit

d’un grand soin dans sa concep-

tion. Elle témoigne d’un travail et

d’une créativité immense qui peut

paraître surprenante, compte tenu

des conditions de précarité de la

période d’après-guerre.

architecture fraternelleLes architectes tentent avant tout de reconstruiresans ignorer ce qui s’est passé. Au contraire, ils’agit bien de tirer les leçons immédiates d’unetragédie sans précédent. Très rapidement, lesconcepteurs de l’époque, architectes, artistes,ingénieurs, urbanistes, philosophes vont travail-ler conjointement autour d’un modèle de sociétébasé sur la solidarité.

être normand eteuropéen à la foisL’attachement aux racines régionales et l’adhé-sion à des sentiments plus cosmopolites(vigoureusement encouragée par les théoriesde l’architecture internationale d’avant-guerre)constitueront les bases de la conception archi-tecturale de ce monde nouveau. Dès lors, cettemarque d’humanité s’attachera à proposer uneReconstruction réunissant, le plus souvent, dessavoirs-faire locaux et des cultures plus univer-selles afin d’en tenter une généreuse synthèse.Cette volonté, force de toute une génération,expliquera la portée philosophique, l’engoue-ment et l’exceptionnelle dimension culturellede ce patrimoine singulier.

ré-inventer en continuitéEn Basse-Normandie, les architectes en chargede la Reconstruction vont ainsi parvenir à unétonnant mélange de tradition et de modernité.L’architecture de la Reconstruction recouvriraainsi une grande variété de formes et d’em-prunts stylistiques qui, loin de la situer commerupture, l’inscrira plutôt dans une continuitéavec l’histoire des hommes, des lieux et descultures.

ouvrir à l’universalitéFace aux horreurs de la guerre, il en résultera,au lendemain du conflit, un énorme besoinpour toutes les nations d’exprimer leur partd’humanité. Entre douleur et messages d’es-poir, la part offerte aux artistes (plasticiens,sculpteurs, etc.) mais aussi aux artisans d’art(maîtres verriers, maîtres tapissiers, etc.) deproduire des œuvres au cœur du projet de laReconstruction permettra d’ouvrir à l’universa-lité et constituera un rappel permanent à ladéclaration des droits de l’homme établie parles Nations Unies en 1948.

du traditionnelau standardAu cours des deux guerres mondiales, la Francea perdu une grande partie de ses artisans(charpentiers, maçons, menuisiers, etc.) et deses savoirs-faire, parfois très anciens, liés auxtechniques du bâtiment. Face à l’urgence derelogement des populations sinistrées, cettecarence de main d’œuvre va très rapidementextraire le bâtiment de son mode traditionnelpour aboutir à une préfabrication et une nor-malisation de ses systèmes constructifs.

douceur et brutalitéToutefois, conscients des effets de standardi-sation des mises en œuvre industrielles, archi-tectes et ingénieurs vont s’attacher à dévelop-per les modénatures des bâtiments en yintroduisant un rapport privilégié et permanentà l’Art et à l’Artisanat d’Art. Ainsi les élémentsde second œuvre accompagnant l’expressiondes bâtiments, ferronneries, balcons, corniches,poignées de porte, rampes d’escalier, garde-corps, apporteront une réelle sensibilité au lan-gage de la Reconstruction. La qualité de cesdétails sera souvent rapportée par opposition àdes expressions de façades nettement plussobres dans leurs traitements.

figure du tempsL’architecture de la Reconstruction mènera éga-lement un important travail de sculpture, rondebosse ou bas-relief, généralement offerts enagrément de l’espace public (mise en scène dehalls d’immeubles, parvis d’écoles, escaliersurbains). Assemblages, reliefs et motifs sculptésferont ainsi l’objet d’une attention permanentedans leurs épures et proposeront des thèmesautour de la réconciliation et de l’apaisement.

un mobilier sur mesureLa finalisation de l’architecture de cette époquesera souvent accompagnée par la création d’unmobilier sur mesure. Le cas le plus fréquentconcerne les édifices religieux : du baptistère àl’autel en passant par les bancs, ce mobilierd’une exécution extrêmement soignée auramarqué toute une époque.

Cimetière allemand de Marigny

Vitrail de l’église Sainte-Croix de Saint-Lô Église Sainte-Croix de Saint-Lô

Chapelle de l’hôpital Mémorial de Saint-Lô

Église Notre-Dame de Saint-LôImmeuble d’habitation à Saint-Lô

Cinéma le Majestic à Saint-Lô

Cinéma le Majestic Saint-Lô

Vitrail de l’église d’Hébécrevon

Vitrail de l’église de la Chapelle Enjuger

Les lieux de cultesDans la Manche, une des grandescaractéristiques est le nombre etla qualité des églises recons-truites. Contrairement aux églisesdu 19e siècle établies sur desschémas architecturaux souventsurannés, celles-ci reposerontlibrement la question de la sym-bolique et du Sacré.

Ces combinaisons multiples, ces confrontations de matières concou-rent à la variété de l’architecture de la Reconstruction et à sa richesse.Elle varie de ville à ville, de village à village, de maison à maison. Elleest subtile et difficile à appréhender dans une vision générale et glo-bale. Elle se saisit et s’apprécie dans la perception et l’attention dudétail, dans une approche presque tactile de l’architecture.

Les bâtiments d’activités économiques ont également subides dommages de guerre. Intégrés à la ville, ces bâtiments participeront autantà la qualité urbaine que des bâtiments liés à la culture ou au logement... Pourles bâtiments agricoles, la majeure partie d’entre eux ont généralement étéreconstruits avec le même soin que l’ensemble de la production de cetteépoque. Cependant, ils se sont avérés bien souvent obsolètes au regard del’évolution rapide des pratiques agricoles de l’après-guerre.

La lumière naturelleÀ l’instar du Mouvement Moderne,faire entrer largement la lumièrenaturelle dans les bâtiments seraune caractéristique importante del’architecture de la Reconstruction.Cette recherche d’une lumière tou-jours plus maîtrisée, associée auxnouvelles possibilités constructivesont généré de nouvelles typologiesd’ouvertures. Ainsi, apparaîtrontnotamment murs en pavés deverre, claustras de béton qui appor-teront de grandes qualités à la foispour le confort et l’esthétique.

Les modénatures,traitement ornemental desfaçades, sont un élément impor-tant de cette architecture. Maîtri-sées dans les moindres détails,elles témoignent de la qualité del’engagement de chacun desacteurs de la Reconstruction.

Le vitrail des édifices religieux fait l’objet de nouvellestechniques de mise en œuvre. Les morceaux ou dalles deverre de forte épaisseur ne sont plus forcement sertis dansdes plombs mais noyés dans un bain de mortier, constituantainsi des panneaux préfabriqués à insérer dans une ossatureou une maçonnerie.

La pierre est utilisée enmoellons. Le joint est épais.C’est l’appareillage, le calepi-nage et la couleur de la pierrequi forment une matière, unparement décoratif.

Un grand soin a été apportédans le choix des sables,mica, quartz et silex entrantdans la composition despoteaux, des éléments pré-fabriqués

de remplissage et entourages de portes, de fenêtres.Tantôt la surface est lissée, lavée avant la prise, bou-chardée pour la briser, tantôt le grain est cassé pourfaire ressortir sa matière, sa rugosité, il est nettoyépour laisser voir sa forme, sa couleur.

Les structures participent ainsi pleinement à l’ex-pression architecturale des bâtiments. Souvent, le systèmepoteaux-poutres, lisible en façade, est assumé et révélé. Ilcrée hiérarchie et rythme à l’extérieur et permet une organi-sation plus libre des espaces à l’intérieur.

Les bâtiments publics auront été les premiers à être reconstruits. Ilsseront souvent les porteurs de la composition urbaine. L’expression architecturale et laqualité d’exécution de ces constructions forment aujourd’hui une part importante du LabelPatrimoine du 20e siècle.

La variété des matériaux utilisés aengendré une grande richesse de composition. Unerecherche subtile a été menée dans l’utilisation et la miseen rapport des couleurs et des textures, donnant lieu àune inventivité dans les traitements de surface des maté-riaux tels que le béton, la pierre, l’acier et le bois.

L’habitat Si la Reconstruction a repris toutes les typologies pré-existantes del’habitat (maisons de bourg, pavillons, etc.), elle ajoute en revanche une forte propor-tion de logements collectifs. Marqué par l’arrivée de nouvelles technologies et influencépar le Salon des Arts Ménagers, l’habitat va se moderniser. Les architectes associentdésormais les notions d’usage et d’espace dans un souci de confort et d’hygiénisme.

Le pavé de verre, déjà utilisé avant-guerre, vaprendre une place considérable. Ces nouveaux procédés vontainsi permettre de réaliser des pans de mur entièrement lumi-neux, sans que l’on puisse voir l’intérieur de la construction.L’assemblage et l’insertion de ces blocs vont être le prétexte àdes compositions variées.

Saint-Lô École Raymond Brulé à Saint-Lô Ferme aux Champs-de-LosquesÉglise de Graignes Serre du parc Emmanuel Liaisà Cherbourg-Octeville

Église Sainte-Croix à Saint-Lô Église de Quibou Porte à Saint-Lô

Saint-Lô

le regard d’aujourd’huiAvec les années et le manque d’entretien régulier, lesbâtiments ont été fragilisés et dévalorisés. Pourtant, cesarchitectures préfigurent les attentes du confort moderne.Il semble donc nécessaire de porter un autre regard surce patrimoine. Le comprendre, l’analyser, l’observer, doitpermettre de le remettre en valeur. Il mérite un regardplus poussé, plus curieux, qui aille au-delà des préjugéssur l’époque et les styles, au-delà de la douleur surlaquelle elle est bâtie. Il convient aujourd’hui de parvenirà faire le deuil de la ville ancienne et de son architecturetraditionnelle romantique souvent idéalisée. Ce “nouvel”environnement fait maintenant partie de notre quotidienet de notre patrimoine.

L’élagage en questionUn avenir pour la haieArbres et arbustes de bord de merLa ferme revisitéeLes secrets de la terreConstruire en bois en Basse-Normandie,

l’exemple de l’habitation légère de loisirsConstruire en bois en Basse-Normandie,

l’exemple de la maison individuelle

Les arbres remarquables de la Manche, label 2005Les arbres remarquables de la Manche, label 2010if (taxus baccata L.), arbre éternelL’architecture de pan de bois du bocage normandLe bâti ancien du Sud MancheLe bâti ancien du Saint-Lois et du CoutançaisLe bâti ancien du CotentinMaisons et bois en Normandie

L’architecture de la Reconstruction - Manche 1944-1960, entre tradition et modernitéÉtude et exposition réalisées par le c.a.u.e. de la Manche.

Une renaissance au 20e siècle.La reconstruction de la Manche (1944-1964)Collectif OREP, Gilles Désiré dit Gosset, Elisabeth Marie.OREP éditions.

En dehors de ces travaux auxquels le c.a.u.e. de la Manche a participé,une liste d’acteurs et une bibliographie plus complète sont disponiblesà la médiathèque du c.a.u.e..

2, place Général de Gaulle 50000 Saint-Lô02 33 77 20 77 courrier@caue50.fr www.caue50.fr

pour en savoir plus

dans la collection conseils du c.a.u.e.

dans la collection découverte du c.a.u.e.

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