2
POINT DE VUE DE L EXPERT / EXPERTS POINT OF VIEW VIDÉOCAPSULE Douleurs abdominales Abdominal pain M. Delvaux © Springer-Verlag France 2010 Introduction Peu détudes ont été spécifiquement consacrées à lutilité de la capsule endoscopique pour explorer des patients présen- tant des douleurs abdominales chroniques. Trois situations peuvent être envisagées : des douleurs abdominales associées à dautres symptômes digestifs et/ou des signes dalarme (rectorragies, Hémoc- cult positif, amaigrissement inexpliqué, fièvre, diarrhées chroniques) qui peuvent orienter vers une exploration de lintestin grêle ; des douleurs abdominales et la mise en évidence par dautres examens danomalies morphologiques de lintes- tin grêle quil convient dexplorer ; des douleurs abdominales isolées, de caractère nette- ment chronique ayant conduit à de nombreux bilans et explorations négatifs, faisant suspecter une pathologie fonctionnelle. Pathologies ou anomalies dépistables par la capsule et la fréquence Les études consacrées aux patients adultes explorés par la capsule endoscopique, pour le diagnostic étiologique de douleurs abdominales, montrent une rentabilité diagnostique plutôt faible de la capsule dans cette indication. L étude initiale de Bardan et al. ne comprenait que 16 patients, dont 14 avec un enregistrement normal de la capsule [1]. Les études publiées par May et al. [2] et Fry et al. [3] met- taient en évidence une rentabilité faible de la capsule endo- scopique chez les patients avec des douleurs abdominales isolées (6 à 14 %). De même, dans une courte série de 12 patients, Spada et al. nont trouvé quune lésion signifi- cative (6 %) [4]. Il faut, par ailleurs, noter que dans létude de May et al. qui comprenait le plus grand nombre de patients, la capsule était plus souvent positive lorsque des diarrhées étaient associées aux douleurs [3]. Dans cette même étude, la rentabilité diagnostique de la capsule endo- scopique augmentait lorsque des signes dalarme ou un syn- drome inflammatoire étaient présents. Les lésions les plus fréquemment décrites chez des patients explorés pour des douleurs abdominales sont des lésions évocatrices de la maladie de Crohn, des sténoses bénignes de lintestin grêle en rapport avec une maladie de Crohn ou la prise danti-inflammatoires non stéroïdiens. Paradoxalement, peu de tumeurs malignes sténosantes ont été diagnostiquées chez ces patients. L expérience acquise depuis le début dutilisation de la capsule endoscopique montre que la plupart des lésions néoplasiques sont diagnos- tiquées au stade de lanémie chronique, avant quelles ne deviennent sténosantes et provoquent des douleurs abdomi- nales par obstruction intestinale [5]. Quelques études réalisées chez des enfants avec des dou- leurs abdominales chroniques ont montré une rentabilité relativement faible de la capsule endoscopique avec des résultats comparables à ceux des études chez des patients adultes [6,7]. Cependant, une étude multicentrique incluant un grand nombre de patients (83 enfants âgés de 1,5 à 8 ans), et récemment publiée [8], montre une rentabilité diagnos- tique denviron 50 % chez les enfants présentant un saigne- ment chronique ou une suspicion de maladie de Crohn. Il faut également noter que la capsule retrouvait des lésions intestinales significatives chez 50 % des enfants explorés pour des douleurs abdominales chroniques (6/12) dont trois maladies de Crohn, deux hyperplasies lymphocytaires et un cas de blue rubber bleb naevi syndrome. Bénéfice potentiel pour le patient Prenant en compte la faible rentabilité diagnostique de la capsule endoscopique dans cette indication et, de plus, son excellente tolérance, on peut définir le bénéfice pour le M. Delvaux (*) Unité de médecine interne à orientation digestive, hôpital de Brabois, allée-du-Morvan, F-54511 Nancy cedex, France e-mail : [email protected] Indication HAS : non Acta Endosc. (2010) 40:161-162 DOI 10.1007/s10190-010-0056-5

Douleurs abdominales

Embed Size (px)

Citation preview

POINT DE VUE DE L’EXPERT / EXPERT’S POINT OF VIEW VIDÉOCAPSULE

Douleurs abdominales

Abdominal pain

M. Delvaux

© Springer-Verlag France 2010

Introduction

Peu d’études ont été spécifiquement consacrées à l’utilité dela capsule endoscopique pour explorer des patients présen-tant des douleurs abdominales chroniques. Trois situationspeuvent être envisagées :

• des douleurs abdominales associées à d’autres symptômesdigestifs et/ou des signes d’alarme (rectorragies, Hémoc-cult positif, amaigrissement inexpliqué, fièvre, diarrhéeschroniques) qui peuvent orienter vers une exploration del’intestin grêle ;

• des douleurs abdominales et la mise en évidence pard’autres examens d’anomalies morphologiques de l’intes-tin grêle qu’il convient d’explorer ;

• des douleurs abdominales isolées, de caractère nette-ment chronique ayant conduit à de nombreux bilans etexplorations négatifs, faisant suspecter une pathologiefonctionnelle.

Pathologies ou anomalies dépistablespar la capsule et la fréquence

Les études consacrées aux patients adultes explorés par lacapsule endoscopique, pour le diagnostic étiologique dedouleurs abdominales, montrent une rentabilité diagnostiqueplutôt faible de la capsule dans cette indication. L’étudeinitiale de Bardan et al. ne comprenait que 16 patients,dont 14 avec un enregistrement normal de la capsule [1].Les études publiées par May et al. [2] et Fry et al. [3] met-taient en évidence une rentabilité faible de la capsule endo-scopique chez les patients avec des douleurs abdominalesisolées (6 à 14 %). De même, dans une courte série de

12 patients, Spada et al. n’ont trouvé qu’une lésion signifi-cative (6 %) [4]. Il faut, par ailleurs, noter que dans l’étudede May et al. qui comprenait le plus grand nombre depatients, la capsule était plus souvent positive lorsque desdiarrhées étaient associées aux douleurs [3]. Dans cettemême étude, la rentabilité diagnostique de la capsule endo-scopique augmentait lorsque des signes d’alarme ou un syn-drome inflammatoire étaient présents.

Les lésions les plus fréquemment décrites chez despatients explorés pour des douleurs abdominales sont deslésions évocatrices de la maladie de Crohn, des sténosesbénignes de l’intestin grêle en rapport avec une maladie deCrohn ou la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.Paradoxalement, peu de tumeurs malignes sténosantes ontété diagnostiquées chez ces patients. L’expérience acquisedepuis le début d’utilisation de la capsule endoscopiquemontre que la plupart des lésions néoplasiques sont diagnos-tiquées au stade de l’anémie chronique, avant qu’elles nedeviennent sténosantes et provoquent des douleurs abdomi-nales par obstruction intestinale [5].

Quelques études réalisées chez des enfants avec des dou-leurs abdominales chroniques ont montré une rentabilitérelativement faible de la capsule endoscopique avec desrésultats comparables à ceux des études chez des patientsadultes [6,7]. Cependant, une étude multicentrique incluantun grand nombre de patients (83 enfants âgés de 1,5 à 8 ans),et récemment publiée [8], montre une rentabilité diagnos-tique d’environ 50 % chez les enfants présentant un saigne-ment chronique ou une suspicion de maladie de Crohn. Ilfaut également noter que la capsule retrouvait des lésionsintestinales significatives chez 50 % des enfants exploréspour des douleurs abdominales chroniques (6/12) dont troismaladies de Crohn, deux hyperplasies lymphocytaires et uncas de blue rubber bleb naevi syndrome.

Bénéfice potentiel pour le patient

Prenant en compte la faible rentabilité diagnostique de lacapsule endoscopique dans cette indication et, de plus, sonexcellente tolérance, on peut définir le bénéfice pour le

M. Delvaux (*)Unité de médecine interne à orientation digestive,hôpital de Brabois, allée-du-Morvan, F-54511 Nancy cedex,Francee-mail : [email protected]

Indication HAS : non

Acta Endosc. (2010) 40:161-162DOI 10.1007/s10190-010-0056-5

patient davantage en fonction de la haute valeur prédictivenégative de l’examen qu’en fonction de sa rentabilité diag-nostique. La capsule endoscopique peut alors être considéréecomme un examen d’exclusion d’une pathologie intestinale,permettant de rassurer le patient et d’orienter vers un diag-nostic de troubles fonctionnels intestinaux. Toutefois, il fautsouligner ici la possibilité d’un diagnostic positif de ces trou-bles fonctionnels intestinaux par les critères diagnostiquesbasés sur l’association de symptômes (critères de Rome) [9].

Degré de démonstration du rapportrisque/bénéfice (niveau de preuve)

Très faible.

Risques pour le patient de l’examenpar capsule et/ou de ses conséquences

Le risque principal encouru par le patient, lors de la réalisa-tion d’une capsule endoscopique dans cette indication, estcelui de l’impaction de la capsule au niveau d’une lésionsténosante, non suspectée avant l’administration de la cap-sule. Un interrogatoire soigneux à la recherche de signesocclusifs et la réalisation d’un scanner abdominal avec enté-roclyse ou l’utilisation de la patency capsule peuvent réduirece risque (voir chapitre sur les sténoses).

Conseil de prise en charge/précautions

L’indication d’une capsule endoscopique pour l’examen del’intestin grêle peut être envisagée pour l’exploration dedouleurs abdominales chroniques lorsque celles-ci sont asso-ciées à des diarrhées chroniques ou des signes d’alarme. Endehors de ces situations, nous ne disposons pas, aujourd’hui,de données suffisantes pour proposer une capsule à cespatients.

Conclusion

À l’avenir, des études devraient être entreprises pour évaluerl’intérêt de la capsule endoscopique pour exclure une patho-logie organique intestinale ou colique sans pratiquer d’exa-men invasif. Cette attitude ne pourrait être validée qu’aprèsla démonstration d’une valeur prédictive négative élevéepour la capsule chez ces patients.

Conflit d’intérêt : aucun.

Références

1. Bardan E, Nadler M, Chowers Y, Fidder H, Bar-Meir S. Capsuleendoscopy for the evaluation of patients with chronic abdominalpain. Endoscopy 2003;35:688–9.

2. Fry LC, Carey EJ, Shiff AD, Heigh RI, Sharma VK, Post JK, et al.The yield of capsule endoscopy in patients with abdominal pain ordiarrhea. Endoscopy 2006;38:498–502.

3. May A, Manner H, Schneider M, Ipsen A, Ell C. Prospective mul-ticenter trial of capsule endoscopy in patients with chronic abdo-minal pain, diarrhea and other signs and symptoms (CEDAP-PlusStudy). Endoscopy 2007;39:606–12.

4. Spada C, Pirozzi GA, Riccioni ME, Iacopini F, Marchese M,Costamagna G. Capsule endoscopy in patients with chronicabdominal pain. Dig Liver Dis 2006;38:696–8.

5. Bailey AA, Debinski HS, Appleyard MN, Remedios ML, HooperJE, Walsh AJ, et al. Diagnosis and outcome of small bowel tumorsfound by capsule endoscopy: a three-center Australian experience.Am J Gastroenterol 2006;101:2237–43.

6. Shamir R, Hino B, Hartman C, Berkowitz D, Eshach-Adiv O,Eliakim R. Wireless video capsule in pediatric patients withfunctional abdominal pain. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2007;44:45–50.

7. Argüelles-Arias F, Argüelles Martín F, Caunedo Alvarez A,Sánchez Yagüe A, Romero Vázquez J, García Montes MJ, et al.Is capsule endoscopy useful in children with chronic abdominalpain? An Pediatr (Barc) 2007;67:385–9.

8. Fritscher-Ravens A, Scherbakov P, Bufler P, Torroni F, Ruuska T,Nuutinen H, et al. The feasibility of wireless capsule endoscopy indetecting small intestinal pathology in children under the age of8 years – A multicentre European study. Gut 2009;58:1467–72.

9. Delvaux M, Gay G. Are the definitions of functional digestivedisorders based on the Rome criteria useful in clinical practice?Gastroenterol Clin Biol 2004;28:551–3.

162 Acta Endosc. (2010) 40:161-162