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J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 1, 93-97 © Masson, Paris, 2005. 93 F M C RÉTINOPATHIES PIGMENTAIRES Données moléculaires du syndrome de Usher A.-F. Roux Laboratoire de Génétique Moléculaire, CHU Montpellier, Montpellier. Correspondance : A.-F. Roux, Laboratoire de Génétique Moléculaire, Institut Universitaire de Recherche Clinique, 641 avenue du Doyen G. Giraud 34295 Montpellier Cedex 05. Reçu le 19 décembre 2003. Accepté le 26 août 2004. Molecular updates on Usher syndrome A.-F. Roux J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 1: 93-97 Usher syndrome (USH) is an autosomal recessive disorder characterized by the association of sensorineural hearing loss and retinitis pigmentosa (RP). Usher syndrome is both clinically and genetically heterogeneous. Three clinical subtypes are defined with respect to vestibular dys- function and the degree of hearing loss. Type I (USH1) patients have profound hearing loss and vestibular dysfunction from birth. Type II (USH2) is the most frequent and patients tend to have less severe hearing impairment and normal vestibular response. Type III (USH3) is char- acterized by a progressive loss of hearing and is found more frequently among Finnish patients. Recently, major breakthroughs have been made in the molecular genetics of Usher syndrome as a number of chromosomal loci and causative genes have been identified in each clinical subtype. Twelve loci are known and the corresponding genes have been cloned for six of them. Although their functions are not always clearly established, a common role is emerging for the proteins identified within each subtype. As a result, each subtype could emanate from defects affecting distinct cellular mechanisms. Key-words: Usher syndrome, retinitis pigmentosa, hearing loss, genetics. Données moléculaires du syndrome de Usher Le syndrome de Usher se caractérise par une surdité neurosensorielle associée à une rétinite pigmentaire. De transmission autosomique récessive, il est cliniquement hétérogène. Trois types cliniques sont définis selon l’atteinte vestibulaire et le degré de surdité. Les patients pré- sentant un syndrome de type I (USH1) sont sourds profonds et n’ont aucune fonction vesti- bulaire à la naissance. Les patients atteints du type II (USH2), le plus fréquemment retrouvé, ne présentent pas d’anomalies vestibulaires et leur surdité est moyenne à sévère. Le type III (USH3) de Usher est caractérisé par une surdité progressive, il est surtout retrouvé en Finlande. Récemment, des progrès majeurs en biologie moléculaire ont permis de montrer l’hétérogé- néité génétique du syndrome de Usher. Douze localisations chromosomiques (loci) ont été déterminées et pour six d’entre elles, les gènes impliqués ont été identifiés. Les fonctions des protéines correspondantes ne sont pas toujours clairement établies, mais il apparaît d’ores et déjà que les protéines ont un rôle spécifique au sein de chaque type clinique et ainsi, USH1, USH2 et USH3 pourraient être le résultat de mécanismes pathogéniqes différents. Mots-clés : Syndrome de Usher, rétinite pigmentaire, surdité, génétique. INTRODUCTION Il existe de nombreux syndromes asso- ciant un défaut des systèmes auditif et visuel, parmi lesquels le syndrome de Usher représente la cause génétique la plus fréquente de surdité et de cécité chez les enfants. Sa prévalence est de l’ordre de 1/25 000 et représente 3- 6 % des patients sourds et 18 % des cas de rétinite pigmentaire. DESCRIPTION CLINIQUE Les symptômes retrouvés dans le syndrome de Usher ont été décrits pour la première fois par l’ophtalmo- logiste allemand Albrecht von Graefe en 1858, mais c’est seulement en 1914 qu’un ophtalmologiste britan- nique, Charles Usher lui attribua une nature héréditaire et lui donna son nom actuel. Le syndrome de Usher se définit par une surdité bilatérale neurosen- sorielle et une perte de la vision cau- sée par une rétinite pigmentaire. L’existence de cette double défi- cience sensorielle a d’abord été observée dans des familles consan- guines et plusieurs travaux ont, par la suite, montré une hétérogénéité clinique qui déboucha sur une clas- sification selon trois types, encore utilisée actuellement [1]. De plus, un diagnostic clinique de Usher est éta- bli selon des critères définis par le consortium de Usher [2]. L’atteinte ophtalmologique Les premiers symptômes de la réti- nite pigmentaire se traduisent par

Données moléculaires du syndrome de Usher

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Page 1: Données moléculaires du syndrome de Usher

J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 1, 93-97© Masson, Paris, 2005.

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FMC

RÉTINOPATHIES PIGMENTAIRES

Données moléculaires du syndrome de UsherA.-F. Roux

Laboratoire de Génétique Moléculaire, CHU Montpellier, Montpellier.Correspondance : A.-F. Roux, Laboratoire de Génétique Moléculaire, Institut Universitaire de Recherche Clinique, 641 avenue du Doyen G. Giraud 34295Montpellier Cedex 05.Reçu le 19 décembre 2003. Accepté le 26 août 2004.

Molecular updates on Usher syndrome

A.-F. Roux

J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 1: 93-97

Usher syndrome (USH) is an autosomal recessive disorder characterized by the association ofsensorineural hearing loss and retinitis pigmentosa (RP). Usher syndrome is both clinically andgenetically heterogeneous. Three clinical subtypes are defined with respect to vestibular dys-function and the degree of hearing loss. Type I (USH1) patients have profound hearing lossand vestibular dysfunction from birth. Type II (USH2) is the most frequent and patients tendto have less severe hearing impairment and normal vestibular response. Type III (USH3) is char-acterized by a progressive loss of hearing and is found more frequently among Finnish patients.Recently, major breakthroughs have been made in the molecular genetics of Usher syndromeas a number of chromosomal loci and causative genes have been identified in each clinicalsubtype. Twelve loci are known and the corresponding genes have been cloned for six ofthem. Although their functions are not always clearly established, a common role is emergingfor the proteins identified within each subtype. As a result, each subtype could emanate fromdefects affecting distinct cellular mechanisms.

Key-words: Usher syndrome, retinitis pigmentosa, hearing loss, genetics.

Données moléculaires du syndrome de UsherLe syndrome de Usher se caractérise par une surdité neurosensorielle associée à une rétinitepigmentaire. De transmission autosomique récessive, il est cliniquement hétérogène. Troistypes cliniques sont définis selon l’atteinte vestibulaire et le degré de surdité. Les patients pré-sentant un syndrome de type I (USH1) sont sourds profonds et n’ont aucune fonction vesti-bulaire à la naissance. Les patients atteints du type II (USH2), le plus fréquemment retrouvé,ne présentent pas d’anomalies vestibulaires et leur surdité est moyenne à sévère. Le type III(USH3) de Usher est caractérisé par une surdité progressive, il est surtout retrouvé en Finlande.Récemment, des progrès majeurs en biologie moléculaire ont permis de montrer l’hétérogé-néité génétique du syndrome de Usher. Douze localisations chromosomiques (loci) ont étédéterminées et pour six d’entre elles, les gènes impliqués ont été identifiés. Les fonctions desprotéines correspondantes ne sont pas toujours clairement établies, mais il apparaît d’ores etdéjà que les protéines ont un rôle spécifique au sein de chaque type clinique et ainsi, USH1,USH2 et USH3 pourraient être le résultat de mécanismes pathogéniqes différents.

Mots-clés : Syndrome de Usher, rétinite pigmentaire, surdité, génétique.

INTRODUCTION

Il existe de nombreux syndromes asso-ciant un défaut des systèmes auditif etvisuel, parmi lesquels le syndrome deUsher représente la cause génétique laplus fréquente de surdité et de cécitéchez les enfants. Sa prévalence est del’ordre de 1/25 000 et représente 3-6 % des patients sourds et 18 % descas de rétinite pigmentaire.

DESCRIPTION CLINIQUE

Les symptômes retrouvés dans lesyndrome de Usher ont été décritspour la première fois par l’ophtalmo-logiste allemand Albrecht von Graefeen 1858, mais c’est seulement en1914 qu’un ophtalmologiste britan-nique, Charles Usher lui attribua unenature héréditaire et lui donna sonnom actuel.

Le syndrome de Usher se définitpar une surdité bilatérale neurosen-sorielle et une perte de la vision cau-sée par une rétinite pigmentaire.L’existence de cette double défi-cience sensorielle a d’abord étéobservée dans des familles consan-guines et plusieurs travaux ont, parla suite, montré une hétérogénéitéclinique qui déboucha sur une clas-sification selon trois types, encoreutilisée actuellement [1]. De plus, undiagnostic clinique de Usher est éta-bli selon des critères définis par leconsortium de Usher [2].

L’atteinte ophtalmologique

Les premiers symptômes de la réti-nite pigmentaire se traduisent par

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une perte de la vision nocturne.Des anomalies de l’électrorétino-gramme peuvent être détectées defaçon très précoce avant les symp-tômes visuels. La rétinite pigmen-taire va se développer progressive-ment jusqu’à une cécité vers l’âgede 40-60 ans.

L’atteinte vestibulaire

Elle se traduit par une réponse al-térée au test calorique. Le dysfonc-tionnement vestibulaire se mani-feste chez certains patients par unretard de l’âge de la marche et desproblèmes d’équilibre. Il est alorstrès important de pouvoir dissocierles problèmes d’équilibre secon-daires à une atteinte vestibulairede ceux directement liés aux symp-tômes associés à la surdité et à laréduction du champ visuel.

L’atteinte auditive

Elle est de type neurosensorielle etest très variable selon le type deUsher. Elle peut être congénitalesévère à profonde, post-lingualemodérée (avec perte accentuéedans les fréquences aiguës). Un ca-ractère progressif de la surdité estretrouvé exclusivement dans letype 3. Le tableau I montre la clas-sification des trois composantesainsi définies selon les types cli-niques 1, 2 et 3. Néanmoins, unnombre non négligeable de pa-

tients présente des symptômesappartenant à plusieurs types cli-niques révélant ainsi la nécessitéd’affiner cette classification pardes données moléculaires et descorrélations génotype/phénotype.

GÉNÉTIQUE

Le syndrome de Usher est généti-quement hétérogène car un mêmephénotype peut être le résultatde différents gènes mutés. Parailleurs, il est vraisemblable, quedans certains cas, un phénomènede digénisme soit à l’origine d’unsyndrome de Usher. La transmis-sion de type autosomique réces-sive est parfaitement établie et en-traîne ainsi l’apparition d’un cassporadique au sein d’une famillebien portante. Il est alors impor-tant de conseiller la famille quantà une possible récurrence du syn-drome dans la fratrie.

À chaque type clinique corres-pond un certain nombre de gènesdont les anomalies peuvent êtreresponsables d’un phénotypebien défini. À ce jour, 13 loci ontdéjà été localisés [3-7] et http://www.uia.ac.be/dnalab/hhh). Pourchacun des types 1, 2 et 3, nousobservons une hétérogénéité gé-nétique qui semble plus impor-tante pour le type 1, mais ce der-nier représente la forme la plusgrave et la plus étudiée jusqu’ici. Il

n’est donc pas évident que cetteobservation soit le reflet de la réa-lité car tous les loci et gènes impli-qués ne sont pas identifiés et lenombre ne cesse de croître chaqueannée.

Sur les 13 loci identifiés, seule-ment 7 gènes ont été clonés, laplupart de ces gènes peuvent êtreimpliqués aussi dans des formesnon syndromiques de surdités oude rétinite pigmentaire (symboleDFNA pour une transmission detype autosomique dominante ouDFNB pour une transmission detype autosomique récessive). Letableau II donne un état des lieuxdes locus et gènes associés identi-fiés à ce jour.

Il a été d’abord rapporté queUSH1 représentait 90 % des casde Usher contre 10 % pour USH2.Ce pourcentage a été récemmentréévalué par 2 études initiées auxÉtats-Unis et en Europe du Nord ;en effet, USH1 serait moins fré-quent que USH2 (

≈ 40 % contre

≈ 60 %) [4]. L’évaluation initialeétait probablement due au fait quela majorité des patients examinésprésentaient une surdité sévère à pro-fonde, caractéristique du type I. Lesyndrome de Usher type 3 sembleêtre beaucoup plus rare bien qu’enFinlande, grâce à la présence d’uneffet fondateur, il représente 40 %des cas [9]. Enfin, en Angleterre ouplus exactement à Birmingham,USH3 regrouperait 20 % des cas[10].

Tableau IClassification des trois atteintes selon les types cliniques 1, 2 et 3.

Type Surdité Fonctionvestibulaire

Perte visionnocturne

Perte du champvisuel

Fréquence

USH1 StableProfonde

Congénitalestable

Absente Avant 10 ans Avant la puberté 30 %

USH2 StableModérée basses

fréquencesSévère hautes

fréquences

Normale Puberté Variable 60 %

USH3 Progressive Normale généralement Variable Variable 10 %

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Vol. 28, n° 1, 2005 Données moléculaires du syndrome de Usher

95Les gènes et les mutations

USHER de type 1

Cinq gènes sont actuellementconnus pour le type 1. Ils sont tousexprimés dans les cellules ciliées in-ternes et externes de l’organe deCorti.Gène de la Myosine 7A (MYO7A)

Le gène de la myosine 7A estconstitué de 48 exons codants.Plus de 80 mutations, réparties surl’ensemble du gène, ont été iden-tifiées. Ces variations de séquencespathogènes regroupent des muta-tions non-sens, faux-sens, ainsique des anomalies d’épissage etdes délétions. Certaines mutationspeuvent être récurrentes en fonc-tion de la population étudiée. Il enest ainsi pour la R212H dans la po-pulation américaine des États-Unis[11], la C31X dans la populationdanoise [12], la Q821X dans la po-pulation espagnole [13]. Nous ob-servons une variabilité des phéno-types allant jusqu’à des formesatypiques (surdité progressive)[14]. À noter que certaines muta-tions de ce gène sont responsablesde surdités non syndromiques.

Gène de la Cadhérine 23 (CDH23)

Ce gène est constitué de 69 exons.Plus de 50 mutations sont connues,correspondant à des mutations non-sens, faux-sens, anomalies d’épis-sage et délétions associées à unegrande variabilité dans le phéno-type défini de type 1 (degré de sé-vérité de la surdité, de la RP et desproblèmes d’équilibre) mais aussi àdes cas de Usher atypiques. Cegène serait également impliquédans 5 % des surdités récessivesnon syndromiques [15]. Les pre-mières données de corrélations gé-notype/phénotype suggèrent queles mutations troncatives de cegène entraînent un phénotypesévère tandis que les mutationsfaux–sens sont associées à desUsher atypiques ou encore des sur-dités non syndromiques.Autres Gènes

Trois autres gènes sont connuscomme étant aussi impliqués dansle syndrome de Usher : les gènesUSH1C (Harmonin), qui peut aussiêtre impliqué dans des surditésnon syndromiques, le gène PCDH15(USH1F) et le gène SANS (USH1G).

Quelques mutations ont été iden-tifiées pour chacun d’entre eux.

USHER de type 2

Gène USH2A (Usherin)

Le gène USH2A n’est pas exprimédans les cellules sensorielles maisdans les cellules épithéliales pig-mentaires et dans les cellules épi-théliales de la cochlée. Usherin estun composant des membranes ba-sales de la rétine et de la cochlée.

USH2A, codant pour Usherin estconstitué de 21 exons. Si plus de30 mutations ont été décrites, unemutation est plus fréquemmentretrouvée dans plusieurs popula-tions étudiées. Il s’agit de la2299delG résultant d’une muta-tion ancestrale qui s’est étendue àtravers l’Europe et les États-Unis[16]. Cette mutation a aussi étédécrite dans des cas de syndromede USHER atypique. Il existe uneforte hétérogénéité interfamilialequant au degré de surdité et àl’âge d’apparition de la RP etaucune corrélation génotype-phé-notype n’est actuellement accessi-ble [17, 18]. Le gène USH2A estaussi altéré dans des RP isolées

Tableau IIÉtat des lieux des locus et gènes associés identifiés à ce jour.

Loci Localisation chromosomique

Gène Protéine Formes non syndromiques*

USH1A (a) 14q32 – – –

USH1B (a) 11q13.5 MYO7A Myosin VIIA DFNB2

DFNA11

USH1C (a) 11p15.1 USH1C Harmonin DFN18?

USH1D (a) 10q CDH23 Cadherin 23 DFNB12

USH1E (a) 21q21 – – –

USH1F (a) 10 PCDH15 Protocadherin 15 DFNB23

USH1G (b) 17q24-25 SANS (c) SANS DFNA20/ DFNA26

USH2A (a) 1q41 USH2A Usherin –

USH2B (a) 3p23-24.2 – – DFNB6?

USH2C (a) 5q14.3-21.3 – – –

USH3A (a) 3q21-25 USH3 Clarin-1 –

(a) base de données des surdités héréditaires http://.uia.ac.be/dnalab/hhh.html, et Petit, 2001. (b) Mustapha et al., 2002 [7]. (c) Weil et al., 2003. *DFNA : surdité non syndromique à transmission autosomique dominante. DFNB : surdité non syndromique à transmission autosomique récessive.

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avec une mutation particulière quiserait responsable de 4 % des RPnon syndromiques [19] (voir chapi-tre sur la génétique de rétinitespigmentaires).

USHER de type 3

Gène USH3A (Clarin-1)

Ce gène est actuellement le seulgène cloné pour le type 3 et codepour la protéine Clarin-1. Il reste àdéfinir aujourd’hui son implicationau sein des syndromes de Usher.Plusieurs mutations sont connueset toutes entraînent une inactiva-tion de la protéine.

À la liste des mutations patho-gènes publiées pour chacun desgènes cités ci-dessus viennent serajouter les variations de séquencespour lesquelles aucune pathogéni-cité n’a pu être démontrée et quisont donc répertoriées en tant quepolymorphismes ; il n’est cepen-dant pas exclu que certains de cespolymorphismes se révèlent finale-ment pathogènes.

Rôle des protéines

Les connaissances physiopatholo-giques et le rôle précis des diffé-rentes protéines sont incomplets etrestent encore à préciser. Cepen-dant, l’étude de modèles animauxprésentant un phénotype ana-logue aux patients Usher a permisnon seulement d’aider à la locali-sation de certains des gènes encause, mais aussi à la compréhen-sion des structures impliquées. Lesstéréocils, localisés sur la régionapicale des cellules sensorielles del’oreille interne, montrent unestructure hautement organisée as-surant le maintien d’une polaritéau niveau de l’épithélium. Dansune structure normale, les stéréo-cils sont reliés entre eux et, sousl’influence d’un son, pivotent àpartir de leur point d’ancrage surla cellule sensorielle, entraînantainsi l’ouverture ou la fermeturedes canaux de transduction et parconséquent, une modification dupotentiel électrique. Les modèlesanimaux décrits montraient des

défauts dans des gènes ortho-logues : Myo7a (souris shaker-1),Cdh23 (souris waltzer) et Cdh15(Ames waltzer) [4]. Tous les mu-tants montraient à la fois une sur-dité congénitale et un problèmevestibulaire soulignant l’impor-tance cruciale de ces protéines. Deplus, nous pouvions observer unedésorganisation similaire des stéréo-cils de la région apicale des cellulessensorielles de l’oreille interne.

En parallèle des modèles ani-maux, une certaine cohérence aété amorcée par des études por-tant sur l’interaction des diffé-rentes protéines. Des résultats ré-cents montrent que la structuredes stéréocils, leurs interactions etleur ancrage à la cellule sensorielledépendent de l’interaction d’aumoins 4 protéines, la myosine 7A,l’harmonine, la cadhérine 23 etSANS qui est indispensable à la for-mation de ce réseau fonctionnel[20, 8]. Ces résultats suggèrentdonc que les protéines identifiéesdans le type 1 de Usher soit reliéespar une fonction similaire.

Il semble donc que des altérationsde cellules ciliées soient à l’originede USH1. Des mécanismes diffé-rents pour USH2, impliquant desanomalies des membranes basaleset USH3, impliqué dans les jonc-tions synaptiques, pourraient expli-quer en partie les différents typescliniques.

CONCLUSION

L’aspect dévastateur du syndromede Usher nécessite un diagnosticclinique précoce des patients quisont pour la majorité de jeunes en-fants. La possibilité d’avoir recoursà un implant cochléaire, pendantla période prélinguale doit être for-tement conseillée aux enfants at-teints d’un type 1 et accompagnéd’une prise en charge efficace etadaptée. Il est aussi importantd’offrir aux familles la possibilitéd’avoir recours à un conseil géné-tique et à un diagnostic molécu-laire.

La connaissance d’un certainnombre de gènes impliqués dansles différents types montre d’oreset déjà que la classification cliniquepourrait évoluer en classificationmoléculaire basée sur des corréla-tions génotype/phénotype et surdes mécanismes moléculaires dis-tincts. Il semble aussi que les dis-tinctions entre les formes syndro-miques et non syndromiques desrétinites pigmentaires et des surdi-tés ne soient plus aussi faciles àformuler, puisqu’un même gènepeut être impliqué dans les troisformes.

Les récents progrès moléculairespermettent déjà de proposer desrôles distincts pour les différentesprotéines impliquées. Ces donnéessont renforcées par l’utilisation demodèles animaux. Les connais-sances de la physiopathologie dusyndrome de Usher ne cessentd’être améliorées mais les effortsdoivent être poursuivis pour per-mettre d’envisager une éventuellethérapie.

Remerciements : L’Association SOSRétinite est vivement remerciée pour sonsoutien financier.

N.B.Depuis la rédaction de cette revue deuxpublications majeures relatives au syn-drome de Usher de type 2 ont été pu-bliées :1 – Van Wijk et al. ont montré la pré-sence de 51 exons supplémentaires dansle gène USH2A (Am J Hum Genet, 2004,74, 738-744).2 – Weston et al. ont identifié des mu-tations dans le gène VLGR1, locusUSH2C, chez des patients Usher (Am JHum Genet, 2004, 74, 357-366).

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