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6 actualités Actualités pharmaceutiques n° 490 Novembre 2009 « Soyez imaginatifs et ambitieux » a lancé Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, en ouverture des 2 es Rencontres de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qui se sont tenues le 13 octobre, à la Faculté Paris-Dauphine, sur le thème “pharmacien d’officine : un métier d’avenir”. Des vœux en passe d’être exhaussés. L’ ex-pharmacienne d’An- gers a, comme minis- tre, commencé par faire adopter le cadre dans lequel « le modèle officinal à la française » devrait se rénover avec la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) publié au Journal officiel du 22 juillet. L’article 36 consacre le conseil pharmaceutique parmi les soins de premier recours et grave dans le marbre du Code de la santé publique (CSP) les mis- sions élargies pour le pharmacien d’officine à l’article 38. Ce que Gilles Bonnefond, président délé- gué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), applaudit : « Vous avez osé la coordination, les délégations de tâches et les transferts de compé- tence entre acteurs de ville mais aussi avec l’hôpital, l’HAD, les EHPAD ». Ce socle législatif était «indispensable pour faire évoluer le métier » ajoute-t-il. Pour sa part, Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmaciens de France (UNPF) renchérit : « Si la loi HPST n’avait pas été rédigée, on serait toujours cantonné dans un exercice traditionnel ». Une nouvelle place dans le parcours de soin Au-delà de la dispensation, l’of- ficinal devient correspondant au sein de l’équipe de soins pour la prise en charge des patients atteints de pathologies chroni- ques. Il est ainsi un acteur de pré- vention et d’éducation à la santé, dont l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Comme spécialiste du médicament, il décroche un rôle de référent dans les maisons de retraite (EHPAD). « Au regard des nouveautés légis- latives, l’équipe officinale pourra prendre en charge le patient en coordination avec les autres pro- fessionnels de santé dans bien des situations » affirme Michel Rioli, coordinateur du rapport intraprofessionnel sur le pharma- cien d’officine dans le parcours de soins (voir p. 5). « Je sais, a d’ailleurs noté la ministre, qu’il ouvre de nouvelles perspectives » Elles ne seront pas du luxe dans le contexte économique de crise dont, Christian Babusiaux, prési- dent de la première chambre de la Cour de comptes et de l’Insti- tut des données de santé (IDS), a illustré l’ampleur en trois chiffres : « 10, 20, 30 ». Ce sont les mil- liards d’euros de déficit du régime général d’assurance maladie obli- gatoire pour 2008, 2009, 2010. « Dans la recherche de l’équilibre des comptes, le médicament a toujours été mis à contribution et l’officine n’a pas été épargnée », constate Gilles Bonnefond. « Les chiffres d’affaires stagnent, la marge diminue en pourcentage et en valeur alors que nos charges augmentent », ajoute-t-il. D’où son irritation devant les grands conditionnements à 90 jours à la place des renouvellements à 30 jours. Pareil stockage serait, selon lui, à l’origine d’un gâchis de 36 millions d’euros dû aux 25 % des patients chroniques qui changeraient de traitement en cours de route. Il réclame que ce mécanisme soit évalué d’ur- gence. En attendant, les remèdes aux difficultés ne résident, selon Christian Babusiaux, ni dans l’augmentation des recettes ni dans la réduction drastique des dépenses, mais dans la restruc- turation du parcours de soins du patient, autrement dit de l’offre. Le conseil officinal valorisé L’action est déjà à l’œuvre pour concilier la refondation du rôle officinal, sa solvabilisation, et l’optimisation des ressources. Des assureurs complémentaires investissent sur le marché du conseil officinal. Pascal Louis, président du Collectif des groupe- ments de pharmaciens, l’atteste avec le contrat qu’il a mis en place avec le groupe Allianz. Le conseil pharmaceutique normé dispensé auprès de ses assurés sur une liste évolutive de 43 pathologies établies par un comité scientifique rapporte 5 euros hors taxe (HT) par acte à chacun des 2 540 phar- maciens devenus partenaires. S’y rapporte une gamme de mille médicaments ou dispositifs à l’ef- ficacité avérée. Pour Pascal Louis, il y a là « une vraie solution de rémunération complémentaire à développer pour le pharmacien ». En perspective : l’ouverture des contrats à des prises en charges de médicaments non rembour- sés. « Le champ des possibles est ouvert » explique Bruno Caron de la Mutualité fonction publique (1,1 million d’affiliés) sur le point de signer avec l’USPO un proto- cole sur la grippe saisonnière où sera expérimentée une prise en charge intégrale du vaccin. Les clivages tombent Les mentalités bougent aussi chez les acteurs de santé. Pour le kinésithérapeute Alain Bergeau, président de l’Union nationale des professions de santé (UNPS), « des clivages tombent » au sein du regroupement institutionnel intersyndical. Preuve ? Le projet de prise en charge coordonnée d’une équipe libérale autour du patient fait consensus. Chef d’or- chestre, le médecin traitant ne serait pas pour autant toujours le coordonnateur. Selon la patholo- gie, cela pourrait être l’infirmière, le pharmacien, le kiné... Selon l’infirmière Annick Touba (SNIIL) « il faut faire retomber les diarchies absurdes, les peurs d’empiète- ment d’exercice ». Le Dr Marie- Laure Alby (MG France) ne rechi- gne pas devant le rôle de premier recours conféré au pharmacien, « à condition que cela ne retarde pas les soins nécessaires ». « Nous ne ferons que là où nous serons efficaces » rassure Gilles Bonnefond. Serge Benaderette Journaliste, Paris (75) [email protected] Rencontres de l’USPO Des pharmaciens prêts à refonder le métier Patrice Deviellers, président (à gauche sur la photo) et Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO. © DR

Des pharmaciens prêts à refonder le métier

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Actualités pharmaceutiques • n° 490 • Novembre 2009

« Soyez imaginatifs

et ambitieux » a lancé

Roselyne Bachelot,

ministre de la

Santé, en ouverture

des 2es Rencontres

de l’Union des syndicats

de pharmaciens

d’offi cine (USPO) qui

se sont tenues le

13 octobre, à la Faculté

Paris-Dauphine, sur

le thème “pharmacien

d’offi cine : un métier

d’avenir”. Des vœux en

passe d’être exhaussés.

L’ex-pharmacienne d’An-gers a, comme minis-tre, commencé par faire

adopter le cadre dans lequel « le modèle offi cinal à la française » devrait se rénover avec la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) publié au Journal offi ciel du 22 juillet. L’article 36 consacre le conseil pharmaceutique parmi les soins de premier recours et grave dans le marbre du Code de la santé publique (CSP) les mis-sions élargies pour le pharmacien d’officine à l’article 38. Ce que Gilles Bonnefond, président délé-gué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’offi cine (USPO), applaudit : « Vous avez osé la coordination, les délégations de tâches et les transferts de compé-tence entre acteurs de ville mais aussi avec l’hôpital, l’HAD, les EHPAD ». Ce socle législatif était «indispensable pour faire évoluer le métier » ajoute-t-il. Pour sa part, Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmaciens

de France (UNPF) renchérit : « Si la loi HPST n’avait pas été rédigée, on serait toujours cantonné dans un exercice traditionnel ».

Une nouvelle place dans le parcours de soin Au-delà de la dispensation, l’of-fi cinal devient correspondant au sein de l’équipe de soins pour la prise en charge des patients atteints de pathologies chroni-ques. Il est ainsi un acteur de pré-vention et d’éducation à la santé, dont l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Comme spécialiste du médicament, il décroche un rôle de référent dans les maisons de retraite (EHPAD).« Au regard des nouveautés légis-latives, l’équipe offi cinale pourra prendre en charge le patient en coordination avec les autres pro-fessionnels de santé dans bien des situations » affirme Michel Rioli, coordinateur du rapport intraprofessionnel sur le pharma-cien d’offi cine dans le parcours de soins (voir p. 5). « Je sais, a d’ailleurs noté la ministre, qu’il ouvre de nouvelles perspectives » Elles ne seront pas du luxe dans le contexte économique de crise dont, Christian Babusiaux, prési-dent de la première chambre de la Cour de comptes et de l’Insti-tut des données de santé (IDS), a illustré l’ampleur en trois chiffres : « 10, 20, 30 ». Ce sont les mil-liards d’euros de défi cit du régime général d’assurance maladie obli-gatoire pour 2008, 2009, 2010. « Dans la recherche de l’équilibre des comptes, le médicament a toujours été mis à contribution et l’offi cine n’a pas été épargnée », constate Gilles Bonnefond. « Les chiffres d’affaires stagnent, la marge diminue en pourcentage

et en valeur alors que nos charges augmentent », ajoute-t-il. D’où son irritation devant les grands conditionnements à 90 jours à la place des renouvellements à 30 jours. Pareil stockage serait, selon lui, à l’origine d’un gâchis de 36 millions d’euros dû aux 25 % des patients chroniques qui changeraient de traitement en cours de route. Il réclame que ce mécanisme soit évalué d’ur-gence. En attendant, les remèdes aux diffi cultés ne résident, selon Christian Babusiaux, ni dans l’augmentation des recettes ni dans la réduction drastique des dépenses, mais dans la restruc-turation du parcours de soins du patient, autrement dit de l’offre.

Le conseil offi cinal valoriséL’action est déjà à l’œuvre pour concilier la refondation du rôle officinal, sa solvabilisation, et l’optimisation des ressources. Des assureurs complémentaires investissent sur le marché du conseil officinal. Pascal Louis, président du Collectif des groupe-ments de pharmaciens, l’atteste avec le contrat qu’il a mis en place avec le groupe Allianz. Le conseil pharmaceutique normé dispensé auprès de ses assurés sur une liste évolutive de 43 pathologies établies par un comité scientifi que rapporte 5 euros hors taxe (HT) par acte à chacun des 2 540 phar-maciens devenus partenaires. S’y rapporte une gamme de mille médicaments ou dispositifs à l’ef-fi cacité avérée. Pour Pascal Louis, il y a là « une vraie solution de rémunération complémentaire à

développer pour le pharmacien ». En perspective : l’ouverture des contrats à des prises en charges de médicaments non rembour-sés. « Le champ des possibles est ouvert » explique Bruno Caron de la Mutualité fonction publique (1,1 million d’affi liés) sur le point de signer avec l’USPO un proto-cole sur la grippe saisonnière où sera expérimentée une prise en charge intégrale du vaccin.

Les clivages tombent Les mentalités bougent aussi chez les acteurs de santé. Pour le kinésithérapeute Alain Bergeau, président de l’Union nationale des professions de santé (UNPS), « des clivages tombent » au sein du regroupement institutionnel intersyndical. Preuve ? Le projet de prise en charge coordonnée d’une équipe libérale autour du patient fait consensus. Chef d’or-chestre, le médecin traitant ne serait pas pour autant toujours le coordonnateur. Selon la patholo-gie, cela pourrait être l’infi rmière, le pharmacien, le kiné... Selon l’infi rmière Annick Touba (SNIIL) « il faut faire retomber les diarchies absurdes, les peurs d’empiète-ment d’exercice ». Le Dr Marie-Laure Alby (MG France) ne rechi-gne pas devant le rôle de premier recours conféré au pharmacien, « à condition que cela ne retarde pas les soins nécessaires ». « Nous ne ferons que là où nous serons effi caces » rassure Gilles Bonnefond. �

Serge Benaderette

Journaliste, Paris (75)

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Rencontres de l’USPO

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Patrice Deviellers, président (à gauche sur la photo) • et Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO.©

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