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Revue bibliographique 296 Cahier FMC souvent chez les femmes. Globalement, le taux de survie relative à 5 ans était de 93 % pour les tumeurs localisées, 74 % en cas d’extension locorégionale et 19 % en cas de tumeurs métastatiques. Le pronostic des tumeurs localisées, excellent, ne s’est pas modifié au cours du temps mais la survie des malades ayant une tumeur métastatique s’est améliorée significativement avec une survie à 3 ans passant de 29 % à 66 %. En analyse multivariée, la seule variable significativement associée à la survie des malades ayant une forme métastatique était la période de diagnostic (avant et après 1992). Pour les auteurs, cette amélioration de survie est secondaire à l’utilisation depuis 1992 des analogues de la somatostatine dans le traitement de ces tumeurs et en particulier à l’activité antitumorale des analogues. Cette hypothèse intéressante mérite bien sûr d’être confirmée puisqu’une telle amélioration de survie n’a pas été observée dans l’étude du registre bourguignon et que dans les essais thérapeutiques l’effet antitumoral des analogues de la somatostatine n’a jamais été clairement démontré. Facteurs pronostiques de la cardiopathie carcinoïde Moller JE, Connolly H, Rubin J, Seward J., Modesto K, Pellikka P. Factors associated with progression of carcinoid heart disease. N Engl J Med 2003;348:1005-15. Une cardiopathie « carcinoïde », secondaire à la formation de « plaques carcinoïdes » entraînant une atteinte valvulaire (insuffisance tricuspidienne le plus souvent) et endocardiale, survient chez plus d’un tiers des malades ayant une TED. Le mécanisme physiopathologique aboutissant à la formation des plaques serait une augmentation de la synthèse collagène secondaire à la stimulation du TGF-β par la sérotonine. La cardiopathie carcinoïde reste une cause majeure de mortalité et de morbidité des malades. L’étude rétrospective conduite par Moller et al. avait pour objectif d’analyser les facteurs associés à la progression de la cardiopathie carcinoïde. Les données de 71 malades ayant une TED avec syndrome carcinoïde diagnostiquée entre 1980 et 2001 pour lesquels au moins deux échographies cardiaques à douze mois d’intervalle avaient été effectuées ainsi que celles de 32 malades adressés pour prise en charge chirurgicale d’une cardiopathie carcinoïde avec atteinte valvulaire sévère ont été analysées. Un score de sévérité de la cardiopathie carcinoïde basé sur les données échocardiographiques a permis de juger de l’évolutivité de l’atteinte cardiaque au cours du temps. Vingt cinq malades ayant une augmentation de leur score de plus de 25 % par rapport à la valeur initiale ont été considérés comme ayant une cardiopathie carcinoïde progressive. En analyse multivariée, un taux élevé de 5HIAA urinaires (hazard ratio = 1,08/ 25 mg/24 h, p = 0,009) et la réalisation d’une chimiothérapie (hazard ratio = 3,65, p = 0,001) étaient significativement associés au risque de progression de la cardiopathie. Ces données confirment l’importance de l’hypersécrétion de sérotonine dans l’apparition et la progression de la cardiopathie, et suggèrent pour la première fois le rôle délétère de la chimiothérapie. La chimiothérapie n’étant en général pas le traitement de première intention des TED du tube digestif mais proposée à des malades ayant une maladie évoluée et évolutive, il est possible que l’association observée entre chimiothérapie et aggravation de la cardiopathie ne soit que le reflet indirect d’une maladie évoluée et progressive sans que la chimiothérapie ne joue pas de rôle direct. Les auteurs suggèrent cependant comme explication principale un rôle direct de la chimiothérapie qui, par son effet cytotoxique, entraînerait la libération de sérotonine par les métastases hépatiques et favoriserait ainsi l’aggravation de la cardiopathie. Le rôle délétère de la chimiothérapie n’a pas été observé dans d’autres séries et devra être confirmé de façon prospective avant d’être définitivement accepté. Deux études sur des méthodes diagnostiques Combinaison de la scanographie spiralée et de la scintigraphie aux récepteurs de la somatostatine (SRS) — techniques de « fusion » Gabriel M, Hausler F, Bale R, Moncayo R, Decristoforo C, Kovacs P, et al. Image fusion analysis of (99m)Tc-HYNIC-Tyr(3)-octreotide SPECT and diagnostic CT using an immobilisation device with external markers in patients with endocrine tumours. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2005;32:1440-51. Plusieurs méthodes sont à l’heure actuelle disponibles afin de superposer les images de fixation de la SRS (coupes acquises par la SPECT « Single-Photon Emission Computed Tomography ») aux données scannographiques : addition rétrospective des images de deux examens faits indépendamment par informatique (« software fusion »), utilisation d’une gamma-caméra couplée au scanner avec une faible dose d’irradiation et finalement une combinaison des images en utilisant des marqueurs externes. L’intérêt de ces techniques de fusion est de permettre d’améliorer la précision de détection tumorale et de la cartographie lésionnelle. Gabriel et al. ont rapporté une méthode utilisant des marqueurs externes capables de combiner des images obtenues indépendamment par SPECT et tomodensitométrie spiralée. Cette technique (réalisée chez 37 malades ayant une TED) avait un taux de détection de 95 % et était significativement supérieure à celles de la SPECT et scanographie (respectivement 64 % et 75 %). Par rapport à la scintigraphie seule, la technique de fusion a permis d’obtenir des données hautement pertinentes chez 21 malades (40 %). L’utilisation de cette technique semble donc permettre de diminuer le risque de faux positifs et augmenter le nombre de lésions détectées. L’utilisation du scanner permet de préciser la localisation anatomique des lésions détectées en scintigraphie. La performance de l’IRM dans la détection des métastases hépatiques Dromain C, de Baere T, Lumbroso J, Caillet H, Laplanche A, Boige V, et al. Detection of liver metastases from endocrine tumors: a prospective comparison of somatostatin receptor scintigraphy, computed tomography, and magnetic resonance imaging. J Clin Oncol 2005;23:70-8. L’IRM hépatique a déjà fait sa preuve comme examen hautement performant pour la détection de tumeurs primitives hépatiques et certaines métastases. Après avoir réalisé une étude sur la méthodologie de l’IRM dans la détection des métastases hépatiques de TE en 2003, l’équipe de l’Institut Gustave Roussy a confirmé l’intérêt de cet examen en réalisant une étude prospective comparant la sensibilité de l’IRM, de la tomodensitométrie et de la SRS dans le diagnostic des localisations secondaires hépatiques de TE. Soixante-quatre malades ont été inclus donc 40 avaient des localisations secondaires hépatiques histologiquement prouvées. Le taux de métastases hépatiques détectées par l’IRM était significativement plus élevé pour l’IRM par rapport à la tomodensitométrie (P = 0.02) ou la SRS (P < 0.0001). Cette différence importante entre la SRS et l’IRM semble être en rapport avec la faible sensibilité de la SRS en cas de petites lésions. Les auteurs recommandent la réalisation d’une IRM dans le bilan initial de ces tumeurs.

Deux études sur des methods diagnostiques - La performance de l’IRM dans la detection des métastases hépatiques

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souvent chez les femmes. Globalement, le taux de survie relative à 5 ans était de 93 % pour les tumeurs localisées, 74 % en cas d’extension locorégionale et 19 % en cas de tumeurs métastatiques. Le pronostic des tumeurs localisées, excellent, ne s’est pas modifié au cours du temps mais la survie des malades ayant une tumeur métastatique s’est améliorée significativement avec une survie à 3 ans passant de 29 % à 66 %. En analyse multivariée, la seule variable significativement associée à la survie des malades ayant une forme métastatique était la période de diagnostic (avant et après 1992). Pour les auteurs, cette amélioration de survie est secondaire à l’utilisation depuis 1992 des analogues de la somatostatine dans le traitement de ces tumeurs et en particulier à l’activité antitumorale des analogues. Cette hypothèse intéressante mérite bien sûr d’être confirmée puisqu’une telle amélioration de survie n’a pas été observée dans l’étude du registre bourguignon et que dans les essais thérapeutiques l’effet antitumoral des analogues de la somatostatine n’a jamais été clairement démontré.

Facteurs pronostiques de la cardiopathie carcinoïde

Moller JE, Connolly H, Rubin J, Seward J., Modesto K, Pellikka P. Factors associated with progression of carcinoid heart disease.N Engl J Med 2003;348:1005-15.

Une cardiopathie « carcinoïde », secondaire à la formation de « plaques carcinoïdes » entraînant une atteinte valvulaire (insuffisance tricuspidienne le plus souvent) et endocardiale, survient chez plus d’un tiers des malades ayant une TED. Le mécanisme physiopathologique aboutissant à la formation des plaques serait une augmentation de la synthèse collagène secondaire à la stimulation du TGF-β par la sérotonine. La cardiopathie carcinoïde reste une cause majeure de mortalité et de morbidité des malades. L’étude rétrospective conduite par Moller et al. avait pour objectif d’analyser les facteurs associés à la progression de la cardiopathie carcinoïde. Les données de 71 malades ayant une TED avec syndrome carcinoïde diagnostiquée entre 1980 et 2001 pour lesquels au moins deux échographies cardiaques à douze mois d’intervalle avaient été effectuées ainsi que celles de 32 malades adressés pour prise en charge chirurgicale d’une cardiopathie carcinoïde avec atteinte valvulaire sévère ont été analysées. Un score de sévérité de la cardiopathie carcinoïde basé sur les données échocardiographiques a permis de juger de l’évolutivité de l’atteinte cardiaque au cours du temps. Vingt cinq malades ayant une augmentation de leur score de plus de 25 % par rapport à la valeur initiale ont été considérés comme ayant une cardiopathie carcinoïde progressive. En analyse multivariée, un taux élevé de 5HIAA urinaires (hazard ratio = 1,08/25 mg/24 h, p = 0,009) et la réalisation d’une chimiothérapie (hazard ratio = 3,65, p = 0,001) étaient significativement associés au risque de progression de la cardiopathie. Ces données confirment l’importance de l’hypersécrétion de sérotonine dans l’apparition et la progression de la cardiopathie, et suggèrent pour la première fois le rôle délétère de la chimiothérapie. La chimiothérapie n’étant en général pas le traitement de première intention des TED du tube digestif mais proposée à des malades ayant une maladie évoluée et évolutive, il est possible que l’association observée entre chimiothérapie et aggravation de la cardiopathie ne soit que le reflet indirect d’une maladie évoluée et progressive sans que la chimiothérapie ne joue pas de rôle direct. Les auteurs suggèrent cependant comme explication principale un rôle direct de la chimiothérapie qui, par son effet cytotoxique, entraînerait la libération de sérotonine par les métastases hépatiques et favoriserait ainsi l’aggravation de la cardiopathie. Le rôle délétère de la chimiothérapie n’a pas été observé dans d’autres séries et devra être confirmé de façon prospective avant d’être définitivement accepté.

Deux études sur des méthodes diagnostiques

Combinaison de la scanographie spiralée et de la scintigraphie aux récepteurs de la somatostatine (SRS) — techniques de « fusion »

Gabriel M, Hausler F, Bale R, Moncayo R, Decristoforo C, Kovacs P, et al. Image fusion analysis of (99m)Tc-HYNIC-Tyr(3)-octreotide SPECT and diagnostic CT using an immobilisation device with external markers in patients with endocrine tumours.Eur J Nucl Med Mol Imaging 2005;32:1440-51.

Plusieurs méthodes sont à l’heure actuelle disponibles afin de superposer les images de fixation de la SRS (coupes acquises par la SPECT « Single-Photon Emission Computed Tomography ») aux données scannographiques : addition rétrospective des images de deux examens faits indépendamment par informatique (« software fusion »), utilisation d’une gamma-caméra couplée au scanner avec une faible dose d’irradiation et finalement une combinaison des images en utilisant des marqueurs externes. L’intérêt de ces techniques de fusion est de permettre d’améliorer la précision de détection tumorale et de la cartographie lésionnelle. Gabriel et al. ont rapporté une méthode utilisant des marqueurs externes capables de combiner des images obtenues indépendamment par SPECT et tomodensitométrie spiralée. Cette technique (réalisée chez 37 malades ayant une TED) avait un taux de détection de 95 % et était significativement supérieure à celles de la SPECT et scanographie (respectivement 64 % et 75 %). Par rapport à la scintigraphie seule, la technique de fusion a permis d’obtenir des données hautement pertinentes chez 21 malades (40 %). L’utilisation de cette technique semble donc permettre de diminuer le risque de faux positifs et augmenter le nombre de lésions détectées. L’utilisation du scanner permet de préciser la localisation anatomique des lésions détectées en scintigraphie.

La performance de l’IRM dans la détection des métastases hépatiques

Dromain C, de Baere T, Lumbroso J, Caillet H, Laplanche A, Boige V, et al. Detection of liver metastases from endocrine tumors: a prospective comparison of somatostatin receptor scintigraphy, computed tomography, and magnetic resonance imaging.J Clin Oncol 2005;23:70-8.

L’IRM hépatique a déjà fait sa preuve comme examen hautement performant pour la détection de tumeurs primitives hépatiques et certaines métastases. Après avoir réalisé une étude sur la méthodologie de l’IRM dans la détection des métastases hépatiques de TE en 2003, l’équipe de l’Institut Gustave Roussy a confirmé l’intérêt de cet examen en réalisant une étude prospective comparant la sensibilité de l’IRM, de la tomodensitométrie et de la SRS dans le diagnostic des localisations secondaires hépatiques de TE. Soixante-quatre malades ont été inclus donc 40 avaient des localisations secondaires hépatiques histologiquement prouvées. Le taux de métastases hépatiques détectées par l’IRM était significativement plus élevé pour l’IRM par rapport à la tomodensitométrie (P = 0.02) ou la SRS (P < 0.0001). Cette différence importante entre la SRS et l’IRM semble être en rapport avec la faible sensibilité de la SRS en cas de petites lésions. Les auteurs recommandent la réalisation d’une IRM dans le bilan initial de ces tumeurs.