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Conférence d'Examen de Durban Groupe de Travail Interdépartemental, intersessions, Comité Préparatoire Rapport de la session plénière du mardi 7 avril 2009 par Mellouki Cadat A mi-parcours : 13 paragraphes adoptés sur... 141 Les délégués continuent ce matin, de façon officieuse, leur examen du texte évolutif. La session commence en fait vers midi avec près d'une heure de retard. Être en retard semble une constante des réunions de l'ONU. Du moins à en juger par celle-ci. C'est peut-être voir les choses par le petit bout de la lorgnette, je vous le concède, mais c'est bien ennuyeux pour ceux et celles qui sont à l'heure. Les paragraphes à l'examen réaffirment les termes de la Déclaration et du Programme d'action de Durban et constatent qu'il reste encore beaucoup (lire 'tout') à faire dans la lutte contre le racisme. Qu'en dire ? Rien ne tranche. Boychenko a bien fait son travail préparatoire. Je note tout de même le paragraphe 11 qui tente une balance explicite entre le droit de ne pas être discriminé et le droit à l'expression. Il en ressort que le texte soumis à adoption stipule que certaines 'interdictions sont compatibles avec la liberté d'opinion en d'expression'. Tout 'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence' doit être interdit par la loi. C'est sans doute la disposition la plus notable d'un texte pour le reste peu propice aux affrontements. La façon dont s'effectue l'examen des paragraphes du texte évolutif est, elle, bien exemplaire de la tactique adoptée jusqu'ici par ces fameux délégués qui monopolisent le temps de parole, c'est-à-dire surtout ceux de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et de l'Union Africaine (UA) (Syrie, Iran, Soudan, Algérie, Pakistan) allié à la Chine et à la Corée. A aucun moment, ils ne se permettent de franchir le Rubicon : rien d'explicite sur la soumission de la liberté individuelle à la protection de la religion, rien sur la singularisation d'Israël comme État aux pratiques discriminatoires, pas de rhétorique antisémite. Ce qu'ils mènent, c'est bien plutôt une lutte en bémol, pointilleuse, contre un texte évolutif qui a écrémé tous les paragraphes intolérables : ces paragraphes qui ont déterminé un certain nombre d'États démocratiques à boycotter la Conférence d'examen. Pour faire rapide : ils font obstruction. Ne comptez pas sur eux pour une adoption rapide de paragraphes sans problèmes. Sous l'œil un peu las des ONG présentes, les articles sont discutés de long en large. L'Iran désire par exemple remplacer au paragraphe 2 le verbe 'saluer' par l'expression 'prendre note de'. Au paragraphe 3, Cuba et l'Afrique du Sud veulent remplacer 'obstacles' par 'défis'. L'Iran revient un peu plus tard à la charge en proposant une formulation complètement différente du paragraphe 6 sur l'exclusion sociale. Il ne retire son amendement qu'après que le Président-rapporteur ait signalé que la formulation du paragraphe suit celle de la Déclaration de Durban et du Programme d'Action (DDPA) et qu'il a été convenu de ne pas réécrire ce texte. Dans l'intervalle on a perdu sans résultat un temps précieux. Le Président de séance finit par sortir un peu de ses gonds pour rappeler sans ambages qu'il avait été contenu par les délégués de travailler de façon constructive à l'avancée du texte. Boychenko : « On n'est pas en train de s'amuser on a deux jours qui nous reste. Si nous voulons faire un rapport, faire beaucoup d'amendements, bon mais ce n'est pas un travail qui donne des résultats ».

Durban 2: rapport de séance du 7 avril 2009

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Conférence d'Examen de Durban

Groupe de Travail Interdépartemental, intersessions, Comité Préparatoire

Rapport de la session plénière du mardi 7 avril 2009 par Mellouki Cadat

A mi-parcours : 13 paragraphes adoptés sur... 141

Les délégués continuent ce matin, de façon officieuse, leur examen du texte évolutif. La session commence en fait vers midi avec près d'une heure de retard. Être en retard semble une constante des réunions de l'ONU. Du moins à en juger par celle-ci. C'est peut-être voir les choses par le petit bout de la lorgnette, je vous le concède, mais c'est bien ennuyeux pour ceux et celles qui sont à l'heure.

Les paragraphes à l'examen réaffirment les termes de la Déclaration et du Programme d'action de Durban et constatent qu'il reste encore beaucoup (lire 'tout') à faire dans la lutte contre le racisme. Qu'en dire ? Rien ne tranche. Boychenko a bien fait son travail préparatoire. Je note tout de même le paragraphe 11 qui tente une balance explicite entre le droit de ne pas être discriminé et le droit à l'expression. Il en ressort que le texte soumis à adoption stipule que certaines 'interdictions sont compatibles avec la liberté d'opinion en d'expression'. Tout 'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence' doit être interdit par la loi. C'est sans doute la disposition la plus notable d'un texte pour le reste peu propice aux affrontements.

La façon dont s'effectue l'examen des paragraphes du texte évolutif est, elle, bien exemplaire de la tactique adoptée jusqu'ici par ces fameux délégués qui monopolisent le temps de parole, c'est-à-dire surtout ceux de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et de l'Union Africaine (UA) (Syrie, Iran, Soudan, Algérie, Pakistan) allié à la Chine et à la Corée. A aucun moment, ils ne se permettent de franchir le Rubicon : rien d'explicite sur la soumission de la liberté individuelle à la protection de la religion, rien sur la singularisation d'Israël comme État aux pratiques discriminatoires, pas de rhétorique antisémite. Ce qu'ils mènent, c'est bien plutôt une lutte en bémol, pointilleuse, contre un texte évolutif qui a écrémé tous les paragraphes intolérables : ces paragraphes qui ont déterminé un certain nombre d'États démocratiques à boycotter la Conférence d'examen. Pour faire rapide : ils font obstruction. Ne comptez pas sur eux pour une adoption rapide de paragraphes sans problèmes.

Sous l'œil un peu las des ONG présentes, les articles sont discutés de long en large. L'Iran désire par exemple remplacer au paragraphe 2 le verbe 'saluer' par l'expression 'prendre note de'. Au paragraphe 3, Cuba et l'Afrique du Sud veulent remplacer 'obstacles' par 'défis'. L'Iran revient un peu plus tard à la charge en proposant une formulation complètement différente du paragraphe 6 sur l'exclusion sociale. Il ne retire son amendement qu'après que le Président-rapporteur ait signalé que la formulation du paragraphe suit celle de la Déclaration de Durban et du Programme d'Action (DDPA) et qu'il a été convenu de ne pas réécrire ce texte. Dans l'intervalle on a perdu sans résultat un temps précieux.

Le Président de séance finit par sortir un peu de ses gonds pour rappeler sans ambages qu'il avait été contenu par les délégués de travailler de façon constructive à l'avancée du texte. Boychenko :

« On n'est pas en train de s'amuser on a deux jours qui nous reste. Si nous voulons faire un rapport, faire beaucoup d'amendements, bon mais ce n'est pas un travail qui donne des résultats ».

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Réaction immédiate du délégué de l'Iran qui déclare vouloir examiner tous les paragraphes l'un après l'autre. Il veut aussi traiter la réintroduction d'un certain nombre de paragraphes qui ont été supprimés dans la synthèse du texte évolutif. Le délégué iranien :

« Je suis gêné. On parle de réduire les amendements: Hier on disait que le texte était approprié pour une discussion. On n'a pas dit que c'était équilibré. Aujourd'hui on dit qu'il est équilibré mais ce n'est pas le cas. Certains paragraphes ne sont pas équilibrés, nécessitent le débat. C'est ce que veut mon pays. Il ne faut pas dire aujourd'hui que ce texte est quasi-final. Nous présenterons plus tard d'autres amendements ».

La Nouvelle-Zélande se lance à la rescousse du Président-Rapporteur :

« La façon dont nous travaillons ne vas pas aider à avancer. C'est pourquoi nous ne soutenons pas la proposition de travailler paragraphe par paragraphe. Il faut se concentrer sur les paragraphes les plus importants pour ne pas nuire au délicat équilibre qui existe dans le texte actuel. C'est un appel à respecter la façon de travailler dont nous sommes convenus ».

Du coup, Cuba réagit :

« Selon mes notes, votre façon de faire les choses ne correspond pas à la réalité. La retenue que vous voulez c'est aussi la suppression de texte. Je vous demande encore une fois de reprendre l'intégralité du texte ».

Boychenko :

« Je n'ai pas dit que le texte était parfait. Je vous ai demandé de le prendre dans sa globalité. Faites des propositions en tenant compte de l'équilibre global ».

Cette petite guerre de harcèlement autour des paragraphes à l'examen, même ceux qui ont déjà été voté ad referendum au cours de réunions antérieures, se poursuit tout l'après-midi. Au final l'assemblée va adopter vers 17 heures 45, en réunion officielle, 13 paragraphes : trois paragraphes sur l'évaluation des mécanismes de suivi et dix paragraphes sur les mesures devant être prises par le Haut-Commissariat*. C'est bien peu, pas même 10 pour-cent des 141 paragraphes qui doivent être adoptés, amendés ou rejetés dans les deux jours qui restent.

Tout se passe comme si les délégués de la Conférence Islamique (L'Iran et la Syrie) et du Groupe Africain (l'Afrique du Sud), se retrouvaient face à un Catch-22 : dépités par la réécriture du document de base de la Conférence d'examen prochain, ils contestent le texte évolutif proposé par Youri Boychenko mais reconnaissent de facto que ce texte constitue la seule alternative possible à un échec international complet et notoire. Pour l'Afrique du Sud, notamment, dont le nom est lié à la débâcle antisémite de 2001, il est de la plus grande importance de sauver la face, de restaurer une crédibilité maigrichonne. L'enjeu de la Conférence d'examen, c'est, pour ces pays, d'emporter la participation d'acteurs internationaux d'importance tels que l'Union Européenne. Une Union hésitante qui n'hésitera pas à quitter la Conférence si la version définitive du texte que l'on connaitra cette semaine ne lui convient pas. C'est pourquoi, pris dans un Catch-22, l'OCI et l'UA entérinent tout en jouant jouent la carte de la rétivité. Tout se passe comme s'ils voulaient marquer le texte évolutif au sceau de leurs idées. Cela va de l'incitation à la haine raciale à la création d'un observatoire en passant par la liberté d'expression et les préjudices passés. Il est remarquable que personne – jusqu'ici – n'ai franchi la ligne rouge conduisant aux errances de Durban. L'appel de Madame Pillay, le Haut Commissaire aux droits de l'homme sera-t'il entendu. Cette semaine de travail fournira-t'elle un texte équilibré ne singularisant aucun État et traitant de la discrimination à l'égard de la religion dans le respect des cadres légaux internationaux ? Les jours à venir nous diront si l'on s'achemine avec la

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version définitive du projet vers une 'célébration de la tolérance' ou vers la faillite de la Conférence d'examen de Durban des 20 au 24 avril prochain.

* SECTION II (27 28 31); SECTION V (127 128 129 130 133 135 137 138 139 140)