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IRSST Janvier-février 1998 — Volume 11, n o 1 PRÉ ENTION PRÉ ENTION Numéro spécial changer Peut-on les comportements ? Santé et sécurité du travail Compostage et traitement des eaux usées De nouveaux champs pour la recherche Santé et sécurité du travail RECHERCHE changer Peut-on les Numéro spécial comportements ? Compostage et traitement des eaux usées De nouveaux champs pour la recherche

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IRSST

Janvier-février 1998 — Volume 11, no 1

PRÉ ENTIONPRÉ ENTION

Numéro spécial

changerPeut-on

les comportements?

Santéet sécurité du travail

Compostageet traitement

des eaux uséesDe nouveaux champs

pour la recherche

Santéet sécurité du travail

R E C H E R C H E

changerPeut-on

les

Numéro spécial

comportements?

Compostageet traitement

des eaux uséesDe nouveaux champs

pour la recherche

4 • MOT DU PRÉSIDENTChères lectrices, chers lecteurs

5 • CHERCHEZ L’ERREURLes premiers secours

D O S S I E R

7 • Santé et sécurité du travailPeut-on changer les comportements?Quels liens existent entre souffrance, travail réel,travail prescrit et prévention? Plongez au cœurde la question qui en soulève bien d’autres…

15 • SANTÉ ET SÉCURITÉ EN IMAGES

16 • VIENT DE PARAÎTRE À LA CSST

2 PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

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S O M M A I R E

R E C H E R C H E

17 • VIENT DE PARAÎTRE À L’IRSST

18 • Organisation du travail et horaires rotatifsLe travail de nuit est sans doute incontournable, mais ses effets négatifs peuvent être atténués. Une étude dans une entreprise où prévalent les horaires alternantsde douze heures débouche sur des voies de solutions.

22 • Buses d’aspiration des fumées de soudageVers une solution acceptable aux soudeurs

24 • Métiers de l’environnementDe nouveaux champs pour la rechercheo Centres de compostage : un portrait rassuranto Traitement des eaux usées : des risques contrôlables

28 • Effets d’une formation en ergonomie pour le travail à l’écranAménager soi-même son poste de travail en vue de prévenir les problèmes de santé, ça s’apprend!L’évaluation des effets d’un programme de formation en ergonomie vient de le démontrer.

30 • Formation en santé et sécuritéUn candidat au MBA participe à la première rechercheévaluative sur un programme de formation en santé et sécurité au Québec.

31 • NOUVELLES RECHERCHES DE L’IRSST

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Entretien jourOpérateurs postésEx-postés entretien

23 à 29 ans 30 à 34 ans 35 à 39 ans 40 à 44 ans 45 à 49 ans 50 à 54 ans 55 à 61 ans

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32 • DROITS ET OBLIGATIONSLa LJA — Ses effets sur la CSST

33 • LA FILIÈRE ERGOViser la bonne cible

R E P O R TA G E S

34 • L’usine Frigidaire de L’Assomption – D’une ambiance glaciale à des rapports chaleureux

36 • L’usine de surfactants Rhône-Poulenc – Petite équipe, grande chimie

39 • L’usine de revêtement pour plancher Domco à Farnham – Une solution tricotée maison

41 • L’usine Agropur – Simulation, humour, ténacité

42 • LU POUR VOUS

43 • AGENDA

44 • EN RACCOURCI« La prévention d’abord », à l’ASTE ; l’équité salariale, une priorité du ministre du Travail ; de quoi faire baisser le mercure ; alors, la prévention, on s’en lave les mains?!? la vie sur les chapeaux de roue.

3PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Un magazinepour qui, pour quoi?

Le magazine Prévention

au travail est publié par

la Commission de la

santé et de la sécurité

du travail (CSST) et

l’Institut de recherche

en santé et en sécurité

du travail (IRSST).

Il s’adresse à tous ceux

et celles qui ont un

intérêt ou un rôle à

jouer dans le domaine

de la santé et de la

sécurité du travail.

Son objectif consiste à

fournir une information

utile pour prévenir les

accidents du travail

et les maladies profes-

sionnelles. Par le biais

d’exemples de solutions

pratiques, de pistes de

réflexion, de portraits

d’entreprises, et par la

présentation de résultats

de recherche, il vise à

encourager la prise en

charge et les initiatives

de prévention dans tous

les milieux de travail.

46 • PERSPECTIVES« Jamais sous la banche! »Une entrevue avec Damien Cru, psychopathologue du travail et chargé de mission à l’Agencenationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), à Paris.

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L E M O T D U P R É S I D E N T

n tant que gestionnaire, je place en tête de mes préoccupations la qualité des servicesaux clients, et la nécessité, pour l’organisation, de demeurer en réflexion pour assurer

l’amélioration constante des services. J’applique un mode de gestion axé sur le respect et l’écoute : de nos clients, en privilégiant les occasions de rencontres, de nos partenaires, envue d’établir les associations les plus profitables, et du personnel de première ligne, parcequ’il connaît les besoins des clients et les solutions d’amélioration.

Comme je l’ai exprimé clairement à plusieurs occasions, la prévention des accidents dutravail et des maladies professionnelles figure parmi mes priorités, d’autant plus que nos actions en ce sens peuvent se révéler déterminantes au chapitre de la qualité des services.Nous devons affirmer notre leadership et faire une promotion plus large et plus énergique dela prévention en milieu de travail. Et pour y arriver, il nous faut accentuer nos efforts decommunication, en misant sur des moyens innovateurs et percutants, comme la publicité.En plus de viser un plus large public, elle nous permet de nuancer davantage le message. La technique, l’image, le scénario deviennent des instruments qui favorisent l’atteinte de nosobjectifs. Quoi de plus efficace, pour faire réfléchir, que de montrer les choses, les problèmes,les attitudes à changer ?

En matière d’attitudes et de comportements face à la santé et à la sécurité du travail, jepense en effet qu’il y a place à d’importants changements dans les entreprises. Non seule-ment est-il de notre devoir de promouvoir le respect des règles de sécurité, le port deséquipements de protection appropriés, l’aménagement adéquat des lieux, mais nous devonsaussi rendre tout le monde conscient des comportements dangereux qui sont le lot deplusieurs, pour diverses raisons et pas précisément par un manque de bonne volonté. Outreles cultures de certains milieux plus « téméraires », on trouve des problèmes communs àtous les secteurs d’activité. Il y a, trop souvent, parmi les travailleurs d’expérience ceux quidémontrent trop d’assurance, et de l’autre côté les plus jeunes travailleurs qu’on a négligéde former ou qui sont mal informés. Dans tous les cas, la vigilance est de rigueur, partoutet en tout temps.

Finalement, j’insiste sur un dernier point, qui m’apparaît fondamental : les employeursdoivent placer la santé et la sécurité du travail au-dessus des considérations habituelles enmatière de relations de travail, et éviter sur ce point toute approche de confrontation. C’estune responsabilité partagée. Et l’entrepreneur d’aujourd’hui a intérêt à intégrer dans sa pratique de gestion une grande réceptivité à l’égard des revendications qui touchent la prévention des accidents et des maladies professionnelles. Le gestionnaire ne doit plus — nepeut plus à mon sens — considérer la prévention comme une dépense. Il s’agit au contraire,et les expériences le démontrent à coup sûr, d’un investissement qui rapporte à divers égards,bien sûr sur le plan financier par une réduction des cotisations à la CSST, mais aussi engains de productivité, sans compter les bienfaits sur le climat de travail.

Pour l’avoir expérimenté moi-même par le passé, je peux affirmer qu’en matière de gestion des ressources humaines, la prévention est un dossier d’intérêt convergent qui,lorsqu’on le traite avec ouverture et souplesse, ne fait que des gagnants.

Trefflé LacombePrésident du conseil d’administration et chef de la direction de la CSST et président de l’IRSST

Mise en gardeLes photos publiées dans Prévention au travail sontle plus conformes possible aux lois et règlementssur la santé et la sécurité du travail. Cependant noslectrices et lecteurs comprendront qu’il peut êtredifficile, pour des raisons techniques, de représenterla situation idéale.

PRÉ ENTIONA U T R A V A I L

Janvier-février 1998Volume 11, no 1

Le magazine Prévention au travail est publié par la Direction des communications de la Commission de la santé et de la sécurité dutravail du Québec et par la Direction des communications de l’Institut de rechercheen santé et en sécurité du travail du Québec.

© CSST-IRSST 1997La reproduction des textes est autorisée pourvu que la source en soit mentionnéeet qu’un exemplaire nous en soit adressé :

CSSTDirection des communications1199, rue de Bleury, 11e étageC. P. 6056Succursale Centre-villeMontréal (Québec) H3C 4E1Tél. (514) 864-7974Téléc. (514) 873-3991Site Internet : http://www.csst.qc.ca

IRSST505, boulevard de Maisonneuve OuestMontréal (Québec) H3A 3C2Tél. (514) 288-1551Téléc. (514) 288-7636

AbonnementsAbonnement Québec525, rue Louis-PasteurBoucherville (Québec) J4B 8E7Région de Montréal (514) 875-4444Autres régions 1 800 667-4444

Président du conseil d’administrationet chef de la direction de la CSST,et président de l’IRSSTTrefflé Lacombe

Directeur des communications de la CSSTRichard Thériault

SECTION CSST

Rédactrice en chefMonique Legault Faucher

Adjointe à la rédactrice en chefChristine Chaumény

Secrétaire de rédactionFrançois Messier

CollaborateursAngèle Kavanagh, André Lachance,Jacqueline Moreaux, Jean-Claude Paquet,Claire Pouliot, Hélène Saint-Pierre, Claire Thivierge, Marc Tison

RévisionJacques Archambault et Lucie Duhamel

SECTION IRSST

Directeur général de l’IRSSTJean Yves Savoie

Directrice des communicationset rédactrice en chef Françoise Cloutier

Coordonnatrice à la rédactionet à la productionMarjolaine Thibeault

CollaborateursMario Bélisle, Gil Jacques, Bernard La Mothe,Lucie Lebel, Nicole Ménard, Claire Thivierge

Direction artistique et productionJean Frenette Design

Validation des photographies et illustrationsKetty Archer, Julie Courville, GérardDansereau, Gilles Gagné, Marcel Langlois,André Paillé, Josée Sauvage, CharlesTaschereau

ComptabilitéRachel Léonard

Photo de la page couvertureRobert Etcheverry

ImpressionImprimerie Quebecor l’Éclaireur

DistributionSerge Fradette, Lise Tremblay

Dépôt légalBibliothèque nationale du QuébecISSN 0840 7355

Chères lectrices, chers lecteurs,

Gouvernementdu Québec

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5PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Malgré toutes les précautions prises pour prévenir les accidents, il peut arriver à tout le monde de se blesser ou de ressentir un malaise au travail.

C’est pourquoi, quelle que soit la nature de la blessure ou du malaise, un ou une secouriste doit être sur place, prêt à venir en aide à la victime.

Claire est étendue sur le lit du local de premiers secours. Elle s’est blessée au bras. Constatant l’hémorragie, Raymonde, la secouriste, s’empresse d’intervenir.

Grâce à sa formation, elle sait très bien ce qu’il faut faire et comment le faire. Pourtant, histoire de vérifier vos connaissances, elle a négligé certaines petites choses… Des détails, certes, mais appréciables lorsqu’il s’agit de donner des secours rapidement.

Alors, ouvrez l’œil et le bon, car les erreurs à trouver sont bien cachées.

Les premiers secours

C h e r c h e z l ’ e r r e u r

6 PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Les erreurs

La trousse ouverte sur la table laisse voir un flacon de médicament.Le secouriste en milieu de travail n’étant pas autorisé à donner demédicament, cet article n’a donc pas sa place dans la trousse.

Un flacon en trop mais… où est le manuel Secourisme en milieu detravail? Porté manquant !

Aucune liste des numéros d’urgence n’est affichée. En principe, ildevrait y en avoir une près du téléphone.

Raymonde remplit-elle régulièrement son registre des premiers secours? Il ne semble pas être à portée de main ! Perdu, peut-être?Pas très sérieux…

Où Raymonde peut-elle se laver les mains? Il n’y a ni eau ni savondans le local. C’est pourtant un élément essentiel en ce lieu.

Les corrections

Les petites erreurs ne sont pas aussi petites qu’elles en ont l’air. Par sa fonc-tion auprès des travailleurs, le ou la secouriste doit disposer de tout lematériel nécessaire pour agir rapide-ment, sans toutefois jamais dépasserses compétences. Si le lieu de travaildispose d’un local de premiers secours,situation propre aux établissements ouaux chantiers de construction comptantplus de 100 travailleurs, alors ce lieudoit respecter certaines normes d’hy-giène, de propreté et de confort.

De retour avec Raymonde et Claire,dans un scénario cette fois irrépro-chable. Que voit-on?

pour se laver les mains (avant et aprèsqu’il a soigné une blessure), mais aussipour laver une plaie ou une brûlure,faire des pansements humides en cas de brûlures chimiques et dans biend’autres cas. À défaut d’eau courante,le secouriste doit prévoir de l’eau dis-tillée en quantité suffisante.

En affichant la liste des numérosd’urgence près du téléphone, Raymonde peut rapidement appeler à l’aide : police, services ambulanciers, pom-piers, centre antipoison, Répertoire toxicologique, etc.

Le registre des premiers secours estlà, à proximité, et Raymonde le rem-plit consciencieusement, chaque foisqu’elle porte secours à une personne accidentée ou malade. La tenue du registre est obligatoire. Elle permet autravailleur ou à l’employeur de s’yréférer, si nécessaire. Ce peut être lecas, par exemple, lorsqu’il y a aggra-vation d’une blessure. Ou encore, pourpréparer un plan d’action destiné àprévenir les accidents.

Cette fois, Claire est en bonnesmains, et… tout est bien qui finit bien. ❏

Claire Pouliot

« Cherchez l’erreur » est préparé en collabora-tion avec la Vice-présidence à la programmationet à l’expertise-conseil de la CSST. Nous remer-cions de leur collaboration Raymonde Grondin,responsable du Service de santé à la CSST–Montréal ; Natalie Rosebush, responsable du programme de formation des secouristes à la Direction de la prévention-inspection ; ClairePouliot, comédienne et journaliste.

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Pour éviter tout contact avec le sang,Raymonde porte, à la main qui exercela pression sur l’hémorragie, un gant envinyle jetable. Cette précaution protègeautant la secouriste que la victime.

Le manuel Secourisme en milieu detravail a repris sa place dans la troussede premiers secours. Ce manuel figure,en effet, parmi les articles qui doiventobligatoirement s’y trouver.

Exit le médicament, puisque la secouriste n’est pas autorisée à l’admi-nistrer.

Le local mis à la disposition de lasecouriste est pourvu d’eau courante,de savon, d’essuie-mains en papier etd’une brosse à ongles. L’eau est indis-pensable au secouriste, non seulement

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Santé et sécurité du travail

Santé et sécurité du travail

changerPeut-on

les comportements?Par Christine Chaumény

changerPeut-on

les comportements?Même les anges se posent la question…

Est-il possible d’agir sur les comportements à risque autrement que par des règles ou des mesures disciplinaires, jugées souvent

inefficaces ou inopportunes? Question complexe, répondenttrois chercheurs, à rattacher au fonctionnement de l’ensemble

de l’organisation. Leurs propos, déstabilisants, jettent un jour nouveau sur la prévention en ouvrant la voie

à une vision plus intégrée de la santé et de la sécurité tout en remettant en question certaines

façons de faire.ne entreprise de pâtes et papier.Un ouvrier travaille à une ma-chine à recycler le carton. Un

observateur ne le quitte pas des yeux :Omar Aktouf, professeur à l’École des Hautes Études Commerciales et expert-conseil en gestion auprès d’en-treprises privées. « J’ai passé des jou-rnées devant cet ouvrier et sa machine,explique-t-il. Je n’ai vu ni bris ni excèsde température. Aucune panne ni acci-dent. Autre entreprise. Même poste detravail. Même machine. En une seulejournée, elle a bloqué deux fois, et j’aiassisté à un bris majeur. »

Comment expliquer la différence ?Par les pratiques de maintenance ? Les règles de sécurité en vigueur? Lesystème de gestion en place ? Par lecomportement de l’employeur ? Ou par celui de chacun des travailleurs ?L’ordre de ces interrogations n’est pasfortuit. Il illustre, en effet, la façon dont ont évolué les entreprises duQuébec les plus avancées dans le domaine de la prévention.

Marcel Simard, sociologue, pro-fesseur à l’École des relations indus-trielles et chercheur au Groupe derecherche sur les aspects sociaux de la prévention (GRASP) à l’Universitéde Montréal explique : «La Loi sur lasanté et la sécurité du travail (LSST),adoptée en 1979, a mis l’accent surl’infrastructure de prévention (pro-gramme, plan d’action, comité de santéet de sécurité). » Ces mécanismes ontentraîné beaucoup d’améliorations des conditions de travail, reconnaît-il :suivi des mesures correctives, entretienpréventif, formation et information destravailleurs, équipements de protectionindividuelle, etc. Et par le fait même,une réduction des accidents. Des mi-lieux avant-gardistes sont allés trèsloin. Puis, leurs résultats ont plafonné.Le constat de M. Simard? « Les struc-tures n’ont provoqué qu’une amorced’évolution dans les comportements,preuve tangible qu’elles créent des conditions favorables, mais ne sont pasles seuls facteurs en jeu. »

Plusieurs de ces milieux en sontainsi venus à adopter une vision plussystémique en ciblant les éléments organisationnels (mode de gestion del’entreprise et engagement de la hautedirection) susceptibles de favoriser lacréation d’une véritable culture pré-ventive. De là à axer leurs efforts surle maillon manquant, le plus contro-versé, les comportements, il n’y avaitqu’un pas ! En d’autres mots, aprèsavoir porté sur des aspects extérieurs à l’individu — environnement, ma-chines, mécanismes structurels, ges-tion, etc. —, la démarche préventiven’aurait-elle pas avantage à intégrer ladimension travail, résultat de l’interac-tion d’êtres humains avec des outils etun environnement de production?

D’où l’intérêt croissant pour desproduits de diagnostic commerciauxcomme le programme STOP, mis aupoint par la firme DuPont de Nemours,et qui touche les tâches routinières. Ouencore la méthode conçue par la compagnie californienne BehavioralScience Technology. Partant d’un point de vue comportementaliste, cette méthode propose un renforce-ment des manières de faire préventivespar la participation directe des travail-leurs à la gestion de la santé et de lasécurité1.

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Par ailleurs, de nouvelles approchescomme la psychodynamique du tra-vail apportent, par le biais d’enquêtesexternes, un éclairage novateur et trèsenrichissant sur la complexité des comportements, en reconnaissant desdimensions sociales et subjectives autravail. Ce qui, bien sûr, n’est pas sansbousculer certains aspects de la dé-marche préventive classique.

Enfin, continuant sur la mêmelancée à partir d’une analyse du con-texte québécois, la recherche de MarcelSimard et d’Alain Marchand intituléeLa participation des travailleurs à laprévention des accidents du travail :formes, efficacité et déterminants2 pro-pose une interprétation dynamique descomportements des travailleurs — ceuxà risque et les autres —, dans leur in-terrelation avec toutes les composantesde l’organisation. Cette recherche a été réalisée pour le compte de l’Institutde recherche en santé et en sécurité dutravail (IRSST).

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Omar Aktouf Marcel Simard Christophe Dejours

Relativement récente, cette discipline est néeen France dans les années 70 des cendres dela psychopathologie du travail. Elle s’intéresseaux dimensions sociales et subjectives du travail (rapports de souffrance et de plaisir) enrelation avec la santé mentale. « Son centre de gravité, c’est le sujet, explique Christophe Dejours, psychiatre et professeur de psycholo-gie du travail au Conservatoire des arts et desmétiers de Paris. En passant par la parole dela personne, on découvre plusieurs aspects du travail qui restent ignorés autrement. La psychodynamique apporte donc des éléments de compréhension à la connaissance des comportements et des conduites humainesau travail. Mais ce n’est pas seulement une discipline descriptive. Elle est tout entière engagée dans l’action en produisant, enquelque sorte, des pistes de transformation.Tout un pan de nos recherches a des incidencessur la gestion, la conception des outils de travail, la prévention, la sûreté des installations,la qualité, la productivité, etc. La psychody-namique entretient ainsi des liens serrés avecd’autres domaines : ergonomie, santé et sécu-rité, médecine et sociologie du travail. »

C’est à Marie-Claire Carpentier Roy4, actuel-lement chercheuse au GRASP, à l’Université de Montréal, que l’on doit l’introduction de la psychodynamique du travail au Québec.

Le groupe mis sur pied par la spécialistecompte une dizaine de chercheurs prove-nant de différentes universités québécoises. Ilcompte à son actif plusieurs études réaliséesd’abord dans les secteurs publics et parapublics(Hydro-Québec, maisons d’enseignement,réseau de la santé), puis de plus en plus dansla moyenne et la grande entreprise, que ce soit auprès de personnel d’encadrement oud’employés.

motivation, désir, colère, etc.). Notrehypothèse, poursuit-il, est que les gensn’agissent pas n’importe comment,même quand ils ne peuvent pas l’expli-quer, mais en fonction de leur histoireet du sens subjectif que la situation apour eux. »

9PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Le travail, c’est souffrantQu’est-ce qu’un comportement ?Christophe Dejours, psychiatre et pro-fesseur de psychologie du travail auConservatoire des arts et des métiers deParis3 le définit comme « l’ensembledes mouvements qui engagent le corpsdans l’espace et dans le temps, enréponse à une contrainte ou à une stimulation du monde environnant.C’est un phénomène observable, objectif, reproductible et comparable ».Mais on ne peut se limiter à sa seuleobservation sans simplifier la réalité,insiste-t-il. Une même situation ne déclenche pas les mêmes agissementschez les uns et les autres.

Le comportement n’est donc pas unréflexe conditionné. C’est seulement lapartie émergée de l’iceberg, à laquelles’oppose toute la partie cachée : la conduite, champ privilégié de la psy-chodynamique du travail. Autrementdit, précise le psychiatre, « ce qui sesitue du côté de la pensée (intention,

Marie-Claire Carpentier Roy

1 Voi r l es repor tages ,pages 36 à 41.

2 Rapport de recherche résultant d’une étudemenée auprès de 100 éta-blissements de 70 em-ployés et plus, répartisdans 20 industries dusecteur secondaire etpublié par l’Institut derecherche en santé et en sécurité du travail(rapport R-154). Voiraussi l’article « Réduc-tion des accidents —L’initiative des travail-leurs est déterminante »,dans Prévention au tra-vail d’octobre-novembre-décembre 1997 (vol. 10,no 5, p. 25).

3 Également médecin dutravail et psychanalystespécialisé en psycho-somatique, M. Dejoursdirige aussi un labora-toire de psychologie dutravail dont les recher-ches sont axées sur lerapport entre santé men-tale et travail.

4 Voir « L’épuisement professionnel, prévenirau lieu de guérir », dansPrévention au travail demai-juin 1992 (vol. 5, no 3, p. 8-13).

Les savoir-faire de prudence chez les monteurs de ligne d’Hydro-Québec ont été mis en évidencegrâce à l’étude psychodynamiquemenée par Jean-Pierre Brun,chercheur à l’Université Laval.

La psychodynamique du travail au Québec

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Dans le domaine du travail, le sensdu comportement est lié à la questionde la souffrance causée, notamment,par le rapport angoissant que les individus entretiennent avec leur em-ploi, répond M. Dejours. Personnen’échappe à cette souffrance, du cadresupérieur à l’employé situé au dernieréchelon. Que l’on adore ou que l’ondéteste son travail, et que l’on en soitconscient ou non.

« Travailler, c’est d’abord être confronté à quelque chose qui nous résiste », explique le médecin. Lemonde du travail est très structuré. Desgens gèrent, d’autres sont gérés. Il y ades choses qu’on fait, d’autres qu’onne peut pas faire. Des procédures, desdirectives à suivre. « Autrement dit,ce n’est pas seulement un rapport entre un sujet et sa tâche. Celle-cin’est pas simple, isolable. On tra-vaille toujours pour quelqu’un, unchef, des subordonnés, des col-lègues. Et cette tâche dépend,même dans sa définition, dans sesrésultats, des moyens qu’on metà notre disposition. On est donc,d’emblée, pris dans des rapportshiérarchiques et sociaux (domi-nation des hommes sur lesfemmes, etc.). » Ces rapports

Favoriser l’initiative dugroupe de travail en ma-tière de santé et de sécurité,respecter la culture de métieret prendre en compte les stra-tégies défensives, ces aspectspourraient porter à croire qu’ilest vain de recourir à des lois ouà des règlements. Particulièrementdans le cas de mesures de protec-tion individuelles comme le port duharnais, qui demandent une adhé-sion de la part du travailleur. Erreur !Marcel Simard, Omar Aktouf etChristophe Dejours sont unanimes.« Les lois, les règlements, sont in-dispensables. Il faut bien qu’il y ait un droit et une justice », rappelle M. Dejours. Mais il faut les prendrepour ce qu’ils sont : des références, etpas plus. « Ils ne peuvent tout prévoir,poursuit-il. Il y a des défaillances : il fauttransformer, réinventer constamment.On ne peut faire de sécurité uni-quement à partir de discipline et deconformité. C’est une bataille qui n’arrête pas. On sait que les gens sontobligés de s’ajuster, soit parce qu’ilsont des raisons défensives de le faire,soit parce que, pour bien faire, ilsdoivent sortir du cadre strict du règlement. »

Autre point important, l’inter-prétation des lois et règlements :« Il faut toujours tout reprendrepar rapport au travail », insisteChristophe Dejours. « Et com-ment appliquer ces lois ?, pour-suit Omar Aktouf. La façon dedésigner un comité de santéet de sécurité, la loi ne le dit pas. » Une démarcheconsensuelle ne produirapas les mêmes compor-tements qu’une quine l’est pas.

Les règlements :i

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résultent de l’organisation du travaildont le noyau, constitué par la divisiontayloriste des rôles entre concepteurs etexécutants, a des effets pathogènes sur la santé, tant physique que mentale.Le médecin de faire remarquer : « Per-sonne n’est en mesure de prescrire uneorganisation véritablement réaliste, quicouvre l’ensemble des problèmesposés. Si les gens font juste ce qui estprescrit, ça ne fonctionne pas. » Le décalage constant entre travail prescritet travail réel oblige donc à se réajustercontinuellement.

Non seulement la maîtrise que noussommes supposés avoir, de par notreformation professionnelle, est confron-tée à ces contraintes, mais elle est aussimise en échec par le travail. ChristopheDejours donne des exemples : « Vousêtes en train de soigner un malade, etil meurt entre vos mains. Vous tra-vaillez dans une centrale nucléaire :tout à coup, le réacteur s’emballe, pourtant vous croyiez que vous maîtri-siez tout. C’est dur ! Vous enseignez,un élève sort un couteau de sa pocheparce qu’il n’est pas content de sa note.C’est ça, l’angoisse, la peur. Et il y aplein de situations qui font peur, dansle bâtiment et les travaux publics, lachimie, etc. »

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une référencenécessaire

La réorganisation d’un service, leschangements technologiques, les cou-pures budgétaires, les compressions depersonnel, ça aussi, ça fait peur, çadéstabilise et ça peut devenir souffrantpour un travailleur, un contremaître, etaussi un président.

Sens et stratégies défensivesDans un tel contexte, qu’est alors uncomportement normal? Un compromis,jamais complètement gagné (dès qu’ilvacille on risque de basculer vers lamaladie mentale ou physique), unelutte contre les effets nocifs des con-traintes de travail sur la santé mentale,telle est la réponse de la psychody-namique du travail. Le plaisir ne vientque par la suite, lorsqu’on a réussi àsurmonter ces contraintes et lorsque lareconnaissance extérieure vient cou-ronner nos efforts.

Comment s’exerce la lutte contre cerapport angoissant, de peur, au travail ?Par la mise en œuvre de mécanismespsychologiques de protection, répondM. Dejours. Pourquoi ? « Vous appré-hendez de prendre le volant de votrevoiture, c’est là que vous risquez un accident, observe le médecin. Vous êtestrop tendu. Ce n’est pas compatible !Au travail, c’est pareil. Il y a un cer-tain nombre de tâches qu’on ne peutplus faire convenablement quand on apeur. La seule possibilité de continuer,c’est de se défendre en élaborant desstratégies de défense. » Sur le plan dela santé et de la sécurité, la minimisa-tion des conséquences possibles dudanger, la somatisation de l’angoisse(vertige, etc.) sont des manifestationsde ces stratégies défensives, comme lemontre le film Aucun risque ! Parolesde compagnons5.

Ces stratégies vont même, dans certains cas, jusqu’à produire des comportements à risque, apparemmentparadoxaux mais, en fait, très intelli-gibles une fois qu’on les a compris. Exemple : défier la loi de la pesanteuren se déplaçant au pas de danse sur unepoutre, sans s’attacher, pour relever unpari ou pour épater les collègues. En-trent dans cette catégorie tous les jeuxpérilleux ou les épreuves d’initiationcaractéristiques des métiers à risque(décoiffer par surprise un collègue avecle crochet d’une grue, obliger un nou-veau charpentier à aller chercher un

marteau au milieu d’une poutre, etc.).Selon le psychiatre, ces gestes sont des« jeux, des contre-propositions, parfoisspectaculaires, dans lesquels les tra-vailleurs indiquent qu’ils sont dans unrapport d’impertinence, de dérision,vis-à-vis du risque. Une manière fortede dire qu’ils ne sont plus des victimespassives devant le danger, mais qu’ilsjouent avec lui ». Et de préciser : « Cen’est pas le danger qui est écarté, c’estla perception de la peur. »

Lorsque ces stratégies défensivessont construites par un collectif, ellestissent ce que M. Dejours nommel’idéologie défensive de métier. « Elless’ajustent précisément aux contraintesde l’organisation du travail pour mieuxprotéger le sujet. » Ainsi, les stratégiesdéployées par les ouvriers du bâtimentdiffèrent de celles rencontrées enpétrochimie, dans le nucléaire, dans leforage pétrolier ou chez les pilotes dechasse.

Donc, impossible de modifier enprofondeur, et de façon durable, lesmanières d’agir sans d’abord compren-dre les raisons qui les motivent. Mêmedans le domaine de la prévention des

lésions professionnelles ! Là-dessus,Omar Aktouf est catégorique : « Lescomportements ne se changent pas del’extérieur. L’être humain n’est pas unobjet, mais un acteur de changement. Et pour changer, il faut d’abord qu’il le veuille et que cela ait un sens de son point de vue à lui. Si une personneest sincèrement convaincue que tellemesure de sécurité va lui éviter unefracture de la jambe, elle est intelli-gente : elle va changer ses compor-tements ! Si elle ne le fait pas, ou pas assez, c’est que le problème estailleurs. » D’où l’importance, pour lepréventeur, de mettre en lumière lesstratégies défensives, et d’établir desliens entre les agissements de l’indi-vidu et l’organisation du travail.

Une alliée insoupçonnée :l’initiativeL’implantation d’une culture de pré-vention ne doit pas se limiter à la conformité aux mesures de sécuritéprescrites, comme c’est ordinairementle cas, met en garde Marcel Simard.C’est à cette conformité que le cher-cheur associe les comportements deprudence (port d’équipement de pro-tection individuelle obligatoire, respectde la méthode de cadenassage d’unepresse, etc.). Or, insiste le chercheur, ilfaut élargir cette vision trop restrictive.« Le travailleur fait aussi preuve decomportements d’initiative dans sesrapports au risque, même si les étudesscientifiques négligent souvent cet aspect. »

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5 Voir « Jamais sous la banche », p. 46-47.

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« Au travail, il y a un certain nombre de tâches qu’on ne peut plus faire convenablement quand

on a peur », déclare Christophe Dejours.

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Qu’est-ce que l’initiative? Outre lessavoir-faire de prudence dont parleChristophe Dejours (voir encadré ci-contre) — à ne pas confondre avecles comportements de prudence —,elle englobe toutes les actions in-formelles prises par le travailleur envue d’améliorer la sécurité de l’envi-ronnement, des équipements de travail,ou l’exécution des tâches. « Le tra-v a i l l e u r , é n o n c e M . S i m a r d , ne se contente pas de suivre des règlesétablies mais a un rôle régulateur en collaborant directement à leur production. »

Et, résultat pour le moins surpre-nant : la prise d’initiative s’avéreraitplus efficace à réduire les accidents quela conformité aux règles. L’explicationdu sociologue ? « Les conditionsréelles de travail dévient assez souventdes conditions prévues, à la base desrègles prescrites de sécurité. Si bienqu’au bout du compte, c’est la capa-cité d’adaptation et d’initiative des tra-vailleurs qui fait la différence, sur leplan de la fréquence des accidents, pasla prudence. » Dans les faits, les règlessont souvent établies à partir de la seuleanalyse des risques, avec le résultat queles exigences de sécurité entrent parfoisen conflit avec celles de production.

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Comment intervenir en tant que préventeur? D’abord, en respectantles stratégies défensives de métier,conseille Christophe Dejours, et ens’assurant que les prescriptions desécurité n’entrent pas fondamen-talement en contradiction avec elles. « Quand vous demandez à un ouvrier de porter un harnais, par exemple, vous lui dites de penser àl’inverse de ce que, psychologique-ment, il essaie de faire. La mesure desécurité vient activer la peur qu’ildénie pour pouvoir travailler, et qui fait qu’il accepte de continuer àporter un sac de ciment de 60 kg sur le dos, tout en sachant que c’est dangereux pour ses vertèbres. Pour-quoi alors le harnais ? On lui dit quetravailler en hauteur sans attache est dangereux. Et pas le reste ? Il y a effectivement une incohérence.Donc, il rejette le harnais. » Et lepourquoi de ce rejet, premier obs-tacle à l’application des mesures deprévention individuelles, le préven-teur doit chercher à le comprendresans juger ; car il a un sens. L’obliga-tion d’enfiler le harnais réveille lapeur de tomber du travailleur, oui,mais elle fait aussi ressortir toutel’ironie de la situation : l’employeurexige de lui qu’il se protège contreles chutes, mais il ne fait rien pourprotéger son dos.

Second principe : découvrir lessavoir-faire de prudence informels.I ls ne s’enseignent pas, mais se transmettent d’un ouvrier à l’autre à l’intérieur d’un métier (remettre le marteau à sa ceinture après l’avoirutilisé est un geste sacré sur un chan-tier, en France, relate M. Dejours)6.« Si on étudiait ces aspects et qu’onles respectait, on pourrait amplifier lemouvement amorcé par ces savoir-faire, croit le psychiatre, parce qu’ilssont acceptés et cohérents avec lesstratégies défensives. Et, plus vousgagnez sur le plan de la sécurité,moins se manifestent de comporte-ments dangereux. »

Pour une autre informationCulture d’atelier, idéologie de métier :reconnaître l’existence de ces phé-nomènes c’est aussi soulever la ques-tion des stratégies d’information en prévention. Traditionnellement,relève M. Simard, les séances d’in-formation reflètent un rapport detransmission à sens unique, du spé-cialiste (le détenteur de la connais-sance technique ou scientifique surtel ou tel sujet) aux non-spécialistes(les travailleurs). « Or, on oublie queces derniers ont, eux aussi, une per-ception des dangers. Ils les côtoient et en ont une certaine expertise à tra-vers leur métier. » Que faire alors ?Préserver les groupes « naturels »lorsqu’on informe les employés, etutiliser une approche interactive oùils pourront exprimer leur expériencedu danger, suggère le sociologue. Enplus de favoriser une circulation del’information de bas en haut et dehaut en bas, ainsi qu’un éventuel réajustement de tir, cette méthodepermet de repérer, de comprendreles stratégies de défense psycho-logiques propres à chaque métier. Et surtout d’amener les travailleurs à adhérer à l’action préventive enprenant conscience de ces stratégies.

6 Jean-Pierre Brun a aussi mis en évidence cessavoir-faire de prudence chez les monteurs deligne d’Hydro-Québec. Voir l’article « Mon-teurs de ligne de distribution — Les règles dumétier », dans Prévention au travail de mai-juin 1993 (vol 6, no 3, p. 6-7).

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Stratégies défensives et rôle du préventeur

Quant à leur révision, elle est souventdéphasée, notamment par rapport auvieillissement des équipements. « Con-duire un train neuf, c’est une chose;mais quand il a 10 ou 15 ans, c’estautre chose », appuie Christophe Dejours. Et Omar Aktouf de renchérir :« La règle de sécurité qu’aujourd’huivous mettez en place peut demain devenir une catastrophe. » Par ailleurs,les prescriptions de sécurité ne peuventtout prévoir, à moins de rêver d’unmonde « où chaque geste serait régléd’avance » ironise M. Simard. Limiterla prévention à une application à la lettre des règles officielles au détri-ment de l’initiative provoquerait doncun résultat contraire à l’effet souhaité,allant même jusqu’à accroître, dans certains cas, le risque d’accident.

La recommandation du sociologue?Encourager l’initiative, essentielle àl’émergence d’une culture de préven-tion. « Ce qui ne veut pas dire laisserles travailleurs se débrouiller seuls »,s’empresse-t-il de préciser. Il s’agitplutôt, pour les responsables de la santéet de la sécurité, de trouver un équilibreentre centralisation et décentralisationdes décisions, de façon à canaliser cetteinitiative. « Il faut faire en sorte que lesrègles produites par les travailleurssoient à l’origine des règles prescrites,et que diminue l’écart, fréquent dansnombre de milieux, entre sécurité for-melle et informelle. » Ce qui revient,selon les propos de M. Dejours, « à partir du bas pour arriver à des règlesconstruites par les personnes elles-mêmes, donc forcément assimilées ».

La participation peut-elle tout ré-soudre? Omar Aktouf en doute. Aussipréfère-t-il miser sur le consensus qui,à l’inverse de l’unanimité, admet deszones grises d’incertitude. « Cet équi-libre dynamique laisse à l’employé une marge de manœuvre pour adapterles règles à la mouvance de son envi-ronnement. Dans l’entreprise consen-suelle, les événements imprévisibles

(accidents, pannes, etc.) ont moins dechance de se produire. Parce que, toutsimplement, l’appropriation de la situa-tion par l’employé fait en sorte qu’il se comporte de façon beaucoup plussécuritaire. » Sinon, comment expli-quer qu’une même machine, un ouvrier

arrive à en maîtriser le fonctionnement,et pas l’ouvrier de l’entreprise concur-rente, s’interroge M. Aktouf. « Leshabitudes et les initiatives de préven-tion vont de pair avec les habitudes deconsensus et de gestion participativedans l’organisation. »

Le comportement de l’employeurEn matière de santé et de sécurité, les

comportements du travailleur sont directement influencés par ceux del’employeur, de l’avis de MarcelSimard. C’est donnant-donnant. « Lecomportement, en société ou dans uneorganisation, est structuré sur une based’attentes réciproques, explique le so-ciologue. Pas d’exception pour la santéet la sécurité : les travailleurs se com-portent selon une logique de contrat implicite avec leur employeur. » Celui-ci doit donc être très vigilant en ce quitouche à sa crédibilité. Comment lestravailleurs l’évaluent-ils ? À partir, notamment, de leur perception du sys-tème de santé et de sécurité, la vitrinedu comportement de l’employeur,

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Plus l ’employé doi t fa i repreuve d’autonomie dans sestâches, plus celles-ci sont com-plexes, non routinières, et pluselles sollicitent sa créativité,meilleure sera sa capacité à résoudre les problèmes desécurité. Par contre, la confor-mité aux règles en souffre,note Marcel Simard, car il y ades chances que soit très grandl’écart entre travail prescrit ettravail réel. Alors, raison deplus pour faire participer da-vantage ce type de travailleurà l’élaboration des règles, sou-tient le chercheur.

Initiative et organisation du travail

De l’avis de Marcel Simard, les comportements du travailleur

sont directement influencés par ceux de l’employeur.

C’est donnant-donnant.

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Collectif de travail et culture de prévention

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répond le sociologue. Preuve qu’unestructure de prévention efficace peut favoriser l’adoption de comportementssécuritaires. Et ceci à deux titres : encontribuant à rendre crédibles les règlesprescrites, et en renforçant, par sa fonc-tion de soutien, les initiatives de pré-vention.

À quoi le travailleur est-il le plussensible à l’intérieur du système desanté et de sécurité ? À l’entretienpréventif des équipements et au suivides mesures correctives. Et M. Simardde conclure : « Le travailleur est res-ponsable de ses actes. Il peut contrôlerson comportement. Mais les dangerstouchant son environnement de travail,c’est à l’employeur qu’il incombe deles réduire à la source, en vertu de la

loi. D’où le contrat implicite : si l’em-ployeur s’engage sérieusement face àses responsabilités, le travailleur ferade même. »

Quant à la structure hiérarchique,par le biais entre autres du superviseur,elle est, elle aussi, et jusqu’à un certainpoint, la courroie de transmission del’employeur. D’où l’importance des’assurer que le même message est bienvéhiculé partout.

Viser l’implantation d’une culturede prévention par un changement decomportement n’est donc pas, il fautbien l’admettre, un processus simple.Plusieurs composantes de l’organisa-tion sont en cause. « Il faut évaluer ladynamique sociale des ateliers et lecontexte d’organisation de la préven-

tion dans l’établissement avant de selancer dans l’implantation d’une ap-proche axée sur le comportement destravailleurs », concluent Marcel Simardet Alain Marchand.

Arrivera-t-on à tout résoudre à ce ni-veau? Pas pour Omar Aktouf : « Hélas,aujourd’hui, quasiment toute personneau travail est dans un état de souffrancepsychique qui frise l’intolérable. C’estce qu’on appelle le syndrome du sur-vivant. Ça dépasse les questions deprévention, d’organisation ou de ges-tion. Les problèmes de santé et de sécurité au travail, d’intégrité de la personne touchent aussi à des choix de société. » ❏

Christine Chaumény

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Photos des pages 1 et 7 : Robert Etcheverry

Nous remercions Raphaëlle Prévost, 10 ans, deSaint-Adolphe d’Howard, d’avoir donné desailes à notre page couverture. Peut-on chan-ger les comportements en santé et sécurité? Selon notre ange gardien de page couverture— au prénom prédestiné ! —, la réponse estoui ! Il y a deux ans, préoccupée par les actesde violence commis dans la cour de son école— des grands tabassaient des petits — elle a fondé, avec d’autres camarades, le Club de la paix ! On ne pouvait trouver meilleure figure de proue pour illustrer ce numéro trèsspécial…

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La dynamique des rapports psy-chosociaux à l’intérieur de l’atelierinfluence directement les comporte-ments des travailleurs en matière desanté et de sécurité. Selon l’étude deMarcel Simard et d’Alain Marchand,les éléments à prendre en comptesont : la cohésion du collectif de travail favorisée par une faible rota-tion du personnel, la coopérationavec le superviseur, la marge de ma-nœuvre laissée aux employés, ainsiqu’une prise en charge décentraliséede la prévention dans l’atelier. Plusces éléments seront forts, meilleuresera la performance en santé et ensécurité. Plus les travailleurs serontportés à respecter les règles pres-crites et à prendre des initiatives enadoptant des savoir-faire qui serontdes compromis efficaces entre les exigences de sécurité et celles de pro-duction. « Et ce sont ces deux typesde comportement qui favorisent

l’essor d’une culture de préventionen permettant une meilleure jonc-tion de la culture de gestion et decelle de métier dans l’atelier, alorsque leur clivage constitue un frein »,commente M. Simard, dont l’étudevient renforcer les résultats d’étudesqualitatives faites en psychodyna-mique du travail.

Pour Omar Aktouf, les problèmes de santé et de sécurité au travail, d’intégrité de la personne touchent aussi

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dresser les cheveux sur la tête à plus d’unspécialiste en prévention !), cette bellevidéo, réalisée en France en 1993 pour lecompte du ministère du Logement, del’Équipement et des Transports, inter-pelle directement le préventeur. Produitepar L’ouvre-boîte, elle a remporté le Prixsanté et entreprises 1993, décerné par leClub européen de la santé. À voir absolu-ment par tous ceux et celles qui n’ont paspeur de se remettre en question…

15PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

● Information grand public

▲ Information spécialisée

■ Avec document ou guide d’accompagnement

▲ ■ Aucun risque!Paroles decompagnonsDurée : 60 minutesCote VC-000892

S’interroger sur la résistance destravailleurs aux mesures de sécu-rité. Tenter de comprendre sansporter de jugement. C’est àcette déconcertante aventureque nous convie ce film-recherche consacré aux ou-vriers de la construction. Lacaméra capte sans fard etdans toute leur ambiguïtéles propos d’un groupe detravailleurs à l’œuvre surle chantier. Il est ques-tion de risque, d’acci-dents, de peur face audanger, de préventionet de travail d’équipedans ce jeu subtil demiroir où compa-gnons et réalisa-teur se renvoient laballe par camérain te rposée . Unstyle inhabituel. Des images sobres, efficaces, qui laissent un espace au silence et à l’hésitation. Prises de vue in-timistes — gros plans sur des visagestroublants de vérité, témoignage émou-vant des femmes sur leur peur face auxrisques encourus par leurs maris — viennent éclairer les propos. Plansd’ensemble avec plongées et contre-plongées à couper le souffle. Déstabi-lisante (certaines séquences feront

● ■ Ergonomie et préventionComprendre le travail pour lerendre plus sûrDurée : 13 minutesCote VC-000882

Réalisée par l’INRS et produite parCapa Entreprises en 1997, cette vidéomontre comment la démarche ergo-nomique facilite le diagnostic deprévention et oriente efficacement l’action. Fil conducteur : un mimeécartelé jusqu’à l’absurde par son travail. À travers les témoignages d’ergonomes et de travailleurs et tra-vailleuses de l’industrie textile, de larestauration, du milieu hospitalier et duBTP, on assiste à la transformation intelligente de l’organisation du tra-vail. Au lieu de subir les événements,comme le mime, pathétique dans sesefforts pour bien travailler, on agit,et… tout le monde y gagne ! ❏

Christine Chaumény Monique Legault Faucher

Modalités d’emprunt à l’audiovidéothèque de la CSSTLes documents vidéo sont prêtés gratuitement. Il suffit de remplir et de signer une demande d’emprunt.Toute personne peut venir chercher etrapporter les vidéocassettes, pendantles heures de bureau — 8 h 30 à 16 h 30 —, du lundi au vendredi. Levisionnement peut se faire sur place,moyennant réservation de la salle (capacité de quatre personnes). L’au-diovidéothèque peut aussi expédier les cassettes à l’emprunteur, mais cedernier doit acquitter les frais d’expé-dition et de retour.

Pour obtenir un formulaire de demande, pour réserver la salle de visionnement ou emprunter unevidéocassette :

Téléc. (514) 873-6593Tél. (514) 873-2494 (frais d’interurbain acceptés)1199, rue de Bleury, 4e étageMontréal (Québec) H3B 3J1

● La passion du métierDurée : 11 minutesCote VC-000896

Comment améliorer les conditions detravail dans le secteur automobile ?Pardi, en adoptant les solutions exis-tantes ! Cette vidéo-témoignage, pro-duite par Auto prévention (Associationsectorielle paritaire Services automo-biles) avec la collaboration de la CSST,nous fait prendre conscience à quelpoint le secteur de la carrosserie, del’entretien et de la mécanique automo-bile a changé en quelques années. Àquel point aussi le métier de mécani-cien — qui demande de la patience, de

la minutie et de la rigueur — a pris dugalon. Les jeunes, garçons et filles, quichoisiront ce métier ont bien de lachance. Ils apprendront dès le départ àtravailler dans les règles de l’art et dela prévention. À réparer une transmis-sion, transvaser des huiles, décaper etsabler, appliquer de la peinture, en seservant judicieusement du matériel approprié : lunettes, gants de nitrile,baladeuse hermétique, pousseur au-tomatique, levier, vérin, etc. Résultats :un milieu de travail sain, agréable et stimulant, une atmosphère sous lesigne de la complicité et de la bonneentente et… de moins en moins d’acci-dents !

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NOUVELLES PARUTIONS

Meulage et polissage del’aluminium et ses alliagesGuide de prévention des risques d’incendie et d’explosionDC 200-661 (97-11)Brochure, 17 pages, 15 cm x 23 cm

Le guide présente les risques reliés auxfines poussières métalliques généréeslors des opérations de meulage et depolissage. Les poussières en suspen-sion dans l’air peuvent s’enflammer etcauser des explosions si elles se trou-vent dans un système fermé. De plus,elles peuvent dégager de l’hydrogèneau contact de l’eau, présentant ainsi unrisque d’explosion. Le guide décrit lesméthodes et équipements nécessairespour assurer un travail sécuritaire enprésence des poussières de ce métal etde ses alliages.

Ce document facilite la compréhensionet l’application du Règlement sur lasanté et la sécurité du travail dans lesmines et modifiant diverses dispositionsréglementaires adopté par l’Assembléenationale du Québec le 11 juin 1997 etentré en vigueur le 10 juillet 1997.

Il ne reprend que les articles tou-chés par les modifications apportées au Règlement. Pour rendre la compa-raison plus facile, il met en parallèlel’ancienne et la nouvelle version dechacun des articles.

Règlement modifiant le Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines et modifiant diverses dispositions réglementaires Document comparatifDC 200-258-2 (97-08)Brochure, 18 pages, 21,5 cm x 28 cm

Loi instituant la Commissiondes lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législativesDocument comparatifDC 200-260 (97-08)Brochure, 84 pages, 21,5 cm x 28 cm

Ce document est conçu pour faciliter la compréhension et l’application de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives adop-tée par l’Assemblée nationale duQuébec le 6 juin 1997.

Il ne reprend que les articles de laLSST et de la LATMP touchés par lesmodifications législatives. Pour rendrela comparaison plus facile, il met enparallèle l’ancienne et la nouvelle ver-sion de chacun des articles.

Nos produits et servicesbranchés sur votre gestion ensanté et sécurité – À l’heuredu commerce électroniqueDC 200-1111 (97-11)Brochure, 24 pages, 19,5 cm x 30,5 cm

Conçue pour appuyer la promotion desnouveaux produits et services de com-merce électronique fournis par la CSSTaux employeurs, cette brochure adoptele point de vue client pour résumer lesenjeux du virage inforoutier en santé eten sécurité, souligner les avantagesstratégiques offerts par produit ou ser-vice, préciser les équipements néces-saires et le tarif d’abonnement.

RÉIMPRESSIONS, RÉÉDITIONSET TIRÉS À PART

L’assignation temporaire Pour un prompt retour au travailDC 400-1341 (97-08)Dépliant

Guide de prévention en milieu detravail – À l’intention de la petiteet de la moyenne entrepriseDC 200-16082-1 (97-08)Brochure

Fabrication de plastiques renforcésDC 500-221-1 (97-10)Brochure

Vous pouvez vous procurer ces docu-ments au bureau de la CSST de votrerégion. ❏

Jacqueline Moreaux

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à la CSSTV●

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Toutes les publications présentéesici peuvent être commandées en utilisant le bon de commande inséré dans ces pages. Les prix indiqués comprennent les taxes et les frais d’envoi.

Étude sur la « grimpabilité »des poteaux de bois dans lecadre de l’entente conjointeHydro-Québec & Bell CanadaBEAUCHAMP, Yves, Marc THOMAS, Jean ARTEAU, Denis MARCHAND, Rapport R-164, 87 p. + annexes, 9$.

Les employés des services publics sontparfois appelés à grimper aux poteauxde bois utilisés pour la distribution deslignes électriques et téléphoniques, afinde poser, de remplacer ou de réparerdes câbles, des conducteurs ou diversappareils. Certains produits employéspour prolonger la vie de ces poteaux,tels que l’arséniate de cuivre chromaté(CCA), provoquent un durcissement du bois qui nuit à la « grimpabilité »,c’est-à-dire la facilité à grimper aupoteau avec des éperons. Dans le coursd’une recherche menée conjointementavec Bell Canada, Hydro-Québec etd’autres partenaires, une équipe del’IRSST et de l’École de technologiesupérieure a cherché à mesurer le degré d’acceptabilité des poteaux selonleur dureté ou tout autre paramètre mé-canique. Le rapport publié par l’IRSSTrend compte de ces travaux.

Lors d’une étude pilote puis de l’étude principale, les chercheurs ontanalysé les caractéristiques des poteauxde bois, et mesuré la perception psy-chophysique qu’en ont les monteurs de ligne, le pourcentage d’utilisationmusculaire qui leur est demandé, et les conditions de pénétration d’un éperondans le bois lors d’une montée. Lesétudes ont notamment permis d’établirdes niveaux permissibles d’impact etde pénétration de la griffe en fonctiondu taux d’acceptabilité des poteaux.Elles n’ont révélé aucun indice de fa-tigue accrue selon la dureté de ceux-ci.

Dispositifs d’ancrage de camions — Recueil d’informations techniquesBENOÎT, René, Marcel BÉLANGER,Rapport R-165, 26 p., 5$.

Ce bilan de connaissances porte sur lesdivers systèmes d’ancrage pouvantprévenir les mouvements inopinés descamions, remorques et semi-remorqueslors d’opérations de chargement et dedéchargement. De tels mouvementspeuvent notamment provoquer la chutedu chariot élévateur du quai de charge-ment et entraîner des blessures graveschez le personnel.

Le document dresse l’inventaire nonexhaustif des dispositifs d’ancrage decamions à un quai de chargement. Il necomporte, précisent les auteurs, aucunedonnée relative à la sécurité autre que celles qui apparaissent dans les dépliants publicitaires et les cataloguescommerciaux fournis par les compa-gnies. Les véhicules, les lieux d’utili-sation et les manœuvres de chargementet de déchargement y sont décrits de

façon systématique, et la probléma-tique des risques y est élaborée. Sui-vent une description des quatre grandsconcepts de dispositifs d’ancrage (àcale de roues, à crochets, à tiges, à brasbasculant), une explication générale de leur fonctionnement, des tableauxdes caractéristiques mécaniques et électriques des dispositifs d’ancrage inventoriés et enfin, une liste des fabri-cants et distributeurs.

Aussi...

Impact de l’utilisation des pistolets de soudage pourvusd’une buse d’aspiration surl’activation musculaire desmembres supérieurs, la perception psychophysique et laqualité des assemblages soudésBEAUCHAMP, Yves, Denis MARCHAND, Michel GALOPIN et Marc THOMAS, Rapport R-152, 32 pages, 5$ (voir article en page 22).

Évaluation des effets d’un programme de formation chez les utilisateurs de terminauxà écran de visualisationMONTREUIL, Sylvie, Chantal BRISSON, Marc ARIAL, LouisTRUDEL, Rapport R-167, 121 pages,10,70$ ; Résumé RR-167, 15 pages,gratuit, Montréal, IRSST, 1997 (voir article en page 28).

Effets de l’horaire rotatif de 12 heures sur la santé et lasécurité des opérateurs d’uneraffinerie de produits pétroliers BOURDOUXHE, Madeleine, YvonQUÉINNEC, Denise GRANGER,Raymond BARIL, Serge GUERTIN,Paul MASSICOTTE.

Phase 1 : enquête, diagnostic, pistesde réflexion pour des aménagementsRapport R-162, 281 pages, 16,05$ ;

Tableaux de données et analyses intermédiairesAnnexe RA-162, 302 pages, 16,05$ ;

Résumé RR-162, 50 pages, gratuit,Montréal, IRSST, 1997 (voir articleen page 18). ❏

Bernard La Mothe

17PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

à l’IRSSTV●

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Le travail de nuit est sansdoute incontournable,

mais ses effets négatifspeuvent être atténués.

Une étude dans uneentreprise où prévalent les

horaires alternants dedouze heures débouche

sur des voies de solutions.

Organisation

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être humain n’est pas fait pourtravailler la nuit, affirme d’em-blée Madeleine Bourdouxhe, du

Programme organisation du travail del’IRSST. Cela va à l’encontre de sa biologie. Si, en plus d’avoir à resteréveillé, il lui faut subir une chargementale ou physique et effectuer destravaux qui exigent de la concentrationou des efforts, il y a un prix à payer. »Une étude sur les effets de l’horaire rotatif de 12 heures dans une raffineriede pétrole de Montréal, à laquelle par-ticipait Mme Bourdouxhe, montre qu’ilest toutefois possible d’en diminuer leseffets négatifs si l’on agit sur tous lesparamètres qui déterminent l’organi-sation des horaires et des tâches.

Le défi : améliorer l’horairesans le changerLes horaires rotatifs de 12 heures sontde plus en plus courants dans les entre-prises où la production ou les servicesdoivent être maintenus 24 heures sur24. Cet allongement des quarts de tra-vail est populaire auprès du personnel,qui voit ainsi raccourcir sa semaine detravail et peut donc profiter d’un plusgrand nombre de jours de repos et decongés en semaine.

À Montréal, une raffinerie de pétroleapplique cet horaire allongé depuis plus de 20 ans : un cas quasi unique en Amérique du Nord ! Récemment, ladirection et le syndicat de l’entreprisese sont toutefois interrogés sur la possibilité de le modifier, en vue d’en réduire les effets négatifs. « La demande transmise à l’IRSST était très pragmatique, précise MadeleineBourdouxhe. Il n’était pas question detoucher au principe de l’horaire rotatifde 12 heures. On cherchait plutôt desrecettes pratiques pour réduire ses inconvénients. »

Le « syndrome du travailleur posté »La littérature scientifique confirme quele travailleur soumis à des horaires alternants est en conflit à la fois avecson horloge biologique et avec la viede son entourage social et familial, etque ce conflit a des effet négatifs dansplusieurs domaines : santé, mais aussiqualité du travail et de la vie à l’exté-rieur du travail. Les spécialistes parlentdu « syndrome du travailleur posté »,

un ensemble de symptômes qui tou-chent le plus souvent le sommeil, lesvoies digestives, l’humeur et le psy-chisme, la sécrétion hormonale et lesystème cardiovasculaire et circula-toire. Le premier signe de désynchro-nisation se situe sur le plan du sommeil,dont le déficit et la piètre qualité serépercutent sur la santé et l’humeur, lebien-être, la vigilance et la capacité àproduire.

Les résultats des recherches sur letravail posté en général, et plus particu-lièrement sur les quarts de 12 heures,sont cependant trop fragmentaires etponctuels pour permettre de répondre à une demande comme celle qu’a reçul’IRSST. Une nouvelle étude s’impo-sait donc. L’objectif : faire un bilan deseffets à long terme de l’horaire rotatifde 12 heures et montrer les liens entreles différents volets du diagnostic et des éléments problématiques de l’orga-nisation du temps de travail, pour abou-tir à des solutions et à des moyenspréventifs.

Obtenir le maximum d’information« Au départ, explique Madeleine Bourdouxhe, nous pensions procéderpar comparaison avec des opérateurstravaillant de jour, ou encore sur desquarts de huit heures. Pour cela, il fal-lait un groupe identique en tous points,sauf l’horaire. C’était impossible, puis-que les raffineries nord-américaines sontpresque toutes passées à l’horaire rotatifde 12 heures. » L’approche retenue aplutôt consisté à aller chercher le maxi-mum d’information, puis à l’analyserpour cerner les constats qui s’en déga-gent par convergence.

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

«L’

R E C H E R C H E

Organisation

Point de départUne demande de la direction et dusyndicat d’une importante raffinerie depétrole de Montréal qui s’interrogeaientsur la pertinence de modifier les horairesde travail alternants de 12 heuresauxquels sont soumis les opérateursdepuis plus de 20 ans.

ResponsablesMadeleine Bourdouxhe, Denise Granger,Raymond Baril et Paul Massicotte, duProgramme organisation du travail del’IRSST ; Yvon Quéinnec, de l’Université deToulouse ; Serge Guertin, de Ergo-Norme.

PartenairesLa direction, le syndicat et les opérateursde la raffinerie, ainsi que les conjointes deces derniers et des travailleurs ayant étésoumis aux horaires rotatifs dans le passé.

RésultatsUn matériel de soutien à la prise dedécision sous forme de 23 fiches pratiquescouvrant 3 grands thèmes : emploi dutemps et organisation des équipes,gestion du personnel, organisation des tâches.

Utilisateurs potentielsLes entreprises où la production ou laprestation de services s’effectue encontinu, notamment les pâtes et papiers,la pétrochimie, les produits manufacturés,le transport, les services médicaux, lesservices ambulanciers, la police et lecommerce de détail.

FIGURE 1 – Fréquence des pathologies diagnostiquées par groupe d’âge entre 1984 et 1993

ET HORAIRES ROTATIFSdu travail

La recherche touchait 160 opérateursaffectés au contrôle et à la surveillancedans 7 sites de l’entreprise. Leurs quartsde travail commencent à 6 h 30 et à 18 h 30, selon un cycle de 54 jours avecrotation, comptant 3 jours de repos tousles 3 jours. Ils ont 1 week-end libre sur3 et 9 jours de repos à la fin du cycle.En principe, ils travaillent 1 940 heurespar année, pour un salaire moyen de 60 000 $. En pratique, le nombre réeldes heures travaillées dépasse 2 200.Les heures supplémentaires sont payéesau double du taux horaire.

L’évaluation portait sur sept aspectsde la vie des travailleurs et de l’entre-prise : le sommeil et la fatigue, la santé, la charge de travail, la vie socialeet familiale, la satisfaction ou l’insatis-faction, la sécurité-fiabilité et la recon-naissance du travail posté. Diversesquestions et hypothèses de départ ont étésoumises simultanément aux méthodesde différentes disciplines : l’ergonomie

classique, la chronoergonomie, la socio-logie, l’ethnographie, la statistique, laphysiologie et les sciences de la santé.Une dizaine de personnes ont ainsi participé à la collecte et à l’analyse desdonnées. Elles ont utilisé 12 sources dedonnées : l’analyse des tâches, l’obser-vation chronoergonomique de groupesd’opérateurs, les réponses de 77 opé-rateurs et de 51 de leurs conjointes à des questionnaires, des entrevues avec22 ex-postés, des entretiens avec lesgestionnaires, l’examen des dossiersmédicaux de 367 travailleurs, la mor-talité, les absences, les accidents du travail, un incident grave, l’horaireprévu et l’horaire réel. Un comitéaviseur paritaire, où la direction, le syn-dicat, les superviseurs, le service desanté et le service de la formationétaient représentés, a été associé à toutesles étapes de la démarche. Au sein dechaque groupe d’opérateurs (4 équipesde 3 à 9 personnes par site), des

« ambassadeurs » ont de plus accepté de servir d’antennes dans leur milieu respectif.

Surcharge, fatigue, problèmesde santé, décalage de la viesociale et familiale…Les résultats ont permis de chiffrer etd’étayer, pour la première fois, plu-sieurs problèmes dont on se doutaitdéjà. Le diagnostic ? La situation n’estpas catastrophique, mais il y a deschoses à corriger. Une surprise toute-fois : les problèmes à rectifier ne sontpas là où l’on croyait d’abord les trou-ver. « Le principal problème que viventles opérateurs de la raffinerie n’est paslié à l’horaire en soi, mais au manqued’effectif », confirme Madeleine Bourdouxhe. Cette situation entraîneune surcharge de travail pendant lesquarts de jour et des heures supplé-mentaire, lesquelles ont pour consé-quence une fatigue additionnelle.

19PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

R E C H E R C H E

du travail

ET HORAIRES ROTATIFS

Entretien jourOpérateurs postésEx-postés entretien

23 à 29 ans 30 à 34 ans 35 à 39 ans 40 à 44 ans 45 à 49 ans 50 à 54 ans 55 à 61 ans

0

1

2

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4

5

6

7

Groupes d’âge

No

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Les inconvénients les plus mani-festes de l’horaire sont la perturbationdu sommeil, la dette de sommeil et lafatigue chronique, même sur les quartsde jour. La situation a aussi des consé-quences néfastes sur la santé, dont leseffets se font surtout sentir chez ceuxqui ont quitté les horaires rotatifs (voirl’encadré). Les quarts de 12 heures per-turbent la vie familiale et sociale, maismoins que ceux de 8 heures. Les opéra-teurs aiment cet horaire, surtout à causedes temps libres et du niveau de salaire.Les écarts majeurs entre l’horaire théo-rique et la réalité sont cependant un in-dice que l’horaire officiel ne convientpas aux besoins.

Madeleine Bourdouxhe insiste sur la difficulté de dissocier les effets deshoraires, l’âge des travailleurs et leurcharge de travail. Elle s’étonne parailleurs des contradictions du système etde ses acteurs : « La tension entre, d’unepart, les intérêts financiers de l’entre-prise et des travailleurs et, d’autre part,la sécurité, la santé, le sommeil, lafamille et la vie sociale est très per-ceptibles, et l’analyse des données parconvergence fait ressortir ces contradic-tions. Ces résultats placent tant l’em-ployeur que les travailleurs et leursconjoints en face de choix : il est im-possible de profiter de tous les avantagesde ce type d’horaire en s’épargnantl’ensemble de ses inconvénients. »

Principes et critères pour décider des horairesAfin de guider les employeurs et les travailleurs dans leurs décisions concer-nant les horaires de travail, les cher-cheurs proposent 23 pistes de réflexionprenant la forme de fiches regroupéessous 3 grands thèmes : emploi du temps des personnes et organisation deséquipes, gestion du personnel, aména-gement des tâches.

Les grands principes de la démarcheproposée sont les suivants :

• Réduire le travail ou la charge de travail entre minuit et 6 h.

• Réduire la durée du travail posté, enlimitant le nombre d’années consécu-tives où le travailleur y est assujettiet en évitant qu’il y soit soumis toutel’année.

• Assouplir l‘organisation : il n’existepas de « bon horaire », seulement descompromis plus ou moins acceptableset diversifiés.

• Faire des échanges terme à termepour les compensations : si le tra-vailleur donne son temps, il devraitrecevoir du temps en échange.

• Tenir compte, dans la conception desnouveaux horaires, du nombre et dela composition des équipes de travail,des caractéristiques des personnes quiles composent, de la nature destâches, des conditions dans lesquelleselles sont exécutées, ainsi que desvariantes entre les départements de l’entreprise ou à l’intérieur d’unmême département

• Ne pas dissocier les volets emploi dutemps, répartition des équipes et ges-tion des personnes et des tâches, carils sont interdépendants.

• Tenir compte du fait qu’un choix peutprésenter à la fois des avantages etdes inconvénients dans un même domaine (par exemple, reporter lechangement de quart à 8 h et à 20 hprocurerait un sommeil plus satis-faisant aux travailleurs de jour, maisen réduirait la durée lorsqu’ils tra-vaillent de nuit).

• Tenir compte du fait qu’une solutionpeut avoir des effets positifs dans undomaine et négatifs dans d’autres(par exemple, si le changement dequart se fait tôt, les travailleurs sontplus disponibles en soirée pour la viefamiliale et sociale, mais comme ilsdoivent alors se lever avant 5 h, ilsmanquent de sommeil et leur vigi-lance en début de quart de travail estréduite).

Toute solution constitue donc uncompromis, qui doit être négocié pourque tous l’acceptent. À cette fin, il faut :

• Faire le bilan de la situation et diagnostiquer les effets de l’horaire existant.

• Faire participer toutes les personnesconcernées à l’élaboration des réamé-nagements.

• Les informer et les former aux rudi-ments de la chronoergonomie.

• Respecter des critères minimaux desanté-sécurité-fiabilité tout en répon-dant aux besoins des travailleurs ;donner alors la priorité aux points du diagnostic qu’ils souhaitent voircorrigés d’abord.

20

• Réviser les choix au fur à mesure del’évolution des conditions de travail,des besoins et des caractéristiques despersonnes, établir une politique desuivi des réaménagements et lesremettre en cause si le bilan de la situation ou de nouvelles connais-sances scientifiques l’exigent. ❏

Nicole Ménard

Pour en savoir plus long

BOURDOUXHE, Madeleine, YvonQUÉINNEC, Denise GRANGER, Raymond BARIL, Serge GUERTIN, PaulMASSICOTTE. Effets de l’horaire rotatifde 12 heures sur la santé et la sécurité des opérateurs d’une raffinerie de produitspétroliers – Phase 1 : enquête, diagnostic,pistes de réflexion pour des aménage-ments, Rapport R-162, 281 pages, 16,05 $ ; Annexe RA-162, Tome 2 :Tableaux de données et analyses intermé-diaires, 302 pages, 16,05 $ ; Résumé RR-162, 50 pages, gratuit, Montréal,IRSST, 1997 (voir bon de commande).

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

R E C H E R C H E

FIGURE 2 – Pistes de solutions aux principaux problèmes cernés dans l’entreprise

SOLUTIONS EN AMÉNAGEMENT DES HORAIRESPRINCIPAUX PROBLÈMES

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Une question de résistance?Le constat en étonnera plusieurs : le bilan desanté des personnes qui travaillent encoreactuellement selon des horaires rotatifs de 12 heures est relativement bon. À partir d’un cer-tain âge, il est même meilleur que celui de leurscollègues qui ne travaillent que de jour. Faut-ilen conclure que le travail posté a peu d’effetsnégatifs sur la santé? Ce n’est pas évident.

La littérature scientifique a bien documenté ladistorsion causée par l’effet de sélection (healthyworker effect). La recherche de l’IRSST confirmecet effet. L’information obtenue des ex-postésmontre que les plus résistants ont réussi às’adapter aux contraintes de l’horaire et à s’ymaintenir à un coût qu’ils jugent acceptable. Lesautres se sont aménagé une porte de sortie en

passant à un horaire de jour ou en étant affec-tés à un autre travail, quitte à accepter une réduction de leurs revenus. L’impact de l’horairea donc eu plus de répercussions chez ceux qui l’ont quitté parce qu’il était devenu trop contraignant.

Cette démonstration, que rend possible l’accès à des données médicales sur une périodeexceptionnellement longue, soulève des interro-gations. Qu’arrive-t-il si un groupe de travailleursreste captif d’un horaire qui devient intolérablepour certains, mais dont ils ne peuvent sortirfaute d’ouverture à d’autres postes? Si l’effet desélection ne joue plus son rôle protecteur, onpeut s’attendre à une accélération des effets négatifs des horaires rotatifs.

Une question de résistance?

Opérateurssurchargés et trop

peu nombreux

1– Emploi du temps et organisation des équipes• Durée hebdomadaire du travail• Fixité (toujours de jour ou de nuit) vs alternance• Cycle de rotation• Travail en fin de semaine• Heures de début et de fin de quart• Durée du quart de jour et du quart de nuit• Relèves étalées, recouvrement de poste• Pauses, siestes• Nombre d’équipes• Effectifs par équipe

2– Gestion du personnel• Répartition des repos entre deux quarts• Retraite anticipée, progressive• Remplacements• Congés, vacances• Personnel de réserve, prolongation d’un poste• Polyvalence des opérateurs dans leur site• Formation• Reclassement des postés en travail de jour• Transport domicile-travail, logement• Services en entreprise adaptés à l’horaire

3– Organisation des tâches• Aménagement des horaires selon le travail• Aménagement du travail selon les horaires• Aménagement des horaires et des tâches

selon les opérateurs

Vie de familleet vie sociale

décalées

Problèmesde sommeil et

de fatigue

Problèmesde santé des moins

résistants

Note - Chacun des 23 éléments est relié à plusieurs autres : par exemple, modifier la durée hebdomadairede travail implique de modifier plusieurs autres éléments, en particulier les effectifs.

Buses d’aspiration des fumées

de soudage

22

première vue, l’ajout d’unebuse au pistolet de soudage constitue un cas classique de

solution techniquement efficace (lesfumées de soudage sont éliminées).Mais elle est inacceptable, car elle netient pas compte des travailleurs ni desimpératifs de production.

Pour en avoir le cœur net et, le caséchéant, permettre aux fabricantsd’améliorer leur produit, les chercheursYves Beauchamp, Marc Galopin etMarc Thomas, de l’École de technologiesupérieure, et Denis Marchand, de l’Université du Québec à Montréal, ontentrepris de comparer, dans des condi-tions de travail réelles, trois modèles depistolets pourvus d’une buse d’aspira-tion des fumées et deux d’entre eux dansune version dépourvue de buse.

Yves Beauchamp explique : « L’étudeconsistait en essais expérimentaux, qui ont été effectués dans les labora-toires de l’École de technologie supé-rieure, par dix soudeurs qui comptaiententre trois et trente-cinq ans d’expé-rience. Nous leur avons donné certainessoudures précises à réaliser, avec cha-cun des modèles de pistolet. L’une deces soudures était horizontale, une seconde verticale et une troisième devait être effectuée au plafond, afin devarier les positions.

« Avec ces essais, poursuit le cher-cheur, nous voulions évaluer l’effet dela présence d’une buse sur l’activitémusculaire des soudeurs et sur la perception qu’ils ont du confort, de lamaniabilité et de la qualité des jointsde soudure réalisés dans diverses positions. La qualité des soudures aégalement été évaluée par un expert. »

Un pistolet à buse passe le testLes tests d’appréciation subjective du confort, de la maniabilité et de laqualité des soudures produisent toustrois un résultat comparable : les pis-tolets dépourvus de buse d’aspira-tion occupent les premier et troisièmerangs, leurs versions avec buse sesituent derrière, soit aux quatrième et cinquième rangs, tandis que le modèle offert uniquement avec unebuse occupe le deuxième rang. Celui-ci bénéficie donc, de la part dessoudeurs, d’une appréciation aussipositive que celle qu’ils accordent aux pistolets sans buse.

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

R E C H E R C H E

À

Point de départDes pistolets de soudage équipés de buses d’aspiration des fumées sont vendus sur le marché, mais peu utilisés : lestravailleurs les jugent trop lourds, peu maniables et peu performants. Une étude a donc été entreprise pourévaluer ces perceptions.

ResponsablesYves Beauchamp, Marc Galopin et MarcThomas, École de technologie supérieure ;Denis Marchand, Université du Québec àMontréal.

PartenairesDix soudeurs d’expérience ont participéaux essais dans les laboratoires de l’Écolede technologie supérieure.

RésultatsL’étude a permis de déterminer lescaractéristiques que devrait présenter unpistolet de soudage pourvu d’une busepour être performant et acceptable auxsoudeurs.

Utilisateurs potentielsLes résultats de cette étude pourrontguider les entreprises dans l’achat depistolets de soudage pourvus d’une busequi sont performants et acceptables auxsoudeurs ; ils pourront également serviraux fabricants de ces outils.

Vers une solution acceptable aux soudeurs

Buses d’aspiration des fumées

de soudage

UNE SOLUTION TECHNIQUE A ÉTÉ TROUVÉE POUR RÉSOUDRE LE PROBLÈME DES FUMÉES TOXIQUES

ÉMISES LORS DU SOUDAGE : ÉQUIPER LES PISTOLETS DE SOUDAGE D’UNE BUSE D’ASPIRATION.POURTANT, CES NOUVEAUX OUTILS SONT PEU UTILISÉS, PARCE QUE JUGÉS TROP LOURDS,

DIFFICILES À MANIER ET MOINS PERFORMANTS QUE LES PISTOLETS CONVENTIONNELS.POUR ÊTRE ADOPTÉE PAR LE MILIEU DE TRAVAIL AUQUEL ELLE EST DESTINÉE,

UNE SOLUTION DOIT ÊTRE NON SEULEMENT EFFICACE, MAIS ACCEPTABLE !

L’effort et la qualité des soudures dépendent de la positionL’évaluation par un expert fait ressor-tir que la qualité des soudures dépendde la position de travail et non du typede pistolet utilisé. Les meilleurs jointsde soudure sont réalisés en positionhorizontale et les moins bons, en posi-tion verticale.

L’évaluation de l’activité musculairerequise par le biceps du côté de la maindominante détermine le classement descinq types de pistolets en deux grandsgroupes : dans le premier de cesgroupes, on retrouve les deux pistoletsdépourvus de buse et celui qui existeuniquement avec une buse, lesquels

exigent une moins grande activité musculaire. Les deux autres pistoletsappartenant au second groupe sollici-tent davantage le biceps. « Nous avonsévalué la contribution de divers autresmuscles, du poignet jusqu’à l’épaule,ajoute Yves Beauchamp, pour mesu-rer l’impact de diverses caractéris-tiques du pistolet, comme la longueurde la poignée ou l’angle du col decygne, selon la position adoptée par lesoudeur. »

Les caractéristiques d’un pistolet acceptableLe seul pistolet pourvu d’une buse quiest apparu acceptable aux soudeurspartage plusieurs caractéristiques avec les versions sans buse : il estléger, sa poignée est courte et son conduit flexible, ce qui le rend plus maniable. Les soudeurs notent ce-pendant que l’aspiration des fumées est plus bruyante avec cet outil, unevariable qui n’a pas été mesurée dansle cours de cette étude. ❏

Bernard La Mothe

Pour en savoir plus long

BEAUCHAMP, Yves, Denis MARCHAND,Michel GALOPIN et Marc THOMAS. Impact de l’utilisation des pistolets desoudage pourvus d’une buse d’aspirationsur l’activation musculaire des membressupérieurs, la perception psychophysiqueet la qualité des assemblages soudés,Rapport R-152, 32 pages, 5 $ (voir bon de commande).

23PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

R E C H E R C H E

L’étude consistait en essais expérimentauxeffectués dans les laboratoires de l’École detechnologie supérieure, par dix soudeurs qui comptaient entre trois et trente-cinq ansd’expérience. Ils devaient réaliser certainessoudures précises, avec chacun des modèlesde pistolet.Ces essais ont permis d’évaluer

l’effet de la présence d’unebuse sur l’activité musculairedes soudeurs et sur la percep-tion qu’ils ont du confort, de lamaniabilité et de la qualité desjoints de soudure réalisés dansdiverses positions. La qualitédes soudures a également étéévaluée par un expert.

Métiers de

Point de départ La Commission de la santé et de lasécurité du travail (CSST) et des régiesrégionales de la santé ont manifesté leurintérêt à connaître les risques pour lasanté encourus par les travailleurs descentres de compostage de déchetsdomestiques.

ResponsablesJacques Lavoie1, GenevièveMarchand2, Programmesoutien analytique, IRSST.

PartenairesDeux centres mécanisés decompostage des déchetsdomestiques du Québec.

RésultatsLes mesures réalisées ontrévélé des concentrationsmoyennes de bactériestotales supérieures à la valeur guide dans les aires deréception des déchets et lesbâtiments de fermentation.Dans un des deux centres, certainscontaminants chimiques dépassaient 50%de la valeur d’exposition réglementée.Toutefois, les bactéries Gram négatives,les plus nocives, n’ont été mesurées qu’àde faibles concentrations. Des mesurescorrectives ont été prises pour régler les problèmes soulevés.

Utilisateurs potentielsLes régies régionales de la santé utilise-ront les résultats de cette étude pourélaborer des programmes de santépublique ; les directions des centres decompostage y trouveront des recomman-dations d’actions préventives adaptées à leur milieu de travail.

24

out ce qui concerne les nouveauxmétiers, et en particulier les mé-tiers de l’environnement, inté-

resse l’IRSST et la CSST, déclared’emblée Jacques Lavoie, hygiéniste au Programme soutien analytique del’IRSST. En effet, nous ne disposons pas de données sur les risques dans

ce domaine, qui est de touteévidence appelé à prendre de l’expansion. »

Un tel intérêt, joint à la nécessité d’élaborer et d’appli-quer des programmes de santépertinents, explique pourquoi,à la demande de la CSST et decertaines régies régionales dela santé, l’IRSST a entreprisune étude d’hygiène indus-trielle complète des centresmécanisés de compostage auQuébec.

L’étude a porté sur les deuxcentres mécanisés de com-postage de déchets domes-tiques qui existent au Québec.L’un d’eux, situé en milieu

urbain, à proximité d’un quartier rési-dentiel, dessert depuis 1993 une popula-tion de 50 000 personnes; il emploie unequinzaine de travailleurs et a une capa-cité de traitement de 46 millions de kilos par an. Le second, en milieu rural,est en exploitation depuis 1994; il em-ploie six à sept travailleurs et traite an-nuellement environ six millions de kilos.

Un large éventail de risques à l’étude« Nous voulions couvrir un large éven-tail de risques, explique Jacques Lavoie,mais, mis à part les résultats d’une éva-luation réalisée à l’usine de Chertsey,aujourd’hui fermée, les seules donnéesdont nous disposions étaient celles d’études européennes, publiées dans desrevues scientifiques.

« Ces données nous ont servi à ciblerun certain nombre de contaminantschimiques et biologiques à mesurer.Ainsi, au niveau chimique, nous savionsqu’il fallait mesurer l’ammoniac (NH4)et les produits azotés (NOx) qui résultentde la dégradation bactérienne, de mêmeque l’anhydride carbonique (CO2) etl’hydrogène sulfuré (H2S), qui est un in-dicateur de la dégradation anaérobique1

du compost.« Au niveau biologique, nos cibles

étaient les bactéries, et notamment lesbactéries Gram négatives, responsablesde problèmes gastro-intestinaux et res-piratoires, les thermoactinomycètes,d’autres bactéries qui peuvent causer des maladies, et les moisissures, dontl’Aspergillus fumigatus, qui exacerbe lesréactions asthmatiques.

« La recherche, précise JacquesLavoie, visait aussi à vérifier l’hypo-thèse, formulée dans la documentation,selon laquelle les risques ergonomiquessont surtout reliés aux activités de tridans les centres. Comme nous savionsqu’au Québec, le tri est fait à la maison,avant que les déchets ne soient achemi-nés vers les centres de compostage, ilétait intéressant d’étudier, au moins sommairement, si, malgré tout, les tra-vailleurs étaient exposés à des risques ergonomiques.

« Enfin, conclut le chercheur, nousvoulions vérifier, en mesurant les concentrations microbiennes dans l’airextérieur, si les centres de compostagepeuvent constituer un risque pour levoisinage. »

Mis au courant de la recherche, desreprésentants du Centre de recherche in-dustrielle du Québec (CRIQ) ont offert deprofiter de l’étude pour déterminer, surune plate-forme de compostage expé-rimental, les conditions permettant de produire le compost le plus sain. « Nousavons accepté, révèle Jacques Lavoie, caril est important, dans les recherches del’IRSST, que l’aspect santé et sécurité soitcompatible avec la recherche de qualité. »

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

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1

2

Métiers de De nouveaux champs pour la recherche

«T

I – Centres de compostage : un portrait rassurant

1 Anaérobique : dans un milieu privé d’oxygène.

L’un des grands défis qui se posent à la recherche en santé et en sécurité du travail est de suivre le rythme des changements qui touchent les milieuxde travail, qu’ils soient d’ordre technologique, économique ou social. Ce sont de tels changements qui modifient en profondeur ou font parfoismême disparaître certains métiers traditionnels, tandisqu’émergent de nouveaux secteurs d’emploi. Dans cessecteurs émergents, on ne dispose d’aucune donnée sur lesrisques, mais il est encore possible d’influencer la concep-tion des lieux et l’établissement des conditions de travailpour mieux protéger les travailleurs. C’est notamment le cas des nouveaux métiers de l’environnement et, parmi ceux-là, des métiers associés au traitement des déchetsdomestiques ainsi qu’au traitement des eaux usées.

l’environnement

il en est un qui paraît fondamental : « Ilfaut traiter la santé et la sécurité du travail comme une partie intégrante desobjectifs de production, et donc penserSST dès la conception des centres, parexemple en confinant les déchets pourréduire l’exposition des travailleurs, eten prévoyant une bonne ventilation là oùles déchets sont agités.

« Il ne faut pas non plus négliger lesmesures d’hygiène personnelle, ajoute le chercheur. Se laver les mains ; ne pasporter ses doigts à son visage ; ne fumer,manger ou boire qu’à la cafétéria ; quit-ter ses vêtements de travail et prendre sa douche chaque jour avant de partir ducentre, sont autant de règles simplesmais essentielles pour se protéger desrisques d’infections. »

Enfin, la contribution du CRIQ a per-mis d’établir à 60 % le pourcentaged’humidité relative optimal du compost,qui produira le moins de particules ensuspension, et libérera donc le moins decontaminants biologiques susceptiblesd’être absorbés par les travailleurs.

Un portrait globalementrassurant« Les résultats de l’étude apparaissentglobalement rassurants, affirme JacquesLavoie. Par ailleurs, les mesures de l’airextérieur sont bonnes et permettent dedire que les centres de compostage neconstituent pas une source de contami-nation biologique pour leur environ-nement. Enfin, au niveau chimique, lesconcentrations mesurées se situaienttoutes en deçà du seuil d’intervention,c’est-à-dire en deçà de 50% du niveaurecommandé, sauf dans un cas précis, oùil suffisait de faire fonctionner les venti-lateurs suffisamment pour réduire lesconcentrations à un niveau acceptable.

« En ce qui concerne les contami-nants biologiques dans les centres, pour-suit le chercheur, on s’aperçoit que lesbactéries Gram négatives, les plus no-cives, sont partout en deçà des niveauxrecommandés. Cela s’explique par la rapidité du traitement des déchets : on ne les laisse pas s’accumuler, ce qui em-pêche la formation de ces bactéries.Pour ce qui est des thermoactinomy-cètes, tout ce qu’on peut dire, en l’ab-sence de normes, c’est qu’aux niveauxque nous avons mesurés, il ne semblaitpas y avoir d’effets sur la santé dans l’état actuel des connaissances.

« Quant aux bactéries totales, on noteque les concentrations sont supérieuresaux niveaux suggérés, partout où il y aagitation des déchets, constate JacquesLavoie. On peut toutefois se prémunircontre ce risque par un bon entretien deslieux, par une ventilation adéquate et parle port de vêtements de travail, de gantset de masques respiratoires. »

Les concentrations de moisissures totales et d’Aspergillus fumigatus sontapparues plus élevées que dans l’air extérieur, notamment dans les aires defermentation du compost. « Cependant,conclut le chercheur, ces concentrationsrestent bien inférieures à ce qu’on trouveen milieu agricole. »

Intégrer la SST dès la conception des centresParmi les facteurs que Jacques Lavoierecommande de considérer pour assurerune meilleure protection des travailleurs,

Le tri manuel desdéchets devraitidéalement être évité ; il devrait êtrefait après que lamatière à composterait été récupérée ou tout simplement en s’assurant que les déchets reçus ne sont constitués que de matière compostable.Comme le montre la photo, ils peuventainsi être traitésmécaniquementsans exposer les travailleurs aux contaminants.

25PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

R E C H E R C H E

l’environnement

II – Traitement des eaux usées : des risques contrôlables

Point de départAu cours d’une consultation menée par laCSST, quatre régies régionales de la santéont exprimé le désir d’en savoir plus surles risques biologiques dans les centres detraitement des eaux usées. De plus, lescommunautés urbaines concernées ontmanifesté leur intérêt à caractériser les postes de travail de ces centres, enfonction des expositions biologiques.

ResponsablesJacques Lavoie, Geneviève Marchand,Programme soutien analytique, IRSST.

PartenairesLes administrations et les syndicats descentres de traitement des eaux usées de quatre communautés urbaines duQuébec.

RésultatsLes mesures effectuées révèlent desconcentrations moyennes de bactériestotales excédant le niveau limite d’exposi-tion suggéré à quelques-uns des 80 postesde prélèvement. Un seul poste présentaitdes concentrations de bactéries Gramnégatives dépassant la valeur limite. Desconcentrations moyennes de moisissuressupérieures à celles de l’air extérieur ontété mesurées à plusieurs des postes. Enfin,la qualité de l’air extérieur, sur le planmicrobien, ne semble pas affectée par lesopérations effectuées dans les centres.

Utilisateurs potentielsLes régies régionales de la santé trouve-ront dans cette étude des éléments utilesà l’élaboration de programmes de santéadaptés aux risques dans ces milieux detravail, tandis que les administrations etles syndicats des communautés urbainespourront appliquer des recommandationspermettant de prévenir ces risques.

26

l y a 20 ans à peine, il n’y avaitpratiquement pas de centre de traitement des eaux usées,

explique Jacques Lavoie, de l’IRSST.Le programme d’assainissement deseaux usées, mis de l’avant par le gouvernement du Québec, date de1979. Depuis, on a investi environ 6,5 milliards de dollars pour cons-truire et faire fonctionner 350 usinesd’épuration, où travaillent à peu près 4000 employés. »

L’étude sur les centres de traitementdes eaux a été entreprise à la demandedes régies régionales de la santé, quiont pour mission d’élaborer des pro-grammes de santé, mais aussi à celle de 4 des plus grandes communautés urbaines du Québec, qui desservent autotal quelque 2,4 millions de personnes.Sur les instances de leurs syndicats, cesadministrations se sont inquiétées desrisques potentiels que pouvaient pré-senter ces centres de compétence mu-nicipale pour leurs employés. « Lescentres de traitement des eaux, expli-que Jacques Lavoie, ça dégage de mau-vaises odeurs. Et on sait qu’il y a là descontaminants biologiques. Il est doncun peu normal qu’on s’inquiète etqu’on veuille vérifier l’existence et lagravité des risques. »

À la chasse aux bactériesL’étude entreprise par l’IRSST ne porteque sur les risques biologiques. En effet, précise Jacques Lavoie, « les gestionnaires de ces centres ont toute l’expertise nécessaire pour étudier les risques ergonomiques, chimiquesou physiques. S’ils ont fait appel àl’IRSST, c’est que nous avions l’exper-tise en matière de risques biologiquesqui leur manquait et qui est primordialedans de tels lieux de travail. »

Les travaux de M. Lavoie et de sonéquipe ont porté sur la mesure des concentrations de bactéries, notammentles bactéries Gram négatives, et sur lesmoisissures. Ils se sont déroulés dansles centres de traitement des quatrecommunautés urbaines en question. « Il s’agit de très grosses usines, suggère Jacques Lavoie, où, dans uncontexte de resserrement des dépensespubliques, il est possible qu’une admi-nistration ait la tentation de réduire sesfrais d’entretien, ce qui pourrait éven-tuellement avoir une incidence sur laprésence de bactéries ou de moisis-sures. »

L’étude a eu lieu en août, alors quela température de l’eau est la plusélevée, ce qui favorise la proliférationmicrobienne. « Nous avons demandéaux représentants patronaux et syndi-caux de nous identifier tous les endroitsoù ils pensaient qu’il y avait des pro-blèmes et, à chacun des 80 postes qu’ilsnous ont indiqués, nous avons fait desprélèvements. »

Pas de risques majeurs« Ce qui ressort en premier lieu, révèleJacques Lavoie, c’est que l’étude desconcentrations de bactéries et de moisissures dans l’environnement des centres confirme globalement les résul-tats d’études épidémiologiques sur des travailleurs de ces centres. En l’oc-currence, il n’y a pas de risques bio-logiques majeurs pour leur santé.

« Les mesures de l’air extérieurn’ont révélé aucune menace pour levoisinage, rapporte le chercheur.Quant aux concentrations de bactériestotales, elles paraissent excédentaires àquelques-uns des postes de prélève-ment. Compte tenu des activités qui se déroulent dans ces centres, c’est toutà fait normal, estime Jacques Lavoie, et on peut se protéger de cette exposi-tion par l’application rigoureuse desmesures d’hygiène usuelles : lavagedes mains, port de vêtements de travail,douche quotidienne, etc.

« La seule concentration excéden-taire de bactéries Gram négatives a éténotée au biofiltre de l’un des quatrecentres de traitement. Au moment de lavidange de ce biofiltre, il se produit uneaérosolisation, c’est-à-dire que desgouttelettes chargées de bactéries seretrouvent en suspension dans l’air, à la hauteur des voies respiratoires des

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travailleurs. Des solutions simples et éprouvées existent, affirme lechercheur. Il suffit de poser desdéflecteurs pour amortir les chutesd’eau, ou de couvrir les bassins de couvercles, de façon à empêcher cetteaérosolisation. »

Enfin, on a noté de fortes concen-trations de moisissures à certainspostes, dont 17 des 23 postes deprélèvement de l’un des centres. « Voilà probablement un cas où l’on a cherché à réduire les coûts d’entre-tien », suggère Jacques Lavoie, pour

qui un entretien et un nettoyage régu-liers constituent les meilleures solu-tions à ce problème.

D’autres recherches en coursAprès les centres de compostage et lescentres de traitement des eaux usées,Jacques Lavoie et son équipe conti-nuent d’étudier les risques associés auxmétiers de l’environnement. Ils termi-nent actuellement une étude des risquesergonomiques, chimiques et biolo-giques dans 3 des quelque 40 centresde tri des déchets domestiques quecompte le Québec. Une autre recher-che, celle-là sur le traitement secon-daire des effluents de 11 usines de pâteset papiers, est en cours, sous la res-ponsabilité de Nicole Goyer du même programme. ❏

Bernard La Mothe

Pour en savoir plus long

• LAVOIE, Jacques, Geneviève MARCHAND. Détermination des caractéristiques à considérer d’un point de vue de santé et sécurité des travailleursdans les centres de compostage desdéchets domestiques, Rapport R-159,Montréal, IRSST, 37 pages, 5,35 $

• LAVOIE, Jacques et collab. Contaminantsbiologiques dans les centres de traitementdes eaux usées, Rapport R-163, Montréal,IRSST, 22 pages, 5 $ (voir bon de commande).

27PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

R E C H E R C H E

Des mesures de la qualité de l’air extérieur ont été prisesnotamment aux bassins de décantation et d’aération, en août,alors que la température de l’air extérieur est la plus élevée.Elles n’on révélé aucune menace pour les travailleurs, enrespectant des règles d’hygiène élémentaires, ni aucune menacepour le voisinage.

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ix mois après avoir reçu uneformation sur l’aménagementde leur poste de travail à écran

de visualisation, trois personnes surcinq étaient passées à l’action etavaient amélioré au moins une des troispostures contraignantes reconnues

comme pouvant contribuer audéveloppement de troublesmusculosquelet t iques ou visuels. C’est ce que révèleune évaluation réalisée par lesprofesseures Sylvie Montreuilet Chantal Brisson, attachéesrespectivement au départe-ment des relations indus-trielles et au département

de médecine sociale et préventive del’Université Laval. Qui plus est, l’étudemontre que les symptômes de pro-blèmes physiques associés au travail àl’écran ont diminué de moitié chez lesparticipants de moins de 40 ans ! Cetterecherche apporte un nouvel éclairagesur les effets positifs que peut avoir la formation en ergonomie sur laprévention des problèmes muscu-losquelettiques.

Un éclairage inéditConçu et testé par Mme Montreuil à lademande de la Coordination en santé et sécurité du travail de l’UniversitéLaval, ce programme de formation energonomie pour le travail de bureauavec écran de visualisation a été offertà quelque 1 000 employés depuis 1993.Son objectif : permettre aux parti-cipants d’adapter correctement des éléments de leur poste qui sont déter-minants pour les postures de travail,d’ajuster les caractéristiques de l’am-biance lumineuse et d’organiser leursactivités de façon préventive.

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Point de départLa volonté d’évaluer la mise en œuvred’un programme de formation surl’aménagement des postes de travaild’employés de soutien utilisant des écrans.

ResponsablesSylvie Montreuil1 et ChantalBrisson, professeuresagrégées à l’Université Laval,membres du Groupe interdis-ciplinaire de recherche surl’organisation, la santé et lasécurité du travail (GIROSST).

PartenairesLa coordination en santé et en sécurité du travail de l’Université Laval, le Syndicat des employés et des employéesde l’Université Laval (SEUL), et 627employés de soutien de l’Université etd’autres institutions universitaires de la région de Québec.

RésultatsLa confirmation des effets positifs duprogramme de formation, notammentpour ce qui est de l’élimination despostures contraignantes et de la réduction des symptômes.

Utilisateurs potentielsLes responsables de la formation desemployés de bureau et des techniciensutilisant des terminaux à écran devisualisation (TEV) au sein des servicesadministratifs de grandes institutions.

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Effets d’une formation

AMÉNAGER SOI-MÊME SON POSTE

DE TRAVAIL EN VUE DE PRÉVENIR LES

PROBLÈMES DE SANTÉ, ÇA S’APPREND !L’ÉVALUATION DES EFFETS D’UN

PROGRAMME DE FORMATION EN

ERGONOMIE VIENT DE LE DÉMONTRER.

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Pour mesurer les effets de cette formation, les chercheures se sont concentrées sur deux dimensions : les actions que les participants ont faitespar la suite pour modifier leur poste et réduire les contraintes posturales (effets intermédiaires) et l’évolution de la prévalence des problèmes mus-culosquelettiques et visuels (effet final).

Leur approche est originale par plusd’un aspect :• Comparativement à d’autres études

du même genre, le nombre de par-ticipants est exceptionnellementélevé : 627 personnes au total.

• De ce nombre, 343 personnes appar-tiennent à un groupe-témoin n’ayantpas reçu la formation. L’utilisationd’un groupe-témoin est relativementrare dans de telles études.

• Plutôt que d’évaluer des comporte-ments de sécurité, l’étude mesureprécisément plusieurs actions quivisent à réduire trois contraintes posturales.

• La prévalence des symptômes signa-lés dans les réponses aux ques-tionnaires a été confirmée par des examens physiques réalisés par unergothérapeute, ce qui renforce lacrédibilité des résultats en éliminantles biais subjectifs éventuels.

travail à l’écrantravail à l’écran

Amélioration des symptômesphysiquesL’étude a montré qu’au départ, la moitiédes participants adoptaient des positionsextrêmes des membres supérieurs et despostures contraignantes : écran installésur le côté plutôt qu’en face, écran placétrop haut ou trop bas, ligne de liaison « avant-bras-main » brisée. Au coursdes 6 mois consécutifs à la formation,61,5 % des personnes formées ont faitdes actions qui ont permis d’éliminer au moins une de ces trois contraintes posturales. À la fin de cette période, laproportion des douleurs musculosque-lettiques avait diminué de 18,8 % à 3,9% chez les moins de 40 ans ayantsuivi la formation. Les symptômes visuels avaient diminué de moitié ausein du même groupe, alors qu’aucunchangement notable n’était enregistrédans le groupe-témoin.

Il va sans dire que ces résultats sti-mulent l’intérêt pour ce type de forma-tion dans les nombreux milieux detravail où les écrans de visualisationsont un outil courant. Déjà, plusieurssessions ont été offertes à des forma-teurs de divers milieux de travail afinde répondre à ces besoins tout en multipliant les effets positifs du pro-gramme.

Nicole Ménard

Pour en savoir plus long

MONTREUIL, Sylvie, Chantal BRISSON,Marc ARIAL, Louis TRUDEL. Évaluationdes effets d’un programme de formationchez les utilisateurs de terminaux à écrande visualisation, Rapport R-167, 121 pages, 10,70$ ; Résumé RR-167, 15 pages, gratuit, Montréal, IRSST, 1997(voir bon de commande).

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en ergonomie

Après avoir reçu une formation

sur l’aménagement de leur

poste de travail , trois person-

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Formationen santé

et sécurité

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l est peu courant de voir un étudiant en administration desaffaires choisir la santé et la

sécurité du travail pour sujet de sonmémoire de maîtrise. C’est la démarchedans laquelle est engagée FrédéricGilbert, qui suit un programme demaîtrise en administration des affaires,option gestion des ressources humai-nes, à l’Université du Québec à Mon-tréal. « Dès ma première session aubaccalauréat en administration, se souvient-il, j’avais été frappé par l’en-thousiasme avec lequel un de nos pro-fesseurs vantait l’intérêt de la santé etla sécurité du travail pour la réalisationde travaux de maîtrise. » Les annéesont passé et il collabore aujourd’hui,grâce à une bourse de l’IRSST, à unerecherche que dirigent ce même pro-fesseur, Diane Berthelette, et son col-lègue Luc Desnoyers. Subventionnéepar l’Institut, cette étude vise à évaluerles effets attendus d’un programme de formation offert par une centralesyndicale.

Un candidat au MBA (profil

recherche)participe à la

premièrerecherche

évaluative surun programme

de formation ensanté et sécurité

au Québec

Coup de cœur pour la santé et la sécurité« Je tenais beaucoup à ce que mon mé-moire de maîtrise contribue à faireavancer des connaissances qui soientutiles, fait valoir Frédéric Gilbert.J’avais un emploi à temps plein, et jen’étais pas tenu de préparer unemaîtrise. C’est quand on m’a proposéce sujet de recherche et, surtout,lorsque j’ai découvert le milieu ex-trêmement stimulant dans lequel il sedéroulait, que j’ai pris ma décision. »Parmi les éléments qui ont influencéson choix, il souligne aussi l’ouverturede ces travaux sur son domaine decompétence : la gestion, et le fait que le caractère multidisciplinaire del’équipe lui donnait accès à toutes lesfacettes de l’évaluation de la formation.Sans compter l’occasion de participer àune première en recherche évaluative !

Évaluer l’acquisition de connaissancesLa contribution de Frédéric Gilbertporte sur un aspect très précis, soit l’évaluation des connaissances et deshabiletés qui devaient être amélioréespar les programmes de formation,c’est-à-dire : savoir appliquer le droitde refus et le droit au retrait préven-tif de la travailleuse enceinte ou qui allaite, utiliser le service d’inspectionde la CSST et faire une enquête d’ac-cident. D’autres volets de l’étude por-tent sur des valeurs, des attitudes et descroyances à développer. Les objectifsdu programme et ses effets attendusavaient été identifiés au préalable, lorsde la phase exploratoire de l’étude.

Un des premiers mandats de FrédéricGilbert a été de réaliser une revue de lalittérature sur la formation en santé etsécurité du travail, qui sera utilisée pourtous les volets de la recherche. À l’au-tomne 1997, il se préparait à travailler sur le terrain, auprès d’un échantillon de 50 participants aux programmes deformation et d’un groupe-témoin de 50 personnes. Les résultats permettront àla centrale syndicale de mesurer la portéeet les limites de son programme de formation et d’y apporter des modifica-tions au besoin.

Pour ce qui est de Frédéric Gilbert,l’expérience répond à ses attentes. Il sedit fasciné par le développement de larecherche en santé et sécurité du travail,un édifice où, selon lui, les nouveaux arrivants peuvent encore poser desbriques… Son vœu : poursuivre danscette voie au niveau du doctorat. ❏

Nicole Ménard

Le programme de bourses de l’IRSST

Frédéric Gilbert est l’un desé tudian ts bénéf ic ian t du programme de bourses del’IRSST. Celui-ci vise à com-bler l’écart qui existe entre lesbesoins de recherche et lenombre de personnes activesen santé et en sécurité du tra-vail au Québec.

Pour obtenir des informa-tions sur le programme debourses de l’IRSST, on peuttéléphoner au (514) 288-1551;télécopieur : (514) 288-0998.

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Formationen santé

et sécurité

Accidents

Fréquence, gravité etcaractéristiques des lésions professionnellessurvenant dans les éta-blissements comptantmoins de 50 travailleursau Québec : développe-ment d’une méthodo-logie pour sélectionnerles établissements(97-002)

L’immense majorité (98%) desentreprises du Québec comp-tent moins de 50 travailleurs etconcentrent 40 % de la main-d’œuvre. Elles ont connu, aucours des dernières années, une augmentation sensible du nombre de travailleurs acci-dentés qui reçoivent des indem-nités de remplacement durevenu 18 mois après leur acci-dent. Dans une première phasede la recherche, les chercheursvisent à développer et à validerune approche méthodologiquequi permettrait d’identifier ra-pidement et efficacement lesétablissements comptant moinsde 50 travailleurs, en fonctiondu mode de cotisation des em-ployeurs au régime québécoisde santé et de sécurité du travail(basé presque exclusivementsur un taux à l’unité ou sur untaux personnalisé de moins de10 %). La validation de cetteméthode permettra de produireun portrait comparatif de lafréquence, de la gravité et descaractéristiques des lésions professionnelles, selon la tailledes firmes. Les données concer-nant les petites entreprises per-mettront d’orienter la rechercheet l’intervention vers les sec-teurs les plus concernés.

Responsables : FrançoisHébert, Paul Massicotte, IRSST

Les accidents de travaildans l’industrieforestière – Phase 3 :Analyse des renseigne-ments recueillis à l’aidedes questionnaires dedescription d’accidentspour des événementssurvenus entre juin1997 et mai 1998(97-063)

Une analyse des scénarios d ’ a c c i d e n t s , r é a l i s é e p a rl’IRSST à partir de plus demil le avis de demande de réclamation (ADR) à la CSST,a confirmé le besoin de re-cueillir des informations qui décriraient mieux les circons-tances de survenue des acci-dents, de même que les facteursde risque associés aux pro-blèmes de santé et de sécuritédu travail, afin de mieux orien-ter les actions préventives.

Dans cette perspective, leComité paritaire de préventiondu secteur forêt a demandé àl’IRSST de procéder, pendantun an, à la collecte et à l’ana-lyse des informations relativesà des événements survenus en-tre juin 1997 et mai 1998, afind’enrichir substantiellement lesdonnées sur les lésions profes-sionnelles dans ce secteur. Lacollecte de renseignements sefera au moyen de deux ques-tionnaires administrés par télé-phone, le premier auprès destravailleurs accidentés portantsur la description des circons-tances de l’accident, et le secondauprès de leurs employeurs portant notamment sur l’orga-nisation de la prévention dansl’entreprise. L’analyse de cesdonnées permettra de produiredes portraits descriptifs et desscénarios d’accidents pour lessous-secteurs de l’abattage etde la sylviculture, en accordantune attention particulière à l’association possible entre lesaccidents et certaines variablesorganisationnelles, tels le moded’organisation de la productionet le mode d’organisation de lasécurité.

Responsables : FrançoisHébert, Esther Cloutier,Micheline Levy, MichèleGervais, Paul Massicotte, IRSST

Étude des systèmes debâchage utilisés dans letransport des copeauxde bois(97-070)

Selon le Code de la sécuritéroutière, le chargement en vracd’un véhicule routier doit êtreretenu dans la remorque par unebâche de dimensions appro-priées. Le bâchage des camionstransportant les copeaux de bois se fait généralement engrimpant sur la remorque, à une hauteur excédant souvent 3 mètres. Le travailleur est alorsen équilibre sur la remorque ets’expose à de sérieux risques de chute, qui peuvent entraînerdes lésions importantes et, dans certains cas, provoquer ledécès. À la demande de l’asso-ciation sectorielle du transportet de l’entreposage (ASTE) etde la CSST région Abitibi-Témiscamingue, la présente activité vise à identifier lescritères qui permettront dechoisir un système d’assistanceau bâchage opérable à partir du sol, afin d’éliminer à lasource les risques de chute d’uncamion de copeaux.

À partir de la liste des four-nisseurs d’équipements debâchage et des principauxtransporteurs de copeaux debois du Québec, les chercheursdétermineront le mode de fonc-tionnement des systèmes debâchage. Puis ils choisirontquelques-uns des systèmes les plus prometteurs, déjà utili-sés ou disponibles dans le commerce. Ils observeront ces sys tèmes sur le ter ra in e t recueilleront les appréciationspar le milieu, après quoi ilssoumettront, aux comités pari-taires formés dans les régionsM a u r i c i e - B o i s - F r a n c s e tAbitibi-Témiscamingue, leursrecommandations.

Responsable : André Lan,IRSST

Classification et déter-mination des conditionsoptimales d’utilisationdes dégraisseurs àplancher(97-068)

De 1993 à 1995, on a dé-nombré au Québec plus de 12800 lésions professionnellesattribuables aux chutes et glis-sades. Les secteurs les plustouchés sont la restauration, lescentres hospitaliers, l’adminis-tration publique québécoise,l’enseignement public primaireet secondaire et les centresd’accueil. Ainsi, dans les cui-sines de restaurants, on peutglisser à cause du gras près des friteuses et des surfaces decuisson, à cause des alimentstombés sur le plancher, de l’eauprès des bacs de plonge ou desobjets qui encombrent le sol…En général, un des principauxfacteurs associés à ces glissadessemble être l’accumulation degraisses et d’huiles sur lesplanchers.

Dans le but de réduire lesrisques de glissade dus aux gras et aux huiles, cette étude apour objectif de déterminer lesconditions optimales d’utili-sation de différentes catégoriesde nettoyants à plancher. Pource faire, les nettoyants serontclassés en catégories selon lanature chimique de leurs com-posantes. Pour chacune de cescatégories, on déterminera l’efficacité à déloger les huileset les graisses, selon le type deplancher, la concentration ennettoyant, la température del’eau et le rinçage. Les utilisa-teurs pourront ainsi déterminerles conditions les plus efficacesd’utilisation de ces nettoyants àplancher, contribuant à réduireles risques de glissade dans leur milieu de travail

Responsables : FrançoisQuirion, Philippe L’Homme,QInc

Bernard La Mothe

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La LJA

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a Loi sur la justice adminis-trative (LJA) a été adoptée par l’Assemblée nationale le

16 décembre 1996, et elle est entrée envigueur le 1er septembre 1997. Elle estl’aboutissement de très nombreux rap-ports, démarches et pressions faitesdepuis 25 ans par plusieurs groupes etorganismes.

La LJA comporte 198 articles ; ellea une portée large et générale. Elleétablit un cadre de référence touchanttous les ministères et organismes, ycompris la CSST. Elle constitue, enfait, un effort de modernisation et de rationalisation de la justice adminis-trative, c’est-à-dire de l’ensemble des règles et de la procédure appliquées parl’administration publique dans la prisede décisions touchant des personnes.Elle peut se résumer dans une granderègle : respecter le devoir d’agir équi-tablement.

La LJA crée également le Tribunaladministratif du Québec (TAQ), et leConseil de la justice administrative quia pour fonction, notamment, de donnerdes avis sur les règles de procédure du TAQ.

L’article 1 de la nouvelle loi établitles lignes directrices suivantes : la jus-tice administrative se distingue de celledes tribunaux judiciaires; ce qui expli-que certaines de ses caractéristiques :qualité des décisions, célérité, acces-sibilité, et respect des droits fonda-mentaux. Les règles de procédurediffèrent selon que les décisions sontprises dans l’exercice d’une fonctionadministrative, comme celles arrêtéesen première instance, par exemple, des agents ou des inspecteurs de la CSST. Ou encore, d’une fonction « juridictionnelle », comme celle de laCommission d’appel en matière de lésions professionnelles (CALP) et dela nouvelle Commission des lésionsprofessionnelles (CLP).

La CSST est, on le voit, tenue deprendre des mesures pour s’assurer derespecter les règles prescrites par laLJA. Certaines dispositions s’appli-quent à une de ses responsabilités spécifiques — article 5, prévention-inspection ; article 6, indemnisation etréadaptation — ou encore à la reconsi-

dération et à la révision (article 7).Ainsi, lorsqu’un inspecteur donne unavis de correction, il doit au préalable— sauf dans un contexte d’urgence oupour éviter un préjudice irréparable aux personnes, aux biens ou à l’envi-ronnement —, informer l’employeur deson intention et de ses motifs. Et, le caséchéant, de la teneur des plaintes leconcernant. En outre, il doit donner àl’employeur l’occasion de présenter sesobservations et de compléter sondossier. L’article 8, pour sa part, obligetoutes les instances de la CSST à jus-tifier les décisions défavorables et à indiquer les recours prévus à la loi.

Il y a quelques années, la CSST amis en œuvre une importante démarchede changement qui lui a permis d’amé-liorer les services aux employeurs et auxtravailleurs. Un travail de titan a été ac-compli, notamment dans le domaine descommunications écrites. Les lettres sontdésormais rédigées en termes clairs etconcis, et leur présentation visuelle a été simplifiée ; elles sont adaptées auxbesoins des usagers, et transmises aumoment opportun. Ce virage de mêmeque les nouvelles approches en indem-nisation, en prévention-inspection, en financement, etc. s’harmonisent donctrès bien avec l’esprit des mesures pro-mulguées par la LJA.

Les dispositions particulières de laLoi sur les accidents du travail et lesmaladies professionnelles et de la Loisur la santé et la sécurité du travailsont souvent très exigeantes pour laCSST. Elles vont même au-delà des règles dictées par la LJA, qui sont desrègles minimales s’appliquant à toutel’administration publique. Néanmoins,même si la CSST respecte déjà l’en-semble de ces règles, il n’est pas ques-tion qu’elle se repose sur ses lauriers.Elle continuera, par suite de l’entrée en vigueur de cette loi, à assurer « la qualité, la célérité » de ses décisions etl’« accessibilité » de la justice admi-nistrative, dans le respect des droits fondamentaux des « administrés »,autrement dit des travailleurs et desemployeurs. ❏

Jean-Claude Paquet

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

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33PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

QUE FAIRE ?

Deuxième d’une série de sept articles

« Dis donc Lola, demande Oscar, l’autre jour, tu m’as expli-qué ce que sont les LATR1. Peux-tu m’en dire un peu plus,

aujourd’hui ? Est-ce qu’on peut faire quelque chose pourles prévenir ? — Bien, je peux te raconter comment on a

commencé la démarche d’ergonomie chez nous, après queplusieurs personnes ont souffert d’une LATR, répond Lola.

« C’est le comité de santé-sécurité qui a sonné l’alerte en étudiant le registre des accidents. Évidemment, avant

d’entreprendre une démarche, il fallait que tout le mondes’entende sur le fait qu’il y avait un problème. Par tout le

monde, je veux dire les patrons, les représentants syndicauxet les travailleurs. Une fois d’accord, ils ont demandé

l’aide de la CSST et du CLSC. Après ça, ils ont formé uncomité d’ergonomie. — C’est qui, ces gens-là ? demande

Oscar. — Eh bien, un représentant de la direction, uncontremaître, le responsable de la maintenance, un délégué

syndical et un membre du comité de santé-sécurité, moi-même en personne ! Enfin, pour nous assister, une infirmière

du CLSC, l’inspecteur de la CSST et une ergonome.

« Pour mettre le doigt sur le bobo, poursuit Lola, le comités’est engagé dans la première phase de l’opération, leciblage. Tu vois, Oscar, le mot le dit : il faut trouver

la meilleure cible en examinant d’abord l’ensemble de lasituation et ensuite sélectionner un poste de travail.

— C’est pas évident, ça ! s’étonne Oscar, il y en a, despostes dans ton usine ! — Oui, ça semble difficile à

première vue. C’est pourquoi on a examiné le registre desaccidents et des maladies. On a ensuite vérifié si des

travailleurs avaient dû changer temporairement de poste à cause d’une LATR. Malgré ça, on n’est pas arrivé à

s’accorder sur le poste qui serait la cible idéale. On a donc

■ Amorcer le processus : obtenir l’accord de toutes lesparties ; faire appel à des ressources compétentes ; créeret former un comité d’ergonomie.

■ Commencer le ciblage : analyser le registre des décla-rations des accidents et des maladies professionnelles ;examiner les assignations temporaires ; compiler lesplaintes ; interviewer les travailleurs et les contremaîtres,si nécessaire ; obtenir un consensus ; cibler le poste àanalyser ; aviser tous les intéressés.

■ Pour obtenir plus de renseignements, s’adresser au bureau régional de la CSST, à l’équipe de santé au travail du CLSC local ou à l’association sectorielleparitaire concernée.

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Viser la bonne cible

continué notre recherche en analysant, cette fois, lesplaintes des travailleurs. — Oui, mais il y a des gens quise plaignent tout le temps, c’est connu, intervient Oscar. — Bien, d’habitude, il y a toujours une raison, répliqueLola. C’est pourquoi on a interrogé des gens d’âge, detaille et de sexe différents, et qui n’utilisent pas les mêmes méthodes de travail. On leur a posé des questions sur leurexpérience, les difficultés éprouvées dans l’exécution deleur travail et les douleurs qu’ils ressentaient. On a aussiconsulté les contremaîtres. Enfin, après avoir rassemblétous les morceaux du casse-tête, on a constaté qu’un despostes se prêtait mieux que les autres à une premièreanalyse ergonomique. Faut aussi penser que le comité doit se faire la main. C’est donc celui-là qu’on a ciblé.

— C’est pas une mince affaire, remarque Oscar. — Maisc’est la seule façon d’être sûr de viser la bonne cible, affirme Lola. Faut que je file. À bientôt, Oscar ! » ❏

Claire Thivierge

Prochaine chronique :À l’affût des risques

1 Lésions attribuables au travail répétitif.

34

u haut d’une passerelle, au milieu d’un nuage de boîtiers decuisinières en cours de séchage,

l’usine paraît d’une propreté irrépro-chable. Les larges allées, peintes en gris et bordées de lignes jaunes, traversent des forêts de pimpantesétagères mobiles soigneusement ali-gnées. Le panorama — presque buco-lique — inspire des pensées émues :« On est bien fier de notre usine », s’exclame Roland Léveillé, chef d’équipedans le secteur des presses et membredu comité de santé et sécurité. Commele souligne Denis Laporte, coordonna-teur en santé et sécurité, les visiteursqui ont vu l’usine il y a dix ans ne lareconnaissent plus.

À la fin des années 1980, la sécurité— à l’image de la propreté — n’étaitguère reluisante. En 1989, il y a eu 347 accidents avec perte de temps et3585 jours de travail perdus. En 1996,on ne comptait plus que 22 accidents et 195 jours perdus. Que s’est-il passéentre-temps?

L’aiguillon de la créativitéL’élément déclencheur a été un chan-gement de culture introduit par la hautedirection de Frigidaire, aux États-Unis,en 1992. Le projet Vision 2000 voulaitfavoriser la communication et la créa-tivité dans toutes les sphères d’activitéset à tous les échelons de la hiérarchie.Au Québec, Frigidaire s’est adapté auprogramme en créant des cellules detravail, à l’intérieur desquelles les ou-vriers doivent partager leurs observa-tions et leurs problèmes pour arriver àde nouvelles solutions. On voulait ainsiresponsabiliser le personnel et favo-riser l’autonomie, le leadership, la sou-plesse et la créativité. Les rapportshiérarchiques ont été modifiés en consé-quence. « Désormais, il n’y a plus decontremaîtres, mais des coordonna-teurs de production », explique DenisLaporte. Résultat : la communicationne se fait plus à sens unique, du hautvers le bas. « Le travailleur aime mieux

ça que d’avoir le boss sur le dos tout letemps, observe de son côté RolandLéveillé. Il est plus productif, il ne sesent pas surveillé. »

La nouvelle politique demandaittoutefois des changements de com-portement qui ne se sont pas mis enplace sans réticence. « Il fallait amenerles gens à s’extérioriser, à parler desproblèmes existant dans chaque sec-teur, indique Denis Laporte. Au début,les travailleurs avaient des craintes, ils pensaient qu’ils se feraient taper sur la tête. » Peu à peu, au rythme desséances de formation, la confiance acommencé à s’exprimer. « Ils parlaientun peu plus, ils savaient qu’ils seraientécoutés. On ne voyait pas ça, avant », confirme Roland Léveillé.

Dans son objectif d’améliorationcontinue de la qualité, le projet Vision2000 comporte un volet sur la santé etla sécurité. Dans ce contexte de plusgrande ouverture et de communicationfacilitée, les problèmes sont signalésrapidement et corrigés avec célérité.Fin 1995, dans la foulée de ce vertueuxrégime, le programme Stop a étéadopté. « Il cadrait exactement avec ce qu’on voulait : la participation de tout le monde », résume Denis Laporte.Le programme Stop — acronyme de Sécurité au travail par l’observationpréventive — a été mis au point il y a une vingtaine d’années par la so-ciété DuPont de Nemours. Il amène le travailleur à prendre du recul face à sa tâche ; à observer les éléments pou-vant présenter un danger et à en fairerapport.

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Après des années de vachesmaigres, pendant lesquelles la pâte ne levait pas, l’usine

Frigidaire de L’Assomption, aunord-est de Montréal, a réussi àréduire de façon spectaculaire

le nombre des accidents du travail. La recette?

Un changement de mentalité, du haut en bas de l’entreprise.

L’usine Frigidaire de L’Assomption

S P É C I A L C O M P O R T E M E N T

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D’une ambiance glaciale à des rapports

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D’une ambianceglaciale à des rapports

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Décider • S’AR-

RÊTER • OBSERVER • PENSER • AGIR • Faire rapport •

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Décider • S’ARRÊTER • OB

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Le «mantra» de Stop

En trois ans, employeurs et travailleurs de l’usine Frigidairede L’Assomption ont réussi à renverser la vapeur et à changer ce qu’il fallait dans leur comportement, comme en témoignent Roland Léveillée (à gauche), chef d’équipe etmembre du comité de santé et de sécurité, et Denis Laporte,coordonnateur en santé et ensécurité.

35PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

En six mois, tous les travailleurs de l’usine de L’Assomption ont suiviquatre séances de formation portant sur les équipements de protection indi-viduelle, les positions de travail, les appareils et la propreté. La santé et lasécurité deviennent ainsi une respon-sabilité collective dont chacun a cons-cience, du haut en bas de l’échelle.« En “ accrochant ” les gens comme ça,on a trouvé un paquet de problèmes ; à un moment donné, ça nous sortait par les oreilles ! », relate l’un d’eux.

Roland Léveillé travaille dans lasection des presses qui découpent etforment les pièces d’acier, le prototypemême de la machine broyeuse de chair.Les membres de son groupe ont pris les choses en main. « On a fait un petit dépliant avec des croquis pour lesnouveaux opérateurs, raconte-t-il. Ondécrit l’équipement de protection qu’ilfaut porter, les étapes à suivre avant dese servir d’une presse pour éviter lesaccidents. On fait lire le feuillet au nou-veau et on le lui explique, en plus. »

« Même le directeur de production— c’est rare qu’on entend ça d’un di-recteur — a dit que, s’il y avait undoute, la presse ne partait pas », ajoute-t-il, encore étonné du changement.« Les gens sont plus intéressés à noussoumettre les points faibles parce qu’onles règle », conclut Denis Laporte.

Des mesures concurrentes?L’usine de L’Assomption doit combi-ner trois structures qui ne sont pas en-core parfaitement intégrées : le comitéde santé et sécurité, l’organisation encellules issue du projet Vision 2000 et

celle créée pour le programme Stop. Cedernier prévoit l’utilisation d’une fichequi comporte une liste de vérificationet un rapport d’observation. Le tra-vailleur s’en sert pour signaler une situation dangereuse ou un compor-tement douteux. Son supérieur doit corriger la situation, par exemple enrencontrant le travailleur visé, et en lui expliquant pourquoi il devrait agirautrement. Au début, les vieux réflexesjouent toujours, et les cas sont ren-voyés directement au comité de santé-sécurité. Pendant ce temps, les fichesrestent empilées sur le classeur du coordonnateur.

Des correctifs seront bientôt ap-portés. Denis Laporte veut désengorgerson comité. « On est six (trois syndi-qués et trois représentants patronaux) et on fait tout : enquêtes d’accidents,inspections, études de postes de travailet suivi des plaintes des travailleurs.

On veut nommer une personne danschaque service, qui, de concert avec lereprésentant de son secteur, va immé-diatement régler le problème de santéou de sécurité. Le comité pourra ainsis’attaquer aux vrais problèmes, par exemple les études de postes de tra-vail. » Les fiches d’observation pour-raient être remises en circulation àl’occasion de cette décentralisation.

Ordre, calme et sécuritéLa clé du succès de Frigidaire dans ledomaine de la prévention réside dans la confiance accordée au travailleur.Celui-ci est autonome, responsable et assuré d’avoir le soutien de ses supérieurs. « En trois ans, on a réussi à renverser la vapeur, à changer lesmentalités », constate Denis Laporte.Le programme Stop a simplement apporté la structure qui permettait detirer profit de cette nouvelle attitude.

La propreté de l’usine en constitue le symbole le plus visible. « Avant, c’était rare de voir un gars se pencherpour ramasser quelque chose, rappelleRoland Léveillé. Maintenant, quand un travailleur a un peu de temps, il prend un balai et il nettoie ! » Et DenisLaporte d’ajouter : « À présent, les genssont fiers de travailler chez Frigidaire.Moi, je me promène toujours avec ça »,assure-t-il en se tapotant la poitrine. Les deux hommes, l’un en chemise,l’autre en vêtement de travail, arborent à leur poche un étui pour stylos, mar-qué « Frigidaire Canada, Usine de L’Assomption ». ❏

Marc Tison

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DÉCIDER : faites de la sécurité votre priorité.

S’ARRÊTER : accordez toute votre attention au secteur de travail.

OBSERVER : cherchez les imprudences et les conditions dangereuses.

PENSER : réfléchissez à la façon dont la sécurité sera affectée par ce que vous avez observé.

AGIR : servez-vous de votre bon jugement pour éliminer les imprudences et les conditions dangereuses.

FAIRE RAPPORT.

reuxreux

Petite équipe,

grande

S P É C I A L C O M P O R T E M E N T

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ans une vitrine sous le comptoirde la réception, une dizaine debouteilles de shampooing de

couleurs, de formes et de marques diverses, attestent l’activité de l’en-treprise : la fabrication de surfactants, l’agent actif des produits d’hygiènecapillaire. Quand il reçoit un visi-teur, le directeur, Paul Dupuis, sort de l’usine en coup de vent, dûment coifféde son casque et muni de lunettes de sécurité, pour s’engouffrer dans son bureau. En quelques secondes, il se transforme en « civil » et passe aucérémonial d’accueil. L’anecdote estéloquente : dans une usine de 22 tra-vailleurs, les cadres ne sont jamais loinde la production et, visiblement, lasécurité y est l’affaire de tous.

Depuis l’achat des installations parRhône-Poulenc au début des années 90,beaucoup d’efforts et d’argent ont étéinvestis pour améliorer les règles desécurité. Quoique aucun accident avecperte de temps ne soit survenu depuiscinq ans, plusieurs accidents mineurs

ont continué à se produire. Le comitéde santé et sécurité en a conclu qu’ilfallait orienter les efforts vers le com-portement des travailleurs. C’est lafirme californienne BST (voir encadrépage 38), déjà à l’œuvre dans quelquesusines du groupe, qui a été appelée àla rescousse.

Les éléments de baseLe processus de prévention des acci-dents fondé sur le comportement, ouPPAC, est conçu pour améliorer lasécurité par l’observation et la modifi-cation des comportements. « Ce qu’onespère de ce processus, commente M. Dupuis, c’est qu’il ouvre les yeuxet les oreilles des gens pour qu’ils sedisent “ Oups ! C’est vrai : il y a peut-être quelque chose de différent à faireici avant qu’un accident survienne ”. »

Ce programme, soutenu par desséances de formation, a commencé en1994. Le comité directeur — quatretravailleurs volontaires dont un mem-bre du comité de santé-sécurité — ad’abord fait l’analyse des incidents survenus dans l’usine au cours des qua-tre années précédentes. Les élémentsde sécurité jugés fondamentaux ont étérésumés sur une fiche d’observation.Munis de cette carte, les observateursont parcouru l’usine et pris note ducomportement des travailleurs, sanstoutefois consigner le moindre nom.Les actes déviants ont été notifiés devive voix aux personnes concernées.

La mise en place de ce PPAC estune étape critique. « Il y a des craintes,observe Bruce Willis, opérateur deréacteur, membre du comité de santé-sécurité et président du comité direc-teur du PPAC. Les gens pensent que

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

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L’usine de surfactants Rhône-Poulenc

QUAND SON PROGRAMME DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ

A ATTEINT UN POINT DE STAGNATION, LA PETITE USINE

DE RHÔNE-POULENC, À VALLEYFIELD, Y A INJECTÉ

UN CATALYSEUR. ELLE S’ÉTAIT MISE EN TÊTE D’ACCÉDER À UN

NIVEAU SUPÉRIEUR D’INTERVENTION : LE COMPORTEMENT.

grandePetite équipe,

Paul Dupuis, directeur de l’usine, en « civil » dans son bureau.

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Bruce Willis, membre ducomité de santé-sécurité et président du comitédirecteur du PPAC, photographié à un poste dedistribution des surfactants.

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chimietu vas venir faire la police et critiquerleur travail. » Les travailleurs doiventcomprendre que les observations sontanonymes et qu’aucune réprimande n’yest associée.

Ce contexte de confiance et de cré-dibilité, essentiel au succès du pro-gramme, est plus facile à obtenir dansune petite entreprise, où les cadres sontquotidiennement en contact étroit avecles travailleurs. La communication estdirecte : les travailleurs n’hésitent pasà frapper à la porte pour demander unrenseignement au directeur. L’entre-prise ayant, par ailleurs, démontré defaçon concrète qu’elle prend à cœur lesquestions de sécurité, ces derniers sontd’autant plus enclins à collaborer auprogramme.

Le faible nombre de participants a cependant fait obstacle à l’efficacitédu processus. Une équipe restreintelimite, en effet, la fréquence des obser-vations, retardant d’autant l’analysestatistique qui doit reposer sur une collecte suffisante d’information. Il est, en outre, difficile de réunir régu-lièrement le comité directeur, dontchaque rencontre — quatre travailleurssur 22 — hypothèque lourdement laproduction. C’est ce qui a amené lecomité directeur à réduire sa tableronde de moitié, et à « adouber1 » aurang d’observateurs tous les travail-leurs de l’usine. Chacun se trouve ainsi directement acteur dans la quête de lasécurité.

Avec, pour résultat, une situationparadoxale : un travailleur pouvant être appelé à faire une observation surle comportement à risque d’un supé-rieur ! En réponse à l’inconfort des travailleurs, le comité a rencontré lessuperviseurs pour demander leur sou-tien. « On en a parlé dans nos réunions,raconte le directeur. Les superviseursont trouvé que ce n’était pas facile dese le faire dire, mais ils ont reconnu queles travailleurs avaient raison. »

La critique constructiveL’art de faire des commentaires bienaccueillis a fait l’objet d’une séance deformation particulière. Une remarqueexprimée de façon maladroite risque de rebuter la personne à qui elle estadressée. Par contre, bien présentée,elle permet souvent de recueillir une information précieuse. Paul Dupuisdonne l’exemple des casques et desgants de sécurité qui n’étaient pasportés avec constance. Plutôt que d’enfaire le reproche, l’observateur s’est enquis de ce qui empêchait de suivreles règles de sécurité. Il a ainsi décou-vert que les travailleurs trouvaientdésagréable et antihygiénique de devoirse partager ces équipements. Aprèsanalyse, le comité directeur a soumis leproblème au comité de santé-sécurité,qui a décidé d’assigner à chacun soncasque et ses gants. Le nombre des porteurs a ensuite augmenté de façonspectaculaire.

Certains ont critiqué l’approchecomportementaliste, qui reporterait laresponsabilité de la sécurité sur lesépaules des travailleurs. Bruce Willis,

37PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

chimie

René Roy-Morin, au poste depesée des fûts métalliques. Pour se protéger d’éventuelleséclaboussures, il porte unechemise à manches longues, un casque à visière et des gantsappropriés.

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qui travaille à la production, défendpourtant le programme avec enthou-siasme. « Avec d’autres stratégies, explique-t-il, il arrive souvent qu’aprèsun accident, les directeurs mettent l’accent — admettons qu’il s’agit d’unecoupure — sur l’usage des gants. Puis,il y a un relâchement jusqu’au prochainaccident. Mais avec le PPAC, c’estmesurable. Ça nous donne une idée denos points forts, de nos points faibles,et de la direction dans laquelle tra-vailler. » Il souligne l’importance dusoutien de la direction de l’usine, quin’a jamais fait défaut, tout en insistantsur le fait que le programme a été mis en place et appliqué par les tra-vailleurs.

1 Mot utilisé au Moyen-Âge pour désigner lacérémonie au cours de laquelle le jeune nobleétait fait chevalier par son suzerain et recevaitson épée.

L’approche BSTL’approche BST

38

Le grand œuvre : difficile à réaliserL’objectif ultime du programme estd’inculquer des comportements sécuri-taires, de créer des automatismes. Cebut n’est pas encore atteint. L’automa-tisme qui a le plus tendance à s’installerest celui de la facilité : observer lesmêmes tâches et bâcler l’observationpour conclure trop rapidement àl’orthodoxie du comportement. Enréponse à ces écueils, le comité direc-teur a conçu une feuille de suivi destâches et a prévu des réunions de stimu-lation pour motiver ses troupes.

Les résultats sont tout de mêmeprometteurs et la formation d’obser-vateurs, étendue à tout le personnel,rapporte rapidement des dividendes.« Nous sommes très satisfaits, conclutPaul Dupuis. Le programme est là pour rester. Il faut trouver des façons— c’est la responsabilité de la direc-tion — de l’incorporer davantage ànotre façon de travailler de tous lesjours. Ce sera notre gros défi au coursdes prochaines années. Nous sommesconscients que ce n’est pas quelquechose qui se fera du jour au lendemain.Il faut que ça s’intègre à nos méthodesde travail et à notre langage. » L’usinede Rhône-Poulenc sait qu’elle doit encore affiner sa recette. Patience etlongueur de temps… ❏

Marc Tison

C’est en 1980 que le psychologueThomas Krause et le psychiatre JohnHidley, spécialisés dans le traitementdes traumatismes psychologiques résultant d’accidents du travail, ontfondé l’entreprise BST (sigle de Behavioral Science Technology).

La méthode commercialisée parl’entreprise consiste à appliquer lessciences du comportement à la pré-vention des lésions professionnellestout en s’inspirant de la démarche deDeming, le père du célèbre « contrôletotal de la qualité ». Elle fait appel àun système structuré d’observation descomportements : un groupe de pilotageet des observateurs, composés essen-tiellement de travailleurs. Le but viséétant de responsabiliser les employésen favorisant leur participation à l’éla-boration de mesures de sécurité. Enfait, il s’agit d’étendre à la préventionle concept de la pyramide renversée,basé sur un système de prise en chargedu bas vers le haut (des employés à ladirection).

Le comportement est un phé-nomène observable, facilement me-surable. Même s’il concrétise une attitude (un état d’esprit), la méthodeBST® exclut celle-ci de son champd’action. En effet, explique PierreGuy, directeur des services franco-phones, « il est difficile d’agir sur lesattitudes, car elles sont difficilementcernables dans un milieu industriel.Mais si on arrive à changer les com-portements qui en découlent, on peutinfluencer celles-ci à la longue1. »

En outre, l’attitude est elle-mêmeconditionnée par l’expérience qui résulte du comportement. M. Guy résume : « La méthode BST® part duprincipe que le comportement n’est pasune cause d’accident. Si l’on a acquisdes comportements risqués, c’est qu’ona eu des rétroactions, dans le passé, quiont encouragé leur répétition. »

Une illustration? Un cycliste presséarrive à un carrefour. Il jette un coupd’œil de chaque côté de la rue. Aucunevoiture en vue. Il grille le feu rouge.Ça fait des années qu’il gagne dutemps ainsi, sans avoir d’accident, nide contravention. Cette conséquencefavorable le confirme dans l’idée d’en-freindre la règle. En milieu de travail,les renforcements, précise M. Guy,proviennent de différents facteurs : culture de l’entreprise, méconnaissancedes dangers, contradiction entre les directives de production et celles desécurité, équipements dangereux, sys-tème de gestion, etc.

Partant de ces prémisses, la méthodeBST® utilise l’observation pour enle-ver les obstacles à l’adoption de ma-nières de faire préventives et pourmettre l’accent sur les comportementsles plus efficaces en les renforçant par une rétroaction positive. Le recoursà des arguments négatifs, culpabili-sants ou moralisateurs, étant exclu en raison du climat conflictuel qu’ilsengendrent.

De l’avis de M. Guy, la méthodedonne vite des résultats dans les entre-prises qui ont adopté une démarchequalité. Elle est plus difficile à im-planter dans les organisations au modede gestion très centralisé. Les effetsseront donc plus ou moins lents ourapides selon qu’on se situera plus oumoins près de l’un de ces deux ex-trêmes. Et de conclure : « La cultureorganisationnelle a des répercussionssur les comportements. Pour changerces derniers, il faut agir sur cette cul-ture en misant sur la participation destravailleurs. Mais la réalisation d’un telprocessus ne se fait pas du jour aulendemain. Ça prend du temps. » ❏

Christine Chaumény

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PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

1 Pour un autre point de vue sur les compor-tements, voir l’analyse qu’en fait ChristopheDejours, spécialiste en psychodynamique dutravail, dans le dossier de ce numéro.

Selon Pierre Guy,la méthode BST ®

donne vite desrésultats dans les

entreprises quiont adopté une

démarche qualité,mais elle est

plus difficile àimplanter dans

celles dont le mode de gestion est

très centralisé.

Une solutiontricotée maison

ès le grand vestibule moderne,le visiteur foule la productiondu cru. Un sol bigarré, où se

juxtaposent de larges lanières aux motifs variés et des bandes de simili-bois, mène à une œuvre soigneusementencadrée : une section du revêtementoriginal de linoléum, aux armes deBarry & Staines. Ces précurseurs ontouvert l’usine de Farnham au début des années 30.

Domco fabr ique des couvre -planchers vinyliques. Comme le sou-ligne Gilles Langlois, représentant à la prévention pour les travailleurs, « ce n’est pas une usine de fabrica-tion de cure-dents ! ». L’imposante

machinerie, les produits chimiques, les immenses rouleaux de feutre, toutconcourt à en faire un univers propiceaux accidents. Dès le début de 1990,des efforts notables ont été consentispour améliorer les conditions de tra-vail, notamment avec le programmeSIES1 (Système international d’éva-luation de la sécurité). De 90 accidentsindemnisés annuellement, le nombres’est abaissé à 40 dès la première année, pour se stabiliser ensuite à 20les quatre années suivantes. Les gensde Domco — déformation profession-nelle, sans doute — ont voulu s’atta-quer à ce plancher. Mais quoi faire deplus ? « On avait modifié les machines,installé des dispositifs de protection,on en était rendu à mettre des dispo-sitifs pour protéger les dispositifs ! »,se remémore Gilles Langlois. « Il nous faut maintenant travailler sur la personne qui abîme le protecteur », en a conclu Régent Bédard, coor-donnateur en santé, sécurité et envi-ronnement.

Assis sur une pyramideSatisfait du travail réalisé grâce à SIES,le comité de santé et de sécurité apréféré y greffer un régime maisonplutôt que d’imposer un programme extérieur comme STOP ou BST ® 2.« Les gros programmes livrés avec unchou dessus, je ne crois pas à ça, af-firme péremptoirement Gilles Langlois.Il faut que tu t’adaptes à la réalité deton entreprise. Il faut que tu sachessuivre ton groupe. »

Régent Bédard s’est inspiré du concept de déviation, qu’il a décou-vert dans un ouvrage sur la gestion des pertes en entreprise. La déviations’apparente à une version industriellede la pyramide alimentaire ; pourchaque accident grave se produisent 10 accidents mineurs, qui s’appuientsur 30 événements avec dommages

39PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Une solutionL’usine de revêtement pour plancher Domco à Farnham

Foin des solutionstoutes faites et

des programmes prêt-à-porter ! Pour

s’attaquer à la questiondu comportement,

les responsables de lasanté et de la sécurité

de cette usine de 300 travailleurs ont

mis sur pied leur propre programme ;

c’était plus sûr !

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uGilles Langlois,représentant à laprévention pour lestravailleurs, est caté-gorique : pour changerles comportements, « il faut que tu y crois.Il faut être convaincantet présent ». Lui etRégent Bédard, coordonnateur ensanté, sécurité et environnement, en ont fait du plancherpour « vendre » leur programme-maison.

S P É C I A L C O M P O R T E M E N T

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tricotée maison

1 Voir « Audit santé et sécurité – Au bon diagnos-tic le bon remède », dans Prévention au travaild’août-septembre 1996 (vol. 9, no 4, p. 33).

2 Voir « L’approche BST », p. 38.

40

matériels, eux-mêmes dépendants de600 incidents qui, pour leur part, senourrissent de 1200 actes déviant de lanorme de sécurité. Sur cette base, il aconçu un projet d’une désarmante simplicité : « On a expliqué aux gensque si on élimine seulement la moitiédes déviations, au lieu d’avoir 20 acci-dents, on va en avoir dix. Ça a donnéles résultats escomptés : on est tombéde 20 accidents à 5, en un an. »

La réalité est à peine plus complexeque cette synthèse. Lors de réunionsd’information, les travailleurs ont étéinvités à relever les déviations et à lessignaler à leur auteur. Pour éviter dedisperser les efforts, chaque mois avaitson thème. La mise en train a cepen-dant été délicate. Il y a d’abord eu desréticences à « dénoncer » les collègues.Puis, une période de surchauffe : unefois la confiance installée, chacun voyait des déviations partout. Peu àpeu, la pratique s’est installée dans les mœurs : « Même notre directeur d’usine se faisait dire “ Hé ! tu as ou-blié tes souliers, ce matin ! ”, ce quepersonne n’aurait jamais osé formulerauparavant », relate le coordonnateuren santé et sécurité.

Petits moyens, grands résultatsCe succès semble surprenant si l’oncompare les moyens mis en œuvre avec l’arsenal d’un programme struc-turé comme BST®. « C’est une syner-gie. Il faut que tu y crois. Il faut être

convaincant et présent», soutient Gilles Langlois, en ajoutant que lui et Régent Bédard « en ont fait, duplancher ».

Les efforts précédemment investisen sécurité ont pesé lourd dans la crédibilité du nouveau programme. Lesoutien de la direction s’est, notam-ment, exprimé par un document attes-tant que la sécurité avait préséance sur la production. « Le programme a peut-être été l’élément centralisateurqui a incité les gens à se reprendre un peu plus en main, suppute M. Bédard.Mais, s’il n’y a rien d’autre et qu’on le parachute dans l’usine en disant :“ Expliquez le concept des déviationset vous allez réduire vos accidents de50% ”, je ne suis pas certain que ça vafonctionner. » Ce que M. Langlois exprime d’une façon très concrète :

« Si tu déplaces des barils de 150 kilosà la main, puis que tu veux implanterce programme-là, oublie ça ! »

Rien n’est jamais parfait…Les quelques faiblesses du projet se sont révélées, avec le temps. « Onavait deux problèmes, expose Régent Bédard. Les nouveaux travailleurs, à qui il est difficile d’expliquer les dangers quand on ne les a pas encoreévalués. Et les anciens, qui n’exécutentpas les tâches de façon uniforme. » Enconséquence, le comité de santé et desécurité a entrepris une analyse destâches critiques — un des éléments que l’on retrouve dans la méthodeBST®. Pour chaque poste, des groupesde travailleurs ont déterminé les tâches à accomplir, et ils ont quantifiéla gravité et la probabilité des incidentspossibles. Lorsque la tâche obtenait une cote critique, il s’ensuivait unerecherche commune de la meilleureméthode. « Le plus souvent, ce sont lesgars qui ont trouvé la solution. Unenouvelle méthode de travail est plusfacile à utiliser quand c’est toi qui l’as trouvée ! »

Il reste encore quelques pépins.Ainsi, un certain essoufflement se manifeste. Le comité de santé et desécurité prévoit y remédier en remettanten vigueur les thèmes mensuels. Et puisil y a toujours un noyau de récalcitrantsenfermés dans leurs habitudes. Pour cesirréductibles, la stratégie n’a pas encoreété arrêtée, mais on préfère « trouverleur corde sensible » plutôt que d’enappeler à la discipline. « Le comité neveut pas jouer à la police, tranche M. Langlois. Dans un programme desanté et de sécurité, ça ne marche pas.C’est voué à l’échec pour changer lescomportements, les façons de faire, oupour déraciner les habitudes de travail. »

L’avantage et le désavantage d’unprogramme-maison? La mise au pointn’est jamais terminée. ❏

Marc Tison

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

« UNE NOUVELLEMÉTHODE DE TRAVAIL

EST PLUS FACILEÀ UTILISER QUAND

C’EST TOI QUIL’AS TROUVÉE ! »

Chez Domco, on ne fait pas que

des revêtements de sol, on fait aussi

de la prévention et les travailleurs

sont invités à relever et à signaler

les déviations.

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es t r ava i l l eu rs de l ’us ineAgropur de Notre-Dame-du-Bon-Conseil ne révéleraient

pour rien au monde la recette du fro-mage qui leur a permis de gagner leWorld Championship Cheese Contest,un concours international tenu au Wisconsin (États-Unis). Mais il y a une chose dont ils aiment bien parler :la sécurité !

On les comprend. Depuis 1993, lenombre d’heures perdues à la suite d’unaccident du travail est, en effet, passéde 2500 à 72, en 1996. Le directeur desrelations avec les employés est parti-culièrement fier de l’exploit : « Notreobjectif, c’est de responsabiliser lespersonnes, explique-t-il. Le personnelparticipe vraiment à la Semaine de lasanté et de la sécurité du travail qui setient chaque année dans notre division.Patrons comme travailleurs réalisentl’importance de la prévention. »

À l’automne 1996, les quelque 150 travailleurs de l’usine ont été invitésà participer, pendant leur quart de tra-vail, à une gamme d’activités. En dehorsdes « traditionnels » stands d’informa-tion, quoi de mieux qu’un sondage poursavoir ce qu’ils pensent des diverséquipements de protection individuellemis à leur disposition par l’employeur?Chaque pièce a été évaluée par les uti-lisateurs en fonction de son degré deconfort, de la protection qu’elle offraitet de sa facilité d’entretien. Tous ceuxqui ont répondu au sondage avaient l’occasion de participer à un tirage.

Les travailleurs avaient également le loisir de s’aventurer dans le « tunnelde la cécité » : les yeux bandés, cha-cun devait y trouver son chemin tout fin seul. Ou encore de parcourir, en

fauteuil roulant, le « circuit Gilles-Villeneuve », semé d’obstacles, où leplus facile n’était certes pas d’ouvrirune simple porte…

« Par le biais de ces simulations,chacun peut comprendre les consé-quences réelles d’une négligence, affirme Gaétan Martineau, directeurdes communications chez Agropur. Ona longtemps pensé que les accidents du travail, c’était pas si grave que ça.Que, dans les faits, ça pourrait vouloirdire deux mois de vacances aux fraisde la princesse. Mais, avec des misesen situation comme celle-là, plusieursprennent conscience que passer le restede sa vie en fauteuil roulant, c’est pasmal moins drôle ! »

Droit de parole« C’est sûr que les mises en situationsubjectives aident beaucoup à faireadopter des comportements de pré-vention, fait valoir Alain Lambert, conseiller au Service des relations avecle personnel. Mais ça ne suffit pas. Çaprend un travail constant. Il faut en-foncer le clou et répéter continuelle-ment le message. Ainsi, l’an dernier, on a organisé huit rencontres contre-maîtres-travailleurs portant exclusive-ment sur la sécurité. Des rencontres d’àpeine vingt minutes, avec chaque foisun thème bien précis : produits cor-rosifs, maux de dos, équipement deprotection individuelle, etc. C’est pascompliqué, mais il faut le faire ! »

À la fromagerie de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, patrons comme syn-diqués se félicitent de la synergie ainsicréée. Une action commune qui, del’aveu de Michel Piette, directeur del’usine, a une influence positive sur le climat de travail. « Mais ça prendd’abord de bonnes relations, souligne-t-il, pour aboutir à une situation gagnant-gagnant. C’est ce que tout le monde tente de faire ! » ❏

André Lachance

41PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

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Simulation,ténacité!HUMOUR,

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42 PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Jour après jour, mois aprèsmois, le souci de la préven-tion des accidents du travailet des maladies profession-nelles se répand au Québec.Dans cette chronique destinéeà diffuser l’information,Prévention au travail vouspropose de courts extraitsd’articles et de reportages,aussi variés que possible, publiés par ses partenairesdans des revues, magazinesou bulletins de liaison.

scc.ca« Pour le propriétaire d’une petite entreprise à la recherche des normess’appliquant à son produit, […] na-viguer à travers les normes relèvepresque du défi. […] Mais les chosesne tarderont pas à s’améliorer. Le 14 octobre — Journée mondiale de lanormalisation — marquera la sortied’un nouveau service qui promet desimplifier la normalisation au Canada.En effet, le Système canadien d’in-formation apparaîtra dans Internet àl’adresse : http://www.scc.ca.

« Le nouveau service est censé réu-nir les ressources liées aux normes qui existent au Canada et à l’étrangeren visant à les rendre à la fois plusfaciles à utiliser, plus puissantes et plus accessibles. Ce projet est dirigépar le Conseil canadien des normes en collaboration avec ses partenaires duSystème national des normes. Il est financé par Industrie Canada […].

« Deux services d’information ap-pelés Recherche et Alerte seront offertsà partir du 14 octobre. Il s’y ajoutera,en 1998, un troisième du nom de Bulletin. »

Consensus, revue canadienned’actualités de normalisation, no 5,vol. 223, septembre 1997, p. 6.

Plongez, maintenant« La formation du plongeur démineurest de dix mois intensifs. Il faut préa-lablement être plongeur de navire etcompter au moins un an d’expérience.[…] La formation du plongeur denavire et du plongeur d’inspection por-tuaire est de cinq à six semaines. Pourle plongeur secouriste, la formation estd’environ un mois.

« Pour devenir plongeur pour laSûreté du Québec, il faut être policierà la SQ et avoir ses cartes de plongeursportif. […]

« L’Institut maritime du Québec offre deux programmes de formationen plongée avec scaphandre : Plongéeprofessionnelle et Scaphandrier ins-pecteur. […] L’Institut est reconnu of-ficiellement comme un des centres deréférence en Amérique du Nord pour letraitement des accidents de plongée.Pour être ainsi reconnu, l’Institut a dûfaire la preuve qu’il disposait, en casd’accident de plongée, d’un personnelmédical et paramédical compétent,ainsi que d’un équipement de qualité. »

Sécurité, le magazine des professionnels de la sécurité,août-septembre 1997, p. 12.

Harnais d’hiver« N’oubliez pas que l’hiver est à nosportes et que vous devez tenir comptede cette réalité au moment d’achetervotre harnais. Ainsi, si le harnais quivous convient est à la limite de la taillemoyenne, prenez la taille au-dessus afin de pouvoir porter votre harnaispar-dessus votre manteau d’hiver. Rap-pelez-vous qu’il ne faut jamais portervotre harnais sous votre manteau, car,advenant une chute, vous risquez devous étrangler. […] Au retour du prin-temps ou de l’été, aussitôt dépouillé de vos vêtements d’hiver, réajustezvotre harnais. »

Prévenir aussi, Bulletin d’informa-tion de l’Association paritaire pourla santé et la sécurité du travail dusecteur de la construction, vol. 12,no 1, septembre-octobre 1997, p. 3.

Observer avec TACT« […] À l’usine du fabricant de papierMaclaren de Masson, […] le comitéTACT (technique d’amélioration ducomportement au travail) constitue unélément important du travail de pré-vention de l’entreprise et les syndiquésy participent activement. La technique,développée aux États-Unis, est peuconnue au Québec. Durant la premièreannée d’application, on remarque unebaisse moyenne de 30 % des accidents.Le programme TACT est basé sur l’observation volontaire du comporte-ment et des méthodes de travail dans lebut de modifier ce qui est à risque. […]Daniel Patry, responsable du pro-gramme à la section locale, y travailleà plein temps. “ Nous avons maintenant40 observateurs dans l’usine. À l’aided’une fiche, nous notons les comporte-ments sécuritaires et à risque d’environ160 personnes par mois, avec l’appro-bation de nos membres. ”

« La compilation et l’analyse des informations recueillies ont permis dedévelopper dix-huit plans d’action dansdifférents secteurs de l’usine dans lebut d’améliorer les conditions maté-rielles et d’augmenter l’utilisation des équipements et le pourcentage de comportements sécuritaires. »

Le monde ouvrier, Bulletind’information de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, no 19, septembre 1997,p. 8.

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23 janvier 1998 – Montréal (Québec)

Formation pratique en réductiondu bruit industrielRenseignements :Secrétariat de l’Association québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail (AQHSST)Bureau 4107400, boulevard Les Galeries d’Anjou Anjou (Québec) H1M 3M2Tél. (514) 355-3830 – Téléc. (514) 355-4159

27 janvier 1998 – Québec (Québec)3 février 1998 – Montréal (Québec)

Activité de formation – Commentsurvivre aux risques psychoso-ciaux en milieu de travail

Renseignements :Secrétariat de l’Association québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail (AQHSST)Bureau 4107400, boulevard Les Galeries d’Anjou Anjou (Québec) H1M 3M2Tél. (514) 355-3830 – Téléc. (514) 355-4159

25 au 28 février 1998Melbourne (Australie)

Conférence-expositioninternationale – Sécurité en action

Renseignements :Safety in Action, c/The Conference Organisers Pty LtdPost Office Box 1127Sandringham Victoria 3191AUSTRALIETél. 972 3 5177888 – Téléc. 972 3 5174433

26 février 1998 – Québec (Québec)

Colloque – La SST de demain :une préoccupation aujourd’hui

Renseignements :Table patronale de concertation en santé et sécurité du travail3360, rue De La Pérade, bureau 203Sainte-Foy (Québec) G1X 2L7Tél. (418) 646-3402 – Téléc. (418) 646-3215

22 au 25 mars 1998 – Tel-Aviv (Israël)

2e Conférence internationale sur le milieu de travail et lesmaladies cardio-vasculaires

Renseignements :Conference SecretariatOrtra LtdPO Box 50432Tel-Aviv 61500ISRAËLTél. 972 3 5177888 – Téléc. 972 3 5174433

1er au 3 avril 1998Cirencester (Royaume-Uni)

Conférence annuelle de l’Ergonomics Society

Renseignements :Annual Conference Programme Secretaryc/o The Ergonomics SocietyDevonshire House, Devonshire SquareLoughborough, LeicestershireLE11 3DWROYAUME-UNI

21-22 avril 1998 – Montréal (Québec)29-30 avril 1998 – Québec (Québec)

Colloque en santé et en sécuritédu travail – Secteur de la santéet des services sociauxRenseignements :Association pour la santé et la sécurité dutravail, secteur affaires sociales (ASSTSAS)5100, rue Sherbrooke Est, bureau 950Montréal (Québec) H1V 3R9Tél. (514) 253-0696 – Téléc. (514) 253-1443

22 au 24 avril 1998Le Cap (Afrique du Sud)

L’ergonomie dans une perspective globale

Renseignements :Bob BridgerHeal Ergonomics GroupUTC Medical SchoolObservatory 7925AFRIQUE DU SUDTél. (27) 21 406 6541 Téléc. (27) 21 448 3291

13 au 15 mai 1998 – Laval (Québec)

Congrès annuel de l’Associationquébécoise pour l’hygiène, lasanté et la sécurité du travail(AQHSST) – Maillage... une solution à tes problèmes

Renseignements :Secrétariat de l’AQHSSTTél. (514) 355-3850 – Téléc. (514) 355-4159

16 au 18 septembre 1998 – Paris (France)

33e Congrès de la Société d’ergonomie de langue françaiseTemps et travail

Renseignements :SELF 9841, rue Gay-Lussac75005 ParisFRANCETél. (33) 1 44 41 71 61Courrier électronique : [email protected] : http://www2.cnam.fr/self98/

43PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

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Le jeudi 29 janvier

L’ajustement des valeursd’exposition admissiblesaux contaminants chimiques en fonction des horaires non conventionnelsGuy PerraultDirection des opérationsIRSST

Daniel DroletProgramme hygiène et toxicologieIRSST

Le jeudi 12 février

Les réalités du travail en prévention: leviers et obstaclesJean-Pierre BrunDépartement des relations industriellesUniversité Laval

Le jeudi 12 mars

Une démarche pour passerdu problème concret vers des recherches approfondies qui préparent les solutionspratiques de demain Jean NicolasVice-recteur à la rechercheUniversité de Sherbrooke

François CharronDépartement de génie mécaniqueUniversité de Sherbrooke

Le jeudi 16 avril

Vieillissement de la popu-lation active et enjeux dela santé au travailSerge VolkoffDirecteur du CRÉAPTCentre de recherches et d’études sur l’âge et les populations au travail

Endroit :IRSST , 505, boulevardde Maisonneuve OuestMontréal, Salle 1122

Heure : 12 h30 à 13 h 30Accès gratuit Aucune réservation nécessaireRenseignements :(514) 288-1551, poste 291

conférences

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« La prévention d’abord », à l’ASTEActive depuis 1982, l’Association sectorielleTransport entreposage (ASTE) est reconnue pour son expertise en matière de formation. Loinde s’asseoir sur ses lauriers, voilà qu’elle offre quatre nouveaux cours en santé et sécurité dutravail :• Démarche de prévention en manutention ;• Le pompage à vide : risques et moyens de

prévention ;• La prévention dans la collecte des ordures

ménagères ;• L’amélioration de la visibilité autour des véhi-

cules de transport.À la fin de chaque cours, une évaluation des

connaissances est faite à l’aide d’exercices, d’exa-mens ou même de tests pratiques si la formationest donnée en entreprise. Une attestation est parla suite décernée à chaque participant.

D’une durée de quatre à douze heures, lescours — gratuits pour les membres de l’Associa-tion — peuvent être donnés autant sur les lieuxde travail que dans les locaux de l’ASTE.

Pour plus de renseignements ou pour s’inscrire,communiquer avec l’ASTE. Tél. 1 800 361-8906 ou (514) 955-0454. ❏ FM

44 PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

L’équité salariale, une prioritédu ministre du TravailLa nouvelle Loi sur l’équité salariale, en vigueur depuis le21 novembre dernier, est l’une des grandes réalisations dugouvernement du Québec. Elle témoigne de la volonté deconstruire une société juste et solidaire, en plaçant les droitsdes personnes aux premiers rangs de nos valeurs sociales.

Applicable à toute entreprise, privée, publique ou para-publique, qui compte dix personnes salariées ou plus, la loirelève de la responsabilité de l’actuel ministre du Travail duQuébec, Matthias Rioux. C’est là un projet social qui devra,dans un avenir rapproché, s’inscrire harmonieusement dansla culture de nos milieux de travail. Par cette législation, leQuébec se place à l’avant-garde relativement à cette im-portante question de la discrimination salariale faite auxfemmes, et fournit aux employeurs des balises et des outilsen vue de corriger une situation désormais reconnue.

Voilà l’orientation qui guidera les interventions de la nouvelle Commission de l’équité salariale, chargée d’admi-nistrer cette loi. La Commission exercera des fonctions diverses, qui vont de l’assistance aux entreprises engagéesdans une démarche d’équité salariale, à l’information, larecherche et le traitement des plaintes. Nul doute que le défi à relever est de taille pour la présidente et les deux commissaires nommées récemment par le gouvernement,d’autant plus que les attentes sont grandes, notamment ducôté des groupes de femmes qui ont soutenu ce projet. ❏H. S.-P.

Source : Cabinet du ministre du Travail du Québec.

De quoi faire baisser le mercureSus au mercure ! Le Comité de santé environnementale etle Centre de toxicologie du Québec, en collaboration avec l’Association des hôpitaux du Québec (AHQ), viennentde lancer le Guide sur la gestion du mercure pour les établissements de santé au Québec – Recommandationspour prévenir les risques à la santé et la contamination del’environnement.

Les propriétés de ce métal d’un blanc argenté en font unindicateur précis de température et de pression. D’où saprésence dans les thermomètres, les manomètres et lessphygmomanomètres de nos établissements de santé.

Or, une rupture, un entretien déficient ou une élimi-nation incorrecte de ces instruments peuvent exposer destravailleurs au mercure. Le hic, c’est qu’à l’air libre, il esttoxique, surtout par inhalation. Pis encore, ses vapeurspassent inaperçues puisqu’elles sont incolores, inodores etnon irritantes.

Le guide décrit la toxicité du mercure et le danger decontamination qu’il représente pour l’environnement, touten suggérant des moyens de prévention et d’intervention,notamment en cas de déversement majeur.

On peut obtenir ce document au prix de 21,40 $, en s’adressant au Service des publications de l’AHQ, tél. (514) 282-4228. ❏ FM

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45PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

Alors, la prévention,on s’en lave les mains?!?Se laver les mains. L’action est simple, voire banale. Elle est aussi trop souvent négligée. Heureuse initiative,la Direction de la santé publique (DSP) des Laurentideslançait récemment la campagne En un tour de main, jeme protège ! Elle souhaite ainsi réhabiliter cette pra-tique auprès de quelque 30 000 travailleurs, répartis dans3 000 établissements de la région.

Le lavage des mains — une affaire d’au plus trentesecondes — est une mesure élémentaire de protectioncontre les infections (hépatites, gastroentérites, rhumes)et les intoxications (notamment au plomb). Pourtant, envisitant différents milieux de travail, les infirmières desCLSC des Laurentides ont constaté qu’on délaissait tropsouvent cette précaution, que ce soit avant de manger,après s’être mouché ou être allé aux toilettes. Même dansles milieux de la santé, le personnel n’a pas toujours ceréflexe, indispensable avant de prodiguer des soins.

Les infirmières ontdonc demandé l’aidede la DSP afin deremédier à la situa-tion. Résultat : desaffiches et des nap-perons sur lesquelson trouve des jeux-ques t ionna i res .Ils seront remis,présumément enmain propre…dans les établis-sements visités.De p lus , des aff ichet tes àa p p o s e r s u r les murs prèsdes lavabosrappelleront

aux travailleurs la bonnefaçon de se laver les mains1.

Deux autres partenaires claironneront le mêmemessage aux quatre coins du Québec. L’Association desprofessionnels pour la prévention des infections (APPI)se chargera d’informer les travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux. Quant au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation duQuébec (MAPAQ), il distribuera l’affichette partout oùil y a préparation d’aliments (hôtels, restaurants, etc.),question de mettre la main à la pâte…

Pour obtenir de l’information, communiquer avecLouise van Doesburg, au (514) 436-8622, poste 3261, ouMadeleine Tremblay au (514) 436-8622, poste 2314. ❏FM

La vie sur les chapeaux de roueNous sommes le 10 mai 1994. Serge Beaudin, 38 ans,travaille au fond d’une tranchée, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Soudain, une paroi cède. Sa colonnevertébrale accuse le choc. L’atteinteest permanente,cruelle : paraplégie.S e r g e B e a u d i n aurait pu aussi ylaisser son moral.

Mais il a décidéde foncer. Ou, pluspréc isément , depousser sa chaiseroulante sur desdistances prodi-gieuses. En cinqmois, l’année der-nière, il a accumuléplus de 5 000 kilo-mètres ! Un exploitqu’il souhaite voirreconnaître par lamaison Guiness. En1996, il avait mismoins de huit moispour f ranchir lam ê m e d i s t a n c e . D e v a n t t a n t d e détermination, la Direction régionalede Longueuil, res-ponsable de sa réinsertion sociale, ne peut que l’appuyer et l’encourager à poursuivre dans la mêmeveine.

À peine avait-il fait homologuer les distances par-courues au poste de police de Laprairie que déjà, il supputait sur son avenir. « Je vise maintenant les Jeux Paralympiques de l’an 2000, à Sydney, en Australie. »La course, le marathon? « C’est une possibilité. Maisj’aimerais tenter ma chance à un des lancers olym-piques, le poids, le disque ou le javelot. Reste à voiravec lequel je serai le plus à l’aise… »

Ces disciplines permettraient à Serge Beaudin de tirerprofit de l’entraînement sérieux auquel il s’astreint,depuis de nombreuses années, dans un gymnase deLaprairie; avant son accident du travail, notre hommeavait, notamment, été couronné champion canadien detir au poignet.

S’il rêve de gloire olympique, Serge Beaudin prendaussi le temps de se préoccuper de causes sociales. Il arécemment entrepris des démarches afin d’amasser,grâce à ses exploits sportifs, de l’argent au profit de la recherche sur la moëlle épinière. ❏ FM

1 Pour en savoir plus, lire « Haut les mains propres ! », dans Préven-tion au travail de novembre-décembre 1992 (vol. 5, n° 6, p. 9-10).

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« Jamais Psychopathologue du travail et ex-préventeur dans le domaine du bâtiment et des travaux publics,

Damien Cru est chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail

(ANACT) à Paris. Partant du film Aucun risque!Paroles de compagnons1, il illustre, à la lumière de la

psychodynamique du travail, la complexité des rapports entre dangers, comportements, idéologie défensive de métier, sécurité, et propose quelques

pistes pour renouveler la démarche préventive. « Jamais sous la banche2 ? » Voire !

46

■ Prévention au travail : Pourquoi, àvotre avis, ce film est-il si important ?■ Damien Cru : En fait, Aucun risque !Paroles de compagnons est une recher-che un peu particulière menée caméraen main. Le réalisateur René Baratta avoulu montrer les travailleurs du bâti-ment, des hommes aux prises avec untravail dangereux. Pour la première foispeut-être, ce ne sont pas des spécialistesde la prévention qui s’adressent aux milieux de travail pour leur passer unmessage, mais des ouvriers, un chef dechantier, un entrepreneur qui parlent dela prévention et de leur représentation3

des risques. Le cinéaste les interroge surleur rapport au danger, sur les accidents,les consignes de sécurité, les équi-pements de protection individuelle, etc. On voit les compagnons travail-ler, couler du béton, monter des tours d’étaiement. Mais aussi partager leurcasse-croûte, se chamailler, jouer. Ilsparlent entre eux, s’adressent au réalisa-teur. C’est une rencontre à voix franchequi laisse place à l’hésitation, au chemi-nement de la pensée tout en ouvrant lavoie à une nouvelle approche du travailet des risques.

En même temps, le film explore unnouvel usage de la technique vidéo enprévention. Il laisse ouvertes la discus-sion et les interprétations. Même la voixhors champ, qui permet de se repérerdans le déroulement du film, ne cède jamais à un discours linéaire, ni à une

conclusion unique. Rien à voir avec lecheminement de la plupart des films deprévention où le message est clos surlui-même. Le montage, en petitesséquences isolables, renforce cette di-versité. L’observation est, elle aussimultiple, parce qu’il est illusoire defaire un film en prétendant saisir leréel du chantier avec une caméra.Outre les regards réciproquescinéaste-travailleurs, les com-pagnons s’observent eux-mêmes,tout comme René Baratta estamené à observer ce que saprésence provoque et modifie. Etc’est à ce second niveau d’obser-vation que l’équipe de recherche,dont je faisais partie à titre de psychopathologue du travail, est inter-venue lors de laconstructionde la vidéoen déjouant

les phénomènes de capture, d’aveu-glement ou de séduction où les per-sonnes filmées risquent d’enfermer leréalisateur.

■ PT : La parole joue un rôle inhabitueldans ce film. En quoi son exploitationest-elle novatrice?■ DC : Certains propos ne semblent pas avoir de contenu stable et appellentl’interprétation. Les conduites peuventêtre en décalage par rapport aux mots,cédant la place à l’ambiguïté. Certainesparoles ne peuvent être prises à la lettre. Un maçon raconte être tombé de plusieurs étages en traversant lesplanchers de l’échafaudage : « Six moisd’arrêt, c’est pas grave… » Un collègueenchaîne : « Le poignet, les jambes…

des côtes cassées… c’estpas grave. » Unautre a joute :« Deux doigts.C’est pas grave.— C’est quoi u n a c c i d e n tgrave? — C’estq u a n d o n s ecasse les reins. »Mais cette mi-nimisation desconséquences des

PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

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1 Voir la rubrique « Prévention en images », p. 15.

2 Coffrage métallique préfabriqué et amovible.3 C’est-à-dire de l’image subjective qu’ils se font

des risques.

sous la banche! »accidents est à double sens. Différentspropos semblent contradictoires commeceux de ce compagnon qui déclare :« Le bâtiment n’est pas plus dangereuxque d’autres métiers », puis « J’aimebien le danger… Ça m’attire » et « Onessaie de ne pas prendre de risques, c’est trop dangereux ».

Pourtant, malgré l’apparente contra-diction et la diversité dans les témoigna-ges, il s’organise un véritable discoursde groupe permettant de saisir ce que lapsychodynamique appelle l’idéologiedéfensive de métier.

■ PT : Pourquoi s’intéresser à cetteidéologie?■ DC : On on a trop souvent tendanceà simplifier les raisons pour lesquelles lessalariés résistent aux mesures de sécurité.La force de la psychodynamique a été demontrer que l’indiscipline, les lacunesdans la préparation du travail, le manquede formation, ne constituent peut-être pasl’essentiel de leur résistance. Si des tra-vailleurs sont conscients d’être confron-tés à un danger sans posséder les moyenspour le prévenir à 100 %, qu’est-ce quileur reste ? Vivre avec la peur? Impos-sible sur un chantier. Dans le film, ceshommes expliquent très bien qu’on nepeut pas travailler si l’on a peur (mais le cinéaste a dû vivre plusieurs mois avec eux pour arriver à ce résultat).Alors, que se passe-t-il ? Pour écartercette peur et la souffrance qui lui est associée, les gens développent, à leurinsu, ce que Christophe Dejours4 appelleune « stratégie défensive de métier ».D’une certaine manière, cette stratégieinconsciente consiste à nier la réalité durisque. D’ailleurs, « aucun risque », cepropos revient souvent dans le film.Marcher en équilibre sur la tête d’un

voile en béton ? Aucun risque. Coulerune poutre en se déplaçant sur une têtede coffrage sans passerelle ni garde-corps ? Aucun risque. Ce mécanismepsychologique est collectif. Et dès qu’un nouveau arrive, le groupe le met à l’épreuve pour voir s’il peut tenir lecoup sans montrer sa peur. Il réussit ? Onpeut travailler avec lui. Il y a des ritesd’initiation, des jeux périlleux (exemple,prendre par surprise, avec la complicitédu groupe, un ouvrier en le soulevant aubout d’une grue) qui vont conforter cetteidéologie, souder le groupe vis-à-vis ledéni du risque. Le premier qui fissurecette cohésion peut être rejeté.

■ PT : Pourquoi insister sur le phéno-mène de la peur?■ DC : Dans l’idéologie défensive demétier, il faut comprendre que ce qui estvisé, c’est la peur, pas le danger réel.Tout ce qui évoque ou ranime ce senti-ment est écarté. Du coup, ce n’est pasnaturel de parler de sécurité. Ni deprévention.

■ PT : Comment doit alors s’y prendrele préventeur?■ DC : Ce clivage entre la sécurité et letravail, il faut essayer de le contourner.La nouvelle démarche de prévention doitfaire en sorte de ne pas heurter de frontl’idéologie défensive de métier. Il nousfaut tenir compte de ce que les salariéspensent. À ce sujet, dans le film, il y aune séquence exemplaire, à mon avis. Unouvrier est filmé en train de passer sousun coffrage métallique, une « banche »dans notre jargon. Lors d’une réunion,René Baratta constate : « Vous passezsous la banche ! » La réponse de l’ou-vrier fuse : « En 30 ans d’expérience, jene suis jamais passé sous une banche. »Le cinéaste projette la scène. L’ouvriers’exclame : « Mais il faut bien que j’aillela nettoyer, cette banche ! Il y a du béton… dessous, il y a un rail ». Un deses copains réplique : « Il faut mettre dupolystyrène ». Le premier rétorque : « Çane tient pas, on a déjà essayé… » Bref,la discussion s’engage sur le travail, lesoutils, l’expérience.

Pourquoi la scène est-elle exem-plaire? Tant que le préventeur discutede sécurité, il se heurte à un déni de la part des employés. « Moi, sous labanche? Jamais ! » Comment alors faireparticiper les salariés ? Par contre l’ou-vrier, quand il dit qu’il ne passe pas sous la banche, il faut le croire. Il la nettoie. Si on comprend ça, le problèmeest résolu. La discussion peut s’enga-ger : « Pourquoi nettoyer la banche ?Comment le faire sans risque ? Y aurait-il moyen d’avoir des banches propres? », etc., les idées vont jaillir. Onva pouvoir faire avancer la prévention.Peut-être pas en son nom. Mais au nomdu travail !

■ PT : Et la stratégie du préventeur,c’est de partir de cet élément?■ DC : Exactement. Il doit se deman-der : « Pourquoi me dit-il ça? Ah! Là,il me donne le fil pour rechercher unesolution avec lui et avec l’équipe. » Çac’est un déplacement d’objet… Jusqu’àprésent, en prévention, on a cru que,pour éviter les accidents, il suffisait deles étudier et de définir des normes, desmodes opératoires, des consignes. C’esttrop limité. Il nous faut étudier le tra-vail. Comprendre les hommes au travail.Ça modifie le rôle du préventeur. Biensûr, il doit toujours aller sur le chan-tier constater les dangers. Le cinéaste araison d’alerter : « Pourquoi vous passezsous la banche? » Il y a un problème.On ne peut pas accepter ça. Mais il faut aborder la question par le biais dutravail.

En général, les gens ne prennent pas des risques par pur plaisir. Ce qui se cache derrière leur rejet, ou leurmutisme, c’est : « La peur, on n’a pasenvie d’en parler. C’est trop dur ! Parcontre, le travail, on peut en parler, sion nous écoute ». Quand le préventeura compris ça, les comportements, parricochet, changent tout seuls. C’estd’abord en changeant notre mentalité, à nous, préventeurs, et non en voulantchanger celles des travailleurs, que laprévention progressera. ❏

Christine Chaumény

47PRÉVENTION AU TRAVAIL • JANVIER-FÉVRIER 1998

sous la banche! »

4 Voir le dossier « Santé et sécurité du travail —Peut-on changer les comportements? », p. 7-14.

« Jusqu’à présent, en prévention,on a cru que, pour éviter lesaccidents, il suffisait de les étudier et de définir des normes,des modes opératoires, des consignes. C’est trop limité. Il faut étudier le travail », constate Damien Cru.

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-200

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Port de retour garanti par laCommission de la santéet de la sécurité du travaildu QuébecC.P. 1200, succursale TerminusQuébec (Québec) G1K 7E2

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