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connaissances race www.chevalmag.com 38 - Cheval magazine - mai 2013 - n° 498 Ces équidés originaires des paysages rudes du Nord des Etats-Unis ont posé le sabot sur le sol français, il y a quelques années. Et pourtant, vingt ans plus tôt, les nokotas ont bien failli disparaître. Portrait de ces chevaux marrons* d’Amérique. FICHE D’IDENTITÉ Son corps s’inscrit dans un carré, présente des angles marqués, une muscu- lature effilée, des épaules anguleuses et un garrot solide, une croupe nettement inclinée, une attache de queue basse, une ossature, des jambes et des sabots solides, des fanons fournis. Les oreilles sont souvent légèrement relevées aux extrémités. Certains présentent des allures amblées. Cap sur le NO rth Da KOTA… Photos D.R. Les nuances sont nombreuses. Les rouans, overos et le gène dun sont répandus, mais on trouve aussi des individus noirs, gris, sabinos, bais, bai-brun… De 1,33 m à 1,66 m.

connaissances race - Nokota-Ranch

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connaissances race

www.chevalmag.com38 - Cheval magazine - mai 2013 - n° 498

Ces équidés originaires despaysages rudes du Nord desEtats-Unis ont posé le sabot surle sol français, il y a quelquesannées. Et pourtant, vingt ansplus tôt, les nokotas ont bienfailli disparaî tre. Portrait de ceschevaux marrons* d’Amérique.

FICHE D’IDENTITÉ

Son corps s’inscritdans un carré, présente des angles marqués, une muscu -lature effilée, des épaulesanguleuses et un garrot solide,une croupe nettement inclinée,une attache de queue basse,

une ossature, des jambes etdes sabots solides, des fanonsfournis. Les oreilles sontsouvent légèrement relevéesaux extrémités. Certainsprésentent des allures amblées.

Cap sur leNOrth DaKOTA…

Phot

os D

.R.

Les nuances sont nombreuses.Les rouans, overos et le gène dunsont répandus, mais on trouve aussides individus noirs, gris, sabinos,bais, bai-brun…

De 1,33 m à 1,66 m.

C’est un portail posé dans levert au bord d’une petiteroute départementale prèsd’Orry-la-Ville. Aucun in-dice supplémentaire ne

nous signale le ranch et les chevauxaméricains auxquels nous nous at-tendions. Le propriétaire des lieux,François Marchal, vient à notre ren-contre pour nous présenter ses pro-tégés, trois juments, deux jeunes che-vaux de 4 et 2 ans et un gracieuxétalon bai : les nokotas. Passionnépar les Indiens et les chevaux, il a faitvenir en France, dès 2008, quelques-uns de ces petits chevaux originairesde l’Etat américain du Dakota duNord, une terre inhospitalière, ba-layée par les vents, et les a installéssur la propriété familiale.A quoi donc ressemble cette rareté ?Son type est très hétérogène. Thun-der Bull, une grande jument pie à l’allure franche et à la crinièreblonde, nous fait vaguement penserà un paint mais avec plus d’os. Buck-

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Texte : Lise Mayrand

Pour un poulain né en France,environ 4 000 € au sevrage ; pourun 3 ans, débourré, autour de6 000-6 500 € ; pour un chevaladulte né aux Etats-Unis et importé,autour de 7 000 € (achat + transport).

On réduit souvent les chevaux àleur raison utilitaire : le sport, leloisir, la course. Les nokotas sedéfinissent autrement. Vestigesvivants du passé des Etats-Unis,ils ont vécu et traversé saconstruction, ses soubresauts etses non-sens. En cette périodetrouble du cours du monde, nous avons voulu diriger laloupe vers ces irréductibles.

Pourquoichoisissons-nous ce sujet ?

Si les poulains nokotas naissent toujoursdans le Dakota du Nord (ci-dessus), ce belétalon (ci-contre) vit dans l’Oise en Franceet répond au nom de Buckbrush.

Ph. I.

Arn

on

Entre 200 et500 nokotas “purs” et1 000 en croisementdont la plupart sontaux Etats-Unis, maisaussi au Canada, 13 enFrance, 26 en Suède.

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brush, le jeune étalon bai pos-sède une longue crinière et une enco-lure arrondie qui le rapprochent ducheval ibérique. Débonnaire, il n’estpas vraiment étonné de nous voir là et supporte sans broncher un petittoilettage aux effluves d’abricot.Quant à Flashy Wolf et Lakota Bird,les deux dernières juments, on diraitdes mustangs à la robe bleu rouanné.“Certaines robes, rares pour les autresraces, sont très courantes chez le nokota, comme le rouan ou l’overo”,explique François Marchal.

Hauts en couleurUn déluge de couleurs qui recou-vrent des corps anguleux soutenuspar une ossature solide, des épaulesmarquées qui se prolongent par undos court, des croupes inclinées et

puissantes, des sabots durs et descrins et des fanons fournis… Le no-kota possède un physique adapté aux hivers rigoureux du Nord desEtats-Unis et au sol accidenté duparc national Théodore Rooseveltoù il a longtemps vécu en liberté. Sibien que les pensionnaires du No-kota ranch supportent parfaitementleurs conditions de vie françaises.Ici, pas de boxes pour la nuit, ons’abrite sous les arbres. Les chevauxse déplacent pieds nus, et cohabitentavec les autres pensionnaires dulieu, les autres chevaux de la famille,les chiens de bergers australiens etles oies.La morphologie des nokotas a été fa-çonnée par leur histoire pleine de re-bondissements. Descendants desmontures qui ont porté les colons es-

L’éleveur François Marchalen selle sur Flashy Wolf à la robe bleu rouanné, une

couleur courante chez les nokotas, et Mathilde, lafille de François, qui monte

l’étalon Buckbrush.

pagnols, comme les mustangs, ils onttraversé les Etats-Unis du Sud auNord au fur et à mesure de la coloni-sation et se sont adaptés aux difficilesconditions de vie du Dakota du Nord.Petits, endurants, ils sont utilisés parles “ranchers”, l’armée, mais aussipar les tribus indiennes. L’histoireveut que les nokotas actuels descen-dent des chevaux confisqués au chefsioux Sitting Bull à la fin du XIXe siè-cle. La cavalerie américaine les vendà quelques marchands et à un mar-quis français qui en fait l’élevage enliberté, si bien que nombre d’entreeux retournent à la vie sauvage. Lacrise économique des années 1930incite également les ranchers à s’endébarrasser. Les chevaux élisentalors domicile dans ce qui est au-jourd’hui le parc national TheodoreRoosevelt et s’y retrouvent piégésquand celui-ci est pourvu d’une clô-ture dans les années 1940. Indésira-bles, ils sont capturés et vendus pourla boucherie jusque dans les années

Phot

os I.

Arno

n

Un registre pourstructurer la raceAux Etats-Unis, lafamille Kuntz a créé un Conservatoire dunokota dont le but estde pérenniser la surviedu nokota et defavoriser sacommercialisation. Un registre de race aété établi afin depréserver la souchereproductriceoriginelle. Le registrerecense les nokotas“foundation” – c’est-à-dire les descendantsissus du parc TheodoreRoosevelt – qu’ildépartage en deuxcatégories : les chevaux“traditionnels” de typecolonial, sortes de“poneys d’Indiens”aptes à la guerre et lachasse, et les chevaux“ranch”, plus grands etathlétiques, croisés il ya très longtemps avecd’autres races. Unautre volet du registreest dédié aux chevauxdemi-sang.

Un cheval marron comme les autres ?Peu d’individus nokotas ont faitl’objet d’un testage génétique etcette technique est avant toututilisée au sein du programme deconservation pour confirmerl’appartenance de chevaux à unelignée. En quoi le nokota“foundation” est-il différent desautres chevaux marronsaméricains comme le pryormountain ou le mustang dont

il partage les origines ? Pour SethZeigler, vice-président duConservatoire du nokota, l’ancragelocal du nokota plaide en sa faveur.“Le terme “mustang” est vague

car la plupart des groupes de

chevaux mustangs ont été

“altérés” par l’influence continuelle

de chevaux venus d’ailleurs.

Le nokota, comme le pryor

mountain, est issu d’une

population spécifique adaptée à un

territoire tout autant spécifique.

A un moment donné, il a été isolé

des autres chevaux dans le parc

national Theodore Roosevelt qui

est entouré de terres appartenant

au gouvernement américain

comportant très peu de chevaux.”

Coupé du monde, le petit chevaldont personne ne voulait se seraitdonc forgé une identité.

L’histoire veut que lesnokotas actuels descendentdes chevaux confisqués au chef sioux Sitting Bull à la fin du XIXe siècle.

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Robuste et bien charpentée, la jument Thunder Bull de François est un exemple du typeranch et sa robe alezane overo aux crins blonds apporte encore plus de diversité dans desrobes de l’élevage.

Protégés par le Nokota HorseConservancy, des nokotas vivent en

liberté sur les terres du ranch de la familleKuntz, qui est à l’origine de la sauvegarde

de ces chevaux dans le Dakota.

1980 lorsque deux ranchers, lesfrères Kuntz, décident de racheter lesexpulsés du parc, de leur donner lenom de “nokota” (contraction de“north” et “dakota”) et de les éleversur leurs terres. Le petit cheval hir-sute devient une race.

Des montures sûresEt sous la selle, qu’est-ce que çadonne ? “Certains sont des chevaux detravail très calmes, d’autres sont vifs,façonnés par leurs conditions de vie. Ils excellent en équitation d’extérieur et randonnée. Ils sont confortablessous la selle, peuvent porter leur cava-lier loin et longtemps et ont le pied sûr. Ce sont des chevaux réfléchis”, explique François Marchal. Bienqu’elle ne l’ait pas eue sur le dos de-puis des mois, selon l’aveu de sonpropriétaire, la grande Thunder Bullaccepte volontiers la selle westerntout comme Buckbrush ; le jeuneétalon bai se laisse gentiment seller àl’anglaise puis monter par la fille dela maison, Mathilde, 17 ans. En re-vanche, Flashy Wolf, se montre plusméfiante. “Sa grand-mère vivait àl’état sauvage, elle est toujours atten-tive à son environnement et son ins-tinct de protection est très développé.

Avant de venir en France, elle a subiune période de quarantaine réglemen-taire, mais les soigneurs n’ont jamaispu l’attraper pour lui faire une prise de sang.” Après un petit temps de réflexion, Flashy Wolf se laisseconvaincre et développe comme lesautres, un trot confortable, rasantmais avec de l’amplitude. La demoi-selle ne se rend pas, mais coopèrecomme si cette séance n’était qu’unintermède dans sa vie de cheval unpeu plus sauvage que les autres.Dans quelques mois, la faroucheFlashy Wolf donnera naissance à unpoulain, le premier nokota conçu enFrance. Snow Wolf, petite boule baie,naîtra en plein hiver, pendant unetempête de neige nocturne et c’est aumatin qu’elle sera découverte, biencampée sur ses jambes. Une arrivéeau monde digne d’un nokota.

* Chevaux marrons : chevaux domestiquesretournés à la vie sauvage.

Ph. D

.R./S

. Zeig

ler

Questions à Seth Zeigler, vice-président du Nokota HorseConservancy

Le Conservatoiredu Nokotaambitionned’acquérir desterres afin de constituer un sanctuaire pourle Nokota. Quelle est l’origine de ce projet ?La rude sélection naturelle a forgé le nokota et ena fait un cheval athlétique, sociable et doté d’unegrande capacité d’adaptation. De l’autre côté, sonutilité comme cheval de travail et de selle est cru-ciale pour assurer sa survie à long terme. Placéedans les mains des humains, la race va continuerà évoluer, ce qui peut être une bonne chose si celaest bien mené. Et nous nous efforçons de mainte-nir toute la diversité à l’intérieur de la race à me-sure que de plus en plus d’éleveurs privés et depropriétaires s’impliquent dans la promotion de larace. Cependant, le meilleur moyen pour le nokotade rester fidèle à ses origines, c’est que la “horde”détenue par le NHC retourne à l’état sauvage pourconserver les bénéfices de la sélection naturelle.L’histoire a montré que lorsque ces chevaux ont del’espace pour vivre, ils parviennent aisément àprendre soin d’eux-mêmes et ce serait donc lameilleure assurance de leur survie.

Où en est ce projet ?Nous voudrions que ce sanctuaire soit érigé dansle bassin historique du nokota. Or, entre la ruée pé-trolière et la montée des prix des céréales, le prixdes terrains a été multiplié par cinq ces douze der-nières années. Cette surenchère est entretenue pardes pratiques d’exploitation agricole qui dégra-dent les terres à long terme, ce à quoi le NHC neveut pas participer. Chaque cheval aurait besoind’une vingtaine d’acres (environ 8 hectares) pourpouvoir vivre de façon durable par lui-même touten participant à l’éco-système sans le surexploiter.Toutes ces raisons impliquent que ce qui est justes’avère économiquement difficile, c’est pourquoice projet reste une ambition de long terme.

Nokota Horse conservancy : www.nokotahorse.org/cmsNokota ranch :www.nokota-ranch.com

Ph. D

.R./E

. Zeig

ler