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Geneviève ROBERTON Cadre Formateur à 1’I.F.S.I. de Roanne 1 87 DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LA FORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS : VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT Mots clés : Didactique - Apprentissage - Transversalité - Progressivité - Professionnalisation INTRODUCTION Au coeur des débats sur la formation en IFSI (formation par alternance) une question de fond est en perma- nence rémanente : elle concerne le décalage entre la théorie et la pratique. Au moment où la qualité des soins rime avec démarche-qualité, normes iso 9000, évaluation-accré- ditation, les formateurs en Soins Infirmiers ont pour mission première de proposer sur le marché des pro- fessionnels polyvalents et compétents, responsables, autonomes, et pouvant s’adapter à l’évolution des besoins de santé des personnes. Ainsi, se trouvent-ils confrontés de plus en plus à une logique d’apprentis- sage alors qu’ils sont encore, pour bon nombre d’entre eux, enfermés dans une logique d’enseignement. Or «enseigner n’est pas apprendre ». La formation en soins infirmiers peut être définie comme une succession d’opérations cohérentes (dis- pensation d’enseignement théorique et clinique), per- mettant à l’étudiant d’acquérir de nouveaux savoirs et de développer un apprentissage de façon autonome. Le programme d’enseignement en soins infirmiers peut être présenté comme une somme d’exigences codifiées par des textes de loi, expression d’une norme sociale prescrite. Pour mener à terme cette formation, les objectifs de I’IFSI s’articulent autour de ces deux pôles : - développer des savoirs théoriques et cliniques (en référence au programme de formation) ; - développer des capacités d’apprentissage et des com- pétences (en terme d’adaptation à une réalité profes- sionnelle). Les études conduisant à la profession d’infirmier (1) (1) lire partout : infirmier - infirmière. s’inscrivent ainsi dans un dispositif de formation par alternance IFSI/Stages (hospitaliers et extra-hospita- liers). A l’heure actuelle cette alternance des deux pôles évoqués ci-dessus, pas plus qu’elle n’intègre I’ar- ticulation entre le lieu d’enseignement et tout sens, sont absents. II en résulte pour l’étudiant infirmier une alternance entre deux entités représentant des référentiels diffé- rents, ayant des systèmes de valeurs distincts, une logique de fonctionnement divergente. Cela pose le problème du décalage entre la théorie enseignée en IFSI et la pratique apprise sur les lieux de stage. L’obstacle réside dans la perception de la théorie et de la pratique sur un mode disjonctif, dans la difficulté à intégrer la logique d’apprentissage dans le système de formation en général et dans les pratiques des forma- teurs en particulier. Au delà de cet obstacle est sous-tendue la question du sens que l’on donne (ou ne donne pas) à la formation, question centrale dès lors que nous nous intéressons à la didactique. Cet article, orienté sur une approche plurifactorielle, vise à poser des questions, à amorcer une réflexion sur le sens des contenus de formation, à s’intéresser aux processus d’apprentissage mobilisés par l’étudiant en formation et à prendre en compte la notion de transfert de connaissances dans les objectifs de la formation. Pour cela il conviendra tout d’abord de développer des concepts tels que la transversalité et la progressivité et de les clarifier afin d’en permettre la transférabilité dans les pratiques pédagogiques. Puis il s’agira de proposer quelques pistes méthodolo- giques d’application. II faut cependant préciser que cette étude ne se situe pas dans le cadre d’une recherche mais constitue la formalisation et la théorisation d’une pratique institu- Recherche en soins infirmiers No 54 - Septembre 1998

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Geneviève ROBERTON

Cadre Formateur à 1’I.F.S.I. de Roanne

1 87

DU CONCEPT A LA PRATIQUE...APPROCHE DIDACTIQUE DE LA FORMATION

EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

Mots clés :Didactique - Apprentissage - Transversalité - Progressivité - Professionnalisation

INTRODUCTION

Au coeur des débats sur la formation en IFSI (formationpar alternance) une question de fond est en perma-nence rémanente : elle concerne le décalage entre lathéorie et la pratique.

Au moment où la qualité des soins rime avecdémarche-qualité, normes iso 9000, évaluation-accré-ditation, les formateurs en Soins Infirmiers ont pourmission première de proposer sur le marché des pro-fessionnels polyvalents et compétents, responsables,autonomes, et pouvant s’adapter à l’évolution desbesoins de santé des personnes. Ainsi, se trouvent-ilsconfrontés de plus en plus à une logique d’apprentis-sage alors qu’ils sont encore, pour bon nombre d’entreeux, enfermés dans une logique d’enseignement.

Or «enseigner n’est pas apprendre ».

La formation en soins infirmiers peut être définiecomme une succession d’opérations cohérentes (dis-pensation d’enseignement théorique et clinique), per-mettant à l’étudiant d’acquérir de nouveaux savoirs etde développer un apprentissage de façon autonome.

Le programme d’enseignement en soins infirmiers peut êtreprésenté comme une somme d’exigences codifiées par destextes de loi, expression d’une norme sociale prescrite.

Pour mener à terme cette formation, les objectifs deI’IFSI s’articulent autour de ces deux pôles :- développer des savoirs théoriques et cliniques (enréférence au programme de formation) ;

- développer des capacités d’apprentissage et des com-pétences (en terme d’adaptation à une réalité profes-sionnelle).

Les études conduisant à la profession d’infirmier (1)

(1) lire partout : infirmier - infirmière.

s’inscrivent ainsi dans un dispositif de formation paralternance IFSI/Stages (hospitaliers et extra-hospita-liers). A l’heure actuelle cette alternance des deuxpôles évoqués ci-dessus, pas plus qu’elle n’intègre I’ar-ticulation entre le lieu d’enseignement et tout sens,sont absents.

II en résulte pour l’étudiant infirmier une alternanceentre deux entités représentant des référentiels diffé-rents, ayant des systèmes de valeurs distincts, unelogique de fonctionnement divergente. Cela pose leproblème du décalage entre la théorie enseignée enIFSI et la pratique apprise sur les lieux de stage.

L’obstacle réside dans la perception de la théorie et dela pratique sur un mode disjonctif, dans la difficulté àintégrer la logique d’apprentissage dans le système deformation en général et dans les pratiques des forma-teurs en particulier.

Au delà de cet obstacle est sous-tendue la question dusens que l’on donne (ou ne donne pas) à la formation,question centrale dès lors que nous nous intéressons àla didactique.

Cet article, orienté sur une approche plurifactorielle,vise à poser des questions, à amorcer une réflexion surle sens des contenus de formation, à s’intéresser auxprocessus d’apprentissage mobilisés par l’étudiant enformation et à prendre en compte la notion de transfertde connaissances dans les objectifs de la formation.

Pour cela il conviendra tout d’abord de développer desconcepts tels que la transversalité et la progressivité etde les clarifier afin d’en permettre la transférabilitédans les pratiques pédagogiques.

Puis il s’agira de proposer quelques pistes méthodolo-giques d’application.

II faut cependant préciser que cette étude ne se situepas dans le cadre d’une recherche mais constitue laformalisation et la théorisation d’une pratique institu-

Recherche en soins infirmiers No 54 - Septembre 1998

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ARIATIONDU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LA

FORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :

VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

tionnelle, enrichie par une approche spéculative et parune analyse de cette pratique. Aussi son envergurereste-t-elle modeste et limitée à l’approche didactiquedes enseignements théoriques. La teneur de ce travailrelève ainsi davantage d’un schéma détaillé et sélectifque d’une analyse fouillée de la problématique.

L’objectif est d’interpeller, ajuster et enrichir les pistesméthologiques proposées.

DIDACTIQUE ET APPRENTISSAGE DANS LAPRATIQUE ENSEIGNANTE

Problématique

Tout au long de mon expérience professionnelle de for-mateur (cinq années) j’ai constaté que les étudiantsinfirmiers (2) rencontraient un certain nombre de diffi-cultés dans leur processus d’apprentissage.

En effet la plupart d’entre eux ne fait pas les liens entreles différents éléments de connaissance, s’enfermedans une logique de mémorisation des savoirs, ne par-vient pas à dégager l’essentiel de l’accessoire, a beau-coup de mal à mobiliser les connaissances dans uncontexte autre que celui de l’apprentissage.

Ce constat est tout particulièrement observable aucours de l’évaluation continue des connaissances théo-riques affectant divers travaux écrits, lesquels nécessi-tent tous une démarche analytique et synthétique.

Ainsi, l’évaluation de l’enseignement théorique dansnotre institut de formation objective-t-elle un certainnombre de constats (3) :- enfermement des étudiants dans un processus demémorisation, où souvent la compréhension semblefaire défaut;- incapacité à faire des liens; les savoirs sont restituésde façon linéaire. Un peu comme dans une officine oùdes savoirs compartimentés seraient enfermés dans destiroirs, correspondant chacun à un domaine deconnaissances donné. Lorsqu’il s’agit de mobiliser undomaine et son tiroir correspondant, si le travail demémorisation nécessaire au stockage de l’informationa été fourni, l’étudiant va «réussir ».

(2) Lire partout : étudiant infirmier - étudiante infirmière.

(3) Tendance se dessinant depuis plusieurs années, mais observéecomme recrudescente sur deux promotions consécutives de troi-s ième année.

Mais, dès lors qu’il existe des interactions entre plu-sieurs domaines de connaissances, cette logique demémorisation-stockage ne fonctionne plus car lestiroirs ne communiquent pas entre eux, ils sont cloi-sonnés.

De plus, les évaluations théoriques montrent des résul-tats majoritairement corrects à satisfaisants, dans lesquestions de mémorisation pure, et des résultats moyenà mauvais, dans les questions d’analyse et de synthèse :(explication de mécanismes d’action, justification deréponse, études de cas concrets.. .)

La plus grande difficulté observée se situe incontesta-blement au niveau de l’incapacité à utiliser et à syn-thétiser des connaissances issues de champs notion-nels différents et pourtant interdépendants.

Ex. Lors de l’enseignement du module de cardiologie,l’étudiant sera capable d’exposer les connaissancesrelatives à un dysfonctionnement cardiaque. Lorsqu’ilse trouvera dans le module des affections digestives, ilsera capable de donner les éléments de connaissancesrelatifs à la prise en charge spécifique d’un patientatteint d’affection digestive, mais ne sera plus en mesured’exposer ceux concernant un dysfonctionnement car-diaque dont peut également souffrir ce même patientalors qu’il a validé le module de cardiologie quelquesmois ou semaines auparavant.

En outre les étudiants ont une vue très parcellaire desenseignements dispensés, ce qui est favorisé, mesemble-t-il, par un fonctionnement modulaire : tant auniveau de la structure des contenus (imposée par leprogramme) qu’à celui de la gestion des enseignementset de leur évaluation. De ce fait les étudiants ne per-çoivent que partiellement le fil conducteur de leur for-mation et les objectifs pédagogiques de celle-ci ; poureux l’objectif prioritaire, voire unique, de leur forma-tion est d’obtenir le Diplôme d’État Infirmier (DEI),via réussite aux évaluations théoriques et aux mises ensituation professionnelle. Leur apprentissage semblealors davantage subordonné à des exigences d’ordrescolaire qu’à des préoccupations d’ordre professionnel.De fait l’évaluation normative et sanctionnant desconnaissances théoriques et pratiques rythme la vie del’étudiant tout au long de la formation.

Cette évaluation contraint les étudiants infirmiers dansun processus cognitif restrictif de mémorisation, de«rendu » de connaissances et non d’utilisation deconnaissances. Cette logique les amène à capitaliserdes connaissances et performances en vue de les res-tituer le jour du devoir sur table ou de la mise ensituation professionnelle, puis lors des épreuves duDiplôme d’État.

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VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

Par ailleurs, au regard des objectifs et principes péda-gogiques édictés par les textes réglementant la forma-tion, le formateur davantage formé à une logique d’en-seignement doit s’efforcer de rentrer dans une logiquede « facilitateur » d’apprentissage.

En conséquence, au cours de son action pédagogique,quelle est la stratégie didactique du formateur? De fait,n’enseigne-t-il pas des savoirs morts? J’entends parsavoirs morts, des savoirs non finalisés et déconnectésde leur contexte de production et d’util isation, soit dessavoirs décontextualisés pour lesquels l’étudiant nepeut trouver du sens. Le formateur en soins infirmiersse trouve alors face à un questionnement d’ordre épis-témologique :

Quelle est la légitimité des contenus dispensés aucours de la formation ? Que mesure-t-on véritablementau cours des évaluations d’enseignement théorique?

Quel sens donne-t-on aujourd’hui aux pratiques péda-gogiques et à la formation dans les IFSI ? Ne forme-t-onpas des infirmières pour un secteur qui n’existe pas?

Au regard de ce contexte, quelle place tiennent I’ap-prentissage et la didactique dans la formation initialeinfirmière?

Centrée sur, les savoirs à enseigner (4), la formationconduisant au Diplôme d’État Infirmier s’inscrit princi-palement dans sa réalité, dans une logique de transmis-sion de savoirs beaucoup plus que dans une logiqued’apprentissage où les méthodes sont enseignées enmême temps que les contenus.

La logique d’enseignement à laquelle répond unelogique de restitution de connaissances ne favorise pasle développement des capacités et aptitudes néces-saires à l’utilisation des connaissances enseignées. Lacompétence n’est pas une juxtaposition de connais-sances mémorisées sans liens entre elles.

Ainsi la restriction excessive d’une logique d’enseigne-ment fixe-t-elle un primat de l’évaluation-notation surla formation. Primat auquel se prêtent également lesCadres infirmiers enseignant dans les instituts, lecontrôle des connaissances théoriques restant encorepour eux le meilleur garant, des futurs professionnels,de qualité. Les contenus enseignés symbolisent I’enra-cinement du savoir qui doit être transmis par les pro-fessionnels pour assurer la continuité de la profession.

Mais suffit-i l de restituer les cours dispensés au traversde questions d’annales de Diplôme d’État ou d’étudesde cas pour devenir un bon professionnel? N’y a-t-il

(4) Connaissances théoriques et cliniques.

pas en même temps des compétences plus opération-nelles à développer, telles que celles que MichelDEVELAY appelle « la compétence à développer descompétences » ?

«Tout ce qui s’enseigne ne s’apprend pas » précise-t- i l .II y a le savoir que l’étudiant expurge le jour de I’exa-men et qu’il oublie très rapidement pour une grandepart. D’un point de vue épistémologique il s’agit d’unsavoir mort, déconnecté de ses fondements et qui aperdu son sens. Ce savoir est amalgamé à l’évaluationdont il fait l’objet.

De plus, lors de l’évaluation des connaissances (théo-riques essentiellement), seules les capacités cognitivesaxées sur un contenu et intéressant un champ discipli-naire donné sont ciblées : l’étudiant doit savoir repro-duire tels éléments de connaissance; sera testée apriori une capacité à restituer des connaissancesconformément au modèle enseigné.

Et pourtant I’évaluateur attend aussi de l’étudiant descompétences transversales (raisonnement, analyse,synthèse, expression écrite) lesquelles seront évaluéesde façon indirecte sans pour autant déprendre dudomaine disciplinaire considéré. Sera testée a poste-riori une capacité à utiliser des connaissances.

Or le plus souvent, l’étudiant ne prend en compte quela première dimension (qui fait l’objet d’un enseigne-ment explicite), alors que le formateur attend de luiaussi la deuxième dimension (qui ne fait pas l’objetd’un enseignement explicité le plus souvent). En outrela représentation qu’a l’étudiant de la «tâche réussie»diverge souvent de celle qu’en a I’évaluateur.

Puis il y a le «savoir que l’on conserve » et qui constitueles fondations sur lesquelles l’étudiant va développerdes compétences professionnelles. Ce savoir conservés’ancre sur des compétences transversales (connaissancesprocédurales) et fait l’objet d’une « intériorisation » parl’étudiant. II renvoie à une mobilisation de connaissanceset non à leur restitution.

Cette distinction entre asavoir expurgé et savoirconservé n intéresse peut-être davantage encore lechamp théorique que le champ clinique, mais en toutétat de cause il y a segmentation entre le référentielIFSI, sanctionné par une évaluation et le référentielstage, réel lieu d’apprentissage et apprentissage duréel.

Ce clivage théorie/pratique anime bien des polé-miques, des débats d’idées, opposant les défenseurs del’une ou de l’autre entité.

Mais le débat siège à côté de la question. La théoriedevrait avoir pour rôle de rendre intelligible le réel,

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d’éclairer et de formaliser des données empiriques enles modélisant.La quête du sens des enseignements théoriques pourraitpasser par une recherche des utilités concrètes (finalisa-tion des savoirs) et accessibles, des contenus (méthodes),et ce dans une approche « utilitariste)), des savoirs. End’autres termes comment rendre un savoir vivant?Dans un même temps la finalité de la formation est deformer des professionnels compétents et polyvalents,capables de s’adapter en permanence aux besoins desanté d’une personne ou d’un groupe de personnes,capables de participer à la recherche en soins infirmierset d’enrichir le patrimoine professionnel infirmier.

Les principes pédagogiques édictés pour accomplirune telle mission de formation impliquent que celle-cisoit centrée sur les étudiants : accompagnement, tuto-rat dans l’apprentissage des connaissances et dans laconstruction de l’identité professionnelle (suivi pédago-gique - projet professionnel).

Aussi pour répondre aux exigences de ses missions leformateur doit-il tout à la fois entrer dans une logiquede formation centrée sur l’étudiant et dans une logiqued’enseignement centrée sur les contenus, garantissantun référentiel théorique et académique. II lui faut alorsgérer ces deux logiques mises en tension.

Passer d’une pratique d’enseignant à une pratique deformateur, c’est d’abord s’intéresser aux méthodesautant qu’aux contenus, c’est accepter de renoncerdans une certaine mesure à la suprématie des savoirsacadémiques, et s’attarder davantage sur les méthodespédagogiques choisies et utilisés pour faciliter I’intério-risation des connaissances enseignées. Le formateur estun enseignant qui ne se limite pas à transmettre unsavoir, mais qui a le souci d’en susciter l’apprentissageet de faire émerger un savoir conservé. II n’apporte pasla connaissance mais en organise et facilite l’accès. IIfaut alors réfléchir sur les opérations mentales néces-saires à l’établissement de liens dans l’apprentissage deconnaissances théoriques, identifier les obstacles à lacréation des liens, mettre en évidence les causes sus-ceptibles d’entraver le développement des capacitésd’analyse et de synthèse.

Une telle démarche oblige le formateur :

- à se centrer sur l’étudiant qui devra faire unapprentissage de connaissances théoriques;- à structurer et à organiser les contenus enseignésen fonction de cet apprentissage.

Démarche radicalement différente de celle qui consisteà ne se centrer que sur les contenus des enseignements(qui deviennent une finalité) pour satisfaire aux exi-gences du programme officiel des études.

Dans cette perspective les objectifs pédagogiques d’en-seignement nécessitent d’être en adéquation avec lalogique de formation. Ils doivent prendre en comptetout à la fois des méthodes de raisonnement et desméthodes d’apprentissage, ceci en vue de permettreaux futurs infirmiers d’identifier un environnement pro-fessionnel évolutif sous l’action d’une société en per-pétuel mouvement.

En réponse à cette évolution, la finalité de la formationvise davantage à préparer les étudiants infirmiers à uneadaptation sociale qu’à une reproduction sociale.

Concrètement les nouveaux diplômés doivent êtrecapables de s’adapter à un poste de travail et d’y déve-lopper rapidement des compétences professionnelles.

Pour cela deux concepts pédagogiques sont à privilé-gier : la progressivité et la transversalité; ces conceptsdoivent alors constituer le fil conducteur des étudesconduisant à la profession d’infirmier, et être présents àtous les niveaux de la formation, tant sur le plan péda-gogique, que sur le plan organisationnel.

APPROCHE CONCEPTUELLE

Cette approche a pour objet de définir et clarifier lesconcepts de transversalité et plus particulièrement deprogressivité afin d’en permettre la transférabilité dansles pratiques pédagogiques des formateurs.

En effet, comme il est précisé en introduction, les for-mateurs sont tenus d’élaborer leurs objectifs pédago-giques autour de deux pôles: d’une part transmettre dessavoirs, d’autre part accroître des capacités d’appren-tissage pour favoriser le développement de compé-tence professionnelle. En conséquence, ces objectifsappellent des stratégies pédagogiques spécifiques etdoivent orienter le projet institutionnel de formation.

LA PROGRESSIVITÉ

Définition - Attributs du concept

Essai de définition

La progressivité, dans son sens premier exprime « uneévolution graduelle et constante», du latin progressum :

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VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

avancer (Dictionnaire Robert). Appliquée au champpédagogique, et plus particulièrement au processusd’apprentissage, la progressivité peut être admisecomme un principe qui permet de transformer unsavoir pur en savoir transférable, applicable et adap-table à une situation donnée, selon une progressiond’apprentissage organisée et hiérarchisée, étalée surun temps donné. C’est à dire qu’à partir d’un savoirenseigné (lui même issu d’un savoir savant), l’étudiantdoit être capable d’adapter un comportement à unesituation en fonction de son niveau de formation. IIdoit être également capable d’indexer son corpus deconnaissances sur des situations concrètes. Mais aussi,à partir de situations concrètes, l’étudiant doit-i l êtreen mesure, par des successions d’hypothèses et seréférant aux lois/théories enseignées, d’accéder àl’abstraction.

En d’autres termes la progressivité doit permettre àl’étudiant de développer, dans des domaines spéci-fiques et pluridisciplinaires (correspondant au savoirprofessionnel infirmier), des capacités à adapter soncomportement à des situations concrètes précises, àpartir d’un savoir théorique et clinique organisé, et enrapport avec le niveau de la formation dispensée (5).

La progressivité est un concept qui permet I’organisa-tion, la structuration et l’enseignement des contenusdisciplinaires à partir de l’indexation des savoirs sur lapratique qu’ils doivent engendrer. Et plus encore ceconcept détermine l’orientation didactique prise pourconduire la formation.

II constitue le référentiel dans la pose des objectifspédagogiques des enseignements théoriques et dans laconstruction des évaluations de ces enseignements, auregard du degré d’exigence attendu et du niveau deformation atteint.

Attributs du concept :

Comme je l’ai précédemment évoqué, les formateurssont tenus d’élaborer leur objectifs pédagogiques autourde deux pôles : d’une part, développer des connais-sances professionnelles, d’autre part développer unecapacité d’apprentissage et des compétences profes-sionnelles, tout cela sur les trois années de la formation.Ces objectifs font référence à des notions théoriques dif-férentes qu’il m’apparaît important d’identifier :- Démarche didactique;

(5) Cette capacité est évaluée par les épreuves de cas concret et lorsdes mises en situation professionnelle (M.S.P).

- Processus d’apprentissage et système des représenta-tions.

DÉMARCHE DIDACTIQUE

Dans le domaine de l’enseignement et de la formation,la didactique revêt plusieurs définitions et appelle plu-sieurs courants. Pour G. VERCNAUD la didactique est« l’étude des processus d’apprentissage-enseignementrelatifs à un contenu spécifique». Pour Durkheim elleest une «théorie pratique» ayant pour objet de réflé-chir sur les systèmes et procédés d’éducation en vued’éclairer et d’orienter l’action des éducateurs. II s’agitd’une interrogation du rapport au savoir des appre-riants dans une dimension cognitive. Pour MichelDEVELAY la didactique ne s’intéresse pas uniquementà la composante cognitive de l’apprentissage, maisaussi aux dimensions affectives, sociales et psychanaly-tiques : « Le rapport au savoir dont il est question enpédagogie est abordé dans des dimensions plurielles.(. . .) Ainsi le didacticiel devrait-il se montrer sensibiliséà l’épistémologie de sa discipline, aux apports des psy-chologies (cognitives, mais aussi sociales et relation-nelles), mais aussi à la pédagogie, en tant que pratiqueincluant la connaissance des sciences de la communi-cation, de technologies de l’éducation et la connais-sance des curricula (la capacité à transformer les conte-nus en situations d’apprentissage et d’enseignement enprogressions). » (6)

Ce positionnement auquel j’adhère laisse transparaîtreune dimension éthique. II prête à la didactique la pos-sibilité tout à la fois de proposer des pratiques et d’in-terroger ces pratiques sur les valeurs qu’elle sous-tend.

C’est à ce niveau que je situe la démarche didactique.Le formateur va s’ingénier en permanence à trouverdes situations qui faciliteront un apprentissage. SelonJean BERBAUM « une situation qui facilite un appren-tissage, c’est une situation qui ne se contente pas dedonner l’occasion de faire mais qui explicite, analysece que l’on fait pour parvenir au résultat recherché(. . .). Toutes les orientations que l’enseignant peut don-ner pour améliorer « l’apprendre » devraient être intro-duites en liaison avec le contenu d’enseignement qu’ilpropose à ses élèves. » (7)

Si l’on se place du côté des enseignants, dans unelogique de démarche didactique, à une situation d’ap-prentissage donnée va correspondre :

(6) Biennale de l’éducation et de la formation Paris-Unesco 1992 -Continuités et ruptures. Recherche et innovations dans /‘éducation et/a formation. Paris, 1993 APRIEF pp 173-l 74

(7) Berbaum (Jean) - Développer /a capacité d’apprendre. 3èmeédition, Paris ESF 1993 (Coll. Pédagogies) p 90.

91Recherche en soins infirmiers No 54 - Septembre 1998

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1. la pose d’objectifs pédagogiques (principaux et inter-médiaires ou globaux et spécifiques)

2. la détermination de moyens

3. la ou les méthode(s) didactique(s) retenue(s).

Nous obtenons alors le schéma suivant :

Démarche didactique

1Déroulement d’une succession de situations

pédagogiques

Identification de leur nature et des variables liées auxobjectifs poursuivis en cohérence avec les contenus

des enseignements dispensés

4Mise en œuvre des opérationnalités en fonction des

ressources et contraintes disponibles(institutionnelles et personnelles)

J-Évaluation (8)

Cette démarche se matérialise par l’action pédago-gique qui incombe au formateur. Celui-ci est l’acteurprincipal, i l est sujet.

P R O C E S S U S D ’ A P P R E N T I S S A G E E T S Y S T È M E D E S RÉPRESENTATIONS

Apprendre ne peut être que le fait de l’apprenant etcelui-ci a une manière d’apprendre qui lui est propre.Chaque apprenant a une capacité d’apprentissageconcrétisée par des attitudes et des comportementsqu’il est susceptible de développer lorsque le formateurpropose des dispositifs d’apprentissage.

« L’apprentissage exige le développement d’une basede stratégies cognitives et métacognitives permettantla réutilisation judicieuse des connaissances construi-tes. » (9)

L’étudiant, du fait de son statut, se trouve en projetd’apprentissage (d’où objectifs d’apprentissage) qu’il vaconcrétiser dans une démarche d’apprentissage dont ledéroulement peut se schématiser ainsi :

(8) Dans la pratique il y a souvent amalgame entre l’évaluation desrésultats centrée sur l’étudiant, mesurée en termes de performancesatteintes ou pas et l’évaluation d’efficience centrée sur la démarcheelle-même, mesurée en termes d’atteinte ou non d’objectifs pédago-giques.

(9) TARDIF (Jacques) Op. Cit.

objectifs d’apprentissage (P

lus ou moins conscients)

déroulement d’une succession d’opérations mentalesifiltre des représentations mentalesiorganisation de ces opérations mentalesi

filtre des représentations mentales+

construction des savoirs

Le système des représentations mentales, entités inter-médiaires entre l’image mentale et le concept, couvretrois dimensions :

- une dimension cognitive évoquant ce que Antoinede La Garanderie appelle « profil pédagogique » ;- une dimension sociologique où le tissu social del’apprenant (contexte, codes, relations) influencepour une part ses représentations;- une dimension affective indissociable des deuxpremières, dans laquelle la notion de désir tient uneplace prépondérante.

De plus, les représentations sont de deux natures : obs-tacles ou ressources.

Obstacles en ce que les confrontations entre les don-nées nouvelles et les représentations antérieures del’apprenant divergent.

Ressources lorsqu’il y a convergence et déclenchementd’analogies pertinentes.

Ce système tri dimensionne1 constitue un véritable filtrequi conditionne simultanément le mode d’apprentis-sage de l’apprenant et la construction de savoirs inté-riorisés, résultante de transformation inscrite dans unetemporalité.

Comme le précise A. GIORDAN dans son ouvrage« Les origines du savoir » :

« Tout apprentissage réussi est un changement deconceptions, processus complexe et souvent désa-gréable pour l’apprenant, car chaque modification estperçue comme une menace qui va changer le sens desexpériences passées. » (10)

Le processus d’apprentissage dépend étroitement d’unsystème de représentation propre à l’individu; il sematérialise par la mise en œuvre de capacités et un tra-vail personnel à fournir. L’étudiant est acteur d’appren-tissage car lui seul décide d’apprendre et peut accom-plir ce travail personnel, il est lui aussi sujet.

(10) Cité par LECOMPE (Jacques) - Sciences Humaines- N” 48 -mars 1995 - p 42.

92Recherche en soins infirmiers N” 54 - Septembre 1998

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VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

La question centrale qui intéresse l’instrumentationdidactique est alors la suivante :

Comment apporter de «l’extérieur» au sujet appre-nant ce qui peut provoquer chez lui une progressionde « l’intérieur » ?

Cette question restitue bien l’apprenant en tant quesujet à qui incombe la responsabilité et l’initiative del’apprentissage. En même temps se trouve le formateur,également sujet, qui a généralement l’initiative de laformation, et qui décide de la structuration et de la hié-rarchie des enseignements objets d’apprentissage.

On peut dire que l’instrumentation didactique s’inscritdans un face à face pédagogique.

« Le problème du formateur se ramène à la recherchede l’adéquation entre les démarches propres aux for-més et /a nature des situations qu’il propose. » (11)

C’est dans le système «démarche pédagogique/proces-sus d’apprentissage» que va se concrétiser le conceptde progressivité.

Fondements

Une dérive menace en permanence le système de for-mation (qu’elle soit professionnelle ou initiale), c’estde ne former les apprenants qu’à ce qui permet deréussir dans les études : a les bonnes notes S, I’accumu-lation de savoirs que l’école réclame au a bon élève »,sans que ne soit prise en compte la question fonda-mentale du transfert des connaissances apprises.

Si l’évaluation est nécessaire, il est néanmoins une réa-lité : l’étudiant cherche à acquérir le savoir, davantagepour le montrer et le restituer, que pour l’util iser.

En d’autres termes, le principe de progressivité doit per-mettre à l’étudiant de développer dans des domainesspécifiques et pluridisciplinaires (correspondant auchamp professionnel infirmier) des capacités à adapterson comportement à des situations concrètes précises, àpartir d’un savoir organisé théorique et clinique, et enrapport avec le niveau de la formation dispensée (12).

sortir de la(mémorisation);

logique de restitution des savoirs

- indexer les contenus d’enseignements et leur don-ner du sens;

(11) BERBAUM (Jean) - Op. Cit. p 46

(12) Cette capacité est évaluée par les épreuves - trai tement de casconcrets et mise en situation professionnelle.

- s’intéresser aux méthodes de développement descapacités d’apprentissages;- amener l’étudiant à mobiliser les connaissances età développer les compétences requises,

pour répondre à la demande de santé d’une personneou d’un groupe de personnes;

tel est le champ d’action du concept de progressivité.

Processus : Construction théorique du principe deprogressivité

Avant de proposer une description théorique des pro-cessus régissant les trois degrés d’une situation d’ap-prentissage, il m’apparaît important de rappeler ce quej’entends par situation d’apprentissage :

- la démarche pédagogique dans laquelle le forma-teur peut agir directement à un niveau d’instrumen-tation didactique en tant que mise à disposition demoyens et dispositifs d’apprentissage;- le processus d’apprentissage sur lequel le forma-teur ne peut pas agir directement, qui correspond àun résultat attendu, et qu’il ne peut jamais déclen-cher systématiquement et de sa propre volonté : onne peut contraindre un sujet apprenant à apprendre.

Le démarche pédagogique doit :

- s’adapter au processus d’apprentissage des appre-nants en élaborant des objectifs pédagogiques et enproposant des situations d’apprentissage qui soienten adéquation avec ce processus, et qui tiennentcompte du niveau de formation ;- prendre en compte les trois degrés nécessaires etinhérents au processus d’apprentissage;- respecter le niveau de hiérarchisation qui régit cesdifférents degrés, pour élaborer des stratégies péda-gogiques (tant sur le plan de l’enseignement théo-rique et clinique, que sur celui de l’évaluation deces enseignements).

En ce qui concerne la situation d’apprentissage, pourJean BERBAUM, elle «peut se décrire par la tâchequ’elle suppose de la part de l’apprenant et par les cir-constances qui la caractérisent : circonstances tempo-relles, spatiales et matérielles, sociales et psycholo-giques. ».(13)

(13) OP. Cit - p 61

93Recherche en soins infirmiers N” 54 - Septembre 1998

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L’action didactique porte donc, non pas sur ce que Phi-lippe MEIRIEU appelle «le courage de grandir», maissur ce qui induit et facilite le courage de grandir. Le for-mateur doit pour cela construire un dispositif didac-tique autour des moyens d’apprendre, qu’il n’aurajamais fini d’explorer. Ce principe relève de l’ordre desmoyens. « Le courage de grandir» représente ce que leformateur doit faire advenir et qu’il ne peut jamaisdéclencher arbitrairement. Ce dernier postulat relèvede l’ordre de la finalité et renvoie à une interpellationéthique du sujet.

Présentation du concept de progressivité

Les capacités que les étudiants doivent développerdépendent d’un processus d’évolution selon troisniveaux pédagogiques distincts et complémentaires.Ces trois niveaux s’inscrivent dans une temporalitéqu’il est fondamental de prendre en compte.

Premier degré :

Acquérir les éléments du savoir organisé et constituerune base de données à partir de savoirs enseignés :niveau extérieur à l’apprenant

logique de restitution des connaissances(capacités de mémorisation)

Deuxième degré :

Établir des liens entre ces différents éléments (mise àdistance), intériorisation des savoirs extérieurs

logique analogique (capacités d’analyse)

Troisième degré :

Rechercher le sens de ces liens et fournir uneréponse adaptée (mobilisation des connaissances etapplication de celles-ci dans une situation différentede celles de leur acquisition).

logique globalisante et transversale(capacité de synthèse)

II ne s’agit pas de vouloir prioriser une étape par rap-port à une autre. Les trois sont indissociables et sonthiérarchisées : chaque degré supérieur est immédiate-ment dépendant du degré inférieur. Cette progressionintéresse tant les processus cognitifs requis de la partdes apprenants que le degré d’exigence fixé par lesformateurs au regard des performances attendues.

De plus pour prendre en compte la temporalité danslaquelle ces trois étapes s’inscrivent, trois sphères sontà considérer :

- la perception des éléments de connaissancerecueillis qui renvoie à un passé- leur compréhension (traitement) qui renvoie auprésent articulé sur le passé- la visée (que faire de ces éléments de connais-sance et comment les utiliser) qui renvoie à un futursur lequel se projette le présent (dynamique «spira-laire ))).

En d’autres termes la démarche didactique doit :- s’adapter au processus d’apprentissage,- prendre en compte les trois degrés de progressi-vité,- respecter les processus, la hiérarchie et la tempo-ralité qui régissent ces trois degrés, pour élaborerdes stratégies pédagogiques tant sur le plan de I’en-seignement théorique et clinique, que sur celui del’évaluation de ces enseignements.

(Ex.: - dispositifs facilitateurs d’apprentissage,- élaboration d’objectifs pédagogiques adaptés,

- détermination d’indices et critères d’évaluation- suivi pédagogique...).

Explicitation du concept de progressivité

PREMIER DEGRÉ = PROCESSUS D’ACQlJ/S/T/ON DES CONNAIS-SANCES THÉORIQUES

II s’agit de l’acquisition d’éléments de connaissance,d’un corpus minimum de connaissances à capitaliser(en vue de la construction de savoirs). Ce degré corres-pond à une étape de perception, de saisie des données.II repose sur une mémoire lexicale et une mémoiresémantique qui mettent en confrontation signifiant etsignifié, dénotation et connotation du sens des mots.

D E S C R I P T I O N D U P R O C E S S U S

n 1. Complication de données nouvelles :

L’apprenant ne se pose pas la question de I’organisa-tion de ces données ni de ce qu’il va en faire, mais lesexplore et les observe en les confrontant avec des don-nées antérieures déjà acquises et à partir de son vécu.II cherche à contextualiser des connaissances livrées leplus souvent sans contexte significatif pour lui : savoirextérieur « aseptisé » ; présenté sous forme de théorisa-tion pure.

94Recherche en soins infirmiers No 54 - Septembre 1998

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DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LA

FORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

(Variable présente s’articulant avec le passé, on peutparler de passé immédiat).

w 2. Organisation et traitement de ces données

L’apprenant se pose la question de «que dois-je savoir?quelles connaissances devrai-je restituer lors de I’éva-luation correspondante? A ce stade il effectue unequête méthodique d’un savoir pur.

(Variable présente s’articulant avec le futur).

I3. Mémorisation proprement dite, intégration desdonnés :

L’apprenant capitalise les données qu’il a organisées,constitue son corpus en fonction des objectifs qu’ils’est fixé (objectifs personnels d’apprentissage) (14).

Pour qu’il y ait réussite de cette première étape de I’ap-prentissage, il faut qu’il y ait concordance entre lesobjectifs personnels d’apprentissage et les objectifspédagogiques du formateur.

R É S U L T A T D U P R O C E S S U S

L’apprenant est capable de reprocf.une des connais-sances et des conduites apprises, de réaliser des perfor-mances en référence au modèle enseigné et aussi fidè-lement que possible. II est capable de comprendre cequ’il vient d’apprendre (15), mais pas encore de I’ex-pliquer. II manipule des savoirs théoriques construitspar d’autres.

Le processus d’acquisition correspond à une phase deconstruction provisoire des savoirs et au niveau inter-personnel d’apprentissage (16) :

Découverte - Immersion totale -Compréhension/lntégration (stockage)

Attention, si cette étape est privilégiée ou se trouve êtrela seule visée, il y a un risque de saturation vu qu’ils’agit d’une mémoire de stockage.

(14) Importance du f i l t re des représentat ions mentales de l ’apprenantà ce niveau, mais aussi du système d’évaluation des connaissances.

(15) J’exclus du principe de progressivité la mémorisation purementlexicale sans compréhension.

(16) Selon la théorie de VYGOTSKY concernant la zone proximalede développement.

En outre en rester à ce degré, enferme dans unelogique de restitution de connaissances enseignées etne laisse pas la place à celle de production de savoir àpartir de données intériorisées. Une méthode didac-tique basée sur l’imitation, la répétition et la mémorisa-tion relève de l’activité réfléchissante et ne peutqu’aboutir à une reproduction sociale, et à terme, pro-voquer un appauvrissement de la profession infirmière.

Pour Bernard HONORÉ :

« Dans l’activité réfléchissante, l’information (...) et leproduit afférent sont connus et n’indiquent rien d’autreque ce qui a déjà été pensé. l’activité réfléchissante etune activité (...) d’application. C’est essentiellementl’activité technique de production. Production qui estreproduction. » (17)

Le caractère provisoire et intermédiaire (progressivité)de ce niveau qu’est le processus d’acquisition, est unélément fondamental : il n’est pas question d’exclurecette étape indispensable à la constitution d’un corpusde connaissances; il s’agit de ne pas s’y réduire.

DEUXIÈME DEGRÉ : PROCESSUS D’APPROPRIATION DES CONNAIS-SANCES THÉORIQUES

Cette phase se caractérise par la « navette » permanenteentre le concret et l’abstrait. Ce degré permet la prisede distance par rapport au savoir, la différenciationdans la connaissance qui rend possible une mobilisa-tion des savoirs et une action efficace.

D E S C R I P T I O N D U P R O C E S S U S

1. Faire les liens avec les autres éléments deconnaissance :

L’apprenant recherche les relations qui existent entreles données qu’il vient d’intégrer et celles qu’il aacquises antérieurement. II procède à des recoupe-ments, enclenche des associations qui lui viennent àl’esprit, fait des analogies, identifie des différences. Desconnexions se mettent en place. II doit trouver (ouretrouver) le fil conducteur qui relie les différents élé-ments de connaissance (ce qui revient à donner dusens) et non plus se contenter de capitaliser des don-nées compartimentées dans un corpus.

C’est cette richesse de mise en liens qui provoque chezl’apprenant une transformation. A ce stade l’apprenant

(17) Cité par Jean-Yves CASAUX - Op. Cif. p 46.

95Recherche en soins infirmiers N” 54 - Septembre 1998

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entre dans une logique analogique et peut dès lorsdévelopper ses capacités analytiques.

2. rapprocher ces éléments avec l’objectif d’ap-prentissage et sa mise en application:

L’apprenant se pose les questions «quels sont les résul-tats d’apprentissage attendus? que dois-je faire de cessavoirs?». Pour que ce rapprochement puisse s’opérerles savoirs ne doivent pas être déconnectés de leur ori-gine ni de leur utilisation.

Cette mise en liens suppose également une détermina-tion de logiques permettant de contextualiser lessavoirs cognitifs faisant l’objet de l’apprentissage. A cestade l’apprenant doit être capable d’expliquer les élé-ments de connaissance qu’il a intégrés.

Pour franchir cette étape l’apprenant doit avoir obliga-toirement une représentation claire et précise de la«tâche réussie » d’une part et surtout doit avoir d’autrepart les moyens de comparer en permanence la dimen-sion abstraite (savoir pur, académique) avec la dimen-sion concrète (finalité du savoir). L’étude de casconcrets, et la pratique du raisonnement diagnostiquesont des moyens rendant possible cette comparaison, àcondition qu’ils soient inscrits dans une démarchedidactique.

L’opération de comparaison amène à l’étape suivante :

3. «Va et vient permanent » :

L’apprenant s’inscrit dans un cycle d’alternance entreles concepts et la réalité concernant les différentesdimensions du savoir, il confronte en permanence (etnon une fois pour toutes) l’abstrait et le concret. IIdétermine des schèmes fonctionnels d’application dessavoirs intégrés en réponse à une situation donnée. Cesschèmes sont dépendants du système des représenta-tions de l’apprenant dans lequel représentations per-sonnelles et théories se combinent, et vont permettre latransformation d’un savoir théorique construit pard’autres en un savoir théorique personnel réinvestipar l’apprenant. D’où la notion d’appropriation : unsavoir élaboré en dehors de soi devient un savoirstocké dans un répertoire opératoire disponible, pourêtre mobilisé dans une situation donnée, à un momentdonné. II s’agit de la construction d’un corpus deconnaissances théoriques rendues fonctionnelles etréutilisables, indexées à une pratique professionnelle.

Les éléments de connaissance appropriés font l’objet

d’une util isation différée laissée à l’initiative de I’appre-nant. C’est cette appropriation qui va amener l’objetd’apprentissage d’un savoir expurgé vers un savoirconstitué.

« Avec l’intégration et l’appropriation du savoir, celui-ciest dorénavant accessible à la personne qui peutconséquemment l’utiliser au gré de ses besoins, de sonimagination et de sa créativité. » (18)

Ainsi, l’apprenant, en s’appropriant les éléments deconnaissances, peut-il se positionner par rapport auxsavoirs enseignés et par rapport aux savoirs appliqués.La distanciation entre les savoirs enseignés et ceuxappropriés est rendue possible par la confrontationpermanente entre le concept et la réalité :

{essais + confrontation + mesure de l’écart-t analyse et réajustement + essais + confrontation

4 mesure de l’écart etc.)

En même temps cette distanciation permet à l’apprenantde prendre du recul par rapport à sa propre démarched’apprentissage, c’est à dire qu’il pourra analyser samanière d’apprendre et d’utiliser des savoirs.

Cet aspect est essentiel dans la construction des savoirset le développement des capacités d’apprentissage.C’est sur cette compréhension que l’apprenant a deson fonctionnement cognitif, que s’appuiera le référentpédagogique pour mener à bien son rôle de facilitateurd’apprentissage. II pourra notamment aider l’étudiant àaplanir ses difficultés (identification des représenta-tions/obstacles), à développer des capacités d’appren-tissage et à optimiser ses performances (métacogni-tion).

Ainsi défini, le degré d’appropriation introduit lanotion du sujet par rapport aux contenus enseignés ;le rapport qu’entretient le suiet au savoir apparaîtcomme déterminant dans cette étape.

Résultat du processus

Ce processus met particulièrement en jeu la capacitéde réflexion et de raisonnement de l’apprenant et favo-rise le développement d’un esprit critique.

(18) SOLAR (Claudie) - Appropriation du savoir et transfert deconnaissances. Colloque international sur les transferts de connais-sances en formation initiale et continue JC 1994, Assocation«Apprendre » - Université Lumière Lyon 2 - p 83.

96Recherche en soins infirmiers No 54 Septembre 1998

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DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LA

FORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

L’apprenant est capable de reproduire des connais-sances, des conduites acquises, d’accomplir des perfor-mances dans le respect du modèle enseigné, mais enfaisant référence à un jugement et en se positionnantpar rapport à l’écart entre le modèle enseigné et laréponse apportée.

L’appropriation des savoirs est caractérisée par une arti-culation entre des savoirs (enseignés de l’extérieur et inté-grés de l’intérieur) et l’adaptation de ces savoirs dans I’ac-tion. Cette articulation relève de l’implicite et nécessitede la part de l’apprenant une démarche de réflexion etde mise à distance que nul autre ne peut faire à sa place.

II s’agit de la transformation d’un savoir pur en unsavoir utilisable, ce qui permet de sortir de la logiquede restitution de connaissances (stricto sensu) et d’en-trer dans celle d’utilisation de connaissances. Cettetransformation oriente vers une logique de productionde savoir.

Sans ce processus d’appropriation il ne peut y avoirque juxtaposition des savoirs. C’est précisément à ceniveau qu’émerge le point de rencontre avec le prin-cipe de transversalité : l’appropriation des savoirs rendpossible l’utilisation d’éléments de connaissances issusde champs notionnels différents en ce qu’elle éclairesur leurs interrelactions. (19)

A ce niveau du principe de progressivité dans I’appren-tissage, l’apprenant doit se construire des réseaux entreles concepts et relier les savoirs spécifiques aux savoirstransversaux.

Cette étape nécessite une décontextualisation et recon-textualisation des connaissances acquises lors duniveau précédent. C’est à ce niveau qu’intervient fon-damentalement le rôle du formateur et la concrétisa-tion de sa démarche didactique. II lui faut alors mettreen place un dispositif qui développe simultanémentcontenus et méthodes.

Le processus d’appropriation correspond à une phasede reconstruction des savoirs. II débouche sur unecapacité analytique que l’on pourrait dénommer« savoir-analyser, véritable méfacompéfence» (20) quipermet de laisser poindre « la compétence à dévelop-per des compétences ».

Le procès d’appropriation est la pierre angulaire duprincipe de progressivité. l’atteinte de ce niveauconditionne l’apprentissage tout entier.

(19) Cf. Concept de transversalité développé ci-après.

(20) Termes empruntes à Marguerite ALTET (Université de Nantes) inFormer des enseignants professionnels. Quelles stratégies ! Quellescompétences? Paris, Bruxelles -De Boeck & Larcier - 1996 - p 37.

Le processus d’appropriation est une transition indis-pensable pour accéder au niveau supérieur: la maî-trise.

TROISIÈME DEGRÉ : PROCESSUS DE MAîJRISE DES CONNAIS-SANCES THÉORIQUES : VERS UNE PROFESSIONNALISATION

«Maîtriser une situation, c’est en posséder une bonnereprésentation mentale qui permet de prévoir les consé-quences d’une intervention dans cette situation. » (21)

Cette phase correspond à une phase d’adaptation dessavoirs à des situations données. Dans cette étape I’ap-prenant a franchi le niveau intrapersonnel d’apprentis-sage (22), c’est à dire qu’il est capable de mobiliser desconnaissance intégrées et appropriées dans un contextedifférent de celui dans lequel elles ont été assimilées.

C’est une phase de mobilisation de connaissances dansun registre de savoirs appropriés (corpus) et d’utilisa-tion opératoire de connaissances transférées, reconnuevalide par le corps professionnel (notamment enmatière d’évaluation).

DESCRIPTION DU PROCESSUS

1. Mobilisation de savoirs appropriés, en référenceau modèle théorique enseigné et en fonctiond’une situation donnée

II s’agit de l’utilisation d’éléments de connaissancesthéoriques intériorisées, choisies dans un corpus envue d’une action concrète efficace.

Cette étape introduit la notion de rapport fonctionneldes savoirs à l’action. On parlera alors de ce que Mar-guerite ALTEL appelle les savoirs pratiques.

L’apprenant se situe dans une démarche procéduredans laquelle il se pose les questions: «Quels savoirsutiliser ?, Comment les utiliser? » en préalable à uneprise de décision : « Décider quoi faire et quand 1 ».

Ici apparaît le « retour » à la pratique, la boucle est bou-clée; toutefois ce détour conceptuel nous montre com-bien la confrontation disjonctive théorie/pratique estvaine.

Pour aller plus loin dans notre réflexion, il m’apparaîtjudicieux de s’attarder sur la notion de savoirs pra-tiques.

(21) BERBAUM (Jean) Op. Cit. - ~35.

(22) Toujours selon VYCITSKI.

97Recherche en soins infirmiers N” 54 - Septembre 1998

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La dimension de l’action est primordiale en ce sensqu’elle contribue fortement au passage d’une logiquede restitution de savoirs à une logique d’utilisation etde production de savoirs cognitifs en les finalisant versune action pratique :

« II semble que les savoirs de base utilisés dans une actionse développent au cours de la transformation d’une per-formance, en savoirs nouveaux, savoirs de la pratique quipermettra au sujet de s’adapter à la situation. » (23)

il s’agit donc non seulement de posséder des connais-sances (classiquement mesurées par l’évaluation théo-rique), mais aussi de comprendre et de savoir quand etoù celles-ci peuvent s’appliquer.

II2. Transformation de ces savoirs par une interven-tion infirmière (savoir infirmier)

II s’agit d’un transfert opératoire de connaissancesthéoriques intériorisées (savoirs cognitifs) vers unniveau de performances professionnelles dans unesituation spécifique, définie dans le temps et dans I’es-pace (savoirs, pratiques). (24)

L’apprenant se trouve dès lors dans une logique d’utili-sation de savoirs pratiques pour une situation détermi-née et connue de lui. II n’est pas encore dans I’antici-pation que nécessite une situation inconnue.

II3. Adaptation des savoirs pratiques à l’action infir-mière (compétences professionnelles)

A ce stade intervient une nouvelle dimension, utileétape de la progressivité: l’adaptation de schèmesconnus d’actions à une situation inconnue.

Ici l’apprenant parachève son apprentissage, il estcapable, après distanciation issue d’une démarcheréflexive, de s’adapter à des situations inédites et d’ap-prendre à partir de l’expérience.

« Le savoir de la pratique est construit dans l’action àdes fins d’efficacité; il est contextualisé, incarné, fina-lisé; c’est un savoir adapté à la situation. Cette « adap-tativité » du savoir se construit à partir de l’expériencevécue, à l’aide des perceptions et interprétations faitesdans des situations antérieurement vécues. » (25)

(23) ALTET (Marguerite) - Op. Cif. p 35

(24) En matière d’évaluation des connaissances théoriques cette«transformation » est testée par la capacité à réaliser une étude decas concret .

(25) ALTET (Marguerite) Op. Cit. -p36.

Marguerite ALTET nous décrit là, différentes opérationsintervenant dans cette dernière étape du processus demaîtrise, à l’issue de laquelle l’apprenant est dans lamême démarche procédure que lors de l’étape précé-dente mais se trouve en mesure d’élargir cettedémarche à une situation nouvelle.

C’est cette capacité a d’adaptativité » de savoirs pra-tiques (issus d’une transformation de savoirs théo-riques) à une situation inédite, qui confère à ce pro-cessus le caractère de maîtrise.

R É S U L T A T D E C E P R O C E S S U S

Dans ce processus l’apprenant est capable d’adapterdes savoirs en conformité avec les modèles déjà élabo-rés, en référence à un jugement (esprit critique) et enréorganisant ces savoirs en fonction de la situationvécue.

Le processus de maîtrise ainsi défini correspondant àune phase de concrétisation des savoirs.

II permet de passer d’une logique de mémorisationintégrative et de restitution des savoirs à une logiqueopérationnelle d’UTILISATION de connaissances et deproduction de savoirs.

Le niveau de maîtrise est par définition l’échelon del’apprentissage de formation. II s’ouvre sur la compé-tence qui va trouver sa concrétisation dans le champprofessionnel.

« C’est par la prise de distance à l’égard de son action,en se référant à des principes généraux, que l’actiondevient plus pertinente. L’acquisition d’un tel sens del’action est sans doute l’expression ultime de la méta-connaissance, la finalité de l’apprentissage en tant quefamiliarisation avec la réalité. » (26)

Ainsi le principe de progressivité a-t-il pour finalitéd’aider le formateur dans sa fonction didactique (struc-turation, gestion et évaluation de l’enseignementthéorique) en vue d’amener l’étudiant infirmier sur leschemins de la compétence telle que la définit OlivierREBOUL :

« C’est la possibilité, dans le respect des règles d’uncode, de produire librement un nombre indéfini deperformances imprévisibles, mais cohérentes entreelles et adaptées à la situation. La compétence se dis-tingue du savoir-faire, aptitude à agir, et du savoir pur,

(26) BERBAUM (Jean) Op. Cit. p 46.

98Recherche en soins infirmiers No 54 - Septembre 1998

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DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LAFORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :

VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

aptitude à comprendre, en ce qu’elle est une aptitude àjuger. » (27)

et Micheline DESPLEBIN, directrice d’IFSI :

« La compétence est un rapport du sujet aux situationsde travail; c’est le résultat de l’organisation, la struc-ture, l’articulation des connaissances formelles et expé-rientielles, construites dans et pour le travail. » (28)

Malgré cela, souvent on pense qu’il suffit de maîtriserdes connaissances pour maîtriser des compétences.

Au regard de cette théorisation l’on peut arguer que lamaîtrise n’est pas la compétence; elle est le résultatd’apprentissages inscrits dans une progressivité. Etc’est ce résultat qui va permettre le développement decompétences.

Et comme le souligne Jacques TARDIF: « Influer d’unefaçon significative sur le développement de compé-tences exige le recours à un modèle explicite d’appren-tissage. » (29)

De plus, faut-il préciser que le principe de progressi-vité n’intéresse pas uniquement le domaine de I’ensei-gnement des connaissances théoriques, mais qu’il estapplicable aux enseignements cliniques et au dévelop-pement d’attitudes relationnelles.

Ceci nous amène à distinguer la maîtrise d’un appren-tissage de la maîtrise professionnelle.

La maîtrise d’un apprentissage n’est qu’une maîtrisepartielle. Pour parvenir à un niveau de maîtrise profes-sionnelle, le « novice » devra mener de front les diffé-rentes maîtrises partiel les.

Dans la formation infirmière le concept de progressi-vité est applicable aux trois pôles d’apprentissage sui-vants:

- connaissances théoriques,

-connaissances cliniques,

- attitudes infirmières (capacités communicationnelleset situationnelles),

se décomposant comme suit:

(27) REBOUL (Olivier) - Qu’est-ce qu’apprendre? Paris, PUF -5ème édition - 1993 - Coll. I’Éducateur - p 186

(28) DESPLEBIN (Micheline) - «Cas concret et diplôme d’Etat»Soins Formation Pédagogie Encadrement. NO 20 - 4è*e trimestre1996-p60

(29) Op. Cit.

Zhamp théorique

1. Apprendre et

comprendre :

constituer une

base de donnés

(Acquisition de

connaissances)

2. Expérimenter,

construire du savoir :

analyser la base de

données

(Appropriation)

3. Utiliser et adapter

ses connaissances

pour résoudre un

cas concret

Champ pratique

1. Observer une

démonstration et

reproduire une

technique de soin

(Acquisition de

gestes)

2. Pratiquer une tech-

nique de soin dans un

contexte autre que

celui d’apprentissage

(Appropriation)

3. Adapter un soin

dans une situation

nouvelle et non

encore expérimentée

(Maîtrise)

thamp des attitudes (30)

1. Se sensibiliser

aux mécanismes

de communication

et de relation,

les identifier

(Acquisition d’aptitudes)

2. Se mettre à distance,

repérer son propre

mode de fonction-

nement

(Appropriation)

3. - Développer des

attitudes relationnelles

adaptées à la situation

de soin ou de travail. -

Mobiliser les qualités

humaines nécessaires à

l’exercice professionnel

infirmer (Maîtrise)

Les trois champs aboutissent à des maîtrises partiellesdont l’évaluation se pratique parallèlement et encontinu sur les trois ans de formation. Cette évaluationcorrespond à la mesure d’objectifs pédagogiques inter-médiaires (objectifs d’année notamment), elle seconcrétise essentiellement par l’évaluation continuedes connaissances: épreuves écrites, mises en situationprofessionnelle et rapports de stages.

C’est la rencontre de ces trois champs dimensionnelsparvenus à un niveau de maîtrise (trois maîtrises par-tielles) et correspondant aux objectifs globaux de laformation, qui va ouvrir la voie de la compétence.C’est dire aussi, qu’au sortir de la formation, les nou-veaux professionnels de santé ne sont pas compé-tents, mais ont fait preuve de performances et d’apti-tudes à développer une compétence professionnellequi leur est reconnue par la délivrance du Diplômed’Etat Infirmier.

(30) Entendre ici : « Etat interne à l’individu, résultant de la combi-naison de perceptions, d’émotions, d’expérience et de l’analyse deleurs résultats. Cet état interne rend plus ou moins possible un com-portement déterminé dans une situation donnée. » RAUNAL (Fran-çoise), REUINER (Alain) in Pédagogie: Dictionnaire des conceptsclés. Apprentissages, fonction, psychologie cognitive.p. 45.

99Recherche en soins infirmiers No 54 - Septembre 1998

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CONCRÉTISATION DU PRINCIPE DE

PROGRESSIVITÉ DANS L’ENSEIGNEMENT

ET L’EVALUATION DES CONNAISSANCES

THEORIQUES

Ce chapitre a pour intention d’illustrer notre démarcheen présence de quelques modules spécifiques et trans-verses tels que nous les avons construit et conduits. Leurénoncé correspond à ce qui est rédigé dans les projetspédagogiques d’année (année scolaire 1996/1997).

Méthodologie utilisé pour la construction des modulesd’enseignement

Pour la construction de chaque module la méthodolo-gie utilisée a été la même. Les questions préalables à laplace d’objectifs pédagogiques s’articulent autour detrois axes :

1) La demande potentielle de santé des patients atteintsd’affections spécifiques (stipulées dans le programmeofficiel).

2) Le niveau de connaissances requis pour répondre àcette demande et les capacités nécessaires pour mobi-liser ces connaissances.

3) La progressivité (niveau d’exigence attendu par rap-port à la prévalence d’une pathologie étudiée et parrapport au stade de formation de l’étudiant), tout ens’ancrant sur les objectifs globaux et spécifiques del’année concernée par le module.

La clarification de ces questions débouche sur la for-mation des objectifs du module. Une fois ces objectifsposés, sont déterminés les contenus à enseigner, lesintervenants cooptés et le volume horaire imparti.

En ce qui concerne le choix du module spécifique à pré-senter, celui-ci est quelque peu arbitraire; par contrepour les modules transverses, j’ai sélectionné ceux meparaissant être les plus représentatifs de notre démarche.

1. Modules spécifiques,

SOINS INFIRMIERS AUX PERSONNES ATTEINTES D’AFFECTIONSENDOCRINIENNES (3 1)

(31) A I’IFSI du Centre Hospitalier de Roanne, cet enseignement estdispensé en troisième année.

Ce module comporte un volume horaire d’enseigne-ment de 40 heures.

Au terme de ce module, l’étudiant devra atteindre lesdifférents niveaux de progressivité selon les modalitéssuivantes:

1) Niveau d’acquisition des connaissances

L’étudiant sera capable d’exposer, moyens d’explora-tion et principes de traitement pour les pathologies sui-vantes: acromégalie, adénome hypophysaire, diabèteinsipide, hyper et hypoparathyroi’die, spasmophilie etphéochromocytome.- Les soins pré et post opératoires lors d’une surréna-lectomie.

2) Niveau d’appropriation des connaissances

En effet les liens entre l’enseignement théorique et cli-nique, moyens d’exploration et principes de traitementpour les pathologies suivantes hyper et hypothyroi’die,maladie d’Addison, hypercorticisme (syndrome deCushing).

- De réaliser l’étude écrite d’un cas concret portantsur la prise en charge infirmière des personnes atteintesde ces affections et plus particulièrement des thérapeu-tiques spécifiques.

3) Niveau de maîtrise

Par la mobilisation des différentes connaissances théo-riques et pratiques enseignées, les liens à effectuerentre ces connaissances et les situations cliniques ren-contrées en stage, ainsi que par la synthèse qui endécoule, l’étudiant sera capable: r- D’expliquer par écrit les signes cliniques et para-cli-niques, les moyens d’exploration et principaux traite-ments du diabète.- D’élaborer une fiche permettant l’application et lasurveillance de I’insulinothérapie, des antidiurétiquesoraux et des hyperglycémiants.- D’élaborer et d’évaluer des objectifs de soins,d’énoncer les interventions infirmières permettant :

--) la prise en charge des personnes diabétiques, eninsistant sur les dimensions relationnelles et éducativesdes soins infirmiers (mise en œuvre du raisonnementdiagnostique).

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DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LA

FORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :

VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

+ la prise en charge de l’entourage de la personne surle plan éducatif (règles hygiéno-diététiques, gestion etsurveillance du diabète), ceci par l’étude écrite d’uncas concret.

2. modules transverses

M O D U L E S A N T É P U B L I Q U E

La construction de ce module repose sur :

- Le décret No 93.345 du mars 1993, relatif aux actesprofessionnels et à l’exercice de la profession d’infir-mier, dont mention est faite dans l’article 9 :

« Selon le secteur d’activité où il exercice et en fonctiondes besoins de santé identifiés, l’infirmier propose, orga-nise ou participe à des actions : de formation, de pré-vention et d’éducation, notamment dans le domainedes soins de santé primaires et communautaires. »

- Le programme officiel (un volume horaire de 80heures d’enseignement théorique et deux stages de105H).

- Les valeurs et principes énoncés dans le projet insti-tutionnel de formation.

La progressivité

L’atteinte de l’objectif global de ce module passe pardes objectifs spécifiques qui vont marquer les diffé-rentes étapes de l’enseignement de ce module auregard du niveau d’exigence attendu par rapport austade de formation de l’étudiant :

- l’acquisition des concepts de base et I’élabora-tion de la première étape de la démarche de santépublique (32) (étude d’un groupe dans son environne-ment) en première année.

- l’approfondissement et l’appropriation de cesconcepts, ainsi que du processus de la démarche desanté publique en deuxième année.

- la maîtrise de ces différents éléments et le passage àla réalisation d’une action de santé publique en troi-sième année.

La transversalité

La démarche de santé publique fait appel à la transver-salité par :

(32) La démarche de santé publ ique concerne la pr is en charge, dansle domaine des soins de santé primaires et communautaires, d’ungroupe de personnes dans son environnement, elle se réalise sur lemême terrain de stage en 1 ère et en 3ème année.

- la mobilisation des différentes connaissances théo-riques et pratiques enseignées,

- les liens à effectuer entre ces différentes connais-sances et la synthèse qui en découle.

L’enseignement de la santé publique s’articule doncautour de deux axes :

- la séquence « Enseignement théorique » correspon-dant au module de 80H,

- la séquence « Action de santé publique » correspon-dant aux stages donnant lieu à l’étude d’une popula-tion dans son environnement (niveau 1) et à la réalisa-tion d’une action de santé publique (niveau 2).

Ces deux séquences sont complémentaires et en inter-action, et ce, sur l’ensemble de la formation. Ellesappellent un objectif global sur l’enseignement dumodule et des objectifs séquentiels de la progressivité,par année de formation.

La méthodologie utilisée pour la construction dumodule se caractérise par une première étape deréflexion en amont de la détermination des objectifsséquentiels.

Tout d’abord il s’agit de s’interroger sur les capacitésrequises par exercice professionnel infirmier en matièrede santé publique. Ensuite il convient d’éclaircir desquestions préalables à la pose d’objectifs. Celles-cis’articulent autour de trois axes :

1) La demande de santé d’une population donnée oud’un groupe de personnes, en fonction des problèmesactuels et prioritaires relatifs à la santé de la popula-tion.

2) Le niveau de connaissance requis pour répondre àcette demande et les capacités nécessaires pour mobi-liser ces connaissances.

3) La progressivité à retenir, tout en s’ancrant sur lesspécificités de chacune des trois année formation.

La clarification de ces questions débouche sur la for-mulation des objectifs des deux séquences. Une foisces objectifs posés, sont déterminés les contenus àenseigner, les intervenants cooptés et le volume horaireimparti (dans le respect du programme officiel). Vientensuite la programmation des deux séquences et laplanification qui en découle.

La réalisation d’une action de santé nécessite de menerà terme une démarche de santé publique. Pour celal’étudiant doit mobiliser les éléments requis. Ceux-cidoivent lui permettre d’étudier une population dansson milieu, d’affiner sa compréhension des problèmescaractéristiques de celle-ci.

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De plus pour donner du sens à son projet d’action,l’étudiant doit pouvoir développer ou participer à uneaction définie comme prioritaire et situer ce projetdans une approche plus globale de la santé publique(dimension « macrosanitaire ))).

Objectifs globaux du module :

Au terme de la formation l’étudiant doit acquérir lesconcepts fondamentaux utilisés en santé publique ettransférer ses connaissances dans la conception et laréalisation d’une action de santé publique en collabo-ration avec des équipes pluridisciplinaires.

H 1. Objectifs séquentiels u Enseignement théorique »

Pour être apte à prendre en charge un groupe d’indivi-dus dans son environnement, dans le domaine dessoins de santé primaires et communautaires: l’étudiantdoit être capable:

- d’expliquer avec des mots simples, univoques, pré-cis et accessibles les représentations liées aux conceptsde base suivant «santé, maladie, santé publique » ;

- de mettre en relation les caractéristiques de ces troisconcepts et de clarifier les fondements des soins desanté primaires;

- d’acquérir une connaissance appropriée du systèmede santé (dispositif général mis en place par les pouvoirspublics, différentes institutions sanitaires et sociales);- d’acquérir les bases méthodologiques indispen-sables pour intervenir dans le contexte étudié (démarchede santé publique) en se familiarisant avec les princi-paux outils utilisés en santé publique;

- d’expliquer et d’analyser les principaux problèmesactuels relatifs à la santé de la population, en vue desituer l’action à mettre en place dans une politique desanté à court, moyen et long terme (à l’échelon natio-nal) ;

- de se référer aux notions principales d’économie desanté afin d’analyser le coût des soins et la recherched’efficience;

- d’acquérir une culture de base permettant de situerles grandes orientations de la politiques de santépublique « macrosanitaire » au regard des recomman-dations de l’Organisation Mondiale de la Santé.

n 2. Objectifs séquentiels «Action de santé publique D

Les stages de santé publique effectués principalementen secteur extra-hospitalier doivent permettre à I’étu-diant de ces stages d’acquérir la démarche de santépublique.

A partir de ces stages l’étudiant doit être capable:

- d’étudier les besoins et demandes de santé des per-sonnes et des groupes ;

- d’analyser les besoins et demandes de santé des per-sonnes et des groupes;

- de mettre en place une action de prévention, d’in-formation ou d’éducation pour la santé en collabora-tion avec différents partenaires, en prenant en compteles paramètres de la démarche de santé publique:

4 choix des priorités d’action

4 objectifs et stratégies d’action

-) suivi et évaluation

MODULE 4 DE SOINS INFIRMIERS

Ce module est consacré à la démarche éducative et àl’initiation à la recherche en soins infirmiers.

Dans notre projet pédagogique, la finalité de cemodule, en ce qui concerne l’initiation à la rechercheen soins infirmiers, est d’initier les étudiants à larecherche en soins infirmiers, mais aussi:- d’amener l’étudiant à développer une capacité deraisonnement et de réflexion ;

- de lui apporter les bases méthodologiques indispen-sables pour suivre la formation conduisant au DEI et àune professionnalisation ;- de l’inciter à se situer dans une attitude derecherche permanente.

En outre tout au long de sa formation, l’étudiant estamené à produire des travaux écrits nécessitant impé-rativement de posséder des capacités de réflexion,d’analyse et de synthèse, des bases méthodologiques etune expression écrite correcte.

Globalement l’apprentissage des soins infirmiers etl’exercice professionnel qui en découle nécessitentrigueur, esprit de synthèse et méthodologie.

Acquérir des bases méthodologiques et être capablede les appliquer s’inscrit dans un processus globald’apprentissage qui doit commencer dès la premièreannée :

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VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

« Dans l’apprentissage il est impossible de séparer laméthode et le contenu: il n’existe pas de méthode quifonctionnerait à vide pas plus qu’il n’existe de contenuqui puisse être appréhendé sans méthode. » (33)

La méthodologie n’est donc pas une finalité en soi,mais un moyen essentiel pour atteindre les objectifs dumodule « Initiation à la recherche en soins infirmiers »d’une part, et les objectifs de la formation initiale desinfirmiers en général d’autre part.

La méthodologie, et par là même, les capacités qu’ellepermet d’acquérir ou de développer, n’est pas listéedans les contenus théoriques à enseigner. Cependantles principes pédagogiques édictés dans le programmeainsi que le profil d’infirmier qu’il est demandé de for-mer impliquent que les formateurs I’intégrent dans laformation.

C’est l’orientation que nous avons prise à I’IFSI ; il nousa alors paru cohérent d’intégrer l’enseignement desbases méthodologiques dans le module d’initiation à larecherche en soins infirmiers.

Ce module comporte un volume horaire d’enseigne-ment de 108 heures dont:

- 30 heures en première année,

- 18 heures en deuxième année,

- 60 heures en troisième année.

Objectif global du module

II s’ancre sur la finalité de ce module et sur celle énon-cée dans le projet institutionnel de formation.

A l’issue de l’enseignement, l’étudiant doit être capable :- de maîtriser le raisonnement type « résolution deproblème »,

- d’enrichir sa pratique professionnelle par I’interac-tion permanente des savoirs cliniques et théoriques;

- de mettre en pratique les bases méthodologiquesenseignées en réalisant une démarche de recherchedans le domaine des soins infirmiers.

L’enseignement de ce module se déroule de façontransversale sur les trois années de formation. Lesobjectifs spécifiques du module sont posés en fonctiond’une progressivité sur ces trois ans.

(33) Extrait de la Charte de l’association «Apprendre » - Universitélumière Lyon 2.

1. Objectifs spécifiques de première année

Au terme de la première année l’étudiant devraatteindre les niveaux de progressivité selon les modali-tés suivantes :

1) Niveau d’acquisition

L’étudiant sera capable:

- d’effectuer la rédaction d’un rapport écrit en utili-sant les cours de méthodologie;

- de relever des référents bibliographiques en respec-tant les normes de retranscription;

- d’identifier le traitement des données;

- de réaliser une fiche de lecture sur un ouvrage deson choix.

2) Niveau d’appropriation

En faisant les liens entre les données déjà intégrées,l’étudiant sera capable :- de citer et commenter les étapes du raisonnementlogique ;

- de respecter ces étapes dans le cadre d’exposésoraux ou écrits.

3) Niveau de maîtrise

L’étudiant sera capable:- d’appliquer avec discernement les différentesméthodes d’observation ;

- de réaliser une collecte de données (suivant les dif-férentes techniques enseignées).

2. Objectifs spécifiques de deuxième année

L’enseignement de ce module doit permettre à I’étu-diant de développer sa capacité à faire les liens entreles différents éléments de connaissances théoriques etcliniques, et de développer une attitude de question-nement et de prise de recul par rapport à un ensei-gnement et/ou clinique, et par rapport à une situationdonnée.

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Au terme de la deuxième année l’étudiant devraatteindre les différentes niveaux de progressivité selonles modalités suivantes.

1) Niveau d’acquisition

L’étudiant sera capable:

- de décrire une démarche de recherche et d’en citerles différentes étapes ;

- de citer et décrire les différentes techniques de trai-tement de données;

- de différencier l’étape d’analyse de celle de synthèse.

2) Niveau d’appropriation

En faisant les liens entre les données déjà intégrées,l’étudiant sera capable:- d’appliquer la méthodologie de résolution de pro-blème dans le cadre de différents travaux écrits ouoraux demandés (TD, études de cas concrets, relèvesciblées...).

3) Niveau de maîtrise

L’étudiant sera capable d’appliquer le raisonnementlogique dans le cadre des différents travaux écrits etoraux demandés

3. Objectifs spécifiques de troisième année

La troisième année nécessite de la part de l’étudiantpré-professionnel des capacités de synthèse; il doitpouvoir mobiliser l’ensemble des connaissances théo-riques et cliniques enseignées depuis le début de la for-mation afin de transformer en savoir infirmer un ensei-gnement dispensé de façon parcellaire.

ILa méthodologie de recherche et sa mise en applica-tion par le travail de fin d’études (qui concrétisel’aboutissement du module « Initiation à la rechercheen soins infirmiers») permettra de faire la synthèsedes acquisitions théoriques et des méthodes.

En effet la méthodologie de recherche permet :

- de comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait;

- d’appendre le doute en s’inscrivant dans une autreréalité;

- de réajuster sans cesse sa pratique professionnelle auplus des besoins réels des personnes en matière de santé.

Au terme de la troisième année l’étudiant devraatteindre les différents niveau de progressivité selon lesmodalités suivantes:

1) Niveau d’acquisition

L’étudiant sera capable de :

- citer les différents domaines de recherche en soinsinfirmiers;

- d’expliquer la contribution de la recherche à I’enri-chissement des soins infirmiers.

2) Niveau d’appropriation

En faisant les liens avec les données déjà intégrées,l’étudiant sera capable :

- d’explorer sa pratique après une prise de recul, envue de comprendre les phénomènes repérés et ce,dans l’optique d’une recherche appliquée, pour opti-miser sa future vie professionnelle;- de réaliser une recherche appliquée dans ledomaine des soins infirmiers.

3) Niveau de maîtrise

L’étudiant sera capable d’appliquer avec discernementles bases méthodologiques enseignées dans le cadrede :

- la résolution de problème;

- l’étude écrite de cas concret;

- la rédaction d’un rapport écrit.

Méthodologie utilisée pour l’élaboration des évalua-tions théoriques

Des objectifs pédagogiques à l’évaluation des connais-sances théoriques

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VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

C’est à partir des objectifs pédagogiques globaux etspécifiques du module que se construisent les devoirsécrits destinés à l’évaluation du module et faisant partiede l’évaluation continue des connaissances théoriques.

Pour cela trois axes sont à retenir :

- le pourcentage des points entre les modules et lemodule spécifique, et la répartition de ces points enfonction de la progressivité établie;

- la nature et la formulation des questions en fonctiondes connaissances à mobiliser;

- la base de données servant à la construction del’épreuve d’évaluation théorique.

Construction de l’épreuve écrite d’évaluation

1. Pourcentage et répartition des points

Nous déterminons une répartition des points imputésau module spécifique à partir des objectifs posés danschaque niveau de progressivité, ce qui permet de hié-rarchiser le degré d’exigence attendu.

A titre d’exemple, l’évaluation du module «Soins inf i r-miers aux personnes atteintes d’affections endocri-niennes » pourra avoir la répartition suivante :

Module spécifique = 60% soit 12 points sur 20, serépartissant comme suit :

acquisition = 25%, appropriation = 30%,maîtrise = 45%

2. Nature et formulation des questions

D’emblée nous optons pour une évaluation sous formed’étude de cas concret. Les objectifs du module préci-sent et délimitent les connaissances à cibler et lescapacités méthodologiques à mobiliser.

Pour continuer l’exemple choisi ci-dessus, l’étudiantaura à réaliser une étude de cas portant sur une per-sonne atteinte de diabète et sur une personne souffrantd’hyperthyroi’die. (34)

De plus dans chaque situation exposée, toutes lesquestions formulées entretiennent un niveau de cohé-rence entre elles.

(34) En ce qui concerne l’évaluation des modules transverses pourcet exemple, Cf. le chapitre «Concrétisation du principe de trans-versalité ».

-l

3. Base de données

Chaque fois que cela est possible, les formateurs res-ponsables du module recueillent dans les unités desoins des situations réelles qu’ils choisissent en fonc-tion de ce qu’ils veulent tester et auxquelles ils adap-tent les questions à poser.

Quand cette possibilité ne peut se concrétiser le forma-teur construit une situation et formule les questionsenvisagées, il soumet ensuite pour avis cette étude decas aux soignants et/ou intervenants concernés.

Enfin il m’apparaît important de préciser qu’un docu-ment compilant le projet institutionnel et les projetspédagogiques d’année est en permanence à la disposi-tion des étudiants (consultation sur place) : il noussemble indispensable que les étudiants aient une repré-sentation explicite de ce sur quoi repose l’évaluation àlaquelle ils vont être soumis.

* * *

LA TRANSVERSALITÉ

L’homme a un corps, un esprit, un cœur qui sont indis-sociables, en même temps qu’il vit dans une société etun environnement. Or; dans la formation en soinsinfirmiers, chacun de ses domaines est abordé par unediscipline particulière et dans un champ notionnel quilui est propre.

Aussi dans le domaine de l’apprentissage des soins infir-miers qui intéressent la personne dans sa globalité, latransversalité apparaît-elle comme un principe premier.

DÉFINITION - ATTRIBUTS DU CONCEPT

Définition

La transversalité est la recherche de liens entre les dif-férents domaines de connaissances qui intéressent enmatière de santé, une personne ou un groupe de per-sonnes dans leur environnement (au sens large), en vuede contextualiser un savoir et de lui donner du sens.Ce concept est multinotionnel, il concerne autant lechamp des savoirs que celui des procédures.

La transversalité prend en compte tout à la fois : lapose des objectifs et le choix des méthodes, compé-tences nécessaires au futur exercice professionnel.

nt-

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Ainsi précisée la transversalité est une réponse au ques-tionnement de la place de la personne soignée et decelle des soins infirmiers dans la société actuelle. Ellepropose une adaptation aux différentes évolutions destechniques et des idées. Elle permet l’adaptabilité et leprofessionnalisme.

J’entends par adaptabilité, des connaissances et profes-sionnalisme, la notion suivante : l’acquisition desconnaissances n’est pas une finalité en soi, c’est letransfert de connaissances en vue d’une utilisation pro-fessionnelle qui en est une. La formation s’oriente alorssimultanément vers la construction d’un corpus deconnaissances professionnelles et vers le développe-ment de capacités à utiliser ces connaissances au ser-vice d’une activité professionnelle.

M’appuyant sur les travaux de B. Charlot et E. Beautier(1991), j’infère au terme «professionnalisme» un sensapplicable à la formation infirmière. II s’agit d’un pro-cessus qui favorise la transformation de l’état d’étudiant-apprenant en celui de professionnel apte à mettre enœuvre des compétences. Pour cela cinq critères sont àprendre en compte dans les objectifs de formation :- un corpus de connaissances;- des pratiques réussies en situation réelle;- une capacité à rendre compte de ses connaissances,de ses actes et de ses attitudes ;- une autonomie et une responsabilité personnelledans l’exercice de ses compétences ;- une adhésion à des représentations et à des normes col-lectives, constitutives de l’identité professionnelle. (35)

Ici, la transversalité doit permettre au futur profession-nel d’utiliser son corpus de connaissances (théoriqueset cliniques) en vue de s’adapter à la demande dupatient, au contexte de sa situation et de résoudre desproblèmes complexes et variés.

La transversalité est en outre un concept qui permet depenser et d’organiser la formation initiale des infirmier(e)ssuivant une conception globale et systémique.

Attributs du concept :

- Épistémologie constructiviste (36)

(35) In Pédagogie : dict ionnaire des concepts clés - apprentissage,formation et psychologie cognit ive. 1997, Paris - ESF - Coll. Péda-gogies.

(36) D’après Jean-Louis LE MOIGNE, Professeur des Universités -Concevoir, dans et par l ’organisation, l ’action dans sa complexité. -Communication orale, Journées nationales de formation A.R.S.I.« Des soins infirmiers aux concepts B, janvier 1997.

- Stratégie de reliance- Finalisation des savoirs

ÉPISTEMOLOGIE ~~N~TRU~TIVISTE

Cet attribut repose sur le mode de pensée complexe. IIs’oppose en cela au mode de pensée linéaire et donc àl’épistémologie positiviste.

En effet, dans ce courant, la conception de la connais-sance (les savoirs) obéit au dualisme cartésien. II y aindépendance de l’objet par rapport au sujet, le raison-nement est hypothético-déductif (donc-parce que),l’épistémologie positiviste est régie par la logique aris-totélitienne (logique disjonctive : ou).

En ce qui concerne la méthode de la connaissance (lesprocédures), celle-ci est caractérisée par une tempora-lité : non prise en compte de l’évolution et de la dyna-mique en mouvement, la procédure est analytique :décomposer un phénomène en un plus petit élémentpossible.

L’épistémologie constructiviste diffère radicalement ducourant positiviste. Se référant à la pensée complexe,la conception de la connaissance prend en comptel’interaction du sujet et de l’objet; et surtout ce qui meparaît fondamental est l’orientation de ce courant versune position téléologique qui consiste à s’intéresseraux processus de finalisation, à mettre en rapport la finet les moyens. Dans cette orientation la prise encompte du projet et des objectifs est déterminante; ilne s’agit plus de restituer des contenus mais de lescomprendre, de leur donner du sens en vue deconstruire de la connaissance.

Les connaissances procédurales (méthodes) sont alorsnécessairement appréhendées en même temps que lescontenus enseignés, au regard de la finalité escomptée.

Parallèlement la méthode de la connaissance est mar-quée par une modélisation systémique qui prend encompte la temporalité (transformation permanente) etI’interactionnisme (perception des éléments d’un sys-tème et de leurs interactions). Elle est également mar-quée par un raisonnement inductif et une logique pro-cédurale : partir des cas particuliers vers des principesgénéraux, chercher à « inventer» au lieu de sélection-ner, c’est à dire, imaginer une solution possible qui n’apas été envisagée d’emblée au lieu d’en choisir uneparmi celles envisagées au départ.

SJRAT~GIE DE REL/ANCE

Cette locution d’Edgar MORIN correspond au proces-sus, dans la pensée complexe, qui cherche àconjoindre le savoir et le faire, à relier la connaissanceà l’action. Les opérations mentales consistent à mettre

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en système la situation donnée perçue initialement defaçon linéaire, à formuler le problème, à concevoir dessolutions acceptables en suscitant des possibles au lieud’identifier des nécessaires, suivant le modèle décritdans l’attribut précédent.La stratégie de reliance nécessite une capacité à fairedes liens et à inventer sans cesse des « nouveaux pos-sibles ». Elle requiert également la capacité à identifierdans un système les différentes logiques de fonctionne-ment et les mises en tensions qui peuvent en résulter.De même elle concourt au développement de capaci-tés de synthèse, favorise une vue globalisante des situa-tions; on pourrait dire que la stratégie de reliance forgela capacité de penser.

Ces capacités sont elles-mêmes un objet de connais-sance. C’est là, à mon sens, l’attribut primordial duconcept de transversal ité.

Cet attribut concerne la pertinence et la légitimité d’unsavoir, et s’attache à sa contextualisation. II s’ancre surles deux attributs précédents qu’il prolonge : la connais-sance est considérée à partir d’une situation particulière,elle est ensuite mise en système, les différents élémentset leurs interrelations en sont identifiés; i l est alors faitréférence à des principes généraux. L’ensemble de ceprocessus tend à rendre vivant le savoir pour le trans-mettre et pour en faciliter l’intégration en partantconstamment vers une quête de sens des contenus etméthodes enseignés, au regard de l’objectif à atteindre.

II conviendra en outre d’identifier les transferts possiblesde ce savoir et de poser les objectifs éducationnels effé-rents.

Se référer au concept de transversalité induit unenotion de «rupture épistémologique », véritable préa-lable permettant au formateur d’identifier des logiquesde fonctionnement qui ne sont pas les siennes, et lesrapports entre ces différentes logiques. (37)

Ainsi la rupture épistémologique me paraît être unpassage obligé pour entrer dans la transversalité.

Fondements

Particulièrement dans le domaine de la science infir-mière, la complexité, la reliance et la finalisation des

(37) Entendre dans cette expression : déséquilibre dû à la perceptiond’une différence entre ce que l ’on croit savoir d’une réalité (sa réali-té) et ce que l’on constate de cette réalité (le réel). La déstabilisationqui en résulte amène à rechercher, dans une confrontation cognit ive

et affective, le dépassement des différences et des contradictions.Cette rupture est favorable à la reconstruction d’une nouvelle dyna-mique de questionnement sur les savoirs infirmiers.

savoirs prennent légitimité. Or dans la problématiqueévoquée au début de ce travail, deux facteurs inter-viennent : la dominante d’une pensée linéaire et dis-jonctive, la segmentation de l’enseignement modulairedans laquelle chaque spécialiste d’une discipline don-née risque de fonctionner dans sa propre logique enoccultant les l iens avec les autres disciplines.- Identifier les différents logiques de fonctionnement,tant au niveau de l’enseignement qu’à celui de I’ap-prentissage;

-trouver le point d’ancrage de ces différentes logiquespour y asseoir les méthodes didactiques les mieuxadaptées ;- établir des liens, une complémentarité entre ces diffé-rentes logiques, soit fonctionner sur un mode conjonc-tif et non plus disjonctif;- construire du sens;

tel est l’apport de la transversalité.

Processus : Transversalité et didactique, un champ àdévelopper

En matière d’enseignement des connaissances théo-riques et cliniques, la transversalité consiste à concevoirl’enseignement modulaire (38) et morcelé de chaquediscipline autour d’un élément fédérateur, créateur deliens et de sens : la prise en charge holistique de la per-sonne soignée, et suivant un fil conducteur : le dévelop-pement de la compétence à utiliser ses compétences.D’un point de vue didactique, la transversalité permetde contextualiser des savoirs, de leur restituer une placesignifiante dans l’enseignement. Ce principe transposedes connaissances enseignées sous une forme « asepti-sée », sorties de leur contexte de production et d’utilisa-tion, en savoirs vivants et porteurs de sens.

Concrètement, pour ne pas enseigner des savoirsmorts et déconnectés de leurs fondements, I’ap-proche didactique des contenus disciplinaires doitpermettre la mobilisation d’une connaissance don-née en dehors du champ notionnel dont elle relève.Elle doit permettre de donner du sens à ces savoirs etde lutter contre le morcellement dont ils font l’objet.

Penser la transversalité dans une approche didactiquedes contenus consignés dans le programme de forma-

(38) Le programme des études conduisant au Diplôme d’État Infir-mier comporte 20 modules spécifiques et 6 modules transverses.

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tion revient à identifier les interrelations entre lesmodules d’enseignement théoriques spécifiques (39) etles modules transverses, (40) soit, concevoir des ensei-gnements pluriels selon une logique de constructioninter-et transdisciplinaire. (41)

MODÈLE DE CONSTRUCTION INTERDISCIPLINAIRE

Ce modèle correspond à l’enseignement des disci-plines non pas de façon juxtapositive comme le feraitun enseignement pluridisciplinaire, mais en articulantles enseignements pluriels autour d’une activité cen-trale. Cet enseignement constitue un ensemble deconnaissances organisées en schémas opératoiresorientés vers l’action, et concrétisés par des l iens entrepratique et théorie. L’activité ciblée fédère les diffé-rentes disciplines, toutefois les interrelations entre lessavoirs issus de champs notionnels distincts (compé-tences finales) ne sont pas prises en compte pour défi-nir les contenus.

Ex.: L’enseignement théorique est structuré en articu-lant les modules de soins infirmiers spécifiques avec lesmodules transverses et en les reliant autour d’une «activité centrale » : la prise en charge globale de la per-sonne soignée. II s’agit d’un enseignement centré sur lapersonne soignée et non plus sur la pathologie.

L’interdisciplinarité est probablement l’approche didac-tique en «vigueur» dans la plupart les IFSI à l’heureactuelle.

MODÈLE DE CONSTRUCTION TRANSDISCIPLINAIRE

Ce modèle correspond à l’approche ci-dessus, maiss’enrichit d’un fil conducteur ( à distinguer d’élémentfédérateur) qui a pour fonction de faire émerger :

- les notions et concepts communs dans les diffé-rentes disciplines enseignées (transdisciplinarité instru-mentale) ;

- les capacités et compétences transversales néces-saires à l’utilisation des savoirs enseignés, tellesréflexion, raisonnement, analyse et synthèse, créativité,autonomie, socialisation, responsabilisation,... (trans-disciplinarité comportementale). Comme le préciseMichel DEVELAY « Ce que j’apprends dépend de ceque je sais déjà ».

(39) Chaque module spécifique concerne les soins infirmiers relatifsaux affections d’une fonction de l’organisme

(40) Les modules transverses concernent des connaissances plusgénérales et s’enseignent sur les trois années de formation

(41) Cf. Michel DEVELAY « Didactique et apprentissage scolaires »Enseignement de maîtrise - Département des Sciences de I’éduca-tion - Université Lumière Lyon 2.

Ces capacités et compétences relèvent d’opérationsintellectuelles indépendantes des connaissances etconstituent ce que Louis d’HAINAUT appelle les sou-bassements de la pensée.

« Le savoir déclaratif est mis au service du développe-ment des compétences; de nombreux l iens interdisci-plinaires sont créés; les situations d’apprentissagegarantissent la prise en compte des exigences de la vieprofessionnelle. » (42)

: L’enseignement des sciences humaines est bienExappréhendé à travers un modèle interdisciplinaire(anthropologie, psychologie, psychanalyse, sociologie)centré sur l’intérêt qui en résulte pour le patient. Parcontre il manque un dispositif qui permettrait de trans-férer et «d’incorporer » ces connaissances dans la pra-tique infirmière. En effet une infirmière (43) est capabled’effectuer la prise en charge psychologique d’une per-sonne dialysée, de comprendre la dimension sociolo-gique de la problématique d’un patient atteint de syn-drome dépressif, d’effectuer une relation d’aide auprèsde quelqu’un en détresse morale, ceci toujours à partirde connaissances appropriées.

Est-elle pour autant en mesure de conduire unedémarche clinique auprès d’un être en souffrance,quelle que soit sa pathologie? Parvient-elle à partird’une situation particulière, à remonter vers desconnaissances et principes généraux suivant les prin-cipes de la théorie ancrée? Est-elle capable d’adopterune attitude permanente de questionnement et des’inscrire dans une démarche de recherche?

Dans cet exemple l’approche didactique transdiscipli-naire pourrait conduire le professionnel infirmier,capable de prendre en charge un patient sur un modeholistique, vers une compétence infirmière clinicienneet experte.

C’est dans ce modèle où les deux types de transdisci-plinarité sont indissociables et réunissent connais-sances, capacités et compétences, que la transversalitétrouve sa place.

C’est là un point fondamental qui, me semble-t-il, diffé-rencie la formation «version 1992 » de celle régie’parle programme 1979. Cette approche transversale contri-bue pour une grande part à faire passer un système deformation linéaire à une «formation-système ».

Dans ses contenus et sa structuration, le programme

(42) TARDIF (Jacques) - La formation des professionnels de santé :quelques composantes nécessaires. Mars 1997 - Journée régionaled’études organisée par le C.E.F.I.EC.;

(43) Lire infirmier - infirmière.

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DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LAFORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :

VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

précédent se démarquait déjà par une conceptionhumaniste des soins infirmiers et se centrait sur la per-sonne soignée dont une prise en charge globale deve-nait une finalité. Cependant les trois années s’articu-laient sur un cumul de savoirs, partant de l’homme sainpour arriver vers les pathologies somatiques suscep-tibles de l’atteindre. Dans un tel système de formation,la connaissance infirmière se développe en strates.

Le programme actuel en même temps qu’il rapproche lecorps et l’esprit, se positionne dans les principes péda-gogiques qu’il édicte, en terme de finalité de formationet de compétences professionnelles attendues. Dans cemodèle la formation ne peut plus suivre une logiquelinéaire trop réductrice mais appelle une logique « spira-laire ». La sommation de connaissances ne suffit plus. Leprofessionnalisme reste le maître mot. L’apprenant seconstruit à partir de connaissances qu’il doit intérioriseret qui sont toutes interdépendantes. II entre dans une spi-rale qui l’amènera progressivement vers la complexitéqui caractérise toute situation de soin.

Or une première évaluation du programme 1992, oudu moins de ses effets, met en avant l’insatisfaction desprofessionnels confirmés face aux « manques » desnouveaux diplômés tant dans les unités de soins soma-tiques qu’en secteur psychiatrique. Vision alarmanteégalement partagée par des cadres infirmiers et direc-teurs du service des soins infirmiers qui témoignent delacunes graves observées chez ces « infirmières-forma-tion unique ».

En d’autres termes qu’est-ce qui est à remettre en causedans la nouvelle formation ?

Je partage le point de vue de Jean-Yves CASAUX lors-qu’il précise : « A vouloir des professionnels ‘perfor-mants sur le terrain, sitôt le diplôme qualifiant obtenu,sans doute les formations professionnelles privilégient-elles ce que Gaston Bachelard appelle l’activité réac-tive ou réfléchissante par rapport à l’activité réflexive.Et ceci apparaît for dommageable dans la mesure oùelles seraient davantage au service d’un conservatisme,voire d’une sclérose, plutôt qu’au service de I’innova-tion et de la création. » (44)

Haro est porté sur le nouveau programme tel un véri-table leitmotiv. Est-ce réellement un seul problème decontenu et de découpage du temps de formation 3

Ces manques ne seraient-ils pas pour une part impu-tables à la mise en œuvre du nouveau programme deformation sur un mode linéaire, et dans lequel la trans-versalité fait défaut?

(44) In « Dimensions d’un enseignement » Soins Formation - Péda-gogie - Encadrement. Nol 8 - 2ème trimestre 1996 - p 46

Cette réflexion tente de répondre à une question defond : Q quelles sont les compétences nécessaires pourêtre efficient dans la profession infirmière? »

La transversalité ainsi précisée est l’un des conceptsqui permet à la didactique de fédérer des connais-sances constituées par les différents champs discipli-naires autour d’un professionnalisme.

Dès lors pouvons-nous dire que les principes de trans-versalité et de progressivité ont pour visée de matériali-ser un modèle explicite d’apprentissage possible, sanspour autant prétendre à l’exclusivité de ce modèle !

Je conclurai cette réflexion en citant Patrick VIOLLET,directeur d’IFSI :

« Apprendre, ce n’est pas seulement consommer et res-tituer des savoirs mais plutôt en consommer pour enproduire, ce qui renvoie nécessairement à la transféra-bilité des savoirs en matière de connaissances procé-duriales. » (45)

Ce qui l’amène à s’interroger sur « I’efficience desméthodes pédagogiques couramment utilisées dans cedomaine de la formation. A-t-on pour objectif essentielde transmettre, d’inciter ou de permettre I’appropria-tion ?» (46)

Ainsi, est-il primordial de définir des objectifs pédago-giques :- centrés sur le transfert de connaissances;

- à la recherche d’une adéquation entre la démarched’apprentissage et l’action pédagogique.

CONCRÉTISATION DU PRINCIPE DESTRANSVERSALITÉ DANS L’ENSEIGNEMENTET L’ÉVALUATION DES CONNAISSANCES

THÉORIQUES

Ce chapitre complète celui traité précédemment, relatifà la concrétisation du principe de progressivité. Lesénoncés et exemples qui seront présentés correspondentégalement aux projets pédagogiques d’année cités.

(45) VIOLLET (Patrick) A propos «De l’acte pédagogique au change-ment social ». Soins Formation Pédagogie Encadrement - N” 20 -4ème trimestre 1996 - p 63 ; NB : cette réflexion concerne I’appren-tissage de la démarche de soins en formation de base des étudiantsinfirmiers et en formation continue des professionnels de santé,cependant e l le est t ransférable à tous les enseignements dispensés enformat ion de base.

(46) Ibid. - p 63.

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Méthodologie : construction des modules d’enseigne-m e n t

Pour déterminer sur quelle transversalité reposaitchaque module spécifique, la méthodologie utilisée aété la méme. Celle-ci a consisté à identifier lesconnaissances extérieures au module considéré qu’ilfallait prendre en compte pour atteindre les objectifspédagogiques fixés. Ceci facilite la planification conco-mitante des enseignements correspondants.

En outre un temps minimum de quatre heures estréservé en fin de module pour en réaliser la synthèse.Ce moment est essentiel pour favoriser l’appropriationdes connaissances et leur vue transversale. (47)

A la suite des objectifs pédagogiques ancrés sur la pro-gressivité, est déclinée la transversalité comme suit :

SO/NS INFIRMIERS AUX PERSONNES ATTEINTES D’AFFECTIONSENDOCRINIENNES

«Au cours de cet enseignement seront pris en compteles éléments de connaissances des modules transversesénoncés ci-après. » (Cf. Annexe)

Méthodologie utilisée pour l’élaboration des évalua-tions théoriques

Outre la progressivité, est prise en compte la transver-salité pour élaborer l’évaluation continue des connais-sances théoriques.

Construction de l’épreuve écrite d’évaluation

1. Pourcentage des points

Conformément à la réglementation en vigueur lesmodules transverses sont évalués dans une proportionde 20 à 40%; nous déterminons une valeur comprisedans cette fourchette en fonction de l’importance desconnaissances transversales identifiées dans le moduleconsidéré. Cette même logique détermine égalementles modules transverses à privilégier (parmi les six duprogramme) dans cette évaluation.

2. Nature et formulation des questions

Les modules transverses peuvent s’évaluer à traversdes questions d’anatomie-physiologie, de sciences

(47) Cf. chapitre «Mise en œuvre : du concept à /a pratique».

humaines, de législation-éthique-déontologie, hygiène.. .toujours en rapport avec les situations exposées dansles cas concrets. Là encore, ces questions doivent êtreen cohérence entre elles.

Mise en œuvre : du concept à la pratique

II s’agit ici de proposer des pistes méthodologiques,permettant le transfert et l’application du concept deprogressivité et de transversalité dans les pratiquespédagogiques des IFSI. II ne s’agit donc pas de décrireun modèle prêt à l’emploi, mais de présenter un guidefacilitant la concrétisation d’une pédagogie sous-ten-due par ces deux concepts.

Autant dire que tenter d’appliquer les concepts de pro-gressivité et de transversalité implique de se situer dansune conception de la formation qui considère réelle-ment et pas uniquement dans les principes l’étudiantcomme un «sujet-acteur », et qui le place au centre desobjectifs pédagogiques. Le corollaire de cette orienta-tion est de mettre en place une organisation de travailpédagogique qui permette, dans son fonctionnement,l’atteinte des objectifs de formation.

ORGANISATION ET STRUCTURATION DESCONTENUS D’ENSEIGNEMENT

Ainsi l’organisation et la structuration des enseigne-ments (qu’ils soient théoriques ou cliniques), dépen-dent-elles d’une part du fonctionnement pédagogiquede I’IFSI, et d’autre part de son orientation pédago-gique, laquelle est précisée dans le projet institutionnelpour l’ensemble de la formation.

ÉLABORATION D~O~~TIFS PÉDAGOGIQUES

Des objectifs pédagogiques centrés sur l’apprentissage

Prendre en compte la progressivité telle que nousvenons de la définir, cela revient à proposer des objec-tifs d’apprentissage sur la transférabilité des contenusenseignés (théoriques comme cliniques) et à spécifierles performances attendues de la part des étudiants, etceci par année de formation. C’est à dire, cibler dansles objectifs non pas la nature du savoir à capitaliser auregard des connaissances considérées importantes,voire essentielles, mais viser la transférabilité de ces

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VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

connaissances et leur transformation en savoirconstruit et conservé.

Mais c’est aussi considérer l’ensemble de la formationdans une progressivité. En effet l’enseignement modu-laire des connaissances théoriques ne peut se fairerationnellement sans prendre en compte ce principe.

Les IFSI ont l’entière initiative de la répartition des vingtmodules spécifiques suivant un nombre déterminé demodules par année; cela équivaut à déterminer à quelmoment de la formation on enseigne tel module plutôtqu’un autre, en étant bien conscient qu’aucun décou-page n’est parfait. II faut pour cela établir une chrono-logie et une cohérence entre les différents modules. Ence qui concerne les modules transverses à répartir surles trois années, il faut prendre en compte la transver-salité et la progressivité dans la transversalité.

Pour cela il convient d’élaborer en équipe des objectifsd‘année qui tiennent compte à la fois de temps fortspar année en terme de capacités à développer et de laprogressivité sur les trois ans à instaurer.

Formulation des objectifs pédagogiques

Objectifs pédagogiques de la première année

Au regard du principe de progressivité défini dans leprojet institutionnel, (48) la première année de forma-tion est essentiellement axée sur l’acquisition du savoirinfirmier. Elle constitue en quelque sorte les «fonda-tions » du processus d’apprentissage.

Cet apprentissage est d’emblée à visée professionnelleet nécessite chez l’étudiant des capacités qu’il convientde développer en priorité :

- capacité d’observation

- capacité de raisonnement

- capacité de réflexion

Parmi les objectifs globaux énoncés sur le projet péda-gogique de la première année pour l’année scolaire1996/1997, on peut lire :

«Au terme de la première année, l’étudiant doit êtrecapable » :

- de clarifier par le raisonnement et la réflexion les dif-férentes approches des concepts de base servant à I’éla-boration du projet professionnel (l’homme, la santé, lesoin, la profession d’infirmier, le travail en équipe);

(48) D’après le «Projet institutionnel de Formation» 1 I.F.S.I. duCentre Hospitalier de Roanne, année scolaire 1996/1997.

1

- d’acquérir, de s’approprier et de maîtriser les élé-ments de connaissances suivant les différents degrésde progressivité énoncés dans les modules théoriquesenseignés au cours de l’année (à I’IFSI et en stage);

- d’acquérir les gestes techniques enseignés au coursde l’année (à I’IFSI et en stage).

Au terme de la première année l’étudiant doit pouvoir :

-développer un esprit critique, c’est à dire adopter uneattitude de questionnement face à une situation don-née, établir des liens entre les différents modulesenseignés d’une part, entre l’enseignement théoriqueet l’enseignement clinique d’autre part, et autre réa-lité vécue par chaque personne soignée;

- s’approprier les bases méthodologiques enseignéestelles que l’observation, la pratique du recueil de don-nées, les entretiens;

- prendre le recul nécessaire par rapport à la réalitéafin de fournir une réponse adaptée à la demande de lapersonne soignée (en fonction des connaissances théo-riques et cliniques enseignées en Ière année);

- être acteur de sa formation en s’engageant personnel-lement et volontairement dans le processus d’appren-tissage. »

Objectif pédagogiques de la deuxième année

La deuxième année est caractérisée par un approfondis-sement des connaissances, une distanciation, I’établis-sement permanent de liens à partir des enseignementsthéoriques et cliniques, et du vécu de la formation dedeuxième année; mais aussi en s’articulant avec lesacquisitions et le vécu de la première année.

La deuxième année s’inscrit dans un continuum deconstruction professionnelle, aussi est-il fondamentalde ne pas laisser s’enraciner un clivage entre ces deuxannées.

Et pourtant l’enseignement modulaire des connais-sances théoriques menace réellement de segmentation,l’apprentissage de ces connaissances, d’où I’impor-tance de favoriser l’émergence de liens.

Des aptitudes à établir des liens, à s’approprier lesconnaissances enseignées, à prendre du recul par rap-port à son processus d’apprentissage, dépendra lacapacité de suivre efficacement la troisième année deformation, et plus particulièrement celle visant à déve-lopper un esprit de synthèse.

Au cours de la deuxième année, une place prépondé-rante est donnée à l’appropriation des connaissancespermettant une prise de distance qui rend possible I’uti-lisation concrète des savoirs dans des actions efficaces.

Recherche en soins infirmiers No 54 - Septembre 1998

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L’étudiant doit donc centrer son processus d’apprentis-sage sur l’appropriation du savoir infirmier et dévelop-per impérativement pour cela des capacités d’analyse.

«Tout au long de l’année de formation il doit être capable :

-d’acquérir et s’approprier des savoirs qu’il util isera ensituation concrète afin d’en établir les liens;

-de développer ses capacités d’analyse d’une situationafin de donner des réponses cohérentes;

- de développer un esprit critique en regard des diffé-rentes situations rencontrées, dans un esprit d’autono-mie et de responsabilisation. »

C’est en ces termes que l’on retrouve les objectifs viséspour l’année dans le projet pédagogique de deuxièmeannée.

Objectifs pédagogiques de la troisième année

La troisième année est une phase de synthèse qui doitpermettre au pré-professionnel de vérifier sa maîtrisede l’ensemble du savoir infirmier et de s’inscrire dansson évolution. C’est l’année qui conduit l’apprenant dustatut d’étudiant vers celui de professionnel. Le proces-sus d’apprentissage doit aboutir à la reconstruction dusavoir infirmier à partir des trois maîtrises partiellespour l’adapter à des situations concrètes.

La capacité à prioriser pour cela est la synthèse.

Les objectifs globaux énoncés dans le projet pédago-gique de troisième année sont les suivants :

«Au terme de la troisième année l’étudiant doit êtrecapable » :

- d’assumer chacun de ses rôles en tenant compte desaspects éthiques et juridiques de son engagement pro-fessionnel ;

- de maîtriser les soins infirmiers dans leur dimensiontechnique et relationnelle afin d’assurer une prise encharge holistique de la personne soignée, tant sur ladétresse physique que mentale;

-de formaliser son projet professionnel en clarifiant sonpropre système de valeur en respect d’une éthique pro-fessionnelle pour dispenser des soins humanistes, et enadoptant une attitude de recherche permanente, afin depréserver une qualité de soins toujours perfectible. »

Enfin parmi les objectifs spécifiques, on peut lire :

« - poursuivre l’acquisition et l’appropriation desconnaissances théoriques et pratiques définies par leprogramme;- maîtriser les règles d’ergonomie dans la pratique pro-fessionnelle des soins infirmiers et des tâches annexes;

Recherche en soins infirmiers N” 54 - Septembre 1998

- travailler en équipe pluridisciplinaire et en partena-riat avec d’autres professionnels, identifier leur statut etleur rôle respectif. »

La pose d’objectifs pédagogiques régit tout à la fois lastratégie didactique des enseignements à dispenser, etconstitue un référentiel de connaissances et de perfor-mances attendues, reconnu par un groupe professionnel.

Ce référentiel représente la « mesure-étalon » lors del’évaluation des connaissances enseignées. L’évaluationconsiste en effet en une mesure de l’écart entre lesrésultats observés (prestation de l’étudiant) et les résul-tats attendus (objectifs pédagogiques). C’est dire quel’évaluation est indissociable de la démarche pédago-gique en général, et de la pose d’objectifs pédago-giques en particulier.

Moyens mobilisés

Pour organiser et structurer l’enseignement de chaquemodule, qu’il soit spécifique ou transverse, les forma-teurs responsables de module s’appuient sur les prin-cipes de progressivité et de transversalité et sur lesobjectifs pédagogiques préalablement élaborés. Enmême temps ils ont pour souci de situer le moduleconsidéré dans l’ensemble de la formation.

Lorsque l’enseignement d’un module débute, les for-mateurs concernés en présentent le déroulement et lesmodalités d’évaluation.

Ce travail est essentiel car il sert de véritable basepour construire le module, déterminer et programmerles contenus à enseigner (dans le respect des exi-gences du programme officiel), choisir les interve-nants et orienter les enseignements.

Les moyens mobilisés sont alors déterminés en fonctiondes objectifs d’apprentissage. Une « centration sur I’étu-diant» et les objectifs pédagogiques tels qu’ils ont étédéfinis conduisent le formateur à œuvrer sur le désé-tayage. Ici, le travail consiste à proposer des situationsqui vont permettre à « l’apprenant étayé » de se distan-cer de l’aide dont il a bénéficié, de se décentrer de I’ob-jet d’apprentissage en «faisant et en se regardant faire ».

Il s’agit donc de mobiliser des moyens qui vont inciterl’étudiant à devenir un observateur de son propredéveloppement cognitif, à comprendre comment ilapprend; mais aussi ces moyens devront-ils l’aider àrepérer toute situation porteuse de sens.

Ces moyens s’articulent autour de deux axes :- le questionnement, méthodes et procédures,- le suivi pédagogique.

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Questionnement, méthodes et procédures

II s’agit là d’une attitude omniprésente constituant I’in-terface entre la conception des connaissances, leurabstraction, leur construction en corpus, et la méthodedes connaissances qui en permet le transfert, en mêmetemps qu’elle favorise la production de savoir et ledéveloppement de compétences.

Pour matérialiser cette interface il m’apparaît essentielde privilégier les travaux dirigés (TD) pour lesquels ilconvient d’utiliser un certain nombre d’outils et lessynthèses de module.

1. Les TD

Ceux-ci sont organisés en groupe et se réalisent majori-tairement à partir de situations réelles sur le terrain(hospitalier ou extra-hospitalier).

Parmi les outils utilisés nous proposons aux étudiantsdes études de cas à réaliser; nous leur présentons pourcela les objectifs séquentiels, les ressources dont i ls dis-posent et le temps imparti pour la réalisation de ces tra-vaux. Une exploitation collective est ensuite effectuée;celle-ci représente un temps fort pendant lequel noustentons de faire identifier par les étudiants, d’une part,toutes les connaissances des différents modules qu’ilsont mobilisées et d’autre part, les capacités et aptitudesprocédurales et comportementales qu’ils ont dû utiliser.

D’autres TD sont conduits en collaboration avec lesunités de soins qui ont une demande précise à la suited’une situation problème constatée. Dans ce cadre làpar exemple, nous avons initié conjointement avec unservice de traumatologie un travail devant débouchersur la réalisation d’une plaquette concernant les règleshygiéno-diététiques, destinées aux patients sous anti-vitamines K lors de leur retour à domicile.

Ici, l’étudiant est en situation de production de savoirdans un but utilitaire, qui authentifie les éléments deconnaissances mobilisés et leur donne du sens.

Tout particulièrement les domaines de la Santépublique et de la Recherche en soins infirmiers nouspermettent de développer des travaux et prestations quine soient pas purement des exercices scolaires, maisqui amènent les étudiants infirmiers bien au delà : àl’issue de l’étude ou de la recherche qu’ils réalisent surle terrain, les étudiants fournissent une prestation (fruitde leur travail) qui répond à un besoin ou à une préoc-cupation de la structure d’accueil, en même tempsqu’elle les fait progresser dans leur formation et qu’elle

1

ouvre la voie d’un partenariat, support d’une alter-nance intégrative entre ces structures et I’IFSI. Ces TDfont l’objet d’une notation qui est capitalisée dansl’évaluation du ou des modules correspondants.

Ainsi ai-je pu constater depuis deux ans que les étu-diants s’investissent considérablement dans ce type detravaux; le travail qu’ils fournissent dépasse souventquantitativement et qualitativement les exigences insti-tutionnelles.

Support de choix de l’enseignement conjoint desméthodes et des contenus, ce mode de fonctionnementcontribue tout à la fois à un enrichissement culturel,professionnel et personnel des étudiants comme dupersonnel d’encadrement des stages, et des formateurs.

2. Les présentations et synthèses de module

Les formateurs référents des modules concernés pré-sentent aux étudiants infirmiers ceux-ci en les situantdans la formation, en expliquant les interrelations avecles autres modules transverses et spécifiques de l’annéeconsidérée. Ils explicitent les objectifs du module et cequi est attendu des étudiants en terme de connais-sances à mobiliser et de capacités à développer Ils pré-cisent alors les modalités de l’évaluation, les tempsforts à repérer dans l’enseignement du module.

Lorsque tous les enseignements ont été dispensés, cesmêmes formateurs conduisent avec les étudiants lasynthèse du module. Cette étape interactive consiste àexploiter des études de cas concrets faites en TD (49), àfaire le point sur l’essentiel des enseignements dispen-sés, à récapituler sous forme de tableau synoptiquenotamment les notions fondamentales à mobiliser.

Le suivi pédagogique

Cette instance est un moyen privilégié pour complé-ter l’instrumentation didactique sur un plan indivi-duel. C’est là que le formateur va aider l’étudiant à« apprendre à apprendre », à améliorer ses méthodes detravail. Le formateur va poser un diagnostic pédago-gique qui amènera l’étudiant à se distancer par rapportaux contenus enseignés. Cet «outil » reste privilégiépour mettre en pratique une pédagogie de métacogni-tion. En effet, aider l’étudiant à comprendre comment ilappend et ce qu’il va faire de ce qu’il apprend, repré-

(49) Ces études portent sur le niveau de maîtrise stipulé dans lesobjectifs pédagogiques du module.

3Recherche en soins infirmiers N” 54 Septembre 1998

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sente à mon sens la phrase primordiale du niveau d’ap-propriation, pierre angulaire du concept de progressi-vité.

CONCLUSION

Si I’efficience des concepts de progressivité et de trans-versalité n’a pas encore été mesuré et validée par uneprocédure de recherche, leur mise en pratique s’avèreêtre porteuse de réel changement dans la formation etinitiatrice d’une réelle dynamique didactique, incitantles formateurs à :

- prendre en compte l’adéquation entre la démarched’apprentissage, l’action pédagogique et la demande(formulée ou non) des personnes en matière de santé;

- réfléchir sur le sens à donner à la formation des étu-diants infirmiers;

- s’interroger sur le sens des contenus à enseigner, surleur transférabilité en vue d’une utilisation profession-nelle;

- penser les enseignements théoriques en fonction dece sens, et en les inscrivant dans une temporalité;

- prendre en compte l’importance du poids de I’éva-luation sur la stratégie d’apprentissage;

- étalonner le système d’évaluation (dans le respect desexigences réglementaires) avec la stratégie didactiquemise en œuvre, à la recherche d’une cohérence maxi-male.

Ces deux concepts ainsi définis et analysés peuventapparaître comme organisateurs d’une didactique de laformation en soins infirmiers dans la mesure où ilsimpulsent la construction d’un projet pédagogiqueréfléchi :

- dans lequel sont clarifiés les enjeux de la formation,la cohérence des objectifs de formation et les valeursphilosophiques qui les sous-tendent;

- formalisant les intentions pédagogiques;

- intégrant les méthodes et connaissances procéduralesaux contenus d’enseignements ;

- spécifiant les pratiques pédagogiques et évaluatives àmettre en œuvre dans le souci d’une haute cohérenceentre l’intention et l’action d’une part, et entre finalitéet moyens d’autre part.

je crois très fort que ces deux concepts pourront être à

terme un vecteur important pour amener le système deformation vers une formation système où « l’apprendreà réfléchir » et le professionalisme prévaudront.

C’est la transformation de l’état d’étudiant vers celuide professionnel qui est une finalité, et non la trans-mission de savoirs théoriques contenus dans un pro-gramme destiné à former des professionnels.

II s’agit ainsi de finaliser et de contextualiser les ensei-gnements théoriques vers une pratique professionnelle,la pratique permet alors d’indexer la théorie.

Ainsi, cette rectification de finalité peut-elle appa-raître comme un moyen de faire se rencontrer lesdeux logiques «antagonistes » (académique et profes-sionnelle), mues par une multiplicité de forces eninteraction qui convergent au lieu de s’affronter. Ceciamène alors à sortir du débat opposant théorie et pra-tique, en le restituant sur la question ~Comment faireconverger ces deux logiques 1 »

Reste à présent une étape qui n’est pas des moindres :faire vivre la démarche didactique au travers des prin-cipes de transversalité et de progressivité, sans nejamais perdre de vue que :

« Un professionnel de santé n’est pas seulement unepersonne qui dispose d’une base de connaissancesspécialisées, mais une personne qui résout des pro-blèmes uniques, flous et complexes, fréquemmentcaractérisés par des conflits de valeur et questionséthiques. » (50)

Cette approche spéculative et les pistes méthodolo-giques proposées s’enracinent dans des courants depensée et des théories des sciences de l’éducation.Celles-ci permettent un éclairage et offrent des clés decompréhension de multiples situations pédagogiques etdes problématiques qui peuvent en découler.

Pour autant, elles ne sont pas figées mais au contraireévolutives, et ne se veulent en aucun cas réductrices.La formalisation et l’explication de concepts tels que laprogressivité et la transversalité, la recherche de leurtransférabilité d’un champ disciplinaire (sciences del’éducation) vers un autre (science infirmière via la for-mation en soins infirmiers) ne vise pas à réduire le pro-jet pédagogique à ces deux seuls concepts.

Une telle démarche cherche à baliser les voies mul-tiples conduisant l’étudiant infirmier vers la formationde l’esprit et une professionnalisation. Un vaste champreste à explorer, à la recherche d’autres concepts etd’autres méthodes fondateurs du professionnalismeinfirmier.

(50) TARDIF (Jacques) Op. Cif.

Recherche en soins infirmiers No 54 Septembre 1998

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DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LAFORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :

VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

BIBLIOGRAPHIE

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REBOUL (Olivier) - Qu’est-ce qu’apprendre? Pourune philosophie de l’enseignement. 5ème édition1993 - Paris, PUF (Coll. L’éducateur) - 206 pages.

SAINT ETIENNE (Mireille) - « Le transfert, moteur dela pédagogie ? ». Soins Formation Pédagogie Encadre-ment. - No20 - 4ème trimestre 196 - pp 13-l 6.

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VIOLLET (Patrick) - « Flexibilité- Interactivité et inter-vention magistrale » Soins Formation Pédagogie Enca-drement. - N”I 9 - 3ème trimestre 1996 - pp 25-32.

VIOLLET (Patrick) - A propos «De l’acte pédago-gique du changement social » Soins Formation Péda-gogie Encadrement. - No20 - 4ème trimestre 1996- pp 62-63

q Ressources non publiées

DEVELAY (Michel) - Didactique et apprentissagescolaires. Cours de maîtrise - Sciences de I’éduca-tion. Université Lumière Lyon 2 - Année universi-taire 1996/1997

LE MOIGNE (Jean-Louis) - Concevoir, dans et parl’organisation, l’action dans sa complexité. Journéesnationales de formation ARSI «des soins infirmiersaux concepts », 23 Janvier 1997-

TARDIF (Jacques) - La formation des professionnelsde santé : quelques composantes nécessaires. Journéed’études régionale du CEFIEC, 10 mars 1997.

Projet institutionnel de formation - IFSI du CentreHospitalier de Roanne - Année scolaire 1996/1997.

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ANNEXES

L TRANSVERSALITÉ DU MODULE

I u Soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections endocriniennes D

w 1. Sciences humaines

Enseignement déjà dispensé- la communication- La relation- La relation d’aide- La relation soignant-soigné- Le schéma corporel et image du corps- Les mécanismes de défense et d’adaptation- Approche psychosomatique-Approche globale de l’homme-Attitude culturelle face à la maladie-Conduites et comportements

1 2. Anatomie - Physiologie - Pharmacologie

Enseignement déjà dispensé :

- Histologie- Système nerveux-Appareil cardio-vasculaire- Appareil digestif- Imagerie - Doppler- Corticoi’des- Anesthésisques- Hygiène alimentaire

Enseignement à dispenser lors de la séquence :

- Glandes endocrines- Métabolisme phosphocalcique- Généralités sur l’hormonothérapie

1 q 3. législation-éthique et déontologie - Responsabilité - Organisation du travail

Enseignement déjà dispensé :

- Différentes cultures et religions- Secret professionnel

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DU CONCEPT A LA PRATIQUE... APPROCHE DIDACTIQUE DE LAFORMATION EN INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS :

VERS UNE FORMATION DE L’ESPRIT

- Droits de l’homme- Droits des malades- Rôle et champ de compétence des infirmiers- Textes régissant la profession- Responsabilité civile, pénale et administrative

Enseignement à dispenser lors de la séquence :

- Loi relative aux expérimentations biomédicales (Huriet)

n 4. Santé Publique

Enseignement déjà dispensé :

- Promotion de la santé et éducation pour la santé- Épidémiologie- Différents niveaux de prévention- Politique de santé, action sanitaire et sociale- Régimes de protection sociale

n 5. Soins infirmiers

Enseignement déjà dispensé :

- Concepts et théories de soins infirmiers- Raisonnement et démarche diagnostique- Démarche relationnelle- Démarche éducative

n 6. Hygiène

Enseignement déjà dispensé :

- Infections, moyens de défense- Mesure générales de prévention- Soins infirmiers et hygiène- Infections nosocomiales

Recherche en soins infirmiers No 54 Septembre 1998