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NUMÉRO 1 - MARS 2008 LE MAGAZINE M é téo courant d’air / in situ - le secret du pictogramme / grand air - Thomas Coville / climat - simulation et réalité / synergie - trois armées et un bulletin / quotidien - météo nomade / dans l’air - agenda / journal du temps

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NUMÉRO 1 - MARS 2008

LE MAGAZINEMétéo

courant d’air / in situ - le secret du pictogramme / grand air - Thomas Coville / climat - simulation et réalité /synergie - trois armées et un bulletin / quotidien - météo nomade / dans l’air - agenda / journal du temps

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épôt légal mars 2008 - IS

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1961-9200

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ÉDITOCOURANT D’AIRLes actualités de Météo-France

IN SITULe secret du pictogramme Arpège, Aladin, Arôme, une cascade de modèles pour prévoir le temps

GRAND AIRThomas Coville, routage sous haute pressionAux prises avec la banquise

CLIMATSimulation et réalitéLes océans dans la tourmente climatique

GRAND FORMATLes trombes vues par la Marine nationale

SYNERGIEEscapade entre deux eaux / Le Beautemps-Beaupré : fl euron de la fl otte du ShomTrois armées et un bulletin

QUOTIDIENPatrouilles sur l’autorouteLa météo nomadePour une route plus sûre

PORTRAITLe Jardinier de Versailles

DANS L’AIRAgenda, livres, internet / Météo et Culture

JOURNAL DU TEMPSUn œil sur la planèteZoom sur la France / En 2007, avril bat tous les records

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Météo - Le magazinePublication trimestrielle Numéro 1 - mars 2008ISSN 1961-9200

Directeur de la publication :Pierre-Etienne BischDirecteur de la rédaction :Michel AssoulineDirectrice éditoriale :Anne GuillaumeRédacteur en chef :Michel HontarrèdeAdjointe au rédacteur en chef :Nathalie Hirsch

Ont participé à ce numéro : Véronique Petit, Cécile Maillard,Laurent Charpentier, journalistes.Pascal Taburet , Ed Alcock, photographes.Marie Boyé-Taillan, secrétaire de rédaction.Adeline Castillon, Marthe GléminDirection artistique et maquette : be-pôleswww.be-poles.com

Imprimé sur les pressesde l’imprimerie de Météo-Francelabellisée Imprim’vert®Impression surdu papier 100 % recyclé

Météo-France1, quai Branly.75340 Paris cedex 07www.meteo.fr

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Bon vent et bonne mer à Météo - Le magazine.

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Nous sommes heureux de vous présenter le premier numéro de Météo - Le magazine, la nouvelle revuede Météo-France, issue de la fusion de deux précédentes publications, Atmosphérique et Met Mar.Le navire est lancé. Aux lecteurs maintenant d’apprécier la pertinence de la nouvelle ligne éditoriale en nous accompagnant dans l’aventure.

Tout en conservant une part technique assumée et revendiquée – réaffirmant par là notre finalité de service public – nous avons fait le choix d’ouvrir nos pages à un lectorat plus large et plus composite. Une nouvelle dynamique, donc, et de nouveaux acteurs. Le ton se veut différent – plus accessible –, mais toujours aussi pointu et exigeant du point de vue scientifique.

Tous ceux qui, par leur réflexion ou leur action, travaillent à l’étude des phénomènes météorologiques et climatiques devront être, dans nos pages, entendus et compris : que ce soient nos partenaires institutionnels, les grandes entreprises concernées, les spécialistes de nos services et toute personne curieuse de savoir ce qui se cache derrière les prévisions météo et les phénomènes climatiques.

Pour illustrer mon propos, je dirais qu’il ne suffit pas que Météo-France prévoie un coup de vent sur le Nord - Pas-de-Calais, il faut aussi que chacun comprenne que ce coup de vent peut être dangereux. De la même manière, lorsque nous donnons la parole aux témoins et aux spécialistesdu changement climatique c’est aussi pour que le monde politique et les acteurs de la société prennent conscience de l’importance de ses enjeux et de ses répercussions sur nos vies.En bref : informer mieux pour inspirer le bon réflexe, à tous les échelons de la société.

Intéresser en distrayant fait aussi partie de nos préoccupations. C’est pourquoi nous nousefforcerons de raconter de belles histoires sur le temps, en allant à la rencontre des personnalitésqui ont des choses à dire. Ainsi, notre nouvelle rubrique Portrait s’ouvre-t-elle avec l’étonnantAlain Baraton, jardinier en chef de Versailles.

Et au fil des articles de la rubrique Grand Air, le lecteur comprendra vite que l’assistance fournieaux sportifs de haut-niveau représente la pointe de diamant du savoir-faire de Météo-France.Tous nos métiers sont présents : l’observation avec les radars et les stations d’altitude quandil s’agit de prévoir les précipitations pour un grand prix de Formule 1 ou une compétition de ski,la climatologie pour définir la meilleure période pour battre un record de traversée océanique,la recherche pour développer et tester les modèles utilisés par les prévisionnistes. Cette rubrique sera aussi l’occasion de familiariser le lecteur avec des situations météorologiques, à l’image de celle rencontrée par le navigateur Thomas Coville dans l’Atlantique Sud.

Accastillé, bien dans ses lignes, le navire est prêt à appareiller. Souhaitons bon vent et bonne merà Météo - Le magazine.

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Pierre-Étienne BischPrésident-directeur général de Météo-France

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dEs ALpINIstEs sur LA MEr« Des montagnes qui plongent dans l ’océan, des mers rugueuses, des animaux peu craintifs, la Géorgie du Sud fait partie de ces terres rares où l ’homme n’a pas sa place, où l ’aventure a la part belle ». Lionel Daudet parle avec passionde cette île de l’Atlantique Sud, dans les « cinquantièmes hurlants », qu’il vientde parcourir dans le sens de la longueuren compagnie de deux autres alpinistes, Philippe Batoux et Emmanuel Cauchy.Mais avant d’y arriver, les montagnards ont dû embarquer à bord d’Ata 2, le voilier d’Isabelle Autissier, et rallier les îles au départ d’Ushuaia en Argentine. Après une dizaine de jours de navigation et une escale aux Malouines, ils sont à pied d’œuvre le 8 novembre pour attaquer leur programme montagne : presque deux mois d’ascen-sions originales dont le sommet principal, le mont Paget (2 933 m). Située à la latitude du cap Horn, avec destempératures moyennes qui dépassent àpeine zéro degré au niveau de la mer, même

au début de l’été austral, la Géorgie du Sudconnaît des conditions météorologiquesdiffi ciles, tant pour la navigation que pourl’alpinisme : tempêtes, neige, brouillardentrecoupés de belles éclaircies se succèdentà un rythme rapide. Yan Giezendanner,prévisionniste de Météo-France, spécialisédans l’assistance aux expéditions de montagne,envoyait régulièrement aux alpinistes, depuisson bureau à Chamonix, ses prévisions sousforme de SMS, par téléphone satellite. « Lamétéo ? Le regard religieux qu’on lui porten’empêche pas nos critiques de païens. Ona eu de très bonnes prévisions et quelquesmoins bonnes, à cause de phénomènes locaux,précise Lionel Daudet. Nous avions convenu avec Yan de recevoir un bulletin par jour, mais on l’a appelé parfois en journée quand il fallait prendre une décision. »Isabelle Autissier et Lionel Daudet devraientclore cette aventure par un livre en commun,un ouvrage écrit à quatre mains, deux pour lamontagne et deux pour la mer. On l’attend avec impatience !

sALoN dE LA tÉLÉ LEs couLIssEs du buLLEtIN MÉtÉo

Les exigences particulières du milieu des compé-titions sportives de haut niveau sont à l’origine de la création du service Météo-France Sports.Depuis de nombreuses années, Météo-Francedispose d’une expertise de haut niveau d’assistance météorologique aux courses àla voile ou automobiles, ainsi qu’aux grandesmanifestations, comme les Internationauxde tennis de Roland Garros ou les jeuxOlympiques d’Albertville en 1992.Météo-France Sports a été créé pour déve-lopper davantage cette activité et la valori-ser : relations avec tous les acteurs de ces milieux, mise en œuvre des solutions mé-téo sur mesure et innovantes, coordination d’une équipe de prévisionnistes spécialisés dans leur domaine sportif…Les interlocuteurs de Météo-France Sports sont les organisateurs de compétitions inter-nationales et nationales, les équipes et écu-ries, les champions et chercheurs d’exploits, les équipementiers, les fédérations sportives et les grandes infrastructures sportives. Les prévisionnistes experts de Météo-FranceSports connaissent parfaitement les enjeuxsportifs et ont gagné la confi ance de nom-breux champions. Ils font souvent partie intégrante des équipes sportives ou du per-sonnel organisateur, tout en restant Météo-France. Ils se constituent, avec Météo-France Sports, en réseau d’échanges pour étendre leur savoir-faire spécifi que. Une quinzaine d’experts sports exercent dans les discipli-nes de la voile, de la haute montagne, des sports mécaniques, aériens, etc. en utilisanttous les moyens techniques de Météo-France(modèles de prévision, moyens de calcul,moyens d’observation et de télécommuni-

cations). Ils travaillent soit à distance, soit sur site, à partir d’informations traitées puis transmises sur un simple micro-ordinateur, pour délivrer des conseils et des aides à la décision.

rALLyEs AutobEAu tEMps pour sÉbAstIEN LoEbEn remportant le rallye Monte-Carlo fi n janvier, Sébastien Loeb, champion du monde des rallyes en 2007 pour la quatrième année consécutive, démarre la saison 2008 en trombe.À travers ses partenariats avec Citroën Sport, Météo-France assiste le champion français depuis 2002 pour tous les rallyes asphalte et bon nombre d’épreuves « terre » du cham-pionnat du monde.Le prévisionniste Guy Bottlaender fournitles prévisions météorologiques à l’équipeCitroën Sport. Sur place deux jours avant ledébut de la course, il reste relié via internetau supercalculateur central de Météo-France,à Toulouse, pour utiliser les images satellite et radar et les données issues des modèlesnumériques. Son analyse de la situation météodétermine le choix, parfois décisif, des pneus à utiliser.

Les ingénieurs de Météo-France qui scrutent attentivement les courbes d’appel des bulletins météorologiques sur le kiosque téléphonique ont relevé un curieux phénomène.C’était en avril 2007, un mauvais mois pour les appels téléphoniques : trop beau, trop doux, trop sec… un vrai mois d’avril comme on les aime quand on n’est pas météorolo-giste. Le nombre d’appels fut donc très en dessous de la normale… excepté le lundi 23 avril. Cette journée présentait un pic d’ap-pels très net, totalement en contradiction avec une situation météorologique estivale sur toute la France. Fins limiers, nos ana-lystes eurent vite fait le rapprochement avec le premier tour des élections présidentielles, la veille. En effet, comme toujours en de pa-reilles circonstances, le programme télé de la soirée fut bouleversé sur toutes les chaînes.Pour laisser la place aux résultats des élec-tions, les bulletins météo furent brefs et diffusés à des heures inhabituelles. Or, le dimanche, c’est le jour où les télévisions annoncent les prévisions pour la semaine à venir. Pour beaucoup, le manque d’informa-tion fut particulièrement ressenti ce soir-là. D’où l’abondance des appels téléphoniques du lundi sur les serveurs de Météo-France. Le même phénomène se produisit le lundi 7 mai, lendemain du deuxième tour des élec-tions présidentielles, et les lundis 11 et 18 juin, lendemains des législatives. L’actualité politique ne détourne pas les Français des préoccupations climatiques.

pAs dE MÉtÉoLEs soIrs d’ÉLEctIoN

MÉtÉo-frANcE sports

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Du 14 au 17 juin 2007, le premier salon de la Télé a attiré plus de 60 000 visiteurs au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris. La Société météorologique de France (SMF) et Météo-France animaient un espace où les visiteurs venaient découvrir le travail de pré-paration d’un bulletin météo avant sa diffusion à la télévision. Des prévisionnistes se sont re-layés pour expliquer au public comment était élaborée une prévision et présenter la situation météorologique du lendemain. Un espace in-fographie avait été aménagé pour permettre aux visiteurs de concevoir eux-mêmes leurs cartes sur ordinateur, en plaçant les picto-grammes et les températures, conformément aux indications données par le prévisionniste

de Météo-France. Puis, chacun pouvait s’exer-cer à la présentation du bulletin météo devant un mur d’incrustation communément appelé « fond bleu ». Une animation qui rencontre toujours un grand succès : pendant ces quatre jours, plus de 500 personnes – en grande ma-jorité des jeunes de moins de 25 ans – s’y sont essayées, souvent conseillées par les présen-tateurs météo du petit écran en personne.Devant le succès de cette première édition, les organisateurs envisagent de reconduire l’opération en 2008.

Photo : De gauche à droite, Évelyne Dhéliat (TF1), Isabelle Périlhou, Marina Raibaldi (France 3 Corse), Sandra Larue (BFM-TV) et Myriam Seurat (France 2). (© SMF)

ÉquIpEMENt hIGh-tEch Au qAtArMétéo France Internationale, filiale spécialisée dans l’exportation du savoir-faire de Météo-France, s’est vue confier par le Qatar l’équipement de son service météorologique. Parmi les différentes prestations fournies, l’une consiste à transformer un véhicule en une station météorologique totalement autonome. Le véhicule est une plateforme Renault de plus de douze mètres de long et quatre mètres de haut, luxueusement habillée, comprenant un salon VIP et une zone de travail équipée des systèmes météorologiques les plus modernes :— une station automatique de mesures météorologiques ;— une alimentation en données par satellite ;— un système de prévision avec les modèles numériques atmosphériques utiliséspar Météo-France ;— un écran plasma géant pour présenter la prévision ;— des moyens modernes de communication et de diffusion de l’information.Ce météomobile high-tech, d’une valeur estimée à un million d’euros, sera acheminé au Qatar par bateau. Il sera utilisé par le Qatar Met Department pour assurer l’assistance météo sur site des événements sportifs, culturels ou touristiques.

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LEs scIENtIfIquEs prENNENtLA tEMpÉrAturE dE LA MoNtAGNEDes scientifiques ont creusé un trou de 60 mètres au sommet du Zugspitze, la plus haute montagne d’Allemagne (2 962 mètres). Un câble avec quinze capteurs de température sera installé sous la calotte glaciaire, puis le trou refermé. Des mesures de température seront alors effectuées toutes les heures pendant quinze ans pour analyser les changements clima-tiques à long terme sous la glace, selon le ministère bavarois de l’Environnement. Ces analyses seront incluses dans une étude à grande échelle des calottes glaciaires de la chaîne alpine.Source : AFP

La réunion annuelle du groupe de gestion de la Commission de météorologie aéronautique (CMAé) – l’une des nombreuses commissions techniques de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) – s’est tenue du 8 au 12 octobre 2007 à Paris, à l’initiative de Météo-France. Afrique du Sud, Canada, France, Hong-Kong/Chine, Malaisie, Mali, Royaume-Uni, Russie, USA, au total neuf pays ont partici-pé à cette réunion présidée pour l’occasion par le Canada. Denis Lambergeon, chef du département des missions aéronautiques de Météo-France, représentait la France. Trois équipes d’experts chargées d’étudier la formation des météorologistes aéronau-tiques, la mise au point de nouvelles pré-visions en zone terminale et les relations avec les usagers ont dressé leur bilan. En outre, les responsables de la CMAé ont porté leur réflexion sur l’amélioration des relations entre l’OMM et l’OACI (Organi-sation de l’aviation civile internationale). Les séances de travail ont été complétées

par une présentation technique du centre météo de Roissy qui a suscité le plus vif intérêt des visiteurs : équipements instal-lés et nouveaux produits météo, réalisés dans le cadre du projet CDM@CDG, ont no-tamment retenu leur attention. Tous deux contribuent à une meilleure gestion du trafic aérien sur le site de Paris-Charles-de-Gaulle.

Photo : Centre départemental de la météo-rologie du Val d’Oise (aéroport de Roissy- Charles-de-Gaulle).

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La tempête qui a traversé les îles Britanniques les 8 et 9 décembre 2007 a soulevé une mer « énorme » au large de l’Irlande. Ici, le qualifi catif « énorme » n’est pas un adjectif anodin ; il s’agit du plus haut degré de l’échelle de hauteur de vague correspon-dant à une hauteur supérieure à 14 mètres.À l’ouest de l’Irlande, trois bouées météo-rologiques britanniques ont mesuré des hauteurs de vagues supérieures à 16,5 m,

avec un maximum à 18,3 m le 8 décembre à 21 h. Pré-cisons qu’en météo marine,les hauteurs de vague correspondent à « la hau-teur moyenne du tiers des vagues les plus hautes » (hauteur notée H1/3) et que, de temps en temps, une va-gue isolée peut faire une fois et demi ou même deux fois cette valeur. Ces hauteurs de vague sontéquivalentes à celles me-surées au cœur des oura-gans : 16,9 m pour Katrina (août 2005), 17,1 m pour l’ouragan Luis (septembre 1995), lors de sa remontée

avant reprise dans la circulation générale d’ouest, 17,9 m pour Ivan (septembre 2004). Elles sont très proches de la hauteur H1/3 centennale, valeur théorique qui a une durée de retour de 100 ans, estimée à 22 m pour cette région de l’Atlantique.Plus près de nos côtes, au large de la Bretagne,deux bouées ont mesuré respectivement16 et 13,9 m. En outre, les satellites européens

ERS-2 et Envisat, équipés de radar altimétri-que, ont mesuré tous les deux entre 13 et 15 m de creux (H1/3) en passant à proximité d’Oues-sant le dimanche 9 décembre vers 12 h UTC.Val Swail, chef du département de climatologie marine du service météo canadien et président d’un groupe international d’experts sur les vagues, pense que « 18,3 m doit être la plus grande valeur jamais mesurée par une bouée […] Les bouées canadiennes ont enregistré au plus 17,5 m (ouragan Luis), 17,3 m (Halloween storm, octobre 1991) et 16,9 m (Storm of the Century, mars 1993). Sinon, un navire de re-cherche britannique a mesuré 18,5 m au large de l’Écosse. »Enfi n, pour ceux qui s’attendaient à voir défer-ler des murs d’eau de 15 m de hauteur sur les plages de Bretagne, précisons que les vagues soulevées par le vent ne sont pas des tsuna-mis. De longueur d’onde beaucoup plus courte(distance de crête à crête), elles se brisent dès que les fonds remontent. Typiquement, une vague de 18 m de hauteur commence à déferler dès que les fonds sont inférieurs à 30 ou 40 m, soit parfois très loin de la côte.

Carte : Hauteurs de vague mesurées le dimanche9 décembre 2007 à 6 h UTC.

« MEr ÉNorME » Au LArGE dE L’IrLANdE

Les tornades de saison froide en Australie pour-raient bien voir leur fréquence diminuer avec leréchauffement climatique. C’est, rapidementrésumé, le constat que porte Raphaëlle Kounkouau terme d’une étude menée par le Bureau of Meteorology Research Center australien.Raphaëlle Kounkou est une jeune ingénieurdes travaux de Météo-France. Comme tous sescollègues de promotion, sa troisième annéede scolarité fut une année de recherche.La direction de l’École nationale de lamétéorologie incitant les élèves à « allervoir comment ça se passe à l’extérieur deMétéo-France », elle n’a pas hésité à partir cinq mois en Australie, à Melbourne, de janvier

à juin 2006, pour travailler sur le thème « im-pact du changement climatique sur le risque de tornade en saison froide ».Le travail a tout d’abord consisté à établir une climatologie des tornades observées depuis 1958 : une douzaine par an dont la moitié en saison froide (en France, on observe deux tor-nades par an dont une tous les deux ans en hiver). Après cet état des lieux, un indice du risque de tornade a été calculé à partir des informations fournies par les modèles nu-mériques d’analyse et de prévision du temps. (Les tornades sont des phénomènes de trop petite taille pour être pris en compte direc-tement par les modèles. En revanche, elles se produisent par certains « types de temps » qui, eux, sont parfaitement analysés par les outils actuels.)Après avoir vérifi é que l’indice de risque de tornade fonctionnait bien (c’est-à-dire qu’il était maximum les jours où des tornades se sont réellement produites), les calculs furent menés à partir des situations météo-rologiques prévues par les modèles de pré-vision climatique. Cinq des vingt-deux modèles

climatiques pris en compte par le Giec (Groupe international d’experts pour l’évolution du cli-mat) furent retenus : les deux modèles français de Météo-France et de l’Institut Pierre-Simon-Laplace et les modèles allemand, russe et canadien. Les calculs furent effectués à partir des simulations climatiques du scénario A2 (évolution de la démographie et de l’économie mondiale conduisant au maximum d’émissions de gaz à effet de serre et donc au maximum de réchauffement climatique). Les cinq modèles furent à peu près unanimes à prévoir une dimi-nution du nombre de tornades en saison froide sur le sud et l’ouest de l’Australie. En quelquesorte, un tout petit point positif à porter aucrédit du réchauffement climatique.

En novembre 2007, Raphaëlle Kounkou areçu le prix Patrice Brochet décerné par l’Association des anciens de la météorologie pour la qualité de son travail.

Photo : Raphaëlle Kounkou, lauréate 2007 duprix Patrice Brochet de l’Association des anciensde la météorologie, lors de la présentation de son mémoire à Météo-France.

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La Solitaire du Figaro et Météo-France ont renouvelé leur partenariat pour trois ans (2008-2010). Le suivi de l’épreuve sera assuré par deux experts de Météo-France, Richard Silvani et Sylvain Mondon, détachés auprès de la direction de course. Ils interviendront en direct lors des briefings de départ d’étape et fourniront régulièrement des bulletins météo à l’intention des organisateurs.Météo-France proposera, chaque matin, sur le site internet de la course – www.lasolitaire.com – un bulletin météo grand public accompagné de cartes météo vents et pression avec la position des bateaux. Météo-France sera présent sur les villages français de la course et attribuera un prix à l’occasion du Prologue Suzuki.

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pLus IL fAIt chAud,MoINs LEs pLANtEs trANspIrENtD’après une étude dirigée par Richard Betts, du Centre Hadley de prévisions et de recherches sur le climat à Exeter (Royaume-Uni), les modèles climatiques (qui sont des logiciels dont le but est de reproduire et d’anticiper le comportement du climat terrestre) sous-estiment les interactions entre les plantes et l’atmosphère. En effet, les modèles élaborés pour étu-dier les mouvements des eaux de surface continentales omettent l’effet du dioxyde de carbone sur les végétaux. Ces derniers se nourrissent d’eau par leurs racines et trans-pirent par les stomates de leurs feuilles. Ces stomates s’ouvrent moins largement lorsque la concentration en dioxyde de carbone dans l’air augmente, réduisant de ce fait la trans-piration : davantage d’eau s’accumule alors sur les sols avec en conséquence un risque accru d’inondations. En revanche, selon cette étude, l’augmentation des sécheresses se-rait moins importante que ce que prévoient les modèles qui ne prennent en compte que les changements météorologiques.Source : AFP (revue Nature vol. 448, p1. 037, 30 août 2007)

prIx NobEL dE LA pAIxLe prix Nobel de la paix 2007 a été attribué à la fois au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et à Al Gore, ancien vice-président des États-Unis, « en re-connaissance de l ’action menée pour rassembler et diffuser les connaissances sur les changements climatiques anthropiques et jeter ainsi les bases des politiques à mettre en œuvre pour en contrer les effets ».La cérémonie de remise du prix s’est dérou-lée à l’hôtel de ville d’Oslo, en Norvège, le 10 décembre 2007. Le président du Comité norvégien du prix Nobel a rappelé que, grâce au GIEC, il n’y avait plus guère de doute aujourd’hui quant à la responsabilité de l’homme en matière de réchauffement du climat. Le secrétaire général de l’Orga-nisation météorologique mondiale (OMM), Michel Jarraud, a insisté sur l’importance des travaux des scientifiques dans le pro-cessus de prise de décision des politiques concernant le réchauffement planétaire.Le GIEC est piloté par un bureau de trente personnes. Jean Jouzel, de l’Institut Paul Simon Laplace, organisme avec lequel Mé-téo-France collabore étroitement, repré-sente la France au sein de ce bureau. Le GIEC lui-même comprend trois groupes de travail :− le Groupe de travail I évalue les aspects scientifiques du système et des change-ments climatiques ;− le Groupe de travail II analyse la vulné-rabilité des systèmes socio-économiques et naturels, les conséquences positives et né-gatives des changements climatiques ainsi

que les moyens de s’y adapter ;− le Groupe de travail III examine les so-lutions pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que les autres moyens d’atténuation des changements cli-matiques.Plusieurs personnes de Météo-France, issues des services de recherche (CNRM/GMGEC, CNRM/GMME), figurent parmi la liste des auteurs des rapports des groupes I et II.

Photo : Al Gore (gauche) et Rajendra K. Pachauri, président du GIEC, lors d’une conférence de presse en décembre 2007 à l’occasion de la remise du Prix Nobel de la Paix.

coMMIssIoN dÉfENsE-MÉtÉoroLoGIEL’amiral Pierrick Blairon, major général des armées, et Pierre-Étienne Bisch, président- directeur général de Météo-France, ont coprésidé la 19e réunion de la commission Défense- Météorologie qui s’est tenue le 12 novembre 2007 sur le site de l’École militaire à Paris. Après avoir souligné les excellentes relations entre Météo-France et l’état-major des armées, une convention-cadre a été signée. Par ailleurs, les représentants des deux parties, présents à cette réunion, ont abordé différents aspects de l’assistance météo fournie aux armées :

− la mise en place du Centre interarmées de soutien météo-océanographique des forces (CISMF) à l’échéance 2009 ;− l’offre de service de Météo-France au profit de l’Otan ;− un point de situation en matière de recherche et développement et l’évocation des besoins en puissance de calcul ;− l’harmonisation des formations des météos militaires ;− les réponses de l’Établissement en matière de climatologie pour les armées ;− le rôle des personnels de Météo-France au profit des forces, notamment sur les plate-formes aéronautiques militaires.

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Ce dimanche 8 septembre 2002, des pluies di-luviennes s’abattent sur le Gard et l’Hérault. En quelques heures, la terre n’en peut plus. Saturée, elle rejette l’eau qui, de rigoles en ruisseaux, déferle maintenant en torrents furieux. On enregistre 690,5 millimètres de précipitations en vingt-quatre heures près d’Anduze ! Les rivières débordent, ravinent les routes, saccagent habitations et entreprises. La ville de Sommières est ravagée par la brutale crue du Virdoule. Coulées de boue et inondations : dans la région, on déplore 23 morts et 395 communes sont déclarées en état de catastrophe… Le désastre, qui fait suite à d’autres inondations dramatiques, provoque une prise de conscience na-tionale. Pour limiter les conséquences, il faut aller au-delà de la prévision des pluies intenses, tâche assignée à Météo-France, et de la seule annonce des crues dévastatrices. Il faut un nouvel organisme, une structure capable d’assurer la liaison entre tous ceux qui travaillent dans le domaine, hydrologues et météorologues. Ce sera le Schapi, Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations. Créé en juin 2003, il est inauguré le 5 septembre suivant par Roselyne Bachelot, alors ministre de l’Écologie et du Développement durable. Son discours inaugural donne une idée de l’ampleur de l’action à mener. « J’ai constaté, dès mon arrivée au gouvernement, la vétusté et donc l’inadaptation du dispositif national d’annonce des crues. Lesservices d’annonce des crues ont été créés il y a unevingtaine d’années et localisés en fonction de critères

que je n’arrive toujours pas à comprendre… » Jean-Michel Tanguy est le maître d’œuvre du Schapi. Ingénieur des Ponts et Chaussées, il s’est notam-ment spécialisé dans la modélisation numérique de phénomènes hydrologiques. Pour ce scientifique qui a travaillé sept ans au Canada, « tous les acteurs au sein d’une équipe sont importants. Pour une bonne cohésion, il faut comprendre que la secrétaire a un rôle aussi considérable que le patron ». Situés sur le vaste campus de Météo-France, à Toulouse, afin de faciliter une collaboration accrue avec les météoro-logues, les locaux du Schapi accueillent aujourd’hui trente-trois personnes. Cette équipe coordonne et synthétise le travail de terrain de 370 techniciens et prévisionnistes répartis dans tout le pays au sein de vingt-deux services de prévision des crues (SPC). Mesures de pluies, niveau d’eau des rivières et nap-pes phréatiques, hauteurs des marées… En perma-nence, dans chaque région, une masse de données alimente des outils informatiques aidant à la pré-vision des inondations. Les résultats sont rassem-blés ici, à Toulouse. Ils servent à l’élaboration d’une carte de « vigilance crues », consultable par tous sur internet (www.vigicrues.ecologie.gouv.fr) et actualisée deux fois par jour, dont les principes reprennent ceux de la carte de vigilance météorologique.Le rôle du Schapi ne se limite pas à cette production. Un des objectifs de ce service est de développer et de diffuser de nouveaux outils de prévision des crues, capables de mieux anticiper les phénomènes locaux pour approcher au plus près la réalité. « En quelques

L’apparition du pictogramme « pluie-inondation »sur la carte de vigilance de Météo-France, est l’aboutissementd’un travail de collecte de données et de prévision menépar des centaines de personnes. Une tâche chapeautéepar le Schapi, service peu connu. Découverte.

Par Laurent Charpentier

1_ Jean-Michel Tanguy, directeur du Schapi.2_ La Garonne en crue. Bordeaux, mai 2007.3_ La Gravona en crue. Corse du Sud, octobre 1996.

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Carte vigilance de Météo-FranceDiffusée le mercredi 16 janvier 2008

Météo - Le magazine - N°1 - 9 -

années, nous avons fait un saut technologique, mais nous souhaitons aller au-delà, pour fournir une infor-mation aussi précise que possible, 24 à 48 heures à l’avance, explique Jean-Michel Tanguy. Pour nous, ce sont les conséquences de la pluie qui sont importantes. Si nous nous trompons de 100 kilomètres, la crue prévue peut avoir lieu dans le bassin d’à côté… Nous

devons être extrêmement précis. La pluie qui tombe sur un petit bassin pentu déjà humide peut être catastrophique, alors que la même pluie tombant sur le même bassin après un été très sec, ne provoquera rien, puisque l’eau va s’infiltrer. »Cette avancée vers plus de précision dans les prévisions a été marquée, le 5 décembre 2007, par l’apparition du pictogramme « pluie-inondation » sur la carte de vigilance de Météo-France bien connue du grand public. L’affaire paraît minuscule. Elle est énorme. Elle a nécessité l’harmonisation des critères définissant le risque de crue entre tous les organismes intéressés, au niveau régional comme national. En clair, ce n’est pas parce que la pluie s’arrête que le danger est forcément écarté. Selon l’état des sols, le ruissellement peut provoquer ou non un débordement des cours d’eau… Météorologues et hydrologues évaluent ensemble le niveau de risque et déterminent sur la carte de vigilance la

couleur à affecter aux départements menacés.« Mon challenge est d’améliorer cette carte en augmentant l’importance du réseau hydrographique sous surveillance, ajoute Jean-Michel Tanguy. Aujourd’hui, seuls 20 000 sur les 120 000 kilomètres des cours d’eau de plus d’un mètre de large sont équipés de capteurs permettant leur contrôle. « J’aimerais essayer d’établir un diagnostic plus fin pour identifier les zones à risques et pouvoir prévenir les populations dans ces secteurs. » La connaissance du terrain est apportée au Schapi par les vingt-deux services de prévision des crues. Leur savoir unique permet de corriger les outils de modélisation hydrologique. Pas étonnant donc que la création d’une base de données historique pour chaque bassin soit d’actualité. Une fois complète, elle aidera à mieux anticiper la réaction de tel ou tel cours d’eau… Si les missions du Schapi comprennent le conseil et la formation, sa finalité est l’information du public et des services de l’État. Une astreinte quotidienne qui peut – en cas d’alerte sur des zones sujettes à des crues éclair – se muer en une veille 24 heures sur 24. « Il ne faut pas considérer que notre rôle se limite à la prévision des inondations, explique Jean-Michel Tanguy. Notre tâche est terminée quand on est sûr que les services de sécurité civile ont eu toutes les informations pour intervenir auprès du public et sauver les habitants. C’est fondamental. C’est une vraie mission régalienne de l’État. »

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ArpÈGE, ALAdIN, ArÔME,uNE cAscAdE dE ModÈLEspour prÉVoIr LE tEMpsIls ont pour nom Arpège, Aladin et Arôme, le dernier-né. À eux trois, ils forment une véritable cascade de modèles numériques, imbriqués les uns dans les autres, prévoyant le temps respectivement sur le globe, l’Europe et la France, chaque modèle se nourrissant des prévisions du modèle supérieur.

ArÔME, uN pArfuM tout EN fINEssEAujourd’hui, prévisionnistes et chercheurs de Météo-France peaufi nent les réglages et mènent les derniers tests du modèle Arôme, le plus précis des trois logiciels de prévision du temps. Bénéfi ciant de toutes les avan-cées et des connaissances en la matière, il a été conçu pour représenter les nuages les plus virulents – les cumulonimbus –, ce que ne savaient pas faire ses prédécesseurs. On espère ainsi améliorer la prévision des orages, des rafales, des précipitations et plus généralement prévoir plus fi nement le vent, la température, la visibilité… Pour atteindre cet objectif, la « maille », distance entre deux points de grille du modèle, est réduite à 2,5 km, quatre fois moins que son grand frère Aladin. La réduction de la maille apporte de nombreux avantages. Elle permet de mieux représenter le relief et la nature du sol. Ainsi, la modélisation varie en fonction de la portion de la maille d’Arôme qui peut être de type mer, ville, lac ou champêtre. Elle per-met également d’ « assimiler » les mesures des radars, des satellites et des 550 stations météorologiques de métropole (le réseau Radôme) pour enrichir la connaissance fi ne du temps présent. Enfi n, à cette échelle, les mouvements verticaux de l’atmosphère qui donnent naissance aux cumulonimbus peuvent être représentés (voir encadré).Mais toute médaille a son revers. Avec une représentation aussi fi ne du relief et de la nature du sol, impossible de couvrir la Terre entière. Sinon les temps de calcul seraient

trop longs et la prévision pour le lendemain serait disponible trop tard pour pouvoir être utilisée par les prévisionnistes. Le domaine d’Arôme est donc limité à la France métro-politaine. Arôme reprend et affi ne une pré-vision à plus grande échelle, plus grossière, fournie par le modèle Aladin.

ALAdIN, LE NoMAdEAvant l’arrivée d’Arôme, Aladin constituait le nec plus ultra en matière de modèle de prévision du temps. Si sa distance de maille (9,5 km) n’a pas changée depuis avril 2003, il a bénéfi cié récemment d’améliorations, notamment la prise en compte des radars, dont on tire des détails d’organisation du vent, ou de certaines mesures du satellite Météosat. À la différence d’Arôme, les cu-mulonimbus lui échappent totalement, mais il est capable de représenter les bandes pluvieuses liées aux fronts météorologiques,larges de quelques dizaines de kilomètreset longues de plusieurs centaines dekilomètres.Le domaine d’Aladin-France — près de3 000 km de côté — englobe celui d’Arôme. Ses prévisions vont jusqu’à 60 heures d’échéance.Aladin a certes un domaine limité, mais il peut être facilement transporté par-tout dans le monde. Où qu’ils soient, ces « clones » d’Aladin sont « alimentés » par le modèle à couverture mondiale Arpège. C’est une pratique couramment utilisée pour répondre aux besoins des armées appelées à intervenir sur des théâtres d’opération

Un modèle numérique

de prévision du temps

est un ensemble de pro-

grammes informatiques

simulant le fonctionne-

ment de l’atmosphère.

L’atmosphère est

représentée par ses

principaux paramètres

(pression, vent, tempé-

rature, humidité) en une

multitude de points. Ce

maillage est constitué

d’une grille horizontale

et d’un certain nombre

de niveaux entre le sol

et 60 000 m d’altitude.

La distance horizontale

entre deux points de

grille est la « distance

de maille » ou « maille »

du modèle. Elle défi nit la

précision du modèle.

Pour effectuer une

prévision du temps, le

modèle détermine l’état

présent de l’atmos-

phère en « assimilant »

toutes les mesures

disponibles. Par des

calculs complexes, les

différentes mesures ef-

fectuées par les stations

météorologiques, les

avions, les navires, les

satellites, les ballons…

sont interpolées pour

être affectées aux points

de grille. Puis, à l’aide

des équations de la dy-

namique des fl uides et

de la thermodynamique,

le modèle procède, pas

à pas, au calcul de l’état

prévu de l’atmosphère à

différentes échéances.

Réduire la distance

de maille permet de

mieux représenter

l’atmosphère dans son

ensemble, ainsi que les

phénomènes qui l’affec-

tent. Par exemple, avec

une maille de 10 km, les

mouvements ascendants

de l’air (qui donnent

naissance aux nuages

de type cumulonimbus)

sont compensés

par les mouvements

descendants. À cette

échelle, l’atmosphère

semble en équilibre. Le

modèle ne « voit » donc

pas ces mouvements

verticaux et ne peut

représenter les nuages

qui les accompagnent.

En revanche, avec

une maille de 2,5 km,

il devient possible de re-

présenter explicitement

ces mouvements.

Mais réduire la distance

de maille conduit à

multiplier le nombre

de points, le volume

des données et surtout

les temps de calcul. La

distance de maille d’un

modèle est donc un

subtil équilibre entre

la puissance de calcul

disponible, le domaine

géographique à couvrir

et les délais pour obte-

nir la prévision.

1a_Le modèle Arpège couvre la Terre entière. Le modèle Aladin (en vert) affi neses prévisions sur l’Europe. Le modèle Arôme (non représenté) fait de même à partirdes prévisions d’Aladin.1b_Le relief alpin vu par Arpège, Aladin et Arôme. Plus la maille d’un modèle est fi ne, meilleure est la représentation du relief.

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1b

Michel Hontarrède. Météo-France

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Météo - Le magazine - N°1 - 11 -

lointains – Côte d’Ivoire, Afghanistan – et pour les DOM-TOM. Il existe notamment une version d’Aladin centrée sur les Mascareignes utilisée par le service météorologique de La Réunion, responsable régional de la prévision cyclonique.

ArpÈGE, LE chEf d’orchEstrEEn météorologie, on considère que pour prévoir le temps en France pour les deux jours à venir, il faut surveiller le temps qu’il fait sur l’Europe, la Méditerranée et l’Atlantique Nord. Pour pousser la prévision au-delà, il faut prendre en compte tout l’hémisphère Nord et, si on y ajoute l’hémisphère Sud, c’est encore mieux. Afin d’être en mesure de prévoir le temps sur la métropole jusqu’à quatre jours d’échéance, ainsi que sur les DOM-TOM, les zones ma-ritimes associées, et sur toute région où les armées pourraient être amenées à intervenir, Météo-France dispose d’un modèle mondial. C’est le rôle d’Arpège. Ce modèle présente une focalisation originale sur le Proche- Atlantique et l’Europe : la « grille » qu’il utilise est lus fine dans cette partie du monde qu’aux antipodes. Récemment, le nouveau calcu-lateur de Météo-France, en service depuis le printemps 2007, a permis de réduire la distance entre deux points de grille : 15 km au lieu de 23 sur la France, 86 km au lieu de 133 à l’opposé, dans le Pacifique. Sur la verticale, Arpège est passé de 46 à 60 niveaux, entre le sol et environ 60 000 m. Arpège élabore des prévisions jusqu’à J+3 inclus. Au-delà, Météo-France utilise le modèle IFS1, mis en œuvre à Reading par le Centre européen de prévision météorologique à moyen terme (CEPMMT). IFS pour la prévision lointaine, Arpège pour les tempêtes, Aladin pour les fronts, Arôme pour les orages, ces modèles constituent les maillons de la chaîne de prévision. Bénéficiant d’un code informatique commun, fonction-nant en cascade pour trois d’entre eux, toute amélioration de la qualité de l’un profite à la qualité de l’autre. Cependant, le dernier maillon avant diffusion de l’information est bien le prévisionniste. À lui de surveiller le fonctionnement de cet ensemble, de détecter et de corriger le plus tôt possible toute dérive. Car un modèle, aussi sophistiqué soit-il, reste un outil. Le prévisionniste anticipe les défauts et limites du modèle pour mettre une information claire et fiable à la disposition des usagers et des clients, correspondant parfai-tement aux diverses attentes.

1_Le modèle IFS délivre des prévisions jusqu’à J+15 et met en œuvre une « prévision d’ensemble » afin d’en estimer l’incertitude. Notons que les modèles numériques IFS, Arpège, Aladin et Arôme sont bâtis autour d’un noyau de logiciel unique, maintenu de concert avec le Centre européen de prévision météo-rologique à moyen terme (CEPMMT).

En forêt, le vent est moins fort

qu’au milieu d’une prairie ;

en ville, le béton accumule la

chaleur du jour et la restitue

la nuit ; en montagne, un sol

couvert de neige se refroidit

beaucoup plus ; en plaine,

certains types de sols restent

humides longtemps après la

pluie et alimentent en retour

l’atmosphère en vapeur

d’eau ; autant d’exemples qui

montrent que la nature du sol

a une grande influence sur

les conditions météorologi-

ques locales. Rien d’étonnant

donc qu’Arôme sache, pour

chacune de ses mailles, quelle

est la nature de la surface :

eaux fermées (lacs), eaux

libres (mers et océans),

surfaces urbanisées (villes,

aéroports) et surfaces natu-

relles (végétation). De plus,

douze classes de végétation

sont définies : sol nu, rochers,

neige permanente, arbres à

feuilles caduques, forêt de

conifères, forêt de feuillus,

culture d’été, culture d’hiver,

cultures irriguées, prairies,

prairie tropicale, parcs et jar-

dins. Et comme la végétation

se développe au printemps et

que les arbres perdent leurs

feuilles à l’automne, certains

paramètres changent au fil

des saisons.

La base de données utilisée

pour caractériser les mailles

d’Arôme a pour nom Ecoclimap.

Elle est mondiale, les surfaces

sont définies kilomètre-carré

par kilomètre-carré et elle

ne détaille pas moins de 250

écosystèmes différents. Des

précisions supplémentaires au

service d’Arôme.

La première carte représente la moitié sud de la France,

le 1er novembre 2007 à 10 heures, vue par le satellite Météosat (3a).

Les taches blanches sont des nappes de brouillard ou de

nuages bas de type stratus, engendrant un temps gris humide

avec risque de bruine. En dehors de ces zones blanches, le

soleil brille.

Sur cette image satellite, en surimpression, a été ajoutée la

prévision du modèle Arôme faite la veille au matin (prévision

à 27 heures d’échéance). Si Arôme était parfait, le trait rouge

épouserait exactement le contour des taches blanches. C’est

pratiquement le cas sur le Massif central où Arôme fait bien la

différence entre le temps humide des vallées et plus sec des

plateaux. L’outil est un peu moins performant sur les Charentes,

le Médoc, les Landes et, plus à l’est, sur une partie des Alpes,

mais l’essentiel de l’information est donné.

À titre de comparaison, nous avons ajouté la même situation

vue par le modèle Aladin (3b). C’est nettement moins détaillé.

Aladin ne voit rien des nuages bas du sud-ouest de la France.

Il distingue seulement une zone à forte probabilité de nuages

bas sur le Poitou-Charente (trait rouge).

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3a 3b

2_Fractions urbanisées. Nombreux sont les paramètres météorologiques influencés par la nature du sol. Les modèles météorologiques les plus récents intègrent donc cette donnée. Ici, pourcentage d’urbanisation pour chacune des mailles (surface de 6,25 km2) du modèle Arôme.

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- 12 - Météo - Le magazine - N°1

Thomas Coville n’a vraiment pas eu de chance dans sa tentative de record de tour du monde en solitaire : retard au départ, anticyclone barrant l’accès aux vents favorables, des glaces et, pour fi nir, un abandon sur avarie. Pour autant, l’engagement des uns et des autres n’aura pas été vain. L’expérience acquise sera précieuse lors d’une prochaine tentative. Ce qui est vrai pour l’équipe qui met au point le trimaran et pour le skipper qui le mène à la limite du raisonnable l’est aussi pour Richard Silvani, prévisionniste de Météo-France assurant le routage depuis la terre. Retour sur une assistance exigeante.

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En ce lendemain de Noël, Richard Silvani, prévisionniste de Météo-France, n’est pas très bavard, limite taciturne. Pour qui le connaît, pas de doute. Quelque chose ne va pas dans le routage de Thomas Coville qui tente, avec son trimaran Sodebo, de battre le record de tour du monde en solitaire détenu par Ellen MacArthur.« C’est vraiment pas de chance. On a un anticyclone (ndlr : zone de haute pression atmosphérique sans vent) en forme de T sur la route. Une branche nous empêche de faire route à l’est, vers le cap de Bonne-Espérance, l’autre nous empêche de gagner directement les latitudes sud pour prendre les vents d’ouest. Il va falloir rallonger la route pour le contourner. »Thomas Coville est parti le 19 décembre au soir. « On aurait aimé partir plus tôt, mais le bateau n’était pas prêt ». En tout cas, le fort vent de nord-est a permis à Thomas Coville de maintenir une vitesse élevée pour traverser le golfe de Gascogne. Puis il a fallu éviter une dépression avec ses vents de force 9 à 10, ses grains et une mer formée, dangereuse qui se maintenait à la hauteur

du Portugal. « On a contourné la dépression par le nord, reprend Richard, ce qui a permis de gagner l’équateur en moins de huit jours, comme prévu. C’est un peu plus que Joyon, mais on était mieux placé, moins à l’ouest. On n’a pas perdu trop de temps dans le pot au noir. Mais là, cet anticyclone devant nous, c’est vraiment pas de chance. Joyon, lui, a pu couper en ligne directe vers le cap de Bonne- Espérance. » Il ne le laisse pas trop voir mais c’est bien ça qui le chagrine. Francis Joyon, autre candidat au record parti le 24 novembre, a eu la chance de bénéficier d’ex-cellentes conditions météo même au-delà de l’équateur. Et c’est bien de chance dont il s’agit car, si la science météorologique et l’expérience du routeur sont prépondérantes pour les sept, voire les dix premiers jours, au-delà, le hasard reprend ses droits.Tous les jours, vers 8 h, Richard étudie et compare les prévisions de différents modèles numériques. En superposant sur son écran d’ordinateur les cartes de pression issues de ces sources différentes, il repère quand et où les prévisions divergent et se fait ainsi une idée du degré de confiance à leur accorder. Une sélection de ces documents est envoyée à Thomas Coville, à bord du trimaran So-debo. Pour les visualiser, Météo-France a développé une version simplifiée de Synergie, l’outil qu’utilisent quotidiennement les pré-visionnistes. Christian Dumard, de l’équipe à terre, qui assure un suivi à la fois technique et météorologique du record, est équipé de même. Ainsi, le dialogue est grandement facilité. Car, chaque jour a lieu une véritable téléconférence à trois, entre les deux hommes à terre et le skipper, pour définir la stratégie à suivre. Outre ce rendez-vous quotidien, Richard, qui reçoit tous les quarts d’heure position, cap, vitesse du bateau et conditions météo, peut appeler le skipper

à tout moment pour confirmer ou infirmer l’option choisie, ou le prévenir de l’arrivée d’un grain visible sur les images satellite. Ce matin, la décision a été prise de faire le tour de ce sacré anticyclone qui barre la route. Un détour nécessaire pour la suite mais qui va coûter au bas mot deux à trois jours de retard sur Francis Joyon lors du passage de Bonne-Espérance. De plus, cette route entraîne Sodebo par des latitudes très sud, augmentant d’autant le risque de rencontrer des icebergs. « Joyon a passé Bonne-Espérance par 45°S. Nous on ne sera pas loin de 50°S » précise Richard Silvani. Le « nous » désigne bien évidemment le bateau et son skipper. Richard l’emploie systémati-quement quand il parle de Thomas Coville, même quand il s’agit d’une manœuvre que le skipper est pourtant seul à effectuer : « on a empanné, on a pris deux ris ». Le routeur est vraiment à cent pour cent dans la course. Pour l’heure, cette nécessité de descendre très sud en latitude, avec le risque de glace, est un souci de plus pour Richard. Il multiplie les appels téléphoniques pour recevoir les informations les plus précises concernant

les icebergs à la dérive. Et pour couronner le tout, le modèle européen prévoit la formation d’un cyclone à l’entrée de l’océan Indien. « Je n’ai rien dit à Thomas, il y a peu de chance que le cyclone descende autant au sud. Mais c’est toujours à surveiller. »

Deux jours plus tard, le 29 décembre, Thomas touche comme prévu le vent de secteur nord attendu. Bien positionné à l’avant d’une dépression, il enchaîne les journées avec des distances parcourues impressionnantes, regagnant le temps perdu lors de la traversée de l’Atlantique Sud.Mais le 3 janvier, les craintes de Richard sont confirmées. Sodebo traverse un champ d’icebergs. « Par 48°45’ S et 10° 19’ E, je suis le témoin oculaire de ce fameux réchauffe-ment climatique. De mémoire de naviguant, on n’avait jamais vu de glace aussi nord en cette saison » écrit Thomas Coville sur son site internet (www.sodebo-voile.com). Malgré le froid et, surtout, malgré le danger que re-présentent les « growlers », petits fragments d’icebergs trop petits pour être vus de loin et suffisamment gros pour endommager la coque, le skipper maintient une moyenne d’enfer, record oblige. Mais le 6 janvier, Thomas Coville annonce à la fois avoir battu le record de distance parcourue en 24 heures (619,3 milles marins soit plus de 25 nœuds de vitesse moyenne) et son abandon suite à un flotteur endommagé par un choc, peut-être un morceau de glace.On imagine la déception du skipper.Quant à Richard Silvani, l’objectif a changé mais la pression reste la même. Il s’agit rien moins que de ramener à bon port, en l’occur-rence Cape Town, le grand oiseau blessé et son skipper, en évitant coups de vent et mers difficiles. Un « routage-sécurité » tout aussi exigeant que la recherche de la performance.

1_Routes suivies par Sodebo (en rouge) et par Ellen macArthur (en bleu pour l’aller et en noir pour le retour). Les lignes noires, les isobares, dessinent des zones de haute pression (anticyclones) et de basse pression (dépression). Les flèches indiquent le sens du vent. Sur cette carte, on remarque que Thomas Coville a suivi depuis le début une route semblable à celle d’Ellen Mac Arthur, la route « normale » pour rejoindre l’équateur et contourner l’anticyclone généralement centré sur Sainte-Hélène. Mais en ce 27 décembre, l ’anticyclone s’étend en travers de l’Atlantique Sud, avec en son centre une zone sans vent.2_Trois jours plus tard, le 30 décembre, l ’anticyclone a pris une forme de T particulière-ment contrariante pour faire route à l’est. La meilleure solution : se rallonger en faisant route au sud, attraper la dépression qui se dessine au large de l’Argentine et la suivre dans son déplacement vers l ’est.

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“ Le Mikheev est descendu jusqu’au 75° nord, mais netrouve toujours pas de passagevers l’ouest ”

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Pierre Taverniers,

météorologiste au

Centre départemental

de la météorologie de

la Haute-Vienne, nourrit

une passion peu com-

mune pour les régions

polaires. En 1983, il

découvre la météorolo-

gie des hautes latitudes

en hivernant en Terre

Adélie. En 1987-1988, il

hiverne à Qeqertaq, sur

la côte ouest du Groen-

land, pour mener une

étude sur le savoir inuit

concernant la neige et la

glace. Il obtient ensuite

un diplôme supérieur

de langue et culture de

l’Arctique.

Ces dernières années,

son expérience, sa

connaissance de la

langue et son activité

de conférencier, notam-

ment à l’Espace culturel

inuit de Paris, lui ont

permis d’être sollicité

chaque été par l’agence

Grands Espaces pour

accompagner des croi-

sières très nordiques.

Mais en 2008, il

s’attaque à un projet plus

scientifi que. Parmi les

sujets de recherche

sélectionnés dans

le cadre de l’Année

polaire internationale,

le programme Siku

(Sea Ice Knowledge

and Use) vise à docu-

menter le savoir inuit

concernant la glace de

mer dans le contexte

du changement

climatique. Coordonné

par le docteur Igor

Krupnik (Smithsonian

Institution, Washing-

ton), le programme

comprend des équipes

au Canada, Groenland,

Tchoukotka, en Alaska

et en … France. Pour

sa part, Pierre Taver-

niers se propose de

retourner à Qeqertaq

au cours de l’été

2008, vingt ans après

sa première mission,

afi n d’étudier l’impact

de la réduction de la

banquise sur cette

communauté inuite au

travers des témoignages

des habitants.

Météo - Le magazine - N°1 - 15 -

31 AoÛt 2007Longyearbyen, capitale de l’archipel norvégien du Svalbard, plus connu sous le nom de l’île principale, Spitzberg. La neige blanchit le paysage n’épargnant que les fonds de vallées proches du niveau de la mer. Malgré les prémices hivernales, cette période de l’année est la plus favorable pour naviguer en direction du Groenland, car elle correspond au minimum saisonnier d’extensionde la banquise. Notre navire, le Mikheev, est un ancienravitailleur du service d’hydrographie de Russie,reconverti dans le tourisme polaire. Nous appareillons vers 17 heures et mettons cap à l’ouest. La dernière carte des glaces, émise par l’Institut météorologique norvégien, indique une banquise parti-culièrement étendue le long du Groenland.

1Er sEptEMbrEAprès une première nuit en mer agitée, nous entrons en contact avec la banquise en début d’après-midi, par 77° nord et 2° ouest. Le commandant réduit la vitesse du navire de 13 à 2 nœuds. Le Mikheev progresse lentement au milieu de glaces de plus en plus ser-rées, de tailles et de formes variées, qui amortissent considérablement la houle. Leur extension horizontale varie de moins de deux mètres (petit glaçon) à une centaine de mètres (petit fl oe). Leur épaisseur oscille entre cinquante centimètres et plusieurs mètres. Leur surface est irrégulière, marquée par des mares dues à la fonte estivale, et par des crêtes et hummocks érodés pouvant atteindre deux à trois mètres de hauteur. Les glaces les plus jeunes se sont formées l’hiver dernier. Les plus anciennes peuvent dater de 6 à 7 années. Elles ont épaissi durant plusieurs hivers au nord du Canada ou du Groenland, puis ont été entraînées par le courant transarctique, puis ont franchi le détroit du Fram, entre le Groenland et le Svalbard, pour atteindre la mer du Groenland, où elles continuent à dériver vers le sud.Le Mikheev possède une coque renforcée et peut navi-guer dans une banquise d’un mètre cinquante d’épais-seur. Mais dans cette glace serrée de 7 à 8 dixièmes de concentration1, formée de blocs très épais, il doit se frayer un passage entre les fl oes, poussant les uns,

contournant les autres, à vitesse très réduite, et court lerisque d’endommager son hélice. Aussi le commandantPruss décide-t-il de mettre le cap au sud-ouest, de suivrela lisière des glaces, jusqu’au 75° nord où la cartedes glaces indique un passage. Avant de sortir de la banquise nous profi tons de la mer calme pour effectuer une première sortie en Zodiac et approcher un phoque barbu, des mergules (oiseaux de la famille des Alcidés, vivant en Arctique) et des mouettes ivoire.

2 sEptEMbrELe Mikheev est descendu jusqu’au 75° nord, mais ne trouve toujours pas de passage vers l’ouest. Nous naviguons sous les stratus (nuages bas) et par mo-ments dans la brume. Les cartes de vent et pression en surface – issues du modèle GFS2 que nous recevons quotidiennement par courrier électronique – indiquent qu’une dépression gagne par le sud et devrait générer des vents de 50 nœuds dans quarante-huit heures. Re-joindre la côte nous permettrait de trouver un abri dans les fjords. Le commandant Pruss se résout à mettre le cap à l’ouest, à travers la glace. Lorsque la brume se dissipe enfi n, il enfi le des vêtements chauds et grimpe dans la mâture inspecter l’horizon aux jumelles : une bande sombre à la base des nuages indique souventla présence d’un chenal ou d’une zone de mer libre.Bientôt la situation s’améliore. Nous pensons avoirgagné la partie. À l’approche du plateau continental, nousobservons plusieurs rorquals communs et, à 18 heures,nous apercevons enfi n le Groenland ! Mais le Mikheev n’ira pas plus loin. Car devant nous s’étend une zone de glace serrée. Nous devons mettre le cap au sud et abandonner l’espoir de visiter la partie nord du parc national. Un faucon gerfaut, oiseau devenu rare, survole le Mikheev. À 22 heures, nous organisons le débarquement despassagers sur un fl oe épais, large d’une cinquantaine demètres. L’utilisation de GPS nous permet de suivre la dérivede notre fl oe : en une heure, il parcourt 0,9 mille vers le sud-est. Si cette vitesse de dérive se maintenait, nous pourrions nous déplacer de 21,6 milles en vingt-quatre heures. En se rapprochant de la côte, la vitesse de la dérive diminue progressivement pour atteindre, dans ce

Journal de Bord de Pierre TaVerniersGroenland 2007

Tout au nord de l’Atlantique, à la limite de la banquise, l’été est déjà fi ni. Nous sommes à bord du Mikheev, entre Spitzberg et Groenland. Récit d’une épopée moderne, le temps d’une croisière polaire dans un paysage grandiose. Découverte, étude et vigilance. 1

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- 16 - Météo - Le magazine - N°1

2

secteur, environ 4 milles par jour. Les mouvementsdes glaces de l’Arctique sont connus depuis quelquesdécennies grâce à des bouées instrumentées, pourla plupart parachutées sur la banquise. Auparavant,seule la dérive d’un navire pris par les glacespouvait nous renseigner. Ainsi, à la fi n du XIXe siècle,le Fram, goélette à trois mâts du Norvégien Fridtjof Nansen, a dérivé pendant trois longues années avecla banquise au travers de l’océan Arctique. Depuisl’automne 2006, le navire polaire Tara, équipé par Météo-France d’une station météorologique automatique de type Minos, effectue un parcours similaire. Mais la dérive s’avère deux à trois fois plus rapide ! Le courant est beaucoup plus fort que prévu et contribue à « vider » l’Arctique de sa banquise pérenne par ce passage étroit entre Spitzberg et Groenland. D’où une importante présence de glace en cet endroit au moment même où l’étendue dela banquise en Arctique n’a jamais été aussi faible. 3 sEptEMbrENous sommes par 73° nord et continuons notre route vers le sud, sans trouver de passage dans la banquise pour rejoindre la côte. Chaque heure écoulée nous éloigne du programme initial et nous rapproche de la dépression… Le chef d’expédition est prêt à abandonner notre programme initial et envisage une solution de repli dans le Scoresbysund. Soudain, dans l’après-midi, alors que le Mikheev n’est plus très loin du 71° nord, nous recevons une nouvelle carte des glaces qui indique un passage possible vers le fjord du Roi Oscar.

4 sEptEMbrE Après quelques diffi cultés, le Mikheev remonte enfi n le fjord, entre d’imposantes parois rocheuses dont les sommets se perdent dans les nuages. Nous débarquons sous la neige qui commence à tomber. Sur la plage se sont échouées des billes de bois fl otté, venues de Sibérie grâce au courant tran-sarctique. Nous apercevons des traces de bœufs musqués et d’ours polaires. Peu après, le Mikheev reprend sa route à la recherche d’un fond de fjord abrité. En fi n de journée, nous passons à proximité de l’île Ella (Ella Ø en danois) et débarquons au cap Hedlund, près du Rohss Fjord, où se dresse une ancienne hutte de trappeur.

5 sEptEMbrELa dépression s’est éloignée. Le vent est passé à l’ouest. Descendant de l’inlandsis, il est accompagné d’un temps sec et enfi n ensoleillé. Nous parcourons plusieurs fjords dont celui de l’empereur François-Joseph, long de 180 kilomètres. Le paysage est gran-diose. Les montagnes enneigées culminent à plus de deux mille mètres et leurs pieds baignent dans l’eau calme des fjords. Les glaciers vêlent des icebergs géants dont certains font plus de cinq cents mètres de long. Dans les vallées, nous pouvons voir des bœufs musqués et des lièvres arctiques. Des vestiges d’habitations inuit témoignent de la présence de la culture de Thulé en cette région, depuis près de 1000 ans. Nous croisons également quelques cabanes uti-lisées de manière temporaire par la patrouille Sirius. Cette patrouille de l’armée danoise, dont l’origine remonte à la dernière guerre (voir encadré), a pour

mission de surveiller quelque 160 000 km2 de région côtière. En été, ils se déplacent à l’aide de bateaux et d’avions et, l’hiver, ils parcourent quelque 16 000 kilomètres en traîneaux à chiens.

6 sEptEMbrE Sorties en Zodiac au pied des glaciers, schistes plissés aux veines multicolores, observation de phoques, sont au programme avant d’entamer la traversée retour.

9 sEptEMbrELe Mikheev s’écarte défi nitivement de la banquise. La houle augmente, le vent forcit et atteint 40 nœuds la nuit suivante. La dépression était bien prévue depuis deux jours, mais inévitable. Le mal de mer commence à se ressentir. Des toiles anti-roulis sont installées aux couchettes des passagers.

10 sEptEMbrEDans l’après-midi, nous atteignons enfi n le Svalbard et l’abri de ses fjords. Encore quelques observations de glaciers, de morses, une recherche d’ours polaire et nous sommes de retour à Longyearbyen, au terme d’une croisière de 2650 milles, quelque peu contra-riée par la banquise et le mauvais temps.Extrait du journal de bord de Pierre Taverniers, 2007.

1. Une concentration de glace de 7 à 8 dixièmes signifi e qu’il reste 2 à 3 dixièmes de surface en eau libre pour naviguer.2. GFS. Modèle numérique de prévision du temps des servicesmétéorologiques américains. Entièrement gratuites, les données de ce modèle sont largement diffusées via internet.

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1_Pierre Taverniers. 2_Le Mikheev, ancien navire ravitailleur du service d’hydrographie de Russie, mesure 60 mètres de long et peut accueillir une cinquantaine de passagers. L’équipage est composé de vingt marins russes. Photo © Pierre Taverniers. 3_Trajet du Mikheev du 31 août au 10 septembre 2007. 4_Zoom sur le trajet du Mikheev du 4 au 7 septembre 2007. 5_Carte des glaces du 31 août 2007.

Météo - Le magazine - N°1 - 17 -

Durant la Seconde Guerre mondiale, les

observations météorologiques réalisées dans

l’Arctique – utiles voire indispensables pour

prévoir le temps en Europe mais aussi pour

assurer la protection aéronautique des vols

entre l’Amérique du Nord et le Royaume-Uni

– se révélèrent d’une importance stratégique

pour les belligérants. Chaque camp œuvra

pour disposer d’informations météorologiques

mais aussi pour en priver l’adversaire.

Durant le conflit, le Groenland fut placé sous

protectorat américain. Craignant que les

Allemands ne s’installent sur la côte nord-est,

le gouverneur du Groenland créa la Patrouille

des traîneaux. Cette unité composée d’une

dizaine de civils volontaires, pour la plupart

Danois et vétérans de l’Arctique, eut pour

mission de réaliser des observations météo-

rologiques régulières, à Ella Ø et Eskimonaes,

et de surveiller quelque mille deux cents ki-

lomètres de côte, en utilisant notamment des

traîneaux à chiens. La côte nord-est du Groen-

land fut alors le théâtre d’affrontements sin-

guliers entre cette poignée d’hommes et un

détachement de l’armée allemande, combats

rendus épiques par l’immensité du territoire,

les rigueurs de l’hiver et la nuit polaire. Des

stations furent détruites, des hommes furent

capturés et certains perdirent la vie.

Aujourd’hui, des observations météorologiques

en surface et en altitude sont effectuées

à Danmarkshavn, par 77° nord, et une station

automatique a été installée à Station Nord,

par 82°de latitude.

3 4

5

Paul-Émile Victor (1907-1995) est un explorateur passionné, pionnier de

l’écologie. Dès 1934, il part à la découverte du Groenland. En 1949, les Ex-

péditions polaires françaises qu’il dirige quittent la côte ouest du Groenland à

l’aide de véhicules chenillés (les weasels), et réussissent à atteindre le centre

de l’inlandsis (la calotte glaciaire). Par 3 000 mètres d’altitude, ils installent

une base, baptisée Station centrale, où hivernèrent huit hommes. Le chef

météorologiste Michel Bouché, assisté de Pierre Chavy et de René Garcia, de

la Météorologie nationale, effectuent des observations en surface et en alti-

tude. La température descend jusqu’à – 65°C ! En juillet 1950, la relève arrive

et les hivernants se préparent à rentrer en France. Paul-Émile Victor choisit

alors de passer par la côte est du Groenland, qui leur est pourtant inconnue.

Les weasels s’aventurent jusqu’au bord de l’inlandsis, malgré le danger que

représentent les crevasses. Depuis le nunatak Cecilia, ils poursuivent à pied,

portant leurs effets personnels mais également trente kilos de documents

météorologiques. Dans le brouillard, ils cherchent un passage, entre falaises,

glaciers et couloirs d’éboulis. La descente vers la côte dure deux jours et

demi, jusqu’au fond du Rohss Fjord.

Un bateau de l’expédition du géologue danois Lauge Koch leur permet

ensuite de rejoindre l’île d’Ella Ø, puis la France.

Les glaces dérivantes ont

longtemps rendu inaccessibles

les côtes est et nord-est du

Groenland. Du temps de la

marine à voile, la navigation

y était périlleuse. « En 1777,

vingt-huit navires furent pris

dans les glaces entre le 74° et

le 75° nord. Tous furent écrasés

et trois cent vingt marins péri-

rent, tandis que cent cinquante

autres réussissaient à dériver

sur les glaces flottantes jusqu’à

la côte ouest, entraînés par

le courant polaire sur plus de

mille huit cents kilomètres. »

(Louis Rey, Groenland Univers

de Cristal, éd. Flammarion).

En 1833, le brick La Lilloise,

commandé par le lieutenant

de la marine française Jules de

Blosseville, disparut dans ce

même secteur. Une côte porte

aujourd’hui le nom de ce ma-

rin. En 1869, La Hansa, navire

d’une expédition allemande,

fut broyé par la banquise vers

71° nord. L’équipage trouva

refuge sur la glace et dériva

avec elle pendant sept mois

jusqu’à l’extrême sud du

Groenland, vers 60° nord, où il

put enfin regagner terre et être

secouru.

Ces glaces qui rendent la

navigation si difficile ont isolé

durant des siècles la popu-

lation autochtone. Les Inuits

de la côte est du Groenland

furent ainsi les derniers Inuits

à entrer en contact avec les

Européens, en 1884. Leur dé-

couvreur, Gustav Holm, n’a pu

les atteindre depuis le sud du

Groenland qu’en naviguant à

bord d’un umiak, embarcation

collective traditionnelle des

Inuits, réalisée avec des peaux

de phoque, en utilisant les

chenaux côtiers entre le rivage

et la glace dérivante.

Encore de nos jours, cher-

cheurs, scientifiques et explo-

rateurs se heurtent à l’hostilité

et au caractère infranchissable

de ces terres polaires.

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- 18 - Météo - Le magazine - N°1

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Le monde entier les a admirés, ils sont devenus des stars planétaires, et pourtant… Les manchots empereurs, immortalisés par le fi lm de Luc Jacquet, La Marche de l’empereur, pourraient disparaître d’ici un siècle, victimes du réchauffement climatique. « Le manchot empereur se reproduit en plein hiver et niche sur la glace de mer, qui abrite sa principale source de nourriture, le krill (ndlr : petites crevet-tes) », explique Henri Weimerskirch, directeur de recherche au CNRS, responsable de l’équipe « Éco-logie des oiseaux et mammifères marins » du centre de Chizé (Deux-Sèvres). « Pour toutes ces raisons, il est acculé en bordure du continent antarctique. Si les glaces de mer disparaissent, comme le prédisent tous les modèles, les populations vont fortement chuter dans les cent prochaines années. Le manchot empereur pourrait même disparaître si le réchauffe-ment continue. » À l’autre extrémité de la planète, au Nord, la disparition des glaces de mer en été pourrait faire une autre victime : l’ours polaire, qui se nourrit en chassant les phoques sur la banquise.Conséquence immédiate du réchauffement, l’élé-vation de la température des océans – de 0,8 degré en moyenne en surface depuis 1900 – provoque un blanchiment des récifs coralliens tropicaux. Stres-sés par une eau trop chaude, les coraux expulsent les algues microscopiques avec lesquelles ils vivent en symbiose. Si l’épisode dure trop longtemps, les coraux meurent. On sait aussi qu’une eau chaude contient moins de phytoplancton (végétal), ce qui chasse certaines espèces de poissons. Le réchauf-fement de l’eau, surtout en profondeur, a un autre

impact : il modifi e la structure des océans. Les zones de rencontre entre les eaux de températures différentes se déplacent. Or ces fronts océaniques forment de véritables frontières nutritives pour de nombreuses espèces. Au Sud, les manchots des îles Crozet nagent parfois plus de 300 kilomètres pour aller se nourrir dans les eaux polaires. Or le front entre les eaux antarctiques très froides et les eaux sub-antarctiques se déplace vers le sud. La distance entre Crozet et la zone de nourriture risque d’être trop importante pour les manchots.Le réchauffement climatique se traduit également par une modifi cation du régime des vents. Autour du continent antarctique, par exemple, le couloir de vent s’est déplacé vers le sud. Il s’éloigne donc des îles Crozet, où se reproduisent les albatros. Or ceux-ci, pour atteindre leurs zones d’alimentation, parcourent des milliers de kilomètres en se laissant porter par les vents. S’ils ne peuvent plus atteindre le couloir de vent, ces longs voyages deviendront impossibles. D’autant que les vents se renforcent.Pour Henri Weimerskirch, dont le laboratoire étudie de près les albatros de Crozet, « le réchauffement climatique peut provoquer des déplacements de populations, certaines espèces venant occuper des territoires abandonnés par d’autres. Les albatros de Crozet, par exemple, pourraient migrer vers un chapelet d’îles de Nouvelle-Zélande. Mais tous les écosystèmes seraient modifi és, avec des consé-quences qu’on ne peut pas prédire. »Réchauffement de l’océan, modifi cation des vents,arrivées massives d’eau douce provenant des glaciers

de l’Antarctique ou du Groenland… Autant de phénomènes qui modifi ent les courants marins. « On s’attend à un brassage moins important entre les eaux de surface et les eaux profondes, explique Laurent Bopp, océanographe au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, chercheur au CNRS. Or ce brassage permet de faire remonter en surface les éléments nutritifs, particulièrement abondants au fond de l’océan, et utiles au dévelop-pement du phytoplancton. Sans brassage, tous les écosystèmes seront bouleversés. »L’ensemble de ces changements a forcément desrépercussions directes sur les poissons, espècesexploitées commercialement par l’homme. Les travauxpubliés en 2003 par Grégory Beaugrand, chercheurau laboratoire Ecosystèmes littoraux et côtiers(CNRS-Université de Lille), montrent que la raré-faction de la morue en mer du Nord ne s’explique pas uniquement par la sur-pêche, mais aussi par le réchauffement des eaux de surface. Dans une eau plus chaude, le plancton se raréfi e, provoquant une surmortalité des jeunes morues.La Terre a déjà connu des changements clima-tiques, et les écosystèmes se sont adaptés. « La grande nouveauté, cette fois, réside dans la rapidité à laquelle se font les changements. Les écosystè-mes n’auront pas le temps de s’adapter, note Ma-rion Gehlen, bio-géochimiste marin, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Ils sont d’une telle complexité qu’on ignore totalement quel sera leur comportement. On entre dans une période d’incertitude majeure.»

Les climatologues américains du Goddard Institute for Space Studies (Nasa) viennent de l’annoncer : 2007 a été la deuxième année la plus chaude depuiscent ans, après 1998. Parmi les milieux aff ectés par ce réchauff ement climatique,les écosystèmes marins commencent à souff rir. Avec des conséquences à long termetotalement inconnues.

Dossier réalisé par Cécile Maillard

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Météo - Le magazine - N°1 - 21 -

L’accroissement du gaz carbonique (CO2) dans

l’atmosphère ne se contente pas de réchauffer

le climat par effet de serre. Il modifie la chimie

des océans. Précieux « puits de carbone », les

océans absorbent entre un quart et un tiers du

CO2 émis par l’homme. Mais une fois dissout, le

CO2 augmente légèrement l’acidité de l’eau. Le

processus est connu de longue date, mais jusqu’ici,

il ne touchait que les eaux profondes. Les eaux de

surface sont désormais concernées. Des éléments

essentiels de la chaîne alimentaire sont menacés,

comme le phytoplancton (végétal) et le zooplanc-

ton (animal). « Dans l’océan, certains organismes

ont des squelettes à base de carbonate de calcium,

sorte de calcaire. Celui-ci est attaqué par les eaux

acides », explique Marion Gehlen, bio-géochimiste

marin au Laboratoire des sciences du climat et de

l’environnement. Sont fragilisé par exemple les

coccolithophoridés, algues unicellulaires dont cha-

que cellule est entourée de plaquettes calcaires,

ou les ptéropodes, petits mollusques des eaux froi-

des, ainsi que les coraux. « Depuis 2000, on sait que

les coraux profonds de l’Atlantique Nord forment

des écosystèmes importants, précise Laurent Bopp,

océanographe, chercheur au CNRS. Or l’Atlantique

Nord absorbe plus de CO2 que d’autres océans.

Ces massifs coralliens, dont on ignore l’importance,

risquent d’être fortement fragilisés par l’acidification

de l’océan. »

La prise de conscience de ce phénomène est ré-

cente, datant d’un colloque organisé par l’UNESCO

en 2004 à Paris. On dispose de très peu d’études

sur les effets de cette acidification des océans. Tout

au plus sait-on qu’elle va se poursuivre, et qu’en

modifiant la chimie de l’eau de mer, elle diminue

le pouvoir d’absorption du CO2 par les océans.

Non seulement l’homme émet de plus en plus de

dioxyde de carbone, mais les puits de carbone

naturels de la planète, comme les océans mais

aussi les forêts, perdent une partie de leur pouvoir.

1

2

1_Manchots royaux.2_Efflorescence de phytoplancton (en vert) autour de l’Islande, vue par le satelliteeuropéen Envisat

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Quand la nature se déchaîne devant l’objectif d’un professionnel, cela donne des images d’autant plus belles qu’ellessont rares. Emmanuel Rathelot, photographe embarqué à bord du patrouilleur de la Marine nationale PSP Grèbe menantune mission de surveillance des pêches en mer Tyrrhénienne, a pris ces images au large de Sagro en Corse orientale,très exactement par 42°03’ N et 9°43’ E, le 3 octobre 2005, peu avant midi. Ce jour-là, le temps est particulièrement agité.

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Une dépression est présente entre Corse et continent. En altitude, celle-ci est surmontée d’une « goutte » d’air froid. Entre la mer encore chaude à cette saison et l’air froid d’altitude, des mouvements verticaux violents donnent naissance à des cumulonimbus et à tous les phénomènes qui les accompagnent, dont ces magnifiques trombes. Cette situation a duré quelques jours. Plusieurs trombes ont été signalées cette semaine-là.

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- 24 - Météo - Le magazine - N°1

Le Beautemps-Beaupré, fl euron de la fl otte du ShomTracté à 20 mètres au-dessus du fond de la mer, le « Poisson » Sonal, petit appareil bourré d’électronique, émet ses ondes latéralement, détectant tout ce qui dépasse ou fait irruption dans les profondeurs. À bord du Beautemps-Beaupré, bâtiment hydrographique et océanographique du Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine), l’hydrographe surveille sur ses écrans les images transmises. Si une « obs-truction » – roche ou épave – est repérée et confi rmée par plusieurs passages, elle sera validée et ira enrichir les banques de données du Shom, avant de fi gurer si nécessaire sur les cartes marines utilisées par tous les navigateurs, du voilier au super pétrolier.Aussi spectaculaire soit-il, le Poisson Sonal, n’est que l’un des moyens dont dispose le Beautemps-Beaupré pour cartographier les fonds et étudier les masses d’eau océaniques. Le navire emporte également des sondeurs verticaux, latéraux, multifaisceaux, pour tous les types de fond, un carottier et une benne pour prélever des sédiments, des courantomètres, magnéto-mètres, marégraphes et sondes bathythermiques pour les études océanographiques ou géophysiques.

De plus, deux vedettes à mise à l’eau rapide, véritables navires océanographiques en miniature, permettent d’aller sonder tout près de la côte.

Fleuron de la fl otte du Shom, le Beautemps-Beaupré est en service depuis décembre 2003. En quatre ans, il a mené des travaux d’hydrographie et d’océanographie en Atlantique, Méditerranée, mer Rouge et océan Indien, tant pour les besoins des armées que dans le cadre de sa mis-sion de service public. Il a notamment participé en 2007 à un important projet mené conjointement par le Shom et l’IGN (Institut géographique national), le projet Litto3D. C’est un travail de longue haleine consistant à établir unecartographie précise du littoral et des eaux peu profondes,une surface de jonction qui ne fait plus tout à fait partiede la terre sans être pour autant accessible aux navires.Or, la pression démographique sur le littoral, le risquede montée des eaux avec le réchauffement climatique, les conséquences économiques des inondations, impliquentde connaître parfaitement cette interface entre la terre etla mer, jusqu’à maintenant ignorée par les deux organismesfrançais de cartographie.

1

Michel Hontarrède. Météo-France

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Météo - Le magazine - N°1 - 25 -

Même si les travaux

en mer et notamment

la « levée des fonds »

constituent le cœur de

métier du Shom (Ser-

vice hydrographique

et océanographique

de la Marine), les 570

personnes qui compo-

sent cet établissement

public ne sont pas

toutes affectées sur

les bâtiments hydro-

graphiques Beautemps-

Beaupré, Borda,

Laplace et Lapérouse,

ou sur les sept vedettes

qui complètent la flotte.

Une grande partie du

personnel travaille à

terre : à Brest, Toulouse,

Saint-Mandé, Toulon

et Nouméa. C’est à

Brest, l’établissement

principal, qu’est tenue

à jour et éditée, sous

forme papier ou

électronique, toute

l’information nécessaire

à la navigation : 1 100

cartes (le tiers du porte-

feuille mondial), 75

ouvrages (instructions

nautiques, livres des

feux, annuaires des

marées…) dont un de

météorologie. Cette

masse d’information,

régulièrement mise à

jour et toujours plus

précise, est au service

de la navigation.

Étant donné leurs do-

maines d’intérêt réci-

proques, l’atmosphère

pour l’un, l’océan pour

l’autre, Météo-France et

le Shom sont amenés à

coopérer étroitement.

Cette collaboration

passe par diverses

actions et projets : contrat

de recherche pour

l’amélioration de la mo-

délisation de la houle,

échange de données

(typiquement les vents

prévus par Météo-

France, le courant cal-

culé par le Shom) pour

alimenter des modèles

développés par l’un

ou l’autre organisme,

mise en commun des

données océanogra-

phiques et atmos-

phériques dans les

systèmes d’information

destinés aux armées, etc.

En 2007, le Shom a

changé de statut. En

tant qu’établissement

public à caractère

administratif (EPA),

il dispose mainte-

nant d’un Conseil

d’administration dont

Pierre-Étienne Bisch,

président-directeur

général de Météo-

France, est membre.

2

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4

3

1_Le Beautemps-Beaupré,bâtiment hydrographique et océanographique.

2_Sonal sur son ber, plage arrière du Beautemps-Beaupré.3_Mise à l’eau du Sonal.

4_Le Sonal mpx avant de plonger.5_Hydrographe de quart devant le système d’acquisition du sonar latéral.

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- 26 - Météo - Le magazine - N°1

Afi n d’assurer la sécurité et la réussite des missions aussi bien aériennes que navales, terrestres ou aéroportées, de surveillance ou encore d’évacuation de ressortissants français, des météorologistes des trois armées sont déployés en permanence sur les théâtres d’opérations extérieures. Mais le travail de ces spécialistes n’est, la plupart du temps, possible que par le soutien à terre d’une équipe qui prépare et relaye l’information météorologique et océanographique. Aujourd’hui, l’armée de terre, l’armée de l’air et la Marine nationale possèdent chacune un centre météorologique, implanté respective-ment à Lille, Taverny et Toulouse. Dans le but d’assurer la cohérence de l’information météorologique lors d’opérations nécessitant l’inter-vention de plusieurs composantes armées, l’état-major des armées désigne un centre chargé d’assurer la coordination des diverses pro-ductions nécessaires au soutien météo-océanographique. Ainsi pour les opérations amphibies, comme l’opération Baliste d’évacuation des ressortissants français au Liban, c’est la Cellule environnement de la Marine, à Toulouse, qui a été désignée. Pour les opérations aéronautiques, comme Héracles Air Indien en Afghanistan, c’est

le Centre de l’armée de l’air de Taverny qui a relayé les données de météorologie aéronautique.En 2008, cette organisation va se concrétiser par la création d’un centre météorologique unique pour les trois armées, le CISMF (Centre de soutien météo-océanographique des forces), ont précisés l’amiral Pierrick Blairon, major général des armées, et Pierre-Étienne Bisch, président-directeur général de Météo-France, lors de la 19e réunion de la commission Défense-Météorologie (12 novembre 2007). La mission du CISMF sera d’assurer en tous temps et en tous lieux un soutien météo-océanographique des forces cohérent sans dupliquer ce que fait Météo-France au profi t des armées évitant ainsi toute redondance de l’information météorologique. Au-delà de ce besoin opérationnel, ce centre unique va permettre de rationaliser les moyens et les efforts. La différence de culture entre météorologistes des trois armées ne devrait poser aucun problème, compte tenu des retours d’expériences positifs lors d’échanges de personnel menés au cours de l’année 2007 (voir témoignages ci-dessous), mais aussi d’une formation initiale commune.

En 2008, le Centre interarmées de soutien météo-océanographiquedes forces (CISMF) s’implante sur le site toulousain de Météo-France. Il devient le centre unique des trois armées.

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Nathalie Hirsch. Météo-France

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Météo - Le magazine - N°1 - 27 -

Eléonore Caille, sergent-chef météorologiste de l’armée de l’air, a embarqué sur le porte-avions Charles-de-Gaulle pour travailler avec l’équipe météo du bord, au printemps 2007.« Avec la création prochaine du Centre interarmées de

soutien météorologique et océanographique des forces,

les météorologistes de la Marine, de l’armée de terre et de

l’armée de l’air seront nombreux à devoir travailler ensemble

au sein de cet organisme. L’échange pour lequel je me suis portée volontaire a permis

de tenter une première expérience, à petite échelle certes, mais en conditions

opérationnelles, de brassage des populations de météorologistes militaires.

Ce n’est pas la première fois que je pars pour un théâtre d’opérations extérieures

– j’ai déjà effectué deux détachements à Mostar en Bosnie et un à Douchanbe au

Tadjikistan –, mais lorsque j’ai découvert de nuit la masse sombre et immense du

Charles-de-Gaulle à quai, j’ai été réellement impressionnée. Avant même de parler

travail, il a d’abord fallu se familiariser avec le bateau pour ne pas se perdre

– un véritable dédale de coursives et de tuyaux –, s’habituer à l’étroitesse de la bannette

et comprendre qu’à bord, il y a un carré pour chaque catégorie de personnel. Mais

les barrières entre les officiers et les « météos » tombent vite dès que les personnes

qui travaillent ensemble se connaissent. Mon intégration au sein de l’équipe météo

du bord s’est très bien passée. Le porte-avions est une vraie base aérienne

embarquée. Il faut simplement se souvenir à chaque instant que cette base aérienne

est en mouvement et en tenir compte lors des prévisions météorologiques.

Les marins utilisent la station de travail Synergie qui permet de rapatrier les modèles

de prévision, le même outil qu’utilisent les prévisionnistes de Météo-France avec

lequel j’ai appris à travailler lors de ma formation. En revanche, la « lutte au-dessus

de la surface » était un domaine nouveau pour moi. Afin d’assurer la meilleure

discrétion possible, il revient en effet au météo de calculer la propagation des ondes

radar dans l’atmosphère à partir des radiosondages. Dans la Marine, le météo-

océanographe est également chargé de calculer la propagation des ondes sonores

sous l’eau pour la « lutte anti-sous-marine ». Ce que j’ai fait la dernière semaine

de ma mission, à l’occasion d’un embarquement sur la frégate Tourville. »

Le CISMF sera implanté sur le site toulousain de Météo-France. Ce choix n’est pas le fruit du hasard. La Défense profitera des locaux de la Cellule environnement de la Marine déjà implantée sur la Météopole d’une part, et de la proximité des services de Météo-France d’autre part. Cette proximité physique permet à la fois des vitesses de transmission de données météorologiques très élevées, un dialogue facilité avec les experts de Météo-France et une formation permanente des militaires au sein de l’École nationale de la météorologie, située également sur la Météopole. Les travaux d’extension du bâtiment de la Cellule environnement débuteront au cours de l’été 2008. C’est à ce moment-là que les ingénieurs de Météo-France, actuellement en poste à Taverny, et le futur commandant du CISMF, le capitaine de frégate Patrice Pauly (actuel chef du bureau météo-environnement interarmées) rejoindront le personnel météorologiste-océanographe déjà en place. Les météorologistes de l’armée de l’air et de l’armée de terre rallieront le centre au deuxième semestre 2009 et celui-ci sera totalement opérationnel courant 2009.

David Auffret, premier maître météorologiste-océanographe de la Marine nationale, s’est porté volontaire pour effectuer une mission de deux mois au détachement Air de Douchanbe au Tadjikistan, de février à avril 2007.« L’accueil, à mon arrivée sur l’aéroport civil de Douchanbe où

est basé le détachement Air, a vraiment été chaleureux. Il ne

m’a pas fallu plus d’une heure pour être estampillé « armée

de l’air » et adopté par les collègues ! Pour ce qui est du travail, j’ai eu le choix de faire de

la climatologie en observant leur façon de travailler ou d’entrer dans le tour en service

permanent 24 heures sur 24 avec les quatre « météos » de l’armée de l’air. J’ai choisi

cette dernière option. Après une petite semaine de « double », j’étais « lâché » sans la sur-

veillance d’un collègue. Messages d’observation et de prévision météo, cartes de temps

significatifs, briefings pour les pilotes de chasse et de transport, bulletin « détachement »

pour tout ce qui concerne le travail sur place (manutention…), radiosondage, tout cela

ressemble finalement beaucoup au travail du marin metoc sur base aérienne. En plus

tendu peut-être, car ce n’est pas pour exercice ; les avions partent avec des missiles et

reviennent parfois sans... En revanche, la grande différence avec la Marine, c’est le matériel.

L’armée de l’air est équipée pour ses opérations extérieures de la Station météorologique

déployable ou SMD, ce dont ne dispose pas la Marine. C’est une sorte de mobile home

équipé de manière à être autonome du point de vue de la production et de la diffusion

météo : images satellites, messages, cartes et données issues des modèles, tout arrive en

direct via la réception satellite de la SMD et peut être traité avec les outils informatiques

dont elle est équipée. J’ai donc appris à travailler avec des méthodes différentes et du

matériel nouveau pour moi. À tout point de vue, tant humain que professionnel, cela a été

une expérience positive. Mon sac est prêt pour y retourner car j’ai vu un bout d’hiver et le

début du printemps au Tadjikistan, j’aimerais maintenant voir l’été et l’automne. »

1_Le porte-avions Charles-de-Gaulle à la mer.2_Lâcher de ballon de radiosondage à Douchanbe.3_Vue de la station météorologique déployable à Douchanbe.

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En revanche, la grande différence avec la Marine,c’est le matériel…

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Dossier rédigé par Michel Hontarrède

- 28 - Météo - Le magazine - N°1

« Brouillard à partir du PK 54, visibilité inférieureà 200 mètres. Pas de givre sur la route. » À bord de safourgonnette jaune, Jean-Paul, agent de surveillance d’ASF (Autoroutes du Sud de la France), transmet l’information par radio au PC gestion de trafi c de Thiers. Au cours de sa patrouille, il a l’œil sur tout : chaussée, bande d’arrêt d’urgence, aires de repos, clôtures, portes d’accès de service. Au besoin, il net-toie, entretient, répare, modifi e les panneaux, pose un

balisage, explique à un chauffeur polonais ne parlant pas un mot de français qu’il ne peut rester sur un refuge pour se reposer, réarme le sas automatique qui permet aux éventuels animaux sauvages de sortir de l’enceinte de l’autoroute, et bien d’autres choses encore. Jean-Paul ne se contente pas de voir, il est aussi en permanence à l’écoute de Radio Traffi c 107.7 et de sa radio de service. L’une pour vérifi er la pertinence des messages diffusés aux usagers de l’autoroute et l’autre pour prendre connaissance de toute demande d’intervention sur un accident ou un véhicule en panne. Tout ce qu’il voit, tout ce qu’il fait est communiqué au PC gestion de trafi c de Thiers. Même le ramassage d’un oiseau mort, « pour les statistiques » dit-il. Les agents de surveillance sont les yeux, les oreilles et les bras du PC gestion de trafi c du district.Les autoroutes d’ASF sont divisées en districts, portions de 50 à 120 km de longueur. Chaque district dispose d’un PC où un technicien – la sentinelle, c’est ainsi qu’on l’appelle – veille 24 heures sur 24 à la sécurité des automobilistes. Son lieu de travail ressemble à une véritable tour de contrôle où sont concentrées toutes les informations : images des caméras de surveillance des gares de péage et des zones accidentogènes, suivi par GPS des véhicules

de service, communications radio, etc. C’est là que l’information concernant le brouillard transmise par Jean-Paul est saisie par l’opérateur. Une fois disponible sur le réseau de l’entreprise, elle servira éventuellement à déclencher les PMV (panneau à message variable) et pourra être reprise par les jour-nalistes de Radio Traffi c 107.7, à Valence.À peu près toutes les autoroutes à péage sont or-ganisées sur le même principe. Mais l’A72, qui relie Clermont-Ferrand à Saint-Étienne, a pour caracté-ristique de franchir les monts du Forez. Serpentant dans un paysage magnifi que, elle grimpe au col de Cervières à 806 mètres d’altitude, ce qui en fait l’une des autoroutes les plus hautes de France, d’où une sensibilité particulière aux intempéries. « Ce matin, à 5 heures, en prenant mon service, j’ai vu que tout était givré, raconte Jean-Paul. J’ai pris le camion et j’ai mis 6000 litres de saumure sur la montée du col de Cervières. C’est toujours là que ça glisse. Faut se méfi er aussi des deux ponts du district. Comme il n’y a pas de terre dessous pour réchauffer la chaussée, ça gèle toujours plus sur les ponts. » Jean-Paul pratique le secteur depuis plus de quinze ans. Il connaît les portions d’autoroute qui, en hiver, restent à l’ombre toute la journée, les fortes pentes à surveiller, les zones proches de la forêt toujours plus humides. La neige ? Il aime bien ça, même s’il faut parfois sortir en pleine nuit quand on est appelé. Cette année, la neige a commencé tôt, le 13 novembre1. « Heureusement, elle est tombée vers 20 heures. À cette heure là, la circulation est plus calme. C’est plus facile pour déneiger. » A-t-il l’im-pression que les hivers sont plus chauds qu’autre-fois ? « Non. Certes, l’hiver dernier a été très doux. Il n’a même pas gelé. Mais ça reviendra. »À Thiers, au poste de gestion du trafi c, les « sentinelles »disposent d’une panoplie d’outils météo. BulletinsMétéo-France et système Météo+ pour prévoirce que seront les heures et les jours à venir ; courbes

En France, les autoroutes et les ouvrages à péagesont patrouillés en permanence…De la vigilance des hommes en jaune dépend la sécurité des automobilistes.

1_Au PC du district de Thiers, la sentinellesurveille le trafi c de l’autoroute.

2_En patrouille sur l’autoroute A72,entre Thiers et Noirétable.

3_Gérard Queyrel, chef du district de Thiersdes autoroutes du Sud de la France.

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Météo - Le magazine - N°1 - 29 -

Il existe deux types de

verglas.

Le premier est dû à de

la pluie froide tombant

sur un sol gelé. L’eau

au sol va alors se re-

froidir puis geler. Pour

ce type de verglas, des

traitements préventifs

et curatifs de la chaus-

sée existent.

Le second est dû à

une pluie en surfusion

(malgré la température

négative de l’eau, les

gouttes de pluie ne se

sont pas transformées

en cristaux de glace

ou de neige). C’est

un état instable qui

va cesser dès que

la goutte de pluie va

rencontrer une surface,

quelle que soit sa

température, recou-

vrant immédiatement

celle-ci d’une couche

de glace. Pour ce type

de verglas, heureuse-

ment rare, il n’existe

aucun traitement de la

chaussée.

de température de l’air et d’humidité mesurées par les stations météo automatiques (une tous les dix kilomètres) pour décider au dernier moment d’envoyer ou non une équipe d’astreinte traiter la chaussée. Car la nuit, en l’absence de patrouille régulière, il faut se fier aux instruments pour juger de l’état de la route. « Quand la neige est prévue, on aimerait savoir le plus précisément possible l’heure de début, l’heure de fin et la quantité, explique Gérard Queyrel, chef du district de Thiers. En général, ici, une chute de neige dure six heures et il tombe 10 cm. Si tout va bien, avec nos trente engins, on déneige les 90 km du district en 40 minutes. Mais il suffit d’un camion en travers pour que tout se complique. Les personnels

peuvent alors passer beaucoup de temps en opération. On se base donc sur les prévisions à sept jours de Météo-France pour mettre en repos nos personnels avant l’arrivée des conditions difficiles et éventuellement pour demander des renforts. »Quand on lui demande de passer en revue les aléas météorologiques, Gérard Queyrel sait de quoi il parle.« Température, vent, pluie, ils n’interviennent que dans la gestion des chantiers, la pose d’enrobé, la peinture de marquage au sol…Les orages sont déjà plus gênants. Ils nous obligent à passer toutes les gares de péage sur groupe électro-gène pour pallier toute coupure du réseau électrique. Mais on les voit venir sur Météo+, notamment grâce aux impacts de foudre de Météorage.Le brouillard ? C’est sûr qu’il ne fait pas bon ménage avec la route, mais le brouillard, ça se voit et, en principe, les automobilistes ralentissent. La neige ? On en parle beaucoup, mais on sait quoi faire : on la pousse sur le côté, on la traite avec les fondants ou avec du sable.En fait, notre pire ennemi, c’est le verglas, le vrai, celui des météos, c’est-à-dire la pluie surfondue (voir encadré). Là, rien à faire, si ce n’est fermer l’autoroute et stocker les camions en attendant la fin de l’épisode. Heureusement, le verglas c’est rare, une fois par an tout au plus, et en général, il est bien annoncé par Météo-France. »

1. En 2007, la neige est tombée encore plus tôt sur le département du Puy-de-Dôme. On a mesuré deux centimètres au sol le 27 septembre dans la ville de Mont-Dore (1050 m) ; du jamais vu depuis le début des observations.

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Propos recueillis par Michel Hontarrède

- 30 - Météo - Le magazine - N°1

Des téléphones portables qui en font toujours plus, des voitures équipées de GPS, la radiodiffusion tradition-nelle qui passe au numérique, le développement des télécommunications et des appareils « nomades » offre des possibilités nouvelles de diffusion météorologique. Voilà qui tombe bien car, parallèlement, avec l’exten-sion des réseaux de radar, de satellites et de stations de mesure, la prévision immédiate (prévision pour les deux-trois heures à venir) se développe et Météo-France ne manque pas d’idées en matière de services inédits à mettre en place.« Concernant les nouvelles technologies, la météoroutière est un moteur de croissance, un aiguillon, tantpour la prévision météorologique elle-même que pour la diffusion à l’usager, explique Michel Assouline, directeurcommercial et de la communication de Météo-France ».La route, lieu « accidentogène » par nature, sensibleau temps qu’il fait, constitue un secteur stratégiquepour les services météorologiques où la collaborationavec sécurité civile et opérateurs routiers publics etprivés a toujours prévalu. Mais aujourd’hui, au-delàde la sécurité, les gestionnaires de routes et autoroutesdemandent à Météo-France de les aider à rendre letrafi c plus fl uide, à prévoir les ralentissements et les « bouchons » pour mieux les gérer. Des projets sont en cours. Par exemple, le projet Optima, mené conjointe-

ment par le Laboratoire central des Ponts et Chaussées,Autoroutes du Sud de la France et Météo-France, a pourbut d’améliorer la prévision des conditions météoro-logiques notamment des phénomènes glissants etde la visibilité. Des modèles numériques spécifi ques, intégrant toujours plus de données, sont en cours dedéveloppement. Sachant combiner à la fois les mesuresissues des réseaux à grande échelle de Météo-Franceet celles plus denses effectuées le long des autoroutes,prenant en compte la nature du revêtement de la chaussée et l’intensité du trafi c, deux paramètres qui infl uencent fortement la température du sol et sa capacité à garder l’eau ou à l’évacuer, ces modèles très spécialisés sont des outils précieux pour prévoir au plus juste le comportement de la pluie ou de la neige sur la chaussée et le traitement le plus approprié pour éviter les phénomènes glissants.« Voilà pour la recherche en amont, reprend MichelAssouline. Concernant la diffusion directe au grand public,les nouvelles technologies vont permettre d’innover. On peut déjà annoncer la mise en place au printemps 2008, grâce à une collaboration avec Radio France, d’une dif-fusion de messages de sécurité via les autoradios RDS (voir encadré). Mais ce n’est qu’un début. Le passage à la radio numérique, qui vient tout juste de débuter, va permettre de diffuser, en plus du son de la radio, textes et graphismes. Et il faut voir plus loin encore. Il est clair que l’on se dirige vers des systèmes intégrés GPS-radio-téléphone autonomes qui présenteront sur un même écran guidage routier, information météorologique, état du trafi c, places de parking disponibles, et bien d’autres choses. Dès lors, les informations météorologiques de base, soleil, pluie, température, etc., ne suffi sent plus.Il faut donc mettre en place des partenariats avecles diffuseurs et les fournisseurs de contenu, combinerles savoir-faire, pour inventer de nouveaux services, permettant ainsi à l’automobiliste ou au deux-rouesde prendre à tout moment la bonne décision. »

La carte « Vigilance »

de Météo-France, avec

ses départements en

vert, jaune, orange ou

rouge selon la gravité

de l’événement mé-

téorologique attendu,

a largement fait ses

preuves. Mais il restait

à la diffuser à ceux qui,

sur la route, n’ont plus

accès à internet. Ainsi,

à partir du printemps

2008, tout automobiliste

équipé d’un autoradio

RDS et écoutant la sta-

tion Radio Bleue sera

directement informé de

l’état de « Vigilance »

du département qu’il

traverse. Si ce dépar-

tement est en vigilance

orange ou rouge, un

message s’affi chera,

mot après mot, sur

l’écran de son autora-

dio, en lieu et place du

nom de la station. Le

message comprendra

la couleur et le type de

la vigilance, le nombre

total de départements

affectés et les numéros

de ceux concernant

l’automobiliste. Exemple,

pour un automobiliste

traversant le départe-

ment de l’Héraut (34) :

« Vigilance orange

inondation 15 dpt 34,

11, 30… ». Le tout sans

gêner la diffusion

du dernier tube à

la mode.

1_Michel Assouline, directeur commercialet de la communication de Météo-France2_Station météo automatique

Le développement des télécommunications permettra,dès 2008, la mise en service de nouveaux moyensde diff usion d’information météorologique à destinationdes automobilistes.

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IHV 1 : 1 à 15 : zone à hiver clément. IHV 2 : 15 à 25 : zone à hiver peu rigoureux. IHV 3 : 25 à 35 : zone à hiver assez rigoureux.

IHV 4 : 35 à 45 : zone à hiver rigoureux. IHV 5 : > 45 : zone à hiver extrêmement rigoureux.

Météo - Le magazine - N°1 - 31 -

« La quasi-totalité des exploitants routiers fait confiance à Météo-France, affirme Cyril Save, chef de marché à la direction des ventes de Météo-France, aussi nous devons en permanence faire évoluer nos services afin qu’ils soient toujours mieux adaptés à leurs besoins et contraintes quotidiennes. »Les opérateurs routiers – sociétés d’autoroutes, directions interdépartementales des routes, conseils généraux – attendent un haut niveau de service et d’expertise. Ils veulent tout savoir des conditions mé-téorologiques susceptibles de dégrader les conditions de circulation : visibilité, intensité et type des précipita-tions (neige, pluie, pluie surfondue, pluie verglaçante), gelée blanche ou gel d’eau déjà présente au sol, vent entraînant des congères… Et leurs besoins ne s’arrêtent pas avec la fin de l’hiver. En effet, orages, vent, tempé-rature de l’air sont des paramètres qui peuvent aussi occasionner d’importants retards, toute l’année, dans les chantiers d’entretien des routes.Pour répondre à cette demande, Météo-France a déve-loppé une large gamme de services : alertes, prévisions et bulletins quotidiens expertisés, diffusion en continu, contact direct avec le prévisionniste, formation… Les alertes météorologiques (phénomènes glissants par exemple) sont diffusées par de multiples moyens, fax, mail, SMS, SMS vocalisé, etc., avec souvent une redondance pour plus de sécurité.L’information régulière, en continu, est disponible tant depuis un « extranet » que depuis un outil dédié, développé spécifiquement par Météo-France, appelé Météo +. Les « extranets » ou « minisites » sont des sites internet personnalisés développés pour chacun des exploitants, selon ses besoins. Ils sont consultables à partir de n’importe quel équipement informatique, ce qui permet aux personnels amenés à intervenir sur le terrain de surveiller les conditions météorologiques depuis leur lieu de travail, voire depuis leur domicile en cas d’astreinte. Météo+, quant à lui, est un outil dédié. L’information circule, non plus par le réseau internet mais par satellite, moyennant une petite antenne de réception. Avantages : indépendance par rapport au réseau téléphonique, pas d’encombrement ralentis-sant la diffusion, grande richesse de l’information

diffusée et nombreux outils intégrés : archivage, superposition d’images satellite, radar, impacts de foudre, tracé de cartes de température… Mais, quel que soit le soin apporté à la présentation des données, un écran d’ordinateur ne remplace pas le contact direct avec un prévisionniste. « Lui seul peut faire passer l’incertitude d’une prévision, les risques d’erreur sur le « timing » de l’événement météorolo-gique et sur son étendue géographique ou, à l’inverse, convaincre son interlocuteur du bien fondé de la pré-vision et s’assurer que le message est bien compris, insiste Cyril Save. Disposer, dans toutes les régions de France, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, de prévision-nistes pouvant répondre aux questions des clients est un atout indéniable pour assurer un service de qualité. De plus, formations, échanges, retours sur expérien-ces, « debriefing » de la saison passée, sont assurés régulièrement. Rien de tel pour se connaître, parler le même langage et améliorer les procédures. »Pour prévoir la température de chaussée, paramètre clé pour savoir si la neige va tenir ou si la pluie sera de type verglaçante ou non, Météo-France utilise un modèle numérique baptisé SIR (Safran-Isba-Route). Celui-ci est « couplé » aux modèles de prévision du temps. Connaissant en permanence les prévisions de température de l’air, d’humidité, de vent, de cou-verture nuageuse, prenant en compte les propriétés thermiques et physiques de la chaussée issues de mesures fournies par le Laboratoire central des Ponts et Chaussées, intégrant les dernières connaissances en matière de « comportement radiatif » des sols, il permet d’obtenir une prévision de température et d’humidité relative à la surface de la route sur une grille de 8 km de côté et ce sur l’ensemble de la France métropolitaine.« Apporter aux exploitants routiers une information encore plus fine et plus aboutie est un objectif perma-nent pour nous, déclare Cyril Save. La mise en service fin 2008 du modèle de prévision du temps Arôme, avec sa maille très fine de 2,5 km, ou encore les recher-ches menées conjointement par Météo-France et le Laboratoire central des Ponts et Chaussées devraient apporter des avancées décisives en la matière. »

En France, depuis la

réorganisation de janvier

2007, la responsabilité

de l’entretien des routes

est répartie entre trois

grands acteurs :

- Une dizaine de sociétés

se partagent 8 000 km

d’autoroute.

- Onze directions

interdépartementales

des routes gèrent par

« grands itinéraires »

11 800 km d’autoroutes

non concédées et de

routes nationales

déclassées (appelées

aujourd’hui Route natio-

nale d’intérêt local, RNIL).

- Les conseils généraux

entretiennent quant à eux

18 000 à 19 000 km de

RNIL et 360 000 km de

routes départementales.

La température de

surface de la chaussée

peut être très différente

de la température de

l’air, celle qui est indi-

quée sur le tableau de

bord de votre voiture.

En début d’après-midi,

par ciel clair, elle est

toujours supérieure à la

température de l’air.

En fin de nuit, par ciel

clair, elle est inférieure

de 3 à 10 °C à la tempé-

rature de l’air. Attention

danger ! Malgré une

température de l’air

positive, la route peut

présenter des plaques

de neige ou de glace.

IVH max sur 23 ans(1984 / 2007)

1

Propos recueillis par Michel Hontarrède

Pluie, brouillard, neige, vent, verglas… les conditionsatmosphériques sont de véritables obstacles à la sécuritéroutière. Pour réduire les risques, les équipes de Météo-Franceet les opérateurs routiers travaillent ensemble tout au longde l’année : prévisions et communication d’un côté,précautions et action de l’autre.

1_IVH (Indice de viabilité hivernale) : nombre de jours au cours d’un hiver avec phénomène glissant (chute de neige ou verglas ou glace au sol). Ici, carte de la valeur maximale atteinte par l’indice au cours des hivers de 1984 à 2007.

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- 32 - Météo - Le magazine - N°1

S’il a un franc-parler qui peut dérouter certains, Alain Baraton s’exprime avec la simplicité des maîtres, un vrai bonheur à transmettre. Ses 30 ans de cohabitation avec le parc de Versailles lui ont laissé le temps d’observer et de comprendre. La patience, dit-il, est la qualité majeure du jardinier. S’occuper d’un jardin, ce n’est pas comme un chantier, pas d’obligation de résultat ni de date de livraison, on compose avec le temps, le temps qu’il fait et celui qui passe. Car si le métier est rude, il est aussi très gratifi ant. Le jardinier (qui habite la maison de Molière) avoue profi ter d’un environ-nement exceptionnel et avoir plaisir à défendre ce lieu, sensé contribuer au bonheur des gens. « Un jardin est un lieu vivant peuplé d’arbres, de plantes, d’animaux, d’êtres qui vivent, naissent et meurent. Un parc sans visiteurs, ce n’est plus un parc mais un parking, ça n’a aucun intérêt. »

coMposEr AVEc LEs prÉVIsIoNsDans cette proximité avec le vivant, le jardinier est sans doute l’individu qui est le plus en contact avec la météo. Il doit y être attentif pour les productions, la culture et l’entretien, mais aussi pour son confort personnel. « Quand on annonce des rafales de vent à 100 km/h, on ferme tous les volets des serres car ce sont des structures légères et, si le vent s’engouffre dedans, il risque de tout arracher. On n’enverra pas non plus une équipe sous les arbres…et le jardinier a intérêt à s’habiller chaudement et à se protéger de la pluie, car ce n’est pas une fois sur place qu’il va choisir sa tenue vestimentaire ! »

Alain Baraton reçoit par fax les alertes de vent, froid,pluie et sécheresse, bien conscient que si la météol’aide à anticiper, ça n’est pas pour autant une science exacte. « Après la tempête du 26 décembre1999, j’ai été scandalisé par la polémique qui s’est développée. Le parc était fermé dès le 25.On nous avait annoncé des vents violents,mais peut-on vraiment prévoir l’incroyable ? » Il vivra comme un drame personnel la perte de spécimens irremplaçables – il le raconte dans un de ses livres1 avec beaucoup d’émotion. Seul « élément positif », les budgets débloqués lui ont permis de replanter 40 000 arbres. « Un arbrequi meurt, c’est 200 ans d’histoire qui disparaissent.Il a été planté par un homme. Ce n’est passeulement du bois et de la sève ; il nous procurede l’ombre au printemps ou en été, abrite les ébats des amoureux ; il a connu des rois et a été le témoin de tant de choses… On trouve parfois sur le tronc des éclats de balles. Tous ces arbres m’ont toujours impressionné. J’ai un faible pour le sophora du Petit Trianon qui a été planté àla fi n du règne de Louis XV, et pour la beautémagistrale des vieux chênes. »

« uN bEAu pArc Est uN pArc quI VIt »À propos de climat, Alain Baraton considère que le pire pour un jardinier est l’excès d’eau. « Cela favorise la pourriture et rend les terres instables, il suffi t de rouler avec un tracteur pour tout dégrader. Même si au printemps c’est plutôt bon pour les plantes…» Et d’ajouter avec humour que le temps

idéal c’est lorsque tout est tellement gelé qu’on ne peut rien faire dehors. « Les jardiniers se rabat-tent dans les endroits chauds, c’est l’occasion de se rencontrer, et de trouver un rythme de travail agréable. » Cet homme à l’énergie vivace et conta-gieuse supervise une cinquantaine de jardiniers et le même nombre de stagiaires. Quand il fait appel à des entreprises privées, leur contrat comporte toujours des clauses météo. « On interdit, par exemple, tous les travaux d’élagage quand il y a du vent. » À propos de sécheresse, Alain Baraton considère que ses équipes ont l’obligation morale de montrer l’exemple. « Versailles est un lieu ouvert à tous, mais on peut diffi cilement accepter l’idée d’arroser les pelouses quand une population souffre du manque d’eau… On arrose tard le soir et tôt le matin, pour réduire l’évaporation, et seule-ment les plantes qui en ont vraiment besoin. » Et d’avouer, plein de sagesse et de bon sens : « Le jaunissement des pelouses ne me dérange pas, par contre la sécheresse a des conséquences à long terme pour les arbres ». Intarissable sur le microcosme cloisonné et admi-nistratif du domaine de Trianon et du Grand Parc de Versailles, cet amoureux des jardins vous parlera avec la même verve de la sensualité du potager du roi, de l’évolution et du dérèglement du climat (nous y reviendrons avec lui) ; face aux maux dont souffre notre société, il évoquera les enseigne-ments et les plaisirs que la nature nous procure.

1. Le Jardinier de Versailles, Grasset, 2006.

Au domaine national de Trianon et du Grand Parc de Versailles, le jardinier est roi.Alain Baraton règne sur 850 hectares et une centaine de jardiniers, 18 000 arbres d’alignement et 350 000 arbres en bosquets, des milliers de fl eurs. Il anime des chroniques « Jardins » sur France Inter. Celui que le Times de Londres a qualifi é de « national celebrity » est aussi un boulimique de lecture et d’écriture. Son dernier livre Le savoirtout-faire du bon jardinier, un ouvrage de jardinage, sort en avril chez Flammarion.

InterVieW d’Alain Baraton par VéroniQue Petit. Photo : Ed AlcocK

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Météo - Le magazine - N°1 - 33 -

“ Un jardin est un lieu vivant peuplé d’arbres, de plantes, d’animaux, d’êtres qui vivent, naissent et meurent. Un parc sans visiteurs, ce n’est plusun parc mais un parking,ça n’a aucun intérêt. ”

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Événements, conférences, salons et expositions

ouVErturE dE LA cItÉ dE LA VoILE ÉrIc tAbArLyDate : ouverture en avril 2008.Lieu : Lorient (ancienne base des sous-marins)Informations : www.citevoile-tabarly.comLa Cité de la Voile Éric Tabarly vous accueillera à Lorient, en Bretagne sud, à partir d’avril 2008.À travers trois grands thèmes, vous explorerez toute la navigation contemporaine : l’hommeet l’océan, la conception des voiliers, la construction navale, et bien entendu la navigation.Vous pourrez tester, manœuvrer, hisser, et aussi, grâce au simulateur dynamique, éprouverles sensations de la navigation à voile ! Si vous le désirez, vous pourrez prolonger cette visitepar un véritable embarquement, à bord d’un voilier collectif sur la rade de Lorient.

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prix

prIx pErrIN dE brIchAMbAut 2008Date limite de candidature : 30 juin 2008.Informations : www.smf.asso.frSMF, 1 quai Branly, 75 340 Paris Cedex 07 [email protected]

D’un montant de 800 €, s’adressant aux écoles primaires, collèges et ly-cées, le prix Perrin de Brichambaut est décerné par la Société météoro-logique de France (SMF) avec le soutien de Météo-France. Il récompenseun projet en météorologie ou en climatologie réalisé au cours de l’année scolaire (exemple de projets : ballons-sondes, observations et mesures en météorologie, création de sites internet, construction d’instruments...). Le prix 2007 a été remis le 22 janvier dernier à l’École publique Marguerite Aujard de la Chapelle-Achard (85) pour son projet de mise en place d’une station météo réalisé par des CP-CE1. Pour s’inscrire au concours 2008, envoyez une lettre de candidature, un descriptif du projet et tout élément (textes, photos, fi lms) permettant au jury d’en apprécier la réalisation.

Navistage

Navistage est un ensemble de stages de météo marine courtset pratiques (une journée par module) créés par Météo-France etdestinés aux plaisanciers. Ces stages s’adressent au débutantdésireux de se familiariser avec la météo (module « Initiation ») mais aussi au marin confi rmé qui souhaite approfondir ses connaissances (modules « Croisière en Manche et Golfe de Gascogne », « Croisière en Méditerranée » et « Transat alizés »).Les dates de stages 2008 connues à ce jour sont les suivantes :Stages « Initiation »− 23 mai 2008 à La Rochelle− 26 septembre 2008 à CherbourgStages « Croisière en Manche et Golfe de Gascogne »− 28 mars 2008 à La RochelleInformations et formulaire d’inscription :www.meteofrance.com/FR/mer/formation.jsp

Événements, conférences, salonset expositions

coLLoquE INtErNAtIoNAL sur LEs EffEts du chANGEMENt cLIMAtIquE sur LEs ocÉANs du MoNdEDate : du 19 au 23 mai 2008.Lieu : Gijón, Espagne.Informations : www.pices.int/meetings/international_sympo-sia/2008_symposia/Climate_change/climate_background_3.aspx

par Nathalie hirsch

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Événements, conférences, salonset expositions

Le mystère LapÉrouse, enquête dans Le pacifique sudDate : du 19 mars au 20 octobre 2008.Lieu : Musée national de la Marine. Palais de Chaillot, 17 place du Trocadéro, Paris.Informations : www.musee-marine.fr

Partie de Brest en 1785, la grande expédition scientifique menée par Jean-François de Lapérouse, excellent marin choisi par le roi Louis XVI pour ses qualités humaines, disparaît en 1788 quelque part dans le Pacifique après une dernière escale en Australie. Les résultats des dernières fouilles sous-marines entreprises sur les récifs de Vanikoro éclairent les circonstances du drame. Pour la première fois, ces objets seront présentés au public. L’exposition fera revivre, au côté des savants embarqués et des marins, les grandes étapes de ce voyage exceptionnel, de l’Alaska à la Chine, en passant par l’île de Pâques.(source : programme du musée national de la Marine)

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Événements, conférences, salonset expositions

VoiLes anciennes du BangLadeshDate : jusqu’au 4 mai 2008.Lieu : Musée national de la Marine. Palais de Chaillot, 17 place du Trocadéro, Paris.Informations : www.musee-marine.fr

Pays des grands fleuves, le Bangladesh a développé une longue et riche tradition de navigation. Leur connaissance des éléments naturels et des ressources propres au pays ont permis aux maîtres charpentiers navals de développer une flotte parmi les plus originales au monde. En direct du Musée vivant du Bateau traditionnel du Bengale, le musée national de la Marine présente d’étonnantes maquettes, fabriquée de manière traditionnelle par des charpentiers bangladeshis, retraçant l’histoire de ces embarcations. Alors qu’aujourd’hui, le Bangladesh voit disparaître ces savoir-faire traditionnels transmis oralement, il est temps de faire connaître cet héritage. C’est une des vocations de l’association Friendship, ONG fondée par Runa Khan et Yves Marre, parmi d’autres plus humanitaires, comme l’hôpital flottant (reconversion réussie d’une péniche française), la création d’écoles… Programmée en décembre 2007, l’ouverture de cette exposition a été retardée en 2008 suite au passage du cyclone Sidr qui a frappé le Bangladesh le 17 novembre 2007. L’exposition se déplacera ensuite au musée national de la Marine de Brest du 20 juin au 14 septembre 2008.(source : programme du musée national de la Marine)

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coNfÉrENcEs à L’INstItutocÉANoGrAphIquEDate : le jeudi à 19 h 30.durée deux heures environ – entrée libre.Lieu : Grand amphithéâtre de l’Institutocéanographique, 195 rue Saint-Jacques,Paris 5e.Informations et calendrier : 01 44 32 10 92www.oceano.org/io/index.phpLes Jeudis de la planète océan sont un cycle

de conférences-débats destiné à l’informa-tion du grand public. En 2007-2008, elles ont pour thème : « Zones polaires et défi s envi-ronnementaux ».Jeudi 27 mars 2008« Menace sur l’ours polaire » par Rémy Marion,Pôles d’images, communication et éditionsur la nature et l’environnement.Jeudi 10 avril 2008« Cap sur la Terre Adélie : premières expéditions

polaires françaises (1948-1951). »Projection de fi lms d’archives suivie d’une conférence et d’une signature de l’ouvrage du même titre par Gwen Douguet et VéroniqueGhez-Bayle.Jeudi 22 mai 2008« Comment les manchots font face aux contrain-tes climatiques ? » par Yvon Le Maho, directeur de recherche au CNRS, membre du conseil d’administration de la fondation Albert Ier.

VoILE : thE trANsAtThe Transat, ex-Ostar créée en 1960, est la première course au large en solitaire de l’histoire. Cette édition, qui partira le 11 mai 2008 de Plymouth, sera la 13e édition de la course.Pour plus d’information : www.thetransat.com

tENNIs : roLANd GArros 2008Les Internationaux de France de Roland Garros 2008 se déroulerontdu 25 mai au 8 juin 2008. Les prévisionnistes de Météo-Francesurveilleront tout développement de nuage d’orage ou d’averses.

rALLyEs : cALENdrIEr Wrc 2008(1Er sEMEstrE)En 2008, Sébastien Loeb, qui bénéfi cie d’une assistance Météo-France depuis cinq ans, et ses concurrents débuteront la saison àMonte-Carlo. Par la suite ils découvriront les spéciales turques etjordaniennes. Ces rallyes remplacent ceux de Norvège et du Portugal.

25-27 janvier Monte-Carlo8-10 février Suède28 février-2 mars Mexique27-30 mars Argentine24-27 avril Jordanie16-18 mai Sardaigne/Italie29 mai-1er juin Acropole/Grèce13-15 juin Turquie

forMuLE 1 : cALENdrIEr 2008 dEs GrANds prIx(1Er sEMEstrE)

16 mars 2008 Australie (Melbourne)23 mars 2008 Malaisie (Sepang)6 avril 2008 Bahreïn (Sakhir)27 avril 2008 Espagne (Barcelone)11 mai 2008 Turquie (Istanbul)25 mai 2008 Monaco (Monte-Carlo)8 juin 2008 Canada (Montréal)22 juin 2008 France (Magny-Cours)

Événements, conférences, salons et expositions

Événements sportifs

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cycLoNELEs phÉNoMÈNEs AtMosphÉrIquEs VIoLENts

Par John FarndonGallimard Jeunesse, collection« Explorations »Format : 255 x 306 mm2007, 72 pages, 14,95 €Dès 9 ans

Un peu à la manière d’un film, cet album de la collection « Explorations », intitulé Cyclone, révèle l’origine, la formation, la vie et, en définitive, l’ensemble des phé-nomènes météorologiques dangereux.

Partant de l’espace, à proximité du soleil – le « moteur du temps » –, on s’approche de la Terre, en passant par les aurores boréales, les couches de l’atmosphère, les instruments météorologiques,

avant d’atteindre le cœur du sujet : les cyclones tropicaux. Aucun aspect de ces monstres météorologiques n’est occulté : formation et fonctionnement, termes techniques et échelles d’intensité en encadrés clairs et instructifs, effet destructeur suivi d’un témoignage du passage de l’ouragan Katrina sur la Nouvelle-Orléans, le tout avec des illustrations convaincantes. Puis, du cyclone tropical, on passe à la tornade, au brouillard, aux tempêtes atlantiques accompagnées des phénomènes vents, grêle, orages. Le rythme se calme un peu avec un descriptif des types de nuages accompagné de très belles photographies, puis reprend avec les extrêmes : froid arctique, neiges et gelées, déserts, sécheresse, mousson, inondations. L’ensemble de ce scénario captivant, illustré avec intelligence, se suit du doigt le long d’un fil tracé de page en page, seulement interrompu par des récits qui témoignent de la violence des phénomènes atmosphériques.Un cadeau original pour (re)donner aux enfants le goût d’explorer le monde.N. H.

GLAcIErsforcEs Et frAGILItÉs

Par Bernard Francou, Delphine Six, Christian Vincent, Patrick Wagnon.Éditions Glénat, octobre 2007,160 pages, 29 €LEs GLAcIErs à L’ÉprEuVEdu cLIMAtPar Bernard Francou, Christian Vincent. IRD éditions – Belin, mars 2007,274 pages, 26 €

Mêmes auteurs, même sujet, mais des éditeurs différents, ces deux ouvrages

consacrés aux glaciers et calottes polaires du monde se complètent parfaitement. Glaciers, forces et fragilités est un livre grand format où la photographie prime. Et quelles photos ! Sublimes ! Alpes, cordillère des Andes, Alaska, Himalaya, Kilimandjaro, Groenland et Antarctique,

les monstres de glace perchés aux sommets des montagnes ou se jetant dans la mer sont tous présentés sous leur meilleur angle. Accompagnées de légendes précises, les photos illustrent un texte clair, concis, pédagogique : genèse et mouvement des glaciers, relations avec le climat, témoins du passé, sources d’eau douce, leur avenir avec le réchauffement climatique. Pas de doute, l’éditeur grenoblois sait y faire en matière de beau livre. Du grand art ! Mais tout amateur de course de glace, tout curieux des sciences géophysiques aura à cœur de compléter cette entrée en matière. Dans Les Glaciers à l’épreuve du climat, ils trouveront un tour du monde quasi exhaustif de la santé des glaces, une reconstitution du petit âge glaciaire au travers de l’histoire bien documentée des glaciers français et suisses et une description détaillée de leurs avancées et reculs au xxe siècle. De plus, comme carottages et témoignages ne suffisent pas à reconstituer le climat passé, on y parle aussi dendrochronologie (étude des cernes des ar-bres), pollens, lichens, carottage de coraux… Le tout complété comme il se doit par des encadrés, une bibliographie, un lexique. Du sérieux !M. H.

ocÉANcoLLEctIf EN pArtENArIAt AVEc GEo

Gallimard Jeunesse, Encyclopédie Universelle GallimardFormat : 260 x 312 mm2004, 530 pages, 49 €Dès 12 ans et pour toute la famille

Cette encyclopédie consacrée aux mers et aux océans est tout simplement magnifique. Photographies et dessins sont superbes, bien choisis ; ils accompagnent un texte clair et précis.

En quatre grands chapitres, Océan nous fait plonger au cœur de ce milieu riche et mystérieux. Tout est abordé, géologie, vie ma-rine passée et actuelle, vagues et marées, courants et climats… Les pages consacrées à la circulation océanique et au climat permettent de comprendre les vents marins, le cycle de l’eau, les cyclones tropicaux, El Nino et La Nina, ainsi que l’impor-tance des océans dans le climat. L’atlas des océans qui conclue l’ouvrage est une merveille de détails et d’informations.Seul le poids du livre pourrait décourager un frêle lecteur, mais cette encyclopédie, comme les autres de cette collection, vaut tous les efforts physiques de lecture…N. H.

GooGLE EArthComment prendre conscience des dangers du réchauffement climatique liés à l’activité humaine en s’émerveillant sur la beauté des pay-sages : plus de 500 clichés du célèbre photographe français Yann Arthus-Bertrand sont disponibles via le service de cartographie Google Earth. Avant tout il faut télécharger et installer le logiciel disponible sur le site internet http://earth.google.com/ (téléchargement gratuit). Ensuite, se rendre dans le panneau infos pratiques, en bas à gauche de l’interface de Google Earth, et activer « La terre vue du ciel avec GoodPlanet » qui se trouve dans la rubrique « sensibilisation mondiale ». On peut aussi consulter le site de l’association du photographe pour la promotion du développement durable à l’adresse suivante : www.goodplanet.org

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- 38 - Météo - Le magazine - N°1

QUESTION [1]Image du satellite défi lant Envisat du 10 avril 2007.

Que représentent ces masses de couleur blanche sur cette partie de l ’Europe ?

DÉCODER LES IMAGES SATELLITES ?

À la télévision, dans les journaux ou encore sur le web, nous avons à notre disposition une panoplie d’imagesde la Terre en provenance des satellites.Ces images constituent une mine d’informations sur les conditions météorologiques à la surface du globe. Savez-vous les interpréter ?

Nathalie Hirsch

QUESTION [2] Image du satellite défi lant Envisat du 22 septembre 2006.

Comment interpréter ce phénomène météorologique ? L’image a-t-elle été prise dans l ’hémisphère Nord ou dans l ’hémisphère Sud ?

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Envisat est un satellite d’observation de la Terre. Orbite après orbite, il survole à peu près tout le globe en 24 heures. Sur cette image, on reconnaît aisément le nord de l’Italie avec, d’un côté, la mer Méditerranée, et de l’autre, la mer Adriatique. Sur ce type d’image, neiges et nuages apparaissent en blanc. Mais ici : pas de doute possible. Les sommets alpins enneigés dessinent une zone aux formes si caracté-ristiques qu’elle ne peut être confondue avec des nuages. En revanche, plus au sud, la zone blanche est la limite nord d’une masse nuageuse affectant la Méditerranée.

Le phénomène visible sur cette image est l’ouragan Rita au moment de son passage au nord de la péninsule du Yucatan (Mexique) le 22 septembre 2006. Sous l’effet du vent, les bandes nuageuses s’enroulent autour du centre de la dépression, « l’œil » de l’ouragan. Or, dans l’hémisphère Nord, les vents tour-nent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour d’une dépression. Le sens de l’enroulement des nuages ne laisse donc planer aucun doute sur le lieu de la prise de vue. Il s’agit bien ici de l’hémisphère Nord. De plus, les ouragans se produisant généralement à la fi n de l’été, quand la mer est chaude, un ouragan de septembre est, presque à coup sûr, un ouragan de l’hémisphère Nord.

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Météo - Le magazine - N°1 - 39 -

FÉVRIER 2007En Bolivie, les pluies torrentielles qui avaient débuté en janvier ont continué début février causant d’importantes inondations.En Amérique du Nord, une tempête de neigea affecté une partie de l’est des États-Unis etle sud-est du Canada, les 13 et 14 février 2007, déposant une couche de neige et de glace signifi -cative de l’Illinois jusqu’au Maine. Dans l’étatde New York, on a relevé par endroits plus d’un mètre de neige cumulée. La tempête a fait 13 victimes et a privé d’électricité près de 300 000 personnes.Sur l’océan Indien sud-ouest, durant la dernière semaine de février, le cyclone tropical Gamede passe lentement entre La Réunion et Madagascar.

À La Réunion, des records de cumuls de pré-cipitations ont été battus : sur le site du cratère Commerson, il a été enregistré 3 929 mm depluie en 72 heures et 4 869 mm en 96 heures… Au total, on compte 16 victimes à Saint-Brandon,2 à Maurice et 2 à La Réunion.

MARS 2007À quinze jours d’intervalle, la côte nord-est de Madagascar est frappée tour à tour par les cyclones tropicaux : Indlala et Jaya. Les conséquences d’Indlala sont dramatiques : 88 personnes décédées, 30 disparus, plus de 125 000 personnes sinistrées… Jaya vient encore alourdir ce bilan faisant 3 morts et 3 500 sinistrés. En Alabama et en Georgie (États-Unis), de violents orages ont donné naissance à

des tornades causant la mort de 19 personnes. En Afghanistan, les fortes pluies tombées du 10 au 31 mars 2007 ont provoqué des crues éclair tuant 83 personnes et affectant près d’un tiers du territoire.

AVRIL 2007Les fortes pluies qui sont tombées depuis mars mais surtout durant les deux dernières semaines d’avril sur le Maroc, l’Algérie et la Tunisie ont causé la mort de v22 personnes lors de crues éclair. Des précipitations exceptionnelles ont touché Rurutu en Polynésie-Française, début avril 2007 entraînant des glissements de terrain et des chutes d’arbres en travers des chaussées. Plus de vingt maisons ont été inondées dans le village de Hauti.

Carte composée d’après des cartes mensuelles d’évènements marquants collectées sur le site du NCDC (National Climatic Data Center) de la NOAA (National Oceanic and AtmosphericAdministration). Ces cartes présentent les phénomènes météorologiques les plus signifi catifs sur le mois et l ’année considérés.

FÉVRIER MARS AVRIL

ÉVÉNEMENTS MÉTÉOROLOGIQUES REMARQUABLES (MONDE)

un œil sur la planète

SÉCHERESSEmars et avril

TORNADESUSA et Mexique

INONDATIONSBolivie

INONDATIONSArgentine

INONDATIONSAfrique du Nord INONDATIONS

Afganistan

INONDATIONSTadjikistan

INONDATIONSIndonésie

SÉCHERESSE

SÉCHERESSE

CYCLONE TROPICAL FAVIO

CYCLONE TROPICAL NELSONCYCLONE TROPICAL JAYA

CYCLONE TROPICAL INDLALA

CYCLONE TROPICAL GAMEDE

CYCLONE TROPICAUXGEORGIE, JACOB ET KARA

TEMPÊTES DE NEIGEUSA

CHUTES DE NEIGEChine

CHUTES DE NEIGEInde

TORNADESUSA

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Souvenez-vous, l’année dernière ! Le mois d’avril battait tous les records. Avec 4,3 °C au-dessus de la normale (en moyenne sur l’en-semble de la France métropolitaine), avril 2007 se situe au premier rang des mois d’avril les plus chauds depuis 1950. Cette anomalie est d’une ampleur exception-nelle : tous mois confondus, un tel écart de température n’a été observé en France qu’à trois reprises depuis 1950 : en juin 2003 (+ 4,7 °C), en août 2003 et en février 1990 (+ 4,5 °C). Quelques séries d’observations plus anciennes

dont Météo-France dispose pour certaines villes permettent même d’affi rmer que Paris, Rennes, Besançon, Lyon, Toulouse et Bordeaux n’avaient pas connu de mois d’avril aussi doux depuis au moins l’année 1900.Les pluies, quant à elles, ont été particuliè-rement défi citaires. Localement abondantes sur les Pyrénées et le Languedoc-Roussillon, elles furent rares sur le reste du pays, surtout la moitié nord. Ainsi, au cours de ce mois d’avril, il n’est pas tombé une seule goutte d’eau à Lille et seulement 2 mm à Besançon, 5 mm à Paris,

16 mm à Lyon et 30 mm à Rennes. Les préci-pitations ont toutefois été abondantes sous les orages survenus en fi n de mois : le 29 avril, plus de 80 mm d’eau ont été relevés localement dans l’ouest parisien ainsi que 30 mm à Strasbourg, où aucune pluie n’avait été observée depuis le début du mois.

Pour toute information concernant la clima-tologie de France et d’outre-mer, consulter le site internet de Météo-France : www.meteo.fr, rubrique « Climat ».

En 2007, avril bat tous les records

Prévisions saisonnières pour FEVRIER, MARS et AVRIL 2008(Bulletin établi par Météo-France le 28 janvier 2008, consultable sur www.meteo.fr) Métropole : plus doux que la normale. Antilles : précipitations supérieures à la normale. Réunion, Guyane : plus froid.Nouvelle-Calédonie : températures et précipitations plus élevées que les normales. Polynésie, Wallis et Futuna : moins chaud et moins humide que les normales.

1_Avril 2007. Rapport à la normale de la durée d’insolation. En avril 2007, le Soleil fut particulièrement généreux, surtout de la Normandie au Nord-Est, ces régions ayant bénéfi ciéde 70 % d’heures de soleil en plus de la normale. Seules les Pyrénées-Atlantiques ont connu un léger défi cit en ensoleillement.

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NUMÉRO 1 - MARS 2008

LE MAGAZINEMétéo

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