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(suite à la page 2) HAÏTI SOINS D'URGENCE POUR FEMMES ENCEINTES H aïti est tristement connu pour être l'un des pays les plus pauvres de l'hémisphère occiden- tal et celui où le taux de mortalité puerpérale est le plus élevé. Lorsqu'on sait que ce pays n'est qu'à quatre heures de vol de Montréal, cela peut sem- bler irréel. Aujourd'hui, les Haïtiens subissent les conséquences d'une violence systémique et insi- dieuse. Les femmes enceintes en sont les victimes les plus vulnérables. UN ENVIRONNEMENT HOSTILE En dépit de la réussite des élections en 2006 et de la présence d'une mission d'interposition onusienne, Haïti continue de connaître des explosions de vio- lence comme des enlèvements, des viols ou des tirs croisés entre des groupes armés et les forces des Nations Unies. C'est dans ce contexte d'extrême instabilité sociale et politique que MSF a ouvert, en mars 2006, un hôpital d'urgences obstétricales dans la capitale du pays, Port-au-Prince. L'hôpital Jude Anne de MSF dessert les femmes qui ont un accès très limité aux soins de santé, qui vivent dans les quartiers les plus déshérités de la ville et qui sont, de fait, les plus susceptibles d'être victimes d'actes de violence. Les femmes enceintes vivant dans les bidonvilles de Port-au-Prince sont exposées à une violence quotidi- enne. Une future maman de Cité Soleil peut être Dépêches BULLETIN MSF CANADA Vol.9, n o 2 DANS CE NUMÉRO 1 4 6 8 10 12 14 15 Soins d'urgence pour femmes enceintes « Ici, il n'y a pas de bonheur » Lutter contre le choléra en République du Congo Blogue du terrain : « Soudainement... Soudan » Des choix impossibles : la dure réalité de l'aide humanitaire Travailler de nuit en Somalie Le régime canadien d'accès aux médicaments est inefficace Compute rendu : L'inspiration qui mène à l'action Lauréat du prix Nobel de la paix 1999 © Julie Rémy

Dépêches (Été 2007)

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Dépêches est le bulletin de Médecins Sans Frontières (MSF) Canada.

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(suite à la page 2)

HAÏTISOINS D'URGENCE POUR FEMMES ENCEINTES

Haïti est tristement connu pour être l'un despays les plus pauvres de l'hémisphère occiden-

tal et celui où le taux de mortalité puerpérale estle plus élevé. Lorsqu'on sait que ce pays n'est qu'àquatre heures de vol de Montréal, cela peut sem-bler irréel. Aujourd'hui, les Haïtiens subissent lesconséquences d'une violence systémique et insi-dieuse. Les femmes enceintes en sont les victimesles plus vulnérables.

UN ENVIRONNEMENT HOSTILE

En dépit de la réussite des élections en 2006 et dela présence d'une mission d'interposition onusienne,Haïti continue de connaître des explosions de vio-

lence comme des enlèvements, des viols ou des tirscroisés entre des groupes armés et les forces desNations Unies. C'est dans ce contexte d'extrêmeinstabilité sociale et politique que MSF a ouvert, enmars 2006, un hôpital d'urgences obstétricalesdans la capitale du pays, Port-au-Prince. L'hôpitalJude Anne de MSF dessert les femmes qui ont unaccès très limité aux soins de santé, qui vivent dansles quartiers les plus déshérités de la ville et quisont, de fait, les plus susceptibles d'être victimesd'actes de violence.

Les femmes enceintes vivant dans les bidonvilles dePort-au-Prince sont exposées à une violence quotidi-enne. Une future maman de Cité Soleil peut être

DépêchesB U L L E T I N M S F C A N A D A

Vol.9, no2

DANS CE NUMÉRO

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8

10

12

14

15

Soins d'urgence pour

femmes enceintes

« Ici, il n'y a pas

de bonheur »

Lutter contre le choléra en

République du Congo

Blogue du terrain :

« Soudainement... Soudan »

Des choix impossibles :

la dure réalité de l'aide

humanitaire

Travailler de nuit

en Somalie

Le régime canadien d'accès

aux médicaments est

inefficace

Compute rendu : L'inspiration

qui mène à l'action

Lauréat du prix Nobel de la paix 1999

© J

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agressée sexuellement par un membre de safamille, un voisin ou un membre d'un groupearmé. Elle peut se retrouver au beau milieude tirs croisés entre deux groupes armés, ousouffrir de traumatismes psychiques causéspar la violence. Comme elle vit dans unbidonville contrôlé par des gangs armés, ellepeut se voir ostraciser par les habitantsd'autres quartiers de Port-au-Prince par peurqu'elle ne soit associée à l'un d'entre eux.Éventuellement seule à élever ses enfants,elle lutte contre cette grande vulnérabilité quiaccompagne l'extrême pauvreté. Elle est sys-tématiquement oubliée par sa société et parla communauté internationale.

Très peu d'options, si jamais, s'offrent à cesfemmes lorsqu'elles ont besoin de soins. Lesystème de santé à Haïti n'est accessiblequ'à celles et à ceux qui peuvent se l'offrir etreste hors de portée pour les femmes vivantdans les quartiers pauvres de la ville. Lesservices médicaux des hôpitaux publics sonttrop chers pour la majorité des femmesenceintes. Pour un enfant qui naît naturelle-ment et sans complications dans un hôpitalpublic, la mère doit débourser 13 $, six foisle salaire moyen journalier d'une Haïtienne.

Voilà qui est hors de prix pour une mamansans emploi. Les femmes des bidonvillesn'ont d'autre choix que d'accoucher à domi-cile, avec peut-être l'aide d'une matrone -une sage-femme du coin sans formation -appliquant la médecine traditionnelle quipeut, dans bien des cas, augmenter le risquede complications à la naissance.

« Malgré les promesses faites à la popula-tion, selon lesquelles les fonds interna-tionaux couleraient à flots dans le pays, lasituation des femmes est inchangée. MSFoffre à ces femmes une chance d'accéderà des soins obstétricaux d'urgence gratu-its », explique Colette Gadenne, chef demission MSF en Haïti.

MSF OUVRE UN HÔPITAL DE SOINSOBSTÉTRICAUX D'URGENCE

Lorsque l'hôpital Jude Anne a ouvert sesportes en mars 2006, MSF prévoyait 300accouchements par mois. Au mois de sep-tembre de la même année, l'équipe hospi-talière en avait facilité 1300, soit un bébétoutes les demi-heures. Ce flot imprévunécessita la planification d'une infrastruc-

ture inventive, dont la création d'une aire detriage sur le parc de stationnement del'hôpital. Fait important, cet afflux, quireprésentait le cinquième du nombre totalde naissances à Port-au-Prince ce mois-là,attira l'attention des femmes haïtiennes enquête de soins gratuits et de qualité.

L'équipe médicale de l'hôpital, composéepour l'essentiel de Haïtiens, s'est parfoissentie débordée par le nombre élevé denaissances. Toutefois, le plus difficile estde ne pas pouvoir sauver la vie des bébés,et parfois des mères, qui se présentent àl'hôpital lorsqu'il est déjà trop tard. Lamajorité des morts puerpérales est causéepar des crises d'éclampsie, une augmenta-tion de la pression artérielle qui provoquedes convulsions et la mort soudaine de lamère et du fœtus. Si les crises d'éclampsiesont traitées à temps, la mère et son enfantpeuvent survivre pour autant que l'ac-couchement se fasse par césarienne.

En juin 2006, MSF a lancé un programme deprévention contre la transmission du VIH aufœtus en dépistant les futures mamans et enles transférant à un hôpital qui offre un traite-

H a ï t i

ment pour protéger le fœtus. MSF dispenseégalement du counseling psychosocial ainsique des soins pré- et postnatals.

Une équipe de proximité visite régulière-ment les bidonvilles de Port-au-Prince pouridentifier les femmes enceintes potentielle-ment à risque. Ses membres enseignent auxfemmes les symptômes à surveiller commeles saignements et les maux de tête inha-bituels qui pourraient nécessiter des soinsd'urgence. Ils chantent des chansons encréole et jouent à divers jeux pour faire pas-ser le message à des publics attentifs. Uneclinique mobile visite également lesbidonvilles et offre des soins prénatals auxfemmes directement dans leur quartier.

Depuis l'ouverture de l'hôpital Jude Anne,MSF a facilité la naissance de plus de

10 000 bébés. Ce chiffre reflète manifeste-ment un besoin massif et permanent desoins obstétricaux d'urgence pour lesfemmes des bidonvilles de Port-au-Prince.Tout au long de l'année en cours, MSFexercera des pressions sur le gouvernementhaïtien et la communauté internationalepour que les besoins des femmes enceintesdeviennent une priorité et pour qu'ellesreçoivent les soins obstétricaux requis.

Pour connaître les activités de MSF en Haïti,visitez notre site Internet au www.msf.ca etcliquez sur « pays ».

Isabelle JeansonConseillère en communications

La photographe Julie Rémy a voyagé enHaïti en mai 2007 pour documenter le tra-vail qu'y fait MSF. Voici les histoires de deuxfemmes enceintes qu'elle a rencontrées.

JEANISE

Lorsque je suis entrée dans la salle d'ac-couchement et que j'ai rencontré Jeanise, 38ans, j'ai eu du mal à croire qu'elle était sur lepoint d'accoucher tellement elle était maigre.Je fus encore plus surprise en apprenantqu'elle était sur le point d'avoir des jumelles.

Jeanise a été admise à l'hôpital Jude Anneen raison de son hypertension, qui pouvaitéventuellement déclencher une éclampsiefatale. Le fait que cet accouchement seraitson sixième, et le second où elle donneraitnaissance à des jumeaux, justifiait égale-ment son admission.

Même si la douleur se lisait sur son visage,Jeanise ne se plaignait pas. Elle donna nais-sance à deux petites filles pesant moins dedeux kilos chacune. Les nouveau-nées secramponnaient l'une à l'autre pendant que les

sages-femmes les nettoyaient. Jeanise sem-blait heureuse.

Quelques minutes après avoir accouché, ellealla rejoindre un lit dans la salle de récupéra-tion pour laisser la place à la prochaine par-turiente. Sous-alimentée, avec peu de moyenset six autres enfants à sa charge, je medemande bien comment Jeanise fera pournourrir ces deux nouvelles bouches.

NERLANDE

Nous avons rencontré Nerlande lors d'une visiteà La Saline avec l'équipe d'information, d'édu-cation et de communication (IEC) de MSF.Cette fillette de 13 ans, enceinte, souffrait etles larmes roulaient le long de ses joues.

Ses contractions avaient débuté la nuit précé-dente et elle se sentait prête à accoucher,mais elle n'avait pas d'argent pour se rendre àl'hôpital et était effrayée. L'équipe IEC orga-nisa rapidement son transport vers Jude Anne.

À l'hôpital, il fut établi que Nerlande souffraitde prééclampsie. Les médecins ont estiméque sans l'intervention de l'équipe, elle auraitprobablement perdu son bébé ou aurait pusuccomber aux crises.

Nerlande a encore souffert durant deuxlongues journées au milieu des cris des autresfemmes et du grondement des générateurs. Laplupart du temps, elle était allongée sur unsimple banc en bois à l'entrée de l'hôpital, car

il n'y avait tout simplement pas assez de litspour l'accueillir. J'étais impatiente qu'elleaccouche pour que cessent ses souffrances.

Ses hanches n'étaient pas encore formées, etbien trop étroites pour accoucher naturelle-ment, sans compter qu'elle était beaucouptrop faible. Les docteurs ont donc décidé depratiquer une césarienne. Elle donna nais-sance à une ravissante petite fille de 2,2 kg.

Après deux jours de repos à la maternité avecles autres nouvelles mamans, Nerlande retour-na chez elle. Quelques jours plus tard, elle futobligée de revenir nous voir parce que l'inci-sion s'était infectée en raison des conditionsde vie insalubres à La Saline.

© Julie Rémy

© Julie Rémy

© Julie Rémy

© Julie Remy

© Julie Rémy© Julie Rémy

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Dépêches Vol.9, no2 page 3

agressée sexuellement par un membre de safamille, un voisin ou un membre d'un groupearmé. Elle peut se retrouver au beau milieude tirs croisés entre deux groupes armés, ousouffrir de traumatismes psychiques causéspar la violence. Comme elle vit dans unbidonville contrôlé par des gangs armés, ellepeut se voir ostraciser par les habitantsd'autres quartiers de Port-au-Prince par peurqu'elle ne soit associée à l'un d'entre eux.Éventuellement seule à élever ses enfants,elle lutte contre cette grande vulnérabilité quiaccompagne l'extrême pauvreté. Elle est sys-tématiquement oubliée par sa société et parla communauté internationale.

Très peu d'options, si jamais, s'offrent à cesfemmes lorsqu'elles ont besoin de soins. Lesystème de santé à Haïti n'est accessiblequ'à celles et à ceux qui peuvent se l'offrir etreste hors de portée pour les femmes vivantdans les quartiers pauvres de la ville. Lesservices médicaux des hôpitaux publics sonttrop chers pour la majorité des femmesenceintes. Pour un enfant qui naît naturelle-ment et sans complications dans un hôpitalpublic, la mère doit débourser 13 $, six foisle salaire moyen journalier d'une Haïtienne.

Voilà qui est hors de prix pour une mamansans emploi. Les femmes des bidonvillesn'ont d'autre choix que d'accoucher à domi-cile, avec peut-être l'aide d'une matrone -une sage-femme du coin sans formation -appliquant la médecine traditionnelle quipeut, dans bien des cas, augmenter le risquede complications à la naissance.

« Malgré les promesses faites à la popula-tion, selon lesquelles les fonds interna-tionaux couleraient à flots dans le pays, lasituation des femmes est inchangée. MSFoffre à ces femmes une chance d'accéderà des soins obstétricaux d'urgence gratu-its », explique Colette Gadenne, chef demission MSF en Haïti.

MSF OUVRE UN HÔPITAL DE SOINSOBSTÉTRICAUX D'URGENCE

Lorsque l'hôpital Jude Anne a ouvert sesportes en mars 2006, MSF prévoyait 300accouchements par mois. Au mois de sep-tembre de la même année, l'équipe hospi-talière en avait facilité 1300, soit un bébétoutes les demi-heures. Ce flot imprévunécessita la planification d'une infrastruc-

ture inventive, dont la création d'une aire detriage sur le parc de stationnement del'hôpital. Fait important, cet afflux, quireprésentait le cinquième du nombre totalde naissances à Port-au-Prince ce mois-là,attira l'attention des femmes haïtiennes enquête de soins gratuits et de qualité.

L'équipe médicale de l'hôpital, composéepour l'essentiel de Haïtiens, s'est parfoissentie débordée par le nombre élevé denaissances. Toutefois, le plus difficile estde ne pas pouvoir sauver la vie des bébés,et parfois des mères, qui se présentent àl'hôpital lorsqu'il est déjà trop tard. Lamajorité des morts puerpérales est causéepar des crises d'éclampsie, une augmenta-tion de la pression artérielle qui provoquedes convulsions et la mort soudaine de lamère et du fœtus. Si les crises d'éclampsiesont traitées à temps, la mère et son enfantpeuvent survivre pour autant que l'ac-couchement se fasse par césarienne.

En juin 2006, MSF a lancé un programme deprévention contre la transmission du VIH aufœtus en dépistant les futures mamans et enles transférant à un hôpital qui offre un traite-

H a ï t i

ment pour protéger le fœtus. MSF dispenseégalement du counseling psychosocial ainsique des soins pré- et postnatals.

Une équipe de proximité visite régulière-ment les bidonvilles de Port-au-Prince pouridentifier les femmes enceintes potentielle-ment à risque. Ses membres enseignent auxfemmes les symptômes à surveiller commeles saignements et les maux de tête inha-bituels qui pourraient nécessiter des soinsd'urgence. Ils chantent des chansons encréole et jouent à divers jeux pour faire pas-ser le message à des publics attentifs. Uneclinique mobile visite également lesbidonvilles et offre des soins prénatals auxfemmes directement dans leur quartier.

Depuis l'ouverture de l'hôpital Jude Anne,MSF a facilité la naissance de plus de

10 000 bébés. Ce chiffre reflète manifeste-ment un besoin massif et permanent desoins obstétricaux d'urgence pour lesfemmes des bidonvilles de Port-au-Prince.Tout au long de l'année en cours, MSFexercera des pressions sur le gouvernementhaïtien et la communauté internationalepour que les besoins des femmes enceintesdeviennent une priorité et pour qu'ellesreçoivent les soins obstétricaux requis.

Pour connaître les activités de MSF en Haïti,visitez notre site Internet au www.msf.ca etcliquez sur « pays ».

Isabelle JeansonConseillère en communications

La photographe Julie Rémy a voyagé enHaïti en mai 2007 pour documenter le tra-vail qu'y fait MSF. Voici les histoires de deuxfemmes enceintes qu'elle a rencontrées.

JEANISE

Lorsque je suis entrée dans la salle d'ac-couchement et que j'ai rencontré Jeanise, 38ans, j'ai eu du mal à croire qu'elle était sur lepoint d'accoucher tellement elle était maigre.Je fus encore plus surprise en apprenantqu'elle était sur le point d'avoir des jumelles.

Jeanise a été admise à l'hôpital Jude Anneen raison de son hypertension, qui pouvaitéventuellement déclencher une éclampsiefatale. Le fait que cet accouchement seraitson sixième, et le second où elle donneraitnaissance à des jumeaux, justifiait égale-ment son admission.

Même si la douleur se lisait sur son visage,Jeanise ne se plaignait pas. Elle donna nais-sance à deux petites filles pesant moins dedeux kilos chacune. Les nouveau-nées secramponnaient l'une à l'autre pendant que les

sages-femmes les nettoyaient. Jeanise sem-blait heureuse.

Quelques minutes après avoir accouché, ellealla rejoindre un lit dans la salle de récupéra-tion pour laisser la place à la prochaine par-turiente. Sous-alimentée, avec peu de moyenset six autres enfants à sa charge, je medemande bien comment Jeanise fera pournourrir ces deux nouvelles bouches.

NERLANDE

Nous avons rencontré Nerlande lors d'une visiteà La Saline avec l'équipe d'information, d'édu-cation et de communication (IEC) de MSF.Cette fillette de 13 ans, enceinte, souffrait etles larmes roulaient le long de ses joues.

Ses contractions avaient débuté la nuit précé-dente et elle se sentait prête à accoucher,mais elle n'avait pas d'argent pour se rendre àl'hôpital et était effrayée. L'équipe IEC orga-nisa rapidement son transport vers Jude Anne.

À l'hôpital, il fut établi que Nerlande souffraitde prééclampsie. Les médecins ont estiméque sans l'intervention de l'équipe, elle auraitprobablement perdu son bébé ou aurait pusuccomber aux crises.

Nerlande a encore souffert durant deuxlongues journées au milieu des cris des autresfemmes et du grondement des générateurs. Laplupart du temps, elle était allongée sur unsimple banc en bois à l'entrée de l'hôpital, car

il n'y avait tout simplement pas assez de litspour l'accueillir. J'étais impatiente qu'elleaccouche pour que cessent ses souffrances.

Ses hanches n'étaient pas encore formées, etbien trop étroites pour accoucher naturelle-ment, sans compter qu'elle était beaucouptrop faible. Les docteurs ont donc décidé depratiquer une césarienne. Elle donna nais-sance à une ravissante petite fille de 2,2 kg.

Après deux jours de repos à la maternité avecles autres nouvelles mamans, Nerlande retour-na chez elle. Quelques jours plus tard, elle futobligée de revenir nous voir parce que l'inci-sion s'était infectée en raison des conditionsde vie insalubres à La Saline.

© Julie Rémy

© Julie Rémy

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© Julie Rémy© Julie Rémy

Page 4: Dépêches (Été 2007)

les indicateurs de santé y sont préoccu-pants en raison des conditions de vie sor-dides qui y règnent. Parmi les problèmesde santé graves figurent les diarrhées, lesinfections respiratoires et la malnutrition.En mai 2006, MSF a ouvert une cliniqueet un centre de nutrition thérapeutiqueprès de ce camp improvisé. À la fin del'année, on parvenait à assurer plus de140 consultations par jour en moyenne àla clinique, et le centre de nutrition avaitsoigné un total de 665 enfants.

J. est arrivée à la clinique MSF avec sesjumeaux prématurés. Âgée de 18 ans seule-ment, elle s'était mariée huit mois aupara-vant, mais son mari l'avait quittée. Ayanttrouvé une autre épouse, il refusait de s'oc-cuper de J. et de ses deux bébés. En mars,les autorités l'ont chassée de son abri parceque celui-ci était situé trop près de la route.Elle habite maintenant avec sa mère, et lesdeux femmes mendient pour survivre.

LIEU D'ARRIVÉE, LIEU DE VIE

Certains Rohingyas n'ont jamais quitté lesecteur de plages où ils sont arrivés en bateauaprès avoir fui le Myanmar. Ils vivent sur lalongue plage de Shamlapur, où la pêche con-stitue la seule source de revenus. Ils travail-lent pour des propriétaires de bateauxbangladeshis, qui les paient très peu.

Chaque semaine, MSF offre des services surla plage de Shamlapur, dans une cliniquemobile qui fournit des soins et de l'éduca-tion à la santé aux réfugiés rohingyas qui yvivent. Les pathologies respiratoires et lesinfections cutanées constituent les pro-blèmes les plus fréquents.

Étant donné le banditisme qui sévit sur lesroutes, l'équipe est obligée d'emprunter letrajet qui longe la plage; il lui faut doncune heure pour atteindre la clinique et elledoit coordonner ses déplacements avec lesheures des marées. Une fois sur place,MSF s'active dans un local d'entreposageconverti en salle de soins et divisé par despans de plastique.

N. est arrivée du Myanmar il y a 14 ans.Depuis lors, elle vit sur cette plage avec10 membres de sa famille : quatre filleset deux fils avec femmes et enfants. Sonmari est mort il y a six ans. « Noussommes venus au Bangladesh parce quel'armée birmane a pris notre terre, nosvaches et tout ce que nous possédions,

dit-elle. Ici, nous vivons de la pêche. Toutle poisson que nous pêchons est réquisi-tionné par le propriétaire du bateau, quinous paie à la pièce. »

La pêche est praticable en moyenne 10 jourspar mois, à l'exception des trois mois de la sai-son des pluies, de juin à août; il est alorspresque impossible de pêcher. Par conséquent,le revenu de cette activité est insuffisant poursoutenir une famille de dix personnes.

Quoi qu'il en soit, de nombreux Bangladeshisvivent les mêmes problèmes que ces réfugiés.Au moins, ici, la vie des Rohingyas n'est pasmenacée. « Si je retourne [au Myanmar] aprèstout ce temps, ils me mettront en prison oume tueront, ajoute-t-elle. Au moins, ici, onnous laisse tranquilles. »

AU-DELÀ DE CETTE FRONTIÈRE

Il existe chez les Rohingyas une longue tra-dition de traversée de la frontière entre leMyanmar et le Bangladesh. Jadis, certains

sont venus faire des affaires dans la régiondu Chittagong, au nord de Teknaf. LesRohingyas sont musulmans, comme lamajorité des Bangladeshis, et leur languen'est pas très différente des dialectes del'Est du Bangladesh.

Toutefois, aujourd'hui, ils éprouvent delourdes difficultés quant à leur intégrationdans la société bangladeshie. Depuis1994, ils ne sont plus reconnus commedes réfugiés et se heurtent à la discrimina-tion et à l'exploitation. Leurs conditions devie dans le camp de Tal et sur les plagesde Shalampur sont épouvantables. Etpourtant, ils continuent d'y venir, aban-donnant leur terre d'origine. S'ils préfèrentvivre dans le camp de Tal, on peut s'inter-roger sur la situation qui prévaut de l'autrecôté de la frontière.

Elena TortaConseillère en communications

Dépêches Vol.9, no2 page 5

En 1992, plus de 250 000 musulmansrohingyas ont fui l'État du Nord

Rakhine pour rejoindre le Bangladesh. Ilsavaient été chassés de leurs terres par la discrimination, la violence et les travauxforcés que leur imposaient les autorités du Myanmar. Au fil des années, la plupartde ces Rohingyas sont retournés auMyanmar, mais d'autres continuent devenir au Bangladesh.

Du côté bangladeshi de la frontière, plus de2000 réfugiés rohingyas ayant refusé deretourner au Myanmar s'entassent dans lesdeux camps officiels de Kutupalong etNayapara, au sud de la ville de Cox'sBazaar. Et un nombre indéterminé deRohingyas vivent dans la région de Teknaf,près de la frontière avec le Myanmar.

Plus de 7500 réfugiés peuplent le campimprovisé et sordide de Tal, et 2200 viventsur les plages de Shamlapur. Une minoritéde Rohingyas a réussi à s'intégrer dans lasociété bangladeshie; certains d'entre eux ysont retournés après avoir été rapatriés au Myanmar.

MSF a commencé à s'occuper des Rohingyasdu Bangladesh à l'époque de leur exode mas-sive du Myanmar, il y a 15 ans, en leur four-nissant une vaste gamme de soins de santéde base dans les camps de réfugiés. Après

avoir quitté cette région en 2003, j'y ai reprismes activités l'année dernière.

DE MAL…

Les Rohingyas qui avaient été enregistrés offi-ciellement à l'époque de l'afflux de réfugiésde 1992 et qui vivent depuis dans les campsde réfugiés officiels ont accès à des rationsalimentaires, à des soins de santé de base età une certaine forme d'éducation.

En avril 2007, MSF a ouvert une unité desoins pour patients hospitalisés dans lescamps de Kutupalong et Nayapara. Durant lesdeux premiers mois d'activité, ces installa-tions ont accueilli 650 patients. L'équipe deMSF se prépare à ouvrir des salles d'ac-couchement dans ces deux camps.

Même si ces Rohingyas sont mieux lotis queles réfugiés non enregistrés, leurs vies sontconfinées derrière les grilles des camps. Ilsn'ont pas le droit de travailler à l'extérieur.Leur avenir est sombre.

R. est une jeune mère de 17 ans. Ellen'avait que deux ans à son arrivée aucamp de Kutapalong, où elle vit toujours.Elle ne connaît rien du monde extérieur.Elle est arrivée avec sa mère, son frère etses grands-parents, mais sa mère a dûretourner au Myanmar; son frère est parti

après avoir eu des démêlés avec lesautorités du camp, et ses grands-parentssont décédés.

R. est mariée, mais son mari doit se cacher,car il n'est pas enregistré auprès desautorités du camp. « Je ne l'ai pas vudepuis plus de cinq mois, dit-elle. Je veuxrester au Bangladesh, mais pas dans cecamp. Ici, le bonheur n'existe pas. »

… EN PIS

La vie des réfugiés rohingyas éparpillésdans la région de Teknaf est encore plusdifficile. Ils survivent en faisant de durstravaux sous-payés et doivent constam-ment lutter pour combler des besoins debase comme la nourriture, l'eau et lessoins de santé.

Le camp de Tal est constitué de petitescabanes branlantes bâties entre la rivièreNaf et la route qui mène à Cox's Bazaar.Plus de 7500 hommes, femmes et enfantsrohingyas ont trouvé refuge sur cette bandede terre de 800 mètres qui n'a que 30mètres de largeur. L'eau potable et la nour-riture y sont rares et l'accès aux établisse-ments de santé, limité.

En avril 2006, MSF a mené une enquêtedans ce camp de fortune et constaté que

B a n g l a d e s h

« ICI, LE BONHEUR N'EXISTE PAS »

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© Eddy van Wessel

© Eddy van Wessel

Page 5: Dépêches (Été 2007)

les indicateurs de santé y sont préoccu-pants en raison des conditions de vie sor-dides qui y règnent. Parmi les problèmesde santé graves figurent les diarrhées, lesinfections respiratoires et la malnutrition.En mai 2006, MSF a ouvert une cliniqueet un centre de nutrition thérapeutiqueprès de ce camp improvisé. À la fin del'année, on parvenait à assurer plus de140 consultations par jour en moyenne àla clinique, et le centre de nutrition avaitsoigné un total de 665 enfants.

J. est arrivée à la clinique MSF avec sesjumeaux prématurés. Âgée de 18 ans seule-ment, elle s'était mariée huit mois aupara-vant, mais son mari l'avait quittée. Ayanttrouvé une autre épouse, il refusait de s'oc-cuper de J. et de ses deux bébés. En mars,les autorités l'ont chassée de son abri parceque celui-ci était situé trop près de la route.Elle habite maintenant avec sa mère, et lesdeux femmes mendient pour survivre.

LIEU D'ARRIVÉE, LIEU DE VIE

Certains Rohingyas n'ont jamais quitté lesecteur de plages où ils sont arrivés en bateauaprès avoir fui le Myanmar. Ils vivent sur lalongue plage de Shamlapur, où la pêche con-stitue la seule source de revenus. Ils travail-lent pour des propriétaires de bateauxbangladeshis, qui les paient très peu.

Chaque semaine, MSF offre des services surla plage de Shamlapur, dans une cliniquemobile qui fournit des soins et de l'éduca-tion à la santé aux réfugiés rohingyas qui yvivent. Les pathologies respiratoires et lesinfections cutanées constituent les pro-blèmes les plus fréquents.

Étant donné le banditisme qui sévit sur lesroutes, l'équipe est obligée d'emprunter letrajet qui longe la plage; il lui faut doncune heure pour atteindre la clinique et elledoit coordonner ses déplacements avec lesheures des marées. Une fois sur place,MSF s'active dans un local d'entreposageconverti en salle de soins et divisé par despans de plastique.

N. est arrivée du Myanmar il y a 14 ans.Depuis lors, elle vit sur cette plage avec10 membres de sa famille : quatre filleset deux fils avec femmes et enfants. Sonmari est mort il y a six ans. « Noussommes venus au Bangladesh parce quel'armée birmane a pris notre terre, nosvaches et tout ce que nous possédions,

dit-elle. Ici, nous vivons de la pêche. Toutle poisson que nous pêchons est réquisi-tionné par le propriétaire du bateau, quinous paie à la pièce. »

La pêche est praticable en moyenne 10 jourspar mois, à l'exception des trois mois de la sai-son des pluies, de juin à août; il est alorspresque impossible de pêcher. Par conséquent,le revenu de cette activité est insuffisant poursoutenir une famille de dix personnes.

Quoi qu'il en soit, de nombreux Bangladeshisvivent les mêmes problèmes que ces réfugiés.Au moins, ici, la vie des Rohingyas n'est pasmenacée. « Si je retourne [au Myanmar] aprèstout ce temps, ils me mettront en prison oume tueront, ajoute-t-elle. Au moins, ici, onnous laisse tranquilles. »

AU-DELÀ DE CETTE FRONTIÈRE

Il existe chez les Rohingyas une longue tra-dition de traversée de la frontière entre leMyanmar et le Bangladesh. Jadis, certains

sont venus faire des affaires dans la régiondu Chittagong, au nord de Teknaf. LesRohingyas sont musulmans, comme lamajorité des Bangladeshis, et leur languen'est pas très différente des dialectes del'Est du Bangladesh.

Toutefois, aujourd'hui, ils éprouvent delourdes difficultés quant à leur intégrationdans la société bangladeshie. Depuis1994, ils ne sont plus reconnus commedes réfugiés et se heurtent à la discrimina-tion et à l'exploitation. Leurs conditions devie dans le camp de Tal et sur les plagesde Shalampur sont épouvantables. Etpourtant, ils continuent d'y venir, aban-donnant leur terre d'origine. S'ils préfèrentvivre dans le camp de Tal, on peut s'inter-roger sur la situation qui prévaut de l'autrecôté de la frontière.

Elena TortaConseillère en communications

Dépêches Vol.9, no2 page 5

En 1992, plus de 250 000 musulmansrohingyas ont fui l'État du Nord

Rakhine pour rejoindre le Bangladesh. Ilsavaient été chassés de leurs terres par la discrimination, la violence et les travauxforcés que leur imposaient les autorités du Myanmar. Au fil des années, la plupartde ces Rohingyas sont retournés auMyanmar, mais d'autres continuent devenir au Bangladesh.

Du côté bangladeshi de la frontière, plus de2000 réfugiés rohingyas ayant refusé deretourner au Myanmar s'entassent dans lesdeux camps officiels de Kutupalong etNayapara, au sud de la ville de Cox'sBazaar. Et un nombre indéterminé deRohingyas vivent dans la région de Teknaf,près de la frontière avec le Myanmar.

Plus de 7500 réfugiés peuplent le campimprovisé et sordide de Tal, et 2200 viventsur les plages de Shamlapur. Une minoritéde Rohingyas a réussi à s'intégrer dans lasociété bangladeshie; certains d'entre eux ysont retournés après avoir été rapatriés au Myanmar.

MSF a commencé à s'occuper des Rohingyasdu Bangladesh à l'époque de leur exode mas-sive du Myanmar, il y a 15 ans, en leur four-nissant une vaste gamme de soins de santéde base dans les camps de réfugiés. Après

avoir quitté cette région en 2003, j'y ai reprismes activités l'année dernière.

DE MAL…

Les Rohingyas qui avaient été enregistrés offi-ciellement à l'époque de l'afflux de réfugiésde 1992 et qui vivent depuis dans les campsde réfugiés officiels ont accès à des rationsalimentaires, à des soins de santé de base età une certaine forme d'éducation.

En avril 2007, MSF a ouvert une unité desoins pour patients hospitalisés dans lescamps de Kutupalong et Nayapara. Durant lesdeux premiers mois d'activité, ces installa-tions ont accueilli 650 patients. L'équipe deMSF se prépare à ouvrir des salles d'ac-couchement dans ces deux camps.

Même si ces Rohingyas sont mieux lotis queles réfugiés non enregistrés, leurs vies sontconfinées derrière les grilles des camps. Ilsn'ont pas le droit de travailler à l'extérieur.Leur avenir est sombre.

R. est une jeune mère de 17 ans. Ellen'avait que deux ans à son arrivée aucamp de Kutapalong, où elle vit toujours.Elle ne connaît rien du monde extérieur.Elle est arrivée avec sa mère, son frère etses grands-parents, mais sa mère a dûretourner au Myanmar; son frère est parti

après avoir eu des démêlés avec lesautorités du camp, et ses grands-parentssont décédés.

R. est mariée, mais son mari doit se cacher,car il n'est pas enregistré auprès desautorités du camp. « Je ne l'ai pas vudepuis plus de cinq mois, dit-elle. Je veuxrester au Bangladesh, mais pas dans cecamp. Ici, le bonheur n'existe pas. »

… EN PIS

La vie des réfugiés rohingyas éparpillésdans la région de Teknaf est encore plusdifficile. Ils survivent en faisant de durstravaux sous-payés et doivent constam-ment lutter pour combler des besoins debase comme la nourriture, l'eau et lessoins de santé.

Le camp de Tal est constitué de petitescabanes branlantes bâties entre la rivièreNaf et la route qui mène à Cox's Bazaar.Plus de 7500 hommes, femmes et enfantsrohingyas ont trouvé refuge sur cette bandede terre de 800 mètres qui n'a que 30mètres de largeur. L'eau potable et la nour-riture y sont rares et l'accès aux établisse-ments de santé, limité.

En avril 2006, MSF a mené une enquêtedans ce camp de fortune et constaté que

B a n g l a d e s h

« ICI, LE BONHEUR N'EXISTE PAS »

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© Eddy van Wessel

© Eddy van Wessel

Page 6: Dépêches (Été 2007)

page 7Dépêches Vol.9, no2

Katja Mogensen est une infirmièreautorisée de Canmore en Alberta. Elle aséjourné deux mois en République duCongo avec MSF en 2007.

Les premiers cas de choléra ont été détec-tés à la fin du mois de novembre 2006

dans la ville côtière de Pointe-Noire enRépublique du Congo. Même si le laboratoireavait confirmé l'épidémie dès la mi-décem-bre, celle-ci ne fut annoncée publiquementqu'en janvier. Il est fréquent que les gou-vernements hésitent à déclarer publiquementles épidémies, en raison principalement del'impact négatif qu'elles ont sur le commerceet le tourisme.

MSF travaille maintenant depuis plusieursannées dans la région du Pool, à l'est dePointe-Noire, et offre des services de soinsaux populations affectées par les violentsconflits que subit la région. Notre présenceantérieure a facilité la collaboration avec leministère de la Santé congolais.

Une équipe d'urgence MSF fut dépêchée débutjanvier, alors que la situation devenait critique.Plus de mille cas de choléra et une quarantainede décès avaient été rapportés entre novembreet janvier.

L'équipe a ouvert quatre centres de traitement ducholéra (CTC) au sein des hôpitaux locaux ainsique des centres de soins, en installant des tentespour augmenter la capacité. On a embauché desinfirmiers et des médecins de la région; ils ontreçu une formation pour apprendre à reconnaîtreles symptômes de la maladie et à mettre en pra-tique le protocole de MSF. En collaboration avecleurs collègues du ministère de la Santé, ils ontréussi à soigner plus de 200 patients par jourrépartis dans les quatre centres.

Dans le CTC, les patients se voient attribuer unede trois catégories (A, B ou C) selon leur degréde déshydratation, la cote C représentant lescas les plus graves. Ce triage est extrêmementimportant pour réhydrater rapidement lespatients qui en ont le plus besoin.

Les patients les plus gravement atteints sevoient donner des lits percés pour qu'ilsn'aient pas à se lever, car avec la maladie, ladiarrhée est presque constante. Le traitementconsiste en une hydratation rapide parintraveineuse. Un patient gravement maladepeut nécessiter de 8 à 16 litres de fluides parjour. Les antibiotiques, quant à eux, ne sontutilisés qu'en dernier recours.

Une des fonctions principales d'un centre detraitement est de contenir la maladie, puisquele choléra est extrêmement contagieux. Uneéquipe sanitaire spécialement formée utiliseune solution à base de chlore pour nettoyer lesmains et les souliers, décontaminer les selles,les vomissures, le plancher et les murs.

Le corps et les vêtements des patients sont désinfectés avec la solution dès qu'ils sontadmis au CTC. Lorsqu'un patient est admis àl'hôpital, l'équipe sanitaire doit se rendre à son domicile pour désinfecter l'extérieur et l'intérieur de l'habitation ainsi que les latrines.

R é p u b l i q u e d u C o n g o

Dès l'annonce publique faite par le gouverne-ment, des comités de crises nationaux etlocaux furent établis. Leurs tâches princi-pales consistaient à éduquer la population età prévenir les poussées d'épidémies à l'aidede dépliants et de messages diffusés à laradio et à la télévision.

Le choléra est appelé la maladie des mainssales, puisqu'il peut se transmettre si l'onoublie de se laver les mains après être alléaux toilettes. Par conséquent, il s'accompa-gne d'un sentiment de honte, d'autant plusque les connaissances de la population sur lamaladie sont parfois superficielles, ce quilaisse la place à la peur et l'ostracisme despatients atteints par la maladie. Une attitudeque l'on trouve même parmi le personnelmédical local.

Dans les écoles, les marchés et les centres desoins de la ville, des équipes mobiles MSF,composées d'hygiénistes et d'infirmiers, don-nent de l'information sur le choléra et les pré-

cautions nécessaires pour prévenir les nou-veaux cas d'infection.

Lorsqu'une équipe rencontre une personnesouffrant de diarrhée, elle lui offre des sels deréhydratation dans de l'eau potable. Dans denombreux quartiers, les habitants n'ont pasaccès à l'eau potable; dans d'autres, un robinetdessert parfois des centaines de personnes. Leslatrines sont souvent construites près les unesdes autres, ce qui contamine les sources d'eau.

À la fin de janvier, le choléra a fait son appari-tion à Brazzaville, la capitale. MSF et le minis-tère de la Santé ont immédiatement installé unCTC dans l'hôpital principal et ont offert desservices de proximité à la population locale. Lesnouveaux cas de choléra approchaient le nom-bre de 45 par semaine, mais n'ont jamaisatteint les niveaux de Pointe-Noire.

En avril 2007, avec la récession des nouveauxcas, MSF a remis les CTC de Pointe-Noire et deBrazzaville aux mains du ministère de la Santé.

MSF continuera de fournir les solutionsintraveineuses, le chlore et les autres fourni-tures médicales requises jusqu'à ce que le gou-vernement décide de fermer les centres.

Katja MogensenInfirmière autorisée

Brazzaville, République du Congo

Lutter contre

le choléra

*La République du Congo est souvent appelée Congo-Brazzaville, d'après le nom de sa capitale, pour la différencier de son imposant voisin du sud, la République démocratique du Congo.

© J

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Ose

© Jiro Ose © Jiro Ose

Page 7: Dépêches (Été 2007)

page 7Dépêches Vol.9, no2

Katja Mogensen est une infirmièreautorisée de Canmore en Alberta. Elle aséjourné deux mois en République duCongo avec MSF en 2007.

Les premiers cas de choléra ont été détec-tés à la fin du mois de novembre 2006

dans la ville côtière de Pointe-Noire enRépublique du Congo. Même si le laboratoireavait confirmé l'épidémie dès la mi-décem-bre, celle-ci ne fut annoncée publiquementqu'en janvier. Il est fréquent que les gou-vernements hésitent à déclarer publiquementles épidémies, en raison principalement del'impact négatif qu'elles ont sur le commerceet le tourisme.

MSF travaille maintenant depuis plusieursannées dans la région du Pool, à l'est dePointe-Noire, et offre des services de soinsaux populations affectées par les violentsconflits que subit la région. Notre présenceantérieure a facilité la collaboration avec leministère de la Santé congolais.

Une équipe d'urgence MSF fut dépêchée débutjanvier, alors que la situation devenait critique.Plus de mille cas de choléra et une quarantainede décès avaient été rapportés entre novembreet janvier.

L'équipe a ouvert quatre centres de traitement ducholéra (CTC) au sein des hôpitaux locaux ainsique des centres de soins, en installant des tentespour augmenter la capacité. On a embauché desinfirmiers et des médecins de la région; ils ontreçu une formation pour apprendre à reconnaîtreles symptômes de la maladie et à mettre en pra-tique le protocole de MSF. En collaboration avecleurs collègues du ministère de la Santé, ils ontréussi à soigner plus de 200 patients par jourrépartis dans les quatre centres.

Dans le CTC, les patients se voient attribuer unede trois catégories (A, B ou C) selon leur degréde déshydratation, la cote C représentant lescas les plus graves. Ce triage est extrêmementimportant pour réhydrater rapidement lespatients qui en ont le plus besoin.

Les patients les plus gravement atteints sevoient donner des lits percés pour qu'ilsn'aient pas à se lever, car avec la maladie, ladiarrhée est presque constante. Le traitementconsiste en une hydratation rapide parintraveineuse. Un patient gravement maladepeut nécessiter de 8 à 16 litres de fluides parjour. Les antibiotiques, quant à eux, ne sontutilisés qu'en dernier recours.

Une des fonctions principales d'un centre detraitement est de contenir la maladie, puisquele choléra est extrêmement contagieux. Uneéquipe sanitaire spécialement formée utiliseune solution à base de chlore pour nettoyer lesmains et les souliers, décontaminer les selles,les vomissures, le plancher et les murs.

Le corps et les vêtements des patients sont désinfectés avec la solution dès qu'ils sontadmis au CTC. Lorsqu'un patient est admis àl'hôpital, l'équipe sanitaire doit se rendre à son domicile pour désinfecter l'extérieur et l'intérieur de l'habitation ainsi que les latrines.

R é p u b l i q u e d u C o n g o

Dès l'annonce publique faite par le gouverne-ment, des comités de crises nationaux etlocaux furent établis. Leurs tâches princi-pales consistaient à éduquer la population età prévenir les poussées d'épidémies à l'aidede dépliants et de messages diffusés à laradio et à la télévision.

Le choléra est appelé la maladie des mainssales, puisqu'il peut se transmettre si l'onoublie de se laver les mains après être alléaux toilettes. Par conséquent, il s'accompa-gne d'un sentiment de honte, d'autant plusque les connaissances de la population sur lamaladie sont parfois superficielles, ce quilaisse la place à la peur et l'ostracisme despatients atteints par la maladie. Une attitudeque l'on trouve même parmi le personnelmédical local.

Dans les écoles, les marchés et les centres desoins de la ville, des équipes mobiles MSF,composées d'hygiénistes et d'infirmiers, don-nent de l'information sur le choléra et les pré-

cautions nécessaires pour prévenir les nou-veaux cas d'infection.

Lorsqu'une équipe rencontre une personnesouffrant de diarrhée, elle lui offre des sels deréhydratation dans de l'eau potable. Dans denombreux quartiers, les habitants n'ont pasaccès à l'eau potable; dans d'autres, un robinetdessert parfois des centaines de personnes. Leslatrines sont souvent construites près les unesdes autres, ce qui contamine les sources d'eau.

À la fin de janvier, le choléra a fait son appari-tion à Brazzaville, la capitale. MSF et le minis-tère de la Santé ont immédiatement installé unCTC dans l'hôpital principal et ont offert desservices de proximité à la population locale. Lesnouveaux cas de choléra approchaient le nom-bre de 45 par semaine, mais n'ont jamaisatteint les niveaux de Pointe-Noire.

En avril 2007, avec la récession des nouveauxcas, MSF a remis les CTC de Pointe-Noire et deBrazzaville aux mains du ministère de la Santé.

MSF continuera de fournir les solutionsintraveineuses, le chlore et les autres fourni-tures médicales requises jusqu'à ce que le gou-vernement décide de fermer les centres.

Katja MogensenInfirmière autorisée

Brazzaville, République du Congo

Lutter contre

le choléra

*La République du Congo est souvent appelée Congo-Brazzaville, d'après le nom de sa capitale, pour la différencier de son imposant voisin du sud, la République démocratique du Congo.

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Page 8: Dépêches (Été 2007)

c'est le genre de médecine que je pratique aupays. comme un réflexe. j'ai examiné le patientet ses plaies. il en avait deux. l'une superfi-cielle sans l'ombre d'un doute, mais l'autre, jen'arrivais pas à dire si elle allait vers la poitrineou l'abdomen. son estomac était mou et sa res-piration sans entrave. c'est un bon signe. j'aienfilé une paire de gants stérilisés et j'ai intro-duit mon petit doigt dans le trou. le poumonn'était pas atteint. je pouvais sentir un éclatd'os, aussi fin que la dent d'un peigne, tailladépar le couteau, mais je n'arrivais pas à sentir lepassage de la lame au-dessous. peut-être lecouteau avait-il rebondi simplement et fini sacourse sur un chemin moins périlleux.

nous avons décidé de passer en salle d'opéra-tion pour explorer la plaie. j'ai ouvert la porteen acier et la foule était encore plus importantequ'auparavant. au moins une trentaine de per-sonnes, et encore plus sont arrivées. deuxfemmes se sont jetées par terre, pleurant etgesticulant. quelqu'un a essayé de me pousserpour entrer. non. il n'a pas capitulé. moi nonplus. il y avait bien trop de gens pour que nouspuissions passer avec une civière. la petitecour est bondée, prête à basculer dans lechaos. « écartez-vous s'il vous plaît, attendezderrière les grilles. je viendrai vous parler tan-tôt. », dis-je.

quelques membres de notre personnelvenaient d'arriver du campement et nousaidèrent à faire reculer la foule. nous avonsfermé les grilles, mais les gens passaient par-dessus. nous avons quitté l'unité des urgencesavec notre civière, la foule se pressant autourde nous. je m'interposais chaque fois que pos-sible. nous avons bloqué l'entrée de la salled'opération et sommes entrés à l'intérieur.

nous avons préparé sa poitrine, désinfecté laplaie. j'ai essayé de passer une pince jusqu'àson abdomen ou sa poitrine, mais apparem-ment la trajectoire longeait la peau plutôt qued'aller en profondeur. beaucoup de chance.pour lui comme pour moi.

j'ai laissé l'autre médecin refermer les plaies etsuis sorti. la majorité des gens était maintenantderrière les grilles, tournant le dos à l'hôpitalpour observer une bagarre à 500 mètres de là,de l'autre côté du terrain de football. je suis alléleur parler.

une heure plus tard, je marchais sur le cheminusé du retour, accompagné de mon interprète.« aujourd'hui est une journée difficile, dit-il, jene pense pas que je ferai quoi que ce soit cesoir. » j'acquiesçai. une excellente nuit pourrester tranquille chez soi.

« mais tu sais, poursuivit-il, abyei est mieuxqu'avant. il y a deux ans, personne ne sortait.le marché fermait tôt. tout le monde avaitpeur. tu pouvais sortir de chez toi le matin ette retrouver devant un corps. personne n'étaiten sécurité. » « ben ça a l'air d'aller beaucoupmieux maintenant. », répondis-je. « oh oui!beaucoup mieux. », dit-il. « on est en sécu-rité, maintenant c'est la paix. »

la paix. après tant de guerres, j'entends ce mottout le temps. je l'utilise tout le temps, maisjamais il n'avait sonné aussi juste, jamais sonsens ne m'avait semblé aussi clair. avant etmaintenant sont aux antipodes. comme lechangement qui s'est opéré dans le ciel.

c'est une des raisons pour lesquelles MSF estici, bien sûr. pas simplement pour témoigner de

notre solidarité avec une population déchiréepar la guerre, mais aussi pour encourager lapaix. on y arrive en restant neutre, en ne s'alliantqu'avec les malades. on crée un espace, l'hôpi-tal, où tous peuvent trouver un certain répit, peuimporte le clan dont ils se réclament, la frontièrequ'ils ont dû traverser pour venir ici. mais nousl'avons aussi fait quand nous avons mis notredrapeau en berne, déjà sale et déchiré. nousdevions, dès le départ, garantir notre sécurité etcelle de notre personnel. les autorités s'effor-cent, en partie, de sécuriser les routes, parceque si elles ne sont pas sûres, nous ne pouvonspas nous déplacer. l'hôpital doit être sûr, luiaussi, sinon nous ne pourrions pas travailler.

la pluie commence à tomber. je suis au lit. uneexcellente nuit pour rester au calme. j'espère queles habitants d'abyei seront d'accord avec moi.

Dr James MaskalykMédecin

Abyei, Soudan

page 9Dépêches Vol.9, no2

L'article qui suit est un extrait de « Soudai-nement... Soudan, » le blogue (sorte de journalélectronique intime) du Dr James Maskalyk, unurgentiste à Toronto. Le Dr Maskalyk travaille avecMSF à Abyei depuis six mois. Il a l'habitude derédiger ses articles tard le soir, à l'abri dans sontukul (hutte faite de boue et de paille).

le 24 mai 2007 : « des foules de nuages »

fatigue.

c'est comme si le ciel allait nous tomber sur latête. après une douzaine de réveils sans nuage,d'après-midi toutes bleues et de nuits étoiléesétouffantes, de gros nuages noirs, menaçants,prêts à s'éventrer, pendent au-dessus de nostêtes. le vent balaye le sable et nous nous dépê-chons de fermer la porte de notre tukul, maisnous nous faisons piquer par ses grains mêmeà l'intérieur. jamais d'entre-deux.

changement de météo, qui transforme notrehumeur. nous apprécions tout ce qui vient don-

ner un peu de relief à nos journées, et encoreplus lorsqu'il s'agit de nous libérer de la chaleur.c'est l'occasion de nous allonger dans nos lits etd'écouter le doux battement de la pluie sur nostoits de paille. la saison des pluies s'est laisséedésirer cette année. nous nous levons chaquematin et, avec les autres habitants, nous faisonsle tour de l'horizon pour repérer les nuages.

sur terre, en ville, l'atmosphère est différenteégalement tendue. elle attend le change-ment, que le ciel s'effondre. il y a eu unebagarre cette après-midi, et quelqu'un s'estfait poignarder. j'étais à l'hôpital lorsque c'estarrivé. j'ai quitté la salle d'opération pourtrouver une foule de personnes à l'entrée desurgences massée autour de la porte en acierfermée. de temps en temps, la porte s'ouvraitpour laisser entrer ou sortir un infirmier ou unmédecin qui refermait aussitôt la porte der-rière lui. « qu'est-ce qui se passe? »,demandai-je à mon interprète qui était adosséau mur. « frappé…avec un couteau. », répon-dit-il. je me suis frayé un chemin à travers la

foule et j'ai frappé à la porte. la porte s'estentrouverte et un œil m'a dévisagé.

les personnes derrière moi tentaient de medépasser pour entrer elles aussi dans la pièce.je les ai repoussées gentiment dans la foule etrefermé la porte derrière moi. la salle étaitbondée et il était difficile de se déplacer. troisinfirmiers, des soldats, des parents, et un autremédecin. « ok! tout le monde dehors à l'excep-tion du personnel médical et d'un membre dela famille. s'il vous plaît! tout le monde dehors.vous! vous! vous! dehors! » un par un, ils quit-tèrent la salle à contrecœur. en sortant, d'autrestentaient de se faufiler pour y rentrer, ne reti-rant leur main du battant de la porte qui serefermait qu'au tout dernier moment.

un jeune homme était allongé, les yeux écar-quillés par la terreur. sa chemise rouge de sang.tout comme les draps. « deux perfs, ordonnai-je, jauge 19, et ouvrez-les. appelez le labo pourun groupe sanguin et trouvez un donneur dansla foule au dehors. pression artérielle? »

S o u d a n

© MSF© Sven Torfinn/HH

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Nga

« SOUDAINEMENT... SOUDAN »BLOGUER D'ABYEI : UNE COMMUNAUTÉ RURALE RECULÉE

Page 9: Dépêches (Été 2007)

c'est le genre de médecine que je pratique aupays. comme un réflexe. j'ai examiné le patientet ses plaies. il en avait deux. l'une superfi-cielle sans l'ombre d'un doute, mais l'autre, jen'arrivais pas à dire si elle allait vers la poitrineou l'abdomen. son estomac était mou et sa res-piration sans entrave. c'est un bon signe. j'aienfilé une paire de gants stérilisés et j'ai intro-duit mon petit doigt dans le trou. le poumonn'était pas atteint. je pouvais sentir un éclatd'os, aussi fin que la dent d'un peigne, tailladépar le couteau, mais je n'arrivais pas à sentir lepassage de la lame au-dessous. peut-être lecouteau avait-il rebondi simplement et fini sacourse sur un chemin moins périlleux.

nous avons décidé de passer en salle d'opéra-tion pour explorer la plaie. j'ai ouvert la porteen acier et la foule était encore plus importantequ'auparavant. au moins une trentaine de per-sonnes, et encore plus sont arrivées. deuxfemmes se sont jetées par terre, pleurant etgesticulant. quelqu'un a essayé de me pousserpour entrer. non. il n'a pas capitulé. moi nonplus. il y avait bien trop de gens pour que nouspuissions passer avec une civière. la petitecour est bondée, prête à basculer dans lechaos. « écartez-vous s'il vous plaît, attendezderrière les grilles. je viendrai vous parler tan-tôt. », dis-je.

quelques membres de notre personnelvenaient d'arriver du campement et nousaidèrent à faire reculer la foule. nous avonsfermé les grilles, mais les gens passaient par-dessus. nous avons quitté l'unité des urgencesavec notre civière, la foule se pressant autourde nous. je m'interposais chaque fois que pos-sible. nous avons bloqué l'entrée de la salled'opération et sommes entrés à l'intérieur.

nous avons préparé sa poitrine, désinfecté laplaie. j'ai essayé de passer une pince jusqu'àson abdomen ou sa poitrine, mais apparem-ment la trajectoire longeait la peau plutôt qued'aller en profondeur. beaucoup de chance.pour lui comme pour moi.

j'ai laissé l'autre médecin refermer les plaies etsuis sorti. la majorité des gens était maintenantderrière les grilles, tournant le dos à l'hôpitalpour observer une bagarre à 500 mètres de là,de l'autre côté du terrain de football. je suis alléleur parler.

une heure plus tard, je marchais sur le cheminusé du retour, accompagné de mon interprète.« aujourd'hui est une journée difficile, dit-il, jene pense pas que je ferai quoi que ce soit cesoir. » j'acquiesçai. une excellente nuit pourrester tranquille chez soi.

« mais tu sais, poursuivit-il, abyei est mieuxqu'avant. il y a deux ans, personne ne sortait.le marché fermait tôt. tout le monde avaitpeur. tu pouvais sortir de chez toi le matin ette retrouver devant un corps. personne n'étaiten sécurité. » « ben ça a l'air d'aller beaucoupmieux maintenant. », répondis-je. « oh oui!beaucoup mieux. », dit-il. « on est en sécu-rité, maintenant c'est la paix. »

la paix. après tant de guerres, j'entends ce mottout le temps. je l'utilise tout le temps, maisjamais il n'avait sonné aussi juste, jamais sonsens ne m'avait semblé aussi clair. avant etmaintenant sont aux antipodes. comme lechangement qui s'est opéré dans le ciel.

c'est une des raisons pour lesquelles MSF estici, bien sûr. pas simplement pour témoigner de

notre solidarité avec une population déchiréepar la guerre, mais aussi pour encourager lapaix. on y arrive en restant neutre, en ne s'alliantqu'avec les malades. on crée un espace, l'hôpi-tal, où tous peuvent trouver un certain répit, peuimporte le clan dont ils se réclament, la frontièrequ'ils ont dû traverser pour venir ici. mais nousl'avons aussi fait quand nous avons mis notredrapeau en berne, déjà sale et déchiré. nousdevions, dès le départ, garantir notre sécurité etcelle de notre personnel. les autorités s'effor-cent, en partie, de sécuriser les routes, parceque si elles ne sont pas sûres, nous ne pouvonspas nous déplacer. l'hôpital doit être sûr, luiaussi, sinon nous ne pourrions pas travailler.

la pluie commence à tomber. je suis au lit. uneexcellente nuit pour rester au calme. j'espère queles habitants d'abyei seront d'accord avec moi.

Dr James MaskalykMédecin

Abyei, Soudan

page 9Dépêches Vol.9, no2

L'article qui suit est un extrait de « Soudai-nement... Soudan, » le blogue (sorte de journalélectronique intime) du Dr James Maskalyk, unurgentiste à Toronto. Le Dr Maskalyk travaille avecMSF à Abyei depuis six mois. Il a l'habitude derédiger ses articles tard le soir, à l'abri dans sontukul (hutte faite de boue et de paille).

le 24 mai 2007 : « des foules de nuages »

fatigue.

c'est comme si le ciel allait nous tomber sur latête. après une douzaine de réveils sans nuage,d'après-midi toutes bleues et de nuits étoiléesétouffantes, de gros nuages noirs, menaçants,prêts à s'éventrer, pendent au-dessus de nostêtes. le vent balaye le sable et nous nous dépê-chons de fermer la porte de notre tukul, maisnous nous faisons piquer par ses grains mêmeà l'intérieur. jamais d'entre-deux.

changement de météo, qui transforme notrehumeur. nous apprécions tout ce qui vient don-

ner un peu de relief à nos journées, et encoreplus lorsqu'il s'agit de nous libérer de la chaleur.c'est l'occasion de nous allonger dans nos lits etd'écouter le doux battement de la pluie sur nostoits de paille. la saison des pluies s'est laisséedésirer cette année. nous nous levons chaquematin et, avec les autres habitants, nous faisonsle tour de l'horizon pour repérer les nuages.

sur terre, en ville, l'atmosphère est différenteégalement tendue. elle attend le change-ment, que le ciel s'effondre. il y a eu unebagarre cette après-midi, et quelqu'un s'estfait poignarder. j'étais à l'hôpital lorsque c'estarrivé. j'ai quitté la salle d'opération pourtrouver une foule de personnes à l'entrée desurgences massée autour de la porte en acierfermée. de temps en temps, la porte s'ouvraitpour laisser entrer ou sortir un infirmier ou unmédecin qui refermait aussitôt la porte der-rière lui. « qu'est-ce qui se passe? »,demandai-je à mon interprète qui était adosséau mur. « frappé…avec un couteau. », répon-dit-il. je me suis frayé un chemin à travers la

foule et j'ai frappé à la porte. la porte s'estentrouverte et un œil m'a dévisagé.

les personnes derrière moi tentaient de medépasser pour entrer elles aussi dans la pièce.je les ai repoussées gentiment dans la foule etrefermé la porte derrière moi. la salle étaitbondée et il était difficile de se déplacer. troisinfirmiers, des soldats, des parents, et un autremédecin. « ok! tout le monde dehors à l'excep-tion du personnel médical et d'un membre dela famille. s'il vous plaît! tout le monde dehors.vous! vous! vous! dehors! » un par un, ils quit-tèrent la salle à contrecœur. en sortant, d'autrestentaient de se faufiler pour y rentrer, ne reti-rant leur main du battant de la porte qui serefermait qu'au tout dernier moment.

un jeune homme était allongé, les yeux écar-quillés par la terreur. sa chemise rouge de sang.tout comme les draps. « deux perfs, ordonnai-je, jauge 19, et ouvrez-les. appelez le labo pourun groupe sanguin et trouvez un donneur dansla foule au dehors. pression artérielle? »

S o u d a n

© MSF© Sven Torfinn/HH

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Page 10: Dépêches (Été 2007)

Dépêches Vol.9, no2

Vers la moitié des années 1990, alors que laguerre faisait rage dans le Sud Soudan,

sévissait une nouvelle épidémie d'une maladiemortelle : le kala azar. Cette maladie avait déjàravagé de nombreux villages, tuant quelque100 000 personnes.

Bien que cette nouvelle épidémie n'ait pas eul'ampleur des précédentes, elle n'en a pasmoins fait son lot de victimes. Notre équipeMSF a lutté de son mieux pour y faire face, mal-gré les obstacles importants créés par la guerreainsi que la pénurie mondiale de médicamentspour soigner cette maladie mortelle.

Nous avons dû décider quelles seraient les popu-lations qui recevraient les médicaments sus-ceptibles de leur sauver la vie. Nous avons dûdécider qui vivrait et qui devrait mourir.

Tout en nous efforçant de trouver des stocks dumédicament indiqué, le Pentostam, nous avonsratissé un pays après l'autre pour tenter de trou-ver des médicaments génériques et des traite-ments de remplacement. Même si ces effortsont contribué à sauver davantage de vies, nousmanquions toujours de médicaments. Il a doncfallu faire des choix inacceptables à la fois pourles personnes atteintes de la maladie et pourcelles qui se voyaient obligées de prendre detelles décisions.

COMMENT CHOISIR?

Deux éléments ont guidé notre réflexion : ledegré de sécurité dans les zones d'emplace-

ment de nos projets et notre capacité à fournirdes soins de qualité. Nous avons donc décidéde traiter des patients là où nous avions davan-tage la certitude que nous pourrions mener letraitement à son terme et effectivement sauverles vies des malades.

Cette logique imparable signifiait néanmoinsqu'il fallait abandonner un groupe d'individusse trouvant dans l'une des régions les plusdévastées. Car cette population gravementtouchée par la maladie et à laquelle nousvenions à peine d'accéder se trouvait dansdes conditions d'insécurité trop grandes pourque nous puissions y maintenir une équipesur le terrain.

Les individus déjà sous traitement se sont vuoffrir la possibilité de le suivre jusqu'au bout.Mais nous avons dû renoncer à aider ceux quenous pensions atteints, mais n'avions pasencore commencé à traiter. Ces choix impos-sibles pour nous se sont transformés en choiximpossibles pour les patients et leursfamilles. Le seul espoir qu'il leur restait, c'é-tait de tenter de parcourir, en deux semainesde marche et à travers une ligne de front duconflit, la distance les séparant de la baseMSF la plus proche.

Beaucoup ont entrepris ce voyage épuisant etdangereux. Plusieurs fois, les employés de MSFont été bouleversés de voir arriver à pied cesfamilles dont certaines avaient dû transporterleurs malades sur de longues distances à tra-vers la savane.

TIRER LE MAXIMUM DE MAIGRES RESSOURCES

Aujourd'hui, la situation s'est stabilisée dans denombreuses régions du Sud Soudan. Les plusgrands défis consistent maintenant à accéder àdes régions éloignées, former le personnel etaider les autorités locales à édifier un réseau desoins de santé.

Cet état de fait a des implications liées au degréd'engagement de MSF. MSF croit que l'aidehumanitaire, tout comme la médecine, exigeune spécialisation. Devant une crise, nous four-nissons une réponse humanitaire centrée surles urgences et les besoins des plus démunis,particulièrement dans des contextes d'instabi-lité tels que les guerres, les conflits, la violenceet l'oppression.

Lorsque la sécurité commence à se rétablir, laparticipation d'organismes spécialisés endéveloppement devient de plus en plus néces-saire. Cela a entraîné pour nous une nouvellesérie de choix impossibles au Sud Soudan. Eneffet, nous avons commencé à transférer desresponsabilités au fur et à mesure que d'autresorganismes entraient en jeu.

Lorsque l'état d'urgence prend fin et que la situ-ation se stabilise, nous croyons qu'il est denotre responsabilité d'élaborer une stratégie etde relocaliser nos ressources limitées dans deszones où d'autres organismes ne peuvent pasou ne veulent pas aller. Parfois, cela attire descritiques à MSF, car il est difficile pour ceux qui

S o u d a n

page 11

bénéficient de notre aide de comprendre quenous voulons partir. Il est aussi difficile pourcertains membres de l'équipe de terrain, quiont noué des liens avec les habitants de l'en-droit, d'accepter qu'il faille passer à autrechose. En général, le niveau d'aide offert estencore largement en dessous de ce que l'ontrouve au Canada. Alors, comment est-il possi-ble de faire une passation de projet tout ensachant que les soins médicaux qui seront four-nis par la suite risquent d'être moins complets?

Par exemple, il y a quelques mois, l'équipe deMSF basée à Aweil, dans le Sud Soudan, aconnu une petite fille nommée Nyanut. Ellesouffrait du kala azar. La maladie se dévelop-pait depuis déjà plusieurs mois, et en con-séquence, Nyanut souffrait de malnutritionsévère. Un groupe de Canadiens voyageant avecdes journalistes l'a amenée à notre hôpital.

À leur arrivée à l'hôpital, les Canadiens ontappris que nous étions en pleine passation deprojet, chose inconcevable à leurs yeux.Comment pouvions-nous envisager de partiralors que des individus comme Nyanutavaient besoin de soins? Même si, finale-ment, nous avons réussi à sauver la vie deNyanut, ainsi que celle de nombreux patientsqui l'ont précédée durant les sept dernièresannées, cette question nous a hantés. Car elletouche le cœur de la dure réalité de notre tra-vail, ces choix impossibles que nous sommesobligés de faire.

En ce qui concerne Aweil, il y a un hôpital à 20kilomètres, un médecin soudanais œuvre surplace et au moins trois autres ONG fournissentdes services de soins de santé dans le secteur.Cela représente-t-il un niveau acceptable desoins pour cette population? Certainement pas.Mais seulement 25 % des habitants du SudSoudan environ ont accès aux soins de santé lesplus élémentaires.

En tant qu'organisme d'aide humanitaire seconsacrant à sauver des vies et à soulager dessouffrances, il est du devoir de MSF de détecterles zones où les besoins sont les plus criants etde répondre à ceux-ci. En fin de compte, leschoix impossibles que nous faisons nous amè-nent au-delà des secteurs, déjà réduits, où sontfournis au moins un minimum de soins desanté. Ils nous amènent vers des lieux où desfillettes comme Nyanut n'auraient, autrement,accès à aucun soin.

Marilyn McHargDirectrice générale de MSF Canada

La dure réalité de l'aide humanitaireDES CHOIX IMPOSSIBLES© Ian Cumming

© D

avid

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© David Levene

© Tomas Van Houtryve

© David Levene

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Dépêches Vol.9, no2

Vers la moitié des années 1990, alors que laguerre faisait rage dans le Sud Soudan,

sévissait une nouvelle épidémie d'une maladiemortelle : le kala azar. Cette maladie avait déjàravagé de nombreux villages, tuant quelque100 000 personnes.

Bien que cette nouvelle épidémie n'ait pas eul'ampleur des précédentes, elle n'en a pasmoins fait son lot de victimes. Notre équipeMSF a lutté de son mieux pour y faire face, mal-gré les obstacles importants créés par la guerreainsi que la pénurie mondiale de médicamentspour soigner cette maladie mortelle.

Nous avons dû décider quelles seraient les popu-lations qui recevraient les médicaments sus-ceptibles de leur sauver la vie. Nous avons dûdécider qui vivrait et qui devrait mourir.

Tout en nous efforçant de trouver des stocks dumédicament indiqué, le Pentostam, nous avonsratissé un pays après l'autre pour tenter de trou-ver des médicaments génériques et des traite-ments de remplacement. Même si ces effortsont contribué à sauver davantage de vies, nousmanquions toujours de médicaments. Il a doncfallu faire des choix inacceptables à la fois pourles personnes atteintes de la maladie et pourcelles qui se voyaient obligées de prendre detelles décisions.

COMMENT CHOISIR?

Deux éléments ont guidé notre réflexion : ledegré de sécurité dans les zones d'emplace-

ment de nos projets et notre capacité à fournirdes soins de qualité. Nous avons donc décidéde traiter des patients là où nous avions davan-tage la certitude que nous pourrions mener letraitement à son terme et effectivement sauverles vies des malades.

Cette logique imparable signifiait néanmoinsqu'il fallait abandonner un groupe d'individusse trouvant dans l'une des régions les plusdévastées. Car cette population gravementtouchée par la maladie et à laquelle nousvenions à peine d'accéder se trouvait dansdes conditions d'insécurité trop grandes pourque nous puissions y maintenir une équipesur le terrain.

Les individus déjà sous traitement se sont vuoffrir la possibilité de le suivre jusqu'au bout.Mais nous avons dû renoncer à aider ceux quenous pensions atteints, mais n'avions pasencore commencé à traiter. Ces choix impos-sibles pour nous se sont transformés en choiximpossibles pour les patients et leursfamilles. Le seul espoir qu'il leur restait, c'é-tait de tenter de parcourir, en deux semainesde marche et à travers une ligne de front duconflit, la distance les séparant de la baseMSF la plus proche.

Beaucoup ont entrepris ce voyage épuisant etdangereux. Plusieurs fois, les employés de MSFont été bouleversés de voir arriver à pied cesfamilles dont certaines avaient dû transporterleurs malades sur de longues distances à tra-vers la savane.

TIRER LE MAXIMUM DE MAIGRES RESSOURCES

Aujourd'hui, la situation s'est stabilisée dans denombreuses régions du Sud Soudan. Les plusgrands défis consistent maintenant à accéder àdes régions éloignées, former le personnel etaider les autorités locales à édifier un réseau desoins de santé.

Cet état de fait a des implications liées au degréd'engagement de MSF. MSF croit que l'aidehumanitaire, tout comme la médecine, exigeune spécialisation. Devant une crise, nous four-nissons une réponse humanitaire centrée surles urgences et les besoins des plus démunis,particulièrement dans des contextes d'instabi-lité tels que les guerres, les conflits, la violenceet l'oppression.

Lorsque la sécurité commence à se rétablir, laparticipation d'organismes spécialisés endéveloppement devient de plus en plus néces-saire. Cela a entraîné pour nous une nouvellesérie de choix impossibles au Sud Soudan. Eneffet, nous avons commencé à transférer desresponsabilités au fur et à mesure que d'autresorganismes entraient en jeu.

Lorsque l'état d'urgence prend fin et que la situ-ation se stabilise, nous croyons qu'il est denotre responsabilité d'élaborer une stratégie etde relocaliser nos ressources limitées dans deszones où d'autres organismes ne peuvent pasou ne veulent pas aller. Parfois, cela attire descritiques à MSF, car il est difficile pour ceux qui

S o u d a n

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bénéficient de notre aide de comprendre quenous voulons partir. Il est aussi difficile pourcertains membres de l'équipe de terrain, quiont noué des liens avec les habitants de l'en-droit, d'accepter qu'il faille passer à autrechose. En général, le niveau d'aide offert estencore largement en dessous de ce que l'ontrouve au Canada. Alors, comment est-il possi-ble de faire une passation de projet tout ensachant que les soins médicaux qui seront four-nis par la suite risquent d'être moins complets?

Par exemple, il y a quelques mois, l'équipe deMSF basée à Aweil, dans le Sud Soudan, aconnu une petite fille nommée Nyanut. Ellesouffrait du kala azar. La maladie se dévelop-pait depuis déjà plusieurs mois, et en con-séquence, Nyanut souffrait de malnutritionsévère. Un groupe de Canadiens voyageant avecdes journalistes l'a amenée à notre hôpital.

À leur arrivée à l'hôpital, les Canadiens ontappris que nous étions en pleine passation deprojet, chose inconcevable à leurs yeux.Comment pouvions-nous envisager de partiralors que des individus comme Nyanutavaient besoin de soins? Même si, finale-ment, nous avons réussi à sauver la vie deNyanut, ainsi que celle de nombreux patientsqui l'ont précédée durant les sept dernièresannées, cette question nous a hantés. Car elletouche le cœur de la dure réalité de notre tra-vail, ces choix impossibles que nous sommesobligés de faire.

En ce qui concerne Aweil, il y a un hôpital à 20kilomètres, un médecin soudanais œuvre surplace et au moins trois autres ONG fournissentdes services de soins de santé dans le secteur.Cela représente-t-il un niveau acceptable desoins pour cette population? Certainement pas.Mais seulement 25 % des habitants du SudSoudan environ ont accès aux soins de santé lesplus élémentaires.

En tant qu'organisme d'aide humanitaire seconsacrant à sauver des vies et à soulager dessouffrances, il est du devoir de MSF de détecterles zones où les besoins sont les plus criants etde répondre à ceux-ci. En fin de compte, leschoix impossibles que nous faisons nous amè-nent au-delà des secteurs, déjà réduits, où sontfournis au moins un minimum de soins desanté. Ils nous amènent vers des lieux où desfillettes comme Nyanut n'auraient, autrement,accès à aucun soin.

Marilyn McHargDirectrice générale de MSF Canada

La dure réalité de l'aide humanitaireDES CHOIX IMPOSSIBLES© Ian Cumming

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© David Levene

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© David Levene

Page 12: Dépêches (Été 2007)

page 13Dépêches Vol.9, no2

S o m a l i e

Darryl Stellmach, de Calgary, est récemmentrentré de Somalie où il travaillait commecoordonnateur de projet dans la ville deMarere. Dans son entrevue, il confie àDépêches comment son équipe a fait face àune épidémie de choléra. Il s'agissait d'unequatrième mission auprès de MSF pourDarryl, qui prévoit repartir à l'automne 2007.

J'ai occupé à Marere, dans la vallée de Juba,un poste qui consistait à gérer un hôpital

dans lequel MSF fournit à la populationlocale des soins de santé de base, y comprisdes soins à la mère et à l'enfant, des servicesde vaccination et un programme de nutritiondestiné aux enfants de moins de cinq ans.

La vallée de Juba est une région très fertile,mais en raison de conflits entre clans etgroupes ethniques ainsi que de la discrimina-tion exercée à l'encontre de certains groupes,beaucoup de ses habitants subissent desproblèmes de santé, essentiellement causéspar la malnutrition.

En octobre 2006, la vallée a subi de trèsfortes inondations qui ont détruit la majeurepartie des récoltes, contaminé les sourcesd'eau et rendu très difficiles nos déplace-ments dans notre clinique mobile de détec-tion des pathologies liées à la nutrition.

Peu après les inondations, nous avons com-mencé à observer des cas de choléra. Nousavons immédiatement mis sur pied notre sys-tème d'urgence : une unité de traitement ducholéra (UTC) ainsi qu'une unité d'isolation,que nous avons montée près de notre hôpital.

Nous avons envoyé des équipes volantes dansles régions touchées par le choléra. Ce

déploiement avait un triple objectif : sensi-biliser la population locale aux symptômes dela maladie, distribuer des comprimés dechlore pour que les gens puissent purifierl'eau qu'ils recueillent dans des seaux etdétecter les nouveaux cas de choléra.

Nous emmenions les nouveaux patients àl'UTC dans un minibus de location. Bien quele trajet ne soit que de 40 kilomètres, il pou-vait nécessiter jusqu'à six heures en raisondes mauvaises conditions routières.

L'aspect le plus difficile de cette missionétait la nature imprévisible de notre travail.Nous allions nous coucher sans jamaissavoir si notre nuit de sommeil serait com-plète, sans jamais être sûr de ce qui pouvaitse présenter.

Par exemple, une nuit, vers 22 heures, nousétions sur le point d'aller dormir lorsqu'unmembre du personnel est venu nousprévenir de l'arrivée d'un minibus rempli depatients. Ceux-ci nous étaient envoyés parun travailleur sanitaire local qui avait prisl'initiative de détecter les cas de choléradans sa communauté. Il avait conduit leminibus chargé d'adultes et d'enfantsmalades sur les 40 kilomètres qui lesséparaient de l'UTC.

Les membres de notre équipe se sont alorsrhabillés et sont retournés à l'hôpital pourfaire le tri des patients. Les plus atteints ontété envoyés à l'unité d'isolement, où ils ontreçu un soluté intraveineux. À ceux dont lessymptômes étaient moins graves, nous avonsfourni des sels de réhydratation, des matelaset des filets antimoustiques pour les aider àse prémunir contre la malaria.

Malgré la fatigue, notre équipe est devenueune experte du travail rapide. Après avoirtrouvé notre rythme, nous avons travaillé àmerveille ensemble. Nous avons rapidementadopté une routine qui nous permettait deréagir aux urgences de manière profession-nelle et organisée.

Depuis janvier 2007, plus de 250 patientsatteints du choléra ont été soignés au projetMSF de Marere. Avec l'arrivée de la saisondes pluies, nous nous attendons à une baissedu nombre de cas, car les gens seront alorsen mesure de collecter de l'eau de pluiefraîche et non polluée au lieu de puiser dansles mares et les lacs stagnants qui subsistentaprès les inondations.

Darryl Stellmach Coordonnateur de projet

Marere, Somalie

Propos recueillis par Isabelle Jeanson

TRAVAILLERDE NUIT

© M

agnu

s H

allg

ren

© Magnus Hallgren © Tom Quinn/MSF© Magnus Hallgren

Page 13: Dépêches (Été 2007)

page 13Dépêches Vol.9, no2

S o m a l i e

Darryl Stellmach, de Calgary, est récemmentrentré de Somalie où il travaillait commecoordonnateur de projet dans la ville deMarere. Dans son entrevue, il confie àDépêches comment son équipe a fait face àune épidémie de choléra. Il s'agissait d'unequatrième mission auprès de MSF pourDarryl, qui prévoit repartir à l'automne 2007.

J'ai occupé à Marere, dans la vallée de Juba,un poste qui consistait à gérer un hôpital

dans lequel MSF fournit à la populationlocale des soins de santé de base, y comprisdes soins à la mère et à l'enfant, des servicesde vaccination et un programme de nutritiondestiné aux enfants de moins de cinq ans.

La vallée de Juba est une région très fertile,mais en raison de conflits entre clans etgroupes ethniques ainsi que de la discrimina-tion exercée à l'encontre de certains groupes,beaucoup de ses habitants subissent desproblèmes de santé, essentiellement causéspar la malnutrition.

En octobre 2006, la vallée a subi de trèsfortes inondations qui ont détruit la majeurepartie des récoltes, contaminé les sourcesd'eau et rendu très difficiles nos déplace-ments dans notre clinique mobile de détec-tion des pathologies liées à la nutrition.

Peu après les inondations, nous avons com-mencé à observer des cas de choléra. Nousavons immédiatement mis sur pied notre sys-tème d'urgence : une unité de traitement ducholéra (UTC) ainsi qu'une unité d'isolation,que nous avons montée près de notre hôpital.

Nous avons envoyé des équipes volantes dansles régions touchées par le choléra. Ce

déploiement avait un triple objectif : sensi-biliser la population locale aux symptômes dela maladie, distribuer des comprimés dechlore pour que les gens puissent purifierl'eau qu'ils recueillent dans des seaux etdétecter les nouveaux cas de choléra.

Nous emmenions les nouveaux patients àl'UTC dans un minibus de location. Bien quele trajet ne soit que de 40 kilomètres, il pou-vait nécessiter jusqu'à six heures en raisondes mauvaises conditions routières.

L'aspect le plus difficile de cette missionétait la nature imprévisible de notre travail.Nous allions nous coucher sans jamaissavoir si notre nuit de sommeil serait com-plète, sans jamais être sûr de ce qui pouvaitse présenter.

Par exemple, une nuit, vers 22 heures, nousétions sur le point d'aller dormir lorsqu'unmembre du personnel est venu nousprévenir de l'arrivée d'un minibus rempli depatients. Ceux-ci nous étaient envoyés parun travailleur sanitaire local qui avait prisl'initiative de détecter les cas de choléradans sa communauté. Il avait conduit leminibus chargé d'adultes et d'enfantsmalades sur les 40 kilomètres qui lesséparaient de l'UTC.

Les membres de notre équipe se sont alorsrhabillés et sont retournés à l'hôpital pourfaire le tri des patients. Les plus atteints ontété envoyés à l'unité d'isolement, où ils ontreçu un soluté intraveineux. À ceux dont lessymptômes étaient moins graves, nous avonsfourni des sels de réhydratation, des matelaset des filets antimoustiques pour les aider àse prémunir contre la malaria.

Malgré la fatigue, notre équipe est devenueune experte du travail rapide. Après avoirtrouvé notre rythme, nous avons travaillé àmerveille ensemble. Nous avons rapidementadopté une routine qui nous permettait deréagir aux urgences de manière profession-nelle et organisée.

Depuis janvier 2007, plus de 250 patientsatteints du choléra ont été soignés au projetMSF de Marere. Avec l'arrivée de la saisondes pluies, nous nous attendons à une baissedu nombre de cas, car les gens seront alorsen mesure de collecter de l'eau de pluiefraîche et non polluée au lieu de puiser dansles mares et les lacs stagnants qui subsistentaprès les inondations.

Darryl Stellmach Coordonnateur de projet

Marere, Somalie

Propos recueillis par Isabelle Jeanson

TRAVAILLERDE NUIT

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© Magnus Hallgren © Tom Quinn/MSF© Magnus Hallgren

Page 14: Dépêches (Été 2007)

Depuis 2003, MSF Canada travaille à élargirl'accès aux médicaments essentiels pour

qu'ils soient à la portée des patients, s'appuyantsur la Loi de l'engagement de Jean Chrétienenvers l'Afrique, aujourd'hui connue sous lenom de Régime canadien d'accès aux médica-ments (RCAM).

Le RCAM constitue un amendement à la Loi surles brevets, en accord avec les modificationsapportées aux règles régissant la propriété intel-lectuelle adoptées en 2003 par l'Organisationmondiale du commerce (OMC) dans sa décisiondu 30 août (Accord sur les ADPIC). Ces modifi-cations autorisent les pays en développement àimporter des médicaments génériques même sices médicaments sont encore sous brevet.L'objectif de cette exemption est de permettrel'accès universel aux médicaments dans l'éven-tualité d'une crise majeure de santé publique.

Dans le numéro précédent de Dépêches (hiver2007), nous rapportions que le gouvernementcanadien s'apprêtait à entamer une révisiondu RCAM. En janvier 2007 a eu lieu une con-sultation publique au cours de laquelle denombreux intervenants, dont MSF, ont présen-té des mémoires.

Par la suite, le Comité permanent de l'industrie,des sciences et de la technologie de la Chambredes communes a mené une étude et des débats.Cette fois encore, MSF a expliqué que la législa-tion canadienne était trop bureaucratique et coû-teuse pour inciter de quelque manière que ce

soit les pays en développement et les fabricantsde médicaments génériques à s'en prévaloir.

L'un des premiers « tests » des nouveaux règle-ments de l'OMC a été effectué par les autoritésthaïlandaises, qui ont émis, en janvier 2007,une licence obligatoire permettant de produireune version meilleur marché du Kaletra, unmédicament contre le sida. Les laboratoiresAbbott, qui détiennent le brevet du Kaletra, ontrépliqué en annonçant qu'ils allaient retirertoute demande d'enregistrement de nouveauxmédicaments en Thaïlande. Ce cas sembleindiquer que la bataille sera rude pour les paysen développement ou récemment industrialisésqui oseront défier l'industrie pharmaceutique.

DES LACUNES ÉVIDENTES

Certains ont critiqué les activités de MSF sur lefront canadien de la bataille pour l'accès auxmédicaments en soulignant les nombreusescomplications juridiques qui entourent cettequestion. Néanmoins, MSF a réussi à sensi-biliser le public canadien et à rallier des sympa-thisants. L'organisme a, à juste titre, signalé augouvernement canadien que celui-ci se confor-mait à un mécanisme de commerce interna-tional lui-même défaillant, et lui a rappelé lerôle qu'il doit jouer par rapport à l'OMC pourcorriger ces lacunes.

Les lacunes du RCAM sont évidentes. À ce jour,pas un seul comprimé n'a quitté le pays. Qui enest responsable? MSF a souligné sa position

dans des rapports écrits, des présentationseffectuées devant des comités parlementaires,des entrevues dans les médias et des commu-nications publiques : les compromis qu'a faitsle Canada pour tenter de concilier les intérêtsdes sociétés pharmaceutiques de marques etles producteurs de génériques n'ont pas permisd'acheminer de médicaments à ceux qui en ontle plus besoin.

VERS QUELLE ÉVOLUTION?

Le Comité permanent de l'industrie, des scienceset de la technologie présentera un rapport surson examen du RCAM au moment où la présenteédition de Dépêches ira sous presse. L'on ne s'at-tend pas à ce que des changements notablessoient apportés à ce régime.

Entre-temps, MSF continuera de faire ce qu'ilréussit le mieux : fournir des soins médicaux àceux qui en ont le plus besoin et sauver desvies. MSF Canada gère directement des pro-grammes de santé dans cinq pays d'Afrique del'Ouest et d'Amérique latine, et continuerad'obtenir des médicaments de qualité auprèsdes sources les plus accessibles et les meilleurmarché dans le monde. Nous ne pouvons pasnous limiter à ce qui existe au Canada. Nospatients n'ont pas le luxe d'attendre.

Lai-Ling LeeAgente de programmes

DépêchesMédecins Sans Frontières

720, av. Spadina, bureau 402Toronto, Ontario, M5S 2T9

Tél. : (416) 964-0619Téléc. : (416) 963-8707

Sans frais : 1.800.982.7903Courriel : [email protected]

www.msf.ca

Rédacteur :Jake Wadland

Directrice de la rédaction :Avril Benoît

Conseillière à la rédaction :linda o. nagy

Coordonnatrice de la traduction :Julie Rémy

Collaborateurs :Amy Coulterman, Isabelle Jeanson, Lai-Ling Lee,

James Maskalyk, Marilyn McHarg, Katja Mogensen, Julie Rémy, Darryl Stellmach, Elena Torta

Tirage : 90 000Graphisme : Tenzing Communications

Impression : Warren's Imaging and Dryography

Été 2007

ISSN 1484-9372

ANGOLAAnne Henderson

ARMÉNIERobert Parker

BANGLADESHJulia Payson

BURUNDIAnnie DesiletsDanielle Trepanier

COLOMBIETyler Fainstat

CÔTE D’IVOIREPatrick BoucherAsha Gervan

Nicolas HamelDiane RachieleLori Ann Wanlin

ÉTHIOPIEWendy RhymerIvan Zenar

GUINÉEDawn Keim

HAÏTILynn McLauchlinSylvie Savard

INDELeanne Pang

INDONÉSIEPatrick Laurent

KENYADavid MichalskiTiffany Moore

LESOTHOPeter Saranchuk

MALAWIMichelle ChouinardChantal St-Arnaud

MOLDAVIESteffen Kramer

MYANMARNadine CrosslandFrédéric Dubé

NÉPALAssad MenapalGrace Tang

NIGERFarah Ali

NIGERIARichard GosselinPaulo RottmannMary-Ellen Sweetnam

OUGANDAMaguil GoujaMathieu Léonard

PAKISTANJustin ArmstrongFahreen Dossa

RÉPUBLIQUECENTRAFRICAINEMagdalena Gonzalez-

Fernandez

RÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUE DUCONGOLaura ArcherMaryse BonnelAnne-Josée Boutin-

TrudeauGuylaine HouleElisabeth MartelTara NewellNicole ParkerVivian Skovsbo

RÉPUBLIQUE DUCONGOAhmed AlasJeremy ParnellShauna Sturgeon

SIERRA LEONEErwan Cheneval

SOMALIEDenise ChouinardJoli Shoker

SOUDANReshma AdatiaCarolyn BeukeboomJames MaskalykDaniel NashAlexis Porter

SRI LANKAMegan HunterKrista Mckitrick

TCHADRink De LangeMarise DenaultFrédéric ÉliasAndré FortinLori HuberMichel-Olivier

LacharitéLeanne OlsonAllison StrachanGislène Télémaque

ZAMBIEChris Warren

ZIMBABWECarmen BellowsDavid CroftJean-François

LemaireJoannie Roy

Dépêches Vol.9, no2 page 15

A c c è s a u x m é d i c a m e n t s e s s e n t i e l s

David Morley a été inspiré par la curiositépleine de compassion qu'il a rencontrée

chez des étudiants alors qu'il était directeurgénéral de MSF Canada. Dans son livre HealingOur World, il présente aux jeunes le travail deMSF autour de la planète.

L'ouvrage fournit d'abord un bref historiquede l'organisme, de sa création au lendemainde la guerre civile du Nigeria jusqu'à sonenvergure actuelle, celle du plus importantorganisme d'aide humanitaire indépendantdans le monde.

Il examine également la structure de MSF etexplique comment l'organisme fonctionne dansdes milieux difficiles, s'occupant d'une multi-tude de problèmes qui vont de la santé mentaleà la malnutrition. Il contient des extraits saisis-sants du journal de l'auteur, qui décrivent sesexpériences dans des régions touchées par des

catastrophes naturelles, des crises de réfugiésou encore l'épidémie du sida.

Le cœur de Healing Our World réside dans lesréflexions des travailleurs de MSF en mission.Qu'est-ce qui inspire ces gens, dont un vendeurde motocyclettes et un régisseur de théâtre, àpartir travailler dans des camps de réfugiés etdes zones sinistrées? David Morley propose unéclairage sur leurs motivations.

Photographies, courriels, extraits d'entrevues etde journaux de bord évoquent l'inspiration de cesvolontaires, les rencontres qu'ils vivent, les situa-tions déchirantes dont ils sont témoins ainsi queles petites victoires qu'ils accomplissent. Aufinal, à la lecture de ce livre, les jeunes lecteursdécouvrent la force spirituelle de l'être humainainsi que sa capacité universelle de compassion.

Healing Our World est un ouvrage de DavidMorley, directeur général de MSF Canada de1998 à 2005, et actuellement président etdirecteur général d'Aide à l'enfance Canada.Publié par Fitzhenry & Whiteside, il est venduen librairie.

Healing Our World: Inside Doctors Without Borders*

Par David MorleyÀ partir de 12 ans; 121 pages;

22,95 $CAD / 18,95 $US

Amy CoultermanAssistante en dons spécialisés

L'INSPIRATION QUIMÈNE À L'ACTION

EST INEFFICACELE RÉGIME CANADIEN D'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS

C o m p t e r e n d u d u l i v r e

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LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION

* Guérir le monde : MSF vu de l'intérieur [traduction libre]

Page 15: Dépêches (Été 2007)

Depuis 2003, MSF Canada travaille à élargirl'accès aux médicaments essentiels pour

qu'ils soient à la portée des patients, s'appuyantsur la Loi de l'engagement de Jean Chrétienenvers l'Afrique, aujourd'hui connue sous lenom de Régime canadien d'accès aux médica-ments (RCAM).

Le RCAM constitue un amendement à la Loi surles brevets, en accord avec les modificationsapportées aux règles régissant la propriété intel-lectuelle adoptées en 2003 par l'Organisationmondiale du commerce (OMC) dans sa décisiondu 30 août (Accord sur les ADPIC). Ces modifi-cations autorisent les pays en développement àimporter des médicaments génériques même sices médicaments sont encore sous brevet.L'objectif de cette exemption est de permettrel'accès universel aux médicaments dans l'éven-tualité d'une crise majeure de santé publique.

Dans le numéro précédent de Dépêches (hiver2007), nous rapportions que le gouvernementcanadien s'apprêtait à entamer une révisiondu RCAM. En janvier 2007 a eu lieu une con-sultation publique au cours de laquelle denombreux intervenants, dont MSF, ont présen-té des mémoires.

Par la suite, le Comité permanent de l'industrie,des sciences et de la technologie de la Chambredes communes a mené une étude et des débats.Cette fois encore, MSF a expliqué que la législa-tion canadienne était trop bureaucratique et coû-teuse pour inciter de quelque manière que ce

soit les pays en développement et les fabricantsde médicaments génériques à s'en prévaloir.

L'un des premiers « tests » des nouveaux règle-ments de l'OMC a été effectué par les autoritésthaïlandaises, qui ont émis, en janvier 2007,une licence obligatoire permettant de produireune version meilleur marché du Kaletra, unmédicament contre le sida. Les laboratoiresAbbott, qui détiennent le brevet du Kaletra, ontrépliqué en annonçant qu'ils allaient retirertoute demande d'enregistrement de nouveauxmédicaments en Thaïlande. Ce cas sembleindiquer que la bataille sera rude pour les paysen développement ou récemment industrialisésqui oseront défier l'industrie pharmaceutique.

DES LACUNES ÉVIDENTES

Certains ont critiqué les activités de MSF sur lefront canadien de la bataille pour l'accès auxmédicaments en soulignant les nombreusescomplications juridiques qui entourent cettequestion. Néanmoins, MSF a réussi à sensi-biliser le public canadien et à rallier des sympa-thisants. L'organisme a, à juste titre, signalé augouvernement canadien que celui-ci se confor-mait à un mécanisme de commerce interna-tional lui-même défaillant, et lui a rappelé lerôle qu'il doit jouer par rapport à l'OMC pourcorriger ces lacunes.

Les lacunes du RCAM sont évidentes. À ce jour,pas un seul comprimé n'a quitté le pays. Qui enest responsable? MSF a souligné sa position

dans des rapports écrits, des présentationseffectuées devant des comités parlementaires,des entrevues dans les médias et des commu-nications publiques : les compromis qu'a faitsle Canada pour tenter de concilier les intérêtsdes sociétés pharmaceutiques de marques etles producteurs de génériques n'ont pas permisd'acheminer de médicaments à ceux qui en ontle plus besoin.

VERS QUELLE ÉVOLUTION?

Le Comité permanent de l'industrie, des scienceset de la technologie présentera un rapport surson examen du RCAM au moment où la présenteédition de Dépêches ira sous presse. L'on ne s'at-tend pas à ce que des changements notablessoient apportés à ce régime.

Entre-temps, MSF continuera de faire ce qu'ilréussit le mieux : fournir des soins médicaux àceux qui en ont le plus besoin et sauver desvies. MSF Canada gère directement des pro-grammes de santé dans cinq pays d'Afrique del'Ouest et d'Amérique latine, et continuerad'obtenir des médicaments de qualité auprèsdes sources les plus accessibles et les meilleurmarché dans le monde. Nous ne pouvons pasnous limiter à ce qui existe au Canada. Nospatients n'ont pas le luxe d'attendre.

Lai-Ling LeeAgente de programmes

DépêchesMédecins Sans Frontières

720, av. Spadina, bureau 402Toronto, Ontario, M5S 2T9

Tél. : (416) 964-0619Téléc. : (416) 963-8707

Sans frais : 1.800.982.7903Courriel : [email protected]

www.msf.ca

Rédacteur :Jake Wadland

Directrice de la rédaction :Avril Benoît

Conseillière à la rédaction :linda o. nagy

Coordonnatrice de la traduction :Julie Rémy

Collaborateurs :Amy Coulterman, Isabelle Jeanson, Lai-Ling Lee,

James Maskalyk, Marilyn McHarg, Katja Mogensen, Julie Rémy, Darryl Stellmach, Elena Torta

Tirage : 90 000Graphisme : Tenzing Communications

Impression : Warren's Imaging and Dryography

Été 2007

ISSN 1484-9372

ANGOLAAnne Henderson

ARMÉNIERobert Parker

BANGLADESHJulia Payson

BURUNDIAnnie DesiletsDanielle Trepanier

COLOMBIETyler Fainstat

CÔTE D’IVOIREPatrick BoucherAsha Gervan

Nicolas HamelDiane RachieleLori Ann Wanlin

ÉTHIOPIEWendy RhymerIvan Zenar

GUINÉEDawn Keim

HAÏTILynn McLauchlinSylvie Savard

INDELeanne Pang

INDONÉSIEPatrick Laurent

KENYADavid MichalskiTiffany Moore

LESOTHOPeter Saranchuk

MALAWIMichelle ChouinardChantal St-Arnaud

MOLDAVIESteffen Kramer

MYANMARNadine CrosslandFrédéric Dubé

NÉPALAssad MenapalGrace Tang

NIGERFarah Ali

NIGERIARichard GosselinPaulo RottmannMary-Ellen Sweetnam

OUGANDAMaguil GoujaMathieu Léonard

PAKISTANJustin ArmstrongFahreen Dossa

RÉPUBLIQUECENTRAFRICAINEMagdalena Gonzalez-

Fernandez

RÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUE DUCONGOLaura ArcherMaryse BonnelAnne-Josée Boutin-

TrudeauGuylaine HouleElisabeth MartelTara NewellNicole ParkerVivian Skovsbo

RÉPUBLIQUE DUCONGOAhmed AlasJeremy ParnellShauna Sturgeon

SIERRA LEONEErwan Cheneval

SOMALIEDenise ChouinardJoli Shoker

SOUDANReshma AdatiaCarolyn BeukeboomJames MaskalykDaniel NashAlexis Porter

SRI LANKAMegan HunterKrista Mckitrick

TCHADRink De LangeMarise DenaultFrédéric ÉliasAndré FortinLori HuberMichel-Olivier

LacharitéLeanne OlsonAllison StrachanGislène Télémaque

ZAMBIEChris Warren

ZIMBABWECarmen BellowsDavid CroftJean-François

LemaireJoannie Roy

Dépêches Vol.9, no2 page 15

A c c è s a u x m é d i c a m e n t s e s s e n t i e l s

David Morley a été inspiré par la curiositépleine de compassion qu'il a rencontrée

chez des étudiants alors qu'il était directeurgénéral de MSF Canada. Dans son livre HealingOur World, il présente aux jeunes le travail deMSF autour de la planète.

L'ouvrage fournit d'abord un bref historiquede l'organisme, de sa création au lendemainde la guerre civile du Nigeria jusqu'à sonenvergure actuelle, celle du plus importantorganisme d'aide humanitaire indépendantdans le monde.

Il examine également la structure de MSF etexplique comment l'organisme fonctionne dansdes milieux difficiles, s'occupant d'une multi-tude de problèmes qui vont de la santé mentaleà la malnutrition. Il contient des extraits saisis-sants du journal de l'auteur, qui décrivent sesexpériences dans des régions touchées par des

catastrophes naturelles, des crises de réfugiésou encore l'épidémie du sida.

Le cœur de Healing Our World réside dans lesréflexions des travailleurs de MSF en mission.Qu'est-ce qui inspire ces gens, dont un vendeurde motocyclettes et un régisseur de théâtre, àpartir travailler dans des camps de réfugiés etdes zones sinistrées? David Morley propose unéclairage sur leurs motivations.

Photographies, courriels, extraits d'entrevues etde journaux de bord évoquent l'inspiration de cesvolontaires, les rencontres qu'ils vivent, les situa-tions déchirantes dont ils sont témoins ainsi queles petites victoires qu'ils accomplissent. Aufinal, à la lecture de ce livre, les jeunes lecteursdécouvrent la force spirituelle de l'être humainainsi que sa capacité universelle de compassion.

Healing Our World est un ouvrage de DavidMorley, directeur général de MSF Canada de1998 à 2005, et actuellement président etdirecteur général d'Aide à l'enfance Canada.Publié par Fitzhenry & Whiteside, il est venduen librairie.

Healing Our World: Inside Doctors Without Borders*

Par David MorleyÀ partir de 12 ans; 121 pages;

22,95 $CAD / 18,95 $US

Amy CoultermanAssistante en dons spécialisés

L'INSPIRATION QUIMÈNE À L'ACTION

EST INEFFICACELE RÉGIME CANADIEN D'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS

C o m p t e r e n d u d u l i v r e

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LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION

* Guérir le monde : MSF vu de l'intérieur [traduction libre]

Page 16: Dépêches (Été 2007)

Dépêches Vol.9, no2

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Photo © Didier Lefevre

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Pour des renseignements sur la façon de faire un legs testamentaire àMSF, veuillez utiliser l'enveloppe ci-jointe ou communiquer avec :

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