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GRANDS ORAUX, GRANDE LEçON Hervé Le Bras, Heinz Wismann, Serge Klarsfeld, Catherine Millet, Rudy Ricciotti, Michel Barnier TABLES RONDES Dominique Bussereau, Alain Rousset, Yves Harté, Olivier Ly, Marina Maestrutti, Jean - Bernard Perrein, Yassine Serhrouchni RENCONTRE DéCENTRALISéE Naïma Charaï, Manuel Dias Vaz, Guy Pervillé, Pôleth Martine Wadbled SCIENCES PO / SUD OUEST ET AVEC LE SOUTIEN DE EN PARTENARIAT AVEC BILAN DES RENCONTRES SCIENCES PO / SUD OUEST Saison 2014 - 2015 30 ème anniversaire des Rencontres Une saison de Rencontres 2014 - 2015

de Rencontres

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Page 1: de Rencontres

grands oraux, grande leçonHervé Le Bras, Heinz Wismann, Serge Klarsfeld, Catherine Millet, Rudy Ricciotti, Michel Barnier

Tables rondesDominique Bussereau, Alain Rousset, Yves Harté, Olivier Ly, Marina Maestrutti, Jean - Bernard Perrein, Yassine Serhrouchni

renconTre décenTraliséeNaïma Charaï, Manuel Dias Vaz, Guy Pervillé, Pôleth Martine Wadbled

SCIENCES PO /

SUD OUEST

ET AVEC LE SOUTIEN DEEN PARTENARIAT AVEC

SCIENCES PO /

SUD OUEST

ET AVEC LE SOUTIEN DEEN PARTENARIAT AVEC

Bilan des rencontres sciences Po / sud ouestSaison 2014 - 2015 30ème anniversaire des Rencontres

Une saisonde Rencontres

2014 - 2015

Page 2: de Rencontres

SommaireGrande leçon de Hervé Le BrasTable ronde « Le Sud Ouest, quelle identité pour quels territoires ? »16 octobre 2014

Grand oral de Heinz Wismann20 novembre 2014

Grand oral de Serge Klarsfeld4 décembre 2014

‘‘ Les Rencontres Sciences Po/Sud Ouest ont pour vocation de faire découvrir, à l’occasion de leurs Grands Oraux, des personnalités dont le parcours et l’œuvre sont dignes d’intérêt et parfois même tout à fait exceptionnels ...’’( page 24 )

Table ronde Demain les savoirs « Faut-il avoir peur des robots ? »11 décembre 2014

Grand oral de Catherine Millet22 janvier 2015

‘‘ En invitant Catherine Millet au Grand Oral des Rencontres Sciences Po / Sud Ouest nous avons la conviction d’accueillir quelqu’un de libre, hors des écoles et des chapelles, loin des préjugés.’’( suite page 40 )

Grand oral de Rudy Ricciotti29 janvier 2015

Grand oral de Raphaël Pichon19 mars 2015

‘‘ Les mots qui reviennent le plus souvent pour caractériser la direction d’orchestre de Raphaël Pichon sont l’enthousiasme, la fraîcheur, la passion, la force intérieure, associés à la rigueur et à la maîtrise technique.’’

Rencontre décentralisée en Lot-et-GaronneTable ronde « Lot-et-Garonne, terre d’immigration »2 avril 2015

‘‘ Le Lot-et-Garonne, pour des raisons géographiques et historiques a été depuis le XIXe siècle une terre d’immigration. Il fait partie des départements de l’actuelle région Aquitaine qui ont le plus intégré de migrants.’’ ( suite page 62 )

Grand oral de Michel Barnier16 avril 2015

‘‘ Comment réactiver les idéaux européens quand la frilosité l’emporte entre les 28 Etats de l’UE, atteints par le syndrome du repli national, sur un continent où

les menaces internationales se sont sérieusement réveillées. Michel Barnier fort de ses expériences européennes et nationales –il a occupé plusieurs fonctions ministérielles sans compter ses fonctions d’élu national et local- saura sans doute communiquer ses convictions et énoncer des propositions.’’ ( suite page 72 )

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Page 3: de Rencontres

30 ans de

Rencontre du 16 octobre 2014

RencontresGrande leçon

Hervé Le BrasDémographe, Directeur d’études à l’Institut National d’Études Démographiques, Professeur des Universités à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales

table ronde

« Le sud - Ouest, quelle identité pour quels territoires ? »Dominique BUSSEREAU, ancien Ministre, député et président du Conseil général de la Charente-Maritime

Alain ROUSSET, député de la Gironde, président du Conseil régional d’Aquitaine et président de l’Association des Régions de France

Yves HARTÉ, rédacteur en chef et directeur adjoint de l’information du journal Sud Ouest, prix Albert - Londres

« Jury » présidé par Jean-Bernard GILLES, journaliste au journal Sud Ouest

jeudi 16 octobre 2014 15h00 - 19h00 • Sciences Po Bordeaux

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Page 4: de Rencontres

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N ous célébrons cette année le 30e anniversaire des Rencontres Sciences Po/Sud Ouest. 30 ans de découvertes avec près de 300 Rencontres dont la liste parle d’elle-même, tant en ce qui

concerne la qualité des intervenants que l‘éclectisme des sujets abordés. Beaucoup de politique bien sûr et de thématiques proches des disciplines enseignées à Sciences Po : relations internationales, économie, histoire, sociologie, médias, mais également des Rencontres artistiques, scientifiques, sportives etc. De grands moments encore présents dans les mémoires et pour les plus récents encore visibles sur notre site internet : la venue du Dalaï Lama, celle de Pierre Bourdieu, l’improbable dialogue entre André Glucksmann et Rony Brauman, le trac de Laure Adler, la verve de Carla Del Ponte entourée de ses gardes du corps, les fables d’un Armand Gatti, la timidité de Raymond Depardon, l’improvisation de Daniel Cohn-Bendit ou celle d’un Jordi Savall dans un amphithéâtre Montesquieu plongé pour l’occasion dans un silence religieux etc. De grands moments nés d’une organisation dont l’énergie motrice s’appelle l’enthousiasme et en premier lieu celui des étudiants auxquels les Rencontres sont en priorité destinées, même si elles ont aussi une vocation de forum ouvert sur la cité. Elles sont, ne l’oublions pas, le fruit de leur travail et constituent pour eux à chaque fois une expérience de réflexion et de communication parfois périlleuse, toujours stimulante. Elles sont aussi portées par l’enthousiasme des enseignants et des

journalistes de Sud Ouest qui donnent de leur temps sans compter. Un tel partenariat sur la longue durée fait des Rencontres un objet rare et précieux qui n’a pu être jusqu’à ce jour copié. Les générations se sont succédé et le navire est toujours parvenu à poursuivre sa route par l’exigence tous les ans renouvelée de ses propositions, par la conviction des directeurs des deux institutions Sciences Po Bordeaux et Sud Ouest, par le soutien de sponsors qui ont su partager l’esprit des Rencontres, tels que le Crédit Mutuel du Sud Ouest et le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux.

La 31e saison qui s’ouvre aujourd’hui a choisi de traiter d’un sujet en pleine actualité, la réforme territoriale, à partir de l’exemple du Sud Ouest. L’après-midi commencera par une conférence du démographe Hervé Le Bras co-auteur avec Emmanuel Todd de « L’invention de la France Atlas anthropologique et politique de la France » et du « Mystère français », deux ouvrages qui tendent à montrer, alors que l’accélération du changement social nous submerge, le poids des forces anthropologiques et religieuses issues du passé. Nous poursuivrons par une table ronde sur « Le Sud Ouest, quelle identité pour quels territoires ? » avec pour invités Dominique Bussereau, Ancien Ministre, Député et Président du Conseil général de la Charente - Maritime, Alain Rousset, Député de la Gironde, Président du Conseil régional d’Aquitaine et Président de l’Association des Régions de France, et Yves Harté, Rédacteur en chef et Directeur adjoint de l’information du journal Sud Ouest, prix Albert Londres. Il s’agira de comprendre le pourquoi d’une réforme qui n’est pas la

inTroducTion

Rencontre du 16 octobre 2014

première dans ce domaine, d’éclairer les critères qui la justifient au regard de l’identité des territoires. On a pu le constater ces derniers mois, l’argument économique grâce aux économies d’échelle a été largement avancé pour justifier la mise en place de grandes régions autour de métropoles puissantes, mais la controverse a surgi et persiste sur le redécoupage. L’Aquitaine a fait l’objet de divers scénarios, pour se voir finalement arrimée aux régions Poitou-Charentes et Limousin. Des évolutions ultérieures étant encore possibles. Des tensions sont très vite apparues liées aux enjeux politiques et économiques et la dimension identitaire a pu aussi parfois remonter en surface. La mort annoncée des départements n’a quant à elle pas fini de susciter le débat de même que la question des moyens et des compétences qui reste en suspens. Par ailleurs, alors que les principes de proximité et de participation citoyenne paraissent incontournables, comment seront-ils mis en oeuvre ? Dans ce contexte encore mouvant notre table ronde s’annonce passionnante.

Nos remerciements vont à toute l’équipe de préparation : Maxence Aubert (4A), Clara Bercovici (3A), Camille Chambre (5A), Valentin Chevallier (3A), Samantha Chevrier (5A), Clément Couleaud (3A), Pierre Escalé (CPAG), Ombeline Falconnet (CPAG), Andréa Fernandes (3A), Pauline Jungmann (5A), Thomas Laurent (5A), Malo Metral (CPAG), Nicolas Pastor (3A), Henri Pontette (3A), Alice Provost (3A), Camille Ruiz (3A), Hadrien Schmitt (3A), Simon Tazi (3A), Théo Tournemille(1A), Pascal Jan, Professeur des universités, et Jean-Bernard Gilles, journaliste au journal Sud Ouest. Et pour l’organisation de cet anniversaire, à toutes celles et tous ceux qui se sont investis dans l’exposition des 30 ans présentée dans le Hall de Sciences Po Bordeaux.

Françoise Taliano-des Garets Professeure d’Histoire contemporaine

Coordinatrice des Rencontres Sciences Po / Sud Ouest

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Rencontre du 16 octobre 2014

>> revue de presse

TrenTe ans de renconTres eT d’amiTiésAvec près de 300 débats, tables rondes, face-à-face, cartes blanches et grands oraux, les Rencontres ont abordé (presque) tous les sujets et invité à Bordeaux - ou dans la région, à l’occasion de rencontres décentralisées - la fine fleur de la politique, de l’économie, de la recherche, du syndicalisme, de la culture ou des médias. Avec toujours le même souci : faire connaître des gens et faire comprendre des sujets en combinant la fraîcheur de l’actualité chère aux journalistes et le recul qui sied aux universitaires.

Que ceux qui n’ont pas fréquenté les Rencontres lèvent le doigt ! On exagère, bien sûr, et heureusement, car il reste tant de sujets à aborder, d’acteurs à rencontrer... Mais en jetant un oeil en arrière, on retrouve une bonne partie de la classe politique française, des chefs d’entreprise (Fauroux, Seydoux, Pétriat, Lagardère, Roussely, Tavernost), des gens de cinéma (Arditi, Denis, Boisset, Pisier, Tavernier, Ferran, Luchini), de la peinture (Rebeyrolle, Garouste, Raynaud),

du théâtre (Lavaudant, Wilson, Lafosse), de la musique (Dessay, Delunsch, Xenakis, Savall, Cantat, Zebda), de la littérature (Sansot, Makine, Quignard, Fernandez, Breytenbach), de l’architecture (Portzamparc) ou encore de la photo (Depardon).

gens d’ici et d’ailleursLogiquement, l’université s’est taillé une belle part : Bourdieu, Gauchet, Girard, Berque, Roudinesco, Rosanvallon, Touraine, Héritier... Universitaires ou non, ils ont parlé chimie (Aspect),

aventure polaire (Jean-Louis Étienne), préhistoire (Picq, Lumley), égyptologie (Yoyotte), prospective (Virilio), humanitaire (Brauman), histoire (Winock, Geremek, Bennassar) ou justice (Jorda, Badinter, Del Ponte).

Une des fiertés des Rencontres est auss i d’avoir convié des étrangers pour ouvrir les horizons des étudiants et du public : la journaliste algérienne Salima Ghezali, le ministre allemand écologiste Joschka Fischer, le président malien Konaré, le dalaï-lama - mémorable rencontre en 1993 -, le leader palestinien Fayçal Husseini, le député suisse Jean Ziegler... Tous les citer est impossible, mais chacun est convié à puiser dans ses souvenirs ces instants de grâce où les échanges entre les invités et des générations d’étudiants et de journalistes ont bâti ce patrimoine vivant bien décidé à se prolonger.

ANNIVERSAIRE

Depuis 1984, les Rencontres Sciences Po / « Sud Ouest » tracent leur sillon sur tous les terrains de la politique, du social, de la culture...Demain, 16 octobre, les Rencontres Sciences Po / « Sud Ouest » ne donnent pas seulement le coup d’envoi de la nouvelle saison : elles célèbrent avec leurs amis, leurs anciens, leurs fidèles et ceux qui veulent les rejoindre les 30 ans d’une aventure qui n’a guère d’équivalent. Elles étaient originales, et même pionnières, quand elles furent lancées, en 1984, par le directeur de Sciences Po Bordeaux Claude Emeri et par Jean-François Lemoîne, le patron de « Sud Ouest » ; elles ont su durer, s’enraciner, se transformer, jusqu’à faire partie du patrimoine vivant de ce journal et de cet institut.

aux rencontres, le goût du débat et l’examen du fond des choses sont émaillés de ces phrases qui surgissent, ponctuent, égratignent, amusent, résument... Petit florilège :« On me dit réaliste, je le revendique. Car l’irréalisme et l’utopie ont fait couler plus de sang » (Hubert Védrine, janvier 2008).

« Quand il faut y aller, il faut y aller » (François Bayrou, novembre 2001, avant la présidentielle).

« Obéir à la loi, c’est risquer de se faire des ennemis » (Carla Del Ponte, octobre 2006).

« Mauriac ? Un écrivain régionaliste mais d’une région étroite » (Bernard Manciet, novembre 1997).

« Il faut casser l’Éducation nationale » (Raymond Barre, avril 1992).

« L’avant-garde ? Ça n’existe pas » (Roger Lafosse, décembre 1990).

« La génération des années 1970 était sûre de faire de l’Algérie le Japon de la Méditerranée » (Salima Ghezali, janvier 1999).

« L’Église n’a pas à se soucier d’être moderne ou antimoderne » (Mgr Pierrre Eyt, novembre 1986).

« L’islam ira aussi vers la laïcité » (Jacques Berque, janvier 1990).

« Le nucléaire n’est pas neutre, mais nos centrales sont bien faites » (Martine Griffon-Fouco, déc. 1994).

« Avec leur culture gauchiste, les Verts français sont devenus une machine à couper les têtes » (Daniel Cohn-Bendit, mars 2003).

Sud Ouest, 15 octobre 2014, Christophe Lucet

débaTs de fond... et petites phrases

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Rencontre du 16 octobre 2014

>> revue de presse

30 ans de renconTres sciences Po / « sud ouesT »Le hit parade des citations des invités

durant 30 ans, de nombreux invités prestigieux se sont succédés aux rencontres sciences Po / « sud ouest ». Voici un florilège des meilleurs extraits de leurs interventions La première Rencontre Sciences Po / « Sud Ouest » a eu lieu le 26 octobre 1984, elle avait pour thème « L’information et la conjoncture ». De gauche à droite, Christian Malbat ( IEP ), François Simon ( « Le Monde » ), Jean-Pierre Lecourt ( IEP ) et Max Dejour ( « Sud Ouest » )

Jacques Delors, Daniel Cohn-Bendit, Pierre Arditi, le Dalaï-Lama, ... : petites ou grandes, les phrases des grands invités des Rencontres Sciences Po /« Sud Ouest » font mouche et restent dans les mémoires.

29 octobre 1987, Jacques delors, président de la commission européenne :‘‘ Je ne suis pas un prophète de l’Europe, mais un praticien.’’

23 février 1989, Jean-Pierre Vincent, homme de théâtre à propos de la comédie française :‘‘ J’y ai accumulé un stock d’expériences humaines extraordinaire. Je me programmais cinq ou six emmerdements par jour, il m’en arrivait vingt supplémentaires imprévus... Ce fut mon Diên Biên Phu. Maintenant, il peut m’arriver n’importe quoi, ce n’est pas grave.’’

9 mars 1989, breyten breytenbach, peintre, poète et écrivain afrikaner, devenu français après avoir passé sept ans de sa vie dans les prisons de Pretoria :

‘‘ Je voudrais que mon pays soit exemplaire dans la lutte pour la justice et la dignité .’’

18 janvier 1990, Jacques berque, spécialiste français du monde arabo-musulman à propos de la querelle du foulard :‘‘ Il y a cent ans déjà, les libéraux arabes luttaient contre le voile, la place de la France est aux côtés de ceux-là. Elle n’a pas à encourager les traditionalistes qui prônent l’enfermement de la femme .’’

6 décembre 1990, roger lafosse, directeur du festival d’art contemporain bordelais sigma :‘‘ La mode est la mise à mort de l’avant-garde. On peut parler d’avant-garde quand il y a cassure dans l’imaginaire... . Aujourd’hui, l’avant-garde est devenue un élément de vente, le marché s’en est emparé et c’est surtout dans les arts plastiques que cette notion existe.’’

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18 avril 1991, Pierre arditi, acteur à propos de son métier d’acteur :‘‘ Je ne crois pas qu’il y ait d’enseignement pour dispenser la bonne manière de jouer. Il ne peut y avoir qu’un enseignement approximatif, on peut travailler sur le corps, la mémoire mais c’est tout. Pour le reste, c’est la vie... Le premier matériau de l’acteur, c’est son existence.’’

5 décembre 1991, carte blanche à Jean-charles de castelbajac, couturier à propos de sa vocation :‘‘ Je suis venu au métier de créateur parce que c’était la suite de l’insolence de 1968. C’était un moyen de dire des choses à ma manière. De pouvoir enfin parler de choses graves avec le sourire.’’

5 novembre 1993, le dalaï-lama à propos de la chine et du Tibet : ‘‘ J’ai choisi la voie du milieu. C’est la seule attitude réaliste. Notre force, c’est la justice et la vérité. Si des Tibétains voulaient m’obliger à la violence, je me retirerais. La nature de l’être humain, c’est la douceur. Nous serons toujours côte à côte avec la Chine. La seule alternative, c’est de vivre en harmonie.’’

5 novembre 1998, alpha oumar Konaré, président malien à propos des charters de retour pour les clandestins, sur un ton ironique :

‘‘ Quand on en expulse dix par l’avion de façon spectaculaire, il en rentre quinze par la fenêtre. Si vous en avez 60 000 à expulser et que vous en placez deux dans chaque avion, ça va vous demander combien temps ? Vingt-cinq ans, cinquante ans.’’

15 mars 2001, Pierre bourdieu, sociologue à propos de mai 68 :

‘‘ Non je n’ai pas été muet. Simplement distant. J’étais solidaire mais réticent devant l’attitude d’étudiants privilégiés et parisiens qui déconnaient de façon spéculative : les ouvriers à la Sorbonne, ce n’était pas sérieux.’’

7 mars 2002, noël mamère, homme politique écologiste, maire de bègles :‘‘ La politique n’est pas l’alpha et l’oméga de ma vie et je sais que je ne serai jamais président de la République.’’

30 janvier 2003, raymond depardon, photographe :

‘‘ Je ne suis rien d’autre qu’un photographe qui a essayé d’imposer son regard.’’ © Photo Philippe Taris

17 mars 2003, daniel cohn-bendit, homme politique écologiste à propos de sa révolte permanente :‘‘ J’ai rarement été politique correct, parfois ça m’a fait déraper.’’

5 février 2004, Zebda groupe engagé Toulousain :

‘‘ Zebda est né d’une envie énorme de prendre la parole. Quand on est issu de ces quartiers (cf : banlieues), on est toujours en représentation pour dire « Regarde, comme je suis bien ! ». On est tous trentenaire, on appartient à la deuxième génération et il y a une différence énorme entre nous et nos parents. Ils étaient illettrés, exploités et ils ont élevés des enfants qui ont leur place dans ce pays. Un jour il faudra bien leur rendre cette justice.’’ © Photo Claude Petit

8 décembre 2005, robert badinter, ancien ministre de la justice, président du conseil constitutionnel, et père de l’abolition de la peine de mort :‘‘ Concernant l’intégration, il faudra peut-être deux générations, mais je suis optimiste... c’est par les femmes qu’elle se réalisera. Lors de cours d’éducation civique que j’ai donnés dans les collèges défavorisés, j’ai constaté que les filles étaient formidablement intéressées.’’

Publié le 16/10/2014 à 10h00, modifié le 16/10/2014 à 11h33 par Marjorie Michel

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Rencontre du 16 octobre 2014

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Qu’est-ce qu’être aquitain et, demain, habitant d’une nouvelle grande région ? La question de l’identité régionale et de son corollaire, la réforme territoriale, en discussion au Parlement, étaient au cœur de ces 30es Rencontres Sciences Po - « Sud Ouest ». Hier après-midi, à Sciences Po, il fallait d’abord planter le décor à la veille de ce grand chambardement territorial avec l’unification des régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin. Le démographe Hervé Le Bras s’y est attelé, lors d’une leçon inaugurale didactique, précise, agrémentée de cartes permettant de comprendre la réalité d’un territoire plus complexe qu’il n’y paraît et dont les atouts ne manquent pas, notamment sa façade littorale. La suite de ces Rencontres a été plus politique, puisque le président socialiste de la Région Aquitaine, Alain Rousset, et le président UMP du Conseil général de Charente-Maritime, l’ancien ministre Dominique Bussereau, en étaient les invités. Il est pourtant apparu très vite que ces deux personnalités approuvaient le principe de cette grande région, à quelques petites nuances près. Alain Rousset aurait pu se contenter de l’Aquitaine, puisque « la taille n’est pas essentielle », et Dominique Bussereau ne veut pas qu’elle entraîne la disparition des départements, au moins pour « les

quelques années à venir ».

Pas d’économies à espérerLe directeur adjoint de l’information du journal « Sud Ouest », Yves Harté, a rappelé que le quotidien s’est historiquement appuyé sur une zone de diffusion qui recoupe grosso modo la nouvelle grande région proposée aux parlementaires. De nouvelles frontières globalement

approuvées dans le Sud-Ouest, comme l’ont montré les réponses aux questions précises de trois étudiants de Sciences Po, alors que ce n’est pas le cas dans le sud-est et le nord-est de la France. Mais ces nouvelles régions n’entraîneront pas d’économies budgétaires, contrairement à ce que le gouvernement avait espéré. Alain Rousset l’a affirmé et répété. Et cela pour au moins deux bonnes raisons. La première est que la fusion va naturellement niveler par le haut les salaires et les primes. La seconde est que les Régions Poitou-Charentes et Limousin n’ont aucune intention de « supprimer leurs infrastructures

et des fonctionnaires ». Un constat approuvé par Dominique Bussereau. Les deux politiques se sont également rejoints sur la nécessité de ne pas tout recentraliser autour de la métropole bordelaise. Chacun a ensuite défendu sa collectivité, ses compétences, et déploré la présence toujours trop envahissante de l’État, qualifié de « Papa ». Alain Rousset a une

nouvelle fois plaidé pour une vraie décentralisation lui permettant d’avoir les moyens de mener une politique de développement économique dans cette région, avec notamment un levier fiscal.

Pas d’échelon intermédiaireDominique Bussereau a, de son côté, souhaité conserver

la plupart des compétences des Départements, « au moins en délégation de la Région ». « S’il n’existe pas un échelon intermédiaire, avec qui va parler le président de la Communauté de communes de Gémozac ? » a-t-il demandé. Car le risque d’une inégalité territoriale existe. Le président du Conseil général de Charente-Maritime l’a admis, en plaidant pour une nouvelle carte. Le président de l’Aquitaine estime, lui, que les Régions feront mieux que l’État de ce point de vue. « Si l’on sait qui fait quoi, on réconciliera les Français avec la politique », a-t-il conclu.

Sud Ouest, 17 octobre 2014, Bruno Béziat

le TerriToire Passé au cribleRencontres Sciences po - « Sud Ouest » Les échanges d’hier ont montré une grande proximité de points de vue entre Alain Rousset et Dominique Bussereau

Qu’est-ce qu’être aquitain et, demain,

habitant d’une nouvelle grande

région ?

La rencontre en

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Un philosophe au

festival international

du film d’histoire de Pessac

Rencontre du 20 novembre 2014

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L e festival du film d’Histoire de Pessac consacre son édition 2014 à « L’Allemagne » et c’est dans ce cadre que nous avons voulu inviter le philosophe et philologue Heinz Wismann. Entre

deux cultures, entre deux langues, allemande et française son parcours et ses ouvrages offrent une passionnante illustration de la relation intellectuelle entre nos deux pays. Directeur de recherche émérite à l’EHESS, spécialiste de grec ancien, il a consacré ses recherches à l’herméneutique et à l’histoire de la pensée allemande. C’est ce passeur exigeant de la pensée grecque comme de celle de Walter Benjamin qu’il a contribué à faire connaître en France, que les étudiants de Sciences Po Bordeaux vont avoir la chance de questionner. Le champ d’investigation se présente pour eux vaste et foisonnant. Le vécu d’abord de ce Berlinois qui enfant a fui l’arrivée des troupes soviétiques, les difficultés dans l’Allemagne détruite, les études auprès du philologue Jean Bollack à Lille, l’enseignant qui incarne le retour de la philosophie allemande à la Sorbonne en 1961, le compagnonnage de plusieurs générations de philosophes, l’Européen enfin qui a obtenu en 2012 le prix européen de l’essai (prix Charles Veillon). Dans la conjoncture

d’euroscepticisme actuelle il est bien sûr tentant de lui demander son avis sur l’avenir de l’Europe et sur le couple franco-allemand. Et puisque le Grand Oral consiste, autant que possible, à faire connaître toutes les facettes d’une personnalité, nous aurons l’opportunité avec Heinz Wismann de faire parler un philosophe sur le théâtre et même sur le sport, deux carrières qu’il aurait voulu embrasser et qui lui ont donné matière à réflexion.

Anna Arutunian (5ème année), Chris De Rauville (4ème année), Sarah Hermann (1ère année), Lara Kollikowski (1ère année), Lucille Labayle (1ère année), Ambroise Lescop (1ère année), Pauline Levy (1ère année), Nga Nguyen (1ère année), Cathy Ralay (1ère année), Théo Tournemille (1ère année), Leyla Wander (1ère année) et Nathan Weis (4ème année) ont préparé ce Grand Oral, aidés par Tristan Coignard, Maître de conférences en études germaniques à l’Université Bordeaux Montaigne et Christophe Lucet, journaliste à Sud Ouest. À toute cette équipe et à celle du festival du film d’Histoire de Pessac qui nous accueille mes sincères remerciements.

FTG

inTroducTion

Rencontre du 20 novembre 2014

Grand oral

Heinz WismannPhilosophe et philologue, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales

en partenariat avec le 25ième Festival International du Film d’Histoire de Pessac consacré à « l’Allemagne »

« Jury » présidé par Christophe LUCET, journaliste au journal Sud Ouest

jeudi 20 novembre 2014 15h00 - 19h00 • Cinéma Jean Eustache

Rencontre du 20 novembre 2014

revue de presse <<

Homme de Passages

Heinz Wismann est indubitablement allemand, mais les hasards de l’existence l’ont conduit en France, où il a déroulé une longue carrière de philologue et de philosophe. Son existence, à la charnière des deux nations sur lesquelles se bâtit à petits pas l’identité européenne, a fait de lui un homme passerelle, que résume à merveille le titre de la collection qu’il a dirigée durant plus de vingt ans aux éditions dominicaines du Cerf : « Passages ».

Alors que la 25e édition du Festival de Pessac, qui bat son plein (2), est consacrée à l’Allemagne, vingt-cinq ans après la chute du Mur, la présence de ce grand intellectuel né à Berlin tombe à pic. Car Heinz Wismann peut témoigner de la renaissance de son pays après « l’année zéro » de 1945, tout en cultivant ce regard distancié qui fait tout l’intérêt de son parcours et de sa pensée.

allemagne année zéroIl avait 10 ans dans les ruines de Berlin lorsqu’il dut fuir les bombardements en charrette avec sa mère et sa sœur – le père était mort sur le front de l’Est – pour rejoindre une tante à Münster, en Westphalie, dans le nord-ouest de l’Allemagne. Réfugiée dans une cave, la famille dut attendre

1952 pour pouvoir emménager dans un vrai appartement, après avoir connu les privations des années de reconstruction. Fou de mythologie grecque, rêvant d’une carrière de comédien et… de footballeur, le jeune Allemand découvrit la France en 1958 à la faveur d’une bourse et fit la rencontre de sa vie, celle de l’helléniste et philologue Jean Bollack.

Les heures et les jours passés à disséquer Empédocle et les présocratiques grecs avec ce maître font partie de ses souvenirs les plus marquants : car la Grèce ancienne, sa civilisation, sa vision du monde, ont structuré la pensée de Heinz Wismann tout autant que la fréquentation de Kant et de la philosophie idéaliste allemande. Et en découvrant la France, sa langue, sa civilisation, ses modes de pensée, il a eu l’intuition d’un dialogue secret entre une Allemagne « grecque » et une France « romaine », qui structure la relation entre les deux pays.

Aussi français qu’allemand, Wismann, qui a enseigné à la Sorbonne, à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), et continue de participer activement à la vie intellectuelle des deux côtés du Rhin, a développé une « pensée

réflexive » qui est une mise à distance des identités. Allemand en France, français en Allemagne, il est surtout un « Luftmensch », c’est-à-dire un piéton aux semelles de vent qui n’est jamais tout à fait là où on l’attend, et refuse d’être assigné à résidence.

Cette position tout sauf facile, Wismann en puise l’origine dans l’arrachement de l’exil, transformant celui-ci en énergie positive. « Nous ne sommes vrais avec nous-mêmes et avec les autres que dans la mesure où nous savons que nous sommes tous en exil », assure le philosophe, qui ajoute : « Ceux qui prétendent ne pas l’être sont justement tombés dans le piège identitaire. » Ce piège, qui est celui de l’enfermement dans des « identités » aussi fantasmées que figées, conduit droit au communautarisme.

Des langues si différentes Wismann y oppose la « pensée réflexive », qui installe l’individu dans un écart propice à la meilleure compréhension de soi, du monde et des autres. Un écart difficile à tenir et même risqué, il en convient volontiers, mais qui lui paraît plus conforme au projet humaniste et au progrès de la civilisation.

Observateur perspicace des langues et de la façon dont elles organisent notre rapport au monde, Heinz Wismann développe un parallèle stimulant entre le français, cette « langue de cour entièrement artificielle où l’on parle d’une chose sans en parler, ce qui permet de saisir les nuances à peine exprimées », et l’allemand, « dont la richesse lexicale et grammaticale débordante est orientée vers l’action ». Cette différence – et bien d’autres encore qui distinguent Français et Allemands – est au cœur du face-à-face historique des deux nations. « Le dialogue secret entre une Allemagne ‘‘grecque’’ et une France ‘‘romaine’’…»

Sud Ouest, 20 novembre 2014, Christophe Lucet

HeinZ Wismann le plus français des philosophes allemands tient son grand oral au festival de Pessac, consacré à l’allemagne

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Wismann sur un filHeinz Wismann est un funambule de l’identité. Un de ces intellectuels que l’on a envie de suivre dans leur numéro d’équilibriste à des hauteurs où l’air semble plus pur et le monde moins chaotique.

Hier soir à Pessac, lors des Rencontres Sciences Po « Sud Ouest », il a entraîné une salle pleine à craquer sur ce fil qui le relie à deux cultures, celle d’un Allemand né à Berlin en 1935 et d’un Français d’adoption, pays où il s’est installé dans les années 1960.

Ce phi lo logue et philosophe allemand s’est brillamment plié à l’exercice en cheminant, d’une voix douce, de concepts profonds à des raisonnements éclairants, en passant des faits historiques à des anecdotes savoureuses et drôles. Dans le cadre du Festival international du film d’histoire de Pessac consacré, cette année, à l’Allemagne, il a raconté, bien plus qu’expliqué, le concept « d’identité réflexive ». L’idée d’un vide entre les langues et les cultures.

« On navigue entre les deux, d’un point fixe à un autre, comme un funambule sur son fil. On est évidemment tiraillé. On a toujours envie d’aller de l’autre côté, d’être ce que l’on n’est pas. »

Il en est ainsi de la relation franco-allemande. Elle nécessite un saut entre un pays protestant, celui de la Réforme, à celui de la Contre-Réforme, plus romantique et impressionniste. « Dans les pays de la Contre-Réforme, on arrive

en retard. En Allemagne, c’est impossible. Les protestants ont supprimé le pardon des péchés véniels. Il faut être impeccable. » Et donc arriver à l’heure…

Deux univers linguistiques et culturels si différents, qu’il est si enrichissant de découvrir, mais dont il est aussi si difficile de

s’extraire. « Une perfection ne peut s’acquérir qu’au prix d’une perfection à laquelle on renonce. »

Ce va-et-vient identitaire est le ciment de la pensée d’Heinz Wismann et s’oppose au repli identitaire.

On comprend bien qu’il n’est pas aisé de renoncer au sentiment d’être chez soi, quelque part, pour être ailleurs. La perception très différente des traités et des textes juridiques entre l’Allemagne et la France est ainsi « un obstacle majeur

à la construction européenne ». « En Allemagne, on se réfère au texte. En France, on fait de la politique, on pratique l’art de la négociation. Le Français est plus léger dans son approche. L’Allemand préfère la solidité d’un traité. » Et nos voisins nous reprochent finalement de ne pas franchir ce pas, renoncer à une part de ce qu’on est pour

s’abandonner dans la rigueur d’un texte au lieu de se risquer aux incertitudes de la politique.

Mais ne s’agit-il pas tout simplement de clichés, d’idées reçues sur l’autre ?

« Un cliché reflète une expérience qui a été réelle. Une idée fausse repose sur un fait vrai », répond Heinz Wismann à la question d’un des trois étudiants de Sciences Po. Cliché que l’on peut aussi trouver dans la manière de composer de la musique, terrain sur lequel l’éditorialiste de « Sud Ouest », Christophe Lucet, a amené le philosophe.

« Le rapport à la musique est très différent. » L’œuvre « totale, voire totalitariste, de Wagner » n’est pas écoutée de la même façon d’un côté et de l’autre du Rhin. Le mythe wagnérien, c’est-à-dire une explication totale de la réalité rapportée à l’œuvre musicale, n’est pas le moindre des contrastes entre l’Allemagne et la France. « Alors que Rameau est si Français », sourit Heinz Wismann.

« Une perfection ne peut s’acquérir qu’au prix d’une perfection à laquelle on renonce ».

Sud Ouest, 21 novembre 2014, Bruno Béziat

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>> revue de presse

Une perfection ne peut s’acquérir

qu’au prix d’une perfection à laquelle

on renonce.

Heinz Wismann

‘‘’’

Rencontre du 20 novembre 2014

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Rencontre du 4 décembre 2014

soyeZ Heureux ! grand oral de

Serge Klarsfeldécrivain, historien et avocat, président de l’association des fils et filles des déportés Juifs de france, vice-président de la fondation pour la mémoire de la shoah

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Rencontre du 4 décembre 2014

inTroducTion

L es Rencontres Sciences Po/Sud Ouest ont pour vocation de faire découvrir, à l’occasion de leurs Grands Oraux, des personnalités dont le parcours et l’œuvre sont dignes d’intérêt et parfois même

tout à fait exceptionnels. Avec Serge Klarsfeld nous sommes face à un engagement exceptionnel qui constitue l’œuvre d’une vie : la poursuite des criminels nazis et de leurs complices et un travail patient, fastidieux de mémoire pour reconstituer l’identité et l’itinéraire des 76 000 déportés Juifs de France. Telle est l’œuvre de cet avocat, historien qui préside l’association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France. Cette quête de vérité l’a poussé avec sa femme, Beate, à traquer par tous les moyens d’anciens nazis comme Klaus Barbie et à dépouiller inlassablement les archives. Une vie de combat obstiné pour que soient jugés à Cologne en 1979, Kurt Lischka, Herbert Hagen , Ernst Heinrichsohn, trois des principaux responsables de la Solution finale en France, que soient inculpés les Français René Bousquet ou Jean Leguay et jugé et condamné Maurice Papon en avril 1998 pour complicité de crime contre l’humanité. À la fois militant et activiste de la mémoire, Serge Klarsfeld s’est forgé une véritable légende de « traqueur de nazis » mais a aussi réussi à extraire de l’oubli génocidaire les victimes de la Shoah, dans un livre monument, « Le mémorial de la déportation des Juifs de France », en restituant notamment une image pour chacun des enfants déportés. Alors que la nouvelle du décès d’Alois Brunner - l’un des derniers responsables de la Solution finale-, il y a quatre ans en Syrie, vient de nous parvenir, le combat de Serge Klarsfeld est-il toujours d’actualité ? On peut supposer que compte tenu de propos et publications récents sur la période de Vichy, Serge Klarsfeld répondra sans doute à cette question des étudiants de Sciences Po Bordeaux par l’affirmative.

Sarah Azens (4ème année), Amélie Chalard (1ère année), Sydney Chandler-Fry (3ème année), Ève Dusacre (1ère année), Laure Etcheto (4ème année), Alexandre Fongaro (4ème année), Anaïs Godet (3ème année), Apolline Hauet (3ème année), Charlotte Heim (1ère année), Sarah Khlifi (1ère année), Quentin Léon (1ère année), Adèle Lepage (1ère année), Vincent Le Régent (1ère année), Camille Levy (4ème année), Ana Mylonas (1ère année), Émeline Petton (1ère année), Marie-Lise Picard (4ème année), Alice Provost (3ème année), Lola Rouxel (1ère année), Camille Ruiz (3ème année) et Simon Tazi (3ème année) ont activement préparé ce Grand Oral, épaulés par Fanny Saint-Martin, Professeure agrégée d’histoire et Bernadette Dubourg, journaliste à Sud Ouest.

Je remercie toute cette équipe ainsi que le Mémorial de Shoah qui nous a aidés dans la réalisation de cette Rencontre.

FTG

1 Ceux-ci sont directement impliqués dans la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, René Bousquet en tant que secrétaire général à la police de Vichy en zone occupée, et Jean Leguay en tant que délégué du premier. Tous deux sont morts avant que leurs procès n’aient pu avoir lieu.

2 Maurice Papon a été secrétaire général de la préfecture de la Gironde à partir de juin 1942 où il a dirigé le « bureau des questionsjuives ».

« Jury » présidé par Bernadette DUBOURG, journaliste au journal Sud Ouest

Jeudi 4 décembre 2014 • Sciences Po Bordeaux • 17h - 19h

En partenariat avec le Mémorial de la Shoah et la librairie Mollat

Rencontre du 4 décembre 2014

revue de presse <<

serge Klarsfeld, le cHasseur de naZis

Il atraqué les nazis. Contribué aux procès de Klaus Barbie à Lyon (1987), du milicien Paul Touvier à Versailles (1994) et du haut fonctionnaire de Vichy Maurice Papon, à Bordeaux (lire par ailleurs). Et milité pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la Shoah. Serge Klarsfeld se consacre aujourd’hui à entretenir la mémoire des victimes juives de la déportation.

Avec l’association Fils et filles de déportés juifs de France, créée en 1979 et qu’il préside toujours, il poursuit la mise à jour du « Mémorial de la déportation des Juifs de France », un ouvrage entrepris il y a quarante ans qui rassemble les noms, âges, lieux d’arrestation et de déportation de 76 000 Juifs de France durant la Seconde Guerre mondiale (1). Dont son père, Arno, arrêté à Nice en 1943 et déporté à Auschwitz.

Avocat et historien, mais surtout « militant de la mémoire », Serge Klarsfeld est l’invité de la rencontre

Sciences Po / « Sud Ouest » jeudi à Bordeaux, en partenariat avec le mémorial de la Shoah (2).

« sud ouest ». Quel souvenir gardez-vous du procès de maurice Papon à bordeaux ?Serge Klarsfeld. Un excellent souvenir, et en même temps, ce fut difficile. Nous étions venus en prévision d’un verdict, on voulait que Maurice Papon soit condamné. On s’est beaucoup battus, on a été très isolés pendant le procès, mon fils, moi-même et l’association. Le procès s’est terminé comme on le souhaitait. Si Maurice Papon avait été acquitté, cela aurait été un souvenir catastrophique.

Quel enseignement retenez-vous de ce procès ?En 1945, on a demandé à la société politique française son point de vue sur le sort des Juifs en France : à part Pétain et Laval, personne ne s’était sali les mains. La police et

les préfets ont été plus ou moins exonérés. À la fin du siècle, on a reposé la question grâce à la longévité de Papon. La réponse a été différente : du préfet au gendarme, ceux qui ont mis la main dans l’arrestation et la déportation des Juifs avaient eu tort. Le procès a apporté un point final.

Quels combats menez-vous aujourd’hui ?Je me bats pour la mémoire, pour qu’elle reste vivante dans la cons-cience des gens. Mais il y a d’autres inquiétudes qui surgissent.

Comme un parti d’extrême droite ou de droite extrême, dangereux pour les valeurs qui sont les nôtres. Si la responsable du Front national est présidente de la République, elle rétablira plus ou moins le culte de Pétain, elle reconstruira le bouclier et le glaive. Le climat n’est pas le même que dans les années 1940, mais ça le rappelle.

Le fondamentalisme islamique qui

serge Klarsfeld, 79 ans, historien, avocat, président de l’association fils et filles de déportés juifs de france, se présente d’abord comme « un militant de la mémoire »

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s’active est aussi une menace. Une de nos adhérentes a été assassinée à Bruxelles. Ce qui est arrivé hier peut toujours se reproduire, c’est un combat incessant. Il existe aussi des menaces contre Israël, et la mémoire de notre passé.

Quelle est l’origine de votre engagement ?Le premier déclic, c’est quand je suis allé en 1965 à Auschwitz-Birkenau. J’étais tout seul. J’ai ressenti une très forte impression. Ma génération a vu la destruction des Juifs et la renaissance d’un État juif, c’est exceptionnel.

En 1967, j’étais volontaire pour la guerre en Israël, et en même temps, j’ai rencontré mon épouse qui a commencé sa campagne contre le chancelier allemand, Kiesinger, qui avait un lourd passé nazi. Beate poursuit surtout son action en Allemagne. Elle a été l’un des principaux candidats à la présidence de la République en 2012, elle est toujours très active. C’est une voix qui se fait entendre pour une partie de l’opinion.

Pourquoi vous êtes-vous particulièrement intéressé aux enfants victimes ?Les enfants sont encore plus innocents que les adultes. Le monde s’est privé de beaucoup de richesses. Les enfants juifs ne sont pas morts d’un crime de guerre, mais d’un crime contre l’humanité. Je travaille à l’additif numéro 11 de notre mémorial. 4 700 enfants ont leur photo. Les sources sont très difficiles, on fait tout notre possible pour remuer encore des archives. On arrivera, je pense, à dépasser la moitié, c’est-à-dire 5 500 à 6 000 des 11 400 enfants déportés.

Quel est votre lien avec israël ?C’est le coeur qui parle. Une relation très profonde, la dignité des Juifs retrouvée après la guerre. Un pays cher à mon coeur qui m’a offert la nationalité israélienne pour services rendus. J’adore la France, c’est mon pays. Je suis fier que Beate soit commandeur de la Légion d’honneur et moi-même grand officier, c’est formidable pour des gens qui sont nés à Berlin et à

Bucarest. J’aime aussi l’Amérique, qui nous a rendu la liberté.

Que pensez-vous de la reconnaissance de l’état palestinien ?Il vaut mieux attendre les négociations. Il y a deux Palestine, qui ont un point de vue très différent, la Cisjordanie et Gaza. Les problèmes seraient résolus en quelques minutes si les Palestiniens qui ne reconnaissent pas Israël le faisaient. Au Moyen-Orient, on va dans le sens contraire. Les chrétiens d’Orient sont liquidés, les Kurdes sont en difficulté. Les fondamentalistes musulmans veulent faire place nette, nous sommes dans une situation impossible aujourd’hui, on ne peut pas avancer.

(1) Serge Klarsfeld a publié de nombreux autres ouvrages.

(2) Rencontres Sciences Po/ « Sud Ouest », jeudi 4 décembre à 17 heures, à l’Institut d’études politiques, 11, allée Ausone, à Pessac. Entrée libre.

« Ma génération a vu la destruction des Juifs et la renaissance d’un État juif, c’est exceptionnel »

Sud Ouest, 3 décembre 2014, Bernadette Dubourg

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« soyeZ Heureux ! »HisToire c’est un message teinté d’optimisme qu’a délivré hier soir serge Klarsfeld, qui a consacré sa vie à la mémoire de la shoah

En 1943, dissimulé derrière une cloison, Serge Klarsfeld a échappé par miracle, à Nice, aux hommes de la Gestapo venus arrêter son père qui ne reviendra pas d’Auschwitz. Il avait 8 ans. Ce drame, qui a servi de fil rouge à une existence vouée à la mémoire de la Shoah, n’a pas fait de ce miraculé un homme dévasté par le ressentiment et la rancune.

« Soyez heureux ! » a-t-il lancé hier soir aux étudiants venus le

questionner et l’entendre lors du grand oral de Science Po / « Sud Ouest ». Avocat et historien, Serge Klarsfeld a réussi sa vie malgré une enfance marquée au fer rouge de l’antisémitisme et de la persécution. Il n’est pas loin de juger totalement malvenu le pessimisme ambiant. Les jeunes générations n’ont pas lieu de se plaindre.

« Depuis l’Empire romain, il n’y a jamais eu de période de paix aussi

longue, vous n’avez pas connu l’Occupation, vous vivez trente ans de plus que vos grands-parents, vous n’avez jamais eu faim et il y a tellement de progrès… » Mais en ce qui le concerne, à 79 ans, la messe n’est pas loin d’être dite. « L’essentiel a été fait. »

Il ne s’en attribue pas la paternité. L’essentiel, c’est sa femme, Beate, « le seul homme de la famille », qui l’a accompli. En 1967, cette Berlinoise

avait été congédiée de l’Office franco-allemand pour la jeunesse pour avoir dénoncé la nomination comme chancelier de Kurt Georg Kiesinger, un ancien nazi. De cette révolte est né un combat qui a traversé plusieurs décennies.

Que de patience et de ténacité pour amener un criminel SS ou un de ses complices français dans un prétoire. Seize ans auront été nécessaires pour faire condamner Maurice Papon, l’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde. L’accusé n’était pas antisémite, n’avait pas manifesté de zèle excessif, protégeant même quelques Juifs « intéressants ».

Le procès était à hauts risques, l’issue incertaine « S’il avait été acquitté, cela aurait été une catastrophe. Cela signifiait que du préfet jusqu’aux gendarmes, tout le monde avait les mains propres. » Pendant six mois, Serge Klarsfeld et ses proches ont milité pour une

peine modérée en phase avec un homme qui n’avait fait qu’obéir. Il réclamait dix ans, il les a obtenus envers et contre tous.

La pondération et la mesure n’empêchent pas la détermination et la conviction. Ni la lucidité. Israël reste plus que jamais un refuge. « Si cet État avait existé à

l’époque, je ne pense pas qu’il y aurait eu la Shoah. Le génocide des Juifs paraissait impensable. Le peuple allemand était l’un des plus

avancés de l’Europe. Et pourtant… » Le temps l’a rendu philosophe et un brin fataliste.

« En 1972, j’ai reçu un colis piégé, un paquet de bonbons rempli de dynamite et de clous. En 1979, une bombe a détruit la voiture que je devais conduire. C’est l’hommage que vous rendent vos ennemis. » Ils n’ont pas forcément désarmé. Si Serge et Beate Klarsfeld se promènent désormais sans chaperon, leur fils Arno est placé depuis trois mois sous protection policière.

« Si Maurice Papon avait été acquitté, cela aurait été une catastrophe »

« Si Israël avait existé à l’époque, je ne pense pas qu’il y aurait eu la Shoah »

Sud Ouest, 5 décembre 2014, Dominique Richard

‘‘ Soyez heureux ! Depuis l’Empire romain, il n’y a jamais eu de période de paix aussi longue, vous n’avez pas connu l’Occupation, vous vivez trente ans de plus que vos grands-parents, vous n’avez jamais eu faim et il y a tellement de progrès …’’

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Rencontre du 11 décembre 2014

faut-ilavOiR PEuR DESrobots ?Table ronde « Demain les savoirs » en partenariat avec le Crédit Mutuel du Sud - Ouest

Olivier LY

Chercheur au Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique ( LaBRI ), maître de conférences, Université de Bordeaux

Marina Maestrutti

Docteure en épistémologie, histoire des sciences et des techniques, maître de conférences en sociologie, Paris 1 Panthéon Sorbonne

Jean-Bernard Perrein

Médecin généraliste, président de la commission e-santé de l’Union Régionale des Médecins Libéraux d’Aquitaine

Yassine Serhrouchni

Responsable de secteur pour la société Génération Robots

« Jury » présidé par Laurie BOSDECHER, journaliste au journal Sud Ouest

Jeudi 11 décembre 2014 17h00 - 19h00 • Sciences Po Bordeaux

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C e n’est guère nouveau, l’homme entretient une relation ambivalente à la technique. Il en est le créateur et elle lui a permis d’avoir une plus grande maîtrise sur son environnement. Mais il n’en est

pas le maître absolu. Avec des conséquences parfois négatives et imprévues la technique a de tous temps engendré des effets anxiogènes. Les robots ont connu un développement accéléré, ils sont capables de rendre à l’homme des services qui vont du quotidien le plus ordinaire à la découverte spatiale, de la médecine aux applications militaires etc. Non loin de l’Institut d’Études Politiques sur le campus de Talence, le Laboratoire bordelais de recherche en informatique (LaBRI) construit des robots et participe à la robocup internationale de football. Au-delà du côté ludique de la chose, les progrès semblent ne plus devoir s’arrêter et restent finalement encore peu connus du grand public, même si l’actualité récente commence à pointer du doigt l’ampleur des changements qui s’annoncent. Les robots vont - ils nous libérer des tâches les plus répétitives et les plus aliénantes ? Sans doute, mais comment gérer les pertes d’emplois qui vont accompagner ces bouleversements ? L’homme est aujourd’hui capable de créer des robots dits androïdes, des cyborgs, des robots humanoïdes ayant une intelligence artificielle, mais aussi de robotiser l’humain pour améliorer ses capacités biologiques, tant et si bien que l’hybridation entre l’homme et la machine pourrait conduire à une symbiose entre les deux. Serions-nous à l’aube d’une nouvelle humanité, d’une humanité augmentée ? Si les théoriciens transhumanistes s’en réjouissent, faut-il s’en inquiéter et quel encadrement juridique, éthique prévoir ? L’intelligence technicienne volée à Zeus par Prométhée sous la forme du feu constitue dans la mythologie

grecque une première étape émancipatrice, il faut cependant nous raconte Platon, qu’Hermés apporte à l’homme une autre forme de génie : le sens de la justice et de la morale. Sont posées dès l’Antiquité des bases sans doute toujours valables qui pourraient peut-être nous aider à vivre en bonne entente avec les robots.

La teneur de cette table ronde consacrée à la robotique s’annonce extrêmement riche et variée, car outre un nécessaire état des lieux sur les techniques et les réalisations les plus novatrices, les enjeux qui seront soulevés seront de nature philosophique, économique et sociétale. Pour en débattre, nous avons invité : Olivier Ly, chercheur au Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique ( LaBRI ), maître de conférences, Université de Bordeaux, Marina Maestrutti, docteure en épistémologie, histoire des sciences et des techniques, maître de conférences en sociologie, Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne, Jean-Bernard Perrein, médecin généraliste, président de la commission e-santé de l’Union Régionale des Médecins Libéraux d’Aquitaine et Yassine Serhrouchni, responsable de secteur pour la société Génération Robots.

Anna Arutunian (5ème année), Maurice Chapot (4ème année), Joséphine Duteuil (3ème année), Thomas Laurent (5ème année), Hadrien Schmitt (3ème année) ont été aidés dans l’élaboration de cette table ronde par Dany Verhnes, professeure de géographie et par Laurie Bosdecher, journaliste à Sud Ouest. Un grand merci à toute cette équipe ainsi qu’au Crédit Mutuel du Sud Ouest partenaire de notre Rencontre « Demain les savoirs ».

FTG

inTroducTion

Rencontre du 11 décembre 2014 Rencontre du 11 décembre 2014

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Table ronde à 17 Heures ce JeudiAssistons-nous à une « robolution », comme le pense Bruno Bonnell, PDG d’Awabot et président de Syrobo, le syndicat français de la robotique de services ? Quels usages faisons-nous aujourd’hui des robots ? Quels sont ceux qui émergeront demain ? Où en est la recherche ? L’arrivée des robots dans nos vies ne demande-t-elle

pas des garde-fous juridiques et éthiques ?

Quatre invités, Olivier Ly, chercheur au LaBRI à Bordeaux, la sociologue Marina Maestrutti, Yassine Serhrouchni, de Génération Robots, et le médecin généraliste Jean-Bernard Perrein répondent à ces questions ce soir de 17 à

19 heures lors de la table ronde Demain les savoirs intitulée : « Faut-il avoir peur des robots ? »

Organisé dans le cadre des Rencontres Sciences Po Bordeaux - « Sud Ouest », l’événement a lieu dans l’amphithéâtre Montesquieu, à l’IEP, 11, allée Ausone, à Pessac. Entrée libre.

Sud Ouest, 11 décembre 2014

le roboT, un ami ?l’emploi, la technologie. mais aussi l’émotion

Beaucoup d’informations, et de nombreuses questions encore en suspens. Hier, Sciences Po et « Sud Ouest » proposaient une incursion détaillée en pleine « robolution ». Deux heures d’échanges, animés par la journaliste Laurie Bosdecher, qui avaient ceci de passionnant et de stupéfiant que cette révolution robotique n’est pas pour après-demain. Ni pour demain. Elle est en marche, actuellement, sur tous les fronts : santé, administration, aide à la personne, métiers agricoles, enseignement...

Comme toutes les révolutions, il peut en sortir le pire et le meilleur, selon la part qu’y prennent l’homme et les pouvoirs publics. « On pourrait comparer au nucléaire ou aux nanotechnologies... La question n’est pas : faut-il avoir peur, mais qu’en fait-on ? » résume Yassine Serhrouchni, de la société Génération robots.

Qu’en fait-on, par exemple, dans un marché de l’emploi en tension ? « Une entreprise s’est donné comme but d’assurer le découpage de la viande dans les abattoirs grâce à un robot. Il remplacera certes un emploi. Mais si on regarde ce

cas précis, le travail en question consiste à découper la viande par deux degrés, c’est un travail difficile, mécanique... Est-ce vraiment un problème si un robot prend le relais ? » s’interroge Olivier Ly, chercheur au Labri (Laboratoire de recherche en informatique). « Les robots interviennent dans des tâches répétitives, qui ne rapportent pas toujours beaucoup d’argent. Il faut trouver des solutions en termes d’emploi, c’est un problème complètement politique », estime Jean-Bernard Perrein, médecin généraliste.

Il y a le « dur », le matériel, l’emploi. Mais les robots ébranlent aussi nos sentiments. Un robot peut-il produire des émotions ? Devenir un allié contre la solitude ? Peut-être... un ami ? « Il est encore difficile de simuler des émotions, de trouver une vraie compagnie avec les robots. L’un des enjeux actuels de la recherche en intelligence artificielle, c’est de « tchater », d’inventer un programme qui établit une discussion. Si, pendant plusieurs années, il dialogue tous les jours avec une machine, l’utilisateur va s’y

habituer, s’y attacher probablement », indique Olivier Ly.

« Le robot ne prend pas la place d’une personne. Un robot de compagnie est un objet comme un autre, comme la télévision. La télé nous aide-t-elle à nous sentir moins seuls ? Oui et non. En tout cas, la technologie n’est pas neutre émotionnellement », ajoute la sociologue Marina Maestrutti, avant d’évoquer les possibles transformations du genre humain au contact de ces innovations technologiques. « On parle de transhumanisme. C’est l’idée selon laquelle, à un certain moment, le développement technologique se rapproche tellement de nos corps qu’il finit par nous changer. Il y a l’»humain augmenté», tout ce qu’on a en plus (canne, téléphone, prothèses diverses...), et l»’humain amélioré» (plus intelligent, plus fort, qui vit plus longtemps...). Des «techno-utopistes» rêvent d’immortalité. Des «techno-pessimistes» s’inquiètent. Il ne faut être ni positif ni négatif : il faut savoir rester critique, regarder les choses avec distance. »

Sud Ouest, 12 décembre 2014, Julien Rousset

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Rencontre du 11 décembre 2014 Rencontre du 11 décembre 2014

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Rencontre du 22 janvier 2015

Catherine MILLeTCritique d’art, commissaire d’exposition, écrivain, fondatrice et directrice de la rédaction de la revue art press

« Jury » présidé par Julien ROUSSET, journaliste au journal Sud Ouest

En partenariat avec l’association Permanences de la littérature et la librairie La Machine à Lire

jeudi 22 janvier 2015 17h00 - 19h00 • Sciences Po Bordeaux

Grand oral de

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E n invitant Catherine Millet au Grand Oral des Rencontres Sciences Po / Sud Ouest nous avons la conviction d’accueillir quelqu’un de libre, hors des écoles et des chapelles, loin des préjugés. Issue de la génération 1968, ayant

fait ses débuts de critique aux Lettres françaises alors dirigées par Louis Aragon, et transité par l’aventure Tel Quel, elle fonde art press en 1972, mensuel exigeant, qui ne se contente pas de parler d’art mais de littérature et de sujets de société plus larges. L’histoire de ce magazine qui s’inscrit dans la durée a toujours été guidée par un véritable esprit de liberté, ne serait-ce que par son mode de fonctionnement économique. La critique d’art Catherine Millet s’est imposée dans le domaine de l’art contemporain comme une experte internationalement reconnue. Son parcours qui croise aussi les débuts du CAPC à Bordeaux, peut nous permettre d’aborder les grandes mutations de ce secteur : élargissement de la notion d’art, éclatement et porosité des formes, emprise du marché de l’art sur la valeur des œuvres. Les étudiants des masters culturels de l’IEP y trouveront grande matière à réflexion. Elle peut également témoigner des bouleversements idéologiques intervenus depuis les années soixante-dix sous un angle sociétal et intellectuel. Mais Catherine Millet est aussi écrivain. Elle entre en littérature sans concession, par le scandale de son livre « La vie sexuelle de Catherine M. » en 2001 qui a connu un véritable succès de librairie et a été traduit dans une vingtaine de langues. Si l’ouvrage a surpris voire choqué, c’est sans doute qu’il est à plus d’un titre hors normes, une présentation clinique de sa vie sexuelle par une femme qui ne se revendique pas du féminisme. Travail distancié à l’extrême, presque froid, « La vie sexuelle de Catherine M. » est une mise à distance de l’intime, indissociable pour l’auteure de l’acte d’écriture. Depuis, Catherine Millet a poursuivi l’introspection et confirmé ses talents d’écrivain en donnant des clefs sur sa personnalité dans « Jour de souffrance » ou dans le récent « Une enfance de rêve » salué par la critique. Les étudiants ont été nombreux à venir préparer son Grand Oral, sans doute aussi attirés par les multiples facettes de ce personnage qui reste mystérieux :

Anna Arutunian (5ème année), Fanny Brunet (1ère année), Guillaume Charron (1ère année), Garance Delaunay (3ème année), Flora Fettah (3ème année), Marie Georges (3ème année), Margot Hervée (4ème année), Clémentine Lamendin (3ème année), Laura Largillet (5ème année), Clara Morand (3ème année), Laure Playoust (5ème année), Victoire Stahl (5ème année), Théo Tournemille (1ère année).

Je remercie toute cette équipe ainsi que l’association « Permanences de la littérature », particulièrement Didier Arnaudet et Marie-Laure Picot qui nous ont aidés dans le montage et la préparation de cette rencontre. Un grand merci aussi à Julien Rousset journaliste à Sud Ouest.

FTG

1 La vie sexuelle de Catherine M, Seuil, 2001. Jour de souffrance, Flammarion, 2008. Une enfance de rêve, Flammarion, 2014.

Rencontre du 22 janvier 2015 Rencontre du 22 janvier 2015

revue de presse <<

« il aPPuie là où ça faiT mal »catherine millet est l’invitée, cet après-midi, de 17 à 19 heures, des rencontres sciences Po - « sud ouest » (entrée libre, à sciences Po, 11, allée ausone à Pessac).

Il sera question d’art contemporain, de politique culturelle et de littérature, Catherine Millet s’affirmant, depuis une quinzaine d’années, dans l’écriture. L’auteur, en 2001, de « La Vie sexuelle de Catherine M. » défend avec énergie « Soumission », le dernier roman de Michel Houellebecq paru début janvier.

« Une fois de plus, il appuie là où ça fait mal dans le corps social. Il n’y a rien d’islamophobe dans son livre, ceux qui l’amalgament à d’autres figures racistes doivent être ignorants des ressorts élémentaires de la littérature que sont le second degré, l’ironie, la satire. Beaucoup de ceux qui l’attaquent ne veulent pas être dérangés dans leur angélisme. Ils refusent de voir toutes les petites lâchetés ordinaires de notre société qui, si on en suivait la logique jusqu’au bout, nous mettraient dans une situation pas si éloignée de celle décrite dans «Soumission».

Sud Ouest, 22 janvier 2015

« l’arT d’une éPoQue »En 1965, Catherine Millet a 17 ans. C’est une jeune fille qui grandit à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), qui lit beaucoup, mais n’est encore jamais allée au musée. En séjour linguistique à Londres avec des amies, elle visite la Tate Gallery et se trouve face à un tableau de l’artiste italien Lucio Fontana. Une toile fendue, lacérée. Ses copines rient, passent leur chemin. Catherine Millet s’arrête, cherche à comprendre. L’artiste a-t-il voulu saccager le tableau ? Ou ouvrir, à la surface de la toile, un nouvel espace ? C’est le tout premier contact avec l’art contemporain de celle qui créera, en 1972, la revue « Artpress ». Un mensuel devenu la revue de référence pour ce nouveau chapitre de l’histoire de l’art, dont la journaliste et écrivaine analyse depuis quarante ans les transformations.

« sud ouest ». Quand datez-vous l’apparition de « l’art contemporain » ?Catherine Millet. Quelque part entre 1960 et 1969... Nous assistons dans les années 1960 et 1970 à une avalanche d’avant-gardes (pop art, body art, land art, art conceptuel, arte povera...) qui ont en commun de rompre avec la peinture et la sculpture traditionnelles, de redéfinir complètement la pratique artistique, de s’interroger sur l’art lui-même. En 1977 ouvre le Centre Pompidou, un projet porté par un président de la République en personne. Les années 1980 sont marquées par des ventes mirifiques, une course à la spéculation, tandis que la politique culturelle de la gauche démultiplie les institutions accueillant l’art, notamment en région. Jean-Louis Froment, ancien directeur du CAPC à Bordeaux, a parlé de « l’époque de l’art contemporain », au sujet, sans doute, de ces années 70 et 80.

où en est-on aujourd’hui ?Le paysage est multiple, atomisé. Le nombre de musées, de galeries, a considérablement augmenté. Les biennales se sont

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multipliées, tout comme le nombre de foires d’art (Fiac à Paris, Cologne, Bâle, Bologne, New York...).

Quel bilan tirez-vous de cette diffusion d’un art longtemps très minoritaire ?J’appartiens à une génération qui s’est intéressée à des formes extrêmes, radicales, de la recherche dans le domaine de l’art. On a bataillé dur ! Le paysage s’est transformé, mais il y a beaucoup de fausses valeurs, de l’intoxication médiatique, de la concurrence entre des institutions avides d’exposer des artistes « à la mode ». Quand je vais dans une exposition d’art contemporain, je me demande si les gens viennent par curiosité authentique ou pour accomplir ce qui est devenu une forme d’obligation sociale.

selon le centre Pompidou, 280 000 personnes ont visité depuis le 26 novembre l’exposition consacrée à l’artiste américain Jeff Koons. un record pour le musée...Le problème avec ce genre

d’exposition est que, médiatiquement, elle écrase tout le reste. Le travail de Koons nous intéressait dans les années 80, car il y avait une part de provocation, un jeu avec le « bon goût » et avec le kitsch commercial qui nous entoure. Mais je me demande si tout le monde perçoit ce second degré, si Jeff Koons lui-même a conservé cette forme d’ironie. Il a acquis une telle notoriété mondiale, il est dans une telle logique de production...

sur le marché de l’art, certains collectionneurs paraissent plus puissants que jamais : françois Pinault, bernard arnault...Et ces « collectionneurs vedettes » semblent de plus en plus « prescripteurs » : ils ont de l’influence sur les choix des institutions publiques, alors que le prescripteur, auparavant, était davantage le directeur d’une galerie, un conservateur de musée, un critique. Ils développent leur propre espace d’exposition : Fondation Louis- Vuitton à Paris pour LVMH, Palazzo Grassi à Venise pour François Pinault...

les oeuvres d’art ne sont pas

assujetties à l’impôt sur la fortune. Qu’en pensez-vous ?C’est une mesure qu’il faut préserver car elle a permis que se constituent en France un marché de l’art dynamique et de nombreuses collections. Y compris chez les professions libérales, qui forment, pour les galeries, une clientèle régulière, fidèle, discrète. Contrairement aux idées reçues, l’investissement dans l’art reste très incertain. La cote d’un artiste peut énormément fluctuer.

beaubourg, guggenheim, fondation Vuitton... l’architecture muséale ne ravit-elle pas la vedette aux oeuvres exposées ?J’observe plutôt une forme d’émulation : les architectes produisent des musées comme des sculptures et les artistes font des oeuvres « in situ », qui interprètent l’espace dans lequel ils interviennent. Sur cette question, souvenons-nous de la réponse ironique de Daniel Buren, qui, invité en 1991 à imaginer une oeuvre pour le CAPC à Bordeaux, a choisi d’installer un immense miroir... où se reflétait la très belle architecture du site.

l’art contemporain vous semble-t-il accessible sans bagage théorique, sans détour par le discours, simplement sur la base d’une émotion, d’une étincelle ?Oui. À partir du moment où l’artiste se donne comme objectif de

produire un effet, il doit le produire. Sinon, son oeuvre est ratée. Qu’il s’agisse de séduction immédiate, de déstabilisation, d’inviter à une interrogation sur l’art... L’artiste doit savoir happer le visiteur pour que celui-ci ait envie d’aller plus loin, d’entrer, ensuite, dans une réflexion. Tout dépend, après, de la place qu’on donne à l’art dans sa

vie. On peut en faire une distraction. Ou bien vouloir en savoir plus, réfléchir sur l’histoire, le contexte... L’approche intellectuelle ouvre les yeux : elle permet de redécouvrir une oeuvre, ses nuances, d’être ému autrement.

« Les biennales, galeries, foires d’art... se sont multipliées »

Sud Ouest, 22 janvier 2015, Julien Rousset

Rencontre du 22 janvier 2015

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caTHerine m. en Vraibordeaux l’écrivaine et fondatrice d’« artpress » a parlé art con-temporain et liberté, hier, aux rencontres sciences Po- « sud ouest »

Invitée hier des Rencontres Sciences Po - « Sud Ouest », Catherine Millet fut claire d’entrée : « Je ne dois pas être assez « Charlie » : à « Artpress », nous n’avons pas publié les caricatures de Mahomet quand le journal a été attaqué la première fois. Tout simplement parce que je n’avais pas envie de mettre en danger des vies, ni la mienne ni celles de mon équipe. « Ce qui ne l’a pas empêchée, après l’attentat du 7 janvier, de publier dans « Libération » une tribune qui appelle clairement à faire sauter le verrou de l’autocensure, devenue bien plus forte que la censure d’État.

Ainsi va la fondatrice et directrice de la fameuse revue d’art contemporain : pas forcément politiquement correcte mais ferme sur son engagement, contradictoire en apparence mais cohérente en réalité, bavarde mais choisissant ses mots avec attention pour répondre aux questions des étudiants et de notre confrère Julien Rousset.

Sur « La Vie sexuelle de Catherine M. » par exemple, fameux récit de ses aventures libertines qui avait fait le buzz, comme on ne disait

pas encore en 2001 : « Je voulais rompre avec ce discours hédoniste qui dit que la liberté sexuelle est la clé de tout. Ce n’est pas un manifeste libertaire, et, d’ailleurs, ce livre m’a fait devenir féministe alors que je ne l’étais pas en 1968. »

Pas vraiment où on l’attend, Catherine Millet : si elle défend Michel Houellebecq, c’est sans lui accorder un brevet de style. Et si, après « La Vie sexuelle... », elle fit dans « Jour de souffrance » l’aveu de sa jalousie, la douleur n’était pas celle que l’on croyait : « Il y avait celle de la jalousie, bien sûr, mais surtout celle de trouver en moi-même des limites à ma propre liberté. »

Dans le détail, on apprend aussi qu’elle écrit en dessinant des petits dessins abstraits qui lui servent de schéma : « C’est comme pour un accrochage d’exposition, il faut trouver comment guider le lecteur ou le visiteur. »

Car l’écriture et la critique d’art, pour elle, c’est la même chose. Il s’agit d’observer, de prendre de la distance. D’être libre, encore.

Après plus de quarante ans d’observation et de décryptage

de la scène contemporaine, forcément, elle n’est pas dupe. Ni des foules qui piétinent à l’entrée de la Fiac, ni de l’audience de l’art contemporain : « Je ne suis pas sûre que les musées et les centres d’art contemporain drainent le public qu’on attendait », lâche-t-elle. Pas blasée pour autant, la spécialiste, qui s’intéresse aujourd’hui aux productions qui flirtent avec le cinéma : « L’imposture pure et simple, je n’y crois pas, même si certains peuvent donner dans la facilité. »

En l’occurrence, Catherine Millet vise Jeff Koons, objet en ce moment d’une rétrospective à succès au Centre Pompidou. Quitte à ce que, dans l’énorme concert médiatique qui accompagne désormais les grandes expositions, on ne retienne plus que les prix faramineux des oeuvres. « La spéculation fausse tout », regrette la critique.

Pas de quoi hurler. Catherine Millet invite tout simplement à regarder « ailleurs ». Elle-même fait ça très bien.

« Je ne suis pas sûre que les musées et les centres d’art contemporain drainent le public qu’on attendait »

Sud Ouest, 23 janvier 2015, Catherine Darfay

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le grand oralESt un SPORt DE

combatRencontre Sciences Po / Sud Ouest en partenariat avec arc en rêve centre d’architectureet la librairie Mollat

« Jury » présidé par Benoît LASSERRE Journaliste au journal Sud Ouest

Jeudi 29 janvier 2015 17h00 - 19h00 • Sciences Po Bordeaux

rudy riccioTTi

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L es Rencontres Sciences Po / Sud Ouest n’ont pas jusque-là accueilli beaucoup d’architectes, le dernier en date fut Christian de Portzamparc. Avec Rudy Ricciotti nous invitons un architecte sur le

devant de la scène médiatique française. Il compte parmi ses nombreuses réalisations le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), ouvert en 2013 dans le cadre de Marseille capitale européenne de la culture. Splendide geste architectural de résille de béton fibré, le MuCEM qui jouxte le Fort Saint-Jean est devenu en l’espace de quelques mois l’un des sites culturels les plus fréquentés de France. Mais nous devons également à Rudy Ricciotti le nouveau département des arts de l’Islam du Louvre, le Stade Jean-Bouin, le musée Cocteau à Menton, la passerelle pour la paix de Séoul… Cet adepte militant du béton a donc livré quelques magnifiques constructions et souvent, selon ses propos, en s’écartant des normes standardisées de la modernité. En effet, Rudy Ricciotti se qualifie volontiers de « maniériste1 réactionnaire ». Sans doute faut-il comprendre par là une recherche personnelle et assumée de l’esthétique – la bella maniera -, en marge d’une modernité globalisée qui serait normative. Rudy Ricciotti est passé maître dans le travail ciselé du béton, matériau qui pour lui garantit une chaîne de production courte, locale et qui permet de ne pas délocaliser la main-d’œuvre. Architecte local

plutôt que global donc. On l’aura compris l’architecture est politique. Rudy Ricciotti nous dira comment, lui, « l’anarcho-chrétien », il travaille avec les maîtres d’œuvre que sont les maires de nos grandes villes, (il a réalisé et réalise des chantiers dans la métropole bordelaise), mais aussi son attachement à Marseille et à la République. Nos étudiants auront beaucoup de grain à moudre avec cet admirateur du dadaïste Arthur Cravan. Il devrait peut-être nous en rappeler l’énergie et l’impertinence.

Cette Rencontre a été préparée par Léna Carlier (4ème année), Andrew De Tinguy (4ème année), Margot Hervée (4ème année), Marine Laborde (4ème année), Émilie Nouvel (3ème année), Nicolas Pastor (3ème année), Henri Pontette (3ème année), Julien Potier (3ème année), Simon Tazi (3ème année), Clémence Vanacker (4ème année), Sophie Yakoub (5ème année). Ils ont été aidés par Francine Fort directrice d’arc en rêve centre d’architecture et par Benoît Lasserre journaliste à Sud Ouest que je remercie bien sincèrement.

FTG

1 Le maniérisme s’est développé en Italie à partir des années 1520 et s’est ensuite répandu à travers l’Europe. Ce courant pictural qui naît en réaction à l’esthétique de la Renaissance et précède le classicisme se retrouve aussi en sculpture et en architecture. Il se caractérise par son irréalisme, son raffinement. En France il s’est illustré avec l’Ecole de Fontainebleau.

inTroducTion

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riccioTTi, l’anarcHiTecTearcHiTecTure le bouillonnant auteur du mucem de marseille, rudy ricciotti, est l’invité des rencontres sciences Po / « sud ouest »

Ce n’est vraiment pas par hasard que Rudy Ricciotti a intitulé son dernier livre « L’architecture est un sport de combat ». Invité aujourd’hui à 17 heures des Rencontres Sciences Po / « Sud Ouest », cet architecte de 62 ans, célébré dès 2006 par le Grand Prix national de l’architecture, bien avant son très beau et très médiatisé Mucem de Marseille, est un boxeur dans sa discipline qui adore la provocation et prend du plaisir à accentuer son côté voyou de Marseille ou gitan de Camargue aux racines italiennes et algériennes. Un boxeur qui a du punch et n’a pas peur des coups mais surtout un combattant qui a du style. Autant dans ce qu’il construit que dans ce qu’il écrit. Un Claude Nougaro ou un Daniel Herrero de l’architecture. Fort en gueule, oui, Rudy Ricciotti. « Il y a des fois où je pense que je ferais mieux de me taire, écrit-il. À force de toujours polémiquer, j’effraye les clients. Cela relève du miracle qu’il puisse y avoir assez de travail pour les trente personnes de l’agence. » «Je ne considère pas les mots comme des bonbons à suçoter en regardant une mauvaise série à la télévision », ajoute-t-il.

Certaines lettres de Rudy Ricciotti mériteraient d’être déclamées au théâtre par Fabrice Luchini. Témoin cet extrait d’une missive adressée à un maître d’ouvrage. « Je veux bien admettre que ma gueule de voleur de poules et mon accent de bâtard méritent peu de considération mais ce contrat scandaleux et méprisant n’incarne pas l’idée que je me fais de l’État, de la démocratie et de la culture. Je veux bien admettre que les pulsions autoritaires puissent amener à ce délire psychopathe, paranoïaque et tortionnaire mais je refuse de me faire enc... avec le sourire sardonique de la Joconde sans protester tout de même. » C’est donc un amoureux des mots, à l’oral comme à l’écrit, que des étudiants de Sciences Po vont interroger cet après-midi. Mais c’est d’abord, évidemment, un architecte reconnu, doublé d’un ingénieur, qui s’exprimera sur son métier et sur ses réalisations. Le Mucem, on l’a dit, mais aussi le Stadium de Vitrolles, le Centre chorégraphique national d’Aix-en-Provence, le stade Jean-Bouin, et qui, après avoir construit des logements sociaux à Mérignac, achève un bâtiment sur le campus et construira avec Bouygues la salle

de spectacle de Floirac. En béton, son matériau favori « parce qu’il accepte la fatigue et les fissurations » alors que « l’acier est un matériau intolérant. » « Laisser le béton brut relève de la lutte armée », assure-t-il. Sans langue de bois, Ricciotti dira ce qu’il pense de ses rapports avec les politiques, des normes environnementales, de certains de ses confrères, ceux qu’il estime comme Jean Nouvel, Marc Barani, Dominique Perrault ou le Bordelais Olivier Brochet ou ceux qu’il pousse du piédestal comme Rem Koolhaas, « cynique et opportuniste qui fait son beurre ». Cet amoureux des chantiers expliquera aussi pourquoi, tant pour la cuisine que pour l’architecture, il préfère « les ingrédients du cru » et les projets « qui doivent développer un fort coefficient de ressource locale musclée. » Si l’horloge qui tourne vite le permettait, il serait aussi possible de parler avec lui de poésie, de rock, de vin - il ne supporte pas le racisme des Bordelais à l’égard des autres vins comme le bandol - ou de belles femmes parmi lesquelles cet anarchiste en aime une avec passion et l’assume fièrement : sa patrie.

Sud Ouest, 29 janvier 2015, Benoît Lasserre

oraTeur de combaT

Rudy Ricciotti, 63 printemps, un CV long comme le bras où affleurent, entre autres, le Grand Prix d’architecture en 2006, le MuCEM de Marseille, le stade Jean-Bouin et bientôt la salle de spectacle de la métropole bordelaise à Floirac.

Il s’est prêté au jeu des questions-réponses avec les étudiants de Sciences Po Bordeaux. Et ça commence par cette harangue : « Vous faites ça pour être des courtisans, des cireurs de pompes ? Vous devez être des chevaliers au service de la nation ! De la République ! Ça vous effraie ? C’est votre destin ! »

Donc, Rudy Ricciotti est architecte. Un architecte star. Il l’assume. Fort de ce principe : « Je déteste l’humilité, c’est le masque de la vanité. » Ce qu’il aime, c’est la

joute, les mots et l’odeur de soufre. Dont il sème des galets à chaque coin de phrase. Bien malin qui pourra ranger le flot d’une pensée bouillonnante dans une case.

Il parle comme un puncheur. Puisqu’il a « la vulgarité de dire ce qu’il pense ». Et n’y va pas avec le dos de la cuillère. Parce qu’au fond, pour lui, l’architecture est un « truc de brute ». « Le vrai succès, c’est d’arriver à déplaire, je ne cherche pas la paix sociale dans mon métier. »

Ancré à Bandol (Var), il campe le provincial farouche. Déserte Paris : « Parce que ça me salit les cheveux. » Et parce que c’est la ville « qui a le moins d’identité ». Sous sa tignasse foisonnante, ça turbine plein gaz. Mais il n’omet pas de rendre accessibles les

querelles byzantines aux non-initiés. L’architecture minimaliste ? « Un amoureux va-t-il promettre une nuit minimaliste et conceptuelle à l’être désiré ? [...] Dans les années 30, il y avait 300 mots pour décrire une façade. Aujourd’hui, il y en a quatre... »

Rudy Ricciotti n’aime rien d’autre que le béton « parce qu’il vieillit, comme le visage ». Mieux : « Ça oblige à conserver les métiers et conserver les savoirs. On ne peut pas s’éloigner de plus de 40 km pour le fabriquer. » Il pourfend, c’est son cheval de bataille, « la pornographie des normes ». La gentrification des villes ? « C’est la conséquence de la politique des Verts. Moins d’autos, plus d’espaces verts. Les familles n’y vivent plus, c’est une concentration de célibataires qui prennent leur vélo noir pour aller travailler au ministère de la Culture ! » Et de lancer à la salle : « À Bordeaux, c’est pas grave, parce que vous êtes des bourgeois... Il y a des ouvriers à Bordeaux ? »

Hormis peut-être ceux qu’il édicte, il vomit les dogmes. Maltraite la bien-pensance. Alors pensez : « L’utopie ? Un truc de dandy en pantoufles. » Bien malin qui, des étudiants et des professeurs en sciences politiques, parviendra à le classer. À la question « Est-il Charlie ? », il salue les mobilisations mais s’en va défricher d’autres terrains : « L’indignation, c’est la révolte des peluches. Être contre le sida, contre la guerre dans le monde, contre le malheur, quel programme... Alors il y en a qui disent qu’ils l’ont cherché, que les torts sont partagés... Ce sont des collabos, ils sont prêts à dénoncer les juifs ! Je suis écoeuré par cette mentalité. » Deux heures n’auront pas suffi à tarir le flot d’une pensée éruptive, iconoclaste.

« L’utopie ? C’est un truc de dandy en pantoufles »

Sud Ouest, 30 janvier 2015, Xavier Sota

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arcHiTecTure rudy ricciotti, le truculent architecte du mucem de marseille, était l’invité des rencontres sciences Po / « sud ouest »

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Rencontre

surprise

raphaël PICHONChef d’orchestre, fondateur et directeur musical de l’Ensemble Pygmalion

« Jury » présidé par Catherine Darfay, journaliste au journal Sud Ouest

En partenariat avec l’association l’Opéra National de Bordeaux et la librairie Mollat

jeudi 19 mars 2015 17h00 - 19h00 • Sciences Po Bordeaux

avec

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Rencontre du 19 mars 2015

L es mots qui reviennent le plus souvent pour caractériser la direction d’orchestre de Raphaël Pichon sont l’enthousiasme, la fraîcheur, la passion, la force intérieure, associés à la rigueur et à la maîtrise

technique. Le public bordelais ne s’y est pas trompé qui dès les débuts a été très réceptif aux concerts de l’Ensemble Pygmalion aujourd’hui accueilli en résidence à Bordeaux. L’Ensemble Pygmalion a été formé en 2006 par Raphaël Pichon avec de jeunes musiciens et chanteurs alors qu’il n’avait lui-même que 23 ans. Son ascension dans le monde des « baroqueux » a été extrêmement rapide, investissant les scènes principales de Beaune, Saintes, Versailles, etc. Il fait désormais partie de la troisième génération des chefs reconnus du baroque, après les vétérans du renouveau comme William Christie puis leurs héritiers tels Christophe Rousset. Prodige en tant que chef, il a débuté sa carrière par le chant -il est aussi contre-ténor- car Raphaël Pichon est de ceux qui aiment les défis, lui gaucher que l’on a d’emblée découragé dans l’apprentissage de la direction d’orchestre. Son goût pour la difficulté et pour l’originalité l’a mené vers des sentiers toujours plus risqués. Ainsi choisit-il des œuvres marginales, n’hésite-t-il pas à « attaquer la musique ancienne par la face Nord »1 . Ce sont par exemple les messes brèves de Bach, une réussite qui aboutit à son premier enregistrement chez Alpha ; ou encore la reconstitution avec brio de la Köthener Trauermusik du cantor de Leipzig, saluée par la Victoire de la musique 2015 (Harmonia Mundi). Si Rameau a aussi ses préférences, Raphaël Pichon est capable de brouiller les cartes en lançant une série de commandes à de

jeunes compositeurs ou de se mettre en danger en tant que chef invité dans d’autres orchestres. Il s’attelle maintenant à une production lyrique, la deuxième version de Dardanus de Jean-Philippe Rameau dans une mise en scène de Michel Fau, pour les opéras de Bordeaux et Versailles. Dardanus sera le point d’orgue de sa résidence bordelaise au mois d’avril 2015.

Flora Fettah (3ème année), Clara Heysch de la Borde (1ère année), Charline Hugon (5ème année), Lucille Labayle (1ère année), Margaux Lejosne (3ème année), Agathe Le Kverne (5ème année), et Nicolas Pastor (3ème année) n’ont pas hésité à venir à la rencontre de ce jeune chef d’orchestre qu’ils ne connaissaient pas pour la plupart d’entre eux. Nous saluons leur curiosité. Ils ont été aidés dans cette préparation par Benoît Daldin, chargé des productions artistiques à l’Opéra de Bordeaux, Catherine Darfay journaliste à Sud Ouest, Paul-Emmanuel Roger de la librairie Mollat, Ludovic Renard, docteur en Science politique à l’IEP de Bordeaux. Je remercie toute cette équipe dont la mobilisation est largement le fruit de nos partenariats avec l’Opéra de Bordeaux et la librairie Mollat. Enfin, mention toute particulière doit-être faite à deux anciens étudiants du master culture (DAEC) de Sciences Po Bordeaux, Benoît Daldin de l’Opéra de Bordeaux, mais aussi Daniel Troman, administrateur de l’Ensemble Pygmalion dont l’aide a été décisive dans la réalisation de cette Rencontre.

FTG

1 Antonio Mafra, « Raphaël Pichon confirme son statut de nouvelle star du

baroque français », Le Progrès, 24 août 2012.

inTroducTion

Rencontre du 19 mars 2015

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la Jeunesse baroQuerenconTres ieP - « sud ouesT » raphaël Pichon, le jeune et très fêté chef de l’ensemble Pygmalion, passe le grand oral aujourd’hui

Les fées ont dû se pencher nombreuses sur son berceau. Tout semble réussir au trentenaire Raphaël Pichon. Dans l’univers passablement encombré du baroque, sa jeune formation, Pygmalion, est de celles que l’on s’arrache. Mais c’est à Bordeaux qu’il réserve son premier opéra mis en scène : ce sera « Dardanus », de Rameau, à voir à partir du 18 avril au Grand-Théâtre. En attendant, son grand oral de cet après-midi s’annonce rafraîchissant.

« sud ouest » Vous venez d’obtenir une Victoire de la musique pour votre enregistrement de la « cantate funèbre », de bach. est-ce toujours important de sortir des disques à l’heure où la musique se dématérialise ?raphaël Pichon : On a connu une

époque où l’on enregistrait tout ce que l’on faisait, quitte à emplir les bacs de nombreux titres enregistrés de nombreuses fois. Cela reste important d’en faire, au moins au titre de carte de visite, mais en faisant des choix structurés sur des projets originaux complétant le répertoire déjà existant.

comment expliquez-vous que, malgré leur succès public, les formations baroques

restent plus précaires que les orchestres symphoniques ou les maisons d’opéra ?C’est la nature des formations baroques. Les i n s t i t u t i o n s m u s i c a l e s existent depuis les années 60-70, elles sont devenues le bien public. Nous,

nous travaillons sur des projets plus éphémères. On a quand même la chance, en France, de bénéficier du régime des intermittents. La question qui se pose est celle du soutien de ces structures. On voit bien que l’État n’a plus les moyens de jouer le même rôle. Le modèle doit se renouveler, dans un équilibre différent entre soutien public et financement privé. Il faut s’accrocher, inventer, être dynamique, mais rien n’est perdu !

Vous bénéficiez d’une convention avec l’opéra de bordeaux. en quoi cela consiste-t-il ?Justement, c’est un lien important à l’heure où, dans la culture, il y a de moins en moins de garanties. Avec ce partenariat, on peut monter des projets pérennes en étant sûr de les présenter au moins une fois !

comme ce « dardanus », qui sera votre premier opéra en version scénique. Pourquoi ce choix, vous qui avez monté et enregistré plusieurs rameau ?C’est affectif. « Dardanus » a été mon premier coup de foudre avec Rameau. En outre, il s’agit d’une oeuvre très peu défendue à la scène. Ce ne sera évidemment pas une reconstitution historique. L’enjeu, c’est de respecter totalement les codes du XVIIIe pour mieux les tordre. C’est pourquoi j’ai fait appel au metteur en scène Michel Fau. Il a une connaissance très finie du modèle de la grande tragédie classique, en même temps qu’une exubérance profondément baroque.

Rencontres Sciences Po - « Sud Ouest » , avec Raphaël Pichon, aujourd’hui, à 17 heures, à l’amphi Montesquieu de Sciences Po, sur le campus de Pessac (33). Entrée libre.

Sud Ouest, 19 mars 2015, Catherine Darfay

‘‘ Le modèle doit se renouveler, dans un équilibre différent entre soutien public et financement privé ’’

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baroQue eT moderneraPHaËl PicHon à 30 ans, le jeune chef porte un regard aigu sur la création musicale. bordeaux l’attend dans « dardanus »

Il est une figure de proue de la troisième génération de « baroqueux » et sait ce qu’il doit à ces « allumés » qui surent, il y a quarante ans, secouer le cocotier d’une musique classique confite dans la tradition. À l’aise avec un héritage qu’il revendique et désireux de créer sa propre histoire, Raphaël Pichon a offert au public et aux étudiants, au long de ces deux heures de grand oral mené par notre consoeur Catherine Darfay, l’image d’un jeune musicien équilibré, sensible, disert et cultivé, à qui les éloges, dont il est couvert depuis quelques années, ne sont pas montés à la tête.

Il revendique d’ailleurs le sens du collectif, séparant clairement le modèle du chef invité, appliqué à construire une carrière, et celui qu’il a choisi : celui d’un créateur d’ensemble « qui bâtit un projet musical à long terme » et dont la vocation d’entrepreneur, pour réussir, s’appuie sur deux piliers : « un gros travail » et « le goût des autres ».

Il n’a que 22 ans quand il crée son ensemble, Pygmalion. « Ce mythe du jeune sculpteur chypriote qui sculptait la statue de la femme

de ses rêves et à qui la déesse Aphrodite a choisi de donner vie, illustre bien notre projet : on sculpte la matière musicale de façon la plus humaine en espérant que la musique prenne vie durant le concert. » En plus, Pygmalion est invariable dans toutes les langues, ce qui est bien utile pour passer les frontières.

S’il campe dans le baroque avec Bach et Rameau comme phares, Pichon entend ne pas s’y cantonner, même si la musique de ces deux-là lui semble inépuisable. Sa Victoire de la musique 2015, conquise sous un label indépendant avec une cantate funèbre dont on avait perdu la partition, illustre bien la démarche Pichon : exhumer, chez ces compositeurs que l’on croit archirépertoriés et catalogués, des richesses enfouies.

Expliquant son approche des partitions, Pichon a insisté sur l’importance « de les replacer dans leur contexte » pour nourrir, et parfois corriger, la lecture instinctive des notes. En comprenant lui-même et en faisant comprendre aux musiciens ce qu’ils vont jouer, le chef justifie ce geste de direction qui, sans cela, serait « brasser du

vent ».

Passionné, curieux, invité par d’autres orchestres y compris à l’étranger pour se ressourcer, désireux de « connecter des compositeurs actuels avec des instruments anciens », Pichon est aussi lucide. Il a cerné les difficultés pour la création musicale d’une époque marquée par la dématérialisation du disque, la baisse des subventions publiques pas toujours compensées par le mécénat, les menaces sur le statut, si précieux, des intermittents. « Nous sommes la première génération à avoir inventé son propre système D, faire le plus possible avec le moins possible. »

Sa résidence à Bordeaux est, en tout cas, pour lui une joie et un défi. Son premier opéra en version scénique, « Dardanus », de Rameau, est attendu mi-avril. « Le monter dans le décor du Grand-Théâtre fait profondément sens, et il existe ici à la fois un vrai public et un appétit pour la musique baroque... »

« Le jeune sculpteur Pygmalion sculptait la statue de la femme de ses rêves, et Aphrodite lui a donné vie. Comme pour notre musique... »

Sud Ouest, 20 mars 2015, Christophe Lucet

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Rencontre du 2 avril 2015

Rencontre décentraliséeen Lot-et-GaronneNaïma Charaï conseillère régionale et présidente de l’ACSÉ Manuel Dias Vaz président du Réseau Aquitain pour l’Histoire et la Mémoire de l’Immigration Guy Pervillé professeur émérite d’histoire contemporaine Pôleth Martine Wadbled sociologue directrice de l’ODRIS, chargée de mission à l’association Mémoires Plurielles

« Jury » présidé par Fabien PONT, journaliste au journal Sud Ouest

en partenariat avec les villes de villeneuve-sur-Lot et Sainte-Livrade-sur-Lot

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Rencontre du 2 avril 2015

L e Lot-et-Garonne, pour des raisons géographiques et historiques a été depuis le XIXe siècle une terre d’immigration. Il fait partie des départements de l’actuelle région Aquitaine qui ont le plus

intégré de migrants. Le Lot-et-Garonne a d’abord connu l’arrivée des Italiens à la fois pour des motifs économiques mais aussi politiques, en raison du fascisme. Les Italiens sont ainsi venus travailler dans l’agriculture à un moment où les campagnes du sud de la France connaissaient un déficit démographique. Ce sont ensuite les Républicains espagnols fuyant le franquisme à la fin des années trente. Le camp militaire de Bias est ouvert pour accueillir militaires français et main d’œuvre espagnole, celle-ci étant destinée à la construction de la poudrerie de Sainte-Livrade-sur-Lot, projet abandonné avec la défaite de 1940. Pendant la guerre, de nombreux réfugiés espagnols sont enrôlés dans la construction du Mur de l’Atlantique ou gagnent le maquis. La croissance économique des Trente Glorieuses suscitent la reprise de flux venant d’Espagne, du Portugal, puis d’Afrique et notamment du Maroc. Plus récemment les Britanniques sont venus s’installer, attirés par la qualité de vie de la région. Mais l’histoire de la décolonisation se lit aussi à travers celle du Lot-et-Garonne. Elle concerne les Indochinois et les supplétifs de l’armée française en Algérie, les Harkis. L’histoire de ces immigrés en Lot-et-Garonne est demeurée un sujet sensible voire tabou, notamment en raison des conditions d’accueil qui leur furent réservées dans des camps comme ceux de Bias ou du CAFI1 de Sainte-Livrade-sur-Lot. La réalité militaire de ces camps, la mise à l’écart des populations, leurs conditions de vie très rudimentaires ont de fait quelque chose de très symptomatique, en rapport avec un passé difficile à assumer pour la métropole. Un passé qui a laissé des traces sur plusieurs générations jusqu’à susciter en août 1975 une prise d’otages dans le camp de Bias visant à capter l’attention des médias

1 CAFI : Centre d’accueil des Français d’Indochine

et des politiques sur la situation des Harkis. En 2004, il est décidé de détruire les quartiers d’habitation et de faire du CAFI un lieu de mémoire. C’est ce camp de Sainte-Livrade-sur-Lot que nous allons visiter, jeudi 2 avril, avec les étudiants de Sciences Po Bordeaux, dans une démarche historienne et de science politique. Nous déjeunerons sur place puis partirons à Villeneuve-sur-Lot pour un débat au cours duquel les étudiants poseront leurs questions sur l’immigration en Lot-et-Garonne à Naïma Charaï, conseillère régionale d’Aquitaine et présidente de l’ACSÉ2 , Manuel Dias Vaz, président du Réseau Aquitain pour l’Histoire et la Mémoire de l’Immigration, Guy Pervillé, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Toulouse-Jean Jaurès et Pôleth Martine Wadbled, sociologue directrice de l’ODRIS3 , chargée de mission à l’association Mémoires Plurielles.

Je remercie tout particulièrement Marc de Carrière (4ème année), Claire Chubilleau (1ère année), Alexandre Fongaro (4ème année), Lucille Labayle (1ère année), Marine Manzinello (4ème année), Quentin Michelon (5ème anée), Naomi Monnier (1ère année), Morgane Quemener (4ème année) et Théo Tournemille (1ère année) qui ont participé à la préparation de cette rencontre aidés par Jean-Patrice Lacam, professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Fabien Pont du journal Sud Ouest.

Cette Rencontre doit beaucoup à l’aide précieuse de Joël Combres, ancien journaliste à Sud Ouest, à celle de Marthe Geoffroy, adjointe à la mairie de Sainte-Livrade-sur-Lot, ainsi qu’au soutien des municipalités de Sainte-Livrade-sur-Lot, Villeneuve-sur-Lot et du Conseil général du Lot-et-Garonne. Nous leur exprimons tous nos sincères remerciements.

FTG

2 ACSE : Agence nationale pour la Cohésion sociale et l’égalité des chances3 ODRIS : Observatoire, diffusion, recherche, intervention en sociologie.

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un déParTemenT d’immigraTionloT-eT-garonne les rencontres sciences Po - « sud ouest » de demain, à Villeneuve-sur-lot, évoqueront les vagues migratoires

Fuyant la misère ou le totalitarisme, réfugiés de la décolonisation ou travailleurs exilés, les étrangers ont une longue et commune histoire avec le Lot-et-Garonne. Beaucoup ont trouvé dans cette terre sinon un refuge, du moins un endroit où poser leurs valises, quand on ne les a pas obligés à le faire dans des camps comme à Bias ou à Sainte-Livrade. De tous les départements d’Aquitaine, le Lot-et-Garonne est encore aujourd’hui celui qui compte le plus d’étrangers (un peu moins de 6 % de sa population totale).

Et, si ces grandes vagues migratoires ont eu lieu au XXe siècle, les cicatrices engendrées par ces différents exils ne sont pas

toutes refermées. Que ce soit par ses habitants ou dans les lieux où ils ont été hébergés, la mémoire de ces histoires individuelles ou collectives demeure très présente.

Dans quelles conditions se sont déroulées ces immigrations successives, quelles ont été les politiques d’intégration, quelles ont été les places accordées à ces différentes communautés ou occupées par elles ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles répondront Naïma Charaï (conseillère régionale et présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances), Manuel Dias Vaz (président du Réseau aquitain

pour l’histoire et la mémoire de l’immigration), Guy Pervillé (professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Toulouse Jean-Jaurès) et Pôleth Martine Wadbled (sociologue, directrice de l’Observatoire diffusion, recherche, intervention en sociologie).

« Lot-et-Garonne, terre d’immigration », table ronde des Rencontres Sciences Po - « Sud Ouest », jeudi 2 avril, de 15 à 17 heures, au théâtre Georges-Leygues, boulevard de la République, à Villeneuve-sur-Lot (entrée libre et gratuite).

Sud Ouest, 1er avril 2015

Terre d’immigraTionVilleneuVe-sur-loT le rendez-vous s’est tenu hors les murs, sur le thème « le lot-et-garonne, terre d’immigration »

Pour répondre à leurs questions, les étudiants, qui ont profité de leur venue pour visiter le Centre d’accueil des Français d’Indochine (Cafi) de Sainte-Livrade, avaient face à eux, hier, Naïma Charaï, élue et présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances; Manuel Dias Vaz, président du Réseau aquitain pour l’histoire et la mémoire de l’immigration; Guy Pervillé, professeur émérite d’histoire contemporaine, et Pôleth Martine Wadbled, sociologue. Objet des premières questions, les raisons de la forte immigration qui a touché et touche encore le territoire : « Comme une grande partie de l’Aquitaine, le Lot-et-Garonne s’est dépeuplé et a eu un besoin de main-d’oeuvre », a rappelé Guy Pervillé.

déjà du temps des celtes« Dès 1895, abondait Pôleth Martine Wadbled, une étude montre le canton de Sainte-Livrade comme exemple type de dénatalité au niveau français. On a fait moins d’enfants pour ne pas avoir à disperser les terres. » Et la sociologue de rappeler que le département a de tout temps connu l’immigration : « Les Celtes furent les premiers, avant les Gascons venus d’Espagne à la fin du VIe siècle, les Anglais au XVe, les Suisses au XVIIIe, puis au XIXe les Italiens, les Espagnols, les Anglais, les Polonais et même les Hollandais. Viendront ensuite les pieds-noirs après 1962, les harkis, et enfin les Indochinois. »

Ces deux derniers groupes sont accueillis dans les camps de

Bias et de Sainte-Livrade. « Une réalité d’une extrême violence » pour Naïma Charaï, originaire du département.

L’élue de la Région est d’ailleurs revenue sur son histoire personnelle : « Mon père, ancien combattant marocain indigène dans l’armée française, est arrivé à Fumel dans les années 1950, et nous l’avons rejoint dans les années 1970. J’ai eu le sentiment de vivre dans un ghetto rural. La politique d’intégration dans les années 1970 et 1980 a consisté à cantonner ces populations sur des territoires pour créer le moins de problèmes possible. »

Un avis partagé par Manuel Dias Vaz : « J’avais ce sentiment d’être uniquement une force de travail alors que j’étais venu parce que je croyais aux valeurs de la

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République. Je suis là depuis cinquante-deux ans, et on me renvoie en permanence au fait que je suis d’origine portugaise. »

la blessure de l’algérie ?Si le travail, le sport et l’éducation ont constitué des facteurs favorisant l’intégration, « à l’inverse, dans les contextes de crise, les immigrés sont des boucs émissaires, a

complété Manuel Dias Vaz. Les Italiens l’ont été en 1939. Cela crée de la crispation, même chez les vieux migrants qui se mettent à avoir peur des nouveaux migrants ».

Pour Naïma Charaï, la guerre d’Algérie a laissé des traces : « C’est un sujet, avec la figure de l’indigène, dont on n’a pas assez débattu. »

« En 1962, abonde Guy Pervillé, ceux

qui ont voté oui à l’indépendance de l’Algérie, pensaient se débarrasser de la question et des Algériens. Ils n’ont pas compris l’arrivée de ceux-ci en France. Mais le refus de regarder en face cette réalité n’explique pas à lui seul la montée d’un racisme. »

« L’Algérie et la figure de l’indigène sont des sujets qui n’ont pas été assez débattus » Naïma Charaï

Sud Ouest, 3 avril 2015, Léa Aubrit

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Grand oral

Michel BarNIerAncien vice-président de la Commission européenne

« Jury » présidé par Jefferson DesPOrT, journaliste au journal Sud OuestEn partenariat avec la librairie La Machine à Lire

jeudi 16 avril 2015 17h00 - 19h00 • Sciences Po Bordeaux

Rencontre de clôture...

Rencontre du 16 avril 2015

‘‘ En ces temps d'euroscepticisme, nous recevons un fervent

européen...’’Françoise Taliano-des Garets

( extrait du discours d'introduction )

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À un moment où l’Union européenne montre des signes tangibles de faiblesse suite à la crise économique de 2008 et aux graves difficultés de certains États, l’opportunité d’accueillir

aux Rencontres Sciences Po/ Sud Ouest Michel Barnier est tout à fait bienvenue. Michel Barnier qui a été à deux reprises commissaire européen et vice-président de la Commission européenne vient d’être récemment nommé par Jean-Claude Juncker conseiller spécial pour la politique de défense et de sécurité auprès de la Commission et de la Haute représentante et Vice-Présidente Federica Mogherini. Il est vrai que Michel Barnier connaît bien le dossier, lui qui a présenté en 2006 un rapport sur ces questions au président sortant, Manuel Barroso, rapport en faveur d’une force européenne de protection civile . Comment réactiver les idéaux européens quand la frilosité l’emporte entre les 28 Etats de l’UE, atteints par le syndrome du repli national, sur un continent où les menaces internationales se sont sérieusement réveillées. Michel Barnier fort de ses expériences européennes et nationales –il a occupé plusieurs fonctions ministérielles sans compter ses fonctions d’élu national et local- saura sans doute communiquer ses convictions et énoncer des propositions. Nos étudiants pourront notamment aborder avec lui des questions économiques et politiques qui les passionnent. Sans doute cet homme de la montagne saura-t-il regarder les difficultés en face, peut-être aussi faire partager sa patience obstinée, en nous faisant prendre un peu de hauteur par rapport au climat d’euroscepticisme ambiant.

Julien Chasserieau (4ème année), Valentin Chevalier (3ème année), Alexandre Fongaro (4ème année), Marie Georges (3ème année), Alexane Hervy (3ème année), Lucille Labayle (1ère année), Guilhem Labourel (4ème année), Guillaume Lenglet (5ème année), Marine Manzinello (4ème année), Théophile Morice (5ème année), Marie-Lise Picard (4ème année), Morgane Quemener (4ème année) et Simon Tazi (3ème année) sont venus préparer cette rencontre aidés par Edwin Le Héron, Maître de conférences en Sciences économiques et sociales à Sciences Po Bordeaux et Jefferson Desport, journaliste à Sud Ouest qui a bien voulu également animer le Grand Oral. Je les en remercie bien sincèrement.

FTG

inTroducTion

Rencontre du 16 avril 2015 Rencontre du 16 avril 2015

revue de presse <<

gaullisTe eT euroPéen« sud ouest ». Pour vous, qui avez rejoint le gaullisme à 14 ans, que reste-t-il de cet idéal ?Michel Barnier. Cet engagement reste ma première fierté. À l’époque, ce n’était pas un trait commun chez les jeunes. De Gaulle, c’était le contraire d’un politicien. Il avait une très haute idée de la France, et cette idée n’était pas recroquevillée. Je me suis engagé pour lui quand je l’ai vu accueillir le chancelier allemand Konrad Adenauer. J’ai la photo de ces deux géants dans mon bureau. Je suis devenu gaulliste et européen en raison de cette poignée de main.

alors que le fn a remporté les dernières européennes, que dites-vous aux eurosceptiques ?D’abord, il n’y a pas de fatalité à voir le FN en tête. Je rappelle qu’en 2009 j’avais conduit cette campagne des européennes, et nous avions gagné. L’Europe, c’est la question de la liberté et de la souveraineté. Ceux qui votent pour le FN ont peur de perdre leur identité, d’être effacés en tant que patriotes. Mais je suis patriote. Et, aujourd’hui, si on n’est pas européen, on sera sous-traitant et sous influence des Chinois et des Américains définitivement. Je ne suis pas gaulliste depuis si longtemps pour en arriver là.

Pourtant, pour les régionales en rhône-alpes-auvergne, l’umP vous a préféré l’eurosceptique laurent Wauquiez.Je n’ai pas été traité correctement. Je l’ai dit à Nicolas Sarkozy. La manière dont l’appareil UMP a choisi en 48

heures, dans une sorte de précipitation, le secrétaire général actuel est une erreur politique. J’en ai pris acte avec une vraie déception et je continue à réfléchir à ce que je vais faire pour l’unité et le rassemblement de l’UMP et des centristes. Mais ma ligne n’est pas celle de la division.

Vous êtes aujourd’hui conseiller spécial pour les questions de défense auprès de la commission européenne. à l’heure de la menace djihadiste, faut-il plus de frontières ?Face aux menaces traditionnelles ou nouvelles, comme le terrorisme ou les cyberattaques, la bonne réponse des Européens est d’être ensemble : pour protéger leurs frontières extérieures, faire en sorte que Schengen fonctionne correctement, préserver une industrie européenne de la défense, mieux coordonner les services de renseignement... Tout doit conduire les Européens

à donner un nouvel élan à une politique de défense commune.

Que pensez-vous de la candidature de Paris aux Jeux olympiques ? cet événement en vaut-il la chandelle ?Avec Jean-Claude Killy, nous avons eu l’honneur d’organiser les derniers JO que la France a accueillis. Je trouve formidable cette candidature de Paris. Les Jeux olympiques sont toujours un pari gagnant à partir du moment où on les organise sérieusement.

(1) À partir de 17 h, à Sciences Po, 11, allée Ausone, 33600 Pessac. Entrée libre.

Sud Ouest, 16 avril 2015, Jefferson Desport

GRAND ORAL

L’ex-ministre de l’Environnement, des Affaires européennes, des Affaires étrangères puis de l’Agriculture, Michel Barnier (UMP) sera aujourd’hui, à 17 heures, l’invité des Rencontres Sciences Po - « Sud Ouest ». Grand artisan, avec Jean-Claude Killy, de la candidature d’albertville pour les JO d’hiver de 1992, ce gaulliste de coeur, enraciné en Savoie, a également occupé les plus hautes responsabilités européennes. D’un sommet à l’autre...

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l’euroPe Pour exisTermicHel barnier l’ex-commissaire défend l’idée d’un retour des régulations en europe. Pour lui, le repli national n’est plus une option.

Sous une apparence lisse, Michel Barnier cache un tempérament. « À 64 ans, je garde la même capacité d’indignation qu’à 22 ans. » À l’époque, le Savoyard était le plus jeune conseiller général et, cinq ans après, le plus jeune député de France, « un titre qui s’use très vite ». Gaulliste passionné, il trouve dans les Jeux olympiques d’Albertville de 1992, qu’il prépare avec Jean-Claude Killy dès 1982, le terrain d’une action d’envergure. Et la décision de Paris d’être candidat aux JO d’été de 2024 le ravit : « La France doit retrouver une telle ambition, mais la réussite a une condition : pas de polémiques politiques. »

Barnier rappelle qu’il avait associé au projet le socialiste Louis Besson, qu’il venait de battre à Chambéry. La main tendue vers le camp d’en face, l’ancien patron du Département de Savoie continue d’en faire un axe de sa vision politique : il a expliqué au public des Rencontres que, s’il avait été choisi par l’UMP pour mener la prochaine liste régionale en Rhône-Alpes-Auvergne, il aurait associé le centre, la société civile et même des gens de gauche, « pour montrer qu’on peut faire repartir la

France depuis les régions dans un nouvel esprit ». Nicolas Sarkozy a préféré jouer la carte Wauquiez - « une erreur » -, et, si Barnier se refuse à polémiquer, il ne manque pas de relever que cheveux blancs peuvent rimer avec idées neuves.

Celles de Michel Barnier le portent bien davantage vers le « milieu de la route » qu’à la droite de celle-ci. Et sans doute, le moment venu, vers Alain Juppé, même s’il réserve encore sa position. Sa plus belle réalisation : « Être revenu en 2010 à la Commission européenne en obtenant l’abandon de la ligne ultralibérale pour le retour à l’économie sociale de marché. » La preuve ? « Durant cinq ans, j’ai été le mécanicien de la régulation, avec 41 lois à mon actif. »

Celles sur l’union bancaire sont sa plus grande fierté. « On a imposé aux 8 300 banques de la zone euro des règles communes pour les rendre plus robustes. Il faut aller plus loin pour encadrer les 30 plus grosses en les empêchant de pratiquer la pure spéculation, qui peut provoquer des catastrophes. » Sa volonté de brider les folies qui faillirent tuer le système en 2008

lui a valu à Londres le sobriquet d’» homme le plus dangereux d’Europe ». L’Europe, concède-t-il, est perfectible, mais en sortir n’est pas une option : « Si nous voulons être encore à la table du G8 en 2050 dans un monde qui a changé et ne nous attend pas, il faut jouer collectif. » Et de citer Périclès : « Se reposer ou être libre, il faut choisir. » Sans zone euro, sans effort pour une fiscalité, une politique d’énergie et de sécurité communes, « les Européens seront les sous-traitants de la Chine et des Américains ».

Cela ne veut pas dire faire « de la purée de marrons » avec les nations, leurs langues, leurs identités. D’où la complexité qu’on reproche souvent à Bruxelles sans se rendre compte « qu’elle est le prix à payer pour avoir une Europe unie mais pas uniforme ». Toujours dans le circuit bruxellois comme conseiller (bénévole) de son ex-rival Jean-Claude Juncker pour la sécurité et la défense, Barnier se voit plus que jamais en commis voyageur de la construction européenne.

« Les lois sur l’union bancaire sont la plus grande fierté de l’ancien commissaire européen »

Sud Ouest, 17 avril 2015, Christophe Lucet

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en partenariat avec : avec le soutien de :

rencontres sciences Po / sud ouest

Responsable des Rencontres Françoise TALIAnO-DeS GAReTS Bureau 035.E +33 [0]5 56 844 277 [email protected]

Bureau des Rencontres Myriam CeRVeRA Bureau 024. E +33 [0]5 56 844 295 [email protected]

Réalisation : Myriam Cervera | Photographies Sud Ouest, Charline Boulaire, Marie Brière, Margot Coldefy, Flora Fettah, Alexandre Giraud, Chloé Guilhem, Margaux Lejosne, Caroline Petit, Lisa Pezzi, Cathy Ralay, Sabine Trégouët

Sciences Po Bordeaux 11 allée Ausone | Domaine Universitaire 33607 Pessac Cedex France Tél. +33 [0]5 56 844 252 Fax +33 [0]5 56 844 400 sciencespobordeaux.fr

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