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Composer avec les sanctions de l’abus de procédures : en avant la musique! Texte présenté par : Me Sébastien Richemont, associé Woods s.e.n.c.r.l. avec la participation de l’hon. Bernard Godbout (J.C.S.)

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Composer avec les sanctions de l’abus de procédures : en avant la musique!

Texte présenté par :

Me Sébastien Richemont, associé Woods s.e.n.c.r.l.

avec la participation de l’hon. Bernard Godbout (J.C.S.)

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Concerto en si bémol

• Dans une décision rendue le 25 avril 2012, l’honorable Allan R. Hilton constatait qu’il y a évolution constante de l’état du droit concernant les articles 54.1 et suiv. C.p.c., vu leur adoption récente.

Rhythm Properties Inc. c. 9035-0349 Québec inc., 2012 QCCA 774

• Précédemment, dans une décision rendue le 18 mars 2011, l’honorable Pierre J. Dalphond qualifiait quant à la lui de « flottante » la jurisprudence rendue à ce jour en vertu des articles 54.1 et suiv. C.p.c.

Boileau c. Silverstein, 2011 QCCA 527

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• Dans deux arrêts de principe en la matière, la Cour d’appel se demandait si les articles 54.1 et suiv. C.p.c. ne menaient pas eux-mêmes à de l’abus :

« [50] Dans cet univers changeant, de plus en plus de jugements sont rendus non sur le fond des dossiers, mais sur des incidents d'application des nouvelles

dispositions. À l'occasion, on peut s’inquiéter du temps, des ressources judiciaires et de l'argent des justiciables investis en modifications d'échéancier et en recherche d’instructions sur la gestion, en requêtes en prolongation de délais d'inscription, en requêtes pour autorisation d’appeler d'un jugement de refus, en pourvois qui n’aident en rien la résolution du différend, en déclarations de rejet sommaire d'une action ou procédure et en pourvois subséquents, etc. Tout cela gaspille des ressources judiciaires déjà limitées, représente des frais pour les parties et éloigne le jour du véritable débat ou de la résolution du litige.

[51] De plus, à la lecture de certains jugements portés en appel, je me demande parfois si nous n'avons pas oublié que ces nouvelles dispositions s'incorporent dans un ensemble, le Code de procédure civile, dont la finalité n'a pas changé, soit faire prévaloir le droit, et qu'elles doivent s'interpréter en conséquence.

[52] La procédure reste la servante de la justice et n’est pas devenue sa maîtresse. »

Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc., 2010 QCCA 1600 (j. Dalphond) Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037, par. 30 (j. Kasirer)

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Les dispositions

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L’ouverture

Préambule

• Mécanique législative inusitée dans le Code de procédure civile.

• Met l’emphase sur la liberté d’expression et les préoccupations liées aux poursuites-bâillons.

• Introduit une notion d’équilibre dans les forces économiques des parties à un litige.

• Sert de guide pour interpréter la notion d’« abus » définie à l’article 54.1 C.p.c.

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Deux temps, trois mouvements?Premier temps

• Il faut démontrer « sommairement » l’abus, c’est-à-dire :

- De façon expéditive;

- Brièvement, promptement, sans les formalités de l’enquête et de l’instruction au fond;

- Par une démonstration réduite à sa forme la plus simple, sans enquête et audition complètes, similaires à l’instruction au fond de la cause;

- Sans que l’analyse ne revienne à « trancher le fond du litige », par exemple, en plaidant le bien-fondé de moyens de défense pour obtenir le rejet d’une action ou en plaidant le bien-fondé de l’action pour obtenir le rejet d’une défense.

Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037, par. 67 (j. Kasirer) Guimont c. RNC Média inc. (CHOI-FM), 2012 QCCA 563 Agence du revenu du Québec c. Groupe Enico inc., 2012 QCCA 479 Fortin c. Fortin (Complexe funéraire Fortin), 2009 QCCS 5345 (j. Chaput) Intact, compagnie d’assurances c. Garoy Construction inc., 2010 QCCS 1134 (j. Moulin), citant le professeur Denis Ferland

• L’expression « sommairement » n’affecte pas le degré de preuve requise. La preuve n’est pas faite de façon prima facie. Le degré de certitude anciennement requis en vertu de l’article 75.1 C.p.c. demeure. Il faut une quasi-certitude, une absence totale de chances de succès.

McKibben c. Townend, 2011 QCCS 135 (j. Riordan)

• Sinon, il peut être question d’« apparence d’abus », mais la conviction du tribunal doit encore-là être très forte puisque les tribunaux hésitent à coller une étiquette d’« abus » à des procédures qui en sont encore à un stade préliminaire, alors que les parties n’ont pas eu l’occasion de présenter toute la preuve du bien-fondé de l’action.

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Art. 54.1 C.p.c. : la clé, en théorie

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• Comment démontrer l’abus?

• L’abus est défini de manière large et libérale, la liste des cas énoncés est non exhaustive vu l’utilisation de l’expression « peut constituer un abus ».

• Il peut résulter :

- D’une demande en justice ou d'un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire;

- D'un comportement vexatoire ou quérulent;

- De la mauvaise foi;

- De l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui;

- Du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics.

F.L. c. Marquette, 2012 QCCA 631

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Art. 54.2 C.p.c. : renversement du fardeauDeuxième temps

• Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l’acte de procédure peut constituer un abus, il y a alors un renversement du fardeau de la preuve. Il revient à la partie dont l’acte de procédure est attaqué de démontrer que son geste :

- N’est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable;

- Qu’il se justifie en droit.

• Cette étape est rarement effectuée de façon isolée, contrairement à ce qui est prévu en théorie.

• Pourquoi?

- Parce que la défense à l’accusation d’abus est normalement subsumée dans la première étape du test, lors de la contestation du fait qu’il y a preuve suffisamment convaincante de l’existence d’un abus ou d’une

apparence d’abus pour donner lieu à la sanction recherchée.

- Parce qu’il faut du doigté pour prononcer une sanction en vertu des articles 54.1 et suiv. C.p.c.

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Le doigté

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• On doit conserver les principes d’interprétation développés sous les anciens articles 75.1 et 75.2 C.p.c., de même que sous l’article 165 C.p.c., quant à l’application des sanctions irrémédiables :

- La prudence est de mise au stade préliminaire;

- On doit éviter de mettre fin prématurément à un litige;

- On ne doit rejeter un acte de procédure ou prononcer une sanction irréversible qu’en présence d’une situation claire et manifeste d’abus;

- Dans le doute, on doit favoriser l’accès à la justice.

• Le tribunal doit donc avoir la conviction qu’il y a abus ou apparence d’abus.

• Cela dit, le tribunal jouit d’un grand pouvoir discrétionnaire. Il dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour s’assurer que le dossier dont il est saisi chemine de façon juste et équitable pour toutes les parties impliquées et que dans ce contexte, les actes de procédure déposés apparaissent justifiés. Certains juges peuvent donc être plus activistes.

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• Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037 (j. Kasirer)

« [29] By allowing a party to establish impropriety "summarily" (article 54.2, paragraph 1), and by empowering the courts to sanction abuse or apparent abuse of process on that basis (article 54.3), the legislature has sought to provide judges with tools for acting expeditiously and inexpensively when faced with abuse or apparent abuse of process. Prior to the enactment of article 54.1 C.C.P., some criticism had been levied against courts that they were seen as too skittish to take bold action to counter abuse, including dismissing claims entirely, for fear of putting an end to an action that might have some basis in law.  The reversal of the burden of proof and the powers to sanction apparent impropriety were enacted in part to answer the shortcomings of the former rules.

[30] By the same token, however, the traditional cautiousness evinced by courts before dismissing claims completely, especially early in the proceedings, remains an appropriate approach in some circumstances, notwithstanding the renewed resolve to prevent abuse of process. Courts must even guard against article 54.1 C.C.P. itself being invoked abusively by defendants who are inclined to cry wolf in the absence of any palpable threat of impropriety.  After all, proper access to the courts is a value to be preserved for both sides to a dispute.  Moreover, an action or proceeding that appears to be an abuse of process early in the proceedings will sometimes reveal itself to be quite proper as fuller evidence supporting the claim enters the record.  In those cases, it would be wrong to dismiss an action outright, and article 54.3, paragraph 2 C.C.P. directs that the apparent abuse may be attended to in another way.  As to how the advent of articles 54.1 and following changed the approach courts should take where it is alleged that proceedings are clearly unfounded, my colleague Thibault J.A. wrote in Aliments Breton:

[37]      Dans ce contexte, la jurisprudence découlant des articles 75.1 et 75.2 C.p.c.. demeure pertinente, particulièrement quant à la notion d’abus et à la définition d’acte de procédure manifestement mal fondée. Sans entrer dans les détails, la jurisprudence a consacré la règle selon laquelle le rejet d’une procédure doit reposer sur la conviction du tribunal qu’elle est manifestement mal fondée.  La jurisprudence a aussi enseigné que le rejet doit être appliqué avec la plus grande prudence. Ces précédents devront toutefois être nuancés pour tenir compte de la question du renversement du fardeau lorsque la procédure paraît abusive. Les nouvelles dispositions vont plus loin que les anciennes en ce qu'elles visent non seulement les procédures abusives, mais aussi celles qui « peuvent » constituer un abus (article 54.2 C.p.c.) ou qui paraissent abusives (54.3 C.p.c.) et en ce qu'elles prévoient des mesures alternatives au rejet de la procédure ou non, qui constituaient les deux seules options possibles sous l‘article 75.1 C.p.c.

[31] For these reasons, when seized of an early petition like the one that came before the Court of Quebec, judges should continue to exercise a measure of caution before summarily dismissing an action, but now may consider other ways of providing redress.  Where they have something less than a conviction that the use of procedure is improper, the law now provides remedies short of what is sometimes called the "ultimate procedural sanction" of dismissal. […] »

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En pratique

La Cour d’appel a grandement limité la notion d’abus : nécessité d’un comportement blâmable

• Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037 :

Avant de déclarer un recours abusif, il est nécessaire d'y déceler un comportement blâmable. Le terme abus porte en lui-même l'idée d'un usage mauvais, excessif ou injuste. Cette appréciation est confortée par l'utilisation d'un vocabulaire particulier qui est relié à la démesure, l'excès ou l'outrance. Dans cette optique, selon la Cour d’appel, l'utilisation des mots «acte de procédure manifestement mal fondé» en parallèle avec les mots frivole, dilatoire, vexatoire, quérulent, etc. emporterait la nécessité d'y associer une mesure de blâme avant de déclarer un acte de procédure abusif.

« [42]     Among other differences, there is a measure of blame associated with a finding that an action or proceeding is improper that is not necessary under article 165(4) C.C.P.  If the French word "abus" signals this more resolutely than the

term "impropriety", both linguistic texts of article 54.1, paragraph 2 C.C.P. make the underlying idea of a wrongful use of procedure plain in the description of what constitutes improper proceedings. The finding that a claim or pleading is "clearly unfounded" is presented alongside alternatives that it is "frivolous or dilatory".  Other instances of impropriety in article 54.1 speak to conduct that is "vexatious or quarrelsome", in "bad faith" or to a use of procedure that is "excessive", "unreasonable" or prejudicial to the interests of another.  Likewise, an "attempt to defeat the ends of justice" carries with it a connotation of wrongful conduct on the part of a litigant that is not necessarily present in respect of preliminary exceptions brought outside the ken of article

54.1.  Abuse under article 54.1 brings consequences that, as a general rule, would not flow from a ruling made under article 165(4). Indeed the remedies available in the event of a finding that a claim is improper or appears to be improper are wider, allowing a court to tailor a sanction to answer the specific character of the wrongful behaviour in question.  In principle, the preliminary exception brought under article 165(4) C.C.P., where granted, allows only for a complete dismissal of the action and an ordinary order as to costs. »

• Duni c. Robinson Sheppard Shapiro, s.e.n.c.r.l., l.l.p., 2011 QCCA 677 : « Puisqu'une déclaration d'abus comporte une part de blâme envers le comportement de la personne concernée, on

s'attend généralement à ce que le tribunal justifie sa qualification en donnant les motifs qui la sous-tendent. Toutes les requêtes mal fondées ne sont pas, bien entendu, abusives.  Des motifs sont en général nécessaires pour comprendre pourquoi un recours mal fondé en vertu de l’article 165(4) C.p.c. est de surcroît abusif en vertu de l’article 54.1 C.p.c.» 

• Paquette c. Laurier, 2011 QCCA 1228 Viel c. Entreprises Immobilières du Terroir Ltée, [2002] R.J.Q. 1262 (« Viel »)

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Battre la cadence

• Développements Cartier Avenue inc. c. Dalla Riva, 2012 QCCA 431 :

« [42] Les nouvelles dispositions, qui multiplient les moyens d’intervention durant le déroulement du procès s’il paraît y avoir abus, et qui prévoient de sérieuses sanctions en dommages-intérêts à la fin si l’abus est prouvé, invitent à la modération avant de dénier le droit d’ester en justice.

[…]

[46] L’obligation faite au juge d’intervenir s’il y a abus n’a pas pour conséquence de le contraindre à trancher l’affaire sommairement, dès qu’on le lui demande. Si la preuve s’annonce complexe ou contradictoire, les règles ordinaires continuent de s’appliquer et les justiciables ont droit à une

décision en pleine connaissance de cause.

[…]

[67] Les nouvelles dispositions pour « sanctionner les abus de procédure » exigent du doigté et de la finesse de la part des juges qui doivent décider sommairement des droits des parties alors que leur rôle est d’abord et avant tout de trancher en pleine connaissance de cause après avoir entendu pleinement les parties et leurs témoins.

[68] Confrontés à une poursuite-bâillon, ils doivent intervenir sans délai, mais dans le cas d’actions traditionnelles où il n’y a pas d’urgence, ils doivent se hâter lentement.»

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Absence d’abus

• Vous le savez : l’abus doit résulter de l’exercice du droit d’ester en justice et non de la mauvaise foi sur le fond du dossier (Viel).

Industries Lassonde inc. c. Oasis d'Olivia inc., 2012 QCCA 593

• Aussi, la bonne foi se présume (art. 2805 C.c.Q.) : il faut donc des preuves convaincantes pour démontrer l’institution de procédures de mauvaise foi ou simplement par intention de nuire.

• Par ailleurs, on note que l’abus ne résultera pas forcément de :

- La faiblesse de la position d’une partie;

- La difficulté qu’aura une partie à surmonter le fardeau de la preuve qui lui incombe;

- L’absence de connaissance d’une partie eu égard à l’ensemble des faits en litige, telle que démontrée par interrogatoire;

- La disponibilité d’une preuve contradictoire;

- L’exercice strict et formaliste d’un droit;

- L’erreur de droit ou la mauvaise rédaction d’une procédure;

- L’absence de proportionnalité;

- La multiplicité des procédures;

- Le quantum excessif (quoique cela puisse parfois être un indicateur d’abus);

- L’abus par les procureurs, dont les parties ne doivent pas faire les frais.

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• Les tribunaux hésiteront également à prononcer une déclaration d’abus ou d’apparence d’abus ainsi que les sanctions y associées lorsque la question qui est en cause est une question qui doit être étudiée de façon « contextualisée ».

• Par exemple, il y a une grande réticence à agir:

- En matière de prescription, à moins que cela soit absolument clair;

- En matière de vice caché (dénonciation tardive);

- En matière de responsabilité civile (sauf dans les cas où une défense d’immunité relative peut être invoquée et qu’il n’y a aucune allégation démontrant un agissement de mauvaise foi de la part du défendeur);

- En matière de diffamation, malgré l’objectif de la loi qui est de restreindre les effets des poursuites-bâillons (une sanction moindre que le rejet peut alors être imposée).

• Les tribunaux hésiteront également à rejeter une défense, à moins qu’elle ne constitue qu’en une dénégation générale, qu’il y ait chose jugée ou frivolité manifeste.

Adams c. Dupuis, 2009 QCCS 4650 Banque Royale du Canada c. Guy Cordonnerie du sportif inc., 2010 QCCS 65 Milonopoulos c. Stamatopoulos, 2010 QCCS 729

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L’abus…

Existe-t-il?

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54.5 C.p.c. : la quérulence

• Suspendre le droit de recourir aux tribunaux est impossible, mais on peut en surveiller l’exercice.

• Codification des règles de pratique existantes:

- Art. 66 et 67 R.C.S.C.

- Art. 94 et 95 R.p.C.A.

- Art. 84-90 R.p.C.S.

• Il y a multiplication des déclarations de quérulence.

• L’utilisation des ressources judiciaires doit être gérée dans le respect de l’ensemble des droits de la collectivité.

• Les juges reconnaissent qu’il y a des limites à vouloir monopoliser le temps des tribunaux en soulevant sans cesse et sans succès les mêmes arguments et les mêmes moyens de défense à l’égard des mêmes faits, souvent frivoles.

• L’abus qui résulte de la quérulence est donc celui qui est le plus aisément identifié et sanctionné (par le rejet des procédures, principalement) que les autres formes d’abus.

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• La déclaration de quérulence est souvent prononcée en matière familiale, en matière de responsabilité professionnelle ou civile des avocats, en matière de responsabilité civile de l’état, en matière de successions, etc.

• La déclaration de quérulence et la forclusion à déposer des procédures sans autorisation peuvent être :

- Généralisées à tous les tribunaux civils de première instance ou limitée à un tribunal en particulier;

- Étendues aux plaintes à être portées devant les ordres professionnels (qui seront alors sujettes à l’approbation du syndic de l’ordre en cause) ou

aux recours devant les tribunaux administratifs (qui devront alors être approuvés par le président du tribunal), le tout en application du

pouvoir de surveillance de la Cour supérieure;

- Partielles (viser des parties, un type de recours ou un sujet en particulier);

- Limitées dans le temps;

- Déclarées en appel (rarement).

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Les critères (non cumulatifs)• On retient généralement que la personne qui fait preuve d'un comportement quérulent :

1) Fait montre d'opiniâtreté et de narcissisme;2) Se manifeste en demande plutôt qu'en défense;3) Multiplie les recours vexatoires;4) Réitère les mêmes questions par des recours successifs et ampliatifs et recherche les mêmes résultats malgré

les échecs répétés des demandes antérieures;5) Met de l'avant des arguments de droit qui se signalent à la fois par leur inventivité et leur incongruité;6) Devient incapable à plus ou moins longue échéance de payer les dépens et les frais de justice auxquels il est

condamné et cela à cause des échecs répétés de ses recours;7) Porte en appel toutes les décisions qui la désavantagent et fait des demandes répétées de révision, de

rétractation ou de nullité de jugement ou d'entente signée par elle;8) Se représente souvent seule;9) Rédige des procédures longues, incompréhensibles, souvent truffées d'accusations, d'insultes et d'injures à

l'égard des parties adverses;10) Annonce la venue de témoins qui viendront contredire les parjures et les faux témoignages qui ont été faits lors

d'instances précédentes; témoins qui ne se présentent souvent pas ou qui viennent simplement faire des affirmations générales qui n'ont aucune pertinence avec litige;

11) Fait très souvent preuve d'intransigeance, d'impertinence et d'insolence;12) Recherche des condamnations monétaires démesurées par rapport au préjudice réel allégué et l'ajout de

conclusions atypiques n'ayant aucune commune mesure avec l'enjeu véritable du débat;13) Démontre une incapacité et un refus de respecter l'autorité des tribunaux dont elle revendique pourtant

l'utilisation et l'accessibilité;14) A un passé judiciaire ou de l’expérience en droit (parfois avocats).

• Cas les plus connus : Valéry Fabrikant, André Srougi, Sylvio Langevin, Liviu Pogan, Mario Brousseau, Francine Lessard, etc.

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Les recours frivoles

• Peuvent s’apparenter à de la quérulence.

• Les tribunaux n’ont pas grande hésitation à rejeter des recours ou des procédures frivoles.

• L’homme qui poursuit un fabricant de peinture en responsabilité civile pour une maladie dégénérative dont la cause est médicalement inconnue.

Thibault c. Sherwin-Williams, 2010 QCCA 630

• La femme qui intente une action en divorce alors qu’elle n’est pas mariée. Droit de la famille — 101232, 2010 QCCS 2272

• L’homme qui intente un recours en dommages-intérêts au motif qu’il aurait été poursuivi abusivement dans une autre action, où les demandeurs demandaient un quantum plus élevé que ce qu’ils ont obtenu dans le jugement qui leur a donné gain de cause.

Michalakopoulos c. Lawyers Title Insurance Corporation, 2009 QCCS 4645

• La défenderesse qui, visée par une requête introductive d'instance en délaissement forcé d'un immeuble pour prise en paiement, plaide comme seul moyen de défense que l'immeuble avait une valeur plus élevée que l'acte d'hypothèque et invoque un stratagème de fraude aux institutions financières pour prétendre que le solde de l’hypothèque est à zéro sur le RDPRM.

Caisse Desjardins des Métaux Blancs c. Langlois, 2012 QCCS 1443

• La partie qui présente une requête en inhabileté, pour des motifs non sérieux. Nissan Perla c. 6715826 Canada inc., 2009 QCCS 3891

• L’immunité relative fait souvent obstacle à la validité de recours en responsabilité civile contre des juges, avocats, ministres, fonctionnaires.

A c. B, 2010 QCCA 1132; A c. B, 2010 QCCS 491

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L’abus de procédures

• La partie qui multiplie indûment les procédures et les vacations au tribunal. Droit de la famille — 111955, 2011 QCCS 3386 (en appel) (au fond, honoraires extrajudiciaires de 173 419,61$) Ben & Florentine Restaurants inc. c. 7255764 Canada Ltd., 2012 QCCS 2005 (provision pour frais)

• La partie qui nuit de façon répétée, délibérée et insouciante au processus des interrogatoires, en refusant de se présenter avec les documents demandés dans un subpœna duces tecum.

6384366 Canada inc. c. Giancristofaro Malobabic, 2009 QCCS 3648 (les deux parties étaient fautives, gestion d’instance)

• La partie qui, même après plusieurs chances données par le tribunal de modifier le libellé de sa requête introductive d’instance, ne peut toujours pas faire état d’une cause d’action claire.

Grill Newman inc. c. Demers, Beaulne, s.e.n.c., 2009 QCCS 5827 (rejet)

• La partie qui refuse de collaborer au processus judiciaire ou à la mise sur pied d’un dossier ou s’absente souvent alors qu’elle a pris l’engagement d’être présente au tribunal peut être forclose de plaider, lorsque le tribunal lui a déjà donné de nombreuses chances d’amender sa conduite.

Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. 9083-5745 Québec inc., 2010 QCCS 3013 (requête pour permission d’appeler rejetée) (forclusion de plaider au procès)

• Recours institué en 1990, où la demanderesse fait preuve d’une nonchalance et d'un manque de diligence à faire progresser son dossier.

Lebel c. Québec (Procureur général), 2009 QCCS 5708

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Mauvaise foi / intention de nuire

• Dans un cas de succession, contestation du testament et argument de captation invoqués sans aucune preuve, par cupidité et appât du gain.

Chouinard c. Ménard, 2012 QCCA 859 (provision pour frais en appel); 2012 QCCS 57 (en appel) (dommages-intérêts)

• Concernant une affaire de succession, en réponse à une demande principale d’environ 50 000 $, les défendeurs produisent une demande reconventionnelle de 2,5M$ dont ils ne peuvent identifier le fondement juridique, qui n’est pas appuyée d’un iota de preuve, qui comprend des affirmations gratuites de mauvaise foi et constitue un détournement des fins de la justice.

Décary c. El Hachem, 2012 QCCS 920 (en appel)

• Recours en dommages intenté contre un juge qui a rendu un jugement qui nous déplaît, démontrant ainsi un mépris du système judiciaire.

Abitbol c. Émery, 2012 QCCQ 1985

• Le demandeur poursuit sa voisine en responsabilité civile en prétendant qu'à cause de l'envoi d'un jet d'eau à sa figure, il a dû être opéré et hospitalisé pour trouble cardiaque.

Thanh c. Gravel, 2010 QCCQ 11199 (petites créances)

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Poursuites-bâillons

• Quant à la question des poursuites-bâillons (« SLAPP »), l’abus est en théorie aisément défini. En effet, il s’agit pour l’essentiel de poursuites judiciaires :

- Entreprises contre des organisations ou des individus engagés dans l’espace public dans le cadre de débats mettant en cause des enjeux collectifs;

- Visant à limiter l’étendue de la liberté d’expression de ces organisations ou individus et à neutraliser leur action;

- Ayant recours aux tribunaux pour les intimider, les appauvrir et les détourner de leur action.

• Cependant, comment peut-on déterminer avec certitude, dès l’institution d’un dossier, sans analyse de la preuve qui sera présentée dans le cadre du procès, qu’une procédure vise à limiter la liberté d’expression de façon indue, alors que la faute en matière de diffamation dépend d’une analyse contextuelle (Prud'homme c. Prud'homme, [2002] 4 R.C.S. 663) et de la mise en balance des droits fondamentaux à la liberté d’expression du défendeur et à la réputation du demandeur (WIC Radio Ltd. c. Simpson, [2008] 2 R.C.S. 420)?

• Aussi, comment peut-on déterminer le quantum approprié des dommages en matière de diffamation, alors que leur évaluation est sujette à la discrétion du tribunal?

Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037 9080-5128 Québec inc. c. Morin-Ogilvy, 2012 QCCS 1464

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• Ainsi, malgré l’objectif législatif visé à l’origine par l’adoption des articles 54.1 et suiv. C.p.c. et consacré dans leur préambule, très peu de jugements ont rejeté des poursuites-bâillons au stade inrlocutoire.

Constructions Infrabec inc. c. Drapeau, 2010 QCCS 1734 (rejet) 3834310 Canada inc. c. Pétrolia inc., 2011 QCCS 4014 (rejet) 2332-4197 Québec inc. c. Galipeau, 2010 QCCS 3427 (rejet, mais par défaut, avec sanctions monétaires en sus) Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037 (cautionnement) Barrick Gold Corporation c. Éditions Écosociété inc., 2011 QCCS 4232 (provision pour frais) Harvey c. A.L., 2011 QCCS 3059 (au fond, incluant dommages-intérêts et dommages punitifs) Complexe Estrie Enviropôle inc. c. Lavigne, 2010 QCCS 3761 (non) Services énergie Brookfield inc. c. Legris, 2010 QCCS 4226 (non) Brouillard c. Arthur, 2009 QCCS 6257 (non)

• De plus, la Cour d’appel a récemment rendu un jugement qui rendra bien difficile de plaider l’existence d’une poursuite-bâillon. Dans cette affaire, les défendeurs sont des médias qui ont rapporté une histoire qui semble a priori d’intérêt public, liée à l’arrestation d’un individu. Le premier juge avait conclu que le recours n’était intenté que pour assouvir la frustration du demandeur et faire le procès des motifs de son arrestation, pour tenter de s’innocenter des accusations qu’il prétendait avoir été indûment portées par la police. Or, la Cour d’appel a jugé que c’est justement le but d’un recours en diffamation que de tenter de faire rétablir sa réputation, donc il n’y aurait pas ici de détournement abusif des fins de la justice. Pour la Cour, il ne s’agissait pas d’une poursuite-bâillon.

Guimont c. RNC Média inc. (CHOI-FM), 2012 QCCA 563

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• Une telle décision nous apparaît dangereuse, considérant :

- L’objectif du législateur de protéger la liberté d’expression dans le cadre de débats publics;

Lucie LEMONDE et Marie-Claude BÉLAIR, « Premières interprétations des nouvelles dispositions sur les poursuites abusives et les poursuites-bâillons : la confusion des genres », (2011) 70 R. du B. 271

- L’importance accordée à la liberté d’expression et à la liberté de presse dans la jurisprudence récente en matière de diffamation;

- L’arrêt Développements Cartier Avenue inc. c. Dalla Riva, 2012 QCCA 431, où la Cour d’appel a déclaré qu’il fallait se hâter en matière de poursuites-bâillons;

- La modification apportée dans l’Avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile, art. 52, qui prévoit un

traitement « en priorité » des demandes visant à faire déclarer une poursuite abusive au motif qu’elle constitue une poursuite-bâillon.

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Poursuites manifestement mal fondées

• Si au départ, les tribunaux acceptaient de conclure que les recours pouvaient être « abusifs » au sens de 54.1 et suiv. C.p.c. parce qu’ils étaient « manifestement mal fondés », c’est-à-dire qu’ils étaient plus que « mal fondés », la jurisprudence récente de la Cour d’appel fait en sorte que ce motif est difficilement invocable au chapitre de l’abus allégué. Il faut, par surcroît, démontrer qu’il y a un usage abusif de la procédure.

• Certains ont suggéré que cette interprétation a pour effet de limiter les recours qui étaient anciennement disponibles en vertu des articles 75.1 et 75.2 C.p.c.

Raphaël LESCOP, « L’arrêt Acadia Subaru c. Michaud : la conciliation difficile entre les articles 54.1 et 165(4) du Code de procédure civile », (2011) 70 R. du B. 169

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• Selon nous, le standard énoncé en jurisprudence est le bon. Nous soumettons toutefois, respectueusement, qu’il semble être interprété erronément. En effet, il ne faut pas oublier que l’abus du droit d’ester en justice au sens de Viel ne se trouve pas seulement dans les cas où il y a multiplication des procédures, mais également dans ceux où un plaideur agit de façon téméraire, tel que la Cour d’appel l’a reconnu dans l’arrêt Royal Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., 2007 QCCA 915 (j. Dalphond) :

« [46] Que faut-il entendre par témérité? Selon moi, c’est le fait de mettre de l’avant un recours ou une procédure alors qu’une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la partie au moment où elle dépose la procédure ou l’argumente, conclurait à l’inexistence d'un fondement pour cette procédure. Il s’agit d’une norme objective, qui requiert non pas des indices de l’intention de nuire mais plutôt une évaluation des circonstances afin de déterminer s’il y a lieu de conclure au caractère infondé de cette procédure.  Est infondée une procédure n’offrant aucune véritable chance de succès, et par le fait, devient révélatrice d’une légèreté blâmable de son auteur. Comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers […] : « L’absence de cette cause raisonnable et probable fait présumer sinon l’intention de nuire ou la mauvaise foi, du moins la négligence ou la témérité ». »

• Nous suggérons donc que la possibilité d’établir qu’une procédure est abusive et mérite sanction parce qu’elle est « manifestement mal fondée » serait fonction du degré de raisonnabilité des prétentions et du degré de conviction du tribunal

• Un exemple : Chhuon c. Société des casinos du Québec inc., 2009 QCCQ 11077 (conf. en appel 2010 QCCA 221). Après analyse des faits en litige, la Cour a reconnu que l’agression dont la demanderesse se disait victime n’en était pas une, et n’était pas susceptible de constituer une faute. Ce recours en responsabilité civile a donc été rejeté parce qu’il était manifestement mal fondé.

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• En attendant que le courant jurisprudentiel change dans la direction que nous suggérons, comment peut-on s’en sortir, pour limiter les dommages causés par une procédure abusive qui est manifestement mal fondée?

• Se rabattre sur la requête en irrecevabilité présentée en vertu de l’article 165 C.p.c., pour obtenir à tout le moins le rejet de l’action.

• Malheureusement, cela vient limiter les possibilités d’obtenir les autres sanctions prévues aux articles 54.1 C.p.c.

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Les sanctions

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Imposer la mesure

• Art. 54.3 et 54.4 C.p.c. : énoncent les sanctions disponibles en cas d’abus ou d’apparence d’abus

Abus constaté Sans être prouvé définitivement, l’abus est néanmoins apparent

Rejet

Supprimer des conclusions/allégations

Exiger la modification de conclusions/allégations

Refuser un interrogatoire ou y mettre fin

Annuler la convocation d'un témoin

Assujettir à des conditions la poursuite des procédures Assujettir à des conditions la poursuite des procédures

Requérir des engagements visant la bonne marche de l'instance Requérir des engagements visant la bonne marche de l'instance

Suspendre l'instance Suspendre l'instance

Recommander au juge en chef d'ordonner une gestion particulière de l'instance

Recommander au juge en chef d'ordonner une gestion particulière de l'instance

Provision pour frais / Remboursement d’une provision pour frais Provision pour frais / Remboursement d’une provision pour frais

Dommages-intérêts compensatoires ou punitifs ou accorder le droit de recouvrer les honoraires extrajudiciaires / Réserve des droits

Déclarer un plaideur vexatoire

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Sanctions

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• Les sanctions énoncées aux articles 54.3 et 54.4 C.p.c. ne sont pas exhaustives.

• Les tribunaux disposent d’une grande discrétion.

• Les tribunaux peuvent faire preuve de créativité.

• La sévérité de la sanction dépend de la gravité du manquement de la partie en faute.  Cette sanction doit tenir compte de l'ensemble des circonstances dont le sérieux de la procédure, la prescription du recours, etc. 

Coopérative d'habitation «La Porte du bourg» c. Cosoltec inc., 2010 QCCA 2178

Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc., 2010 QCCA 1600

Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037

• Selon nous, les tribunaux semblent être réticents à imposer des sanctions qui ont un caractère « permanent ». Il nous apparaît donc qu’une demande visant à obtenir des ordonnances de gestion de l’instance serait plus susceptible de trouver un accueil favorable auprès du tribunal qu’une demande de rejet ou pour l’obtention de sanctions pécuniaires. Cela est à considérer lorsque l’on cherche à évaluer l’opportunité de présenter un recours en vertu des articles 54.1 et suiv. C.p.c.

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Rejet des procédures

• C’est la sanction ultime, la peine capitale. Le rejet est réservé aux cas les plus graves.

• Cette sanction a peu de chance d’être accordée par le tribunal, à moins d’être en présence d’un dossier qui n’a aucune chance de succès.

• En effet, même en présence d’un grave abus procédural, les tribunaux ont tendance à migrer vers des sanctions moindres, lorsque la partie peut démontrer des chances d’avoir gain de cause sur le fond du dossier.

• Il est donc conseillé de joindre des conclusions subsidiaires pour obtenir des sanctions moindre, lorsque ce remède est recherché.

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Radiation de conclusions

• La règle interdisant l’irrecevabilité partielle est maintenue. Il faut donc faire attention à la jurisprudence initiale sous 54.1 C.p.c. qui a permis la radiation de conclusions qui ne touchaient pas des causes d’action distinctes.

Beaulieu c. Laflamme, 2011 QCCA 1909 ; 2011 QCCS 4282

Compagnie A c. B, 2010 QCCS 6505

• Entre autres, le tribunal peut ordonner la réécriture de l’action pour qu’elle se conforme aux dispositions des articles 76 et 77 C.p.c.

Etiah H. Entreprises inc. c. Société de l'assurance automobile du Québec, 2011 QCCS 139

Grill Newman inc. c. Demers, Beaulne, s.e.n.c., 2009 QCCS 5827

• À noter : les articles 54.1 et suiv. C.p.c. ne permettent pas de faire radier des clauses de « réserves de droit », qui n’ont de toute façon pas d’effet.

Planchers Mercier inc. c. Akzo Nobel Peintures bois ltée, 2012 QCCS 946

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Les sanctions pécuniaires

• Les tribunaux hésiteront également avant d’imposer des sanctions monétaires.

• On remarque une certaine forme de hiérarchie des sanctions.

• Par exemple, dans le cadre de l’instance, l’apparence d’abus peut donner lieu à:

- Un cautionnement, permettant la poursuite de l’action, mais protégeant les droits des défendeurs jusqu’au jugement sur le fond;

Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037 (65 000$) Technic Construction inc. c. 7081715 Canada inc., 2012 QCCS 240 (15 000$, contre les défendeurs) Walker Nappert (Succession de), 2009 QCCS 4784 (5000$ par demandeur)

- Une provision pour frais (s’il y a preuve d’impécuniosité). Les règles applicables sont alors celles de l’arrêt Hétu c. Notre-Dame de Lourdes (Municipalité de), [2005] R.J.Q. 443 (C.A.):

La procédure de l’autre partie apparaît prima facie abusive; La partie qui requiert la provision pour frais est dans un état d’impécuniosité; Il existe des circonstances suffisamment spéciales pour justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire consacré

à l’article 46 C.p.c. pour permettre la sauvegarde des droits.

Eden Palace inc. c. Dinard, 2010 QCCA 2015 (absence de preuve d’impécuniosité) Barrick Gold Corporation c. Éditions Écosociété inc., 2011 QCCS 4232 (143 190,96 $) Ben & Florentine Restaurants inc. c. 7255764 Canada Ltd., 2012 QCCS 2005 (35 000$) Éditions Tonality inc. c. Émond, 2009 QCCS 6514 (15 000$)

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• Dans le cadre de l’instance ou sur le fond, l’abus démontré peut donner lieu à une condamnation aux :

- Honoraires extrajudiciaires Droit de la famille — 111955, 2011 QCCS 3386 (en appel) (au fond, 173 419,61$) 9176-1874 Québec inc. (FPG Construction) c. Dion, 2009 QCCS 5761 (rejet, 45 000$) Desparois c. Van Peteghem, 2010 QCCQ 3796 (saisie avant jugement, 4 177,22$)

- Dommages-intérêts Droit de la famille — 111955, 2011 QCCS 3386 (en appel) (au fond, 50 000$) Harvey c. A.L., 2011 QCCS 3059 (au fond, poursuite-bâillon, 20 000$) Gilbert c. Canada (Procureur général), 2010 QCCS 2420 (au fond, 20 000$, contre une demande reconventionnelle) 2332-4197 Québec inc. c. Galipeau, 2011 QCCS 2332 (15 000$) Guénard c. Houle, 2010 QCCS 2628 (au fond, 10 000$) F.L. c. Lesage, 2010 QCCS 117 (en appel) (rejet, 3 000$) Compagnie A c. B, 2010 QCCS 6505 (refus de se présenter à un interrogatoire, 2 000$)

- Dommages punitifs (régis par 1621 C.c.Q., hésitation à condamner à des dommages punitifs lorsque des dommages-intérêts ou des honoraires

extrajudiciaires sont déjà octroyés) Droit de la famille — 10758, 2010 QCCS 1411 (au fond, 50 000$) 2332-4197 Québec inc. c. Galipeau, 2011 QCCS 2332 (procède par défaut, poursuite-bâillon, 50 000$) Droit de la famille — 111955, 2011 QCCS 3386 (en appel) (au fond, 35 000$) Harvey c. A.L., 2011 QCCS 3059 (au fond, poursuite-bâillon, 7 500$) 9176-1874 Québec inc. (FPG Construction) c. Dion, 2009 QCCS 5761 (rejet, 5 000$)

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Honoraires extrajudiciaires

• Les tribunaux ont continué d’appliquer les enseignements de l’arrêt Viel :- Il faut distinguer et définir l'abus de droit sur le fond du litige (l'abus sur le fond) de l'abus du droit

d'ester en justice;

- La contestation judiciaire doit être, au départ, de mauvaise foi, soit en demande ou en défense. Ce sera encore le cas lorsqu'une partie de mauvaise foi, multiplie les procédures, poursuit inutilement et abusivement un débat judiciaire;

- Une partie qui abuse de son droit d'ester en justice causera un dommage à la partie adverse qui, pour combattre cet abus paie inutilement des honoraires judiciaires à son avocat.

• Preuve de ces honoraires doit être faite adéquatement pour donner l’occasion de présenter une défense pleine et entière. Ils doivent de plus être raisonnables. Ils seront exclus si les honoraires extrajudiciaires auraient dû être encourus de toute façon, par exemple, s’il y a plusieurs défendeurs dont il faut départager la responsabilité par le biais d’un procès en bonne et due forme.

Hébert (Succession de), 2011 QCCA 1170 Groupe Van Houtte inc. (A.L. Van Houtte ltée) c. Développements industriels et commerciaux de Montréal inc., 2010 QCCA 1970 Zinga Ditomene c. Fortin, 2012 QCCS 107 Hébert c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec — Hôpital de l'Enfant-Jésus, 2011 QCCA 1521

• Une preuve étoffée n’est souvent pas requise lorsque les honoraires extrajudiciaires sont accordés pour une procédure incidente, lorsque les frais ne sont pas énormes et que le tribunal est en mesure de les apprécier de connaissance d’office. Ils peuvent alors être allégués et prouvés sous le serment d’office de l’avocat en étant arbitrés à la discrétion du tribunal.

Clinique Ovo inc. c. Curalab inc., 2010 QCCA 1214

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• Cette sanction semble être plus aisément prononcée à l’encontre de requêtes abusives présentées en cours d’instance.

• En règle générale, l’on peut s’attendre à voir les honoraires extrajudiciaires coupés de moitié par le tribunal, dans l’évaluation de ce qui est raisonnable.

• Dans le cadre d’un certain courant jurisprudentiel qui s’est tout particulièrement développé autour du défaut de communication d’engagements, l’on remarque que les retards excessifs et défauts de communiquer des engagements importants (après des demandes répétées) vaudrait entre 7 500 $ et 10 000 $ dans des litiges d’envergure sous la juridiction de la Cour supérieure.

Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc., 2010 QCCA 1600 Eden Palace inc. c. Dinard, 2010 QCCA 2015 9114-6522 Québec inc. (Condominium de Ladauversière) c. Protection Incendie Federal inc., 2011 QCCS 2766

• Même si l’article 54.4 C.p.c. permet de scinder le débat sur les honoraires extrajudiciaires, il faut faire attention : ce droit n’existe que si les honoraires ne peuvent être aisément établis au moment de l’audition, situation rarissime, dans la mesure où les honoraires peuvent normalement être établis par le dépôt des comptes d’honoraires à l’audition. La Cour supérieure a déjà conclu que permettre aux parties de scinder le débat serait contraire à une saine gestion des dossiers et à l’article 4.2 C.p.c.

Standard Life Insurance Company of Canada c. Corporation des praticiens en médecine douce du Québec, 2011 QCCS 5271

• Cela n’a toutefois pas empêché plusieurs tribunaux de prévoir de telles réserves de droit.

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Responsabilité des administrateurs

• Responsabilité personnelle des administrateurs et dirigeants pour les sanctions pécuniaires prononcées lorsqu’il y a déclaration d’abus.

Jobin c. Krypton Imagination inc., 2009 QCCQ 7843 Tarco inc. c. Kieley  JL2936, 2011 QCCQ 8791

• Codification de l’état du droit concernant la faute personnelle personnelle des administrateurs.

• Non rétroactivité de l’article 54.6 C.p.c. 2332-4197 Québec inc. c. Galipeau, 2010 QCCS 3427

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L’amiable compositeur?

• Le tribunal peut faire preuve de créativité au moment d’imposer les sanctions!

• Condamner des procureurs aux dépens et prononcer des motifs durs dans le jugement.

2963-0456 Québec inc. c. Performance Guarantees (Québec inc.), 2011 QCCS 1460 (en appel)

• Forcer à transmettre le jugement au Barreau. Caisse Desjardins des Métaux Blancs c. Langlois, 2012 QCCS 1443

• Ordonner la radiation d’un affidavit sous 403 C.p.c. Schwartz Levitsky Feldman L.L.P. c. Werbin, 2011 QCCS 6863 Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2012 QCCS 1870

• Ordonner de fournir des précisions. Auberge et Spa Le Nordik c. Groupe SAIT inc., 2012 QCCS 1809

• Disjoindre un recours en garantie. Transport W. Cyr (1984) inc. c. Le 350, s.e.c., 2012 QCCQ 3302

• Déclarer que les parties se sont données mutuellement quittance. F.L. c. C.L., 2012 QCCQ 3359

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L’appel

• Les jugements qui rejettent une demande en justice en raison de son caractère abusif sont appelables sur permission (art. 26, 2e al., par. 4.1 C.p.c.).

• Tous les autres jugements rendus en vertu des art. 54.1 et suiv. C.p.c. demeurent soumis aux règles générales de l’appel, selon leur nature interlocutoire ou finale.

• Il y a lieu à exécution provisoire malgré l'appel à moins que, par décision motivée, le tribunal ne suspende cette exécution (art. 547, al. 1, par. j) C.p.c.).

• Confusion marquée au niveau des règles de l’appel de plein droit ou sur permission (rejet pur et simple vs. rejet accompagné d’autres sanctions).

• La Cour d’appel semble frileuse à appliquer les articles 54.1 et suiv. C.p.c. à ses propres instances, vu les articles 501 et 524 C.p.c. qui ont la même finalité.

Simard c. Larouche, 2010 QCCA 63

• La Cour d’appel exige souvent plus de retenue de la part des tribunaux inférieurs.

Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc., 2010 QCCA 1600 Bellemare c. Directeur général des élections (DGE), 2010 QCCA 1560; 2010 QCCS 3399

• Cela dit, dans les cas clairs d’abus, la Cour d’appel fait généralement preuve de déférence, vu la nature discrétionnaire des jugements rendus en vertu des articles 54.1 et suiv. C.p.c.

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La mécanique

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Le droit d’être entendu

• Que la Cour agisse à la demande d’une partie ou d’office, il est crucial que la partie qui est visée par une possibilité de sanction soit appelée pour être dûment entendue tant sur le caractère abusif ou non de sa procédure que sur la sanction recherchée.

Fabrikant c. Swamy, 2010 QCCA 330

Paquette c. Laurier, 2011 QCCA 1228

Droit de la famille — 113540, 2011 QCCA 2099 

Tannenbaum c. Lazare, 2011 QCCA 2324

• Pour une condamnation de l’administrateur en vertu de l’article 54.6 C.p.c., il doit être dûment interpellé pour pouvoir se défendre.

GB Démolition inc. c. Caron Construction inc., 2010 QCCQ 6574

Idéalement, une requête devrait donc être présentée par écrit, plutôt que d’être simplement plaidée oralement, et ce, sans trop tarder.

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• Le tribunal ne peut consulter les transcriptions d’interrogatoires pour trancher une requête en irrecevabilité. Ainsi, lorsqu’une requête en rejet est présentée tant sous l’article 165 C.p.c. que sous les articles 54.1 et suiv. C.p.c., le tribunal devra d’abord trancher la requête en irrecevabilité fondée sur l’article 165 C.p.c. en faisant abstraction de ces interrogatoires et en se fondant uniquement sur les allégations et les pièces au dossier de la Cour.

Parc Safari (2002) inc. c. Saint-Louis, 2011 QCCA 2354 Paquette c. Laurier, 2011 QCCA 1228

• Un courant jurisprudentiel récent a interprété cette mécanique comme voulant dire qu’un tribunal qui juge une requête irrecevable en vertu de l’article 165 C.p.c. n’a pas ensuite à se pencher sur l’application des articles 54.1 et suiv. C.p.c.

• Nous ne sommes pas d’accord avec cette interprétation. Une procédure irrecevable n’est pas forcément abusive, mais peut l’être! Dans ce cas, l’on devrait pouvoir réclamer l’application des sanctions prévues aux articles 54.1 et suiv. C.p.c.

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• Au niveau procédural, en ce qui a trait à la requête sous 54.1 et suiv. C.p.c. en elle-même, il existe toujours un flottement quant à savoir quels éléments de preuve peuvent être présentés pour démontrer l’abus au stade interlocutoire. Dans tous les cas, il faut se rappeler que la présentation de requêtes en vertu des articles 54.1 et suiv. C.p.c. ne doit pas créer des mini-procès destinés à évaluer les chances de succès d’un litige, ni la possibilité de rencontrer le fardeau de la preuve, ni à préjuger de la crédibilité des témoins avant le procès, ni à soupeser les arguments et positions des parties.

• Dans ce contexte, nous suggérons d’adopter une approche similaire à celle qui a cours au stade de l’autorisation d’un recours collectif, où le tribunal peut permettre la présentation d’une « preuve appropriée » (art. 1002 C.p.c.), en se guidant sur les principes suivants :

- Au stade de l’autorisation, le tribunal ne tiendra pas pour avérées des allégations frivoles, mensongères, invraisemblables, non plausibles, qui relèvent de pures hypothèses ou de spéculation, ou qui sont clairement contredites par de la preuve documentaire fiable. Une

preuve appropriée peut donc être permise pour démontrer qu’une allégation tombe dans l’une ou l’autre de ces catégories;

- Cela dit, le juge doit faire preuve de prudence et ne pas autoriser des moyens de preuve pertinents au mérite;

- L’autre partie n’a pas à faire une démonstration complète, claire et sans équivoque de son droit d’action;

- Le tribunal n'a pas à évaluer les risques et les écueils qui guettent la requérante dans la conduite du recours collectif au mérite.

• En gros, au-delà des notes sténographiques d’interrogatoires au préalable, nous soumettons qu’il ne devrait pas y avoir de témoignages ou d’affidavits, sauf s’ils ont trait à un point objectif qui est incontestable et ne suscite pas de contre-interrogatoire. La preuve documentaire offerte au tribunal ne devrait quant à elle pas porter à interprétation. Dans tous les cas, elle devrait être circonscrite.

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Conclusion

• Selon nous, un praticien devrait garder ces choses à l’esprit lorsqu’il décide s’il doit recourir ou non aux articles 54.1 et suiv. C.p.c. :

- La procédure visée par la demande de déclaration d’abus;

- Le type de conduite à sanctionner, suivant la liste formulée à l’article 54.1 C.p.c.;

- La sanction recherchée;

- Le moment de la demande et la preuve disponible pour se prononcer selon le degré de conviction nécessaire.

• Surtout, dans tous les cas, il faudra prendre en considération la règle de la proportionnalité, car en effet :

« Toute vertu est fondée sur la mesure » ─ Sénèque

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Merci de votre attention

Remerciements particuliers à Me Marie-Hélène Beaudoin pour son apport inestimable au présent texte