De_ketele_L'Évaluation Conjuguée en Paradigmes

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  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

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    Jean-Marie De Ketele

    L'valuation conjugue en paradigmesIn: Revue franaise de pdagogie. Volume 103, 1993. pp. 59-80.

    Citer ce document / Cite this document :

    Ketele Jean-Marie De. L'valuation conjugue en paradigmes. In: Revue franaise de pdagogie. Volume 103, 1993. pp. 59-80.

    doi : 10.3406/rfp.1993.1298

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1993_num_103_1_1298

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rfp_367http://dx.doi.org/10.3406/rfp.1993.1298http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1993_num_103_1_1298http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1993_num_103_1_1298http://dx.doi.org/10.3406/rfp.1993.1298http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rfp_367
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    NOTES

    DE SYNTHESE

    L valuation conjugue

    en paradigmes

    Jean-Marie De Ketele

    Dans

    les

    lignes

    qui

    suivent, le lecteur ne doit pas esprer trouver unsum

    des

    travaux

    sur

    l'valuation,

    mais

    bien une synthse. Il

    s'agit

    donc

    'une

    slection et

    d'une

    mise

    ensemble d'lments

    partir d'un regard

    ersonnel

    port

    sur

    un nombre

    relativement

    important

    de travaux mens danse domaine de l'valuation. Nous n'avons pas

    voulu

    mentionner tous

    les

    ravaux auxquels nous avons eu accs. Bien au

    contraire,

    nous avons prfrcrire cet article en

    prenant

    une certaine hauteur, le plus

    souvent

    demoire, en ne consultant

    les

    documents qu'aprs coup

    des

    fins derification ou de

    prcision

    des rfrences.

    Pour articuler

    des

    lments aussi

    nombreux que ceux que l'on rencontre

    dans

    les

    travaux

    sur

    l'valuation,

    il

    faut choisir un point d'entre parmi de

    nombreux points

    d'entre possible,

    tout

    aussi

    pertinents que

    celui

    que nous

    avons

    choisi :

    tenter de dgager

    les

    paradigmes qui ont

    guid

    une palette

    assez

    large

    d'auteurs.

    Selon

    Kuhn (cit par

    Doyle,

    1986), un paradigme

    est

    un

    cadre

    implicite qui dfinit des problmes, des mthodes et des solutions

    lgitimes

    pour

    une

    communaut

    scientifique . En essayant

    de

    dgager

    les

    paradigmes

    des travaux sur l'valuation,

    nous

    avons conscience que

    nous

    allons

    oprer

    quelques

    rductionnismes

    :

    bien des auteurs ont vu leur pense

    voluer au

    fil

    du

    temps ;

    parfois mme,

    certains

    auteurs

    ont utilis

    des

    paradigmes diffrents

    en fonction des

    objets qu'ils

    avaient

    valuer ou selon

    les

    contraintes du contexte valuatif.

    Sur

    ce dernier aspect,

    il suffirait

    de

    confronter les

    crits

    et les pratiques relles des experts de

    l'valuation

    lorsqu'ils

    sont amens valuer leurs propres

    tudiants Que

    l'on me par

    donne donc le

    rductionnisme

    de ces lignes : il

    n'a d'autre prtention que

    d'articuler clairement

    quelques

    ides de force.

    Ayant

    pass

    en

    revue

    quelques

    paradigmes importants

    nos yeux, nous

    tenterons d'examiner dans

    quelle

    mesure ils

    peuvent

    se complter

    bien

    plus que

    s'opposer

    dans

    une vision

    largie de

    l'valuation et quelles sont

    les

    questions

    qui

    se

    posent,

    esprant

    ainsi

    ouvrir

    de

    nouveaux

    horizons

    ou

    faire

    dcouvrir des horizons

    encore

    peu

    explors.

    Revue Franaise

    de

    Pdagogie,

    n 103, avril-mai-juin 1993, 59-80 59

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    QUELQUES

    GRANDS

    PARADIGMES DE

    L'VALUATION

    Le

    paradigme

    de l'intuition

    pragmatique

    Ce

    paradigme

    est

    la

    base

    de la

    majorit

    des pratiques de l'valuation,

    mme encore actuellement malgr le nombre

    important

    d'crits qui

    les

    ont

    dnonces et malgr le

    nombre

    important de formations

    qui ont tent

    de les

    remplacer

    par

    d'autres

    pratiques.

    L'acte valuatif est ici un acte

    intuitif

    bien

    des

    titres. Pas

    besoin

    de

    dfinir avec prcision, ni ses objectifs, ni

    l'univers de

    rfrence des situations

    possibles de l'valuation, ni

    les

    critres prendre en considration, ni la

    faon

    de

    synthtiser

    les

    informations disponibles, ni

    la

    faon

    de les interprt

    er,

    i la faon d'utiliser

    les

    rsultats. L'valuation est un acte syncrtique

    troitement

    li la

    personne

    de l'valuateur et admis comme

    tel,

    dans la

    mesure o l'valuateur est celui qui a men l'apprentissage, revendique tre

    la

    personne

    la

    mieux

    place

    pour

    bien

    connatre

    les performances de ses

    lves ou de ses tudiants, prend ses responsabilits

    avec

    conscience

    pro-

    fessionnelle.

    C'est

    aussi un acte

    pragmatique fortement

    dtermin par les

    exigences

    du contexte.

    Puisque les parents

    demandent tre informs sur

    les

    perfo

    rmances de leurs enfants et

    qu'ils

    aiment

    voir

    celles-ci

    situes

    par

    rapport aux

    autres enfants de la classe ou du moins

    par

    rapport un

    systme

    de

    rfrence

    familier qui

    leur

    permet

    de supputer les chances de russite

    de

    l'anne, les

    enseignants

    utilisent

    un systme de notes qui

    les

    dispensent de

    justifier

    les

    contenus prcis des preuves et qui offrent

    certaines apparences

    d'objectivit.

    Puisque

    les

    contraintes de temps sont l et qu'il vaut

    mieux consacrer

    davantage

    de temps

    l'apprentissage,

    les enseignants n'prouvent gure le

    besoin

    de

    consacrer

    beaucoup

    de

    temps

    la

    prparation

    des

    situations

    d'valuation.

    Ayant constat que les notes

    constituaient

    leur principale arme

    pour motiver leurs lves,

    voire,

    dans

    certains

    cas, pour faire respecter la

    discipline,

    les

    enseignants trouvent

    cette forme

    d'valuation bien pratique et

    se demandent par quoi ils

    pourraient

    bien la remplacer si on la

    leur

    enlevait.

    Le visage des pratiques explicites de ce

    paradigme

    est bien celui de

    l'valuation

    sommative,

    puisque

    la note

    somme

    un

    ensemble

    d'informations

    rcoltes occasionnellement et intuitivement. On pourrait en conclure

    assez

    vite que

    la fonction

    premire est

    de contribuer la certification de la

    russite

    des lves. Il

    nous

    semble que c'est l

    une

    inference trop rapide. Comme les

    travaux de

    Perrenoud

    (1979, 1984, 1991) l'ont

    bien

    montr, de telles pratiques

    ont

    pour

    fonction

    premire

    la

    gestion

    sociale

    :

    gestion

    de

    la

    classe

    par

    le

    pouvoir

    de

    motivation et

    de sanction de

    la

    note ; gestion

    institutionnelle

    car

    l'enseignant

    peut

    tre

    jug

    par ses collgues ou par

    les

    administrateurs

    partir des profils

    de notes

    qui seront publiques

    ; gestion

    des

    relations avec

    les

    parents

    que l'on dsire tenir l'cart de certaines formes de pression

    (Montandon, 1991). Dans ce

    cadre,

    la fonction de

    certification

    n'est qu'une

    des fonctions secondes, subordonne la fonction de gestion sociale.

    S'il

    est

    vrai que de

    nombreux

    travaux sur l'valuation dnoncent explic

    itement

    de telles

    pratiques ou tendent

    vouloir

    les remplacer

    ou

    les

    faire

    voluer en proposant d'autres paradigmes, on

    trouve

    cependant des argu

    ments

    dans

    la

    littrature

    spcialise

    pour

    dfendre

    un

    tel

    paradigme.

    Citons

    deux lignes de travaux.

    60

    Revue Franaise

    de

    Pdagogie,

    n 103,

    avril-mai-juin 1993

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    La

    premire rassemble

    des recherches

    qui

    se

    sont

    penches sur les

    prdicteurs de la

    russite. La

    plupart des tudes montrent

    que les

    notes

    scolaires

    antrieures

    sont

    de

    meilleurs prdicteurs que

    les rsultats des

    tests objectifs, que ce soient des tests d'aptitude,

    de

    personnalit ou de

    performances

    scolaires

    standardiss.

    La seconde

    ligne de

    travaux a

    trouv une de

    ses meilleures

    expressions

    dans

    la

    communication

    de

    Weiss au

    colloque de

    l'ADMEE

    Bruxelles

    en

    1985

    sous le titre

    vocateur

    La subjectivit

    blanchie ?

    (publi in De

    Ketele,

    1986).

    L'auteur

    se pose la question de savoir si finalement l'approche intuitive

    et pragmatique des enseignants ne vaut pas

    celle

    de l'approche des experts

    de l'valuation

    qui

    ont trop tendance dissocier

    formation

    et valuation,

    dissocier valuation formative et certificative dissociation idalement possi

    ble

    ais

    socialement

    improbable

    promouvoir des conceptions qui n'en

    sont

    pas

    moins exemptes

    de biais

    (arbitraire dans

    le

    choix

    des

    objectifs,

    des

    critres, ...). Finalement, le paradigme sous-jacent aux pratiques de la plupart

    des enseignants

    n'en vaut-il

    pas

    bien

    d'autres, car il

    est

    celui

    du

    ralisme et

    de

    l'utilit sociale : les

    valuations

    des

    enseignants sont

    des

    apprciations

    homognes

    et

    concordantes

    parce

    que

    socialement dtermines

    ;

    elles

    disti

    nguent

    les

    deux

    types

    d'lves

    qui

    russissent (l'lve

    actif,

    sociable

    et

    intell

    igent l'lve appliqu et

    disciplin)

    et

    les

    deux

    types d'lves

    qui chouent

    (l'lve passif, repli

    sur lui-mme et peu dou ;

    l'lve

    peu

    travailleur,

    dissip et

    indisciplin),

    comme l'ont

    montr de

    nombreux travaux

    de

    recherches

    (Mollo,1970

    ;

    Kaufman,

    1976; Londeix, 1982;

    Gilly,

    1980); elles

    pronostiquent

    les

    russites scolaires ultrieures

    court

    et long terme

    ;

    elles

    sont

    modules par des pratiques correctrices

    lorsque

    les comportements

    observs ne sont pas conformes aux rsultats attendus, ce qui

    explique

    leur

    bonne validit

    pronostique...

    Le

    paradigme

    docimologique

    Le paradigme docimologique

    est

    essentiellement orient

    vers

    par la fidl

    it ou la fiabilit

    des

    valuations. Au dpart,

    il

    a t surtout le

    fait

    de

    personnes

    formes

    une

    certaine

    forme

    de pense scientifique

    issue

    des

    travaux de Claude Bernard, des psychophysiciens, des travaux en psycholog

    i

    xprimentale de l'apprentissage et de la pdagogie exprimentale. Piron

    (1963) a

    t

    sans doute la figure la plus

    illustre

    de la premire phase

    du

    mouvement docimologique, phase

    essentiellement

    critique qui a consist

    mettre

    en

    vidence

    les

    principaux biais prsents dans

    les

    examens

    (d'o

    l'origine du

    terme

    de

    docimologie, science

    des examens).

    Dans

    une deuxime

    phase, on a assist une tentative d'explication de la production des

    rsultats de

    l'valuation

    et

    de

    ces

    biais.

    Les

    travaux

    de

    l'Ecole

    d'Aix-en-

    Provence autour de Bonniol, Noizet et Caverni

    (Bonniol.1972

    ;

    Bonniol,

    Caverni et Noizet, 1972a et 1972b; Noizet et Caverni, 1978) contestent la

    rduction

    de l'valuation

    sa

    dimension sommative, l'assimilation de l'valua

    tion

    ux

    examens,

    la confusion des objectifs de l'valuation et des objectifs

    pdagogiques. Pour eux, l'valuation

    est une activit

    de comparaison entre

    une production scolaire valuer et un modle

    de

    rfrence, comparaison qui

    est influence

    par

    des dterminants

    systmatiques, qui, tantt se rfrent

    des caractristiques scolaires, tantt des

    caractristiques

    de personnalit,

    tantt des caractristiques sociales. Dans une troisime phase, on assiste

    des

    phnomnes

    contradictoires. D'une part,

    les

    travaux docimologiques ten

    dent

    diminuer

    et

    la

    docimologie

    est remise

    en

    question

    par

    de

    nombreux

    auteurs (voir par exemple Dauvisis, 1988). D'autre part,

    on assiste

    un

    L'valuation conjuge en

    paradigmes

    61

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    5/23

    mouvement

    tendant crer une dumtrie, c'est--dire une

    science

    de la

    mesure dans le

    champ

    des sciences de l'ducation. Ce

    mouvement trouve

    son origine dans une double contestation

    :

    la mesure dans le champ de

    l'ducation

    ne

    peut se rsoudre

    par les seuls

    modles psychomtriques

    ;

    le

    concept de fidlit

    est

    trop exclusivement pens en termes

    de

    diffrenciation

    des personnes.

    Lance

    et

    dveloppe par

    des auteurs bien connus

    par

    ailleurs

    pour

    leur

    contribution l'valuation formative (Cardinet, Tourneur,

    Allai,

    1976

    ;

    Scallon, 1981),

    la

    thorie

    de

    la

    gnralisabilit

    est

    reprsentative

    de ce mouvement.

    Il

    s'agit d'un cadre plus englobant qui distingue quatre

    types

    de diffrenciation

    :

    la diffrenciation des lves ou la mesure de

    leurs

    traits

    distinctifs (les

    modles

    les plus classiques

    sont

    de

    ce type)

    ;

    la diffren

    ciation

    des objectifs et des domaines d'enseignement

    ;

    la

    diffrenciation

    des

    conditions

    d'apprentissage et des facteurs

    d'enseignement

    ; la diffrenciation

    des niveaux

    successifs

    d'un apprentissage.

    Selon

    le type de

    diffrenciation

    recherch,

    les plans d'observation et les estimations

    de

    fidlit et

    de

    marges

    d'erreurs sont

    diffrents.

    On trouvera une synthse

    de

    cette

    thorie

    dans

    Assurer la mesure (Cardinet et Tourneur,

    1985).

    Mme si la docimologie a

    vu son champ

    s'largir et si les auteurs les

    plus

    rcents n'assimilent

    pas

    mesure

    et

    valuation,

    il

    n'en

    reste

    pas

    moins

    que

    les

    travaux

    portent

    presque

    tous

    sur la

    note

    ou la

    mesure . D'autres

    paradigmes vont

    natre

    et coexister

    paralllement au

    paradigme docimolo-

    gique.

    Le paradigme sociologique

    Ce paradigme s'inscrit dans la ligne des travaux de sociologues

    qui se

    sont

    intresss

    au

    rle que

    l'cole jouait dans les mcanismes de reproduct

    ion

    ociale.

    Ainsi, Bourdieu et Passeron (1964, 1970) considrent

    l'cole

    comme

    le

    moyen

    de lgitimer

    les

    ingalits culturelles

    ;

    Baudelot et Establet

    (1971, 1975)

    voient

    l'cole

    comme

    un

    appareil

    qui permet

    d'ajuster

    la

    struc

    turedes diplmes la structure de

    classe

    de la socit;

    Boudon

    (1973)

    analyse

    l'cole comme le lieu

    o s'effectuent

    des

    choix d'acteurs socialement

    situs, visant

    maintenir

    ou amliorer leur position sociale d'origine.

    Dans ce processus de reproduction sociale, l'valuation joue un rle

    important.

    Ainsi,

    dj en

    1966, Bourdieu crivait

    :

    Pour que

    soient favoriss

    les plus favoriss et dfavoriss les plus dfavoriss, il faut et il

    suffit

    que

    l'cole

    ignore dans

    le contenu de

    l'enseignement transmis, dans

    les

    mthodes

    et

    les

    techniques de transmission et dans

    les

    critres

    de

    jugement,

    les

    ingalits

    culturelles

    entre les enfants des diffrentes classes

    sociales

    : autre

    ment

    dit,

    en

    traitant

    tous les

    enseigns,

    si

    ingaux

    soient-ils

    en

    fait,

    comme

    gaux

    en droits et en

    devoirs,

    le systme scolaire

    est conduit

    donner

    en fait

    sa sanction aux

    ingalits

    initiales

    devant la

    culture.

    (p. 366).

    Dans son livre

    La

    fabrication de l'excellence scolaire ,

    Perrenoud

    (1984)

    montre comment

    l'valuation

    contribue

    fabriquer

    l'excellence,

    qui

    n'est pas une ralit intrinsque l'lve,

    mais

    est une reprsentation au

    mme

    titre que la

    folie ou

    la

    dlinquance. Ainsi, l'valuation

    scolaire met en

    vidence certaines

    diffrences

    plutt que d'autres et, partir d'ingalits

    relles

    identiques, elle

    ne

    fabrique

    pas les

    mmes hirarchies formelles.

    Ces

    mcanismes de slection et de dformation ne sont pas simplement le

    fait

    de

    l'administration d'preuves scolaires (le

    choix des

    moments

    de

    passation,

    le

    choix

    des

    questions,

    leur

    pondration,

    les

    critres

    de correction,

    l'utilisation

    des rsultats, ...). En effet, d'une part,

    les

    valuations formalises

    ne

    sont

    62

    Revue Franaise de Pdagogie,

    n

    103,

    avnl-mai-juin

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    6/23

    jamais indpendantes des

    valuations

    informelles,

    implicites, fugitives qui se

    forment au gr des interactions en

    classe

    ;

    d'autre part,

    le comportement

    du

    matre est influenc

    par

    l'valuation informelle

    autant

    que

    par

    l'valuation

    formelle, en particulier lorsqu'il renvoie chaque

    lve une

    image de

    sa

    valeur scolaire.

    Ainsi trs curieusement,

    l'valuation tend

    rendre

    plus visible

    certaines

    diffrences qui existaient

    au

    dpart et

    en mme

    temps

    on

    observe

    une certaine

    indiffrence

    aux

    diffrences

    (Perrenoud, 1979, p.44) de par

    l'application d'un enseignement

    indiffrenci

    des

    lves

    diffrents,

    ce

    qui

    contribue maintenir ou

    accentuer

    les ingalits

    culturelles.

    Le

    paradigme de l'valuation

    centre sur

    les objectifs

    L'approche tylrienne

    Tyler a dvelopp

    une approche de

    l'valuation essentiellement centre

    sur

    les

    objectifs. L'valuation consiste uniquement dans la confrontation

    entre

    une

    performance

    et des objectifs fixs.

    Dans cette

    conception,

    les

    objectifs

    sont

    dtermins

    au pralable

    par

    les

    responsables

    des

    programmes.

    L'valuat

    ionlieu

    au terme

    du processus de

    formation

    pour mettre en vidence quels

    lves matrisent quels objectifs. L'information

    rsultante

    relative aux lves

    permet la

    certification,

    tandis que celle relative aux objectifs permet aux

    formateurs

    de

    rguler le processus de

    formation

    ou, de

    faon

    plus globale,

    aux responsables de rajuster

    les

    objectifs et

    les

    modalits

    de

    mise

    en

    uvre

    du programme.

    L'application

    du modle tylrien (appel

    souvent

    en France

    PPO,

    c'est--dire

    Pdagogie Par Objectifs, ou encore TOP, c'est--dire Tech

    nique des Objectifs Pdagogiques) suppose huit

    tapes

    :

    1. la

    dtermination des objectifs,

    2. le classement des objectifs dans un systme de catgorisation

    (taxo-

    nomie),

    3. la

    dfinition des

    objectifs en termes comportementaux,

    4. l'tablissement des

    situations

    et des

    conditions

    dans

    lesquelles

    la

    matrise

    des

    objectifs peut tre

    dmontre,

    5. l'explication

    des

    buts et des fondements de la

    stratgie

    au

    personnel

    impliqu dans

    les

    situations choisies,

    6. le choix et

    le dveloppement

    des techniques de mesure appropries,

    7. la collecte

    des

    donnes de performances,

    8. la

    comparaison

    de celles-ci

    aux objectifs

    comportementaux.

    Dans

    l'approche

    tylrienne,

    confiance

    ne

    sera

    accorde

    qu'aux

    outils

    pr

    construits o

    l'oprationalisation

    aura t

    soigneusement

    mene. On recourra

    donc,

    selon

    les

    objectifs, des preuves ou tests

    d'une part,

    des

    observat

    ions

    ritries

    en situation

    provoque d'autre

    part.

    La pdagogie de la matrise

    Dveloppe

    et promue

    par Bloom au

    dpart et rpandue

    en Europe

    grce

    aux publications de l'universit

    de Lige

    (de Landsheere

    G.,

    1973,

    1980 ; de

    Landsheere

    V.

    et G.,

    1978),

    la pdagogie de matrise n'est pas le simple

    prolongement de la conception de

    Tyler.

    Il

    s'agit

    d'un modle bien plus riche

    qui doit

    beaucoup

    aux travaux

    de

    Carroll,

    comme

    l'a

    trs

    bien

    montr

    Scallon

    (1986).

    Carroll (1963) a dvelopp un modle d'apprentissage dont le postulat

    L'valuation conjuge en

    paradigmes

    63

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    7/23

    de

    base

    disait

    que

    l'lve russirait

    un

    apprentissage

    dtermin dans la

    mesure o il

    consacrerait

    le temps

    qui

    lui

    tait

    ncessaire

    pour

    apprendre la

    tche.

    Il

    s'en suit

    que

    le

    niveau

    d'apprentissage d'un lve est

    fonction

    du

    rapport

    suivant

    :

    le temps

    rel

    consacr la tche par rapport

    au

    temps

    qui lui est

    ncessaire

    pour

    apprendre. Le

    temps

    ncessaire

    dpend

    lui-mme

    de plusieurs facteurs : l'aptitude

    spcifique

    une

    tche donne ; la capacit

    de comprendre l'enseignement et la qualit de l'enseignement. Quant au

    temps

    rel

    consacr

    la

    tche,

    il

    dpend

    essentiellement

    du

    temps

    mis

    la

    disposition de

    l'lve

    et de

    son

    degr de persvrance, c'est--dire du temps

    qu'il est

    prt

    consacrer pour

    russir la

    tche.

    Ces apports vont amener

    Bloom

    dvelopper

    l'ide

    de

    pdagogie de

    matrise dont

    les

    grandes lignes

    peuvent

    se rsumer comme suit

    :

    prciser

    clairement les rsultats attendus la fin d'un cours ou d'une squence

    d'apprentissage ;

    prparer

    les tudiants

    pour qu'ils puissent

    entrer avec

    fruit

    dans la squence d'apprentissage

    ;

    enrichir l'apprentissage de rtroactions

    frquentes et de dmarches correctives

    ;

    ne pas passer l'apprentissage

    ultrieur si l'apprentissage

    actuel

    n'est pas suffisamment

    matris.

    Les

    fondements

    de

    la

    pdagogie

    de

    la matrise vont

    tout

    naturellement

    conduire Bloom distinguer trois

    types

    d'valuation selon

    les

    moments et

    les

    fonctions de l'valuation :

    pour

    bien prparer

    l'lve

    entrer

    dans un apprent

    issage,

    on recourra

    l'valuation diagnostique

    ; pour

    l'aider en

    cours

    d ap

    prentissage, on

    recourra

    l'valuation formative

    ; au terme de l'apprentis

    sage,n contrlera la matrise des objectifs

    fixs

    par l'valuation certificative.

    Cette triple

    distinction

    (dveloppe dans un

    livre

    clbre :

    Bloom

    et al.,

    1971)

    a eu

    beaucoup

    de retentissement. De nombreux auteurs l'ont prcise,

    corri

    ge notamment

    l'ambigut

    du

    concept

    d'valuation diagnostique), complte

    (voir

    par

    exemple

    :

    Cardinet, 1986a

    ; De

    Ketele, 1980

    ; De

    Ketele et

    Roegiers,

    1993).

    Dans

    son

    livre

    clbre

    Caractristiques

    individuelles

    et

    apprentissages

    scolaires (version originale en 1976

    ;

    version franaise en

    1979),

    Bloom tente

    de

    dmontrer deux hypothses

    :

    l'historicit

    de

    l'individu tant

    importante

    pour la

    russite

    de

    l'apprentissage,

    il

    est

    ncessaire et il

    suffit

    d'valuer dans

    un premier temps

    les

    caractristiques

    cognitives et affectives de dpart de

    l'lve

    ; on

    peut

    modifier les

    caractristiques

    de dpart et

    de l'lve (prre

    quis t motivation), et de l'enseignant ou des deux et

    ces

    modifications

    permettent d'atteindre un apprentissage de plus haut niveau tant

    chez

    les

    individus

    que

    dans

    les

    groupes.

    Bloom

    estime mme

    que

    l'on peut

    augmenter

    ce niveau

    jusqu'

    deux sigmas, ce

    qui

    a gnr

    une controverse

    non encore

    teinte.

    De nombreuses

    critiques

    Tout en

    reconnaissant

    la

    contribution

    de la

    TOP

    au dveloppement

    de

    l'valuation, de nombreux auteurs ont mis

    en

    vidence un certain nombre de

    limites, voire de

    dangers.

    Ainsi, Hameline

    (1980)

    parle

    de pch behavio-

    riste

    lorsqu'il

    critique l'exigence

    de formuler

    tous

    les

    objectifs

    en termes de

    comportements

    observables.

    De

    Ketele

    (1980)

    stigmatise la tentation du

    dcoupage de l'enseignement en

    micro-objectifs et parle de

    pdagogie du

    saucissonnage

    . Charlier (1989)

    et Donnay et Charlier

    (1991)

    mettent en

    vidence le caractre peu habituel de

    l'entre

    par les

    objectifs pour

    les

    enseignants, qu'il existe d'autres points d'entre aussi valables et que

    l'entre

    par

    les

    objectifs

    requiert

    souvent

    un

    investissement

    peu compatible

    avec le contexte de la

    classe.

    64 Revue

    Franaise de Pdagogie,

    n

    103,

    avril-mai-juin

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    8/23

    Mais parmi toutes

    les

    critiques qui ont t adresses

    au

    modle

    tylrien

    et

    la

    pdagogie

    de la

    matrise,

    nous retiendrons l'analyse

    de Barbier (1985).

    Celui-ci

    met en vidence la structure

    pyramidale

    des rapports de pouvoir de

    ces

    modles

    : de l'extrieur, les responsables

    oprent

    des

    choix

    fondament

    aux

    l'enseignant incombent la confrontation

    avec

    l'lve et le jugement

    final ;

    l'lve subit le

    jugement d'existence de l'enseignant, particulir

    ement

    arqu

    quand il

    s'agit

    du savoir-tre.

    Les

    critiques ne manquent pas de

    fuser

    :

    accusation

    de

    totalitarisme

    pour

    les

    uns,

    accusation de

    systme

    repro

    ducteur des ingalits sociales pour

    les

    autres, accusation enfin de manquer

    les

    valeurs

    les

    plus fondamentales qui se laissent moins facilement opration-

    naliser comme

    l'exigent

    ces

    modles.

    Le paradigme

    de

    l'valuation formative dans un enseignement diffrenci

    On doit le terme

    d'valuation

    formative Scriven

    (1967) qui

    a

    voulu

    insister sur le

    fait

    que

    les erreurs

    commises pendant le processus n'taient

    ni rprhensibles

    ni des

    manifestations

    pathologiques,

    mais

    faisaient partie

    d'un processus normal

    d'apprentissage. Ainsi

    naissaient la distinction et

    l'opposition

    entre

    valuation sommative (bilan

    des

    performances

    acquises

    au

    terme d'un apprentissage) et

    valuation

    formative (valuation mene pendant

    un

    processus d'apprentissage inachev pour l'amliorer).

    La conception

    de l'valuation

    formative va alors se

    dvelopper

    dans

    plusieurs directions.

    Un

    des

    mouvements les

    plus puissants est celui qui a

    t gnr par le colloque de

    Genve

    en 1978 par des chercheurs suisses,

    belges

    et franais (qui se sont constitus

    depuis

    lors

    en

    Association pour le

    Dveloppement

    des

    Mthodologies

    de l'valuation

    )

    qui

    non seulement ont

    prcis

    le

    concept, mais

    l'ont orient

    vers un paradigme de

    pdagogie

    diffrencie.

    Allai

    (in

    Allai,

    Cardinet

    et

    Perrenoud,

    les

    diteurs

    des

    actes

    du

    colloque

    de Genve,

    publis

    en 1979)

    affirme que toute

    valuation a

    une

    fonction de

    rgulation. Mais si

    l'valuation

    pronostique (celle qui a lieu

    au

    dbut d'un

    cycle

    de formation)

    et l'valuation sommative (celle qui a lieu la

    fin

    d'une

    priode

    de formation) rgulent dans le sens o

    elles

    doivent assurer que les

    caractristiques des

    lves rpondent

    aux exigences du systme,

    par contre

    l'valuation formative

    doit

    assurer que

    les

    moyens de la

    formation

    correspon

    dentux

    caractristiques

    des lves.

    Trois

    tapes

    essentielles

    caractrisent donc

    l'valuation formative

    :

    le recueil d'informations

    concernant les

    progrs et

    les

    difficults d ap

    prentissage

    rencontres par

    l'lve

    ;

    l'interprtation

    de

    ces

    informations

    dans

    une perspective

    rfrence

    critrielle et, dans la mesure du possible, diagnostic des facteurs qui

    sont

    l'origine

    des

    difficults

    d'apprentissage observes

    chez l'lve

    ;

    l'adaptation des activits

    d'enseignement

    et

    d'apprentissage en fonc

    tion

    de

    l'interprtation faite des informations

    recueillies.

    (p. 132)

    Allai a

    galement

    distingu plusieurs modalits d'application de l'valua

    tion

    ormative

    :

    la

    rgulation ou l'valuation

    formative

    rtroactive,

    c'est--dire

    celle qui

    consiste

    marquer un temps d'arrt dans

    les activits

    d'apprentissage pour

    tablir

    un

    constat des

    objectifs

    dj

    atteints

    et

    des

    objectifs

    non atteints,

    afin

    d'envisager

    les

    activits de remdiation pertinentes

    ;

    L'valuation conjuge en paradigmes

    65

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    9/23

    la rgulation ou l'valuation formative

    interactive,

    c'est--dire

    celle

    qui

    s'intgre dans les

    activits

    d'enseignement et d'apprentissage : le diagnostic

    et la guidance individualises

    s'oprent

    en

    cours

    de processus

    ;

    des modalits

    mixtes qui

    peuvent revtir plusieurs aspects :

    soit une

    squence

    d'enseignement

    suivie

    d'une

    valuation

    formative rtroactive,

    suivie

    d'une

    remdiation s'accompagnant

    d'une

    valuation

    formative interactive

    ;

    soit une

    squence

    d'enseignement s'accompagnant d'une

    valuation format

    ive

    nteractive,

    suivie

    d'une

    valuation

    formative

    rtroactive,

    suivie

    d'une

    remdiation

    ;

    soit encore un processus

    continu alternant squence

    d ense

    ignement s'accompagnant d'une valuation formative

    interactive

    et valuation

    rtroactive

    prparant

    une nouvelle squence

    d'enseignement-(r)-apprentis-

    sage.

    Plus tard, et par un

    souci

    de symtrie vident, mergea galement le

    concept d'valuation formative proactive, celle qui a pour

    fonction

    de recueill

    ire l'information et de l'interprter dans le but

    de

    prparer

    une

    nouvelle

    squence d'apprentissage

    qui tienne compte des caractristiques des lves.

    La

    distinction

    entre

    valuation

    sommative et formative

    a

    amorc

    un

    largissement

    des

    conceptions

    de

    l'valuation.

    Cardinet

    (1986)

    en a fait

    une

    excellente synthse autour

    de neuf questions-cls :

    quels besoins ?, pour

    quoi

    valuer ?,

    pour qui

    valuer ?, sur quoi valuer ?, quand valuer ?, comment

    recueillir l'information ?, comment interprter

    l'information

    ?, comment

    utiliser

    l'information ?,

    quels sont

    les

    problmes

    en

    suspens ?

    Au-del du

    dveloppement

    du concept d'valuation formative, le colloque

    de

    Genve

    a eu le mrite

    d'amorcer une rflexion

    trs riche

    autour des

    concepts d'enseignement diffrenci et de pdagogie

    diffrencie.

    Cette

    rflexion prend son origine

    dans les travaux

    issus du paradigme sociologique

    (cf.

    supra)

    et a eu pour but de tenter de rpondre aux constats d'ingalits

    sociales,

    l'indiffrence

    face aux

    diffrences

    (pour

    reprendre

    l'expression

    de Perrenoud),

    aux

    ingalits renforces par les processus habituels

    de

    l'valuation...

    Si

    l'valuation

    formative dans

    une

    perspective

    de

    diffrenciation

    est

    un

    lment majeur de la

    rponse

    donner, elle n'en constitue pas moins qu'un

    lment

    parmi d'autres :

    faut-il

    galement

    faire varier

    les

    objectifs pdagogi

    ques

    n

    fonction

    des

    caractristiques

    des lves ?, faut-il

    au

    contraire

    impo

    ser

    a matrise

    de comptences minimales

    identiques et diffrencier sur les

    autres comptences

    (voir l'analyse

    de de Landsheere, V., 1988)

    ?

    faut-il plutt

    axer la formation sur des capacits

    ou

    comptences transversales de base

    identiques

    pour

    tous mais

    s'exerant

    sur des supports varis et

    diffrencis

    selon les

    lves

    (Meirieu,

    1985, 1987

    ;

    De

    Ketele,

    1982,

    1989)

    ?,

    faut-il

    plutt

    faire varier

    les

    mthodes et mettre

    l'lve

    face plusieurs mthodes afin

    qu'il

    trouve

    celle

    qui

    lui convienne (on

    retrouve

    ici,

    notamment,

    tous

    ceux qui ont

    tudi

    les

    styles

    d'apprentissage

    comme

    Lamontagne, 1984 et 1987, et de La

    Garanderie,

    1982)

    ?

    Le modle personnaliste de de Peretti

    (1981,

    1991) mrite

    d'tre

    signal,

    car il ne

    se centre

    pas

    seulement

    sur

    la

    personne

    de l'lve,

    mais aussi sur

    la

    personne

    de l'enseignant, lui-mme

    insr

    dans un contexte prcis avec ses

    contraintes et ses ressources. Un grand

    nombre

    de ses travaux a donc

    consist

    recueillir non

    seulement

    des outils varis

    (instruments d'valuation

    formative,

    procdures,

    techniques

    et

    mthodes

    pdagogiques,

    dispositifs

    de

    groupements d'lves,...), mais

    aussi,

    des rfrentiels et

    des

    outils d'analyse

    66

    Revue Franaise de Pdagogie,

    n

    103,

    avril-mai-juin

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    10/23

    des

    pratiques pdagogiques. Cette approche

    multi-rfrentielle

    et le dve

    loppement d'une

    ingnierie mthodologique

    (selon

    ses propres

    termes)

    nous semblent importants dans le

    cadre

    d'un paradigme de la

    diffrenciation.

    Le paradigme

    de l'valuation

    au

    service

    de la

    dcision

    Le modle CIPP

    de

    Stufflebeam

    Le modle de Stufflebeam

    est

    sans doute le modle le plus mondiale

    ment

    onnu. Contrairement

    au

    modle

    tylrien, il

    n'est

    pas

    centr sur

    les

    objectifs mais

    sur

    la dcision

    en situation. Le but de l'valuation n'est pas de

    prouver mais d'amliorer, c'est--dire prendre des dcisions adquates ( not

    to

    prove, but

    to

    improve, Stufflebeam et

    Shinkfield,

    1985,

    p. 151).

    Et ce

    n'est pas simplement,

    selon

    les

    auteurs, en

    mesurant

    l'cart

    entre

    perfo

    rmances et objectifs

    que

    l'on se

    met en

    position

    de

    prendre

    de

    bonnes

    dcisions.

    Le

    modle

    CIPP

    (Context,

    Input,

    Processus,

    Product)

    fut

    donc

    dvelopp.

    L'valuation du

    contexte

    cherche

    dfinir

    le

    contexte

    institutionnel,

    identifier les

    opportunits

    de

    rpondre aux besoins,

    diagnostiquer

    les

    problmes sous-tendant

    les

    besoins,

    juger si

    les

    objectifs proposs permett

    ente

    rpondre

    suffisamment

    aux besoins

    analyss. Pour

    mener

    bien une

    telle valuation,

    les

    valuateurs recourent des outils

    varis,

    tels l'analyse

    systmique,

    des enqutes, des

    analyses

    de documents, des entretiens, des

    tests diagnostiques et la technique Delphi.

    Une

    telle

    valuation

    permet de

    fonder les prises

    de dcision

    concernant le type de

    situation

    amnager

    pour

    la formation, les finalits et les objectifs de la formation, le type

    d'information

    recueillir

    pour valuer

    les

    rsultats.

    L'valuation

    des inputs

    (ou intrants

    comme disent

    les

    qubcois)

    permet d'identifier les capacits

    du systme, de circonscrire

    les

    stratgies

    alternatives,

    de prvoir les dmarches implanter et les ressources matr

    ielles,

    financires et

    humaines

    ncessaires.

    Les

    valuations recourent des

    outils, telles les

    runions

    d'quipes, la consultation d'inventaires, des visites,

    des techniques de planification, des tudes de fiabilit, des simulations.

    L'valuation permettra de fonder les prises

    de

    dsision concernant le choix

    des ressources et des stratgies ainsi

    que

    le type d'informations

    recueillir

    pour

    valuer la faon

    dont

    la stratgie

    prvue a

    t implante.

    L'valuation

    du

    processus

    vise

    identifier

    et

    mme

    prdire

    dans certains

    cas

    les

    dysfonctionnements par rapport

    au

    dispositif prvu,

    fournir les

    informations ncessaires pour les dcisions prprogrammes et

    prendre

    pendant le processus de formation, enfin enregistrer et

    porter

    un juge

    ment

    sur les vnements et

    activits

    de formation. Carnets de bord,

    mthodes des incidents critiques, runion

    d'quipes,

    entretiens, analyse des

    reprsentations

    des

    acteurs de la formation, analyse des productions

    seront

    les

    outils privilgis d'une telle

    valuation.

    Celle-ci permet

    de

    fonder

    les

    prises

    de

    dcision

    concernant les

    tapes

    prvues, les

    modifications

    entre

    prendre

    et le type d'informations

    recueillir

    et conserver pour

    l'interprta

    tiones rsultats

    de

    la formation.

    L'valuation

    du

    produit

    consiste

    rassembler les descriptions

    et

    juge

    ments

    concernants les

    rsultats,

    les mettre en

    relation

    avec les

    objectifs, le

    L'valuation conjuge en paradigmes

    67

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    11/23

    contexte,

    les

    inputs et le processus, enfin

    les

    interprter en termes de

    jugement de valeur. L'valuateur

    recourra

    deux

    types

    d'outils,

    les

    outils

    prconiss par le modle tylrien mais aussi toutes

    formes

    d'outils suscepti

    bles

    e

    rcolter

    les

    jugements des acteurs concernant

    les

    rsultats

    de

    la

    formation. Ces deux types

    d'informations

    seront soumis

    une

    analyse non

    seulement quantitative

    mais aussi qualitative. Le

    rapport

    final

    d'valuation

    consignera

    les

    jugements de valeur en distinguant les effets positifs et

    ngatifs

    par

    rapport

    aux

    rsultats prvus,

    voire les

    rsultats

    imprvus.

    Un des grands mrites du modle de Stufflebeam est d'tre un modle

    global.

    Mais

    c'est aussi

    sa

    principale

    limite.

    Le

    modle est

    essentiellement

    pens en termes d'valuation globale des formations et

    non

    en termes

    d'valuation

    des agents en

    formation, comme

    le

    font

    les

    enseignants

    en

    classe (cf. la distinction de Barbier, 1985).

    Cependant,

    bien des composantes

    du modle peuvent inspirer judicieusement

    l'valuation

    qui se

    droule

    dans le

    monde

    microscopique

    de la

    classe.

    Le

    modle

    de

    l'valuation

    au

    service d'une

    pdagogie

    de

    l'intgration

    selon

    De

    Ketele

    Ce modle

    rpond

    une double proccupation

    :

    une

    application

    du

    modle de Stufflebeam (fort large, puisque conu au dpart pour l'valuation

    des programmes de

    formation) au

    cadre plus restreint de l'valuation scol

    aire ; un dveloppement

    de ce

    modle en y intgrant le paradigme

    d'une

    pdagogie de l'intgration.

    Appliqu

    l'valuation scolaire,

    le

    modle

    de

    Stufflebeam

    implique

    que

    toute

    valuation

    mene autour des apprentissages a pour

    fonction principale

    de

    prendre une dcision d'action

    ( Evaluer pour

    mieux agir, selon

    l'expres

    sion

    'Hadji, 1992),

    et

    non

    simplement

    de

    faire

    un

    constat,

    plus

    forte

    raison

    un jugement.

    Si

    le processus valuatif

    comprend

    des constats et des

    juge

    ments certaines tapes,

    ceux-ci n'ont

    de valeur qu'en

    tant qu'lments

    concourant

    la prise

    de

    dcision. Nous pouvons donc

    rsumer le

    processus

    valuatif

    dans la dfinition suivante

    :

    Evaluer

    consiste

    recueillir

    un

    ensemb

    l ' informations reconnues

    comme

    suffisamment pertinentes, valides et

    fiables,

    et

    examiner

    le degr

    d'adquation

    entre

    cet ensemble

    d'informa

    tionst un

    ensemble

    de critres jugs suffisamment adquats aux objectifs

    fixs au dpart

    ou ajusts

    en cours de route, en

    vue

    de fonder

    une

    prise

    de

    dcision.

    (De

    Ketele,

    1980 ; De

    Ketele et

    Roegiers,

    1993).

    Cette

    dfinition

    met en vidence un

    certain nombre d'oprations

    dans le

    processus

    valuatif, dont

    certaines prcdent ncessairement d'autres. La

    premire

    n'est certainement pas (contrairement beaucoup

    de

    pratiques)

    de

    recueiller

    des

    informations, mais

    rside dans le fait qu'il faille d'abord se

    poser la question

    du

    pour

    quoi

    valuer,

    c'est--dire

    la fonction de l'valua

    tion

    Quel

    type

    de dcision serai-je amen

    prendre

    au terme de l'valua

    tion).

    Toutes

    les oprations

    suivantes seront

    conditionnes par la

    rponse

    cette

    premire

    question (qui

    peut

    en corrolaire en entraner d'autres,

    comme

    par exemple :

    pour qui ? , ...). En

    fonction

    du

    type de

    dcision

    fonder, l'valuateur est

    amen

    se poser la question

    des

    objectifs qu'il

    convient d'valuer. Contrairement

    au

    modle

    de Tyler, ces

    objectifs

    ne

    sont

    pas toujours et

    ncessairement

    prdtermins, ils peuvent tre rvls en

    cours

    de

    route

    ou

    rsulter

    d'ajustements

    dcids

    en

    cours d'apprentissage.

    L'valuation des objectifs

    suppose

    la dfinition de critres adquats, voire

    68 Revue Franaise de Pdagogie, n 103, avnl-mai-juin

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    12/23

    d'indicateurs lorsque cela est

    possible

    et pertinent. C'est seulement sur cette

    base que

    peuvent tre choisies

    les

    situations qui

    permettront

    de recueiller

    l'information

    juge

    ncessaire. Commencent alors les oprations concrtes de

    recueil,

    de traitement,

    d'interprtation et

    de

    synthse

    de l'information

    qui

    conduiront la prise de

    dcision.

    Si ces oprations ne

    sont

    pas toujours

    aussi linaires que

    ce bref

    expos ne le laisse sous-entendre

    (en

    effet,

    des

    ajustements

    sont souvent jugs

    ncessaires

    qui impliquent

    des retours en

    arrire),

    une

    hirarchie

    existe

    entre

    ces

    oprations,

    dans

    le

    sens

    que

    la

    qualit

    d'une

    opration dpend de

    celles qui

    la prcdent.

    De Ketele et Roegiers

    (1993, chap.

    2)

    ont

    dvelopp et prcis les

    qualits

    attendues d'une

    valuation

    autour

    de

    trois concepts

    fondamentaux :

    la pertinence, la validit et la fiabilit. La pertinence signifie que l'valuation

    rpond

    sa

    fonction premire. La validit suppose qu'on value

    rellement

    ce que l'on dclare valuer. La fiabilit a trait la confiance que l'on

    peut

    avoir dans

    les

    oprations

    effectues.

    Ces

    qualits peuvent

    tre examines un macro-

    ou

    un

    micro-niveau,

    autour

    des

    questions suivantes

    :

    Macro (valuation)

    Macro-pertinence

    Macro-validit

    "Est-ce que je ne me trompe pas d'objectif ?"

    "Mes critres permettent-ils

    de

    vrifier

    ce

    que

    je

    dclare

    vouloir vrifier

    ?"

    Micro (recueil

    d'informations)

    Micro-pertinence

    Micro-validit

    Micro-fiabilit

    Macro-fiabilit

    (communication)

    Pertinence

    Validit

    Fiabilit

    "Est-ce

    que je

    ne me trompe pas

    d'informations

    re

    cueillir ?"

    "La

    stratgie mise en place me donne-t-elle toutes

    les

    garanties que

    l'information

    que je

    vais

    recueillir

    est bien

    celle que je dclare

    vouloir

    recueillir

    ?"

    "La

    faon de

    recueillir l'information est-elle semblable

    d'une personne

    l'autre, d'un endroit l'autre, d'un

    moment l'autre ?"

    "L'utilisation que je fais des critres est-elle la mme

    pour

    tout

    le monde

    ?"

    "Est-ce que

    je

    ne me trompe pas

    de rsultats

    communiq

    uer

    "

    "Est-ce que

    les

    rsultats

    que je communique sont bien

    ceux

    que je dclare vouloir communiquer

    ?"

    "Est-ce

    que

    le

    dcideur

    peut

    se

    fier

    ces

    rsultats

    ?"

    Un

    des

    intrts

    du modle de Stufflebeam rside dans la quadruple

    distinction

    contexte,

    entres, processus, sorties et dans l'articulation entre

    ces

    quatre composantes.

    A

    un

    niveau

    plus microscopique, la classe et

    mme

    l'lve sont des systmes

    ; en

    consquence,

    cette

    quadruple distinction s ap

    plique

    et

    on

    peut penser que pour chacune

    d'elle correspondent

    une ou

    plusieurs

    fonctions

    diffrentes de l'valuation, telles l'valuation des

    besoins,

    l'valuation pronostique, l'valuation formative, l'valuation certificative.

    Mais

    l'apport

    le plus

    important au

    modle de Stufflebeam, appliqu

    au

    contexte

    de

    la

    classe,

    rside

    dans

    le

    dveloppement d'une

    pdagogie

    de

    l'intgration.

    L'valuation conjuge en paradigmes

    69

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    13/23

    La pdagogie de

    l'intgration est une

    tentative

    pour lutter

    contre

    une

    pdagogie

    du

    saucissonnage habituellement pratique

    dans

    le

    cadre scol

    aire

    : l'cole n'est souvent qu'une

    juxtaposition de

    cubes les

    uns

    ct des

    autres ou

    les

    uns

    au-dessus

    des autres

    ; les

    horaires sont des

    tranches

    de

    temps

    homognes

    que

    l'on utilise

    le plus souvent

    indpendamment

    les unes

    des autres ; les programmes

    juxtaposent

    des disciplines les unes

    ct

    des

    autres ;

    un programme est trop

    souvent

    une suite de

    chapitres

    indpendants

    ;

    un

    chapitre

    est

    lui-mme

    souvent

    une

    suite

    de

    leons...

    Mme l'valuation

    n'chappe

    pas

    au

    pige du saucissonnage. Le terme

    d'valuation sommative est rvlateur.

    Les

    spcialistes de l'valuation eux-

    mmes

    encouragent

    cette

    tendance lorsqu'ils disent

    qu'une bonne valuation

    est un chantillon de questions

    reprsentatives

    de l'univers des objectifs

    viss ou/et des contenus de l'apprentissage.

    La pdagogie de l'intgration dit au

    contraire

    que le tout n'est pas la

    somme

    des parties.

    Ce

    n'est pas

    parce qu'un

    lve russit toutes les

    ques

    tions d'un test qu'il a compris (prendre ensemble) et qu'il sait utiliser ce

    qu'il

    a appris dans un contexte

    o

    il ne

    suffit

    pas

    de

    juxtaposer les

    acquis,

    mais

    de

    faire

    des

    choix

    et

    de

    nouveaux

    assemblages avec

    les objets

    des

    apprentissages antrieurs.

    C'est pourquoi

    nous avons

    introduit les nouveaux

    concepts

    d'objectifs

    terminal

    ou

    intermdiaire

    d'intgration (De Ketele, 1980, De Ketele et alii,

    1989).

    Un objectif d'intgration

    possde

    les

    caractristiques suivantes

    :

    (a) la

    comptence vise s'exerce sur une

    situation d'intgration,

    c'est--dire une

    situation complexe

    comprenant de l'information essentielle et de l'information

    parasite et

    mettant

    en jeu

    les

    apprentissages antrieurs

    les

    plus

    significatifs ;

    (b) la

    comptence est une activit complexe

    ncessitant l'intgration et non la

    juxtaposition des savoirs,

    savoir-faire

    et savoir-tre appris antrieurement ; (c)

    la

    situation d'intgration est

    la plus proche

    possible

    des situations naturelles

    auxquelles

    seront

    confronts

    les

    lves

    plus

    tard

    ;

    (d)

    la

    comptence

    est

    oriente

    vers le

    dveloppement

    de l'autonomie et donc le savoir-devenir .

    Prparer un cours au

    dbut

    de

    l'anne

    rside essentiellement

    se

    fixer

    un bon objectif

    terminal

    d'intgration qui comprend

    les

    apprentissages

    les

    plus importants et, partir de

    l, quelques

    objectifs intermdiaires

    d'intgra

    tion

    ui seront

    des passages

    obligs

    dans la progression et dans l'apprentis

    sage

    e cette comptence fondamentale qu'est le savoir intgrer .

    Au

    niveau

    de

    l'valuation, il en

    rsulte que l'valuation certificative

    finale

    prend comme

    objet l'objectif

    terminal

    d'intgration,

    en

    prenant

    bien soin de

    se dfinir

    des

    critres

    et des indicateurs

    minimaux

    par rapport des

    critres

    et

    indicateurs

    que

    nous

    pourrions

    qualifier

    de

    perfectionnement.

    En

    cours

    d'anne, des valuations-bilans vise formative porteront sur

    les

    objectifs

    intermdiaires

    d'intgration

    et, si le besoin s'en fait sentir, des

    valuations

    diagnostiques en

    profondeur porteront sur des

    aspects

    plus sp

    cifiques de

    l'apprentissage (voir De

    Ketele

    et

    Paquay, in

    Allai, 1991).

    Le paradigme de l'valuation centre sur le consommateur

    selon

    Scriven

    (1967,

    1983)

    De Scriven,

    les pdagogues

    n'ont malheureusement retenu trop

    souvent

    que

    la

    seule

    distinction entre

    valuation

    sommative

    et

    formative.

    L'approche

    de Scriven

    est cependant

    originale et

    innovante sur bien des points

    :

    (a)

    il

    Revue Franaise de Pdagogie,

    n

    103,

    avril-mai-jum

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    14/23

    prfre l'valuation

    en

    amateur

    (

    amateur

    evaluation )

    l'valuation

    profes

    sionnelle ( professional evaluation ) ; (b) il insiste sur l'importance

    d'valuer

    les

    effets de la

    formation

    et de l'valuation sur

    les clients ;

    (c)

    il

    milite pour

    une

    valuation

    dgage des objectifs

    (

    goal free

    evaluation ),

    c'est--dire

    centre

    sur

    tous les effets de la

    formation

    ; (d) il dfend l'ide que le

    concept-cl de

    l'valuation

    est

    le concept de

    jugement

    de valeur (et non les

    concepts d'objectif ou

    de dcision)

    ;

    (e)

    comme

    seule base de jugement de

    valeur,

    il

    ne reconnat

    que

    l'analyse

    des

    valeurs

    et

    des

    besoins

    des

    consom

    mateurs

    (ce qui s'carte

    trs

    nettement de la position de

    Tyler

    et

    mme

    de

    celle

    de Stufflebeam qui,

    s'il considre comme

    important

    dans

    l'valuation

    du

    contexte la prise en compte des

    besoins du public-cible, reconnat une

    primaut aux dcideurs

    ; par

    contre,

    on

    se

    rapproche beaucoup

    plus de la

    pense de Barbier, 1985) ; (f) il souligne la ncessit

    de

    comprendre

    (d'

    ill

    uminer

    ) les

    effets la

    lumire

    de ce qui

    s'est

    pass dans la

    formation ;

    (g)

    pour

    lui,

    le jugement final

    consiste

    comparer la

    valeur

    ou le mrite relatif

    des objets

    soumis

    l'valuation (stratgies

    de formation

    mises

    en

    uvre,

    stratgies alternatives,

    personnes en

    formation, ...,

    selon les cas) ; (h) enfin, il

    prne

    la

    ncessit d'une mta-valuation,

    c'est--dire

    d'une

    valuation

    de

    l'valuation

    par

    des

    personnes

    externes

    comptentes,

    si

    possible

    avant

    l'implantation

    de l'valuation et avant la diffusion du

    rapport

    final.

    Ainsi donc, le modle de Scriven signifie

    que

    Pvaluateur doit partir

    l'esprit

    libre de

    tout

    objectif. Sa

    premire

    tche

    consiste

    rassembler un

    maximum d'informations

    par

    des outils varis sur

    toutes les

    composantes du

    systme

    de

    formation. Sa dernire tche

    est

    de prononcer un jugement de

    valeur.

    Mais commeni

    passer

    du recueil d'informations au jugement de valeur

    ?

    Par

    l'analyse des besoins rels des consommateurs qui

    fourniront les

    critres

    du jugement

    de

    valeur (les travaux de Figari sur

    les

    referentiels vont dans ce

    sens).

    Mais

    qui

    sont les consommateurs

    ?

    Scriven

    distingue

    deux types de

    consommateurs :

    la

    clientle

    ou

    march-cible

    qui recevront

    les personnes

    formes et

    les

    utiliseront

    d'une part

    ; les vrais

    consommateurs d'autre

    part,

    c'est--dire les rcipiendaires de la formation. Dans

    l'analyse

    des

    besoins du march-cible, l'valuateur se posera des questions, telles

    par

    exemple :

    quelles

    sont les comptences et attitudes

    que

    les

    lves sortant du

    lyce

    doivent possder et sur lesquelles la communaut universitaire

    doit

    pouvoir

    tabler pour

    assurer

    une

    formation universitaire de qualit

    ?

    Quels

    sont

    les savoir-faire et les savoir-tre dont les lves-matres

    doivent

    faire preuve

    au terme

    de

    leur formation

    pour rpondre aux exigences

    de

    la

    fonction

    enseignante telle qu'elle

    est

    vue par les chefs d'tablissement, les ensei

    gnants,

    les

    parents,

    les

    lves

    ?...

    Dans

    l'analyse des

    besoins

    du

    consom

    mateur vrai qu'est l'lve de terminale, l'valuateur tentera

    d'identifier les

    besoins rels

    de celui-ci (comme par exemple, un concept de

    soi

    positif,

    une

    bonne prparation au bac,

    ...).

    L'analyse des besoins du futur

    enseignant

    rvlera peut-tre un besoin d'tre scuris quant la

    faon

    de

    conduire sa

    classe...

    Les

    deux types de besoins (ceux du

    march-cible

    et ceux du

    rcipiendaire de la formation) ne

    risquent-ils

    pas

    parfois de rentrer en conflit ?

    Le seul

    lment de

    rponse que

    nous dcouvrons chez

    Scriven rside dans le

    fait

    que l'analyse des besoins

    doit

    prendre

    en

    considration

    les

    besoins

    rels

    et

    non les

    besoins perus

    comme

    idaux.

    Centr

    sur

    les besoins

    des

    consommateurs,

    le

    modle

    de

    Scriven

    reconn

    at

    onc une

    place l'valuation sommative.

    Elle consistera

    par

    exemple

    L'valuation conjuge en

    paradigmes

    71

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    15/23

    comparer

    plusieurs stratgies de

    formation

    par rapport aux besoins rels de

    tels consommateurs

    ;

    ou elle comparera

    les

    savoir-faire et

    les

    savoir-tre de

    plusieurs futurs

    enseignants

    par

    rapport aux besoins

    rels des coles, voire

    d'une

    cole

    particulire. On comprend

    aussi

    que, pour des raisons

    d'objectiv

    it,criven dfend l'ide d'un valuateur externe pour l'valuation somma-

    tive ou certificative.

    Le

    paradigme

    de

    l'valuation

    centre

    sur

    le client

    ou paradigme

    de

    l'valuation

    rpondante

    selon Stake (1967,

    1975, 1976)

    L'itinraire

    biographique de Stake est un itinraire

    curieux

    et

    intressant.

    Initialement professeur de mathmatique, il

    prsentera une thse doctorale

    en

    psychomtrie. Il devint de plus en plus sceptique vis--vis de la thorie

    classique de la mesure pour rsoudre

    les

    problmes de l'valuation scolaire

    et

    vis--vis

    des

    tests

    en

    gnral pour

    comparer les

    stratgies

    diffrentes

    de

    formation.

    Il

    tentera

    alors

    de

    dfinir

    un modle d'valuation des curricula qui

    tienne compte

    des

    apports jugs

    positifs de Tyler,

    Stufflebeam

    et

    Scriven,

    mais

    qui en dpasse

    les limites.

    S'il

    ne nie

    pas

    l'intrt

    de

    comparer les

    rsultats

    observs

    aux

    rsultats

    attendus

    comme

    le voulait

    Tyler,

    il

    estime

    cela

    insuffisant. En

    effet, il

    dclare

    que

    les

    rsultats attendus et

    mme

    les rsultats observs ne

    sont

    pas

    ncessairement

    les

    mmes selon

    les

    personnes, c'est--dire selon

    les diff

    rents types de clients ou personnes impliques dans des situations diff

    rentes de prise de

    dcision.

    Il dveloppe alors une

    approche

    centre sur le

    client ou

    plus exactement sur les

    clients,

    car,

    dans toute

    valuation, dira-t-il,

    les clients ne

    sont

    pas

    seulement ceux qui demandent

    l'valuation, mais aussi

    toutes

    les

    personnes impliques (c'est--dire ce qu'il appelle

    les au

    diences

    ).

    S'il

    admet avec Scriven que

    toute

    valuation comporte un

    jugement de

    valeur,

    il

    trouve vain

    de

    porter

    un

    jugement

    final

    comparatif (et

    de

    ce

    fait

    refuse

    l'valuation sommative). Pour

    cela,

    dit-il, il faudrait

    que

    le jugement

    puisse

    s'appuyer des des normes de jugement uniques. Or,

    les

    normes de

    jugement sont multiples. Le rle de l'valuateur est donc pour lui

    :

    (a) de

    rcolter

    le plus objectivement possible les informations, les diffrentes

    normes de jugement et

    les diffrents jugements

    des

    diffrentes

    personnes

    ;

    (b) d'en analyser la congruence ; (c) de fournir par l

    une meilleure

    compr

    hension de

    la situation

    en vue de

    permettre aux

    diffrentes audiences de

    mieux

    comprendre et d'amliorer le processus de formation (d'o le concept

    d'valuation

    rpondante).

    Stake

    tente

    alors

    de

    concilier

    d'une

    part

    la

    pense

    de Stufflebeam

    qui

    insiste sur la ncessit d'valuer le contexte, les inputs, le processus et les

    produits et d'autre part la pense de Scriven, centre sur le concept de

    jugement de valeur et de critres relatifs aux besoins des

    consommateurs.

    Il

    propose ce

    qu'il

    appelle un

    format pour

    la collecte des donnes .

    Ce format

    comprend trois composantes. La

    premire consiste

    dcrire

    les fondements

    du programme

    de formation. La seconde

    consiste

    remp

    lir une

    matrice

    de

    description ,

    comprenant

    deux

    colonnes (d'une

    part,

    les

    intentions , c'est--dire ce

    que les

    diffrentes personnes veulent

    ;

    d'autre

    part,

    les observations

    ,

    c'est--dire

    ce

    que les diffrentes personnes

    per

    oivent

    et trois lignes

    (les

    antcdents , c'est--dire

    les

    intentions et

    les

    observations

    avant

    la

    mise

    en route

    du programme

    ;

    les

    transactions

    ,

    c'est--dire

    les

    intentions et

    les

    observations qui se sont manifestes

    en

    72

    Revue Franaise de Pdagogie,

    n 103, avnl-mai-juin

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    16/23

    cours

    de

    processus de

    formation ; les

    rsultats , c'est--dire

    les

    intentions

    et les observations rsultant de la formation). La troisime

    consiste

    tablir

    la

    matrice de jugement ,

    comprenant

    galement deux colonnes

    (les

    cr

    itres

    ,

    c'est--dire ici

    ce que

    les personnes en formation

    doivent

    apprendre

    selon

    les diffrentes

    personnes

    ; les

    jugements , c'est--dire la valeur attr

    ibue

    par les diffrentes personnes

    aux

    composantes

    du

    programme) et

    galement trois

    lignes

    ( nouveau

    les

    antcdents ,

    les transactions et

    les

    rsultats

    ,

    mais en

    termes

    de

    critres

    au

    sens

    de

    performances

    apprendre et de

    jugements

    au sens

    de

    valeur

    attribue).

    Le

    travail

    de l'valuateur

    consistera donc

    d'abord

    produire

    le plus

    honntement

    possible

    les

    informations

    objectives

    et

    subjectives

    des diff

    rentes facettes de

    ce format et

    relatives

    aux divers

    clients impliqus.

    Ensuite,

    il

    mnera

    une

    double

    analyse

    :

    une analyse en terme de congruence et une

    analyse

    en terme

    de contingence logique.

    L'analyse en

    terme

    de congruence dsigne

    l'analyse

    des accords et

    dsaccords : (a) entre les diffrentes audiences ; (b) entre intentions et

    obser

    vations

    ;

    (c)

    entre critres

    et

    jugements ;

    (d)

    entre descriptions

    et

    jugements ;

    (e)

    entre

    fondements

    du

    programme,

    descriptions

    et

    jugements.

    L'analyse

    en

    terme

    de

    contingence logique dsigne

    le

    caractre logique

    du passage

    :

    (a)

    entre

    antcdents

    et transactions ; (b) entre transactions et

    rsultats

    ;

    (c)

    entre

    les

    fondements du programme et la

    succession antc

    dents, transactions

    et rsultats.

    Enfin, les rsultats

    de

    cette

    double

    analyse

    sont

    synthtiss et communi

    qus

    ux diffrents clients

    sous

    des formes et des

    langages appropris, de

    telle

    sorte

    que

    chaque

    public concern puisse apporter sa part l'amliora

    tiones programmes.

    Avec

    Stufflebeam

    et

    Shinkfiels

    (1985,

    p.

    66),

    on

    peut

    cependant

    reprocher

    au

    modle de Stake de proposer

    des

    outils d'valuation insuffisamment

    dvelopps

    ou

    valids

    (comme,

    par exemple, les

    tudes

    de

    cas,

    les

    rapports

    contradictoires,

    les

    sociodrammes,

    ...),

    de produire une information dont la

    fiabilit

    et l'objectivit

    sont

    souvent sujettes

    caution, de

    travailler avec des

    valuateurs

    peu forms

    et

    souvent

    trop

    impliqus

    (la

    mta-valuation propo

    se ar Scriven pourrait cependant tre

    considre comme une

    parade), de

    fournir des conclusions

    souvent quivoques

    et contradictoires, donc

    souvent

    peu

    utiles, et mme de

    travailler dans un contexte

    o

    la

    manipulation est

    facilement

    possible.

    A

    ces objections,

    nous

    en ajouterons une plus terre

    terre :

    comment

    la

    rendre

    possible et

    raliste dans

    le contexte

    de

    la

    pratique

    scolaire habituelle

    ?

    Le

    paradigme conomique

    On

    peut

    situer le

    grand

    dveloppement du paradigme

    conomique

    partir du concept

    de

    rendement de

    compte

    (

    accountability

    )

    lanc par le

    prsident

    Nixon et son

    administration. Des

    sommes

    considrables vont tre

    alloues aux recherches visant valuer l'efficacit des systmes

    d'enseigne

    ment

    pensons aux

    recherches de

    l'IEA). Selon Bressoux (1993),

    ce mouve

    ment

    'est

    dessin en

    raction

    aux conclusions des travaux de Coleman et

    alii (1966)

    et Jencks

    et alii (1972) qui

    dclaraient

    que

    l'cole

    n'exerce

    pas (ou

    trs

    peu)

    d'effets

    spcifiques

    sur

    les

    acquisitions

    des

    lves

    :

    celles-ci

    sont

    bien

    davantage

    dtermines par les

    caractristiques individuelles

    des lves

    L'valuation conjuge en

    paradigmes

    73

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    17/23

    et notamment par

    leur

    origine socio-conomique. Indpendamment, aux

    tats-Unis, deux

    courants

    de

    recherche

    se sont dvelopps dans

    les

    annes

    70

    : l'un, dans

    une

    perspective militante, s'inscrit dans

    une lutte

    contre

    les ingalits

    sociales et tudie

    les effets-coles ;

    l'autre tudie

    les

    rpercussions

    de l'enseignement des matres sur les comportements et les

    acquisitions des lves et

    prend donc

    la

    classe

    comme unit d'observation.

    Ces

    deux

    courants

    ont

    t relays en France par l'Institut

    de Recherche

    en

    Economie

    de

    l'ducation

    Dijon

    (IREDU).

    Au centre des proccupations du paradigme conomique se

    trouvent

    le

    constat de la

    variabilit

    des acquisitions des lves et le dsir d'identifier

    les

    dterminants

    de

    cette

    variance,

    principalement

    les

    effets lis au matre,

    la classe et

    l'cole, une

    fois limins les effets lis

    aux caractristiques

    individuelles, surtout

    celles

    relevant du niveau socio-conomique.

    Les

    travaux de l'IREDU se centrent principalement

    autour

    de deux varia

    bles

    dpendantes

    : l'efficacit et l'quit.

    Le concept

    d'efficacit est

    li au concept de

    progression

    des

    acquisitions

    des

    lves

    :

    un

    enseignant

    ou

    un

    programme seraient

    d'autant

    plus

    efficaces

    avec un public donn qu'il serait davantage capable de faire progresser

    les

    lves dans un laps de temps dtermin. Mthodologiquement

    parlant,

    cela

    suppose au

    moins

    deux

    mesures comparables dans

    le temps des

    perfo

    rmances

    acquises

    par les

    lves.

    Oprationnellement parlant,

    l'efficacit n'est

    cependant pas

    mesure

    par la

    simple

    diffrence

    arithmtique

    entre rsultat

    final et rsultat

    initial

    (qui ne tient

    pas

    compte des biais

    lis

    aux effets de

    plafond ou de plancher d'une part, et au fait

    que

    la diffrence

    arithm

    tique

    st

    gnralement corrle avec le pr-test d'autre part), mais

    est

    estime

    partir des

    rsidus

    d'une rgression du score

    final sur le

    score

    initial

    : les

    rsidus positifs (ceux

    qui

    se situent au-dessus de la droite de

    rgression) exprimeront une efficacit plus grande

    alors

    que

    les

    rsidus

    ngatifs

    (ceux

    qui

    se

    situent

    en-dessous

    de

    la droite

    de

    rgression)

    traduiront

    une rgression

    relative et

    donc une efficacit

    moins grande.

    Plus philosophique ou

    moral,

    le concept d'quit est dfini d'un point de

    vue conomique

    comme

    le fait que le foss constat au dpart

    entre

    les

    faibles

    et

    les

    forts

    n'augmente

    pas, voire mme diminue. D'un point

    de vue

    statistique, cela signifie que la

    situation

    d'quit maximale

    thorique

    corres

    pond u

    cas o

    les

    rsultats aux

    preuves

    finales

    ne

    dpendent pas de ceux

    obtenus aux preuves initiales. Oprationnellement,

    les

    chercheurs de l'IREDU

    la

    mesurent

    par la

    pente

    de la

    rgression linaire simple du rsultat final

    sur

    le rsultat initial. On peut

    trouver

    une explication simple du modle de

    l'IREDU

    dans

    la

    thse

    de

    Bressoux

    (1993).

    Ces deux

    variables

    dpendantes

    tant

    dfinies, la proccupation des

    chercheurs fonctionnant

    avec

    ce paradigme est d'essayer

    de dterminer,

    toutes choses restant gales par ailleurs , quels sont les facteurs

    qui

    influencent

    le

    plus l'efficacit et

    l'quit. Dans

    ce but, l'IREDU

    propose

    un

    modle mthodologique original que

    nous

    qualifierons de hirarchique pro

    gressif , qui consiste

    isoler d'abord la

    variance

    explique par les

    caract

    ristiques

    individuelles

    de

    l'lve

    (et

    surtout le poids des

    caractristiques

    socio-conomiques),

    pour ensuite

    isoler dans la variance non explique la

    part de variance expliquable par l'effet-matre, puis la

    part

    de

    l'effet-classe

    indpendante des effets-matres, enfin la part de

    l'effet-cole indpendant

    des

    effets

    prcdents. La

    part

    de

    variance

    une

    fois

    estime

    et

    explique

    par

    un

    effet, les

    chercheurs de l'IREDU tentent de

    voir

    quelles sont

    les

    variables

    74 Revue

    Franaise

    de Pdagogie, n 103, avnl-mai-juin

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    18/23

    qui

    ont

    tendance

    composer

    l'effet en question, par des approches quantita

    tivesu qualitatives (Duru-Bellat, 1991).

    Le paradigme

    conomique est videmment

    un paradigme

    sduisant

    pour

    les

    macro-dcideurs qui ont la tche et le dsir de grer au

    mieux

    les

    deniers

    de la collectivit. Les rsultats des travaux de l'IREDU

    (Mingat,

    1983, 1984,

    1987,

    1991; Duru-Bellat et

    Mingat, 1985,

    1988; Duru-Bellat et Leroy-

    Audouin,

    1990)

    semblent indiquer

    que:

    (a)

    l'effet-matre

    est

    aussi

    important

    que

    les effets lis aux

    caractristiques individuelles

    de

    l'lve

    ; (b)

    du

    moins

    l'cole primaire, l'effet-cole serait pour l'essentiel une

    aggregation

    des

    effets-matres : l'effet spcifique de l'cole serait

    donc faible

    ; (c) les attentes

    des matres vis--vis de leurs lves joueraient un rle

    important

    dans l'effet-

    matre ; (d) les matres les plus quitables

    sont

    souvent aussi les plus perfor

    mants,

    mais

    d'autres cas de figure existent.

    Le paradigme

    conomique est

    essentiellement

    une

    macro-valuation :

    c'est

    sa

    principale qualit et

    sa

    principale

    limite.

    En

    tant que macro-valuat

    ion

    l exige

    le dploiement de gros

    moyens

    (chantillons importants et

    minutieusement constitus,

    arsenal

    mthodologique

    complexe, ...). Il demande

    en outre

    des

    instruments

    de

    mesure

    valides

    et

    fiables.

    On ne

    s'tonnera donc

    pas

    que

    les variables

    dpendantes mesures

    soient des

    acquisitions scolaires

    classiques

    (la

    lecture,

    le calcul,...).

    Il

    est d'autres

    variables

    importantes que

    celles-l,

    comme la

    curiosit,

    la

    crativit, l'indpendance, l'attitude vis--vis

    de

    l'cole,

    l'adaptation ..., plus difficilement valuables et qui cependant

    peuvent

    faire des

    diffrences importantes

    entre matres (cf. les

    153

    recherches analyses

    par

    Giaconia et Hedges, 1982) et probablement seraient

    davantage

    lis

    l'effet-cole.

    Si le paradigme conomique

    est,

    et doit

    rester,

    un modle macro au

    service

    de

    la

    gestion

    loigne (

    condition

    qu'il soit

    complt par

    d'autres

    approches),

    il n'en contient pas moins deux concepts-cls importants gale

    ment pour

    la

    gestion

    quotienne

    de

    la

    classe

    :

    l'efficacit

    conue

    comme

    le

    fait

    de faire progresser les acquisitions des lves

    ;

    l'quit

    conue

    comme

    le

    fait

    de ne pas

    accrotre

    et

    mme de

    diminuer l'cart

    qui

    existe au

    dpart

    entre les

    forts et

    les

    faibles.

    Le

    paradigme

    de l'valuation

    comme

    processus de rgulation

    Selon

    Allai (in Allai, Cardinet,

    Perrenoud,

    1979), la rgulation

    est

    le

    concept central de l'valuation, dans le sens o

    toute

    valuation explicit

    ementu implicitement est un moyen

    de

    rgulation l'intrieur d'un

    systme

    de formation.

    Cela

    reste

    vrai,

    que l'on

    se

    place

    au niveau macro-

    ou

    micro-scopique.

    Le

    paradigme

    de l'valuation comme processus de rgulation, dvelopp

    actuellement par

    de nombreux

    chercheurs, pourrait tre un paradigme fdrat

    eur,

    out en

    permettant

    des

    coles

    diffrentes

    de conserver

    leur

    ident

    it. C'est

    ainsi que

    nous

    pouvons

    interprter la classification propose par

    Bonniol, Genthon et

    Roger

    (1989). Selon eux,

    on

    peut distinguer

    les

    valua-

    teurs qui

    privilgient : (a) le bilan et la

    correction

    des produits

    (

    rfrentiel

    de

    contrle,

    selon

    l'expression

    de

    Figari,

    1993); (b) l facilitation des

    apprentissages

    (

    rfrentiel

    de

    comptences cognitives

    ) ;

    (c)

    l'aide

    la

    construction

    de l'identit individuelle

    et

    collective ( rfrentiel de

    reprsent

    ations

    ociales

    )

    ;

    (d)

    la

    rgulation

    du

    fonctionnement individuel

    et

    collect

    if

    (

    rfrentiel d'interactions ), etc.

    L'valuation conjuge en paradigmes

    75

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    19/23

    76

    A la lecture de cette classification, on devine les fondements

    systmiques

    du paradigme de la rgulation. Comme le

    montre

    Monteil

    (1985),

    la

    formation

    est un systme, lui-mme

    compos

    de sous-systmes en interactions

    :

    l'entre, un systme compos de

    l'environnement psychosocial

    ; le groupe en

    formation

    ou le

    systme

    rgul

    ;

    le systme supportant la

    formation

    ou

    systme rgulateur ; le produit ou le systme d'application.. Toujours

    selon

    Monteil,

    le paradigme systmique

    remet en cause

    deux prceptes cart

    siens

    :

    la

    causalit

    (

    laquelle

    le

    systmique

    oppose

    la

    finalit) et

    le

    rduction-

    nisme

    (auquel

    le

    systmique

    oppose la

    globalit) .

    Il y

    cependant

    de multiples

    faons

    de

    faire fonctionner

    le paradigme

    systmique et,

    travers lui,

    le paradigme de la

    rgulation. Ou

    bien on le fait

    fonctionner comme un modle

    cyberntique

    et

    on

    se trouve dans un

    systme

    ferm

    qui

    privilgie le contrle de qualit ,

    sur

    la base d'un rfrentiel

    prdtermin. Ou bien

    on

    le

    fait

    fonctionner de faon

    ouverte,

    la

    recherche

    de sens (Ardoino et Berger,

    1989),

    voire la cration d'un sens

    nouveau . De

    nombreuses

    modalits

    de

    fonctionnements plus ou moins

    ouverts peuvent tre

    envisages,

    car

    les

    sous-systmes interagissent avec

    des poids diffrents selon

    les

    lieux et

    les

    moments. En

    effet,

    comme

    le

    montre Figari

    (1993), les

    rfrentiels sont

    multiples

    l'intrieur

    du

    systme

    de

    formation

    et rentrent

    souvent

    en comptition quand ils ne

    s'ignorent

    pas

    :

    le

    rfrentiel de l'administrateur

    qui

    est un rfrentiel de

    gestion,

    celui

    de

    l'inspecteur

    qui est politique, celui du consultant ou de l'auditeur qui est

    d'expertise, celui

    du

    chercheur

    qui est

    scientifique, celui

    de

    l'enseignant

    qui

    est pdagogique, celui

    de

    l'lve qui lui est centr sur

    les

    reprsentations de

    la russite et de l'chec,

    celui

    des parents centr

    sur

    un devenir,

    celui

    du

    chef

    d'tablissement

    centr sur la gestion des ressources humaines et matr

    ielles... Ainsi

    selon

    les

    cas,

    les

    approches,

    les lieux

    et

    les

    moments,

    la

    vise

    privilgiera tantt la

    recherche

    de sens, tantt l'action

    ;

    et la rgulation

    sera

    tantt

    davantage du contrle,

    tantt

    davantage

    une

    stratgie innovante.

    Nous sommes

    donc bien dans la complexit

    et

    la

    mouvance.

    Le para

    digme

    est

    prometteur car riche dans ses fondements, mais il

    reste

    encore

    construire.

    Certes, des

    synthses existent dj. Nous

    pensons particulir

    ement

    ux travaux de d'Hainaut, et

    principalement

    la synthse qu'il a publie

    pour

    l'UNESCO

    La rgulation dans

    les

    systmes ducatifs. Guide mthodol

    ogique

    (1980b).

    Cette synthse est une des plus compltes et des plus

    oprationnelles, mais

    elle prescrit comme

    point d'entre la

    politique

    ducative

    dont la responsabilit incombe aux politiques

    ;

    or

    des

    points d'entre multi

    ples existent et

    qu'il convient

    de

    prendre

    en compte et d'articuler. Il

    reste

    donc construire un modle de la rgulation qui, tant thoriquement

    qu'op-

    rationnellement, articule la multirfrentialit et puisse prendre

    en compte

    diffrents

    degrs

    d'ouverture

    ou

    de

    fermeture

    du

    systme

    dans

    ses

    diffrents

    niveaux macro-, mso- et

    micro-scopiques.

    En guise de

    conclusion

    provisoire : l'valuation la

    question,

    l'valuation

    en

    question(s)

    Avec

    son

    quipe du CEPEC, Delorme publiait en 1987 un livre au titre

    vocateur

    L'valuation en

    questions .

    Dans

    cette

    conclusion,

    nous

    pour

    rions aussi mettre en vidence un

    certain

    nombre de questions que pose

    l'tat

    actuel des

    travaux sur

    l'valuation

    ; mais

    nous pourrions

    aussi les

    soumettre

    la

    question

    et

    au

    pouvoir

    des

    juges

    et,

    peut-tre,

    les

    remettre

    en

    question

    Revue Franaise de Pdagogie, n 103, avril-mai-juin

    1993

  • 7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes

    20/23

    Dans

    certains pays,

    l'valuation

    est de

    plus en plus souvent assigne en

    justice. Dans son livre

    Faire russir. Faire chouer , Viviane De Landsh