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14 BOULEVARD HAUSSMANN 75438 PARIS CEDEX 09 - 01 57 08 50 00 14/ 15 AVR 12 Quotidien Paris OJD : 316852 Surface approx. (cm²) : 90 Page 1/1 LAROUSSE2 2139891300505/XMB/AVH/1 Eléments de recherche : LAROUSSE : uniquement livres/vie de la société r __Umeur du temps Sébastien, Votez Tocqueville ! O n n'est pas sérieux, quand on a 37 ans. L'essayiste et avocat Mathieu Laine n'a pas choisi le chemin le plus court pour accéder au pouvoir : il publie un Dictionnaire du libéralisme (Larousse). À l'heure du mélenchonisme et du protectionnisme triomphants, c'est pour le moins iconoclaste. Aux yeux du prêt-à-penser, les 720 pages de cet ouvrage salutaire ne font pas le poids face aux 32 d'Indigne2-vous ! de Stéphane Kessel. Car la cause est entendue ; libéralisme rime avec Madoff, les nouveaux riches russes et le PSG version qatarie. Les 65 auteurs qui ont rédigé les 300 entrées de ce dictionnaire (d' « action humaine » à « Max Weber », en passant par « justice sociale » et « ordre spontané ») ne sont pas de trop pour battre en brèche ces lieux communs. Clichés auxquels certains libéraux ont d'ailleurs contribué par leur attitude. Le libéralisme recouvre des significations multiples i et des auteurs divers. Il est à la fois une vision de l'être humain (considéré comme rationnel), dè la société et de l'État. Il ne saurait être réduit ni à un « économisme » ni à une théorie de l'État minunum. Et encore moins a une doctrine de droite. Longtemps les libéraux furent catalogues à gauche. Le libéralisme n'est pas non plus un produit d'importation anglo-saxon. C'est en France qu'il a germé au XVIII e siècle. De Montesquieu à Raymond Aron, en passant par Tocqueville et Constant, ses plus brillants défenseurs furent français. On compte aujourd'hui sur les doigts de la main les libéraux dans le monde intellectuel hexagonal, qui reste imprégné, comme l'a démontré le sociologue Raymond Bouden, par les idées « iilibérales ». Certains de nos clercs pensent ehcore qu' « il vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». À la base du libéralisme, il y a la liberté et son corollaire la responsabilité individuelle. Deux mots que l'on n'entend guère dans la bouche des candidats à la presidentielle. Leurs discours sont imprégnés de ce « maternage », dont parle l'écrivain Michel Schneider. Tocqueville avait bien décrit ce « totalitarisme doux et ultradémocratique » qui s'installe : « Jl est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Jl ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans lenfance... » Votez Tocqueville !

Dictionnaire du Libéralisme - Le Figaro et Vous - 120414

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14 BOULEVARD HAUSSMANN75438 PARIS CEDEX 09 - 01 57 08 50 00

14/ 15 AVR 12Quotidien Paris

OJD : 316852

Surface approx. (cm²) : 90

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LAROUSSE22139891300505/XMB/AVH/1

Eléments de recherche : LAROUSSE : uniquement livres/vie de la société

r __Umeurdu temps

Sébastien,

VotezTocqueville !

On n'est pas sérieux, quandon a 37 ans. L'essayisteet avocat Mathieu Laine

n'a pas choisi le chemin le pluscourt pour accéder au pouvoir :il publie un Dictionnairedu libéralisme (Larousse).À l'heure du mélenchonisme et

du protectionnisme triomphants,c'est pour le moins iconoclaste.Aux yeux du prêt-à-penser,les 720 pages de cet ouvragesalutaire ne font pas le poidsface aux 32 d'Indigne2-vous !de Stéphane Kessel. Car la causeest entendue ; libéralisme rimeavec Madoff, les nouveaux richesrusses et le PSG version qatarie.Les 65 auteurs qui ont rédigéles 300 entrées de ce dictionnaire(d' « action humaine » à « MaxWeber », en passant par « justicesociale » et « ordre spontané »)ne sont pas de trop pour battreen brèche ces lieux communs.Clichés auxquels certainslibéraux ont d'ailleurs contribuépar leur attitude.

Le libéralisme recouvredes significations multiples iet des auteurs divers. Il est à la foisune vision de l'être humain(considéré comme rationnel),dè la société et de l'État.Il ne saurait être réduit ni à un« économisme » ni à une théoriede l'État minunum. Et encoremoins a une doctrine de droite.Longtemps les libérauxfurent catalogues à gauche.Le libéralisme n'est pas non plusun produit d'importationanglo-saxon. C'est en Francequ'il a germé au XVIIIe siècle.De Montesquieu à Raymond Aron,en passant par Tocquevilleet Constant, ses plus brillantsdéfenseurs furent français.On compte aujourd'hui surles doigts de la main les libérauxdans le monde intellectuelhexagonal, qui reste imprégné,comme l'a démontré le sociologueRaymond Bouden, par les idées« iilibérales ». Certains de nosclercs pensent ehcore qu' « il vautmieux avoir tort avec Sartreque raison avec Aron ».À la base du libéralisme,il y a la liberté et son corollairela responsabilité individuelle.Deux mots que l'on n'entendguère dans la bouche descandidats à la presidentielle.Leurs discours sont imprégnésde ce « maternage », dont parlel'écrivain Michel Schneider.Tocqueville avait bien décritce « totalitarisme douxet ultradémocratique »qui s'installe : « Jl est absolu,détaillé, régulier, prévoyantet doux. Jl ressemblerait à lapuissance paternelle si, comme elle,il avait pour objet de préparerles hommes à l'âge viril ; mais il necherche, au contraire, qu'à les fixerirrévocablement dans lenfance... »Votez Tocqueville !