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Dimanche X du Temps Ordinaire - Année B Abattre l’empire de Satan Après la période pascale et les fêtes de ces dernières semaines, nous reprenons le chemin du Temps Ordinaire. C’est aujourd’hui le dixième dimanche de ce temps et nous allons dé- sormais lire l’évangile de Marc en continu jusqu’à la fête du Christ-Roi en novembre. À l’écoute de la Parole Les scribes s’opposent à Jésus en l’accusant d’agir « au nom de Belzébul » ; le Christ réfute cette opposition en dénonçant le « blasphème contre l’Esprit Saint » (Mc 3). L’opposition ne fera que croître et débouchera sur la Croix. La première lecture nous montre l’origine profonde de cette opposition : les conséquences du péché originel (Gn 3), qui a engendré « une hostilité entre la descendance du serpent et celle de la femme ». Voir l’explication détaillée Méditation : la maison pillée et rachetée La situation actuelle de notre société, de notre monde, de notre âme, n’est-elle pas similaire à la « maison de l’homme fort », pillée par l’ennemi ? Quel est le sens profond de la doctrine du « péché originel » ? Quelle est la maison de paix que le Christ nous offre, si ce n’est l’Église ? Voir la méditation complète Pour aller plus loin L’évangile mentionne un nom étrange, Béelzéboul, à l’étymologie discutée. C’est l’occasion d’indiquer un site de documentation sur la Bible, www.interbible.org, qui nous offre de bonnes ressources pour l’étude de l’Écriture. On pourra lire l’article sur Béelzéboul ici : http://www.interbible.org/interBible/ecritures/mots/ 2013/mots_130927.html

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Dimanche X du Temps Ordinaire - Année B

Abattre l’empire de Satan

Après la période pascale et les fêtes de ces dernières semaines, nous reprenons le chemin du Temps Ordinaire. C’est aujourd’hui le dixième dimanche de ce temps et nous allons dé-

sormais lire l’évangile de Marc en continu jusqu’à la fête du Christ-Roi en novembre.

À l’écoute de la Parole

Les scribes s’opposent à Jésus en l’accusant d’agir « au nom de Belzébul » ; le Christ réfute cette opposition en dénonçant le « blasphème contre l’Esprit Saint » (Mc 3). L’opposition ne fera que croître et débouchera sur la Croix.

La première lecture nous montre l’origine profonde de cette opposition : les conséquences du péché originel (Gn 3), qui a engendré « une hostilité entre la descendance du serpent et celle de la femme ».

Voir l’explication détaillée

Méditation : la maison pillée et rachetée

La situation actuelle de notre société, de notre monde, de notre âme, n’est-elle pas similaire à la « maison de l’homme fort », pillée par l’ennemi ?

Quel est le sens profond de la doctrine du « péché originel » ?Quelle est la maison de paix que le Christ nous offre, si ce n’est l’Église ?

Voir la méditation complète

Pour aller plus loin

L’évangile mentionne un nom étrange, Béelzéboul, à l’étymologie discutée. C’est l’occasion d’indiquer un site de documentation sur la Bible, www.interbible.org, qui nous offre de bonnes ressources pour l’étude de l’Écriture.

On pourra lire l’article sur Béelzéboul ici : http://www.interbible.org/interBible/ecritures/mots/2013/mots_130927.html

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À l’écoute de la Parole

Jésus a commencé son ministère public en Galilée, en manifestant son autorité par des enseignements et des miracles : saint Marc nous a rapporté de nombreux cas de guéri-sons et d’expulsions de démons, qui marquent fortement l’esprit des foules (Mc 2). Mais cette autorité, à la fois inédite et révolutionnaire, se heurte dès le début à l’autorité religieuse de l’époque, les « scribes descendus de Jérusalem » (Mc 3,22), qui se sentent menacés par le nouveau prédicateur.

Le texte de ce dimanche nous présente une polémique entre Jésus et ceux qui devien-dront ses ennemis les plus acharnés (Mc 3). Ils poussent ici la contestation à son niveau ex-trême en inversant les valeurs : vient-il vraiment de Dieu, ne serait-ce pas par Satan qu’il ex-pulse les démons ?

La première lecture : la lutte entre les deux descendances (Gn 3)Dans la première lecture, la liturgie propose de remonter aux récits des origines (Gn 3),

pour discerner la racine du mal. Si Jésus, lors de sa venue dans le monde, doit « expulser les démons », c’est que l’humanité a perdu son rapport originel avec Dieu. D’où vient l’em-pire du mal et de Satan sur ces personnes en souffrance que Jésus rencontre dans les sy-nagogues ? Pourquoi une telle opposition contre le Fils de Dieu qui ne vient apporter au monde que paix et amour ? Le Catéchisme nous introduit à la lecture de ce passage de la Genèse :

« La doctrine du péché originel est pour ainsi dire "le revers" de la Bonne Nouvelle que Jésus est le Sauveur de tous les hommes, que tous ont besoin du salut et que le salut est offert à tous grâce au Christ. L’Église qui a le sens du Christ sait bien qu’on ne peut pas tou-cher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ. Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme. La Révélation nous donne la certi-tude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la faute originelle librement com-mise par nos premiers parents. » 1

Pour mystérieux que cela paraisse, et sans que nous puissions clairement en com-prendre les modalités, l’homme ne naît pas bon. Ce n’est pas seulement la société qui le corrompt, comme ont pu le dire certains philosophes : quelque chose en lui est brisé à la ra-cine, quelque chose est faussé dès le départ alors même que le plan de Dieu est radicale-ment bon. C’est mystère que cherche à expliquer la doctrine du « péché originel », très in-commode pour notre mentalité moderne ; qui l’enseigne encore au catéchisme ? Et pourtant, comment rendre compte de notre situation réelle ? Pascal a très bien décrit le paradoxe de cette doctrine :

« Car il est sans doute qu’il n’y a rien qui choque plus notre raison que de dire que le pé-ché du premier homme ait rendu coupables ceux qui, étant si éloignés de cette source, semblent incapables d’y participer. Cet écoulement ne nous paraît pas seulement impos-sible, il nous semble même très injuste. Car qu’y a-t-il de plus contraire aux règles de notre misérable justice que de damner éternellement un enfant incapable de volonté pour un pé-ché où il paraît avoir si peu de part qu’il est commis six mille ans avant qu’il fût en être. Cer-tainement rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine. Et cependant, sans ce mys-tère le plus incompréhensible de tous nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes. Le nœud de notre condition prend ses replis et ses tours dans cet abîme. De sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère, que ce mystère n’est inconcevable à l’homme. » 2

Catéchisme, nº389-390, http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P1D.HTM 1

Pascal, Pensées, Pléiade p. 581-2.2

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Le chapitre 3 de la Genèse nous rapporte de manière imagée le choix qu’Adam et Ève ont décidé de faire : celui de la désobéissance, par méfiance vis-à-vis du Seigneur et ses commandements, qui s’est concrétisée par le « péché originel » (Gn 3,1-8). Cette désobéis-sance vient d’ailleurs : elle lui est suggérée par le serpent, figure de Satan, le tentateur par excellence : étymologiquement, « l’ennemi ». Dans sa dernière exhortation, le pape François a très clairement réaffirmé l’existence de Satan :

« Sa présence se trouve à la première page des Écritures, qui se concluent avec la vic-toire de Dieu sur le démon. De fait, quand Jésus nous a enseigné le Notre-Père, il a deman-dé que nous terminions en demandant au Père de nous délivrer du Mal. Le terme utilisé ici ne se réfère pas au mal abstrait et sa traduction plus précise est ‘le Malin’. Il désigne un être personnel qui nous harcèle. Jésus nous a enseigné à demander tous les jours cette déli-vrance pour que son pouvoir ne nous domine pas. Ne pensons donc pas que c’est un mythe, une représentation, un symbole, une figure ou une idée (…) car il rôde “comme un lion rugis-sant cherchant qui dévorer” (1P 5, 8). » 3

Le texte liturgique nous transporte au moment où Dieu découvre le choix fatal. Il suggère la stupeur de Dieu face au désastre Dieu pose alors une question que nous avons tous en-tendue au fond de notre conscience après un péché grave : « Adam, où es-tu donc ? » Qu’es-tu devenu ? Pourquoi ma présence te fait-elle fuir ? On en trouve un écho au chapitre 4, lors du meurtre d’Abel : « Qu’as-tu fait ? »

La réponse d’Adam montre son embarras et les multiples divisions que le péché a géné-rées. Il aurait voulu se soustraire au regard de Dieu et se cacher, mais répond encore à son appel ; il a perdu cette belle communion avec lui faite d’entente filiale et d’admiration, lors-qu’ils achevaient ensemble l’ordre de la création en nommant les animaux, ou lorsqu’Adam recevait la femme avec reconnaissance (Gn 2,18-25). Désormais, dominé par la peur et la honte, il n’a même pas le courage de reconnaître sa responsabilité, et se décharge lâche-ment sur Ève : « la femme que tu m’as donnée, c’est elle… » De même la femme désigne le serpent : « le serpent m’a trompée, et j’ai mangé ». Ils sont comme des enfants qui se re-jettent mutuellement la faute…

La liturgie, par manque de place, a tronqué le texte, éludant le passage mentionnant le châtiment de l’homme et de la femme (expulsion du paradis, travail dans la souffrance, gé-nération dans la douleur, etc.), pour se concentrer sur celui du serpent. Nous n’explorerons pas le mystère de cette créature qu’est Satan, ni de son péché, que le Catéchisme explique bien (nº391), mais nous retenons ce qui illumine le plus l’évangile du dimanche : « l’hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance » (Gn 3,15).

Quelle est donc la descendance de la femme, et quelle descendance peut avoir le ser-pent ?

On peut d’abord y voir les enfants d’Ève (littéralement « la vivante »), les hommes, face à Satan et ses œuvres de mort. L’empire de Satan sur l’humanité est en effet une lutte achar-née pour soustraire les hommes à la communion avec Dieu, qui se déploie dans toute l’his-toire ; mais ce « règne du mal » qui s’oppose au « Règne de Dieu » est limité, puisque son chef n’est qu’une créature, symbolisée par le serpent.

D’un autre côté, le récit du péché originel, malgré le désastre qu’il décrit, n’est pas dénué d’espérance, et la lumière du Christ brille au loin dans les ténèbres de l’aventure humaine : « celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. » Le catéchisme nous l’explique :

« Après sa chute, l’homme n’a pas été abandonné par Dieu. Au contraire, Dieu l’appelle (cf. Gn 3, 9) et lui annonce de façon mystérieuse la victoire sur le mal et le relèvement de sa chute (cf. Gn 3, 15). Ce passage de la Genèse a été appelé "Protévangile", étant la première

Pape François, exhortation Gaudete et Exsultate, n° 160-161, http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhorta3 -tions/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20180319_gaudete-et-exsultate.html,

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annonce du Messie rédempteur, celle d’un combat entre le serpent et la Femme et de la vic-toire finale d’un descendant de celle-ci. La tradition chrétienne voit dans ce passage une an-nonce du " nouvel Adam" qui, par son "obéissance jusqu’à la mort de la Croix" (Ph 2, 8) ré-pare en surabondance la désobéissance d’Adam. » 4

Selon cette lecture du texte, la descendance de la femme est le Christ, né de Marie, nou-velle Ève, préservée de la tache originelle, ainsi que tous ceux qui appartiennent au Christ, et que l’Église enfante. La femme, Marie ou l’Église, est celle qui écrase la tête du serpent, c’est-à-dire les intentions diaboliques. L’homme quant à lui reste harcelé au talon – c’est-à-dire gêné dans sa marche, dans sa rectitude morale – par celui qui veut sa chute et par ceux qui se rangent à ses côtés.

La descendance du serpent, ce sont tous ceux qui se rangent résolument du côté du mal contre l’œuvre de Dieu. Nous pouvons nous souvenir des paroles de Jean-Baptiste : « En-geance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? » (Mt 3, 7) ; et celles plus dures encore de Jésus : « Serpents, engeance de vipères, comment éviteriez-vous d’être condamnés à la géhenne ? » (Mt 23, 33). Nous verrons bientôt comment ce thème rejoint l’évangile de ce jour.

Le psaume 130 : de profundis…Le psaume de la messe –jadis lu lors des cérémonies de funérailles pour implorer la mi-

séricorde de Dieu – est une supplication que nous pouvons mettre sur les lèvres de des hommes et femmes de tous les temps, aux prises avec les conséquences du péché originel.

Plongée dans l’obscurité du péché et de la violence, qui se déchaîne tout au long de l’histoire sainte, l’humanité n’a d’autre recours que de s’adresser au Seigneur : « Des pro-fondeurs je crie vers toi, Seigneur ! » (v.1)

Le péché originel nous a chassés du paradis, et nous voulons retrouver la communion avec Dieu ; nos fautes s’interposent, nous accablent et nous empêchent de nous tenir de-vant Dieu car nous avons conscience de la sainteté divine, et de notre incapacité à nous pu-rifier nous-mêmes : « Si tu retiens les fautes, Seigneur, qui subsistera ? » (v.3)

Le peuple d’Israël a donc été, au long des siècles, ce veilleur isolé qui affronte les té-nèbres du mal, qui espère en la venue du Sauveur et en sa miséricorde : « Mais près de toi se trouve le pardon pour que l'homme te craigne » (v 4).

Dieu a soutenu son espérance pour éclairer toute l’humanité et préparer l’aurore du Salut qui se lève avec Jésus : « plus qu’un veilleur ne guette l’aurore… » (v.6) L’histoire biblique, qui renferme tous les crimes que l’homme peut commettre, est aussi une histoire de miséri-corde annonçant par avance le pardon acquis par Jésus : Caïn meurtrier de son frère, Noé cédant au vice, Jacob trompeur et voleur, les frères de Joseph jaloux et homicides, Moïse assassin de l’égyptien, David adultère et meurtrier, Salomon idolâtre… toutes ces figures manifestent le combat intérieur de l’homme auquel la miséricorde peut toujours ouvrir un re-nouveau.

Le psalmiste espère la venue du Rédempteur, Celui qui peut « racheter Israël de toutes ses fautes » (v.8), et annonce que tout le peuple se réfugiera auprès de lui pour former le troupeau autour du Bon Pasteur : « près du Seigneur est l’amour, près de lui abonde le ra-chat… » (v.7).

L’évangile : au nom de Béelzéboul ? (Mc 3)C’est cette proximité avec le Seigneur que nous voyons au début de la page

d’évangile de ce jour : Jésus est présent « dans la maison » (Mc 3,20), c’est-à-dire la maison

Catéchisme, nº410-411, http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P1D.HTM 4

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de Pierre à Capharnaüm, qui est devenue la sienne et où il guérit tant de malheureux. L’au-rore du Salut s’est levée sur la Galilée, le peuple en souffrance relève la tête et voit ses es-poirs les plus profonds se réaliser, mais… l’opposition au Christ se met tout de suite en place.

Cette opposition est un fil rouge qui parcourt l’évangile de Marc. Nous l’avons rencontrée dès la guérison du paralysé (dimanche 7 du TO B) où Jésus est soupçonné de blasphème parce qu’il remet les péchés (Mc 2). Elle croît au fil de la narration : la polémique éclate à propos du jeûne (dimanche 8), puis se change en attitude hostile quand les ennemis « l’épient pour l’accuser » (Mc 3,2, dimanche 9). Elle provoque la tristesse de Jésus, « navré de l’endurcissement de leur cœur » (v.5) : il sait que cette opposition le conduira au jugement injuste et à la mort de la Croix, mais plus encore qu’elle provoquera la perte de beaucoup d’âmes.

Ce dimanche, nous assistons à un affrontement verbal assez violent : face aux signes éclatants que Jésus accomplit, et à l’enthousiasme populaire qu’ils soulèvent, les scribes n’ont d’autre moyen, pour sauvegarder leur autorité vacillante sur le peuple, que de l’accuser d’être un agent de l’Ennemi. Ils ont décelé en lui une force supérieure : jaloux de leur pouvoir et imbus d’eux-mêmes, ils ne s’ouvrent pas sincèrement à son identité profonde, et le re-jettent. Ils n’écoutent pas leur conscience la plus intime et finissent par appeler mal ce qui est bien, et traiter de Satan le Sauveur du monde.

Le bras tendu, l’accusation est lapidaire : « Il est possédé par Béelzéboul ! » (Mc 3,22). Elle contraste fortement avec ce que Marc vient de nous rapporter : « les esprits impurs, lorsqu'ils le voyaient, se jetaient à ses pieds et criaient en disant : ‘Tu es le Fils de Dieu !’ » (v.11). Selon saint Jérôme, le titre de Béelzéboul vient de « בּעַַל זְבוּב, baal zevuv », le seigneur des mouches, un faux dieu des Ekronites (cf. 2R 1,2) et donc un titre injurieux et méprisant.

Jésus n’a aucune peine à repousser l’accusation et à démontrer leur mauvaise foi : si son autorité vient de Satan, comment pourrait-elle s’exercer contre le règne de Satan ? Mais il va plus loin en essayant de mettre en garde ses adversaires : il évoque la maison d’un homme fort qui doit être ligoté si l’on veut le piller. Deux sens possibles à cette petite para-bole, qui ne s’excluent pas l’un l’autre :

1) la maison peut être Israël, où les bergers – les scribes – ont été ligotés par Satan, comme leur attitude de résistance le montre ; alors le peuple souffre, se retrouve sans ber-ger et sans espoir, et c’est pour cela que Jésus rencontre tant de personnes possédées sur sa route. Quel est alors le péché contre l’Esprit ? C’est précisément celui des scribes : refu-ser de voir l’action évidente de l’Esprit, s’opposer frontalement au salut apporté par le Christ alors même qu’il se révèle clairement et que leur conscience le leur suggère.

2) La maison peut également être l’âme humaine : pour que Satan y règne, il faut d’abord que le propriétaire lui soit soumis. Le Christ est venu relever l’humanité et régner dans les âmes. Nous y reviendrons dans la méditation.

Dans les deux cas il y a un appel très fort à la responsabilité. Dans l’évangile de Jean, Jésus s’adresse durement aux scribes :

« Vous, vous êtes du diable, c’est lui votre père, et vous cherchez à réaliser les convoi-tises de votre père. Depuis le commencement, il a été un meurtrier. Il ne s’est pas tenu dans la vérité, parce qu’il n’y a pas en lui de vérité. Quand il dit le mensonge, il le tire de lui-même, parce qu’il est menteur et père du mensonge. Mais moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas (…) Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Et vous, si vous n’écou-tez pas, c’est que vous n’êtes pas de Dieu. » (Jn 8, 44-46).

Si Jésus précise que le « blasphème contre l’Esprit Saint » (Mc 3,29) ne peut avoir de rémission, alors que les autres péchés peuvent être remis, c’est parce qu’il consiste préci-

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sément à refuser la Miséricorde elle-même. Seul un repentir sincère et une ouverture du cœur peut l’obtenir. Le Catéchisme explique ainsi cette affirmation commune aux trois sy-noptiques :

« ‘Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis’ (Mt 12, 31 ; cf. Mc 3, 29 ; Lc 12, 10). Il n’y a pas de limites à la miséri-corde de Dieu, mais qui refuse délibérément d’accueillir la miséricorde de Dieu par le repen-tir rejette le pardon de ses péchés et le salut offert par l’Esprit Saint. Un tel endurcissement peut conduire à l’impénitence finale et à la perte éternelle. » 5

Le ministère de Jésus provoque également la perplexité de sa famille, des gens de Na-zareth, de ses proches, qui pensent « Il a perdu la tête ! » (v.21). Son attitude d’opposition aux autorités est étrange et dangereuse… Jésus saisit cette occasion pour proposer une nouvelle conception des liens familiaux et affectifs. La fraternité ne se détermine plus par le sang mais par l’adhésion au Christ. Se constitue ainsi une nouvelle famille spirituelle, l’Église. Quelques versets auparavant, Jésus avait institué solennellement les Douze (vv.16-19) ; il se trouve dans la maison de Pierre, symbole de l’Église, avec une foule « assise au-tour de lui », qu’il parcourt du regard avec tendresse : une belle image de nos assemblées liturgiques ! Les capacités d’adoption de son Cœur sont sans limite et ravissent notre propre cœur : en faisant la volonté de Dieu, nous devenons pour Jésus « un frère, une sœur, une mère » (v.35). Jésus omet volontairement le titre de « père » pour ne pas engendrer de confusion avec son Père céleste.

Cette nouvelle famille est appelée à conquérir le monde entier par la communion de la charité : le feu allumé à Capharnaüm va embraser l’univers… C’est ainsi que Jésus, à la fin de l’évangile de Marc, envoie ses frères en mission : « Allez dans le monde entier, procla-mez l'Évangile à toute la création ! » (Mc 16,15).

Satan donne son pouvoir à la Bête (tapisserie d’Angers)

Catéchisme, nº1864, http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P66.HTM 5

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Méditation : la maison pillée et rachetéeEntre le Christ et les scribes, l’opposition est frontale : accusation ouverte et violente d’un

côté, défense énergique de l’autre ; une opposition qui ne se résoudra que par la Croix, à la fois défaite humaine de Jésus et victoire de l’Amour. Au centre de la polémique : l’autorité sur le peuple d’Israël. Jésus expose le nœud du problème en évoquant « la maison d’un homme fort » : À qui appartient la maison et les âmes qui s’y trouvent ? À Satan ou Dieu ? Le Christ est venu livrer un gigantesque combat spirituel pour abattre le royaume de Satan et établir le royaume de son Père.

La maison pilléeLa maison pillée par l’ennemi est d’abord, comme la vigne, le peuple de Dieu. Lorsque le

Christ vient au monde pour accomplir parfaitement la Révélation, il trouve une maison pillée et désolée. Les nombreux exorcismes qu’il doit opérer l’atteste. Que s’est-il passé ?

L’histoire sainte est traversée de bout en bout par la plainte douloureuse de Dieu qui voit s’éloigner de lui le peuple qu’il a choisi avec amour et qui le chasse hors de sa maison, hors de sa vie. Au-delà du peuple d’Israël, cette plainte concerne le peuple des croyants de tous les temps, l’Église, et s’adresse en particulier à ceux qui ont reçu mission de garde la mai-son : les pasteurs. Souvenons-nous des paroles d’Ezéchiel :

« Quel malheur pour les bergers d’Israël qui sont bergers pour eux-mêmes ! N’est-ce pas pour les brebis qu’ils sont bergers ? Vous, au contraire, vous buvez leur lait, vous vous êtes habillés avec leur laine, vous égorgez les brebis grasses, vous n’êtes pas bergers pour le troupeau. Vous n’avez pas rendu des forces à la brebis chétive, soigné celle qui était ma-lade, pansé celle qui était blessée. Vous n’avez pas ramené la brebis égarée, cherché celle qui était perdue. Mais vous les avez gouvernées avec violence et dureté. Elles se sont dis-persées, faute de berger, pour devenir la proie de toutes les bêtes sauvages » (Ez 34, 2-5).

Jésus lui-même fait écho à ces paroles : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer ! » (Mt 23, 13).

Si nous sommes pasteurs, parents ou éducateurs, cet avertissement s’adresse aussi à nous : cherchons-nous à orienter les cœurs vers Dieu ou à assurer un simple ordre moral et religieux ? Le Pape François adaptait cette dénonciation pour notre temps :

« Cela [l’autosatisfaction égocentrique] se manifeste par de nombreuses attitudes appa-remment différentes : l’obsession pour la loi, la fascination de pouvoir montrer des conquêtes sociales et politiques, l’ostentation dans le soin de la liturgie, de la doctrine et du prestige de l’Église, la vaine gloire liée à la gestion d’affaires pratiques, l’enthousiasme pour les dyna-miques d’autonomie et de réalisation autoréférentielle. Certains chrétiens consacrent leurs énergies et leur temps à cela, au lieu de se laisser porter par l’Esprit sur le chemin de l’amour, de brûler du désir de communiquer la beauté et la joie de l’Évangile, et de chercher ceux qui sont perdus parmi ces immenses multitudes assoiffées du Christ. » 6

Le deuxième niveau de la maison, c’est bien sûr le monde. Cet état déplorable d’une maison pillée par l’ennemi, nous le retrouvons tout au long de l’histoire. Ainsi le bienheureux Newman écrit-il lucidement :

« Les royaumes terrestres ne sont pas fondés sur la justice, mais sur l’injustice. Ils ont été établis par l’épée, par le brigandage, la cruauté, le parjure, la ruse et la fraude. On n’a jamais vu un royaume, à part celui du Christ, qui n’ait été conçu et mis au monde, nourri et élevé dans le péché. On n’a jamais vu une nation qui ne se soit laissée aller à commettre

Pape François, exhortation Gaudete et Exsultate, n° 57 http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-6

francesco_esortazione-ap_20180319_gaudete-et-exsultate.html

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des actes et à soutenir des principes de nature criminelle, mais dont l’abandon causerait la ruine. Y a-t-il une monarchie qui ne se soit établie au commencement par une invasion ou une usurpation ? … une révolution qui se soit effectuée sans obstination perverse, violence ou hypocrisie ? un gouvernement démocratique qui ne tourne comme une girouette, comme s’il n’avait ni conscience ni responsabilité ? un pouvoir oligarchique qui ne soit égoïste et dé-nué de scrupules ? une puissance militaire qui soit préservée des passions guerrières ? un commerce qui n’ait l’amour du lucre vil, source de tout mal ? » 7

La civilisation moderne en Occident ajoute une note particulièrement insidieuse qui re-joint le péché contre l’Esprit. Plutôt que de s’interroger sur le bien et le mal, ou de se conten-ter d’y céder par faiblesse, elle se rebelle contre la distinction même du bien et du mal. Elle dénonce de plus en plus directement la tradition judéo-chrétienne et reproche à Dieu d’em-piéter sur sa liberté et son bonheur. Dieu ne se pliant pas à ses désirs d’autonomie absolue, elle l’accuse d’être mauvais… ou de ne pas exister. C’est ce que dénonce Jésus aujourd’hui et c’est exactement ce que décrit la Genèse lorsque le serpent présente Dieu comme jaloux et tyrannique pour entraîner l’homme sur un chemin de mort :

« Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gn 3, 5).

Là encore, comment nous situons-nous face à ces attaques frontales de l’Ennemi ? Il ne s’agit pas d’écrire des pamphlets mais de témoigner fermement, là où nous sommes, par la parole et par les actes, d’une autre vision des choses et de l’amour de Dieu.

Le troisième niveau de la maison, enfin, c’est notre âme. Lorsque Dieu s’approche de la maison de notre âme, il trouve quelques pièces en bon ordre mais souvent aussi d’autres pièces infestées de vices et profondément délabrées.

Nous pouvons avoir l’illusion d’être « respectables », et nous voiler la face devant nos misères ; mais la vérité apparaît à notre conscience de temps à autre, montrant à la fois notre corruption et notre désir du bien, ce déchirement intérieur que Pascal a si bien décrit :

« Connaissez donc, superbe, quel paradoxe vous êtes à vousmême ! Humiliezvous, rai-son impuissante ! Taisezvous, nature imbécile ! Apprenez que l’homme passe infiniment l’homme et entendez de votre Maître votre condition véritable que vous ignorez. Écoutez Dieu. Car enfin, si l’homme n’avait jamais été corrompu, il jouirait dans son innocence et de la vérité et de la félicité avec assurance. Et si l’homme n’avait jamais été que corrompu, il n’aurait aucune idée ni de la vérité, ni de la béatitude. Mais, malheureux que nous sommes, et plus que s’il n’y avait point de grandeur dans notre condition, nous avons une idée du bonheur et ne pouvons y arriver, nous sentons une image de la vérité et ne possédons que le mensonge, incapables d’ignorer absolument et de savoir certainement, tant il est mani-feste que nous avons été dans un degré de perfection dont nous sommes malheureusement déchus. » 8

Cherchons donc à repérer ces pièces de la maison qui sont encore délabrées et qui font que le Christ n’en est pas encore le maître.

Israël, l’humanité, notre âme : ce sont ces trois réalités que désigne le Christ en parlant de la « maison d’un homme fort » qui a été pillée.

La maison rachetéeMais le Christ ne vient pas seulement dénoncer le mal : il vient le vaincre. Dans l’évangile

de Jean, il l’indique clairement comme une victoire sur Satan, qui s’accomplira sur la Croix :

John Henry Card. Newman, Pensées sur l’Eglise, Cerf 1956, p. 286.7

Pascal, Pensées, Pléiade p. 581.8

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« ‘C'est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi.’ Il signifiait par-là de quelle mort il allait mourir. » (Jn 12,31-33).

Nous pouvons alors retourner le sens de la petite parabole sur la « maison d’un homme fort » : si l’humanité est cette maison, et qu’elle est sous le pouvoir d’un maître aussi fort que Satan, alors le Christ vient précisément pour le ligoter, afin de la « piller », c’est-à-dire de la purifier des œuvres maléfiques. C’est cela, la Bonne Nouvelle de la libération. L’homme ne lutte pas seul contre le mal, Dieu lutte pour lui et Jésus par sa Croix a vaincu le mal. Ce pourrait être le sens de sa réponse aux scribes : à travers les exorcismes, il manifeste qu’il a le pouvoir de ligoter Satan, pour délivrer l’humanité captive. Il nous suffit de lui ouvrir la porte. Par sa propre autorité de Fils de Dieu, puis par l’œuvre de la Croix.

Il existe toutefois une nuance de taille : en Jésus, ce n’est pas un maître extérieur qui vient prendre possession de la maison (l’humanité, notre âme). C’est le premier maître, Dieu, qui revient réclamer sa propriété perdue lors du premier péché. « L’homme fort » qui règne sur nous n’est qu’un usurpateur, et le Christ vient l’expulser : la maison retourne à son état originel, la communion avec Dieu car l’homme est créé à l’image de Dieu et appelé à vivre en lui.

Il n’est donc pas étonnant que saint Marc juxtapose la polémique des scribes avec la description de la « nouvelle famille » de Jésus : il s’agit de deux royaumes opposés. Face à l’empire de Satan, commence à se constituer le Royaume de Dieu, que Jésus contemple avec tendresse : « Parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : ‘Voici ma mère et mes frères’… » (Mt 3,35). Ces âmes libérées, qui « font la volonté de Dieu », ont pénétré dans la « nouvelle maison » qu’est l’Église et que Jésus bâtit patiemment à la sueur de son front, et bientôt par son sang versé sur la Croix.

La présence de Marie, la mère de Jésus, n’est pas non plus anodine. Marie est la pre-mière rachetée ; par son « fiat » sans retour, elle est celle qui ouvre grandes les portes de sa maison et écrase la tête du serpent. Par ailleurs,  la nouvelle communauté, par contraste avec l’oppression de Satan, exerce une fonction maternelle sur les âmes. Jésus souligne cette communion : « celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » Le nouvel Adam nous offre donc l’Église comme mère, pour remplacer le désert spirituel où Ève, notre pre-mière mère, nous avait exilés. Dans notre méditation, nous pouvons la contempler en repre-nant cette très belle description de l’Église par le père de Lubac, et en l’offrant comme une action de grâce au Seigneur :

« Louée soit cette grande Mère, pour le Mystère divin qu’elle nous communique, nous y introduisant par la double porte, constamment ouverte, de sa Doctrine et de sa Liturgie ! Louée soit-elle pour le pardon qu’elle nous assure ! Louée soit-elle pour les foyers de vie re-ligieuse qu’elle suscite, qu’elle protège et dont elle entretient la flamme ! Louée soit-elle pour l’univers intérieur qu’elle nous découvre, et dans l’exploration duquel sa main nous guide ! Louée soit-elle pour le désir et l’espérance qu’elle entretient en nous ! Louée soit-elle aussi pour tout ce qu’elle démasque et dissipe en nous d’illusions, afin que notre adoration soit pure ! Louée soit cette grande Mère ! 

« Mère chaste, elle nous infuse et nous conserve une foi toujours intègre, qu’aucune dé-cadence humaine, aucun affaissement spirituel, si profond qu’il soit, jamais n’atteint. Mère féconde, elle ne cesse de nous donner de nouveaux frères. Mère universelle, elle a soin également de tous, des petits comme des grands, des ignorants et des savants, de l’humble peuple des paroisses comme du troupeau choisi des âmes consacrées. Mère vénérable, elle nous assure l’héritage des siècles et tire pour nous de son trésor les choses anciennes et les nouvelles. Mère patiente, elle recommence toujours, sans se lasser, son œuvre de lente éducation et reprend, un à un, les fils de l’unité que ses enfants déchirent toujours. Mère at-tentive, elle nous protège contre l’Ennemi, qui rôde autour de nous cherchant sa proie. Mère

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aimante, elle ne nous replie pas sur elle mais nous lance à la rencontre du Dieu qui est tout Amour. 

« Mère clairvoyante, quelles que soient les ombres que l’Adversaire s’acharne à ré-pandre, elle ne peut pas ne pas reconnaître un jour pour siens les enfants qu’elle a engen-drés, elle aura la force de se réjouir de leur amour, et eux, ils trouveront sécurité entre ses bras. Mère ardente, elle met au cœur de ses meilleurs enfants un zèle toujours attentif et les envoie partout en messagers de Jésus-Christ. Mère sage, elle nous évite les excès sec-taires, les enthousiasmes trompeurs suivis de revirements ; elle nous apprend à aimer tout ce qui est bon, tout ce qui est vrai, tout ce qui est juste, à ne rien rejeter qui n’ait été éprouvé. Mère douloureuse, au cœur percé du glaive, elle revit d’âge en âge la Passion de Son Époux. Mère forte, elle nous exhorte à combattre et à témoigner pour le Christ ; bien plus, elle ne craint pas de nous faire elle-même passer par la mort, - depuis cette première mort qu’est le baptême, - pour nous engendrer à une vie plus haute… Louée soit-elle de tant de bienfaits ! Louée par-dessus tout de toutes ces morts qu’elle nous procure, de ces morts dont l’homme est incapable, sans lesquelles il serait condamné à rester indéfiniment lui-même, tournant dans le cercle misérable de sa finitude ! […]

« Mère sainte, mère unique, mère immaculée ! O grande Mère ! Sainte Église, Ève véri-table, seule vraie Mère des Vivants ! » 9

Card. Henri de Lubac, Méditation sur l’Eglise, Cerf 2006, 237-240.9