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Education & Formation – e-301, Mai – 2013 Publié avec l'aide financière du Fonds de la Recherche Scientifique - FNRS et avec l'appui de l'Administration générale de la Recherche scientifique. Service général du pilotage du système éducatif 1 Dispositif hybride et approche d’apprentissage Analyse de la relation entre un cours à dispositif hybride et l’approche d’apprentissage dans l’enseignement supérieur Guillaume Bonvin* * Diplômé à l’Université de Fribourg Guillaume Bonvin Rue de la Délèze 27 1920 Martigny [email protected] RÉSUMÉ. Notre recherche analyse la relation entre un cours à dispositif hybride et l’approche d’apprentissage des étudiants à l’université. Après avoir déterminé le type de dispositif suivi en nous basant sur la typologie Hy-Sup, et quelle est l’approche d’apprentissage adoptée par les participants, ces données ont été croisées avec celles récoltées chez les enseignants (questionnaires). Majoritairement, l’approche en profondeur est privilégiée. De plus, les analyses obtenues nous permettent d’éclairer les points forts et faiblesses de ce dispositif, de proposer des pistes pour une meilleure reconnaissance et utilisation des approches d’apprentissage des étudiants ainsi qu’une description de leurs pratiques numériques. MOTS-CLÉS: Dispositifs hybrides, approche d’apprentissage, enseignement supérieur, utilisation des ressources, métacognition.

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Education & Formation – e-301, Mai – 2013

Publié avec l'aide financière du Fonds de la Recherche Scientifique - FNRS et avec l'appui de l'Administration générale de la Recherche scientifique. Service général du pilotage du système éducatif

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Dispositif hybride et approche d’apprentissage

Analyse de la relation entre un cours à dispositif hybride et l’approche d’apprentissage dans l’enseignement supérieur

Guillaume Bonvin*

* Diplômé à l’Université de Fribourg Guillaume Bonvin Rue de la Délèze 27 1920 Martigny [email protected]

RÉSUMÉ. Notre recherche analyse la relation entre un cours à dispositif hybride et l’approche d’apprentissage des étudiants à l’université. Après avoir déterminé le type de dispositif suivi en nous basant sur la typologie Hy-Sup, et quelle est l’approche d’apprentissage adoptée par les participants, ces données ont été croisées avec celles récoltées chez les enseignants (questionnaires). Majoritairement, l’approche en profondeur est privilégiée. De plus, les analyses obtenues nous permettent d’éclairer les points forts et faiblesses de ce dispositif, de proposer des pistes pour une meilleure reconnaissance et utilisation des approches d’apprentissage des étudiants ainsi qu’une description de leurs pratiques numériques. MOTS-CLÉS: Dispositifs hybrides, approche d’apprentissage, enseignement supérieur, utilisation des ressources, métacognition.

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1. Contexte

Aujourd’hui, l’omniprésence du numérique n’est plus à démontrer. Ce dernier a profondément transformé le quotidien des individus comme celui des organisations collectives (Charbonnier & Enlart, 2010). Or, l’omniprésence se transforme inexorablement en une dépendance. En effet, nous déléguons de plus en plus notre mémoire à des outils électroniques (chiffres, dates clés, numéros de téléphone, formules de calcul, jusqu’à la gestion de notre vie relationnelle et sociale, etc.). Les technologies de l’information et de la communication (TIC) semblent réguler profondément notre société qui se voit aujourd’hui qualifiée elle-même de «numérique» par de plus en plus d’auteurs, de philosophes, de chercheurs et de politiciens (Compiègne, 2011).

Si dans ses balbutiements internet n’était conçu que pour mettre à disposition l’information en réseau et donner un accès à un savoir toujours plus vaste, aujourd’hui, il est devenu social, relationnel et outil de co-construction d’un savoir mutualisé servant à l’émergence d’une intelligence qui peut être qualifiée de collective (Deschryver, 2010). Or sur la toile le savoir est sans cesse renouvelé, corrigé, commenté ou complété ce qui lui donne un caractère instable, rapidement obsolète. Dans un tel contexte, apprendre à maîtriser, transformer et capitaliser l’information devient un enjeu crucial. En effet, l’accès à une information précise et pertinente est de plus en plus difficile, «le web étant à la fois un espace documentaire, un espace d’informations et un espace relationnel, chacun gérant des publications de nature très différente» (Compiègne, 2011, p.29).

«De nombreux chercheurs considèrent aujourd’hui que l’arrivée d’internet et la diffusion de son usage dans la population transforment les manières d’apprendre et réinterrogent les institutions d’enseignement sur leur prise en compte de ces nouvelles attentes» (Deschryver, 2010, p.181). Selon Charbonnier et Enlart (2010), la nécessité même de devoir encore apprendre pourrait à l’avenir être abandonnée pour la délégation totale de notre mémoire à la sphère numérique. «Délégation, transformation et fragmentation caractérisent donc les savoirs et du même coup notre rapport au savoir» (Charbonnier & Enlart, 2010, p.115). De nouvelles significations apparaissent: l’homme moderne doit savoir scanner, zapper, jongler avec et trier une information multiple. La fragmentation du savoir et son abondance font donc émerger de nouveaux enjeux de sémantisation et de structuration des contenus.

Que dire dès lors de l’étudiant qui n’est plus affranchi des contraintes temporelles et spatiales (Compiègne, 2011) et s’inscrit dans une nouvelle temporalité par l’instantanéité et l’optimisation toujours plus intensive de son emploi du temps? Certains changements engendrés par les TIC lui seraient néfastes. L’immédiateté comme la compression temporelle serait par exemple inappropriée à une concentration forte et durable qu’implique l’acte d’apprendre (Compiègne). De même, la multiplication des sources de savoirs induirait des difficultés supplémentaires d’apprentissage, d’interprétation ou de construction de l’esprit critique (Fassa, 2002). En revanche, d’autres chercheurs (Champeau, 2008 & Kearney, 2005 in Compiègne, 2011) argumentent sur l’amélioration et la consolidation des capacités de notre cerveau: perception visuelle, attention, processus cognitifs, coordinations et aptitude multitâche en seraient décuplés.

Malgré ces résultats contradictoires, il est impossible d’ignorer que l’acte d’apprendre a été profondément bouleversé ces dernières années. Deschryver (2010) perçoit l’émergence des TIC comme un formidable moyen de favoriser «une démarche active de recherche, de production, de partage qui profite aux individus capables de démarches autodirigées» (p.190). «Rechercher, filtrer et synthétiser de multiples sources d’informations, faire plusieurs tâches en même temps et élaborer des configurations personnelles deviennent de nouvelles manières d’apprendre avec les médias» (Charlier, 2011, p.8). La nouvelle génération d’étudiants est donc multitâche et l’ordinateur est maintenant perçu comme le support principal de l’apprentissage. De ce fait, l’apprenant, un butineur, un intuitif, porte son attention sur des faits singuliers et accorde une attention partielle à ce qu’il fait (Compiègne, 2011).

Consciente des changements induits par l’arrivée des TIC, et bien que la pédagogie universitaire soit relativement récente (Charlier, 2011), l’université commence dès le milieu des années quatre-vingt-dix à intégrer dans sa réflexion les nouvelles technologies de l’information et de la communication (Gurtner et al., 2003). Or malgré cette préoccupation qui pourrait être qualifiée de visionnaire pour l’époque, l’université a pris depuis un certain retard qu’elle semble aujourd’hui vouloir rattraper, enfin consciente du fossé grandissant qui existe «entre les formes traditionnelles d’enseignement supérieur et les pratiques des étudiants» (Bonfils, 2007 in Charlier, p.9).

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2. Problématique

L’introduction des TIC à l’université contribue à une profonde mutation dans la pratique enseignante. Selon Germain-Rutherford et Diallo (2006, in Rege Colet & Romainville, p.156), cela entraîne un nouveau «modèle d’enseignement et d’apprentissage basé beaucoup plus sur la construction des savoirs que sur leur transmission». Dans ce nouveau contexte éducatif, la pédagogie du réseau est favorisée. En effet, l’enseignant devient l’expert qui facilite l’accès au savoir et l’étudiant se retrouve actif avec ses semblables et affecté à la co-construction de ses connaissances (Deschryver, 2010). Les TIC et plus précisément l’introduction massive depuis une dizaine d’années des plates-formes d’aides à l’apprentissage ou e-learning (ex: Moodle, Claroline, WebCT, etc.) ont accéléré l’implantation des méthodes technopédagogiques actives et collaboratives (Coll. Hy-Sup, 2011). Les dispositifs de formation traditionnels (enseignement présentiel, magistral) sont actuellement remplacés par de nouveaux dispositifs désignés hybrides (en présentiel et en ligne).

Comme le soulignent les différents chercheurs du projet européen Hy-Sup «il y a aujourd’hui peu de données témoignant d’un effet positif de ces transformations sur la qualité des processus d’enseignement/apprentissage». Or dans un tel contexte et en rappelant que «la perception que les apprenants ont du contexte d’apprentissage a un impact direct sur la manière dont ils vont s’y prendre pour apprendre» (Deschryver , 2010, p.181), il apparaît intéressant d’examiner comment les étudiants décrivent leur environnement d’apprentissage lors de l’utilisation d’une plate-forme d’e-learning et de les interroger sur leur approche de l’apprentissage qu’ils développent à l’université quand ils sont confrontés à un cours à dispositif hybride? Et plus spécifiquement dans ce contexte, il devient important de comprendre comment les étudiants perçoivent et utilisent les différentes ressources mises à disposition sur ces plates-formes afin d’améliorer la qualité de l’apprentissage?

Cet article nous permet donc d’évoquer les points principaux de notre recherche1. Nous rappellerons brièvement le cadre théorique qui s’articule surtout autour du concept d’approche d’apprentissage. Puis, après avoir défini les questions et objectifs spécifiques de notre recherche, nous traiterons de la méthode utilisée pour arriver aux résultats qui seront largement décrits. Et finalement, l’analyse de ces derniers ainsi que des pistes pour de futures recherches seront évoquées avant de conclure.

3. Cadre théorique

Bien que notre travail se centre sur les différentes approches d’apprentissage, ces dernières prennent place dans un contexte particulier qui n’est de loin pas sans effet sur les pratiques des étudiants et leurs perceptions. C'est pourquoi, dans un premier temps, nous exposerons succinctement les éléments théoriques concernant les dispositifs hybrides (contexte spécifique à notre recherche) afin de décrire précisément cette variable non négligeable. Dans un deuxième temps, nous décrirons le concept d’approche de l’apprentissage.

3.2. Dispositif hybride

«Un dispositif est une instance, un lieu social d’interaction et de coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d’interactions propres» (Peraya, 1999, p.153). L’acte d’enseigner s’opère dans un dispositif de communication et de formation médiatisée où la composante humaine est essentielle. Un cours composé d’un enseignant distribuant ressources et savoirs à des étudiants est donc un dispositif de formation. Si l’enseignement demeure largement magistral, l’enseignant ayant pour seul rôle d’être un transmetteur de connaissances, depuis une décennie (Charlier, 2011), on assiste à une transformation des dispositifs de formation traditionnels, en des dispositifs qualifiés «d’hybrides», dispositifs se basant sur des environnements technopédagogiques. En effet, la logique de transmission du savoir laisse actuellement place à une logique d’expérience ou d’expérimentation du savoir (Peltier, 2011). Or, les environnements technopédagogiques permettent justement «d’investiguer les champs des savoir-être et des savoirs-devenir par leur ouverture à la participation, à l’échange dans les communautés de construction de connaissance, de pratiques, de construction de projets, etc.» (Lebrun, 2000, p.62). Largement diffusés dans l’enseignement supérieur, les dispositifs hybrides se trouvent à mi-chemin entre la formation à distance et la formation présentielle classique. En 2006, Charlier, Deschryver et Peraya lui donnent la définition suivante «dispositif de formation qui se caractérise par la présence de dimensions innovantes (accompagnement humain, modalité d’articulation présence – distance, etc.) liées à la mise à distance. Le dispositif hybride, parce qu’il suppose l’utilisation d’un environnement technopédagogique, repose sur des formes complexes de médiatisation et de médiation» (Cité in Coll. Hy-Sup, 2011, p.70).

1. Notre étude combinait méthode quantitative et qualitative. Pour des raisons d’efficience, cet article ne reprend que la partie quantitative de notre recherche.

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Selon Charlier, Deschryver et Peraya (Distance et Savoir, 2006) cités par le collectif Hy-Sup (2011), la description de tels dispositifs devrait comporter de fait cinq principales dimensions: «la mise à distance et les modalités d’articulation des phases présentielles et distantes (1), l’accompagnement humain (2), les formes particulières de médiatisation (3) et le degré de médiation (4) liées à l’utilisation d’un environnement technopédagogique et le degré d’ouverture du dispositif (5)» (Coll. Hy-Sup, 2011, p.72). Le collectif Hy-Sup a réalisé en 2010 un questionnaire se basant sur ce cadre de référence, cadre comportant ces cinq dimensions et qui fut adressé à 174 enseignants dans plus de 22 établissements supérieurs et universitaires en Europe et au Canada. Une fois le traitement des résultats effectués, cela a permis d’établir six profils de dispositifs hybrides différents «allant du dispositif le moins développé au plus développé» (Coll. Hy-Sup, 2011, p.81):

• Type 1 – Dispositif centré enseignement et acquisition de connaissances

• Type 2 – Dispositif centré enseignement mettant à disposition des ressources multimédias

• Type 3 – Dispositif centré enseignement mettant à disposition des outils d’interaction

• Type 4 – Dispositif centré enseignement tendant vers le support à l’apprentissage

• Type 5 – Dispositif ouvert centré sur l’apprentissage

• Type 6 – Dispositif ouvert centré sur l’apprentissage soutenu par un environnement riche et varié

Nous ne revenons pas plus en détail sur la description des différents types de dispositif hybride puisqu’ils sont largement développés dans les articles précédents. Toutefois, le tableau ci-dessous vous offre une vue récapitulative de chaque type avec leurs caractéristiques.

Tableau 1. Récapitulation des différents types de dispositif hybride avec leurs caractéristiques.

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3.2. Approche d’apprentissage

L’approche d’apprentissage correspond aux différentes manières qu’un étudiant dit mettre en pratique pour satisfaire ses buts. C’est l’explication fournie sur la façon d’aborder une tâche par l’étudiant (métacognition) qui va constituer l’approche d’apprentissage. «Processus et résultats y sont donc intimement liés» (Romainville, 1993, p.1). Ce concept d’approche est essentiellement phénoménologique et l’apprentissage y est décrit du point de vue de l’élève. En effet, selon Romainville, «la perception idiosyncrasique qu’a l’étudiant de la réalité doit être le premier phénomène analysé et décrit du point de vue de l’étudiant» (p.31).

Son objectif selon Schmeck (1988, cité in Romainville, 1993) est de «faire ressortir la relation entre l’intention, le processus, et le résultat dans un contexte donné» (p.2). Si, selon Romainville «certains tentent de réaliser la tâche ou d’apprendre la matière dans le seul but de répondre aux demandes du professeur ou aux exigences de l’évaluation, d’autres cherchent à améliorer leur propre compréhension dans le domaine» (p.1) ou essaient d’obtenir la meilleure note possible avec un minimum d’effort. À cet effet, on parlera d’approche en surface, en profondeur ou encore stratégique.

Elle est encore déterminée par de multiples interactions entre différents traits personnels comme les caractéristiques motivationnelles de la personne, le style d’apprentissage, certaines caractéristiques environnementales, etc. De plus, «l’approche est essentiellement une manière de s’adapter à un environnement pédagogique particulier» (Romainville, 1993, p.6). Selon Entwistle et Romainville, «les stratégies de soutien au traitement de l’information comme les stratégies métacognitives, affectives ou de gestion pourraient favoriser ou contrer l’une ou l’autre approche» (1993, p.4). Ainsi, ce concept devrait intéresser particulièrement les enseignants qui pourraient influencer les différentes approches adoptées par les étudiants en modifiant la manière de préparer et de distribuer le savoir. Finalement, Biggs (2001) souligne qu’il ne faut pas confondre le style (centré sur la personne), les stratégies (centrées sur la tâche) et l’approche (interaction entre la personne et la tâche).

3.2.1. Approche en profondeur «L’apprentissage en profondeur correspond à des comportements où les étudiants font un traitement actif de

l’information et utilisent des stratégies d’élaboration et d’organisation plutôt que des stratégies de mémorisation» (Hrimech & Larue, 2009, p.4). Cette approche suppose une forte implication affective ainsi qu’un réel désir de compréhension. «La tâche n’est pas perçue comme une contrainte venant de l’extérieur, mais plutôt comme quelque chose qui permet à l’élève de se développer» (Romainville, 1993, p.1). C’est donc ici la motivation intrinsèque de l’étudiant qui est plébiscitée, l’intérêt pour l’apprentissage en lui-même.

L’étudiant se perçoit aussi comme autonome dans l’élaboration et l’organisation de ses connaissances qui doivent raisonner avec son vécu, ses savoirs préalables et susciter la création de nombreux liens entre eux (Hrimech & Larue, 2009). Il se centre sur la signification de ce qui est appris. De plus, cette structuration et cette organisation du contenu personnelle impliquent une utilisation plus grande et variée de ressources supplémentaires facilitant l’apprentissage en profondeur. Finalement, une telle approche permet à l’étudiant de développer une réflexion métacognitive riche et intense.

3.2.2. Approche en surface Inversement, l’apprentissage en surface correspond à des descriptions de comportements où les étudiants

disent utiliser des stratégies de mémorisation et de reproduction de connaissances, sans intérêt majeur pour la compréhension du sujet (Hrimech & Larue, 2009). Il s’agit d’un intérêt purement instrumental des connaissances. Cette approche demande peu d’engagements affectifs, le but étant de satisfaire aux exigences de la tâche, une tâche qui est vue par l’étudiant comme imposée de l’extérieur. En effet, l’étudiant «préfère restreindre son apprentissage au programme défini et aux tâches spécifiées» (Romano, 1991, p.8). De plus, presque aucun lien transversal n’est créé entre les connaissances et l’utilisation des ressources mises à disposition de l’étudiant se limite au strict minimum. Finalement, une telle approche ne permet pas à l’étudiant de développer une réflexion métacognitive et intensifie un manque de confiance en lui.

3.2.3. Approche stratégique Cette approche est centrée sur la réussite. L’étudiant est motivé intrinsèquement par l’obtention d’une

reconnaissance. À cet effet, il tente «d’acquérir le plus d’information possible à propos des exigences de l’évaluation de façon à obtenir la meilleure note possible» (Romano, 1991, p.7). Cela témoigne d’un fort besoin d’accomplissement, soutenu par une grande confiance en soi et une envie très compétitive. Pour ce faire, il n’hésite pas à varier les stratégies d’apprentissage: stratégies d’élaboration et d’organisation et stratégies de mémorisation. L’étudiant tente aussi d’impressionner le professeur, par sa participation au cours ou par son évaluation. Finalement, si la réflexion métacognitive est étendue, elle n’est pas aussi développée que celle de l’approche en profondeur.

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4. Questions et objectifs spécifiques de la recherche

Trois questions de départ orientent cette recherche. Premièrement, quelle(s) approche(s) d’apprentissage adopte(nt) les étudiants participant à un cours à dispositifs hybrides? Deuxièmement, comment la perception du dispositif influence-t-elle l’approche d’apprentissage des étudiants? Et finalement, comment comprendre les différences (s’il y en a) entre la représentation des étudiants et celle des professeurs par rapport au dispositif?

Ces différentes questions nous permettent de structurer notre étude en plusieurs étapes. La première est d’identifier le type (typologie Hy-Sup) de dispositif hybride de notre situation de recherche, d’établir une description précise de ce contexte en comparant le point de vue des étudiants et des enseignants. Le deuxième objectif est d’identifier l’approche d’apprentissage de chaque étudiant en lien avec sa perception du dispositif hybride et de comparer cela avec l’approche et le dispositif souhaités par les enseignants pour déboucher sur une énumération (si elles existent) de relations entre approche d’apprentissage, perception et utilisation du dispositif. Et finalement décrire les comportements des étudiants face aux différents contenus mis à disposition et suggérer des pistes d’amélioration du dispositif analysé.

5. Méthode

5.1. Participants

Notre recherche s’est déroulée à l’université de Fribourg et les données ont été recueillies durant la session d’automne 2011. Notre population se compose de 16 (N=16) étudiants (sur 25 participants au module) de Bachelor en domaine des sciences de l’éducation, participant au module BS1.5F «Dispositifs de formation». Ces étudiants sont âgés de 19 à 36 ans (M=22.75). Notre population est composée de 15 filles (93.75%; N=15) et de 1 garçon (6.25%; N=1). De plus, la langue première italienne est largement représentée avec 9 étudiants (56.25%; N=9), suivie de la langue française avec 5 étudiantes (31.25%; N=5) et de la langue allemande avec 2 étudiantes (12.5%; N=2). Nos 16 étudiants ont rempli un questionnaire en ligne.

5.2. Considérations éthiques

Rappelons que les étudiants participant à cette recherche sont des volontaires et que la méthode de récolte de données par le biais d’un questionnaire en ligne permet de garantir l’anonymat des participants.

5.3. Instruments

Le premier instrument de mesure est un questionnaire auto rapporté à questions fermées rempli sur internet. Il a été réalisé sur le CMS LimeSurvey, ce qui a permis de gagner du temps pour le dépouillement, les données étant directement exportables pour être travaillées sur SPSS. Il s’agit d’une adaptation du questionnaire élaboré par le Collectif Hy-Sup pour leurs recherches respectives. Le questionnaire est composé de 8 groupes de questions couvrant différents éléments, tels le profil de l’étudiant, le profil du module suivi, la description du cours, la perception du cours comme support d’apprentissage (il est à noter que dans cette partie, une attention particulière a été portée sur la manière des participants de traiter les ressources mises à disposition sur la plate-forme), ou encore les effets des cours sur le sentiment d’efficacité personnelle, l’usage des technologies, la perception des technologies comme incitants ou obstacles à l’apprentissage et finalement une série de questions servant à déterminer l’approche d’apprentissage de l’étudiant se référant au questionnaire élaboré par Biggs (2001).

Un deuxième questionnaire, différent de celui des étudiants, a été utilisé pour les enseignants du module. En effet, ils ont rempli en commun, lors d’une rencontre, le même questionnaire, afin d’évaluer le module dans son ensemble. Si les étudiants ont rempli une version informatisée du questionnaire, les enseignants ont été invités à remplir une version papier. Il s’agit du questionnaire «enseignants» utilisé par le collectif Hy-Sup lors de leurs recherches. Ce dernier est plus complet que celui distribué aux étudiants, comportant douze thématiques (groupes) de questions. Il n’a subi aucune modification. Il nous permet de décrire avec plus de précision le dispositif hybride tel qu’il a été conçu par les enseignants et sert de point de comparaison avec la description faite par les étudiants de ce même dispositif.

6. Traitement des données

Les données récoltées par le biais des questionnaires aux étudiants ont fait l’objet de différents traitements. Pour déterminer le type de dispositif hybride perçu, les réponses ont été introduites dans un outil d’auto

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positionnement en ligne2, élaboré par le collectif Hy-Sup, outil qui permet de déterminer rapidement à quel type de dispositif hybride le module fait référence. Les autres résultats recueillis à l’aide de ce questionnaire ont servi à élaborer différents tableaux à l’aide d’SPSS afin d’obtenir une analyse descriptive rigoureuse (moyenne, écart-type et fréquence des réponses pour chaque item et groupe thématique)3. Il fut aussi intéressant de croiser les types de dispositifs par étudiant ainsi que leur approche d’apprentissage et certaines données descriptives (moyenne, écart-type) afin de contrôler et de démontrer la cohérence des résultats obtenus.

Pour déterminer l’approche d’apprentissage, l’item 22 du questionnaire relatif aux étudiants, utilisé par le collectif Hy-Sup, est à relier à la recherche de John Biggs «The revised two-factor Study Process questionnaire: R-SPQ-2F». En effet, dans son étude (2001), Biggs utilise 20 énoncés avec une échelle de 1 à 5 qui va de «cet énoncé est très rarement vrai voire jamais vrai» à «cet énoncé est presque toujours vrai» afin de déterminer l’approche d’apprentissage adoptée par des étudiants. Chaque réponse est alors traduite en point (correspondant au numéro de l’échelle de 1 à 5). Pour déterminer quelle approche est utilisée, il suffit d’additionner les scores de la manière suivante:

• Les énoncés suivants forment l’approche en profondeur (AP).

o Stratégie – PS: 2 + 6 + 10 + 14 +18

o Motivation – PM: 1 + 5 + 9 + 13 + 17

• Les énoncés suivants forment l’approche en surface (AS).

o Stratégie – SS: 4 + 8 + 12 + 16 + 20

o Motivation – SM: 3 + 7 + 11 + 15 +19

Tableau 2. Méthode de calcul des approches selon Biggs.

Plusieurs vérifications ont été effectuées pour chaque dimension (profondeur et surface) et leurs composantes, en calculant leur moyenne et écart-type afin de vérifier une dispersion normale de la distribution. Finalement, nous avons vérifié la justesse des données en réalisant les tests statistiques des coefficients de corrélation linéaire de Pearson pour observer que les deux approches (variables) sont disjointes et l’alpha de Cronbach pour vérifier la fidélité des composantes de chaque approche.

Les données récoltées par les biais du questionnaire aux trois professeurs n’ont pas subi de traitement particulier. Comme pour les étudiants, les questions 6 à 14 ont servi à positionner le module parmi les différents types de dispositifs hybrides. Rappelons que lors de la passation du questionnaire, les délibérations et autres précisions relatives à leurs réponses ont été enregistrées puis transcrites. Certaines données y ont été prélevées pour agrémenter la partie discussion de ce travail et comparer certains éléments pertinents entre étudiants et professeurs.

7. Résultats

Dans un premier temps, nous présentons les types perçus par les étudiants et par les enseignants de dispositifs hybrides en rappelant que ces résultats sont obtenus à l’aide de l’outil de positionnement «Hy-Sup». Dans un deuxième temps, nous dévoilerons les différentes approches d’apprentissage de nos étudiants puis nous les croiserons avec les dispositifs perçus.

Sur les 16 étudiants (100%) formant notre population, nous relevons que 10 d’entre eux (62.5%) décrivent suivre un dispositif hybride de type 5: «ouvert centré apprentissage». Les 6 étudiants restants (37,5%) pensent à parts égales être dans des dispositifs différents. En effet, 3 étudiants (18,75%) pensent suivre un dispositif hybride de type 3: «centré enseignement mettant à disposition des outils d’interaction» et 3 étudiants (18,75%) pensent suivre un dispositif hybride de type 6: «centré apprentissage soutenu par un environnement riche et varié». Les trois enseignants s’étant réunis pour remplir le questionnaire, ils décrivent leur module comme un dispositif hybride de type 5 «ouvert centré apprentissage».

2. http://prac-hysup.univ-lyon1.fr/hy-sup/), 3. Il est à noter que ces résultats ne seront pas développés dans cet article, mais qu’ils serviront dans la discussion.

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Tableau 3. Distribution des fréquences des 20 items du questionnaire R-SPQ-2F.

La répartition des réponses selon les questions constituant l’approche en profondeur ou en surface démontre une tendance des étudiants de notre population à apprendre plutôt en profondeur. En effet, l’analyse visuelle du tableau 3 nous permet de constater des réponses plus positives pour les items concernant l’approche en profondeur en pourcentage et plus négatives pour les items concernant l’approche en surface en pourcentage.

Une deuxième analyse a également été effectuée (tableau 4) montrant la moyenne des scores de réponses, basées sur l’échelle de Likert. Ce tableau montre les valeurs moyennes et écarts-types des scores respectifs obtenus par les étudiants par rapport à leurs approches d’apprentissage respectives.

Tableau 4. Moyennes des scores et écarts-types.

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Le score moyen sur la sous-échelle liée à la stratégie en approche en profondeur (PS) est de 2.81 (SD = .74) et celui lié à la motivation en approche en profondeur (PM) est de 2.54 (SD= .71). Ce qui donne un total pour le score moyen de l’approche en profondeur (AP) de 2.68 (SD = 0.64). De même, le score moyen sur la sous-échelle liée à la stratégie en approche en surface (SS) est de 2.26 (SD = .87) et celui lié à la motivation en approche en surface (SM) est de 1.94 (SD = 0.76). Ce qui donne un total pour le score moyen de l’approche en surface (AS) de 2.10 (SD = .72). Même si les moyennes des scores en profondeur ou surface sont faibles (2.68 et 2.10 sur un maximum de 5) cela représente tout de même en pourcentage (multiplication par 20) 53.60 % (spectre de 40.8 % - 66.4 %) de réponses pour une approche en profondeur (AP) contre 42 % (spectre de 27.6 % - 56.4 %) pour une approche en surface (AS). La distribution des scores est donc normale.

Le calcul des coefficients de corrélation linéaire de Pearson entre les différentes approches et les sous-échelles qui les composent montre des résultats cohérents: nous constatons que la stratégie en profondeur (PS) corrèle positivement et fortement avec l’approche en profondeur (AP) générale (r = 0,895, p < 0.01). Il en est de même pour la motivation en profondeur (PM) qui corrèle positivement et fortement avec l’approche en profondeur (AP) générale (r = 0,884, p < 0.01). Nous pouvons aussi noter que la stratégie en surface (SS) corrèle positivement et fortement avec l’approche en surface (AS) générale (r = 0,901, p < 0.01). Il en est de même pour la motivation en surface (SM) qui corrèle positivement et fortement avec l’approche en surface (AS) générale (r = 0,869, p < 0.01).

Tableau 5. Valeurs des coefficients de corrélation linéaire de Pearson entre les différentes approches et leurs composantes.

Notons que les résultats indiquent des directions (positive et négative) qui sont en parfaites adéquations avec les résultats attendus par rapport aux approches et leurs composantes ce qui a tendance à prouver la fiabilité des réponses. Finalement, la cohérence interne est satisfaisante. En effet, nous avons obtenu pour l’ensemble des 10 questions concernant l’approche en profondeur (AP) dans notre population un coefficient alpha de Cronbach de 0.74 et pour ce qui est de l’ensemble des 10 questions concernant l’approche en surface (AS) de 0.72. Par

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comparaison, si le coefficient pour l’approche en surface se retrouve un peu plus haut en comparaison avec l’étude de Biggs (2001) où il est de 0.64, le coefficient pour l’approche en profondeur est presque équivalent (α = 0.73).

De la même manière, nous avons calculé l’approche d’apprentissage pour chacun des étudiants de notre population. Les moyennes et les écarts-types de chaque échelle d’approche et de leurs composantes ainsi obtenus nous permettent de calculer en pourcentage le score obtenu par chaque étudiant dans l’approche en profondeur comme dans l’approche en surface ainsi que le degré de variation (spectre) par rapport à l’écart-type (SD). Le tableau 8 ci-dessous présente des résultats contrastés dans la majorité des cas (75%), où l’on peut aisément déterminer une approche plutôt qu’une autre pour ces étudiants. Toutefois, pour une petite minorité (25%), il reste difficile d’opérer une distinction entre les deux approches, les résultats n’étant séparés que d’un écart inférieur à 10%.

Tableau 6. Étudiants: pourcentage et classification par approche.

Nous relevons que 9 étudiants (56.25 %) de notre population ont clairement une approche en profondeur, et 3 étudiants (18.75 %) adoptent une approche en surface. Relevons que 4 étudiants (25 %) ne peuvent être catégorisés dans l’une ou l’autre des deux approches, n’ayant qu’une trop faible différence entre les deux scores obtenus dans les deux échelles d’approche.

Le tableau 7 ci-dessous présente côte à côte pour chaque étudiant l’approche déterminée avec le type de dispositif hybride perçu. Il nous a paru intéressant de classer sous forme d’échelle ces relations de correspondances de la manière suivante: mauvaise: approche et type sont totalement opposés, indéterminée: approche est neutre et ne permet donc pas de classer de manière claire la relation et bonne: approche et type sont en adéquation.

Tableau 7. Croisement de la perception des dispositifs et de l’approche par étudiant.

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Nous constatons les résultats suivants au niveau des correspondances: nous relevons que 9 correspondances (56.25 %) sont clairement bonnes, que 3 (18.75 %) sont mauvaises et que 4 (25 %) sont jugées indéterminées.

7.1. Comportement des étudiants face aux contenus

Les prochains résultats se divisent en deux catégories. Les 5 premières affirmations servent à déterminer une moyenne quant à la variété et à la qualité des informations fournies durant les cours du module. Les 8 affirmations suivantes servent à décrire les pratiques des étudiants. Ces derniers devaient juger ces 13 affirmations sur une échelle allant de 1 (non) à 4 (oui).

Tableau 8. Moyennes et fréquences pour les items relatifs à l’information et à son traitement.

Nous avons calculé une moyenne de 2.5 (SD=0.74) pour l’ensemble des 5 premières affirmations. Le module est donc neutre par rapport à la variété et à la qualité des informations fournies durant les cours. Par contre, les étudiants ont une grande tendance à imprimer tous les documents afin de les lire (M=3.06, SD=0.93) ainsi qu’à les annoter et les commenter une fois imprimés (M=2.94, SD=1.06). Ils sont à l’inverse plutôt négatifs sur l’idée de ne les lire que sur l’ordinateur (M=1.31, SD=0.7) ou de n’imprimer que les diapositives PowerPoint pour l’examen (M=1.38, SD=0.88).

8. Discussions

Notre étude voulait établir une description précise du contexte en comparant les différents types perçus de dispositif hybride de notre situation de recherche par les étudiants et les enseignants en lien avec l’approche d’apprentissage des étudiants, décrire les comportements des étudiants face aux différents contenus mis à disposition et finalement suggérer des pistes d’amélioration du dispositif analysé.

Si selon plusieurs chercheurs l’approche d’apprentissage varie en fonction du contexte et serait une manière de s’adapter plus précisément au contexte pédagogique (Biggs, Entwistle, Romainville, Romano, etc.), les étudiants percevant un dispositif de type 5 ou 6 devraient adopter une approche en profondeur, approche favorisée par ces deux types de dispositif; et ceux percevant un dispositif type 3 (et inférieur) devrait adopter une approche en surface. Cela est le cas pour les 9 correspondances jugées bonnes. En effet, nos résultats vont dans ce sens pour 8 étudiants percevant un type 5 ou 6 et ayant une approche en profondeur. Et il en va de même pour l’unique étudiant percevant un type 3 et ayant une approche en surface. Toutefois, ces résultats sont à relativiser, puisque 7 étudiants n’entrent pas dans ces critères. Premièrement, les 3 correspondances jugées mauvaises le sont, car aucun lien ne peut être fait entre leur approche d’apprentissage et le dispositif perçu. En effet, deux étudiants ont une approche en surface et perçoivent un dispositif de type 5 et un étudiant a une approche en profondeur et perçoit un dispositif de type 3.

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Deuxièmement, 4 étudiants ont une approche indéterminée et perçoivent pour deux d’entre eux un type 5, les autres percevant un type 3 et un type 6.

Si l’étude de John Biggs (2001), sur laquelle notre recherche se fonde, distingue uniquement «approche en profondeur» et «approche en surface», il ne faut pas oublier l’approche stratégique que nous supposons être celle décrite dans nos résultats comme «indéterminée». En effet, l’étudiant ayant cette approche centrée sur la réussite (Romano, 1991), ne va pas hésiter à varier ses stratégies d’apprentissage entre stratégies d’élaboration et d’organisation (AP) et stratégies de mémorisation (AS). De plus, bien que l’étudiant soit très intéressé par la matière, sa motivation va plutôt se porter sur l’obtention du meilleur résultat possible. De même, malgré une métacognition élevée (capacité de savoir quelle est la stratégie la plus «rentable» pour un maximum de résultats (Romainville, 1991)), celle-ci ne sera pas aussi élevée qu’un étudiant ayant une approche en profondeur.

Tous ces éléments font de l’approche stratégique une approche intermédiaire qui emprunte ses caractéristiques aux approches en surface et en profondeur en fonction de la meilleure tactique pour arriver à la performance. Nous supposons donc que cela aurait tendance à expliquer les résultats obtenus par les «indéterminés» dans notre recherche. Toutefois, l’approche stratégique ne renverrait pas à un type précis de dispositif, le but de cette approche étant subjectif par rapport à l’étudiant et ses objectifs de performance. Cela expliquerait la variabilité des types de dispositif pour les 4 étudiants «indéterminés» dans nos résultats.

L’avant-dernier objectif de notre recherche consistait à décrire les comportements des étudiants par rapport aux différents traitements des ressources mises à leur disposition sur la plate-forme technopédagogique moodle.

Nous pouvons tout d’abord identifier les deux canaux principaux de transmission de l’information relevés par les étudiants: le cours d’une part en présence avec une communication importante d’informations, de commentaires et de précisions par les professeurs sur les éléments distribués ou projetés (comme les présentations PowerPoint) et, d’autre part, les ressources mises à disposition sur la plate-forme moodle (comme des textes, schémas, liens externes, etc.). La quantité de ressources est considérée comme adaptée par l’ensemble des étudiants.

Les traitements effectués sur les ressources sont dans la grande majorité les mêmes pour les 16 étudiants de notre population. En effet, ils ont une grande tendance à imprimer tous les documents afin de les lire (cf. tableau 8: M=3.06, SD=0.93) ainsi qu’à les annoter et les commenter une fois imprimés (M=2.94, SD=1.06) puis les classer de manière claire afin de s’y retrouver rapidement. L’idée d’effectuer ces traitements uniquement sur l’ordinateur sans imprimer les ressources n’est donc de loin pas répandue. La technologie n’est donc vue que comme un moyen d’obtenir l’information, mais non comme un outil permettant son traitement.

Le dernier objectif de notre recherche est de suggérer des pistes d’amélioration du dispositif en tenant compte des différents résultats de notre étude. Si les enseignants comme la majorité des étudiants identifient un dispositif de type 5, l’idéal reste un dispositif de type 6. Quelques améliorations peuvent donc être apportées pour y parvenir. Tout d’abord, il faudrait mieux valoriser moodle auprès des étudiants non pas comme simple moyen d’obtenir des ressources, mais comme un «outil de gestion, de communication et d’interaction» (Coll. Hy-Sup, 2011, p.9) en promouvant l’utilisation accrue «des outils de communication synchrone et de collaboration» (Coll. Hy-Sup, 2011, p.9). Pour ce faire, un forum de discussions sur les textes animés par les lectures des étudiants serait un exemple d’activité en plus de la rédaction du glossaire. De plus, même si les ressources sont jugées de qualité, celles-ci ne sont encore que trop axées sur des textes. Une attention particulière devrait donc être portée à la variation du type des ressources utilisées: images, schémas, vidéos, podcasts, etc. De même, le degré de liberté (5e dimension) pourrait aussi être augmenté en faisant intervenir des ressources et des intervenants d’autres domaines ou extérieurs à l’université.

Nous avons aussi pu constater dans les résultats du questionnaire ainsi que dans les propos recueillis chez les enseignants que la motivation n’était pas au rendez-vous chez tous les étudiants. Nous pouvons suggérer pour y remédier d’impliquer plus fortement les étudiants dans la réalisation de tâches, d’activités qui seraient non pas facultatives, mais comptabilisées d’une manière à déterminer dans l’évaluation finale du module. Les tâches seraient donc revalorisées et permettraient de gagner en plus des étudiants motivés intrinsèquement, ceux motivés extrinsèquement. Autre constat recueilli auprès des enseignants, la population fréquentant le module est semble-t-il largement intéressée à d’autres voies d’études, en lien direct avec l’enfance. Peut-être, serait-il envisageable de modifier légèrement les cours afin de les orienter plutôt vers la technologie de l’éducation au service des enfants (l’école primaire et secondaire).

Finalement, peut-être, serait-il envisageable de modifier la durée du séminaire intégrateur en y incluant des activités plus conséquentes et plus en lien avec la pratique (pas uniquement des activités liées à de la réflexion).

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8.1. Recherches futures

Quelques pistes de recherche s’ouvrent à la suite de cette étude. Il serait intéressant par exemple de décrire plusieurs types de dispositifs dans plusieurs domaines d’une faculté, et de mettre en lien les dispositifs perçus et les approches des étudiants pour essayer de généraliser les résultats de manière à avoir un échantillon très représentatif des étudiants et non une classe «spécialisée» dans un domaine précis. Cette recherche permettrait par exemple de souligner les différences dans l’intégration des technologies dans les domaines d’une même faculté afin de cibler des interventions dans la formation des enseignants.

D’un point de vue théorique, nous pourrions contribuer à compléter la manière de lire les résultats du questionnaire R-SPQ-2F de Biggs (2001) en y intégrant l’approche stratégique entre l’approche en surface et l’approche en profondeur. Cette manière de faire contribuerait à renforcer l’utilité de ce test en prenant en compte les étudiants «stratégiques». De plus, nous pourrions également émettre l’hypothèse qu’une telle approche pourrait être favorisée par la surabondance de ressources proposées par certains dispositifs. Une telle recherche serait largement complétée par la réalisation d’interviews, afin de décrire des stratégies d’apprentissage, de traitement de l’information, etc., aidant à une meilleure compréhension de la pratique étudiante et précisant les trois types d’approches. Et finalement, il serait aussi intéressant de croiser les dispositifs perçus et les approches adoptées avec les résultats obtenus pour le module (ou pour chaque cours si l’étude à grande échelle est envisagée) afin de voir si la perception du cours et l’approche choisie sont en adéquation avec la réussite ou non de l’évaluation.

9. Conclusion

Dans l’ensemble, les résultats de cette recherche descriptive et exploratoire confrontent le point de vue des étudiants et des enseignants. Ceux-ci ont décrit le dispositif hybride selon leurs propres perceptions. S’ils se rejoignent sur la plupart des sujets, étudiants et professeurs font état de quelques différences de points de vue.

L’approche souhaitée par les enseignants ne correspond pas à l’approche adoptée par certains étudiants. Si une majorité adopte l’approche d’apprentissage ambitionnée par les enseignants (AP), une minorité se distingue par une approche contraire qui mérite une attention particulière: le défi sera d’agir sur différents facteurs du dispositif afin d’intervenir directement sur leur motivation, leur représentation ou leur vision de leur voie d’étude. Toutefois, ces résultats doivent être pris avec précaution et relativisés, notre population n’étant composée que de 16 étudiants, notre recherche est aussi à voir comme un essai de combinaison entre la typologie Hy-Sup et la théorie de l’approche d’apprentissage. Cette démarche nous a permis de dégager des résultats intéressants qui démontrent une fois de plus l’influence de l’approche d’apprentissage sur la manière d’apprendre, d’entrevoir des pistes afin de compléter des recherches déjà menées et finalement d’alimenter la connaissance des pratiques pédagogiques à l’université. ___________________________________________

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