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COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANÇAIS Président : Professeur B. Hédon Deuxième partie Obstétrique / périnatalité 38 ES JOURNÉES NATIONALES Paris, 2014 123

Deuxième partie Obstétrique / périnatalité admis que ce sont les cytokines pro-inflammatoires de la mère et du fœtus qui interférent avec le développement cérébral [37-38]

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COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANÇAIS

Président : Professeur B. Hédon

Deuxième partie

Obstétrique / périnatalité

38ES JOURNÉES NATIONALESParis, 2014

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Résumé

La prématurité ainsi que l’exposition prénatale à l’infection et/ou à l’inflam -matoire sont impliquées dans l’étiologie de l’autisme et de la schizophrénie. Dans cetterevue, nous résumons les données actuelles des études humaines et animales à l’appui deces hypothèses. Le rôle des cytokines pro-inflammatoires est bien connu dans ledéclenchement de l’accouchement prématuré ainsi que dans la survenue de lésions et deparalysie cérébrales. Associés à l’activation microgliale, les cytokines jouent aussi un rôleimportant dans la survenue de troubles comportementaux comme l’autisme ou laschizophrénie. Ces données récentes font actuellement l’objet de recherches extensives pourdévelopper de nouvelles stratégies thérapeutiques qui pourraient agir pendant la périodepérinatale et influencer la survenue de maladies neurologiques à l’âge adulte.

Mots clés : prématurité, troubles du spectre autistique, schizophrénie, maladie deParkinson, infection périnatale, immunologie

CHRU Tours - Hôpital Clocheville - Service de réanimation pédiatrique et néonatologie -INSERM U930 - Université François Rabelais - 49 boulevard Béranger - 37000 Tours

Correspondance : [email protected]

Inflammation périnatale et maladies psychiatriques

et neurodégénératives

E. SALIBA(Tours)

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Déclaration publique d’intérêtL’auteur n’a pas de conflit d’intérêt à déclarer.

INTRODUCTION

Au cours des dernières années, plusieurs études ont mis enévidence l’impact de l’infection maternelle et de la réponse inflam -matoire fœtale sur la survenue de lésions de la substance blanche et deparalysie cérébrale [1-3]. Les interventions pharmacologiques ou lesmanipulations génétiques qui réduisent les signaux pro-inflammatoiresréduisent aussi la gravité des lésions cérébrales et ceci dans la majoritédes modèles animaux.

Dans cet article, nous nous concentrons sur le lien entre l’infectionpérinatale et la survenue de certaines maladies neuropsychiatriques etneurodégénératives, en particulier la schizophrénie et l’autisme.

I. LE SYNDROME INFLAMMATOIRE FŒTAL :IMPLICATIONS DANS LA NAISSANCE PRÉMATURÉE

ET LA SURVENUE DE LÉSIONS CÉRÉBRALES

L’infection/inflammation materno-fœtale est une cause fréquente denaissance prématurée surtout avant 30 SA [4-5]. Elle contribue(directement ou indirectement) à la mortalité et morbidité neurologiquedans ce groupe d’enfants. Selon l’hypothèse inflammatoire, l’infectionascendante à partir des voies génitales se propage aux membraneschorioniques et au liquide amniotique mais aussi à la circulationsanguine fœtale causant une réponse inflammatoire aiguë qui affecteraplusieurs organes, dont le cerveau [6-8]. Le risque élevé de lésionscérébrales chez le nouveau-né prématuré est ainsi directement lié àl’environnement inflammatoire intra-utérin et à la pathologie néonataledu prématuré. Des taux élevés de cytokines pro-inflammatoires dans leliquide amniotique et le sang fœtal sont significativement associés à des

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lésions de la substance blanche cérébrale et la survenue de paralysiecérébrale. L’induction d’une inflammation chez les femelles gestantes enexpérimentation animale entraîne une activation microgliale et deslésions de la substance blanche cérébrale. Il est cependant important denoter qu’en recherche clinique, l’association entre la chorioamniotite etla survenue de lésions de la substance blanche ou de paralysie cérébraleest souvent faible, à la limite de la significativité statistique, et un tauxélevé de cytokines pro-inflammatoires dans le sang néonatal n’est pastoujours corrélé à la survenue d’une paralysie cérébrale chez les nou -veau-nés prématurés. Plusieurs données de la littérature suggèreraientque l’inflammation n’est pas suffisante à elle seule pour induire deslésions cérébrales mais serait un facteur prédisposant si elle est associéeà d’autres facteurs de risques tels que des ischémies placentaires ou deshypotensions artérielles néonatales qui sont de survenues fréquenteschez le prématuré. Une autre possibilité serait que l’inflammationsystémique fœtale serait à l’origine d’une stimulation microgliale dontles cycles d’activation ou de désactivation dépendraient du contexteclinique mais aussi du type d’activation prédominant [9-13].

II. LES TROUBLES DU SPECTRE AUTISTIQUE (TSA)

Les TSA regroupent un ensemble de troubles neurocompor -tementaux caractérisés par des défaillances dans les domaines de lacommunication de l’interaction sociale et des comportements. L’expres -sion « troubles du spectre autistique » est une expression générique quienglobe les troubles suivants : le trouble autistique (ou autisme), lesyndrome d’Asperger, les troubles envahissants du développement-non-spécifiés (TED-NS), le syndrome de Rett (SR) et le troubledésintégratif de l’enfance (TDE). L’interaction sociale est le plussouvent affectée chez les personnes souffrant de l’un de ces troubles.Les premiers signes cliniques des TSA peuvent apparaître entre 1 et 2 ans et comprendre des anomalies dans les comportements sociaux etémotionnels, des troubles du langage et de l’attention. Les étiologies àl’origine des TSA sont multifactorielles. Plusieurs auteurs insistent surles interactions entre une vulnérabilité biologique prédisposante, descauses extrinsèques et une période critique du développement cérébral.Deux aspects seront plus spécifiquement abordés dans cet article : lerôle de la prématurité et celui potentiel de l’inflammation ou del’infection périnatale.

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III. LES RELATIONS ENTRE PRÉMATURITÉ ET TSA

La prévalence des TSA est de 0,5 à 1 % dans la populationgénérale [14]. Plusieurs pays ont enregistré depuis quelques années uneaugmentation significative des diagnostics de TSA. Parmi les facteursqui expliqueraient cette augmentation, on retrouve certes l’utilisationde critères diagnostiques plus précis mais aussi le rôle de facteursgénétiques et épigénétiques et environnementaux [15], en particulierl’exposition prénatale à des facteurs exogènes tels que les pesticides, lestress, le tabac, l’utilisation d’antidépresseurs durant la grossesse. Cesmêmes facteurs sont aussi associés à des naissances prématurées. Il estaussi important de noter que plusieurs études récentes ont rapporté uneaugmentation de la prévalence des TSA dans la population d’enfantsnés prématurés. Une méta-analyse incluant 7 études épidémiologiquesrétrospectives avait déjà souligné l’association d’un faible poids denaissance à la survenue de TSA [16]. Plusieurs études prospectivesutilisant essentiellement des questionnaires parentaux ont montré unrisque élevé de survenue de TSA dans des populations d’enfants nésprématurés, avec des incidences variant de 20 à 40 % [17-29] (Tableau I).Les populations examinées étaient constituées essentiellement de très

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Tableau I - La prévalence des troubles du spectre autistique chez les enfants nésprématurés

Abbréviations : ADOS, DSM-IV, ADI-R : outils diagnostiques de TSA ; M-CHAT : outil dedépistage précoce des TSA par questionnaire parental ; SCQ : outil de dépistage précoce destroubles de la socialisation ; HC : hémorragies cérébelleuses ; ROP : rétinopathies duprématuré

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grands prématurés d’âges gestationnels de moins de 28 SA et de moinsde 1 500 g de poids de naissance. La majorité des enfants avaient étéévalués avant l’âge de 3 ans. L’interprétation de ces résultats doitcependant se faire avec précaution : le diagnostic formel d’autismen’étant confirmé que dans une plus faible proportion d’enfants maisrestant néanmoins significativement plus élevé que dans la populationgénérale. La récente publication de Pinto-Martin et al. relativiseégalement ce risque [27]. Son équipe a suivi de manière prospectivejusqu’à 21 ans 1 105 enfants de poids de naissance inférieur à 2 000 g,nés entre 1984 et 1989. Les adolescents ont été étudiés à 16 ans pour undépistage des TSA (utilisant le SCQ et le Autism Spectrum Questionnaire).À 21 ans, restaient 189 enfants. Soixante pour cent des adolescentsrepérés positifs à 16 ans et 24 % de ceux qui avaient été négatifs ont étéévalués par l’Autism Diagnostic Interview-Revised (ADI-R) et l’AutismDiagnosis Observation Schedule (ADOS) qui sont des outils diagnostiques.Les auteurs estimaient la prévalence des TSA à 5 % de leur cohorte, soitenviron 10 fois plus que la population générale.

En résumé, ces études épidémiologiques rétrospectives et prospec-tives confirment le lien existant entre la prématurité et le risque accrude survenue de manifestations de TSA. Des études prospectivesincluant de plus grandes cohortes sont cependant nécessaires pourdéterminer la vraie incidence de ces troubles et identifier les facteursde risques associés.

IV. LA SCHIZOPHRÉNIE

La schizophrénie est un trouble psychotique chronique. Le débutde la maladie est généralement situé à la fin de l’adolescence ou audébut de l’âge adulte.

La schizophrénie et l’autisme partagent cependant certaines carac -téristiques liées à la morphologique et au développement du cerveau.Ainsi, des anomalies structurelles et fonctionnelles dans le cervelet, lecortex insulaire et le gyrus fusiforme ont été décrites dans les deuxmaladies [30-33]. Au niveau cellulaire, l’un des meilleurs marqueursneuronaux établis connus d’être modifié en cas de schizo phrénie etd’autisme est Reelin [34]. Reelin joue un rôle important dans lamigration neuronale. La schizophrénie et l’autisme partagent égalementcertaines anomalies neurochimiques, essentiellement dans le systèmesérotoni nergique. Enfin, la schizophrénie et l’autisme semblent partager

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plusieurs facteurs de risques génétiques et environnementaux,l’exposition prénatale à l’infection étant l’un d’entre eux [30].

V. INFLAMMATION/INFECTION PRÉNATALES ET RISQUESDE TSA ET DE SCHIZOPHRÉNIE

Les infections maternelles périnatales sont connues comme étantdes facteurs de risques significativement associés à la survenue detroubles neurodéveloppementaux comme la paralysie cérébrale, laschizophrénie et les TSA. Une association entre l’infection maternelleet la survenue de schizophrénie a été rapportée par de nombreusesétudes cliniques et expérimentales. Des études épidémiologiquessuggèrent que le risque de schizophrénie augmente après uneexposition fœtale à des infections virales maternelles telles que lagrippe, la rubéole, la rougeole et la polio. De même, l’expositionpérinatale à de nombreux agents pathogènes tels que la rubéole, larougeole, ou le cytomégalovirus a été impliquée dans l’étiologie del’autisme [35]. Une étude danoise a récemment montré dans unecohorte de 20 000 naissances un taux significativement élevé de TSAchez des enfants dont les mères avaient eu une infection virale oubactérienne pendant la grossesse [36].

Ces résultats suggèrent que les lésions neurologiques observées aucours du syndrome inflammatoire fœtal seraient secondaires à desintermédiaires communs de la réponse immunitaire. Il est actuellementadmis que ce sont les cytokines pro-inflammatoires de la mère et dufœtus qui interférent avec le développement cérébral [37-38]. Lescytokines sont des protéines de bas poids moléculaire sécrétées par lescellules du système immunitaire et d’autres types de cellules en réponseà un certain nombre de stimuli de l’environnement, en particulier lesinfections [39]. Elles jouent un rôle important dans les systèmesimmunitaires innés et adaptatifs pour le recrutement lymphocytaire etla différenciation des cellules immunitaires. De plus, certaines cytokinescomme l’interleukine (IL) -1b, IL-6 et le facteur de nécrose tumorale(TNF) -a possèdent des mécanismes effecteurs directs tels quel’activation des macrophages ou l’apoptose cellulaire. Dans le systèmenerveux central (SNC), les cytokines et leurs récepteurs sont expriméspar les cellules gliales et neuronales et sont des médiateurs importantsdans diverses fonctions du cerveau et du comportement [40]. En outre,beaucoup de cytokines et de récepteurs des cytokines sont exprimés de

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manière constitutive au cours du développement du cerveau fœtal, cequi impliquerait un rôle essentiel pour ces molécules dans la régulationet la modulation de développement normal du cerveau. Par ailleurs, lescytokines en général, et les cytokines pro-inflammatoires en particulier,semblent avoir des effets délétères sur les différents processus dudéveloppement neurologique, la plasticité neuronale et la survie desneurones. On peut donc s’attendre à ce qu’une surexpression anormaledes cytokines au cours de périodes critiques du développementcérébral puisse affecter durablement les processus neurologiques dudéveloppement, contribuant ainsi à une sensibilité accrue pour destroubles comportementaux tels que la schizophrénie et l’autisme. Desétudes épidémiologiques ont montré une association significative entreles niveaux élevés de cytokines maternelles pro-inflammatoires TNF-aet IL-8 au cours de la grossesse et un risque élevé du trouble du spectrede la schizophrénie (SSD) dans la descendance [41, 42].

Plusieurs travaux expérimentaux ont montré que l’expositionprénatale à des cytokines pro-inflammatoires était à l’origine detroubles comportementaux extrapolables à la schizophrénie et àl’autisme [43, 44]. Un modèle d’infection prénatale chez la souris parle virus de la grippe humaine et qui imiterait certaines composantes destroubles comportementaux observés au cours de la schizophrénie a étémis au point. L’exposition de la rate gestante à l’endotoxinebactérienne, le lipopolysaccharide (LPS) qui imite l’infection par desbactéries gram-négatives, ou au PolyI: C qui imite le virus de la grippedéclenchent la production et la libération de nombreuses cytokinespro-inflammatoires (IL-1b, IL-6 et TNF-a) et d’interférons IFN-a etl’IFN-b [45]. Chez la souris gestante, le blocage des actions de lacytokine pro-inflammatoire IL-6 ou la sur-expression de la cytokineanti-inflammatoire IL-10 après injection de Poly-C empêchentl’émergence des anomalies comportementales chez la descendance.

Compte tenu de l’émergence du rôle de l’infection prénatale et desprocessus neuro-inflammatoires dans l’étiologie de la schizophrénie etde l’autisme, il est licite de spéculer que la pathogénie de ces deuxtroubles pourraient partager une même voie commune, celle del’inflammation prénatale. Ceci pourrait aider à expliquer pourquoi lesdeux troubles partageraient plusieurs des caractéristiques phéno -typiques discutés précédemment.

Il convient cependant de souligner que malgré les similitudesapparentes entre schizophrénie et autisme, une pléthore de caracté -ristiques neuropathologiques et psychopathologiques caractéristiquespermettent de distinguer les deux troubles. Un exemple est que

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l’autisme a généralement été associé à une croissance excessive ducerveau (macrocéphalie) impliquant un épaississement cortical, tandis quela schizophrénie semble être associée à une microcéphalie impliquant desaires corticales minces et une réduction de la substance blanche.

Dans des conditions normales, l’inflammation est contrôlée pardifférents processus homéostatiques pour contrer ou limiter sondéveloppement [46]. Ces mécanismes de contrôle garantissent que lesprocessus inflammatoires aboutissent à éliminer efficacement lespathogènes envahisseurs. Le dysfonctionnement de tels mécanismes desurveillance peuvent conduire à une inflammation chronique. Dans leSNC, la microglie et les astrocytes sont les principales cellules immuno -compétentes qui conduisent à la fois à des inductions et à deslimitations des processus inflammatoires [47]. Les cellules microglialessemblent jouer un rôle crucial dans les deux mécanismes de protectionneuronale et de pathologie inflammatoire, et sont souvent désignéescomme une « arme à double tranchant ». L’activation microglialechronique ou exagérée a été associée à de multiples maladies neuro-inflammatoires ou neurodégénératives, y compris la maladie deParkinson, la sclérose en plaques ou la maladie d’Alzheimer [48].

L’infection maternelle pendant les phases critiques de la grossesseentraîne un syndrome inflammatoire fœtal pouvant intéresser aussi lecerveau fœtal. La neuro-inflammation au cours du développement ducerveau du fœtus va affecter des processus neurologiques tels que ladifférenciation des cellules neuronales/gliales, la prolifération, lamigration et la survie neuronale. L’inflammation aiguë prénatale peutêtre efficacement contrôlée ou devenir latente, pouvant être secon -dairement activée par des stimuli exogènes. La persistance de l’inflam -mation (inflammation chronique) serait un modèle pertinent pourexpliquer l’étiopathogénie de l’autisme en contribuant à des anomaliesphénotypiques spécifiquement observées dans ce trouble. En revanche,l’inflammation latente peut être plus pertinente dans la pathogénie dela schizophrénie.

Plusieurs sources de données appuient cette hypothèse. Toutd’abord l’autisme, mais pas la schizophrénie, semble être caractérisépar une inflammation chronique relativement grave. Par exemple, uneaugmentation de près de 50 fois du taux de TNF-a a été trouvée dansle liquide céphalo-rachidien (LCR) des enfants autistes [49]. Uneinflammation sévère est présente dans le cerveau des patients autistes,caractérisée par une activation microgliale et astrocytaire et uneexpression accrue de cytokines pro-inflammatoires dans plusieursrégions du cerveau, y compris le cervelet dont on connaît l’implicationdans le syndrome autistique [50]. Plusieurs études récentes confirment

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la présence d’une neuro-inflammation chez les personnes autistes [51,52]. Des travaux expérimentaux chez les rongeurs fournissent unepreuve supplémentaire en faveur d’une atteinte inflammatoire pré -natale pouvant conduire à des changements immunologiques et inflam -matoires de longue durée (Figure 1) [53-56].

VI. INFLAMMATION ET MALADIESNEURODÉGÉNÉRATIVES

Les maladies neurodégénératives ne sont pas traditionnellementconsidérées comme d’origine développementale. Une origine périna -tale de la maladie de Parkinson a été récemment suggérée [57]. Lamaladie de Parkinson (MP) est une maladie neurodégénérative qui semanifeste à l’âge adulte, faisant suite à une perte des neurones dopa -

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Figure 1 - Modèle expliquant les liens entre l’exposition à une infection/inflam -mation périnatale et la survenue de troubles du spectre autistique (TSA) ou desyndromes du spectre schizophréniques (SSD) (schéma modifié d’après Meyer etal. Pediatric Research 2011;69:26R-33R)

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minergiques dans le système nigro-strié. Des résultats obtenus dans lesmodèles animaux suggèrent qu’une inflammation durant la gestationpeut induire dans la progéniture une perte de neurones dopa -minergiques au niveau de la substance noire ainsi qu’un phénotypeMP-like. Une exposition à des injections de LPS d’E. Coli chez la rategestante produit une perte significative de neurones dopaminergiquesdans le mésencéphale fœtal associée à une forte expression de TNF-a.Ces modifications persistent jusqu’à l’âge adulte. Les rats adultes ayantété exposés pendant la vie fœtale à une inflammation présentent desaltérations de leurs réponses motrices aux métamphétamines [58-60].

CONCLUSION

L’infection prénatale et les réponses inflammatoires semblent jouerun rôle important dans l’étiologie de la schizophrénie et de l’autisme.Ceci suggère que les pathogénicités de ces deux maladies peuvent êtrefondamentalement liées par une inflammation prénatale : la neuro-inflammation aiguë au cours du développement précoce du fœtuspouvant induire des phénotypes psychopathologiques et neuropatho -logiques partagées par la schizophrénie et l’autisme ; une neuro-inflam -mation latente pouvant conduire à des caractéristiques phénotypiquesde la schizophrénie ; une neuro-inflammation patente et persistanteconduisant à des TSA. Les mécanismes précis par lesquels une neuro-inflammation prénatale affecte les processus neurobio logiques etneurochimiques pertinents à la schizophrénie et/ou à l’autisme fontactuellement l’objet de nombreuses études expéri mentales. L’éluci -dation de tels mécanismes pourrait conduire à la mise en place denouvelles interventions immunomodulatrices qui pour raient faire partiede l’arsenal thérapeutique préventif ou curatif des maladies neurolo -giques ayant pour origine une infection et/ou inflammation prénatale.

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