Damien Theillier - L'économie politique du Décalogue

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  • 7/24/2019 Damien Theillier - L'conomie politique du Dcalogue

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    Lconomie politique du Dcalogue

    Par Damien Theillier*1

    Placs aux deux extrmits du mondemoral, le sauvage et le penseur ontgalement horreur de la proprit. Honor de Balzac, La peau de Chagrin

    Le socialisme est un systme conomique et politique fond sur lenvie etlappropriation collective. Marx dclarait dans son Manifeste du Parti communistequela thorie communiste pouvait se rsumer en une seule phrase : l'abolition de la

    proprit prive.

    Or nous le savons bien aujourdhui, un tel systme est incompatible avec la naturehumaine. En effet, les tentatives faites pour maintenir une galit artificielle ont touteschou, parce que, ne tenant pas compte des ingalits naturelles qui existent entre lesindividus, elles ont dtruit le stimulant indispensable de lintrt personnel et abaisstoutes les activits au niveau des moins intelligentes et des moins productives.

    Par suite, le socialisme est galement incompatible avec la justice, en particulier avec

    le Dcalogue, qui contient une expression privilgie de la loi naturelle. En effet, lecommandement biblique le plus important pour la vie sociale est le septimecommandement Tu ne voleras pas . Ce commandement confirme implicitement lalgitimit du droit de proprit. Car voler signifie prendre la proprit de quelqu'und'autre sans son consentement. Cet interdit du vol est assorti dun autrecommandement relatif la proprit (dixime commandement) : Tu nenvieras pasinjustement ce qui appartient ton prochain .

    En France la proprit na jamais t vraiment respecte. Rappelons la spoliation desprotestants, des migrs, des congrgations religieuses, des Juifs. Comme lcrit AlainBesanon, l'influence des ides socialistes a t continuellement dans le sens de ladlgitimation de la proprit individuelle. Le droit de proprit n'est tout simplementpas nomm dans le prambule de la Constitution de 1946, qui a t repris dans laConstitution de 1958. Le droit au travail, lemploi, la grve, la gestion desentreprises, dont les consquences dangereuses pour la jouissance tranquille de la

    1*Damien Theillier est professeur de philosophie Paris et prsident-fondateur de lInstitutCoppet (www.institutcoppet.org), un think-tank ddi la renaissance de lconomie politiquedans la tradition franaise des Physiocrates, de Turgot et de Jean-Baptiste Say.

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    proprit sont manifestes, reoit en revanche une garantie2.

    Quest-ce que la proprit ?

    Le droit de proprit dcoule du fait que lhomme dispose naturellement de son corps,de ses facults, de sa personnalit et du fruit de son travail. La proprit des biens estune extension lgitime de la personnalit humaine.Si lhomme a des droits de proprit sur sa personne et sur le fruit de son travail, cenest pas parce que lhistoire ou la socit lui en accorde, ni parce quil se les donnerait lui-mme par sa volont souveraine, mais bien parce que ces droits sont inscrits danssa nature. Lhomme a le droit de faire tout ce quil veut, mais seulement avec ce qui luiappartient et dans la limite du respect de la proprit dautrui.

    Lerreur de Rousseau et de toute la pense socialiste aprs lui, cest davoir dissoci lalibert et le droit de la proprit naturelle de soi. Chez Rousseau, la proprit nest pasantrieure au droit, elle nest quune convention institue par la volont gnrale etdans les limites dcide par elle. De ce fait, il ny a pas de libert ni de droitindpendamment de la socit et du bon vouloir des lgislateurs. Or si lon dissocie ledroit de la proprit, on en vient justifier de faux droits, qui ne sont acquis que parla violation des droits dautrui. Par exemple : le droit au travail ou le droit au logement.Pour que je puisse acqurir gratuitement un logement il faut bien que quelquun paiepour moi. Et si cest ltat qui paie, puisquil ne produit pas de richesses, il ne peut lefaire quen prenant un logement quelquun, ou son quivalent, pour me le donner.Une socit juste est donc une socit dans laquelle les droits de proprit sontintgralement respects, c'est--dire protgs contre toute ingrence de la partdautrui.

    Comment acqurir un bien honntement ?

    par ses propres efforts et son propre travail, par un hritage ou un don volontaire d'autres personnes qui ont acquis ce

    bien par des moyens honntes,

    grce un investissement russi, aprs avoir risqu son propre capital, par une juste compensation pour des dommages subis, la suite de l'excution des termes d'un contrat librement conclu.

    Benjamin Constant crivait : Les individus doivent jouir d'une libert sans bornesdans l'usage de leur proprit et l'exercice de leur industrie, aussi longtemps qu'endisposant de leur proprit et en exerant leur industrie, ils ne nuisent pas aux autresqui ont les mmes droits3.

    2Alain Besanon, Commentaire, n 112, hiver 2005-20063Benjamin Constant, Principes de politique, 1815

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    Quest-ce que le vol ?

    Le vol ne consiste pas seulement prendre la proprit d'une autre personne, mais

    inclut galement toutes les formes de coercition, de fraude, de tricherie ou derestriction de la proprit en dtruisant sa valeur d'une faon ou d'une autre. Le faitdutiliser des moyens juridiques pour obtenir des avantages non mrits est un vol.Quiconque sempare du bien dautrui sans son consentement, directement ouindirectement est un voleur. Par consquent celui qui passe par les procdurestatiques lgales pour semparer du bien dautrui est galement un voleur.

    De nombreuses formes de vol sont commises par les gens directement comme deslarcins, des fraudes commerciales, des vols la tire, des cambriolages, etc. Mais tout

    cela, cependant, ne constitue qu'un faible pourcentage des cots, en comparaison avecles cots de toutes les fraudes commises par la plupart des gouvernements sur leurspropres citoyens, avec la force de la loi : le pillage lgal.

    Pour prendre un exemple, laugmentation croissante de la masse montaire par lesbanques centrales pour rduire la dette des tats est une forme de pillage lgal despargnants qui saccompagne dun mensonge. En effet largent des citoyens perd desa valeur ce qui rduit le pouvoir d'achat de la population. Cest la confiscation delpargne. Mais laugmentation de monnaie cre une illusion de richesse. Cest lemensonge.

    Quelles sont ces diffrentes formes de vol lgalou institutionnalis ?

    Toutes les restrictions imposes aux droits dautrui leur proprit ou leurlibert.

    Les impts sans contrepartie, qui ne servent pas le bien commun maisseulement les intrts dune catgorie de privilgis.

    Lextension continue des prestations sociales, qui nest possible que parlexpropriation des uns au profit des autres.

    Le dficit budgtaire et laugmentation de la dette nationale par legouvernement.

    Linflation force, par laugmentation de la masse montaire La concession de monopoles, et autres privilges par les autorits. Les prlvements et les impts sur lhritage, qui dpossdent le dfunt (qui a

    dj pay les impts au cours de sa vie) de son patrimoine, ainsi que sesdescendants.

    La bureaucratie et les rglementations complexes ainsi que les innombrablesheures ncessaires satisfaire dautres formalits, qui volent le temps aux gens

    et donc une partie de leur existence. La confiscation par le gouvernement des biens acquis lgalement par des

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    citoyens, au nom de la justice sociale et la distribution de cette proprit pardes fonctionnaires d'autres personnes.

    La corruption, cest--dire labus dune fonction publique des finspersonnelles, qui revient dpossder les citoyens et les communauts de ce

    qui leur est d. La conduite des affaires bancaires base sur une rserve partielle insuffisante

    d'argent et non pas sur la protection de la proprit des dposants bancaires.

    Tous ces comportements violent les normes lmentaires de la justice, sont nonseulement directement contraires au bien commun mais galement contredisent larationalit conomique.

    Le mensonge de la solidarit force

    Nous sommes moralement aveugls par la conviction que le gouvernement organisela solidarit sous forme de prestations, allocations ou subventions. On appelle cela lasolidarit ou la justice sociale. Pourtant l'tat lui-mme ne produit rien, il ne peutdonner de largent quen prenant cet argent quelquun qui la gagn et qui ne ledonnerait pas si on lui demandait. Quand les hommes politiques promettent delargent et donnent des subventions, des prestations sociales, ils ne peuvent le fairequavec largent des autres. Ils nepeuvent donc tre gnreux quavec de largent vol,de largent pris des gens qui ne voulaient pas le donner. Et si un individu faisait lamme chose queux, il serait svrement puni.

    La redistribution force na donc rien voir avec la solidarit humaine authentique.Elle supprime la charit au profit de la coercition tatique pure, qui forme la base dutotalitarisme. En effet, lorsquun don est rendu obligatoirece nest plus de la charit, carla charit se dfinit comme un don volontaire. Quand un individu est contraint dedonner, il devient la victime dun vol. L'attitude morale du don est remplace par larevendication de droits , qui sont des revendications sur le travail dautrui.

    Seule la reconnaissance et la protection du droit de proprit nous offre la possibilit

    d'tre gnreux. Il faut bien possder quelque chose pour pouvoir le donner. Je naipas le droit de consommer ce qui ne mappartient pas, ni le droit de faire payer par lesautres ce que je consomme. Ainsi, l'argent qu'on prend au riche par l'impt pour ledistribuer aux pauvres ne fait pas de ce riche un homme bon. La solidarit force nestpas la fraternit, cest la loi du plus fort. Comme le dit Frdric Bastiat, la vritable etquitable loi des hommes, c'est lchange librement dbattu de service contreservice4. Et la spoliation, ajoute-t-il, consiste bannir lchange librement dbattu

    4Frdric Bastiat, Physiologie de la Spoliation, Chapitre I de la seconde srie des Sophismesconomiques.

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    afin de recevoir un service sans le rendre5. Limpt doit donc rmunrer un serviceet cest cette condition seulement quil nest pas une forme de spoliation.

    Ltat a ainsi nationalis et collectivis les services traditionnellement fournis par les

    familles et les glises, tels que l'ducation ou les soins pour les personnes ges ouinfirmes. La destructuration des liens familiaux et leur remplacement par les servicessociaux de l'tat a conduit la crise de civilisation que nous connaissons aujourdhuidans les pays dvelopps et qui est une crise dabord morale avant dtre conomique.

    Gustave de Molinari, dans sa prface aux Soires de la rue Saint-Lazare, crivait : Lersultat de mes tudes et de mes recherches a t que les souffrances de la socit, bienloin davoir leur origine dans le principe de la proprit, proviennent au contraire,datteintes directement ou indirectement portes ce principe . Par-l, il ne faisait que

    comprendre la porte conomique, sociale et politique du Dcalogue.

    Publi dans la revue Les Cahiers de lIndpendance, janvier 2016

    5Ibid.