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Compte rendu du débat Data pour la culture, culture de la data ? L’Atelier BNP Paribas – 24 novembre 2015 Mats Carduner, Co-Fondateur et Président de Fifty-Five. Lire sa biographie Laurent Frisch, Directeur du numérique de Radio France. Lire sa biographie Marc Gonnet, CEO & Co-founder de Delight. Lire sa biographie Julien Levesque, artiste digital. Lire sa biographie Albertine Meunier, artiste digitale. Lire sa biographie Jean-Gabriel Minel, Responsable du développement à l'INA. Lire sa biographie Philippe Torres, Directeur adjoint de l’Atelier BNP Paribas et Directeur du conseil en Stratégie Numérique de l’Atelier BNP Paribas. Lire sa biographie

Compte-rendu #DébatsFA 24/11 avec L'Atelier BNP Paribas

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Débat sur le thème : Data Pour La Culture, Culture de La Data.

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Compte rendu du débat Data pour la culture, culture de la data ? L’Atelier BNP Paribas – 24 novembre 2015

Mats Carduner, Co-Fondateur et Président de Fifty-Five. Lire sa biographie

Laurent Frisch, Directeur du numérique de Radio France. Lire sa biographie

Marc Gonnet, CEO & Co-founder de Delight. Lire sa biographie

Julien Levesque, artiste digital. Lire sa biographie

Albertine Meunier, artiste digitale. Lire sa biographie

Jean-Gabriel Minel, Responsable du développement à l'INA. Lire sa biographie

Philippe Torres, Directeur adjoint de l’Atelier BNP Paribas et Directeur du conseil

en Stratégie Numérique de l’Atelier BNP Paribas. Lire sa biographie

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Temps 1 : Introduction par Philippe Torres, Directeur adjoint et Directeur du conseil en Stratégie Numérique de l’Atelier BNP Paribas

Qu’est-ce que la « data révolution » ? La « data révolution » est la convergence de plusieurs tendances : une révolution informatique, technologique, de visualisation et une révolution mathématique à travers les statistiques qui cherchent à modéliser le fonctionnement de l’intelligence. Les sciences de la data se nourrissent de toutes ces révolutions, mais elles construisent aussi des ponts avec d’autres disciplines scientifiques comme les neurosciences, les sciences biologiques etc. Enfin, parce que les données questionnent aussi les compétences propres à de multiples secteurs d’activité, les sciences de la data engendrent des sciences d’application liées au marketing, au commerce, à la santé… La « data révolution » est donc postérieure à la révolution digitale. Une des conséquences de l’accélération de l’innovation induites par les nouvelles sciences de la data est celle d’une célérité accrue du rythme de transformation par l’innovation : plus il y a d’innovations, plus rapidement se développent et se diffusent d’autres innovations. Au point que selon la courbe de Kurzweil, cette accélération des sciences du digital, de la data et de la cognition pourront permettre d’observer d’ici quelques décennies une convergence entre l’intelligence humaine et l’intelligence des machines. Les enjeux toujours plus importants que la « data révolution » soulèvent et auxquels elle souhaite dans le même temps répondre, se retrouvent dans l’évolution étymologique du terme data. A première vue, il s’agit d’une notion proche de celle « d’origine » : les données sont le point de départ, ce sur quoi l’on va s’appuyer, construire une réflexion. Issue de la convergence des mathématiques à travers les algorithmes et une collecte de plus en plus diversifiées, les données apparaissent de plus en plus comme des faits, des acquis, des objets objectifs et réels alors même qu’il ne s’agit en vérité que d’une « extraction », d’une « interprétation » de la réalité à l’image des données de Google qui ne couvrent qu’une petite partie de ce qui circule sur la toile. Se pose alors la question essentielle si on parle de ‘culture de la data’ du socle philosophique et éthique de cette notion : si science de la data il y a, quelles en sont les méthodes ? Ces méthodes peuvent-elles, doivent-elles s’appliquer à tous les types de données ? Y compris celles qui ne sont pas nécessairement digitales ? Pourquoi faut-il participer à la « data révolution » ? Une des raisons souvent mises en avant pour convaincre tout un chacun de participer à cette révolution est celle du pouvoir de simplification qu’effectue la big data sur notre monde complexe. Mais derrière cette forme de culte de la donnée, il y a sans doute une justification insuffisante puisqu’on observe un processus darwinien dans les champs d’utilisation de la data : dans certains champs d’activité elle devient indispensable, dans d’autres elle est impuissante.

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D’un autre côté, on observe une forme de religion de la donnée où toute réponse à un problème n’est plus que le fruit d’une donnée qui parle d’elle-même, l’homme ne se risquant plus à articuler sa réponse. Connaître les rouages de la data et participer à sa révolution est donc essentiel pour rester maître des usages et des décisions qu’ils peuvent entrainer alors que celles-ci s’appuient de plus en plus sur l’analyse de la data. Comment faut-il participer à la « data révolution » ? Le défi de la data peut être relevé en suivant trois étapes :

1. Dans un premier temps, il s’agit de cibler les données que l’on souhaite utiliser puis de les stocker. Des compétences de « hacking » (hacking skill) jouent un rôle important dans cette première étape.

2. Dans un deuxième temps, une analyse fondée sur une méthode précise, claire et compréhensible par le plus grand nombre possible est décisive (par exemple un mode de visualisation).

3. Dans un troisième temps, l’expertise fait son entrée en mettant cette analyse au service d’un objectif à atteindre.

Mais attention, la basculement qui s’effectue entre les étapes 2 et 3 doit avoir des fondements solides et être le fruit d’un accord commun à tous afin à la fois d’éviter le risque d’erreur qui viendrait d’une méthode peu rigoureuse et le risque éthique qui viendrait d’une méconnaissance des intéressés concernant les mécanismes ou de leur désaccord avec ceux-ci. Une technologie en lien avec l’analyse littéraire récemment développée illustre ces trois étapes : elle permet à partir des données contenues dans un roman (cf étape 1), d’extraire grâce à un algorithme les personnages et rebondissements du roman (cf étape 2), dans un but pédagogique (cf étape 3). Si le projet d’utilisation de la data s’inscrive dans un processus de transformation digitale de l’organisation ou de l’entreprise, il nécessite de s’appuyer sur une véritable ambition portée par le management et de mettre les moyens pour favoriser la formation à ces usages. Cette dernière nécessité est d’autant plus vraie pour le monde de la culture où la data sera amenée à devenir une dimension essentielle de son économie. Une dimension qui gagnerait à davantage être inscrite dans l’open innovation qui se prête parfaitement à une économie de prototype. »

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Temps 2 : Présentation d’Albertine Mennier, artiste digitale

« Si vous êtes là, c’est que la data c’est votre dada ! » « La data est d’abord affaire de mise en forme : comment faire des trucs avec les données ? La mise en forme textuelle de la data Pour se rendre compte des tics et des tocs que révèlent notre data et avoir un choc esthétique et psychologique par la même occasion, on peut comme moi éditer un livre « My Google Search History » qui est une suite de mots – pour le moins illisible – et qui recense l’ensemble de mes recherches Google faites depuis plusieurs années. Il est aussi possible de faire de la poésie avec de la data via des objets connectés. C’est ce que j’ai tenté de faire avec plusieurs œuvres dont par exemple la dernière l’œuvre « Internet est-ce que tu m’aimes ? » où l’on peut poser cette question au logiciel d’interprétation vocale de Google qui parfois interprète de manière pour le moins fantaisiste cette question. La mise en forme physique de la data L’une des formes de données qui peuvent prendre corps sont les données issues de la géolocalisation : dans ce cas, on transforme des coordonnées géographiques en une empreinte. On obtient alors une sorte de carte en 3D où les lieux où l’on a passé plusieurs heures se matérialisent par de petites collines. Ici, nos données débouchent sur un chemin narratif. La mise en forme sonore de la data Un projet que j'ai réalisé chez Orange a consisté à développer la perception d’une ville à travers l'activité des antennes mobiles représentée sur une carte à travers une dimension visuelle et auditive. Ici, j’ai utilisé une technologie de ‘sonification’ qui permet d’appréhender la ville en temps réel via la traduction de l'activité des antennes mobiles par des sons attribués aux données d'appel ou de sms (un système de captation de sons disséminé dans le milieu urbain). Data : liberté et éternité Mais pour qu’une mise en forme de la data soit possible, encore faut-il la désensevelir, effectuer un travail d’archéologue. Pour permettre ce ‘désensevelissement’, rien de tel que la page blanche ou plutôt un livre blanc sur lequel tout autre livre peut-être projeté. Les données insaisissables et intangibles retrouvent alors pour un moment un milieu. Cette mise en forme est-elle celle de l’éternité ? A supposer que les données ne s’effacent sans doute jamais, alors oui il s’agit bien d’une ambition d’éternité et de transhumanisme portée par les grands acteurs digitaux de la data. Mais j’ai souhaité répondre à cette ambition avec humour en relativisant à la fois ce projet fou et la puissance de ces acteurs dans un petit autel où l’on imagine Google mort dans quelques années. »

« Hey GAFA1, NATU rien vu venir ?»

1 GAFA : Google, Apple, Facebook, Amazon et NATU : Netflix, Airbnb, Tesla et Uber.

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Temps 2 : La Parole aux intervenants

Mats Carduner (Co-fondateur et Président de Fifty-Five) « Les entreprises attendent beaucoup de la data ! En ce qui concerne plus particulièrement mon cœur de métier qui est le marketing, il s’agit de tirer parti des données pour changer la relation avec les clients et les prospects à travers un marketing à la fois plus personnalisé et moins intrusif. L’importance accrue de l’amélioration de la relation-client vient en fait d’un paradoxe : avec la prolifération des écrans, les points de contacts et d’interactions avec le client se multiplient et permettent d’appréhender beaucoup mieux leurs comportements et attentes ; mais d’un autre côté la tolérance et l’attention aux publicités diminue chez les consommateurs (comme le montre la multiplication des adblockers). Les entreprises se retrouvent alors face à une opportunité exceptionnelle de toucher un très grand nombre de personnes avec une grande précision, mais cette opportunité est finalement sous-exploitée, car sans une bonne maîtrise de la data, il est assez difficile de cibler une population, ou de lui proposer un contenu qui lui semble pertinent. A mon sens, deux pistes de solutions permettent de mieux appréhender et maîtriser la data :

Une solution pratique : répertorier toutes les données disponibles, puis déterminer où et comment les récupérer (via Google Analytics par exemple), pour enfin en faire une analyse, améliorer et personnaliser l’expérience utilisateur, et optimiser les investissements publicitaires.

Une solution éthique qui est plus essentiellement déterminante car elle va au-delà du monde de l’entreprise. Un questionnement éthique qui pourrait avoir pour point d’ancrage la « Déclaration des droits de l’homme numérique » rédigée par le Forum d’Avignon. Dans cette démarche, trois acteurs ont un rôle essentiel à jouer :

- Les instances réglementaires. L’invalidation récente du « Safe Harbor2» par la Cour de Justice de l’Union européenne et la coopération des CNILs européennes dénote une vigilance concernant la protection des données personnelles, et on peut s’en féliciter.

- Les entreprises qui doivent mettre au cœur de leur relation client une transparence dans l’utilisation des données liées à leurs utilisateurs. Ces derniers doivent notamment pouvoir être à même de les modifier ou de les supprimer.

- Les écoles et universités qui doivent aussi enseigner le libre arbitre en la matière, notamment en proposant un enseignement en programmation qui permette à chacun de percevoir les enjeux qui résident derrière le digital et la data. »

2 « Safe Harbor » : accord qui autorisait, jusqu’à son invalidation, le transfert de données depuis l’Europe vers les Etats-Unis, sous condition que les entités concernées s’engagent à respecter un certain nombre de principes énoncés par l’Union Européenne

« Pour les entreprises, il s’agit de tirer parti des données pour changer la relation avec les clients et les prospects à travers un

marketing à la fois plus personnalisé et moins intrusif. »

Mats Carduner, Co-fondateur et Président de Fifty-Five

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Laurent Frisch (Directeur du numérique de Radio France) « A Radio France, la question de la data se pose bien différemment car nous n’avons pas de culte de la performance mais plutôt l’exigence de la qualité. En effet, étant un service public, nos ressources financières proviennent à 90% de la contribution nationale à l’audiovisuel (chaque citoyen verse chaque mois en moyenne 2€ pour Radio France), et les seuls retours de nos auditeurs proviennent de l’étude de Médiamétrie réalisée trimestriellement. Dans ce contexte, et avant même de parler de data, une démarche de marketing n’est historiquement pas au cœur de notre métier. Cependant, avec l’arrivée du numérique, il est certain que nous sommes confronté à des comportements d’arbitrage de nos auditeurs qui peuvent par exemple choisir d’écouter une vidéo youtube plutôt que l’une de nos antennes. L’enjeu est alors de passer d’un média de masse à un média de précision : plutôt que de proposer pléthore d’émissions à nos auditeurs, il faut offrir la bonne émission à la bonne personne, comme le fait Netflix pour la vidéo ou Pandora pour la radio - ce dernier n’étant pour l’instant pas lancé en France. C’est là le vrai défi des activités culturelles qui comme nous font face à une désintermédiation. »

Jean-Gabriel Minel (Responsable du développement à l’INA, Direction des collections) « Le premier travail de l’INA est un travail titanesque de collecte, numérisation (notamment pour les supports analogiques) et valorisation de la mémoire puisque nous avons aujourd’hui plus d’un million d’heures d’archives (12 en comptant le Dépôt Légal de la Radio et Télévision). L’indexation est réalisée par nos documentalistes, avec plus de l’acquisition de données externes ou encore des métadonnées générées par nos outils d’analyse des contenus. La question de la data est donc une dimension quotidienne de notre métier où nous nous efforçons de mettre en place une démarche de data mining. Nous avons un département R&D qui développe en interne des technologies. Par exemple DigInPix, pour la recherche d’objets dans les images, ou encore Speech Trax, pour la recherche de locuteurs. Pourtant, la data acquière à nos yeux une dimension bien plus déterminante. Il s’agit d’un relais pour développer les usages de nos archives. En effet, si nous connaissons bien nos utilisateur (le grand public sur Ina.fr, les professionnels qui achètent des contenus et les chercheurs), comment parvenir pour autant à leur proposer l’archive pertinente au bon moment ? Comment illustrer un sujet d’actualité par tel ou tel enregistrement télévisuel ou radiophonique ? Voilà notre véritable défi : associer les métadonnées et nos compétences éditoriales pour développer des recommandations pertinentes à destination de nos utilisateurs. Mais aussi savoir

« Le vrai défi des industries culturelles et créatives est la désintermédiation: trouver le bon contenu pour la bonne personne. »

Laurent Frisch, Directeur du numérique de Radio France

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mettre en avant celles-ci là où nos utilisateurs se trouvent, sur nos sites Internet, mais également sur les fameux GAFA. A mon sens, la solution pour relever ce défi et réconcilier la mémoire (les archives) avec une culture de l’instantané proviendra non seulement des progrès des sciences de la data mais aussi des collaborations et des démarches d’innovation ouverte que nous saurons construire avec des start-ups. »

Marc Gonnet (CEO & Co-founder de Delight) « En ce qui concerne le secteur du spectacle vivant, dans lequel nous opérons, la gestion intégrée de la data est d’abord un moyen de réduire le risque que prennent les producteurs. Cette prise de risque est constante et très significative : la rentabilité moyenne du secteur est d’environ 0,5% seulement, alors que le chiffre d’affaires des spectacles a doublé en 10 ans. La seconde raison pour laquelle une approche ambitieuse de la data y est d’une grande d’aide provient de notre conviction que si les salles de spectacles sont déjà bien remplies, elles peuvent l’être encore davantage ! Tout le sujet, c’est l’acquisition de nouveaux spectateurs. Le gâteau peut grossir. Et pour cela, il faut adresser simultanément deux problèmes: · Il y a d’abord un problème d’information, de conscience, « d’awareness". Une étude du plus grand réseau américain de billetterie a d’ailleurs montré qu’aux Etats-Unis, parmi les personnes n’ayant pas ou mal été informées des spectacles qui se tenaient la veille, 10% d’entre elles auraient acheté leur place si elles avaient connu l’offre. · Mais il y a aussi un problème de pertinence des messages. De ciblage. Problème qui apparaît évident dans le cas des colonnes Morris par exemple : des centaines de personnes aux centres d’intérêts divers se voient suggérer le même spectacle. Il y a un effet" papier peint". On ne les voit plus toujours suffisamment. En s’adressant à tout le monde, elles risquent de ne s’adresser à personne. Les producteurs de spectacle parviennent aujourd’hui à capter une faible part des données relatives à leur public (10% à 15% seulement en moyenne).Il manque donc un acteur de centralisation, un tiers de confiance qui mutualiste et donne du sens aux données et surtout les rende directement actionnables en campagnes marketing pour les producteurs. »

« La data pourrait permettre aux producteurs de spectacle vivant de toucher un public encore plus large grâce à une

technologie de ciblage. »

Marc Gonnet

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Temps 3 : Questions de la salle aux intervenants

A M. Minel : numérisez-vous aussi les connaissances de vos documentalistes ? Jean-Gabriel Minel : « Oui bien sûr ! Nous effectuons des entretiens patrimoniaux qui consistent à enregistrer nos documentalistes (mais pas seulement, cela peut aussi être des personnalités marquantes du passé) raconter leurs souvenirs. Ces enregistrement peuvent durer plusieurs heures et font ensuite l’objet d’un travail technologique de reconnaissance sonore qui nous servira ensuite de référencement des archives qui on été évoquées dans le récit de la personne enregistrée. » Il me semble pertinent de faire un parallèle entre l’électricité en tant que ressource et la data : au début tout le monde pensait qu’elle était gratuite et propre mais elle s’est révélée être payante et polluante. Est-ce aussi le cas de la data : dans quelle mesure est-elle payante ? Existe-t-il des déchets issus de la data ? Philippes Torres : « Ce parallèle est juste. Mais attention, les acteurs du monde de l’entreprise et de la recherche sont déjà conscient du coût très élevé de la data, ou plutôt de celui de la capacité de calcul qu’elle suppose. Aujourd’hui il faut une masse de données gigantesque pour faire ce qu’est capable de faire un enfant de 5ans devant une image. En ce qui concerne la pollution qu’elle émet, encore faudrait-il savoir déterminer où se situe et où circule la data pour pouvoir la gouverner. Ce qui n’est pas encore le cas ni dans le cadre de l’entreprise, ni dans celui du foyer. » Mats Carduner : « La première des pollutions me semble avant tout être une pollution des esprits. Il y a un vrai enjeu de surinformation, d’infobésité. On est face à une trop grande quantité de données et l’on a du mal, sans les bons outils, méthodes et compétences à chercher et trouver la bonne information, alors même qu’une attitude semble émerger qui consiste à effectuer le raisonnement suivant : sans la donnée, on ne peut pas répondre donc on ne peut pas penser. »

Est-on plus indulgent concernant la gestion des données culturelles par rapport à d’autres types de données ? Mats Carduner : « Non pas spécialement. D’autant que la gestion de la data faite par les industries ou institutions culturelles et créatives est parfois plus brouillonne et plus opportuniste, étant donné les enjeux de monétisation auxquels ces industries sont confrontées par rapport à d’autres secteurs qui sont rompus à l’exercice. » Pourquoi les industries culturelles et créatives ont-elles tant de mal à gérer la data alors même que nombre d’entre nous sommes prêts à partager nos données pour trouver l’information pertinente ?

Sans outils, méthodes, et capacités d’analyse appropriées, la data peut s’avérer

chère et encombrante. Mats Carduner

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Marc Gonnet : « Notamment parce que la technologie qui permet de donner du sens (et du R.O.I !) aux données du live entertainement est seulement en cours de développement. Mais aussi parce qu’aujourd’hui les données sont dispersées. Il en résulte trop de messages ou de newsletters mal ou insuffisamment ciblées. C’est au spectateur dans sa complexité qu’il faut s’adresser en complément des canaux traditionnels. C’est ainsi qu’on améliorera son expérience» La data peut-elle transformer le marché de la culture en marché de la demande et par là-même dénaturer le principe de la création ? Marc Gonnet : « Je ne pense pas, avant tout parce que l’industrie de la culture est une économie de prototype. (comme le montre bien l’offre de Bandsquare, start-up – présente dans la salle - qui permet aux artistes de planifier leur prochaine tournée avec leurs fans ou celle de Tech4Team en matière de Yield Management ou de CRM). Mais les artistes et les producteurs de spectacles sont très demandeurs d’informations pour mieux créer ou mieux communiquer.

Temps 4 : Clôture du débat par Julien Levesque, artiste digital

« Pour moi, la data est une source d’inspiration poétique qui se retrouve dans trois de mes œuvres : In The Cloud with Lulu, Book Scapes et Little Umbrella :

In The Cloud with Lulu est un mobile suspendu représentant des nuages qui bougent en fonction de mes déplacements quotidiens. C’est un objet connecté qui est relié à mon smartphone (géolocalisation) et qui se meut suivant les quatre états de ma vitesse : le stationnaire, la marche, la course et le déplacement par moyen de transport.

Book Scapes est une série de paysages digitaux réalisés à partir d’une banque d’images issus de Google books. Le spectateur perçoit un paysage qui se dessine aux allures mi-gravure, mi-dessin laissant apparaître une vue imaginaire d'un pays qui n'existe pas.

Little Umbrella est un petit parapluie connecté qui est capable d’aller chercher une météo prédictive sur internet afin de vous indiquer à l’avance s’il va pleuvoir (le parapluie s’ouvre) ou non (le parapluie reste fermé). Le petit parapluie s’accapare les données et leur donne forme de manière simple et poétique. »

La data est un défi certain pour les ICC mais elle ne remet pas encore en question le principe de création.

Marc Gonnet

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MANIFESTE DATADADA #1 Par Albertine Mennier et Julien Levesque

c’est ma data là mais ceci n’est pas de votre ressort

la data c’est GAFA la datum c’est Badaboum

ma data est une poule aux oeufs d’or Lucky la Data qui ne peut être vendue

Pâquerettes à Gogo quand la data se manifeste,

cela fait à Dada à hue et à dia!

quand la data se vide de sens elle change de direction

je répète la data c’est GAFA

la datum c’est Badaboum la data, c’est comme un ange

Unisexe et pur esprit c’est la data là c’est la data là

qu’on se le dise!

***

Le Forum d'Avignon tient à remercier très chaleureusement l'ensemble des intervenants pour la grande qualité de leurs propos et leur pédagogie et écoute bienveillantes ainsi que les participants venus très nombreux. Ce débat est l'une des étapes des travaux de réflexion du Forum d'Avignon

sur ce sujet. D'autres sont à venir pour intégrer l'ensemble des positions et propositions et contribuer à construire -ensemble- une éthique de la donnée !

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