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20 OptionBio | vendredi 28 juin 2013 | n° 493 pratique | procalcitonine Du bon usage de la procalcitonine Les politiques actuelles visent au bon usage des antibiotiques, c’est-à-dire aussi à leur moindre usage. La France, qui en 2005 était le premier pays consommateur d’antibiotiques, occupe la 4 e place en 2010 ; ce qui semble être une conséquence positive, mais il faut cependant rester vigilant… Le dosage de la procalcitonine (PCT) contribue de manière intéressante à cette vigilance, dès lors que sa prescription est elle-même maîtrisée. Hervé Gentilhomme, du laboratoire du CH de Centre Bretagne, nous fait part de son expérience réussie de synergie clinicien-biologiste pour optimiser la prescription de dosage de PCT d’une part, et réduire la consommation d’antibiotiques d’autre part. Optimiser la prescription de procalcitonine Spécifique des infections bactériennes, la PCT présente les caractéristiques du parfait marqueur : intérêt dans le diagnostic du fait de sa précocité, intérêt pronostique du fait de sa corrélation avec l’étendue et la sévérité de l’infection, intérêt dans le suivi thérapeutique du fait de sa diminution rapide en cas d’efficacité thérapeutique. Au Centre hospitalier Centre Bretagne, la recherche de PCT, disponible au laboratoire depuis 2005, était alors prescrite sans cadre de prescription particulier. La technique semi- quantitative, opérateur dépendante et relative- ment peu précise, a été remplacée fin 2010 par le dosage quantitatif. Dans ce contexte, le laboratoire a mis sur pied une stratégie de communication, basée sur les étapes suivantes. Pendant un mois, le laboratoire a compilé les demandes de PCT des différents services de l’hôpital, sans donner de consignes parti- culières, et les a comparées aux demandes d’hospitalisation. Durant le 2 e mois, toute demande de PCT a été systématiquement associée à un appel dans le service pour recueillir le contexte clinique. L’analyse durant ce 2 e mois révélant des écarts quant au bien-fondé de la prescription et un envol du nombre de prescriptions, il est décidé alors de cadrer la prescription via l’élaboration d’un bon de prescription explicite et la réactualisation des protocoles de prise en charge des pathologies respiratoires sous le pilotage de la commission des anti-infectieux. Protocoles de prise en charge des infections respiratoires basses Il a été mis en place 2 axes de travail. L’un a été mené sur la bibliographie, les nouvelles conférences de consensus sur les pneumopa- thies, afin d’établir des algorithmes respectant les nouvelles recommandations. L’autre axe a impliqué la participation des prescripteurs pour adapter ces algorithmes avec la réalité de terrain, certaines recommandations, comme l’évalua- tion des sécrétions, n’étant pas réalisées sur le terrain. Ceci a permis de construire et de valider des outils adaptés à la pratique quotidienne : les référentiels CHCB. Ces référentiels, propres au Centre hospitalier de Bretagne (CHCB), sont des protocoles de prise en charge présentés sous forme d’algorithme tenant sur une page (donc d’utilisation facile). Le protocole de prise en charge des pneumo- pathies aiguës communautaires a ainsi été réactualisé, avec dosage de PCT uniquement à 6 jours pour décider d’arrêter les antibio- tiques (PCT non prescrite comme élément de diagnostic). Dans les bronchites sévères d’exacerbation des BPCO, la PCT est prescrite lors du diagnostic s’il n’y a pas d’élément de comorbidité, pour décider, en cas de résultat positif, d’une anti- biothérapie. Son dosage peut dans ce cas être également utile après 6 jours de traitement : une baisse significative de son taux justifiant alors de l’arrêt du traitement antibiotique. Dans le cas d’un patient qui arrive avec un trai- tement antibiotique depuis 3 jours, si la PCT est basse, il n’est pas possible de conclure. En effet, soit il n’y a pas d’infection, soit les antibiotiques ont entraîné une baisse de PCT. Si en revanche la PCT est positive, elle peut être un élément pronostique. Les fiches ou bons de prescription Dès lors que ces bons ont été créés, l’objectif a été qu’ils soient systématiquement utilisés. Pour cela : les bons ont été conçus pour être particuliè- rement adaptés à la pratique quotidienne (cases à cocher en lien avec renseignements cliniques…) ; des réunions d’informations dans les services ont été réalisées pour présenter les principaux cas d’erreurs de prescription recensés durant le 2 e mois ; toute demande de PCT non accompagnée de ce bon de prescription a été rejetée, avec un important travail de communication à chaque fois auprès des services. L’intérêt des outils qualité Si la bibliographie démontre l’intérêt de la PCT dans la gestion des traitements antibiotiques, il est nécessaire d’être vigilant sur la pertinence de la prescription de ce dosage. En effet, le risque est grand d’envol des coûts de dosage et de banali- sation de sa prescription. Afin de s’assurer de cette pertinence, une pre- mière série d’indicateurs a été mise en œuvre et est suivie par le service qualité. Le taux de remplissage des bons de prescription associés à toute demande de PCT (obtention d’un pourcentage de l’ordre de 97 %). Le nombre de PCT par mois (stabilisation à envi- ron 60 à 70/mois), cet indicateur est associé au suivi d’autres marqueurs comme la troponine, le ProBNP. L’analyse du contexte de prescription : ciblage de la prescription des pédiatres, cas particulier de l’information à assurer auprès des internes aux Urgences… Concrètement, comment gérer le dosage de PCT quand l’urgentiste a prescrit des antibio- tiques dès l’arrivée du patient ? Sachant que des tubes sont prélevés systématiquement pour tout patient entrant aux urgences, compte tenu de la stabilité de la PCT en tube sur gel (conservation démontrée par le laboratoire), son dosage peut être décidé a posteriori du prélèvement, et donc réalisé, uniquement si cela est pertinent, sur un échantillon sanguin avant mise sous traitement. L’objectif du bon usage du dosage de PCT étant in fine de réduire la consommation d’antibiotiques, deux indicateurs d’impact sont suivis :

Du bon usage de la procalcitonine

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20 OptionBio | vendredi 28 juin 2013 | n° 493

pratique | procalcitonine

Du bon usage de la procalcitonine

Les politiques actuelles visent au bon usage des antibiotiques, c’est-à-dire aussi à leur moindre usage. La France, qui en 2005 était le premier pays consommateur d’antibiotiques, occupe la 4e place en 2010 ; ce qui semble être une conséquence positive, mais il faut cependant rester vigilant…Le dosage de la procalcitonine (PCT) contribue de manière intéressante à cette vigilance, dès lors que sa prescription est elle-même maîtrisée. Hervé Gentilhomme, du laboratoire du CH de Centre Bretagne, nous fait part de son expérience réussie de synergie clinicien-biologiste pour optimiser la prescription de dosage de PCT d’une part, et réduire la consommation d’antibiotiques d’autre part.

Optimiser la prescription de procalcitonineSpécifique des infections bactériennes, la PCT présente les caractéristiques du parfait marqueur : intérêt dans le diagnostic du fait de sa précocité, intérêt pronostique du fait de sa corrélation avec l’étendue et la sévérité de l’infection, intérêt dans le suivi thérapeutique du fait de sa diminution rapide en cas d’efficacité thérapeutique.Au Centre hospitalier Centre Bretagne, la recherche de PCT, disponible au laboratoire depuis 2005, était alors prescrite sans cadre de prescription particulier. La technique semi- quantitative, opérateur dépendante et relative-ment peu précise, a été remplacée fin 2010 par le dosage quantitatif. Dans ce contexte, le laboratoire a mis sur pied une stratégie de communication, basée sur les étapes suivantes.

Pendant un mois, le laboratoire a compilé les demandes de PCT des différents services de l’hôpital, sans donner de consignes parti-culières, et les a comparées aux demandes d’hospitalisation. Durant le 2e mois, toute demande de PCT a été systématiquement associée à un appel dans le service pour recueillir le contexte clinique.

L’analyse durant ce 2e mois révélant des écarts quant au bien-fondé de la prescription et un envol du nombre de prescriptions, il est décidé alors de cadrer la prescription via l’élaboration d’un bon de prescription explicite et la réactualisation des protocoles de prise en charge des pathologies respiratoires sous le pilotage de la commission des anti-infectieux.

Protocoles de prise en charge des infections respiratoires bassesIl a été mis en place 2 axes de travail. L’un a été mené sur la bibliographie, les nouvelles conférences de consensus sur les pneumopa-thies, afin d’établir des algorithmes respectant les nouvelles recommandations. L’autre axe a

impliqué la participation des prescripteurs pour adapter ces algorithmes avec la réalité de terrain, certaines recommandations, comme l’évalua-tion des sécrétions, n’étant pas réalisées sur le terrain. Ceci a permis de construire et de valider des outils adaptés à la pratique quotidienne : les référentiels CHCB. Ces référentiels, propres au Centre hospitalier de Bretagne (CHCB), sont des protocoles de prise en charge présentés sous forme d’algorithme tenant sur une page (donc d’utilisation facile).

Le protocole de prise en charge des pneumo-pathies aiguës communautaires a ainsi été réactualisé, avec dosage de PCT uniquement à 6 jours pour décider d’arrêter les antibio-tiques (PCT non prescrite comme élément de diagnostic). Dans les bronchites sévères d’exacerbation des BPCO, la PCT est prescrite lors du diagnostic s’il n’y a pas d’élément de comorbidité, pour décider, en cas de résultat positif, d’une anti-biothérapie. Son dosage peut dans ce cas être également utile après 6 jours de traitement : une baisse significative de son taux justifiant alors de l’arrêt du traitement antibiotique.

Dans le cas d’un patient qui arrive avec un trai-tement antibiotique depuis 3 jours, si la PCT est basse, il n’est pas possible de conclure. En effet, soit il n’y a pas d’infection, soit les antibiotiques ont entraîné une baisse de PCT. Si en revanche la PCT est positive, elle peut être un élément pronostique.

Les fiches ou bons de prescriptionDès lors que ces bons ont été créés, l’objectif a été qu’ils soient systématiquement utilisés. Pour cela :

les bons ont été conçus pour être particuliè-rement adaptés à la pratique quotidienne (cases à cocher en lien avec renseignements cliniques…) ; des réunions d’informations dans les services ont été réalisées pour présenter les principaux

cas d’erreurs de prescription recensés durant le 2e mois ; toute demande de PCT non accompagnée de ce bon de prescription a été rejetée, avec un important travail de communication à chaque fois auprès des services.

L’intérêt des outils qualitéSi la bibliographie démontre l’intérêt de la PCT dans la gestion des traitements antibiotiques, il est nécessaire d’être vigilant sur la pertinence de la prescription de ce dosage. En effet, le risque est grand d’envol des coûts de dosage et de banali-sation de sa prescription.Afin de s’assurer de cette pertinence, une pre-mière série d’indicateurs a été mise en œuvre et est suivie par le service qualité.

Le taux de remplissage des bons de prescription associés à toute demande de PCT (obtention d’un pourcentage de l’ordre de 97 %). Le nombre de PCT par mois (stabilisation à envi-ron 60 à 70/mois), cet indicateur est associé au suivi d’autres marqueurs comme la troponine, le ProBNP. L’analyse du contexte de prescription : ciblage de la prescription des pédiatres, cas particulier de l’information à assurer auprès des internes aux Urgences…

Concrètement, comment gérer le dosage de PCT quand l’urgentiste a prescrit des antibio-tiques dès l’arrivée du patient ? Sachant que des tubes sont prélevés systématiquement pour tout patient entrant aux urgences, compte tenu de la stabilité de la PCT en tube sur gel (conservation démontrée par le laboratoire), son dosage peut être décidé a posteriori du prélèvement, et donc réalisé, uniquement si cela est pertinent, sur un échantillon sanguin avant mise sous traitement.L’objectif du bon usage du dosage de PCT étant in fine de réduire la consommation d’antibiotiques, deux indicateurs d’impact sont suivis :

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un indicateur ponctuel représenté par le pour-centage d’antibiothérapie non débutée lorsque la PCT est négative ; un indicateur en continu matérialisé par le suivi de consommation d’antibiotiques dans le temps.

Un exemple de synergie réussieL’étroite collaboration entre le laboratoire, les prescripteurs des différents services, le service qualité de l’hôpital a abouti à la stabilisation avé-rée de la prescription de PCT et au constat de la diminution globale de la consommation d’anti-biotiques au centre hospitalier. La mise en place des indicateurs permettra de s’assurer que cette synergie reste vive et efficace, tant pour l’intérêt du patient que pour le bon fonctionnement et la maîtrise des coûts à l’hôpital. |

Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’inté-

rêts en relation avec cet article.

ROSE-MARIE LEBLANCConsultant biologiste, Bordeaux

[email protected]

SourceD’après une communication de H. Gentilhomme (Centre hospitalier

Centre Bretagne, Noyal-Pontivy). 41e colloque CNBH, Toulouse,

octobre 2012. ©A

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