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Dépêches Vol. 7, n˚1 Le Soudan : Une mer de souffrance Les traumatismes en Tchétchénie : guerre sans fin contre les PDIP Lettre du terrain : République démocratique du Congo Les contradictions de l'humanitarisme militaire La tuberculose : Souffrir d'une maladie guérissable Pour un projet de loi C-9 efficace Nouveau conseiller en matière de HIV/sida auprès de MSF Canada DANS CE NUMÉRO 2 6 8 10 11 13 14 Dépêches Vol. 7, n˚ 1 BULLETIN MSF CANADA LA CRISE AU SOUDAN Lauréat du prix Nobel de la paix 1999

Dépêches (Hiver 2005)

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Dépêches est le bulletin de Médecins Sans Frontières (MSF) Canada.

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Dépêches Vol. 7, n˚1

Le Soudan : Une mer de souffrance

Les traumatismes en Tchétchénie : guerresans fin contre les PDIP

Lettre du terrain :République démocratique du Congo

Les contradictions de l'humanitarisme militaire

La tuberculose :Souffrir d'une maladie guérissable

Pour un projet de loiC-9 efficace

Nouveau conseiller en matière de HIV/sida auprès de MSF Canada

DANS CE NUMÉRO

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DépêchesVol. 7, n˚ 1

B U L L E T I N M S F C A N A D A

LA CRISE AU SOUDAN

Lauréa t du p r i x Nobe l de l a pa i x 1999

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S o u d a n

LE SOUDANUNE MER DE SOUFFRANCE Dépêches Vol. 7, n˚1

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Les cris et pleurs des familles endeuillées qui expriment leur dou-leur après un autre décès sont les sons qui envahissent le camp de Mornay, dans la région du Darfour, au Soudan, durant la nuit. Ces manifestations mettent en évidence une tragédie dénuée de sens, celle de gens qui ont fui les massacres et la destruction de leurs villages et qui cherchent un semblant de refuge dans des camps peuplant la région et le Tchad voisin.

À Mornay, Médecins Sans Frontières (MSF) est la seule organisation d’aide humanitaire qui opère à une échelle suffisamment grande pour fournir à 80 000 personnes déplacées un accès vital à des soins médicaux. Ici, MSF a construit un hôpital qui abrite des unités d’hospitalisation (soins aux adultes et soins pédiatriques), une unité de soins intensifs, une unité de quarantaine, une salle d’urgence avec des ressources chirurgicales pour les blessés de guerre, des soins prénataux et une salle d’accouchement, deux centres de nutri-tion thérapeutique (CNT) et deux cliniques externes. MSF a aussi mis en place des services essentiels, comme ceux dispensés par les équipes de visite à domicile, le programme de repérage des enfants qui ne se présentent plus au CNT, et un programme de distribu-

tion générale de nourriture (DGN) pour tous les enfants de moins de cinq ans. Ces initiatives s’ajoutent au réseau d’eau potable et d’installations sanitaires que MSF a mis en place, qui comporte trois systèmes d’épuration et de distribution d’eau, des puits et de l’équipement de stockage (réservoirs et citernes), en plus des postes d’alimentation d’eau situés partout dans le camp.

Plusieurs programmes de nutrition sont en cours à Mornay. MSF assure une surveillance nutritionnelle auprès de tous les enfants par le biais des DGN, du CNT des soins intensifs hospitaliers, qui accueille les enfants gravement malnutris et atteints de maladies graves, ainsi que du CNT ambulatoire. Un centre de nutrition

Près de 17 000 enfants participent au programme

de distribution générale de nourriture.

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supplémentaire (CNS) desservant près de 1900 enfants souffrant de malnutrition modérée a été créé et finalement intégré aux CNT et aux activités de DGN.

La charge de travail est accablante pour une équipe déjà surchar-gée mais la situation s’est quelque peu améliorée. L’un des CNT accueille 30 à 40 enfants hospitalisés souffrant de malnutrition aiguë et de pathologies graves associées, telles que la malaria, l’hépatite, la schistosomiase, la pneumonie, la giardiase, la dysen-terie, la rougeole, la coqueluche, les traumatismes psychologiques, etc., qui aggravent encore leur état. Le CNT ambulatoire traite 600 enfants malnutris, qui se présentent à des jours prescrits pour subir leur examen médical, recevoir leur nourriture thérapeutique et être mesurés. Au fil du temps, MSF a traité près de 2000 enfants à Mornay, des enfants sous-alimentés dont le poids est inférieur à 70 pour cent du poids normal.

La situation dans le camp sur le plan nutritionnel est fragile et il y a des inquiétudes à propos du fait que de nombreux enfants pourraient sombrer dans un état de malnutrition grave si, par malchance, une épidémie se déclarait, qu’il s’agisse de rougeole,

méningite, malaria ou pneumonie. Une flambée d’hépatite a mis du temps à disparaître et a eu des conséquences dévastatrices. Au cours d’une autre semaine, les décès quasi quotidiens provoqués par la méningite étaient pénibles et démoralisants, notamment parce que les familles arrivaient tardivement et que la plupart des patients étaient de petits enfants ou de jeunes adultes.

Près de 17 000 enfants participent à la DGN, et chacun d’eux reçoit une ration supplémentaire préventive de 500 kcal. Il faut déployer des efforts d’organisation incroyables pour rassembler les enfants, leurs mères et les autres membres de leur fratrie, les placer en ligne, les examiner pour déterminer leur âge, leur sexe et leur état nutritionnel, séparer ceux qui ont besoin d’examens médi-caux et d’une évaluation nutritionnelle supplémentaires, et enfin, distribuer leurs rations. Tout le processus se déroule extrêmement bien, à l’exception de rares bousculades entre mères. Parfois, l’une passe devant les autres ou une autre se faufile à nouveau dans la file, mais, en général, tout se passe très bien, à la grande satisfaction de l’équipe. Le programme de nutrition est très apprécié et reçoit souvent la visite des journalistes, à condition que ceux-ci puissent se lever à l’aube, à 5 h 45, pour un départ

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matinal, afin de réduire, pour les mères, le temps d’attente sous un soleil de plomb.

Par le truchement d’un interprète ou dans une langue arabe qu’ils apprennent sur le terrain, les travailleurs médicaux demandent aux patients des descriptions détaillées de leurs problèmes. Ils veulent tout savoir, des tendances alimentaires, diarrhées, vomissements et fièvres aux toux et troubles d’estomac. Certains sont même capables de dialoguer avec les mères et de s’enquérir de leur situation fami- liale, trop souvent insoutenable. Il est parfois difficile d’entendre ces terribles histoires d’époux et d’enfants assassinés, de villages brûlés et d’êtres chers disparus. Comme on pouvait s’y attendre, la violence sexuelle perdure et les travailleurs reçoivent, de sources fiables, des informations sur l’ampleur terrible des viols, perpétrés aussi à l’intérieur même du camp. Malheureusement, en raison de la peur, de la honte et de l’interférence gouvernementale, seules quelques femmes et jeunes filles ont la possibilité d’obtenir de l’aide.

Tous les effectifs de MSF à Mornay travaillent intensivement et attentivement, des équipes d’origine jusqu’à celles d’aujourd’hui. Ils sont entièrement dévoués et déterminés à répondre aux besoins,

souvent énormes, de la population. Malgré l’ampleur massive des interventions, ces mesures ne suffisent toujours pas et l’absence d’autres organismes avec qui collaborer cause une certaine frustra-tion. Espérons que la situation changera bientôt. Espérons que le monde n’a pas oublié le Darfour.

Les volontaires qui travaillent à Mornay peuvent difficilement con-naître la réaction de la communauté internationale face à la crise au Darfour. Vu de l’intérieur, les conditions dans lesquelles vivent les gens ont très peu changé, de toute évidence. Les gens ne sont pas prêts à quitter le camp de Mornay et ne le feront certainement pas aussi longtemps que les conditions de sécurité ne se seront pas améliorées, avec ou sans sanctions, notamment en ce qui concerne le désarment des milices. Même si les autorités procédaient à une réinstallation « volontaire » des personnes déplacées dans leur communauté d’origine, il est maintenant trop tard pour relancer des activités agricoles viables qui leur assureraient de la nourriture pendant la saison sèche. Il est encore plus triste de constater que la situation ne pourra pas être améliorée avant de nombreux mois.

— Carrie MorrisonInfirmière autorisée

Mornay, Soudan

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LES TRAUMATISMESCAUSÉS PAR UNE GUERRE SANS FIN EN TCHÉTCHÉNIE CHEZ LES PERSONNES DÉPLACÉES À L’INTÉRIEUR DE LEUR PROPRE PAYS

T c h é t c h é n i e

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Malgré les multiples déclarations émises par les représentants russes et tchétchènes prorusses selon lesquelles la situation en Tchétchénie se rétablit, la guerre et les violations des droits de la personne se poursuivent. Selon les estimations, en dix ans de con-flit, 260 000 personnes auraient été déplacées à l’intérieur de leur propre pays. À la mi-2004, la république d’Ingushetia, voisine de la Tchétchénie, abritait environ 52 000 réfugiés. La plupart d’entre eux vivent dans des lieux insalubres, comme des tentes ou des abris ponctuels installés dans des wagons de train, des fermes abandon-nées, des usines ou des entrepôts.

Depuis septembre 2003, les autorités russes et ingushs mettent beaucoup de pressions sur les personnes déplacées en Ingushetia pour que celles-ci retournent en Tchétchénie. Les services de santé et autres services publics tchétchènes sont dans un état lamen-table, et la situation d’insécurité qui y règne empêche sérieusement les organismes d’aide de se déplacer dans la région pour apporter un soutien supplémentaire.

En début d’année, Médecins Sans Frontières (MSF) a entrepris une étude de santé quantitative auprès de la population dépla-cée, autant dans les communautés établies en Ingushetia que dans les installations temporaires en Tchétchénie, pour obtenir de l’information sur les déplacements antérieurs, les conditions de vie et le statut de santé psychologique et générale. Les résultats démontrent qu’une situation d’insécurité et des conditions de vie inférieures à des normes acceptables prédominent dans ces camps. La plupart des gens vivant dans des abris ponctuels et des centres d’hébergement temporaires ont été déplacés en deux vagues, soit en 1994, soit en 1999, pendant les périodes de graves conflits en Tchétchénie. Depuis, ils ont été forcés à se déplacer plusieurs fois. Les personnes interrogées ont affirmé que la situation d’insécurité ou la destruction de leur propriété les empêchaient de retourner dans leur village.

Presque toutes les personnes interrogées ont été exposées à des tirs croisés, des bombardements et des tirs de mortiers. Plus d’une per-sonne sur cinq a été témoin de meutres et plus de la moitié ont vu des membres de leur famille maltraités. Environ 90 pour cent des gens dans les camps tchétchènes et 80 pour cent dans les camps ingushs ont vécu le décès d’un proche par mort violente liée à la guerre. Le conflit en cours en Tchétchénie continue à bouleverser la vie des gens. Plus d’un tiers des personnes en Ingushetia et les deux tiers en Tchétchénie ont exprimé des craintes quant à leur

sécurité. Sept pour cent des gens en Tchétchénie et neuf pour cent en Ingushetia ont rapporté qu’un membre de leur famille était mort dans les deux mois précédant l’enquête, et nombre de ces décès étaient le résultat d’actes violents. L’arrestation et la disparition d’amis et de voisins étaient des événements courants de part et d’autre de la frontière.

Ces expériences continuent d’exercer des effets très néfastes sur la santé des gens. Par ailleurs, l’accès aux médicaments et aux ser-vices de santé pose problème sur les deux sites. Des signalements de troubles de santé non spécifiques, comme des maux de tête et des douleurs articulaires, sont fréquents au sein de ces popula-tions, un phénomène associé à des niveaux de stress psychologique élevés. Plus des deux tiers (80 pour cent en Tchétchénie; 67 pour cent en Ingushetia) des répondants ont rapporté des troubles de santé mentale dus au conflit.

Dans l’ensemble, les conditions de vie des populations déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont clairement inadéquates, autant en Ingushetia qu’en Tchétchénie. La population est exposée aux intempéries, les conditions sanitaires sont mauvaises et la pénurie de nourriture constitue un problème, et ce, dans les deux répu-bliques. Les questions de santé, y compris les troubles de santé mentale, sont nombreuses et les services offerts insuffisants. Nombre de personnes (une sur trois en Ingushetia, le double en Tchétchénie) vivent dans un état de peur constante. Ces conditions exécrables perdurent depuis plusieurs années et les résultats de l’étude menée par MSF démontrent que la situation ne change pas.

La politique actuelle, qui est de déplacer des gens contre leur volonté d’un lieu inadéquat et instable à un autre, ne fera qu’aggraver les souffrances de cette population vulnérable. Les autorités russes doivent garantir à cette dernière un environnement sécurisé et assurer la protection des civils ainsi que des conditions de vie acceptables et des services de santé appropriés. La commu-nauté internationale devrait porter plus d’attention à ce conflit, qui a été largement ignoré depuis les dix dernières années.

Pour prendre connaissance du rapport complet, veuillez consulter www.msf.org/source/downloads/2004/chechnya_report.pdf (en anglais seulement)

— Kaz de JongConseiller en santé mentale avec MSF

et al.

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGOComme je baignais dans les images, les sons et les odeurs de mon premier voyage à Baraka, en République démocratique du Congo (RDC), je ne pouvais imaginer qu’un tel climat de violence régnait dans ce paradis tropical. Baraka, projet de démarrage de MSF, com-portait plusieurs volets : la mise sur pied d’un service d’urgence et d’un hôpital de soins secondaires, l’accès à des soins de santé par le biais de cliniques mobiles et la prestation de soins médicaux et psychosociaux pour les victimes de violence sexuelle.

Tout au long de la formation précédant la mission, nous avons dis-cuté et débattu des deux types d’actions qu’offrait MSF : la presta-tion d’une aide médicale et le témoignage. Le premier volet relevait du connu et était clair. Le deuxième par contre, était compliqué, délicat, épuisant, bouleversant, exigeant et essentiel.

Nous avons travaillé de concert avec une organisation non gouver-nementale (ONG) de femmes qui nous a mis en contact avec les victimes. Aussi choquant que cela puisse paraître, notre programme de lutte contre la violence sexuelle consistait d’abord à venir à bout

d’une liste d'attente de 300 victimes. Comment faire? Nous n’avions pas assez d’infirmières et nous devions aussi nous attaquer aux séquelles psychosociales, au-delà du traumatisme physique. Un psy- chologue, un médecin et une infirmière se sont donc joints à notre équipe d’expatriés. Nous avons également formé trois femmes de la région comme conseillères, qui agissaient aussi comme interprètes.

Les femmes marchaient de nombreux kilomètres pour se rendre à notre hôpital et obtenir une consultation de 45 à 60 minutes, com-prenant un examen physique. En entrant dans la salle, j’ai vu des femmes couchées sur la table d’examen, tendues, le corps rigide, le visage crispé par la peur. Elles voulaient être rassurées, savoir qu’elles étaient physiquement indemnes, qu’elles n’avaient pas contracté de maladies et que leur souffrance était réelle. Certaines voulaient des dawa (médicaments), mais la plupart étaient à la recherche d’une validation, d’une reconnaissance de la violence sexuelle qu’elles avaient subie. Notre psychologue leur a enseigné des techniques de relaxation par la respiration et le massage. Elle leur a demandé de dessiner un symbole d’espoir, de se balancer comme un manguier pour sentir leur corps bouger, et de simple-ment être. J’ai constaté que ces femmes étaient résilientes et très terre à terre. Elles cherchaient quelque chose, n’importe quoi qui pourrait aider leur famille terriblement pauvre : des médicaments, de la nourriture, du savon, des tissus.

L e t t r e d u t e r r a i n

Heather Thomson (à droite) a travaillé comme infirmière dans une clinique mobile en RDC.

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Beaucoup de témoignages se ressemblaient mais on ne s’habitue jamais à entendre ces horreurs. Une femme travaillait aux champs avec d’autres femmes et leurs enfants lorsque 10 soldats sont arrivés. Ils leur ont demandé de l’argent mais aucune d’elles n’en avait. Les femmes ont été battues puis violées par TOUS les sol-dats, devant les enfants. Ils leur ont pris leurs vêtements et ont brûlé leurs maisons. Ce qui est incroyable, c’est que ces femmes continuent de vivre et de pourvoir aux besoins de leur famille. Des soldats de tous les groupes militaires et rebelles ont été identifiés comme les agresseurs. Les agressions ont souvent lieu pendant le déplacement des troupes.

La vie des femmes en RDC est incroyablement difficile. Elles doi-vent cultiver et préparer la nourriture, transporter l’eau, s’occuper des tâches ménagères et prendre soin des enfants et de leur époux. Ici, il n’y a aucune commodité, ni électricité, ni eau courante. Les femmes ne sont pas scolarisées et n’ont aucun droit à la parole en matière de santé sexuelle. De nombreuses femmes que nous avons vues en consultation ne savaient pas qu’elles avaient été violées, agressées. Depuis l’adolescence, elles avaient toujours été des objets sexuels.

Une jeune fille de 16 ans est venue nous voir, s’inquiétant du fait qu’elle n’avait pas eu ses règles et qu’un liquide clair s’écoulait constamment de son corps. Elle avait été violée par plusieurs soldats quelques mois plus tôt. Un examen physique a clairement révélé la présence d’une fistule située entre son urètre et son vagin. Elle pouvait être opérée mais l’adolescente devait retourner dans son village, à un jour de marche, pour obtenir de son époux la permission de se rendre à Bukavu, en RDC, pour subir plusieurs chirurgies sur une période de plusieurs mois. Heureusement, il a donné son consentement.

Une petite fille de quatre ans, violée par un villageois, ne compre-nait pas ce qu’il lui était arrivé. Par contre, sa sœur de 15 ans savait que quelque chose n’allait pas lorsqu’elle a vu l’étranger sortir de

sa maison et le sang sur les vêtements de sa sœur. Nous avons été contactés dans les deux heures suivant l’agression et nous avons pu lui donner des médicaments pour prévenir une infection par le VIH. L’enfant a été envoyée à Bujumbura, au Burundi, pour des consultations psychologiques et des traitements d’immunisation supplémentaires.

Le programme de lutte contre la violence sexuelle a été renommé le « Centre d’écoute », dans une tentative de réduire la stigmatisation liée à l’étiquette « victime de violence sexuelle », mais aussi pour offrir un accompagnement psychosocial aux victimes de la guerre,

aux patients hospitalisés atteints d’une maladie en phase terminale ou en soins prolongés, etc. Nous avons finalement réussi à traiter toutes les victimes de violence sexuelle en attente, et en mai 2004, nous avions vu plus de 600 femmes, hommes et quelques enfants. Des centaines d’autres victimes ont été identifiées sur la péninsule d’Ubwari et à Fizi, un village dans les montagnes dont l’hôpital était récemment soutenu par MSF. L’équipe du Centre d’écoute est dev-enue mobile afin d’atteindre ces victimes de violence sexuelle.

— Heather Thomson

Heather Thomson, originaire d'Ottawa, est une infir-

mière autorisée. Elle a passé neuf mois à Baraka, en

RDC, en tant que volontaire avec MSF. En plus d'avoir

mis en place un hôpital et travaillé dans les cliniques

mobiles, elle a participé à la création du livre « I Have

No Joy, No Peace of Mind », qui traite des conséquen-

ces de la violence sexuelle dans l'est de la RDC.

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L ' h u m a n i t a r i s m e m i l i t a i r e

Les attaques perpétrées contre les travailleurs de l’aide en Irak et en Afghanistan ont grimpé en flèche au cours des dernières années. Depuis mars 2003, plus de 35 travailleurs de l’aide, dont cinq de Médecins Sans Frontières (MSF), ont été assassinés en Afghanistan. Offrir une aide neutre et impartiale ne suffit plus pour obtenir un accès sécurisé aux populations dans le besoin, surtout dans des pays comme l’Irak et l’Afghanistan, où l’aide, perçue par-fois comme un instrument de conquête, et les opérations militaires sont concurrentes.

Malheureusement, les forces armées occidentales, y compris l’armée canadienne, nourrissent de telles images en se servant de l’aide pour faciliter la conquête. Cette pratique a pour con-séquence une idée selon laquelle l’action humanitaire, même indépendante, neutre et impartiale, serait un instrument politique. En conséquence, les gens qui dispensent cette aide constatent que l’accès aux populations nécessiteuses est plus difficile et comporte davantage de risques.

Les forces armées insistent souvent pour ajouter un volet humani-taire à leurs opérations en vue de multiplier les chances de victoire militaire. Des unités spéciales sont affectées à cette tâche. Les forces armées canadiennes en Afghanistan mènent toutes sortes

de projets « humanitaires », allant des cliniques de santé et des petites campagnes de vaccination à la distribution de nourriture, l’excavation de puits et la réhabilitation des écoles. Ces projets très visibles, aux résultats immédiats, n’ont pas pour principal but de soulager la souffrance, ils sont plutôt utilisés pour améliorer le moral des troupes et favoriser leur protection, en plus de faciliter la collecte d’information en gagnant la sympathie des communautés environnantes.

Dispensée de cette façon, l’aide est partiale, conditionnelle et poli-tiquement stratégique. Comme l’a expliqué un soldat américain, les villages qui font preuve d’une attitude « progressiste », en d’autres termes ceux qui ont le moins tendance à soutenir les milices anti-coalition, ont plus de chance de recevoir de l’aide des militaires. En avril 2004, les forces armées des É.-U. ont parachuté, dans la zone frontalière entre l’Afghanistan et le Pakistan, des tracts sur lesquels était écrit : « Pour continuer à recevoir de l’aide humanitaire, com-

muniquez toute information concernant les talibans, al-qaïda ou Gulbuddin aux forces de la coalition. »

Ce type d’aide militaire ne contribue pas aux efforts humanitaires de façon sincère et substantielle. Tout soulagement qui en découle n’est qu’un sous-produit, mais ce n’est pas le seul; cela peut aussi brouiller la distinction entre les acteurs militaires et les intervenants humanitaires et détruire la confiance qui permet à ces derniers d’accéder aux populations en danger.

En Afghanistan, les équipes de reconstruction provinciale (PRT) sont au premier plan de la controverse militaro-humanitaire. Les PRT sont des entités militaires composées d’effectifs militaires et civils, qui joignent aux objectifs militaires des activités d’aide tradi-tionnellement civile, souvent au profit de ces objectifs.

Les forces armées canadiennes sont déterminées à lancer leur pro-pre PRT en Afghanistan. Compte tenu du fait que le Canada a déjà utilisé l’aide en tant qu’instrument militaire en Afghanistan, et que l’Agence canadienne de développement international a financière-ment soutenu par le passé de telles activités, la possibilité que les fonctions de la PRT canadienne brouillent davantage les rôles est inquiétante. MSF poursuit ses négociations avec les deux entités concernées ainsi qu’avec les Affaires étrangères relativement au problème des forces armées entreprenant des activités d’aide. Le gouvernement a généralement été réceptif, malgré sa récente absence d’un forum grand public parrainé par MSF sur cette ques-tion à Ottawa. Néanmoins, étant donné que le gouvernement cana-dien reste très investi en Afghanistan, MSF demeure préoccupé face à une politique étrangère qui entraîne, comme sous-produit, une confusion dangereuse entre les actions militaires et humanitaires.

— Joe LebererConseiller pour les programmes de MSF

L’AIDE À DES FINS MILITAIRESENGENDRE L’INSÉCURITÉ

Certains types d'aide militaire peuvent brouiller la

distinction entre les acteurs militaires et humanitaires.

L'HUMANITARISME MILITAIRE

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Juliette était l’une des enfants qui ne semblaient pas répondre au traitement que nous dispensions au centre de nutrition. D’autres enfants reprenaient du poids et retrouvaient la santé. Ce n’était pas le cas de Juliette. À neuf ans, elle était déjà une réfugiée fuyant la guerre sévissant au Burundi, le pays voisin. Elle venait chaque jour au centre de nutrition, accompagnée de sa sœur aînée. Mais les semaines s’écoulaient et son poids n’augmentait pas, pas plus que son énergie. Nous la traitions contre toutes les infections courantes et les carences vitaminiques, mais sans résultat. Finalement, nous avons décidé que s’en était assez et nous l’avons dirigée vers notre programme de lutte contre la tuberculose. Ses jambes rachitiques et son ventre enflé étaient des symptômes classiques de la tuber-culose abdominale. Nous ne disposions pas des outils nécessaires pour confirmer notre diagnostic, mais les indices étaient révéla-teurs.

Par la suite, au cours de mes visites quotidiennes, je l’ai vue revenir lentement à la vie. Son visage, jadis très grave, s’est éclairé d’un

sourire. Peu à peu, son ventre enflé a repris une allure normale et elle a commencé à reprendre du poids. Juliette bénéficiait enfin du traitement dont elle avait besoin.

C’était un de mes premiers cas de tuberculose, et huit ans plus tard, je me souviens encore du retour graduel mais certain de Juliette à la vie. J’étais accrochée.

Un tiers de la population mondiale est atteinte de tuberculose. Quatre-vingt-quinze pour cent des infections sont recensées dans les pays en développement. Chaque infection de tuberculose pul-monaire non traitée peut être transmise à 10 ou 15 personnes en moyenne.

La tuberculose est une très vieille maladie. Des traces de cette affection ont été trouvées dans les momies égyptiennes. Aux siècles passés, la tuberculose portait le nom de « consomption ». Les poètes romantiques toussaient doucement dans la nuit, et

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T u b e r c u l o s e

LA TUBERCULOSESOUFFRIR D'UNE MALADIE GUÉRISSABLE

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Dépêches Vol. 7, n˚1

s'éteignaient. Ceux qui en avaient les moyens se rendaient dans des sanatoriums, en régions montagneuses, où l’air sec des montagnes avait, pensait-on, des propriétés curatives. La plupart n’avaient pas les moyens de séjourner dans ces établissements; leur santé se détériorait et ils mouraient tout simplement.

Au fur et à mesure que les conditions de logement se sont amélio-rées au début du siècle dernier, le taux de tuberculose a diminué. Dans les pays développés, la tuberculose est devenue la maladie

des pauvres ou des vieillards et a été reléguée graduellement aux oubliettes. Puis, l’épidémie du sida est apparue et soudainement, la maladie est revenue en force. L’infection au VIH a entraîné une flambée de nouveaux cas de tuberculose. Selon les estimations, 12 millions de personnes seraient atteintes aujourd’hui d’une co-infection VIH / tuberculose.

Un deuxième événement, qui a eu lieu au début des années 1990, a remis la tuberculose à la une en Occident. La ville de New York a été frappée par une poussée majeure de la maladie. Toutefois, cette tuberculose était différente. Elle était résistante à la majo-rité des médicaments traditionnellement utilisés pour la traiter. Soudainement, le monde a pris conscience que la tuberculose était une affection qui dépassait les frontières, une maladie qui était devenue dangereusement résistante à nos arsenaux standards de médicaments.

Actuellement, la lutte contre la tuberculose s’appuie sur une stra-tégie mondiale élaborée au début des années 1990. Elle cible la tuberculose pulmonaire infectieuse, le type qui peut être diagnosti-qué avec un simple frottis soumis au microscope. Les médicaments en usage sont ceux mis au point il y a longtemps, dans les années 1940 et 1950. Les patients doivent prendre leurs médicaments en présence d’un travailleur de la santé pendant la totalité des six à huit mois prescrits pour assurer leur guérison. Cette stratégie s’est avérée efficace dans de nombreux pays, mais elle n’a pas été modi-fiée lorsque le visage de l’épidémie a changé. Une grande part de la tuberculose que MSF traite aujourd’hui est celle associée au VIH. Cependant, ce type de tuberculose n’est pas facilement identifiable au simple microscope, comme c’est aussi le cas de la tuberculose qui frappe les enfants. La stratégie actuellement en place exclut donc nombre de séropositifs et d’enfants comme Juliette.

La tuberculose pharmacorésistante est une maladie extrêmement inquiétante. Les médicaments dont nous disposons maintenant sont de moins en moins efficaces. Les médicaments d’urgence

auxquels nous avons recours comme solution de rechange sont terriblement coûteux, produisent des effets secondaires importants et doivent être administrés pendant une période allant jusqu’à deux ans. En raison de ces limites, seulement deux pour cent des patients atteints de tuberculose pharmacorésistante, à l’échelle mondiale, reçoivent le traitement dont ils ont besoin.

MSF traite la tuberculose pharmacorésistante dans le cadre de trois projets. Le plus grand d’entre eux se déroule en Ouzbékistan, où 100 patients ont été recrutés pour un traitement de longue durée. Non seulement la prestation d’un traitement adéquat génère un effet positif sur la vie de ces patients mais elle aide aussi à prévenir la propagation de cette forme de tuberculose très mortelle au sein de la communauté. Cependant, ce projet de petite envergure ne suf-fit pas. MSF demande vivement à la communauté internationale de multiplier les efforts de lutte contre la tuberculose, notamment en mettant en place des stratégies novatrices et en lançant différentes recherches. Le monde a désespérément besoin de nouveaux outils de diagnostic et surtout, de nouvelles études visant à mettre au point des médicaments plus efficaces, à des coûts abordables, en vue de relever ces défis.

Huit ans plus tard, j’étais dans le sud du Soudan. Térésa avait 32 ans et pesait le même nombre de kilogrammes. Jour après jour, je la voyais étendue sur le plancher de la salle commune crasseuse de l’hôpital. Lorsque je me suis penchée pour l’examiner, elle n’a pas eu la force de s’asseoir et de respirer à ma demande. Je l’ai invitée à me raconter son histoire. Elle avait trois enfants, m’a-t-elle dit. Les trois étaient morts. Elle-même était malade depuis longtemps et souffrait d’une toux et de fièvres. Elle a commencé à maigrir et la toux a empiré. Elle a perdu la capacité de travailler et de prendre soin de son foyer. Son époux l’a quittée. Finalement, elle était là, étendue sur le sol, crachant faiblement dans une boîte de conserve rouillée.

Heureusement pour Térésa, la conjoncture était bonne. MSF venait tout juste de négocier avec l’hôpital pour prendre en charge le pro-gramme de lutte contre la tuberculose, antérieurement sous l’égide du ministère de la Santé. MSF comptait donc assurer un approvi-sionnement régulier de médicaments, la formation du personnel et la mise en place de protocoles de traitement appropriés. Nous espérions que la pharmacorésistance n’était pas encore apparue et nous travaillions à la prévenir. J’étais là pour mettre le programme sur pied et Térésa devait être l’une de nos premières patientes. Quatre jours après le début de son traitement, je suis entrée dans la salle commune pour constater que Térésa était assise. Juchée sur un nouveau matelas que MSF avait acheté, avec en fond des draps jaune vif, Térésa avait les yeux brillants et se tenait le dos droit comme un arbre. Les médicaments faisaient effet, oui, mais ce qui importait le plus, c’était l’espoir dont j’étais témoin, un espoir que MSF lui avait apporté, dans ce coin isolé d’un Soudan déchiré par la guerre.

— Dre Leslie ShanksVolontaire-terrain

À l'échelle mondiale, seulement deux pour cent

des patients atteints de TB pharmacorésistante

reçoivent le traitement adéquat.

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En début de 2005, le projet de loi C-9 deviendra loi au Canada. Les sociétés canadiennes auront alors légalement le droit de produire des versions génériques de certains médicaments brevetés en vue de les exporter vers un large éventail de pays en développement, frappés de crises dans le domaine de la santé publique.

MSF, qui s’est engagé à tester la viabilité de cette nouvelle loi en toute bonne foi, mène depuis un certain temps des discussions avec le gouvernement canadien et les fabricants de médicaments génériques canadiens concernant son application.

Bien que le but se veuille humanitaire, il faut se rappeler que la loi place l’initiative entre les mains d’entités juridiques. Manifestement, les sociétés ont des objectifs financiers et non humanitaires, même si certaines choisissent d’inclure une composante humanitaire à leur vision d’entreprise.

Pour ce qui est du contexte canadien, le gouvernement possède clairement une volonté de favoriser le recours à une telle loi et d’en assurer le bon fonctionnement. À l’origine, certains fabricants génériques canadiens manifestaient aussi une bonne volonté et un esprit d’engagement.

Passer une commandeL’un des objectifs de la campagne Accès aux médicaments essen-tiels de MSF est de faciliter, chez les gens de milieux pauvres en ressources, l’obtention de médicaments de qualité, à prix modiques. Pour servir cet objectif, MSF est disposé à tester l’efficacité de la nouvelle loi canadienne en passant une commande auprès d’un fabricant générique canadien en vue d’obtenir des médicaments indispensables pour ses projets.

MSF a envoyé à différents fabricants génériques une liste de médi-caments dont nous avons immédiatement besoin dans le cadre de nos missions. Nous avons surtout mis l’accent sur des médicaments utilisés pour combattre le VIH/sida. Nous attendons actuellement les réponses de ces sociétés, à savoir si elle sont intéressées à les produire.

De toute évidence, MSF ne constituera pas à lui seul la totalité du marché. Nous tenterons donc de faire le pont entre les ministères de la Santé des pays où nous gérons des projets, le gouvernement canadien et les fabricants génériques canadiens. Les chefs de mission recevront un document d’information portant sur la loi et auront pour consigne de discuter de ce sujet avec leurs partenaires des ministères de la Santé concernés. Nous espérons que ces mesures inciteront ces interlocuteurs à approcher les fabricants génériques canadiens et à passer des commandes.

MSF et d’autres organismes non gouvernementaux, ainsi que les fabricants génériques, ont émis des commentaires concernant cer-tains problèmes qui pourraient nuire au bon fonctionnement de la loi. Les essais qui seront faits dans le cadre de cette nouvelle loi fourniront de l’information qui servira au suivi parlementaire prévu en 2007. MSF pourra donc identifier les obstacles qui entravent l’acheminement des médicaments aux patients sur le terrain.

Les obstacles entravant l’acheminementdes médicaments aux patientsPuisque les médicaments sur la liste sont tous brevetés, les molécules n’ont pas, en théorie, été mises au point par les fabricants génériques canadiens. Dans de tels cas, un fabricant générique doit attendre un minimum de deux ans avant de pouvoir développer et enregistrer un médicament générique. La période d’attente est longue.

Nombre de médicaments requis ne figurent pas sur la liste. Une entreprise qui veut mettre au point un médicament absent de la liste doit d’abord demander à un comité parlementaire, qui n’existe pas encore, de l’y inclure. Nous ne connaissons pas le délai qu’une telle démarche pourrait entraîner et nous ne savons pas non plus si le comité approuverait l’ajout du médicament en question. Cette clause donne une occasion de plus aux sociétés pharmaceutiques détentrices d’un brevet d’exercer des pressions pour que cette inclusion soit refusée.

Le coût de production au Canada, qui est beaucoup plus élevé que celui dans les pays producteurs de génériques actuels, tels que l’Inde, constitue un autre obstacle. Les entreprises canadiennes peuvent-elles vendre à prix concurrentiel tout en réalisant des bénéfices?

Pour ces raisons, les fabricants génériques canadiens semblent réticents à amorcer une discussion sur la possibilité de produire les médicaments demandés par MSF.

La longue route menant à la mise en place d’une partie raisonnable de la loi afin d’assurer l’application de l’article 6 de la Déclaration de Doha adoptée par l’Organisation mondiale du commerce, marque le début d’une tâche concrète : faire en sorte que la législation ait un sens pour les gens qui n’ont pas les moyens d’acheter des traite-ments pour des maladies guérissables.

Nous avons réellement besoin de ces médicaments, de toute urgence. La volonté d’assurer le bon fonctionnement de cette loi est également très présente. MSF s’impliquera dans ce processus si cette volonté peut se traduire par des résultats pratiques, concrets et salvateurs pour nos patients.

— Rachel Kiddell-MonroeCoordonnatrice de la campagne Accès aux médicaments essentiels

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A c c è s a u x m é d i c a m e n t s e s s e n t i e l s

POUR UN PROJETDE LOI C-9 EFFICACE

Page 14: Dépêches (Hiver 2005)

Dépêches Vol. 7, n˚1

M S F a u C a n a d a

ENTREVUE AVEC LE DR DAVID TU,NOUVEAU CONSEILLER EN MATIÈRE DE VIH/SIDA AUPRÈS DE MSF CANADA Q : Quelle expérience internationale aviez-vous avant de travailler pour MSF?

R : En tant qu’étudiant en médecine, j’ai travaillé pendant trois mois dans un hôpital pour tuberculeux au Pakistan. J’ai aussi passé un an en Chine à étudier l’acupuncture, la médecine chinoise tra-ditionnelle et l’anesthésie.

Q : Où avez-vous œuvré avec MSF et qu’avez-vous appris de ce travail de terrain?

R : J’ai été deux fois en mission pour MSF dans le cadre d’un projet en République démocratique du Congo (RDC). Le projet visait à dispenser des traitements contre le VIH et à établir un modèle pour des soins complets aux personnes séropositives, dans une région ravagée par la guerre.

En tant que médecin, j’ai beaucoup appris de mes patients. J’ai appris ce que c’était que d’être vraiment malade et d’être vraiment en bonne santé. J’ai aussi appris que mon travail pouvait avoir un impact important.

En tant que Nord-Américain, j’ai découvert la richesse de la culture africaine et j’ai acquis un profond respect pour les Congolais et la force dont ils font preuve.

Q : Quel est votre rôle actuel à MSF?

R : Mon travail porte sur la formation clinique du personnel de ter-rain dans le domaine du VIH et sur les recherches opérationnelles axées pour l’instant sur la RDC et le Burundi. J’agis également comme agent de liaison entre MSF et le Centre d’excellence de la C.-B. (BCCE), et comme conseiller technique en matière de VIH auprès de MSF Canada.

Q : Quels sont les défis auxquels les programmes de VIH/sida font face sur le terrain?

R : Au sein de nos programmes, le stigmate associé au VIH reste l’un des plus grands obstacles.

Quant aux programmes qui mettent déjà l’accent sur les soins aux personnes atteintes du VIH, les défis d’ordre médical sont, entre autres :

- le diagnostic, la prévention et les soins aux enfants atteints du VIH;

- le diagnostic et la gestion des échecs des traitements antirétrovi-raux de première intention;

- les problèmes liés à la co-infection VIH / tuberculose.

Pour ce qui est des programmes de MSF qui sont en cours dans des régions où le VIH est endémique et qui se penchent sur des aspects tels que les soins médicaux de base, le défi consiste à déterminer la façon d’introduire des services de traitement complets pour les

personnes séropositives sans surcharger le programme, ni négliger d’au-tres services importants, comme les soins aux femmes enceintes.

Q : Quels sont les obstacles qui empêchent un plus grand accès aux traitements ARV dans les pays en développement?

R : De nombreux pays nécessitent encore une meilleure infra-structure générale, une infrastructure de santé, des ressources financières et humaines, une formation dans le domaine des soins contre le VIH, ainsi que des médicaments à moindres coûts et des équipements pour assurer un suivi.

Q : Quel est la raison d’être d’un partenariat entre MSF et le BCCE ?

R : Le partenariat comporte deux principaux objectifs. D’abord, le personnel du BCCE agit comme source de connaissances de pointe en vue d’aider l’équipe de MSF en poste sur le terrain, qui est aux prises avec des problèmes liés au traitement du VIH. De plus, le BCCE mène des recherches sur le VIH dans le cadre des projets de MSF afin d’améliorer la qualité des soins et d’augmenter le nombre de personnes traitées.

Q : Quel effet votre travail sur le terrain avec MSF a-t-il eu sur votre rôle actuel?

R : J’ai approfondi ma compréhension des nombreux aspects complexes devant être harmonisés afin d’offrir un programme de traitement du VIH efficace, qui est bien plus que de simplement dispenser des médicaments antirétroviraux. J’ai compris davantage l’ampleur dévastatrice de l’épidémie du VIH dans les pays comme la RDC, mais j’ai aussi conservé mon optimisme quant à la possibilité d’améliorer considérablement la situation.

— Ashleigh ClarkeStagiaire en communications

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AngolaChristene MacLeod

Afrique du SudPeter Saranchuk

ArménieMarise DenaultSonya Jacques

BurundiFrancine BélislePhilippe BlackburnJean GélinasShelina MusajiVivian SkovsboClaude Trépanier

Côte d'IvoireCatherine De RavinelCarol FrenetteMichel LacharitéBrian OstrowJohanne PrimiMireille RoyGrace TangVanessa Van Schoor

ÉthiopieRik Nagelkerke

GéorgieKatja Mogensen

HaïtiJean-Pierre Perreault

IndeKevin CoppockDavid Croft

KenyaFrank BoyceMarilyn HurrellAnders Lonnqvist

LibériaMario Fortin

MalawiKris Stephenson

MozambiqueDolores Ladouceur

MyanmarMarilyn Abraham

NépalChris Warren

NigériaNicole FultonNayana Somaiah

OugandaCarrie BernardDonald ChambersMike FarkAsha GervanÉ. V. Laperrière-NguyenDarryl Stellmach

République démocratique du CongoJason AndersonNicole AubéJennifer BuckAlain CalameYves CantinHeather CulbertÉmilie FrédérickJean-Francois HarveyMichel PlouffeRichard PoitrasMarlene PowerJennifer Weterings

République du CongoMario CussonTyler FainstatFrançois Riffaud

Sierra LeoneEva LamAnna Richley

SomalieSylvain DeslippesDavid MichalskiJames SquierSheila Stam

SoudanSusan AdolphJérôme AubinIsabel BattenFrédéric BeaudoinJaroslava BelavaFrançoise GoutierRalph HeeschenMegan HunterSharon JansenDawn KeimYannick LavoieClaudine MaariTiffany MooreAlnaaze NathooThierry PetryJangh B. RaiKathleen SkinniderMarie Skinnider

TchadJulie BlanchetBruce LampardJacinthe LarivièreJean-Sébastien MatteJean Sander

ZambieTim ChristiePaige Davies

LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION

DépêchesMédecins Sans Frontières

720 av. Spadina, bureau 402Toronto, Ontario, M5S 2T9

Tél. : (416) 964-0619Télec. : (416) 963-8707

Numéro de téléphone sans frais : 1.800.982.7903

Courriel : [email protected] Site Web : www.msf.ca

Rédactrices :linda o. nagy

Dominique Desrochers

Directeur de la rédaction :Tommi Laulajainen

Collaborateurs : Gerry Boots, Ashleigh Clarke, Debbie

Cunningham, Kaz de Jong, Nathan Ford, Nancy Forgrave, Sally Hargreaves,

Rachel Kiddell-Monroe, Joe Leberer, Sophie Lecomte, Carrie Morrison,Leslie Shanks, Heather Thomson,

Saskia van der Kam, R. van Oosten

Tirage : 65 000Graphisme : Company B

Impression : Warren's Imaging and DryographyHiver 2005

ISSN 1484-9372

Crédit photos : Lloyd Cederstrand,

Johannes Daniel, Roger Job,Ton Koene, Bruce Lampard,

Stefan Pleger, Espen Rasmussen,Juan Carlos Tomasi, Eddy van Wessel

Missions de MSF

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M i s e à j o u r

CÉRÉMONIES COMMÉMORATIVES PANCANADIENNES EN MÉMOIRE DE CINQ TRAVAILLEURS DE MSF ASSASSINÉSAPRÈS 24 ANS D’AIDE INDÉPENDANTE AU PEUPLE AFGHAN, MSF SE RETIRE DE L’AFGHANISTAN EN RAISON DES MEURTRES, DES MENACES ET DE L’INSÉCURITÉ

Des cérémonies commémoratives ont été tenues à Vancouver, Calgary, Toronto, Montréal et Halifax le 11 juin 2004, en mémoire des cinq travailleurs de Médecins Sans Frontières (MSF) assassinés le 2 juin en Afghanistan. Des douzaines de partisans de MSF, venus des quatre coins du Canada, ont assisté aux cérémonies.

Hélène de Beir, une coordonnatrice de projet belge, Egil Tynaes, un médecin norvégien, Willem « Pim » Kwint, un logisticien hollandais, Besmillah, un conducteur afghan, et Fasil Ahmad, un interprète afghan, ont été les cibles de tireurs et tués sans pitié après que leur véhicule, qui arborait clairement le logo de MSF, ait fait l’objet d’une embuscade et d’une attaque planifiée, dans la province de Badghis, au nord-ouest du pays.

Le 27 juillet 2004, MSF a annoncé la fermeture de tous ses projets en Afghanistan.

Le gouvernement n’a pas ouvert d’enquête sérieuse à la suite de ces assassinats, ce qui révèle un manque de responsabilité et une absence d’engagement face à la sécurité des travailleurs de l’aide sur son territoire.

Un porte-parole taliban a revendiqué la responsabilité des meurtres et a déclaré par la suite que les organisations comme MSF servaient les intérêts américains. Ces accusations sont particulièrement non fondées puisque MSF s’appuie sur un principe de base selon lequel l’aide doit être séparée des intérêts politiques.

Au cours des 24 dernières années, MSF a continué de prodiguer des soins de santé, et ce, même dans des périodes difficiles de l’histoire afghane, sans tenir compte du parti politique ou du groupe militaire au pouvoir. Avant les assassinats, MSF dispensait des soins médi-caux dans 13 provinces, avec pour personnel, 80 volontaires inter-nationaux et 1400 travailleurs afghans. Entre autres projets, MSF fournissait des soins médicaux de base, des soins hospitaliers ainsi que des traitements contre la tuberculose et gérait des programmes de réduction de la mortalité maternelle.

Dans le cadre de ses démarches de retrait, MSF a remis ses pro-grammes entre les mains du ministère de la Santé et d’autres organisations.

En arrêtant ses projets, MSF laisse aussi derrière lui le peuple de l’Afghanistan, qu’il quitte avec beaucoup de tristesse.

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Dépêches Vol. 7, n˚1

J’ai le plaisir de travailler pour MSF depuis près de deux ans maintenant, et c’est une expérience passionnante.

Le récent voyage que j’ai fait en Afrique a été un moment fort. J’ai visité l’un de nos projets de lutte contre le VIH/sida en République démocratique du Congo, où j’ai pu parler avec les patients, écouter leurs témoignages et constater les bienfaits que leur apportait le traitement fourni par MSF.

J’ai aussi beaucoup apprécié les entretiens que j’ai eus avec ceux d’entre vous qui m’avez contactée concernant l’éventualité ou la confirmation d’un legs testamentaire à MSF. Votre réaction est encourageante et je remercie ceux d’entre vous qui avez déjà nommé MSF comme bénéficiaire.

J’espère que vous aussi communiquerez avec moi et envisagerez cette possibilité intéressante d’exprimer votre compassion et de ten-dre la main à ceux qui ont besoin d’aide partout dans le monde.

— Nancy ForgraveResponsable des dons planifiés

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LES DONS PLANIFIÉS