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468 Le praticien en anesthésie réanimation © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés rubrique pratique Contrôle des voies aériennes chez l’obèse Brice Richez (photo), Benjamin Julliac, Anne-Marie Cros Correspondance : B. Richez, Département Anesthésie-Réanimation IV, Maternité de Pellegrin, Place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex. [email protected] Points essentiels • 14,5 millions de personnes présentes un surpoids. • 5,4 millions de personnes sont obèses. • Plus de 280 000 personnes présentent une obésité massive (IMC > 40 kg.m –2 ). • Chez l’obèse, la saturation pulmonaire en oxygène est rapide mais les réserves sont faibles. • Le temps d’apnée est le plus souvent inférieur à 3 minutes. • Une oxygénation passive pendant l’apnée, la position demi-assise et une PEP à 10 cmH 2 O et sont trois techniques utiles pour augmenter le temps d’apnée non hypoxique. • L’association obésité et ronflement nocturne est démontrée. • L’obésité et le ronflement nocturne sont deux facteurs indépendants prédictifs de ventilation au masque difficile, voire impossible. • L’association obésité et estomac plein n’est pas démontrée. • Intubation difficile plus fréquente. • Plateau d’intubation difficile et deuxième anesthésiste disponibles. • Si difficulté, assurée une ventilation rapidement par un Fastrach. • Utilisation préférentielle du LMA-ProSeal® chez l’obèse modéré. • S’assurer d’une parfaite étanchéité en vérifiant le bon positionnement et en calculant la pression de fuite. • Ne pas utiliser chez le patient présentant une obésité massive. a prise en charge des voies aériennes et la ventilation sont potentiellement à risque chez l’obèse. D’une part, la durée d’apnée sans désaturation est courte chez ce type de patient. D’autre part, les différentes techniques de ventilation, que ce soit la ventilation au masque facial, la ventilation via un masque laryngé ou une sonde d’intubation, peuvent poser problème chez les patients obèses. De plus, le ronflement, plus fréquemment retrouvé chez les patients obèses, est considéré comme un des facteurs prédictifs d’une ventilation difficile. Un IMC > 35 kg.m –2 , un syndrome d’apnée du sommeil (SAOS) avec un tour de cou > 45,6 cm sont des situations cliniques présentant un risque élevé d’intubation difficile. De plus, du fait de la diminution de la compliance thoraco-pulmonaire et de la capacité résiduelle fonctionnelle, de la modification des échanges gazeux, l’obèse présente un risque accru d’hypoxémie. L’ensemble de ces éléments permet de comprendre la difficulté que représentent la prise en charge des voies aériennes et la ventilation du patient obèse. Définition, épidémiologie Le critère le plus utilisé pour l’analyse des données liées à l’obésité est l’index de masse corporelle (IMC). Celui-ci est calculé en divisant le poids (en kg) par la taille (en m) au carré. Son unité est le kg.m –2 . Le surpoids est défini par un IMC compris entre 25 et 30 kg.m –2 et l’obé- sité par un IMC supérieur à 30 kg.m –2 . On parle d’obésité massive (ou parfois morbide) quand l’IMC est supérieur à 40 kg.m –2 . Une enquête réalisée en 2003 sur un échantillon de 25 770 personnes représentant la population française adulte (soit 47 686 810 personnes de plus de 15 ans) montre qu’il y a en France, plus de 14 millions de personnes présentant un surpoids et plus de 5 millions de personnes obèses (1). Parmi ces dernières, plus de 280 000 présentent une obésité massive (soit 0,6 % de la population française). La prévalence de l’obésité est passée de 8,2 % en 1997 à 11,3 % en 2003. Si cette tendance se pré- cise, la prévalence de l’obésité sera alors de 20 % en 2020. Modifications anatomo-physiologiques liées à l’obésité Modifications pulmonaires La principale modification pulmonaire de l’obèse est la réduction de la capacité de réserve fonctionnelle (CRF). Elle est réduite de L

Contrôle des voies aériennes chez l’obèse

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Le praticien en anesthésie réanimation© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

rubrique pratique

Contrôle des voies aériennes chez l’obèse

Brice Richez (photo), Benjamin Julliac, Anne-Marie Cros

Correspondance :

B. Richez, Département Anesthésie-Réanimation IV, Maternité de Pellegrin, Place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux [email protected]

Points essentiels

•14,5 millions de personnes présentes un surpoids.•5,4 millions de personnes sont obèses.•Plus de 280 000 personnes présentent une obésité massive

(IMC > 40 kg.m

–2

).•Chez l’obèse, la saturation pulmonaire en oxygène est rapide mais les

réserves sont faibles.•Le temps d’apnée est le plus souvent inférieur à 3 minutes.•Une oxygénation passive pendant l’apnée, la position demi-assise et

une PEP à 10 cmH

2

O et sont trois techniques utiles pour augmenter le temps d’apnée non hypoxique.

•L’association obésité et ronflement nocturne est démontrée.•L’obésité et le ronflement nocturne sont deux facteurs indépendants

prédictifs de ventilation au masque difficile, voire impossible.•L’association obésité et estomac plein n’est pas démontrée.•Intubation difficile plus fréquente.•Plateau d’intubation difficile et deuxième anesthésiste disponibles.•Si difficulté, assurée une ventilation rapidement par un Fastrach.•Utilisation préférentielle du LMA-ProSeal® chez l’obèse modéré.•S’assurer d’une parfaite étanchéité en vérifiant le bon positionnement

et en calculant la pression de fuite.•Ne pas utiliser chez le patient présentant une obésité massive.

a prise en charge des voies aériennes et la ventilation sontpotentiellement à risque chez l’obèse. D’une part, la duréed’apnée sans désaturation est courte chez ce type de patient.

D’autre part, les différentes techniques de ventilation, que ce soit laventilation au masque facial, la ventilation via un masque laryngé ouune sonde d’intubation, peuvent poser problème chez les patientsobèses. De plus, le ronflement, plus fréquemment retrouvé chez lespatients obèses, est considéré comme un des facteurs prédictifs d’uneventilation difficile. Un IMC > 35 kg.m

–2

, un syndrome d’apnée dusommeil (SAOS) avec un tour de cou > 45,6 cm sont des situationscliniques présentant un risque élevé d’intubation difficile. De plus, dufait de la diminution de la compliance thoraco-pulmonaire et de lacapacité résiduelle fonctionnelle, de la modification des échangesgazeux, l’obèse présente un risque accru d’hypoxémie. L’ensemble deces éléments permet de comprendre la difficulté que représentent laprise en charge des voies aériennes et la ventilation du patient obèse.

Définition, épidémiologie

Le critère le plus utilisé pour l’analyse des données liées à l’obésité estl’index de masse corporelle (IMC). Celui-ci est calculé en divisant lepoids (en kg) par la taille (en m) au carré. Son unité est le kg.m

–2

. Lesurpoids est défini par un IMC compris entre 25 et 30 kg.m

–2

et l’obé-sité par un IMC supérieur à 30 kg.m

–2

. On parle d’obésité massive (ouparfois morbide) quand l’IMC est supérieur à 40 kg.m

–2

. Une enquêteréalisée en 2003 sur un échantillon de 25 770 personnes représentantla population française adulte (soit 47 686 810 personnes de plus de15 ans) montre qu’il y a en France, plus de 14 millions de personnesprésentant un surpoids et plus de 5 millions de personnes obèses (1).Parmi ces dernières, plus de 280 000 présentent une obésité massive(soit 0,6 % de la population française). La prévalence de l’obésité estpassée de 8,2 % en 1997 à 11,3 % en 2003. Si cette tendance se pré-cise, la prévalence de l’obésité sera alors de 20 % en 2020.

Modifications anatomo-physiologiques liées à l’obésité

Modifications pulmonaires

La principale modification pulmonaire de l’obèse est la réductionde la capacité de réserve fonctionnelle (CRF). Elle est réduite de

L

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Brice Richez, Benjamin Julliac, Anne-Marie Cros

près de 25 % (de 2,6 l chez le patient normal à 1,9 l chez lepatient obèse) et inversement corrélée à l’IMC. Cette réduction estaggravée par la position en décubitus et l’induction de l’anesthé-sie et peut alors atteindre 50 % dès le début de l’induction. Cettediminution de la CRF a pour conséquence la génération d’atélecta-sies, elles-mêmes à l’origine d’un shunt intra-pulmonaire. Ceshunt est de l’ordre de 10 à 20 % chez le patient obèse alors qu’ila été évalué entre 2 et 5 % chez le patient non obèse. Par ailleurs,la consommation moyenne en oxygène est augmentée chez lepatient obèse morbide de près de 50 %. Elle est de l’ordre de200 ml.min

–1

chez l’adulte sain.

L’obésité est définie par un IMC > 30 kg.m

–2

Enfin, l’augmentation de la masse grasse au niveau thoracique etabdominale, l’augmentation de la pression abdominale, la réduc-tion de la cinétique diaphragmatique et l’infiltration adipeusecutanée et musculaire diminuent la compliance pariétale.

Modifications des voies aériennes supérieures

L’obésité est associée à des modifications anatomiques des voiesaériennes supérieures : la filière pharyngée est réduite par l’infil-tration graisseuse des parois latérales et du palais, la réduction dutonus musculaire laryngé, associé à la réduction de la filièreexplique la fréquence du SAOS et du collapsus des voies aériennesà l’induction de l’anesthésie. Par ailleurs, l’augmentation duvolume de la cage thoracique et un cou court souvent associésrendent difficile l’insertion du laryngoscope. Enfin, l’infiltrationgraisseuse du cou gène la perception de la membrane inter-crico-thyroïdienne, et limite l’extension cervicale, ce qui ajoute encoreà la difficulté d’accès laryngé.

La préoxygénation

C’est un point fondamental de la prise en charge d’un patient obèse.Le risque principal est la réduction du temps d’apnée non hypoxiquequi malgré une pré-oxygénation reste inférieure à 3 minutes. Cetemps d’apnée est le plus souvent défini comme le temps nécessairepour atteindre une saturation en oxygène < 92 % (genou de lacourbe de Barcroft) après le début de l’induction.Pour rappel, chez un patient non obèse avec un poumon sain, unepré-oxygénation de 3 minutes avec la technique du volume cou-rant avec une F

i

O

2

= 1 permet d’obtenir une FETO

2

> 90 % et uneréserve d’oxygène de près de 3 500 ml essentiellement au niveaude la CRF. Parallèlement, la consommation d’oxygène lors del’induction anesthésique est de l’ordre de 200 ml.min

–1

. La réserve

de 3 500 ml d’oxygène permet donc, en théorie, un temps d’apnéede l’ordre d’une dizaine de minutes chez l’adulte sain (2).

Chez le patient obèse, la diminution de la CRF et l’augmentation dela consommation en O

2

conduisent à une importante diminution dutemps d’apnée alors que le temps nécessaire pour obtenir une satu-ration de 100 % et une FETO

2

> 90 % est plus court. Le tempsd’apnée est de 600 sec. en moyenne chez des patients dont l’IMC est< 40 kg.m

–2

et de 140 sec (soit < 3 minutes) chez des patients dontl’IMC est > 40 kg.m

–2

. Ce temps d’apnée peut être inférieur à uneminute chez des patients dont l’IMC est > 55 kg.m

–2

(3).

Pour augmenter le temps d’apnée trois techniques ont prouvéleur efficacité, ces techniques pouvant être combinées : la pré-oxygénation en position proclive, l’application d’une PEP et l’oxy-génation passive avec une sonde nasopharyngée et un débitd’oxygène de 5 l. min

–1

. La préoxygénation en position demi-assise, chez des patients dont l’IMC était > 40 kg.m

–2

a permisd’augmenter le temps d’apnée de 46 secondes (201 sec. dans legroupe demi-assis, 155 sec dans le groupe allongé). La préoxygé-nation était effectuée en position demi-assise avec un angle de25°. Cet allongement du temps d’apnée est corrélé à une augmen-tation de la pression artérielle en oxygène de 23 % (4, 5). Lapréoxygénation en position assise chez l’obèse a été recommandéelors de la conférence d’experts sur l’intubation difficile (6).

L’application d’une PEP de 10 cmH

2

O lors de la pré-oxygénation etpendant la ventilation mécanique précédant l’intubation, chez despatients ayant un IMC > 35 kg.m

–2

augmente le temps d’apnéeavant désaturation (< 90 %) d’une minute. Ce gain de temps peutêtre expliqué par la diminution des atélectasies et du shunt intrapulmonaire. Cette technique doit cependant être rigoureuse etbien acceptée par le patient (7).

L’apport d’un débit d’oxygène de 5 l. min

–1

pendant l’apnée parune sonde nasogastrique permet le maintien d’une saturation à100 % pendant 4 minutes d’apnée. Un seul patient a désaturé à95 % à la 4

e

minute, l’IMC était de 65 kg.m

–2

. Dans le groupecontrôle, le temps mis pour atteindre une saturation de 95 % étaiten moyenne de 145 sec (3).

La ventilation au masque

Cinq facteurs prédictifs d’une ventilation au masque difficile ontété mis en évidence par Langeron et coll. (8) : présence d’un ron-flement nocturne, âge supérieur à 55 ans, IMC supérieur à26 kg.m

–2

, présence d’une barbe et absence de dents. L’associa-tion de 2 facteurs au moins prédit une ventilation difficile avecune sensibilité et une spécificité supérieures à 72 %. Kheterpal etcoll. retrouvent ces cinq facteurs mais, dans leur étude, la limitede l’IMC est de 30 kg.m

–2

et un sixième facteur est ajouté : la limi-

470

Contrôle des voies aériennes chez l’obèse

tation de la protusion mandibulaire (9). Dans cette étude 5 critèresprédictifs de l’association ventilation difficile et intubation impos-sible ont été identifiés : un IMC > 30 kg.m

–2

, un SAOS, un coucourt et épais, la présence de ronflements nocturnes et une limita-tion de la protusion mandibulaire.Ainsi un patient obèse peut présenter, au moins 2, voire 3 facteursde risque de ventilation difficile et/ou d’intubation difficile.Les patients obèses sans symptomatologie de reflux gastro-œsophagien, peuvent être ventilés au masque facial avant l’intuba-tion puisque le volume du résidu gastrique n’est pas plus importantque chez les patients de poids normal (10). Il faut cependant limi-ter les pressions d’insufflation au-dessous de 20 cmH

2

O pour pré-venir une insufflation gastrique. Dans ce contexte la ventilationen mode pression contrôlée est intéressante. L’apport d’une PEPde 10 cmH

2

O permet de prévenir la survenue d’atélectasies etd’augmenter les réserves en oxygène.

La présence d’un deuxième anesthésiste est recommandée

lorsque plusieurs facteurs de risque de ventilation et d’intubation

impossible sont réunis

Chez les patients pour lesquels une difficulté réelle d’oxygénation etde ventilation est prévisible l’algorithme d’oxygénation recom-mandé par la conférence d’experts sur l’intubation difficile doit êtreappliqué et le matériel doit être prêt à l’emploi (6)

(fig. 1)

. Rappe-lons que l’accès trans-trachéal peut être difficile ce qui justifie l’uti-lisation large du LMA-Fastrach®. La présence d’un deuxième anes-thésiste est recommandée lorsque plusieurs facteurs de risque deventilation et d’intubation impossible sont présents.

Masque laryngé (LMA)

Le masque laryngé n’est pas contre-indiqué chez l’obèse, cepen-dant le niveau de pression d’insufflation est limité par le niveau depression de fuite (11). Les pressions d’insufflation augmententavec l’importance de l’obésité. Il existe donc un risque soitd’hypoventilation, soit d’insufflation gastrique. Chez l’obèsemodéré (IMC < 40) l’utilisation d’un ML est envisageable. Maltby etcoll. (11) ont comparé l’utilisation du ML à celle d’une sonde endo-trachéale pour chirurgie laparoscopique. Ils n’ont pas retrouvé dedifférence significative en termes de saturation artérielle en O

2

et dePETCO

2

entre les groupes de patients, obèses ou non. Les pressionsd’insufflation étaient plus élevées chez les patients obèses mais uneventilation adéquate sans fuite a pu être réalisée dans tous les caset aucune insufflation gastrique n’est survenue. Cependant cetteétude ne portait que sur un effectif réduit de 13 patients obèses.Natalini et coll. (12) ont comparé l’utilisation du LMA-classic® àcelle du LMA-ProSeal® chez 60 patients atteint d’obésité modérée.Aucune difficulté ventilatoire ni d’insufflation gastrique n’est surve-nue malgré une ventilation en pression positive et une PEP de 10cmH

2

O. La valeur de la pression de fuite augmentait avec l’IMC dupatient. L’explication avancée par les auteurs était que l’étanchéitédu masque était augmentée par le dépôt de graisse sur les paroislatérales du pharynx.

Le second problème est lié aux risques de régurgitation et d’inha-lation incomplètement prévenu par ce type de dispositifs. Le LMA-ProSeal® dont la pression de fuite est plus élevée que celle duLMA-classic® et qui est pourvu d’un tube de drainage diminue lesrisques inhérents à ce type de dispositifs et doit être recommandéparticulièrement chez l’obèse. La mesure de la pression de fuiteest conseillée. Elle doit être supérieure aux pressions d’insuffla-tion utilisées. Le LMA-ProSeal® semble de ce fait préférable auLMA-classic® ; en effet, les pressions de fuite obtenues sont> 30 cmH

2

O en moyenne alors qu’elles sont autour de 20 cmH

2

Oavec le LMA-classic®. Cependant, il n’est pas possible de réaliserde manœuvre de recrutement avec ce type de dispositif.

Le risque réel de régurgitation et d’inhalation est un sujet encoredébattu mais semble extrêmement faible (13). Compte tenu des pres-sions de fuites élevées, de la possibilité de drainage des sécrétionsgastriques et du risque faible de régurgitation, le LMA-ProSeal® peutêtre utilisé chez l’obèse modéré et doit être préféré au LMA-classic®.

Chez l’obèse morbide, il n’existe aucune étude suffisamment bienconduite pour contre-indiquer ou non l’utilisation du ML. Il sembleactuellement établi que le patient obèse ne présente pas plus derisque de régurgitation et d’inhalation que le patient non obèse, endehors de la présence d’un reflux gastro-œsophagien ou d’uneFigure 1. Oxygénation.

INTUBATIONventilation au masque efficace

Apnée possible Ventilation Spontanée

Laryngoscopie 2 essais –optimisation exposition– long mandrin béquillé

Échec

Échec

EchecRéveil Réveil

Intubation Intubation IntubationRéveil

Masque laryngé/FastrachAbord trachéal

FIBROSCOPE

FASTRACHMasque laryngé enfant < 30 kg

SFAR2006Aide prévue

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Brice Richez, Benjamin Julliac, Anne-Marie Cros

hernie hiatale symptomatiques. Les pressions ventilatoires sont, enrevanche, plus élevées chez le patient obèse morbide du fait de ladiminution de la compliance thoracique. Il semble donc difficile deproposer l’utilisation d’un LMA-classic® chez ces patients. L’utilisa-tion du LMA-ProSeal® est envisageable du fait de sa meilleure étan-chéité. Cependant, aucune étude ne valide ce choix. Seule, uneétude de Keller et coll. (14) portant sur 60 patients présentant uneobésité massive, valide l’utilisation du LMA-ProSeal® comme alter-native transitoire à l’intubation trachéale. La mise en place du dis-positif a été possible chez tous les patients en 15 secondes enmoyenne. La ventilation a été possible chez tous les patients, sansfuite pour 95 % d’entre eux. Cependant le LMA-ProSeal® n’étaitlaissé en place que 10 minutes avant la réalisation d’une intubationoro-trachéale. Aucune étude ne permet de statuer sur l’utilisationprolongée sans risque des dispositifs supra-laryngés chez le patientavec une obésité massive et elle ne peut donc être recommandée.L’intubation trachéale demeure la règle chez ces patients.

En revanche l’utilisation du LMA-Fastrach® ou du LMA-ProSeal®comme moyens de secours dans les situations de ventilation oud’intubation impossible est recommandée (6). Les atouts majeursdu LMA-Fastrach® sont la rapidité de mise en place, une ventila-tion efficace dans tous les cas et la possibilité de pratiquer uneintubation trachéale. L’intubation aveugle à travers le LMA-Fastrach® est possible dans 96 % des cas et dans tous les cas àl’aide d’un fibroscope. Ces résultats ont été obtenus sur de grandesséries de patients avec intubation difficile prévue ou imprévue. LeLMA-Fastrach® est actuellement recommandé en première inten-tion dans l’algorithme d’oxygénation lors d’une difficulté de ven-tilation ainsi que pour l’intubation difficile (6).

Autres dispositifs supra-laryngés

Il n’existe aujourd’hui aucune étude sur l’utilisation du tubelaryngé®, du Cobra®, du COPA® ou de l’i-gel® chez le patientobèse. Seuls deux cas cliniques rapportent l’utilisation du tubelaryngé® et du COPA® dans la prise en charge des voies aériennesen urgence chez ces patients. En l’absence d’études, l’utilisationde ces dispositifs ne peut être recommandée.

Intubation

Avec une incidence estimée à 13 %, l’intubation difficile sembleplus fréquente chez le patient obèse que dans la population géné-rale. Les facteurs de risque spécifiques identifiés chez l’obèse sontun IMC > 35 kg.m

–2

et un SAOS avec un tour de cou supérieur à45,6 cm (6). Les autres facteurs ne sont pas différents de ceux de la

population standard. En raison de l’augmentation des risquesd’intubation difficile et de ventilation au masque difficile, certainsauteurs recommandent une intubation vigile systématique sousfibroscopie. Cette attitude n’est pas validée et ne repose sur aucuneétude. Par contre, elle doit être envisagée en cas de ventilation etintubation difficile prévues. Si l’exposition glottique semble plusdifficile,

l’augmentation du risque d’intubation difficile est probable-ment modeste.

Ainsi, dans un travail (15) récent portant sur100 patients atteints d’obésité massive, l’intubation difficile n’étaitpas plus fréquente que dans la population générale. Une anesthésiegénérale peut donc être réalisée en l’absence de signes évidents deventilation au masque ou d’intubation difficile. La possibilité d’uneventilation doit être vérifiée avant l’injection de curare. L’inductionà séquence rapide également recommandée par certains auteursn’est pas justifiée, il n’est pas prouvé que le risque de régurgitationsoit augmenté chez l’obèse et le contenu gastrique après jeûne n’estpas différent de celui du patient non obèse.

Pour l’intubation, un laryngoscope à manche court peut être utileen présence d’un cou court et d’une augmentation du volume dela paroi thoracique, particulièrement des seins. La réduction dutemps d’apnée et le risque d’exposition difficile justifient l’utilisa-tion d’une lame métallique, celle-ci permettant une meilleureexposition glottique. La position modifiée de Jackson doit êtreappliquée afin de réduire l’angle trachéo-pharyngé. Elle peutnécessiter l’utilisation de plusieurs coussins. Dans tous les cas, lematériel pour intubation difficile recommandée dans les algo-rithmes de la conférence d’experts sur l’intubation difficile

(fig. 2et 3)

(6) doit être immédiatement disponible.

Enfin, un nouveau dispositif, l’Airtraq® semble intéressant pourl’intubation du patient obèse (16). Il permet une intubationrapide avec visualisation indirecte de la glotte par l’intermédiaire

Figure 2. Intubation.

OXYGÉNATIONventilation au masque inefficace – échec intubation

RéveilIntubation

SuccèsÉchec

Échec

Réveil RéveilIntubation

ÉchecContre Indication

CRICOTHYROÏDOTOMIETRACHÉOTOMIE

* DSG = dispositifsupra-glottique

Autres techniquesd’intubation

O2

transtrachéalDéconseillé chez le nourrisson

FASTRACH / DSG *Masque laryngé enfant < 30 kg

SFAR2006

= Appel à l’aidedans tous les cas

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Contrôle des voies aériennes chez l’obèse

de fibres optiques. La ventilation du patient et la sécurité desvoies aériennes ont été assurées rapidement chez 40 obèses mas-sifs, le temps d’intubation moyen était de 25 et 37 secondes. Tousles patients ont été intubés en moins de deux minutes sans désa-turation. Il est cependant encore trop tôt pour lui proposer uneplace spécifique dans le cadre de l’intubation de l’obèse.Certains auteurs recommandent l’utilisation du LMA-Fastrach® enpremière intention à la place du laryngoscope pour réaliser l’intu-bation en cas d’obésité massive en raison du taux de succès élevéet pour prévenir tout risque de désaturation (17).

Extubation et ventilation post-opératoire

L’extubation et la période postopératoire sont des situations par-ticulièrement à risque de complications respiratoires chez l’obèse.Elles représentent la cause la plus fréquente des réintubationspendant cette période. Les complications de l’extubation sont

liées le plus souvent à une obstruction mécanique des VAS ou àune dysfonction respiratoire. L’extubation doit être réalisée chezun patient complètement réveillé, décurarisé, normotherme etnon algique. La réalisation préalable d’une manœuvre de recrute-ment peut être recommandée (18, 19). L’extubation pourra êtreréalisée en position demi-assise. En post-opératoire, la réductionde la CRF et l’augmentation du travail respiratoire exposent lepatient obèse à un risque accru d’hypoxémie, l’utilisation d’uneCPAP est recommandée. Elle doit être systématique si le patientest déjà appareillé en raison d’un SAOS. Une surveillance en unitéde surveillance continue pendant 24 à 48 h peut être recomman-dée chez les patients avec une obésité massive. L’apport d’une VNIpeut être intéressant. Réglée avec une pression inspiratoire à12 cmH

2

O et une PEP à 4 cmH

2

O, elle permet une augmentation dela CRF et une amélioration des échanges gazeux (20).

Conclusion

Les problèmes liés à la prise en charge des voies aériennes et à laventilation du patient obèse couvrent toute la période opératoire.Le risque majeur est la survenue d’une désaturation qui peut êtreaggravée par les risques d’intubation difficile et de ventilation aumasque difficile. Ces risques peuvent être prévenus par une pré-oxygénation bien conduite et la recherche systématique des fac-teurs de risque, et l’utilisation des algorithmes de prise en chargeélaborés par la société française d’anesthésie et de réanimation. Unautre objectif est de pallier la chute de la CRF et la formation d’até-lectasies. Pour ceci, l’utilisation de la position proclive et de la PEPdoit être appliquée dès l’induction de l’anesthésie. En cas de diffi-culté de ventilation ou d’intubation, le recours au LMA-Fastrachdoit être rapide car il permet d’assurer une ventilation rapide etefficace.

Figure 3. Algorithme de l’intubation difficile imprévue.

SFAR2006

INTUBATION DIFFICILEIMPRÉVUE

= Appel à l’aidedans tous les cas+ Chariot

+ Maintienanesthésie

Laryngoscopie 2 essais – optimisation exposition – long mandrin béquillé

Intubation Échec

FASTRACH Masque laryngé enfant < 30 kg

Ventilation

ALBORITHME DE L’INTUBATION

ALBORITHME DE L’OXYGÉNATION

efficace inefficace

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Brice Richez, Benjamin Julliac, Anne-Marie Cros

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