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gestion | Vigilance OptionBio | Lundi 15 septembre 2008 | n° 405 24 L a directive européenne 98/79/CE du 27 octobre 1998 relative aux DMDIV (dispo- sitifs médicaux de diagnostic in vitro) s’est matérialisée en France par l’ordonnance 2001- 198 du 1 er mars 2001 et le décret d’application 2004-108 du 4 février 2004. En substance, le fournisseur, en apposant le marquage CE sur les DMDIV qu’il propose sur le marché français, atteste par auto-certification qu’il répond aux exi- gences essentielles de la directive (exigences de conception, fabrication, performances...). Pour les DMDIV de classe II, c’est un organisme certifié qui les évalue et les contrôle. Il existe un organisme par pays européen (Gemed en France), le fabricant n’ayant pas obligation à passer par l’organisme du pays dans lequel il propose le DMDIV. Quelques définitions La réactovigilance La réactovigilance est définie par l’article R.5222-1 du Code de santé publique comme étant la surveillance des incidents et risques d’in- cidents résultant de l’utilisation d’un DMDIV. Il est entendu par incident ou risque d’incident toute défaillance ou altération des caractéristiques ou des performances d’un DMDIV, toute inadéqua- tion de l’étiquetage ou de la notice d’utilisation susceptibles d’entraîner ou avoir entraîné, direc- tement ou indirectement, des effets néfastes pour la santé des personnes. Les DMDIV Les DMDIV sont définis par l’article L.5221-1 du Code de santé publique comme les dispo- sitifs spécifiquement destinés à être utilisés in vitro, seuls ou en combinaison, dans l’examen d’échantillons provenant du corps humain. Il s’agit des dispositifs ou accessoires utilisés en biologie médicale et anatomo-cytopathologie, des auto- mates et logiciels embarqués sur ces automates, des récipients pour échantillons (hormis les tubes à hémolyse standard), les dispositifs destinés à un auto-diagnostic (bandelettes urinaires...). Les DMDIV de classe II sont les réactifs pour hépatites, VIH, HTLV, groupes sanguins, RAI, HLA, rubéole, toxoplasmose, CMV, Chlamydia, PSA, phénylcétonurie ; les lecteurs de glycémie ; le dispositif de dépistage sérique de trisomie 21. Ne sont pas des DMDIV : les instruments, appa- reils, matériaux destinés à des fins de recherche, les dispositifs invasifs utilisés pour prélever les échantillons, en contact direct avec le corps humain (les aiguilles ne sont pas des DMDIV, contrairement aux tubes), les matériaux de réfé- rence et ceux utilisés dans l’évaluation externe de la qualité, et enfin les produits pour usages géné- raux dans les laboratoires, ainsi que les logiciels de laboratoire. Organisation interne de la réactovigilance La Direction de l’évaluation des dispositifs médi- caux (Dedim) comprend trois départements : le Département de surveillance du marché (DSM), le Département de l’évaluation externe de la qualité (Deeq) et le Département des vigilances (DVi). Ce dernier est constitué de trois unités opérationnelles : l’Unité de gestion des signale- ments (UGSV), l’Unité de réactovigilance (URV) et l’Unité de matériovigilance (UMVEQ/UMVIC). Ces trois unités au sein du DVi, tout comme les trois départements, travaillent en collaboration. Qua- tre personnes, ayant une compétence en biolo- gie, s’occupent chacune d’un domaine au sein de l’URV (biochimie, hématologie, récipients pour échantillons...). Les interlocuteurs de l’URV sont, au niveau local : l’EFS (Établissement français du sang) ; les fabri- cants, mandataires, distributeurs et importateurs de DIMDIV ; les correspondants locaux de réac- tovigilance (ou CLRV) et enfin les professionnels de santé. Qui doit signaler un incident à l’Afssaps ? Ce signalement auprès de l’Afssaps se fait par courrier, courriel ou fax, en utilisant la fiche de signalement téléchargeable sur le site de l’Afssaps. Il est très important de ne pas oublier d’envoyer également la notice technique correspondant au DMDIV incriminé. Ce signalement est fait en paral- lèle à l’Afssaps et au fournisseur du DMDIV. Les fournisseurs de DMDIV doivent signaler un incident, en France ou à l’étranger, dès lors que celui-ci a entraîné des mesures spécifiques. Les professionnels de santé doivent déclarer tout incident lors de l’utilisation d’un DMDIV, au sein ou à l’extérieur d’un laboratoire d’ana- lyses. Cela peut être le cas par exemple pour des tubes, pots ECBU, bandelettes... dans un cabinet médical, un centre de planification, une pharmacie, etc. Enfin les utilisateurs, les institutionnels, les autori- tés compétentes européennes peuvent également être amenés à faire des signalements d’incidents auprès de l’Afssaps. Que devient le signalement ? Pré-évaluation des signalements L’URV réceptionne le signalement et le pré-éva- lue. Il est enregistré par l’UGSV avec envoi d’un accusé réception au déclarant sous 24 heures. Si le signalement ne rentre pas dans le cadre de la réactovigilance, le déclarant reçoit un accusé de réception de non-réactovigilance motivé, dans un délai de 15 jours. Comment fonctionne la réactovigilance aujourd’hui ? La réactovigilance concerne la surveillance des incidents ou risque dans l’utilisation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Il existe un processus rodé de signalement d’incident et d’enquête, mais surtout de retour d’information, pour une responsabilisation de chacune des parties. Rôle du correspondant L’article R.5222-10 du Code de santé publique impose à tout établissement de soins et de transfusion sanguine de dési- gner un correspondant ou CLRV, qui doit être enregistré auprès de l’Afssaps. Fin 2007, on dénombrait environ 300 enre- gistrements de CLRV, pour environ... 3 000 établissements ! Dans le cas des laboratoires d’analyses privés, le directeur est, par défaut, le correspondant. Il n’y a pas obligation d’enregistrement, toutefois il est pos- sible et il peut être intéressant pour une société d’exercice libéral (SEL) par exemple, de déclarer un correspondant, qui assurera ainsi une veille en matière de réactovigilance pour l’ensemble des laboratoires de la SEL.

Comment fonctionne la réactovigilance aujourd’hui ?

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gestion | Vigilance

OptionBio | Lundi 15 septembre 2008 | n° 40524

La directive européenne 98/79/CE du 27 octobre 1998 relative aux DMDIV (dispo-sitifs médicaux de diagnostic in vitro) s’est

matérialisée en France par l’ordonnance 2001-198 du 1er mars 2001 et le décret d’application 2004-108 du 4 février 2004. En substance, le fournisseur, en apposant le marquage CE sur les DMDIV qu’il propose sur le marché français, atteste par auto-certification qu’il répond aux exi-gences essentielles de la directive (exigences de conception, fabrication, performances...). Pour les DMDIV de classe II, c’est un organisme certifié qui les évalue et les contrôle. Il existe un organisme par pays européen (Gemed en France), le fabricant n’ayant pas obligation à passer par l’organisme du pays dans lequel il propose le DMDIV.

Quelques définitionsLa réactovigilanceLa réactovigilance est définie par l’article R.5222-1 du Code de santé publique comme étant la surveillance des incidents et risques d’in-cidents résultant de l’utilisation d’un DMDIV. Il est entendu par incident ou risque d’incident toute défaillance ou altération des caractéristiques ou des performances d’un DMDIV, toute inadéqua-tion de l’étiquetage ou de la notice d’utilisation susceptibles d’entraîner ou avoir entraîné, direc-tement ou indirectement, des effets néfastes pour la santé des personnes.

Les DMDIVLes DMDIV sont définis par l’article L.5221-1 du Code de santé publique comme les dispo-sitifs spécifiquement destinés à être utilisés in vitro, seuls ou en combinaison, dans l’examen d’échantillons provenant du corps humain. Il s’agit des dispositifs ou accessoires utilisés en biologie médicale et anatomo-cytopathologie, des auto-mates et logiciels embarqués sur ces automates, des récipients pour échantillons (hormis les tubes à hémolyse standard), les dispositifs destinés à un auto-diagnostic (bandelettes urinaires...).Les DMDIV de classe II sont les réactifs pour hépatites, VIH, HTLV, groupes sanguins, RAI, HLA, rubéole, toxoplasmose, CMV, Chlamydia, PSA,

phénylcétonurie ; les lecteurs de glycémie ; le dispositif de dépistage sérique de trisomie 21.Ne sont pas des DMDIV : les instruments, appa-reils, matériaux destinés à des fins de recherche, les dispositifs invasifs utilisés pour prélever les échantillons, en contact direct avec le corps humain (les aiguilles ne sont pas des DMDIV, contrairement aux tubes), les matériaux de réfé-rence et ceux utilisés dans l’évaluation externe de la qualité, et enfin les produits pour usages géné-raux dans les laboratoires, ainsi que les logiciels de laboratoire.

Organisation interne de la réactovigilanceLa Direction de l’évaluation des dispositifs médi-caux (Dedim) comprend trois départements : le Département de surveillance du marché (DSM), le Département de l’évaluation externe de la qualité (Deeq) et le Département des vigilances (DVi). Ce dernier est constitué de trois unités opérationnelles : l’Unité de gestion des signale-ments (UGSV), l’Unité de réactovigilance (URV) et l’Unité de matériovigilance (UMVEQ/UMVIC). Ces trois unités au sein du DVi, tout comme les trois départements, travaillent en collaboration. Qua-tre personnes, ayant une compétence en biolo-gie, s’occupent chacune d’un domaine au sein de l’URV (biochimie, hématologie, récipients pour échantillons...).Les interlocuteurs de l’URV sont, au niveau local : l’EFS (Établissement français du sang) ; les fabri-cants, mandataires, distributeurs et importateurs de DIMDIV ; les correspondants locaux de réac-tovigilance (ou CLRV) et enfin les professionnels de santé.

Qui doit signaler un incident à l’Afssaps ?Ce signalement auprès de l’Afssaps se fait par courrier, courriel ou fax, en utilisant la fiche de signalement téléchargeable sur le site de l’Afssaps. Il est très important de ne pas oublier d’envoyer également la notice technique correspondant au DMDIV incriminé. Ce signalement est fait en paral-lèle à l’Afssaps et au fournisseur du DMDIV.

Les fournisseurs de DMDIV doivent signaler un incident, en France ou à l’étranger, dès lors que celui-ci a entraîné des mesures spécifiques.Les professionnels de santé doivent déclarer tout incident lors de l’utilisation d’un DMDIV, au sein ou à l’extérieur d’un laboratoire d’ana-lyses. Cela peut être le cas par exemple pour des tubes, pots ECBU, bandelettes... dans un cabinet médical, un centre de planification, une pharmacie, etc.Enfin les utilisateurs, les institutionnels, les autori-tés compétentes européennes peuvent également être amenés à faire des signalements d’incidents auprès de l’Afssaps.

Que devient le signalement ?Pré-évaluation des signalementsL’URV réceptionne le signalement et le pré-éva-lue. Il est enregistré par l’UGSV avec envoi d’un accusé réception au déclarant sous 24 heures. Si le signalement ne rentre pas dans le cadre de la réactovigilance, le déclarant reçoit un accusé de réception de non-réactovigilance motivé, dans un délai de 15 jours.

Comment fonctionne la réactovigilance aujourd’hui ?

La réactovigilance concerne la surveillance des incidents ou risque dans l’utilisation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Il existe un processus rodé de signalement d’incident et d’enquête, mais surtout de retour d’information, pour une responsabilisation de chacune des parties.

Rôle du correspondantL’article R.5222-10 du Code de santé

publique impose à tout établissement de

soins et de transfusion sanguine de dési-

gner un correspondant ou CLRV, qui doit

être enregistré auprès de l’Afssaps. Fin

2007, on dénombrait environ 300 enre-

gistrements de CLRV, pour environ...

3 000 établissements !

Dans le cas des laboratoires d’analyses

privés, le directeur est, par défaut, le

correspondant. Il n’y a pas obligation

d’enregistrement, toutefois il est pos-

sible et il peut être intéressant pour

une société d’exercice libéral (SEL) par

exemple, de déclarer un correspondant,

qui assurera ainsi une veille en matière

de réactovigilance pour l’ensemble des

laboratoires de la SEL.

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Vigilance | gestion

OptionBio | Lundi 15 septembre 2008 | n° 405 25

Tri des incidentsLe tri des incidents se fait par combinaison des critères de gravité (G) et détectabilité (D) décrits dans les tableaux I et II. Le critère de fréquence n’est pas utilisé d’emblée.

Évaluation des incidentsSelon les cas, l’évaluation, qui fait appel à la Com-mission nationale des DMDIV, à des experts et aux fabricants, peut aller de la simple étude de dérives par suivi statistique à la décision de retrait avec ré-appel des patients.

Retour d’informationPar courrierPour les incidents ayant conduit à une mesure, le fabricant envoie un courrier d’alerte aux chefs d’établissements pour transmission au CLRV, et aux laboratoires s’ils sont concernés.Tous les incidents font l’objet d’un courrier de clas-sement motivé au déclarant et au fournisseur.

Par internetIl existe une rubrique “Alerte” avec des courriers d’information, de recommandations ou de retrait. Ils sont mis en ligne 48 heures après l’envoi du courrier par le fabricant.Il est également possible de s’abonner à la lettre de diffusion permettant de recevoir les alertes et informations par courriel. Cet abonnement n’est pas obligatoire mais peut être très utile dans la veille en matière de réactovigilance. Cette liste ne comportera, à terme, que les informations sur les DMDIV.

Par téléphoneIl existe un système d’alerte d’urgence qui vient directement de l’Afssaps (et non des fournisseurs) qui envoie un message sur numéro d’alerte des établissements de soins (numéro de garde, week-end...). L’efficacité de ce système est ensuite fonction de l’organisation intra-établissement de soins, pour répercuter ensuite l’information vers les bonnes personnes. |

ROSE-MARIE LEBLANC

Consultant biologiste, Bordeaux (33)

[email protected]

Tableau I. Critères de tri des signalements.

Gravité Détectabilité

G3 Pas de conséquence clinique grave D3 Mis en évidence avant utilisation (couleur anormale...) ou validation (calibration qui ne “passe” pas...)

G10 Traitement ou prise en charge inadaptés

D10 Aléatoire, moyen de détection mis en défaut

G15 Séquelles irréversibles, malformations congénitales, perte de chance (de greffe...), décès

D15 Impossible

Tableau II. Tri des signalements par combinaison des critères.

G3 G10 G15

D3 Non évalué Non évalué Non évalué

D10 Mineur Majeur Critique

D15 Majeur Majeur Critique

SourceCommunication de Mme Laurence, responsable de la réactovigi-lance à l’Afssaps, lors des Journées internationales de biologie, Paris, novembre 2007.

Exemple de signalement

Cas n°1

Incident : présence d’agglutinats dans les

flacons de réactif pour dosage de facteur

rhumatoïde.

Évaluation : réactif inutilisable du fait d’un

défaut de qualité visible.

Expertise : pas de risque de rendre un résul-

tat erroné.

Mesure : envoi d’un accusé de réception de

non-réactovigilance au déclarant avec copie

au fournisseur.

Bien que classé non-réactovigilance, il est inté-

ressant de déclarer cet incident car s’il existe

plusieurs signalements pour la même anomalie,

il sera envisagé d’instruire alors le dossier.

Cas n°2

Signalement le 13/02 : résultat faussement

négatif en βhCG

Évaluation : valeur quantitative 106 UI/L,

seuil de sensibilité de la technique 5 à

10 UI/L à 10 min.

Expertise par le fabricant : anomalie non

reproduite.

Investigation : libération de lots non confor-

mes aux spécifications des contrôles à libé-

ration de lots.

Nouveau signalement le 15/02 sur le même lot : résultat faussement négatif pour un

dosage quantitatif à 36 UI/L.

Mesures : convocation de la société le

16/02, retrait du lot incriminé.

L’Afssaps fait appel à une expertise externe

par rapport aux résultats déjà rendus, avec

re-test et rappel des patientes...

Nouveaux signalements le 21/02 et 07/03,

sur des lots différents, résultats faussement

négatifs en βhCG.

L’expertise par le fabricant reproduit l’anoma-

lie. Les investigations montrent une libération

de lots non conformes aux spécifications des

contrôles à libération de lot.

Mesures : arrêt définitif de commercialisa-

tion le 09/03, à l’initiative du fabricant et

en accord avec l’Afssaps ; retrait de tous les

lots, re-test et rappel des patientes.