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1 ECHANGES THERMIQUES Jacqueline Agabra Cet article s'inscrit dans le cadre d'une recherche plus large sur l'enseignement de l'énergie, à l'école élémentaire, dans les collèges et dans les lycées. On y trouvera une tentative d'utilisation de l'analyse historique et epistemologique du concept de chaleur pour mieux comprendre les représentations des enfants, mais aussi, en s'ap- puyant sur les travaux des enseignants du groupe de recherche réalisés en classe, des propositions d'objectifs et d'activités tenant compte des difficultés rencontrées au cours de la construction du concept. PREMIERE PARTIE : ANALYSE DE LA MATIERE i. A TRAVERS L'HISTOIRE DES SCIENCES : OU COM- MENT EST-ON PASSE DE LA CHALEUR SENSIBLE A LA CHALEUR CONSIDEREE COMME UN MODE DE TRANS- FERT DE L'ENERGIE Nous n'avons pas comme projet de présenter ici une his- toire exhaustive de la chaleur mais de pointer les diffi- cultés historiques de la construction du concept en espé- rant que cela nous aidera à mieux comprendre le double statut de la chaleur, calorimétrique et énergétique. L'histoire de la chaleur ne se réduit pas à celle de la lut- te entre les théories substancialistes et les théories mécanistes. Il apparaît que sans la construction préalable de la différenciation entre température et quantité de chaleur, la théorie mécaniste était inopérante pour établir l'équivalence chaleur et travail, compte-tenu de l'impossi- bilité de décrire quantitativement des interactions à l'é- chelle microscopique avec les théories et le support expé- rimental de l'époque où le premier principe de la thermo- dynamique a été énoncé (Joule 1843-1850), même si cette théorie était nécessaire pour la fonder. Ce qui suit n'est pas une histoire de la construction du concept de chaleur et des concepts liés ; nous voulons seulement montrer quels sont les points de rupture et le rôle spécifique des deux théories. Nous nous appuyons es- sentiellement sur deux ouvrages : Gaston Bachelard, Etude de l'évolution d'un problème de physique : la propagation thermique dans les solides. Paris. Vrin. 1973, et Francis

ECHANGES THERMIQUESife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/aster/...2 Halbwachs, Histoire de la chaleur. Paris. CU1DE n i7.Sept. 1980. i.i. De l'intuition thermique à la

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ECHANGES THERMIQUES

Jacqueline Agabra

Cet article s'inscrit dans le cadre d'une recherche plus large sur l'enseignement de l'énergie, à l'école élémentaire, dans les collèges et dans les lycées. On y trouvera une tentative d'utilisation de l'analyse historique et epistemologique du concept de chaleur pour mieux comprendre les représentations des enfants, mais aussi, en s'ap-puyant sur les travaux des enseignants du groupe de recherche réalisés en classe, des propositions d'objectifs et d'activités tenant compte des difficultés rencontrées au cours de la construction du concept.

PREMIERE PARTIE : ANALYSE DE LA MATIERE

i. A TRAVERS L'HISTOIRE DES SCIENCES : OU COM­MENT EST-ON PASSE DE LA CHALEUR SENSIBLE A LA CHALEUR CONSIDEREE COMME UN MODE DE TRANS­FERT DE L'ENERGIE

Nous n'avons pas comme projet de présenter ici une his­toire exhaustive de la chaleur mais de pointer les diffi­cultés historiques de la construction du concept en espé­rant que cela nous aidera à mieux comprendre le double statut de la chaleur, calorimétrique et énergétique. L'histoire de la chaleur ne se réduit pas à celle de la lut­te entre les théories substancialistes et les théories mécanistes. Il apparaît que sans la construction préalable de la différenciation entre température et quantité de chaleur, la théorie mécaniste était inopérante pour établir l'équivalence chaleur et travail, compte-tenu de l'impossi­bilité de décrire quantitativement des interactions à l'é­chelle microscopique avec les théories et le support expé­rimental de l'époque où le premier principe de la thermo­dynamique a été énoncé (Joule 1843-1850), même si cette théorie était nécessaire pour la fonder. Ce qui suit n'est pas une histoire de la construction du concept de chaleur et des concepts liés ; nous voulons seulement montrer quels sont les points de rupture et le rôle spécifique des deux théories. Nous nous appuyons es­sentiellement sur deux ouvrages : Gaston Bachelard, Etude de l'évolution d'un problème de physique : la propagation thermique dans les solides. Paris. Vrin. 1973, et Francis

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Halbwachs, Histoire de la chaleur. Paris. CU1DE n°i7.Sept. 1980.

i . i . De l'intuition thermique à la calorimetrie, de l'Anti­quité au XVIIIème siècle

. Des systèmes d'explications d'abord qualitatifs : les théories substancialistes et mécanistes de la chaleur

Chez la plupart des penseurs de l'Antiquité, il y a indis­tinction entre les concepts de chaleur et de température. Chez Aristote, la matière a quatre qualités fondamentales et opposées : chaud, froid, humide et sec. // en déduit quatre couples possibles de qualités, en excluant les cou­ples d'opposés, qui constituent les quatre éléments : - le feu correspond au couple chaud-sec - l'eau au froid-humide - la terre au froid-sec - l'air a l'humide-chaud. Mais "absolument parlant, ils sont chacun une qualité pro­pre : pour la terre c'est le sec, pour l'eau c'est le froid, pour le feu c'est le chaud et pour l'air l'humide"(l). Tou­tes les substances sont considérées comme des mélanqes en proportions variables de ces quatre éléments et donc particulièrement de chaud et de froid.

indistinction première Mais on trouve aussi l'indistinction entre les qualités de la des concepts : chaleur matière et la matière elle-même, le chaud et le froid température, matière considérés comme deux qualités opposées de la matière et

non comme des degrés de "chaleur", et même substancia-lisées. Chez Lucrèce, on parle de deux substances distinctes, le chaud qui s'écoule du soleil, et le froid qui s'écoule des rivières. Cette "substancialisation" du chaud et du froid, au point de leur attribuer une pesanteur ("c'est par son élan au moment où elle est engendrée que la flamme peut s'élever") persistera jusqu'au XVlIIe siècle, ainsi que l'idée de mélange de ces deux substances.

Pourtant Platon antérieurement se représentait la chaleur, sous la forme de feu, comme une entité distincte de la température : "le feu qui par lui-même n'est ni brûlant, ni éclairant, pénètre dans un corps, met en mouvement les particules et les détache les unes des autres. Si le feu

(1) ARISTOTE. Physique et métaphysique. Paris. PUF.1966.

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est éloigné, le corps se refroidit et l'air qui vient rempla­cer le feu comprime à nouveau les particules. L'échauf-fement s'accompagne de dilatation".

Parallèlement et conjointement se développeront des théo­ries mécanistes de la chaleur. Elles vont coexister longtemps, jusqu'à la théorie cinétique de Boltzman (autour de 1870) et de ses successeurs. L'histoire de la chaleur apparaît à certains comme un combat d'où la théorie substancialiste, erronée, est fina­lement et heureusement sortie vaincue. Halbwachs (2) in­siste sur le fait que "cette vision est elle-même simpliste et erronée" car en effet "ces théories ne sont pas sur le même plan, elles ne parlent pas de la même chose".

la théorie substancia- - La théorie substancialiste met en jeu immédiatement liste : des outils pour une substance correspondant à une quantité, conservative construire des concepts et additive, et porte en elle le concept de quantité de

chaleur dans les échanges thermiques. Elle permet de construire un concept opératoire, d'établir des relations. Elle a été historiquement -et elle est sans doute pédagogiquement- la mieux adaptée pour construire la dif­férenciation entre chaleur et température sans qu'on n'ait rien besoin de savoir sur "la vraie nature de la chaleur".

La théorie substancialiste, qu'on retrouve au XVIle siècle (Gilbert, Galilée, Gassendi, Boyle) reçoit un contenu opé­ratoire avec la théorie du phlogistique (Becher et Stahl 1700-1720) appliquée aux réactions chimiques. C'est aussi vers 1720 que se développe la théorie du calorique (Wolf). Au début du XVIlIe siècle, cette théorie identifiant la chaleur à un fluide fournit un cadre conceptuel permet­tant d'interpréter l'ensemble des faits expérimentaux con­nus à cet te époque. Et même réchauffement d'un morceau de métal par martelage! : "le martelage fait gicler le ca­lorique hors des pores du métal, comme giclerait l'eau d'une éponge que l'on soumettrait au même traitement. Lorsqu'on alèse l'âme d'un canon avec un outil, les co­peaux arrachés par l'outil sont brûlants : c'est que les copeaux, tous menus, ne peuvent retenir le calorique qu'ils contiennent et celui-ci s'échappe en produisant une éléva­tion de température". Malgré le développement au XVIIIe siècle de thermomè­tres suffisamment précis, on continue à croire que le thermomètre détermine tout ce qu'on peut et tout ce

(2) Francis HALBWACHS, Histoire de la chaleur, Paris, CUIDE n°i7, Septembre 1980.

qu'on a besoin de savoir sur la chaleur. Autrement dit, la chaleur n'est pas en relation avec le corps où elle se dé­veloppe et un seul paramètre suffit à la caractériser. On n'a encore qu'un mot : "calor", pour désigner tous les ca­ractères d'un phénomène complexe, et qu'un instrument.

- Les théories mécanistes ou cinétiques recherchent une interprétation du chaud et du froid en tant qu'états ther­miques de la matière, ces états thermiques étant identi­fiés à des états mécaniques de mouvements ou de vibra­tions à l'échelle microscopique. Elles apparaissent d'abord comme une théorie de la température. C'est dans le trai­té de Lavoisier-Laplace qu'elles apparaissent sous un point de vue énergétique et que chaleur désigne la quantité de chaleur.

La théorie mécaniste s'est beaucoup développée, particu­lièrement à partir de la Renaissance. Au XVUème siècle, Bacon attribue le "chaud" aux mouvements internes de la matière. On retrouve cette conception chez Kepler, Fran­cis Bacon de Verulam, Descartes (1644), Bayle, Huygens (1690). Descartes la formule ainsi : "c'est une agitation des petites parties des corps terrestres qu'on nomme en eux chaleur (soit qu'elle soit excitée par la lumière du so­leil ou par quelque autre cause) principalement lorsqu'elle est plus grande que de coutume et qu'elle peut mouvoir assez fort les nerfs de notre main pour être sentie : car cette dénomination de chaleur se rapporte à / 'attouchement". Halbwachs voit là une théorie de la température plutôt qu'une théorie de la chaleur. Cela ne nous paraît pas aus­si net. Pour notre part, c'est une théorie de la "chaleur sensible" qui dépend bien sûr de la température, mais de bien d'autres grandeurs physiques. "La température n'est qu'une des variables d'un complexe" (Bachelard). La sensa­tion ne peut fournir même un simple repérage des températures, lorsqu'on a affaire à des corps de substan­ces et de masses différentes. La théorie de Descartes correspond au concept indifférencié chaleur-température. Les théories mécanistes, bien que très persistantes et constituant une doctrine dominante dans ies milieux scien­tifiques du XVIIle siècle, resteront impuissantes à sortir du domaine qualitatif.

. Un atout décisif pour la théorie substancialiste : le passage au quantitatif

différenciation C'est le passage au quantitatif qui permet la construction chaleur - température : des concepts. On finit par se rendre compte que la r a p i ­

dité de refroidissement de boulets, par exemple, ne dé­pend pas seulement de leur température et de leur surfa­ce extérieure, comme l'affirmait Newton, mais aussi de

Les théories mécanis­tes : des outils pour interpréter

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leur substance. De même on finit par se rendre compte que la quantité de corps échauffé doit intervenir sans qu'on puisse affirmer s'il s'agit de son volume ou de sa

quantité de chaleur masse. C'est à partir de la simple composition des idées de température et de masse que le concept de chaleur se distingue du concept de température. En 1747, Ri tchmann introdui t , avec le produit masse x température, la mesure de la "réserve calorique" que contient un corps, qui satisfait au principe d'additivité et qui s'appuie sur le principe d'indestructibilité de la chaleur. Pourtant le phénomène complet de l'échange thermique

chaleur spécifique n'est pas encore clairement compris. Il reste à préciser le rôle spécifique de la substance. Lambert dégage claire­ment que "deux corps de même masse mais de nature dif­férente réagissent différemment à la même quantité de chaleur". Puis Black (1760) met en place le concept de chaleur spécifique : "le mercure a moins de capacité pour la matière calorifique que l'eau ; il réclame une moins grande quantité de chaleur pour élever la température d'un même nombre de degré". Les changements d'état présentent à l'égard du concept de chaleur des difficultés considérables. Comment concevoir que la température cesse d'augmenter à l'instant même où les effets de la chaleur sont les plus spectaculaire ?

chaleur latente C'est encore Black qui introduisit la notion de chaleur latente, ceci en contestant les idées qu'avaient à ce t te époque tous les physiciens.

"La fusion était universellement considérée comme produi­te par l'apport d'une toute petite quantité de chaleur à un corps solide, après que celui-ci ait été chauffé jusqu'à son point de fusion et le retour à l'état liquide était considé­ré comme produit par une très petite diminution de la quantité de chaleur, après que le corps ait été refroidi jusqu'au même degré. On croyait que cette petite addition de chaleur au cours de la fusion était nécessaire pour produire la petite élévation de température indiquée par un thermomètre placé dans le liquide résultant...". Black trouva "bientôt des raisons pour rejeter cette opinion en contradiction avec beaucoup de faits observables, lorsqu'on les considère attentivement" et l'opinion qu'il se forma à partir de l'observation attentive des faits et des phénomè­nes est la suivante : "quand la glace ou une autre sub­stance est fondue, je pense qu'elle reçoit une beaucoup plus grande quantité de chaleur qu'on ne peut le percevoir immédiatement après par le moyen du thermomètre. Une grande quantité de chaleur pénètre la substance dans cette occasion sans la rendre apparemment plus chaude d'après ce qu'on peut observer avec cet instrument. Cette chaleur doit être apportée à la substance pour la porter à

l'état liquide et j'affirme que ce t te addition de chaleur est la cause principale et immédiate de la liquéfaction produite". Un des arguments frappants de Black est l'allu­re très lente et progressive du dégel : "s'il suffisait d'une très petite addition de chaleur apportée par l'air au prin­temps pour réduire en eau les immenses quantités de nei­ge et de glace formées au cours de l'hiver, alors cette fusion s'opérerait en quelques minutes et il se produirait chaque fois des inondations catastrophiques". 11 est remar­quable que cette conséquence simple n'ait pas été aperçue immédiatement par tous les savants de l'époque. Pour préciser les concepts, Black mesure la quantité de chaleur absorbée par la fusion de la glace, par la métho­de des mélanges, ou inversement la quantité de chaleur dégagée par la solidification en étudiant le phénomène de surfusion. L'égalité de ces deux quantités achève de fon­der tout le système opératoire : la grande quantité de chaleur absorbée au cours de la fusion n'est pas détruite, mais elle reste cachée, latente et peut être complètement récupérée à partir du liquide en le congelant.

Le principe de conservation de la chaleur est ainsi étendu en l'appliquant à la chaleur "latente" comme à la chaleur "sensible" avec élévation de température.

Black prend parti pour la théorie du calorique : "Lorsque conservation de la nous observons que ce que nous appelons chaleur disparaît chaleur a u cours de la liquéfaction de la glace, et réapparaît

dans la congélation de l'eau, et un grand nombre de phé­nomènes analogues, nous pouvons difficilement éviter de penser à une substance qui peut s'unir avec les particules de l'eau de la même manière que, disons, les particules du Sel de Glauber s'unissent."

. Intérêts et limites des théories substancialistes

les théories substan- H faut noter que toutes les expériences de Black et tou-cialistes triomphent tes les mesures calorimétriques s'accordent très bien avec avec la calorimetrie la théorie substancialiste.

Cependant plusieurs points posent problème à ce t t e époque. Si on peut penser naturellement la chaleur comme un fluide et qu'on dispose ainsi d'un cadre puissant pour construire les concepts de la calorimetrie, malheureuse­ment elle n'en a pas toutes les propriétés, particulière­ment celles liées à l'inertie : échec des tentatives pour mettre en évidence le poids du calorique, absence de phé­nomènes d'oscillations avant d'atteindre un état d'équilibre comme c'est le cas pour un gaz ou pour le "fluide é lec t r ique" qui avait é té étudié quelques années auparavant. Toutefois la puissance opératoire de la théorie substancialiste est telle que dans leur "Mémoire sur la

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mais les théories chaleur", en 1784, Lavoisier et Laplace exposent les deux mécanistes modèles et refusent de choisir : "Peut-être sont-elles préparent l'Energé- toutes les deux exactes". Pourtant leur exposé de la théo­tique rie mécanique marque un progrès essentiel en ce qui con­

cerne l'aspect énergétique de la chaleur.

"Les autres physiciens considèrent seulement la chaleur comme le résultat de vibrations imperceptibles des molé­cules de la matière, les espaces vides entre les molécules leur permettant de vibrer dans tous les sens. Ce mouve­ment invisible est la chaleur. Sur la base du principe de conservation de la force vive, on peut exprimer ainsi cet­te définition : la chaleur est la force vive de ces vibrations, c'est-à-dire la somme des produits de la masse de chaque molécule par le carré de la vitesse".

1.2.De la calorimetrie à l'énergétique

Il est certain qu'une des sources de la conception méca-niste de la chaleur est dans l'existence de l'obtention de la chaleur par des chocs et des mouvements.

Francis Bacon de Verulan (1620) explique : "Dans tous ces exemples, de la chaleur est produite ou apparaît tout à coup dans ces corps, qui ne l'ont pas reçue de façon ordi­naire par communication avec d'autres corps. Mais la seu­le cause de sa production est une force ou un choc mé­canique ou une violence mécanique... Le plus ordinaire et même peut-être le seul effet d'une force ou d'un choc mécanique sur un corps est la production de quelque sorte de mouvement affectant le corps".

Nous avons vu, cependant, qu'on peut expliquer qualitati­vement ces phénomènes avec la théorie substancialiste. De même, Sadi Carnot dans ses "réflexions sur la puis­sance motrice du feu"(i824) s'appuie au départ sur cette théorie. Mais il faut bien remarquer que si on obtient bien du travail à partir de chaleur et réciproquement, ces faits ne suffisent pas à faire de la chaleur une grandeur énergétique. Dans le cadre de la théorie substancialiste, la chaleur n'est aucunement une équivalence du travail. Si on adopte le point de vue substancialiste, la chaleur est un fluide, le travail une grandeur abstraite, produit d'une force par un déplacement. Ces deux grandeurs n'ont en commun qu'un rapport de causalité réciproque. Encore une fois, l'approche qualitative donne trop vite raison aux théories. Et c'est en dehors du cadre de ces théories sur la nature de la chaleur que s'élabore le principe d'équiva­lence chaleur-travail. Si la théorie du calorique rend bien

chaleur-travail : d'abord un rapport de causalité réciproque

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premier échec du calorique : production d'une quantité illimi­tée de chaleur à partir de travail

compte de la conservation de la chaleur dans les échanges purement thermiques, et si dans ce contexte expérimental limité la chaleur apparaît comme une fonction d'état, ce n'est pas toujours le cas. Rumford (1798), par des expériences précises, montre qu'on peut changer l'état d'un système en lui "enlevant de la chaleur" et le ramener ensuite dans son état initial en lui ajoutant, non pas de la chaleur mais du travail, de plusieurs façons : en frottant deux parties du système ensemble ou par le passage d'un courant électrique dans une résistance. Il montre qu'il est possible d'enlever une quantité illimitée de chaleur d'un système à condition seu­lement qu'on lui fournisse du travail en rapport avec la chaleur retirée. Mais ses contemporains restent encore très attachés à la théorie substancialiste.

équivalence énergétique chaleur-travail

Cest seulement en 1843 que Joule établit définitivement l'équivalence chaleur-travail. La théorie mécaniste peut seule permettre l'expression du premier principe de la thermodynamique. La quantité de chaleur mesurée par la calorimetrie devient une mesure de la quantité d'énergie transférée à un système. La thermodynamique en cours d'élaboration tranche en faveur de la théorie mécaniste. Elle deviendra peu à peu cohérente à partir de i860 (Clausius - Maxwell), 1870 (Boltzmann), 1900 (Gibbs). En­fin la thermodynamique statistique est une théorie mécaniste.

1.3. Modèle substancialiste et/ou mécaniste ?

On peut tenter d'établir une ligne de partage qui sépare­rait les domaines où l'emploi de l'un ou l'autre modèle se trouve le mieux adapté parce que le plus opératoire. Le diagramme proposé est bien sûr très réducteur : il est proposé comme un "outil pour penser" les représentations des élèves.

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MODELE SUBSTANCIALISTE MODELE MECANISTE

CHALEUR SPECIFIQUE

QUANTITE DE

CHALEUR

CHALEUR LATENTE

DOMAINE DES ECHANGES THERMIQUES

TEMPERATURE

CHALEUR

CONDUCTIVITE THERMIQUE

RAYONNEMENT

TRAVAIL

ENERGIE

ISOLANTS CONDUCTEURS

CONDUCTION

DOMAINE DES TRANSFERTS D'ENERGIE

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2. POINTS DE VUE SUR LES CONCEPTS

Notre objet n'est pas de faire le point sur le concept d'énergie, mais de pointer quelques difficultés relatives au concept de chaleur, dans l'enseignement jusqu'à la classe de ière.

2.1. L'équivalence chaleur-travail

Le premier principe affirme que lorsqu'un système passe d'un état à un autre, la variation de son énergie ne dé­pend que de ses états, ce qu'on exprime simplement en disant que l'énergie U d'un système est une fonction d'état, ou que dU est une différencielle totale. L'énergie totale d'un système est la somme de son énergie

le premier principe : mécanique et de son énergie interne. Si le système est l'énergie est une macroscopiquement au repos, son énergie se réduit à son fonction d'état énergie interne.

Le premier principe reconnaît deux modes de transfert de l'énergie pouvant intervenir indifféremment dans l'expres­sion quantitative du bilan énergétique lorsque le système passe de l'état A à l'état B : la chaleur Q et le travail W.

UB-UA=W+Q

2.2. La chaleur est un mode particulier de transfert de l'énergie

En quoi diffèrent qualitativement des transferts d'énergie quantitativement équivalents :

"Les systèmes macroscopiques non isolés peuvent interagir et échanger de l'énergie. Un exemple est l'échange de travail visible à l'échelle macroscopique entre deux systèmes. Il est tout à fait possible que deux systèmes macroscopiques A et A' interagissent dans certaines condi­tions sans échanger aucun travail macroscopique. Ce type d'interaction, que nous appellerons thermique, ap­paraît parce que l'énergie peut être transférée d'un sys­tème à l'autre à l'échelle atomique. L'énergie ainsi trans­férée s'appelle chaleur"(3).

(3) Frederik REIF. Thermodynamique statistique. Cours de Berkeley. Paris. Colin. 1972.

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chaleur mode de transfert à l'échelle atomique

le terme "échanges" d'usage courant est mal adapté lorsqu'on consi­dère une situation déterminée

On peut déjà faire deux remarques : - l'interaction thermique est caractérisée par un transfert d'énergie à l'échelle atomique. Ce critère marque la frontière entre travail et chaleur. Nous préciserons plus loin les implications de cette caractéristique. - à propos du terme "échange": dans le même paragraphe, on trouve à la fois "échanger" et "transférer" de l'énergie. Le terme "échanges", d'usage courant, est mal adapté lorsqu'on considère une situation déterminée. Il est bien clair que, lorsqu'on fait interagir les deux systèmes A et A', il y a transfert d'énergie en ce sens que, par exemple, s'il n'y a pas d'autre interaction qu'entre A et A', l'aug­mentation d'énergie de l'un est égale à la diminution d'é­nergie de l ' au t re conformément au principe de conservation.

il n'y a pas plus de "contenu de chaleur" qu'il n'y a de "contenu de travail"

2.3. L'énergie est toujours conservée : la chaleur et le travail ne le sont pas en général

Le premier principe fonde l'équivalence chaleur-travail en ce qui concerne le bilan énergétique. Cela veut dire par exemple qu'on peut enlever autant de chaleur que l'on veut à un système à condition de lui fournir du travail (frottement de deux parties d'un système l'une sur l'autre). Le modèle chaleur-fluide ne fonctionne plus, car il n'y a pas conservation de ce fluide. Il faut aussi assurer les conséquences logiques du premier principe. La chaleur de la calorimetrie n'est que de la chaleur, additive et con­servative et pas de l'énergie. Toute la science calorimé­trique ne dit que cela. Dans ce contexte des purs échan­ges thermiques, on peut parler de stockage de la chaleur car si on amène un corps de l'état A à B en lui fournis­sant une quantité de chaleur Q, on le ramène à état ini­tial en lui enlevant la même quantité de chaleur Q. Mais ce n'est pas vrai dans les interactions quelconques. Une fois le transfert d'énergie terminé, ni le tavail ni la cha­leur mis en jeu pendant celui-ci n'apparaissent plus. Seul garde son sens l'énergie interne ; on ne peut donc pas parler de "contenu de chaleur", pas plus que l'on ne parle de "contenu de travail" ! Il faut prendre conscience que, si l'on n'est pas choqué par la première expression, alors qu'on l'est par l'autre, c'est à cause de "l'expérience sensible" que l'on a de la chaleur et de la persistance, in­consciente du modèle substancialiste.

Qu'est-ce qui permet de rattacher la chaleur à l'énergie ? Ce n'est pas parce qu'on peut obtenir du mouvement à partir d'un fluide que l'on chauffe, qu'on peut affirmer que la chaleur est une grandeur énergétique. De même la

notion de travail préexiste à la notion d'énergie, et il ne suffit pas de dire qu'on obtient du mouvement ou une élévation de température avec une force dont le point d'application se déplace. C'est parce que, quelles que soient toutes les façons dont on s'y prend pour faire pas­ser un système de l'état A à l'état B, la somme de deux quantités, définies par ailleurs, de travail W, et de cha­leur Q d'autre part, est toujours la même, alors seulement W et Q trouvent leur statut de modes de transfert "équivalents" de l'énergie.

2.4. A quels critères reconnaît-on un transfert sous forme de chaleur ?

Peut-on préciser sous quelles formes se feront les trans­ferts d'énergie ? La notion de paramètres extérieurs au système peut être utile. Il s'agit "de certains paramètres qui sont macroscopique-ment mesurables et qui affectent le mouvement des particules. Par exemple le système peut être placé dans un champ magnétique B ou un champ électrique E. La présence de ces champs affectant le mouvement des par­ticules du système, B ou E sont des paramètres extérieurs. De même supposons qu'un gaz soit placé dans une boîte de dimensions Lx, Ly, Lz. Chaque molécule du gaz doit alors se déplacer en restant à l'intérieur de la boîte. Les dimensions sont donc des paramètres extérieurs du gaz"(4). Dans tous les cas, le travail reçu par le système (qu'il soit moteur ou résistant) peut être aussi calculé à partir des modifications du milieu extérieur qui lui sont liées. Si les paramètres extérieurs restent constants (par exemple système au repos indéformable), il y aura inter­action thermique entre les systèmes. Le principe zéro de la thermodynamique permet d'intro­duire la notion de température absolue T. "Si deux systè­mes sont en "équilibre thermique (c'est-à-dire que leur état ne varie pas si on les met en interaction thermique) avec un même troisième, ils sont en équilibre thermique entre eux". L'ensemble de tous les systèmes en équilibre thermique constitue une classe d'équivalence caractérisée par le pa­ramètre T, appelé température absolue. Dans la pratique, on détermine la température mesurée avec un thermomè­tre particulier. C'est un fait d'expérience courante que si

(4) F. REIF. op. cit.

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pour deux systèmes A et A', 0 A f 9 A , , ils ne sont pas en équilibre. Ils échangent de l'énergie sous forme de chaleur.

peut-on reconnaître Si au contraire 0 ^ = ®A'' "es températures étant toujours un transfert d'énergie mesurées avec le même thermomètre, les deux systèmes sous forme de chaleur ? n'échangent pas de chaleur.

Peut-on plus précisément donner quelques critères pour reconnaître la forme de transfert ? - premier critère : la condition nécessaire et suffisante pour qu'il y ait transfert de chaleur entre deux systèmes est que leur température soit différente. - deuxième critère : si les paramètres extérieurs d'un système restent inchangés au cours d'une interaction, il n'échange que de la chaleur avec l'extérieur : la chaleur correspond à un transfert à l'échelle atomique. Les critères portant sur les effets observés -comme par exemple l'élévation de température du système- ne sont pas pertinents. Ce n'est pas par l'observation des effets que l'on peut dire comment a lieu le transfert. Le pre­mier principe ne dit que cela : si l'énergie d'un système a varié de Ay (avec variation de température par exemple) cette variation peut être obtenue indifféremment par chaleur, par travail ou par les deux. Une élévation de température ne traduit pas que l'interaction a été thermique. Il n'est donc pas possible de dire :

. un système dont la température augmente a reçu de la chaleur . un système dont la température a augmenté a emmagasiné de la chaleur.

On parle couramment des "modes de transfert ou de pro­pagation de la chaleur". Si on conserve le critère : la chaleur est un transfert à l'échelle atomique, on peut re­tenir deux mécanismes :

i) le transfert par conduction, c'est à dire par chocs entre particules de proche en proche, et qui nécessi­te donc le contact entre les systèmes en interaction. 2) le transfert par rayonnement, c'est à dire par in­teraction entre rayonnement et particules qui peut se faire à distance, même dans le vide. Ce type de transfert cesse aussi lorsque les corps en présence ont même température.

On retrouve une classification assez usuelle (en excluant la convection qui ne correspond pas une interaction pure­ment thermique : il y a déplacement macroscopique, c'est-à-dire travail). Mais ce n'est guère satisfaisant, car cela ne rend pas compte des propriétés du rayonnement qui fait bien autre chose qu'élever la température d'un système : il suffit de penser à un récepteur radio ou télévision, à des cellules photoélectriques, au bronzage, à la photosynthèse. L'inte­raction matière-rayonnement est complexe et ne contribue

pas seulement à augmenter le désordre dans la matière. Aussi la tendance actuelle est de réserver le terme de chaleur au transfert par conduction. Dans ces conditions il faudrait donc ajouter un dernier critère pour identifier un transfert d'énergie sous forme de chaleur : - troisième critère :il doit y avoir contact entre les sys­tèmes en interaction.

2.5. Des ambiguïtés dans le vocabulaire dont il est diffici­le de se débarasser

Ayant reconnu le caractère énergétique de la chaleur, que penser des termes Energie thermique ou Energie calorifi­que souvent utilisés ? Ces termes sont référés tantôt au contenu d'énergie d'un système -l'énergie thermique des mers par exemple- tantôt à un mode de transfert particulier, auquel cas ils sont synonymes de chaleur et donc inutiles. Dans le premier cas, ils font référence à l'énergie interne contenue dans un système "chaud" qui se refroidirait pro­duisant un effet souhaité. Il faut rapprocher ces termes d'autres très utilisés comme énergie nucléaire, chimique, solaire, e t c . . La qualification d'une énergie par ces adjec­tifs n'a pas de sens pour le physicien. Mais elle en a un si on change de pratiques de référence. La qualification d'une forme d'énergie sert à caractériser les modifications subies par un système dont l'énergie interne a varié dans des conditions technologiques données. On peut récuser to­talement l'emploi des termes Energie thermique ou calori­fique car il entretient une confusion avec la chaleur, qui est un mode de transfert et qui est communément et abusivement, comme nous l'avons indiqué, liée à des va­riations de température. Car on pourrait être amené à dire qu'on a stocké de l'énergie thermique alors qu'il pa­raît inacceptable de dire qu'on a stocké de la chaleur ! Nous verrons ce que proposent programmes et manuels à ce sujet.

3. QUELS CONTENUS DANS L'ENSEIGNEMENT ?

Tous les travaux réalisés en classe sur lesquels nous nous sommes appuyés se situent dans le cadre des actuels programmes. Les modifications en cours des contenus et des instructions concernant l'enseignement des sciences ne nous paraissent pas devoir remettre en question nos analy­ses qui devront toutefois être resituées dans leur nouveau contexte.

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Nous avons examiné plusieurs manuels de tous les niveaux. Notre objectif n'est pas de vanter les mérites de certains ou d'en critiquer d'autres. Nous voulons seulement pointer les grandes difficultés, que nous rencontrons tous, à éviter les pièges du langage courant. Pour rester compréhen­sibles, nous usons du vocabulaire usuel qui n'a rien de scientifique, nous employons des métaphores si parlantes qu'elles s'imposent souvent au détriment d'une construction correcte des concepts.

3.1. A l'école primaire

Les formulations sont très proches de celles de la vie courante en général : "conserver le chaud et le froid", "se protéger du chaud et du froid",

à l'école primaire Lorsqu'il est employé, le mot chaleur est alors str icte­ment synonyme du "chaud" par opposition au "froid". Ce­pendant on trouve quelquefois des formulations plus élabo­rées : "des matériaux isolants pour la chaleur" ou "récupération de la chaleur, diminution des pertes de chaleur", mais qui n'apportent rien de plus en ce qui con­cerne le concept lui-même. Parfois les objectifs sont plus ambitieux : par exemple mettre en évidence "la nécessité d'apporter de la chaleur au glaçon pour le faire fondre". Mais d'autres formulations étaient possibles. Les enfants ont à cet âge des représen­tations fortes sur les "pouvoirs" du chaud et du froid. Ainsi si on met des glaçons dans de l'eau à température ambiante, les enfants pensent ce sont les glaçons qui don­nent du froid; mais à l'inverse, lorsqu'on plonge un glaçon dans de l'eau chaude, c'est elle qui a cette fois le rôle actif et ils disent que l'eau donne de la chaleur au glaçon.

3.2. Dans le premier cycle

. en Sixième

Le problème de la distinction chaleur-température est à peine effleuré dans la plupart des ouvrages, conformément

en Sixième aux ins t ruct ions d 'a i l leurs . Tous pensent que c 'est difficile : "Nous avons parlé dans cette leçon de chaleur et de température. Qu'est-ce que la chaleur ? Qu'est-ce que la température ? Il est trop tôt pour répondre à ces ques­tions : vous comprendrez mieux ces notions plus tard. Re­tenez que la température vous est indiquée par le ther­momètre et qu'un apport de chaleur, qui souvent élève la température des corps, peut avoir aussi d'autres effets, changer l'état d'un corps, le vaporiser par exemple. Vous

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en Cinquième

pouvez aussi prévoir qu'une perte de chaleur aura les ef­fets inverses et c'est à cela que vous devez réfléchir dans quelques-uns des exercices suivants".

Mais dans aucun ouvrage on ne trouve une amorce de la construction d'une différenciation des concepts.

. en Cinquième

Comparons ce que deux manuels disent à propos de l'ob­servation courante qu'un corps froid se réchauffe en pré­sence d'un corps chaud.

ier manuel

"Le corps froid reçoit de la chaleur du corps chaud et sa température augmente. Inversement la température du corps chaud diminue car il cède de la chaleur au corps froid ".

Ici la notion de trans­fert est très explicite­ment liée aux effets observés. On se place résolument dans le domaine purement ther­mique.

2ème manuel

"Quand deux corps sont à tempé­ratures différentes, le corps le plus chaud est la source de cha­leur et le corps le plus froid s'échauffe. On dit que la cha­leur se propage à partir de la source".

Là, on part de la différence de température entre les corps pour parler de propagation de chaleur. On parle aussi de "source de chaleur" et on ne dit rien de son évolution thermi­que . Rien est très clair. Peut-être y-a-t-il une perspective énergétique à long terme. Nous reviendrons plus loin sur ce pro­blème.

en Quatrième

en Troisième

. en Quatrième

Bien qu'explicitement au programme, cette notion n'est jamais construite, bien qu'utilisée. Actuellement il faut at­tendre la Première avec la calorimetrie ! L'énergie électrique et les effets thermiques du courant font la charnière entre la chaleur grandeur calorimétrique et la chaleur grandeur énergétique.

. en Troisième

Chaleur et énergie ont partie liée. On est surtout frappé par le manque de cohérence. Certaines choses sont affirmées, d'autres, que les premières impliquent, ne le sont pas. Les habitudes de langage s'imposent plus forte-

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pourquoi un "contenu de chaleur"

et pourquoi pas un "contenu de travail" ?

le travail moteur ne se transforme pas en énergie

il n'y a pas disparition d'énergie pour vaincre un travail moteur

ment que la simple logique. Nous sommes tous menacés par ce danger et il est souvent plus facile de le dénoncer chez les autres que de le débusquer dans son propre discours. Ainsi on peut lire (c'est nous qui soulignons) :

" Transformation d'un travail moteur en énergie cinétique" " Dissipation d'énergie cinétique en chaleur... Il se con­firme ainsi que la chaleur doit être considérée comme une des formes de l'énergie"

Qu'est-ce que ces affirmations impliquent quant à ce que l'on peut dire et ce que l'on ne peut pas dire ? * Que la chaleur (forme d'énergie) pourrait être contenue dans un système au même t i t re qu'une autre forme d'énergie.

C'est d'ailleurs ce qu'on trouve fréquemment dans beaucoup de livres sous l'expression "stockage de chaleur". Baptisée souvent énergie thermique ou calorifique à cet te occasion, la chaleur figure aux côtés des autres formes d'énergie : nucléaire, mécanique, chimique e t c . * qu'on pourrait dire de même du travail (qui se "transforme" en énergie cinétique), mais on ne le dit pas, car personne n'arrive à imaginer ce que serait un contenu de travail.

On s'aperçoit que chaleur et travail sont traités de façon dissymétrique, même si on se trouve dans le cadre -implicite il est vrai- du premier principe, et même dans des ouvrages où, pour certains exemples, on traite parallè­lement les deux notions.

D'autre part en affirmant la transformation d'un travail moteur en énergie cinétique, par exemple lors de la des­cente d'un corps le long d'une pente, on laisse croire qu'on peut obtenir de l'énergie sous une certaine forme en (ici cinétique) au détriment d'un travail. A la remontée, le problème est t rai té tout à fait différemment. Cette énergie cinétique "disparaîtrait" pour "vaincre le travail d'une force résistante", dit l'ouvrage. On notera la dissymétrie des énoncés :

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Travail : être ou ne pas être une forme d'énergie

en premiere

travail

chaleur

le travail est un mode de transfert de l'énergie: il peut provoquer des effets thermiques ou des effets mécaniques

A la descente :

transformation W - * -

(moteur) Le travail est alors considéré comme une forme d'énergie

A la remontée

; N ^po , pour vaincre W (résistant)

Ici on ne d i t pas que l'énergie cinétique se trans­forme en travail résistant !

Autrement dit, dans ce cas, implicitement, le travail n'est pas considéré comme une forme d'énergie.

Même si la notion d'énergie potentielle de gravitation n'est pas explicitement au programme, elle apparaît dans ce schéma totalement inutile aux enfants. Cette présenta­tion prépare mal à l'acquisition de cet te notion qui est encore très difficilement comprise en classe de Première.

• en Première

Nous avons comparé l'approche des notions de chaleur et de travail dans deux manuels.

Premier manuel :

- Le travail est introduit en premier, indépendamment de toute notion énergétique : la définition est tout à fait opératoire et on peut "voir" s'il y a ou non un travail mécanique au cours d'une interaction. Puis le travail apparaît comme un mode de transfert de l'énergie, lié aux variations des deux formes de l'énergie mécanique, E c et E . - La démarche est Totalement différente pour la chaleur, introduite pour combler le déficit énergétique lorsque l'é­nergie mécanique ne se conserve pas, et une interpré­tation microscopique est proposée. A propos de Réchauffe­ment des freins, les auteurs concluent : "l'interaction entre les particules du disque et celles des patins engendre des forces de frottements. Le travail de ces forces provoque une augmentation de l'agitation désordonnée des particules, c'est-à-dire une augmentation de l'énergie d'agitation thermique. On obser­ve alors un effet thermique. ... L'énergie mécanique disparue se trouve répartie entre les particules qui voient leur énergie cinétique d'agitation thermique et leur énergie potentielle d'interaction accrues".

Ainsi le travail peut provoquer : - soit des effets mécaniques macroscopiques - soit des effets thermiques interprétables comme des effets mécaniques microscopiques et désordonnés.

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Le travail est ici défini indépendamment de ses effets et représente un mode de transfert de l'énergie.

Les auteurs traitent différemment la chaleur. A propos des freins toujours, on peut lire: "Pour qu'ils reviennent à leur température initiale, ils doi­vent perdre de l'énergie, c'est-à-dire que l'énergie mécani­que microscopique des particules doit décroître. Nous di­rons qu'ils doivent céder de la chaleur". Ainsi la chaleur se trouve liée à "ses effets" : les var ia­tions de température. Pourtant, plus loin on peut l i re : Notons que l'expression usuelle de source de chaleur est douteuse parce que basée sur la confusion entre l'énergie fournie par la source et le mode de transfert de cette énergie.Un corps ne stocke pas de chaleur mais de l'énergie.Le corps 2 est dit corps froid(expression d'ailleurs douteuse)." Dans la suite de l'ouvrage, on trouve confirmé ce double point de vue sur la chaleur :

le statut ambigu de - d'une part on affirme que la chaleur est un mode de la chaleur transfert de l'énergie, comme le travail

- d'autre part, elle est classée avec les "autres formes d'énergie". "Energie thermique Nous savons que la chaleur est un mode de transfert d 'énerg ie, appelée énergie calorifique ou énergie thermique, et qu'un système ne peut stocker de la chaleur. . Energie électrique —*• énergie rayonnante : la transfor­mation 1 est obtenue dans une lampe électroluminescente improprement appelée "tube néon" . Energie chimique —*- énergie rayonnante : la transfor­mation 2 est réalisée par le ver luisant aux dépens de son énergie interne . Energie mécanique —»- énergie rayonnante : la transfor­mation 3 est observée (dans une salle obscure) en cassant un sucre dans l'air . Energie thermique —»~ énergie rayonnante .* la transfor­mation 4- est produite par un radiateur en fonctionnement qui émet un rayonnement infrarouge (que nous ressentons) . Energie de masse —*- énergie rayonnante : la transfor­mation 5 est un rayonnement émis par des corps radioac­t i fs (cf. ciasse terminale)."

... On voit bien là quelles sont les difficultés à s'en tenir à un point de vue si on ne veut pas rompre totalement avec tous les usages habituels.

Deuxième manuel :

Dans le cas des systèmes mécaniques non conservatifs, les

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auteurs introduisent la notion "d'énergie du système au repos", qui n'est autre que l'énergie interne du système, somme de l'énergie cinétique d'agitation thermique et de l'énergie potentielle d'interaction des particules. L'état

mêmes effets obtenus microscopique d'un système est alors caractérisé par un par : certain nombres de paramètres.

Les auteurs s'interrogent alors sur toutes les façons de faire varier l'état d'un système au repos (un récipient plein d'eau) c'est-à-dire son énergie interne : - soit par le travail d'une force extérieure (par exemple

travail expérience de Joule) - soit sans travail d'une force extérieure, par exemple par simple contact du système avec l'air ambiant à tempéra­ture supérieure . Le transfert d'énergie s'effectue alors sous forme de chaleur du corps chaud vers le corps froid.

chaleur Ici la définition de la chaleur n'est pas liée à l'effet ob­tenu : la chaleur s'affirme comme un mode de transfert particulier, qui nécessite deux conditions.

a) le contact entre les systèmes b) une différence de température entre eux

- soit en plaçant un récipient noirci au soleil, alors que rayonnement l'eau et l'air sont dans ce cas à la même température. Ce

troisième mode de transfert sans contact est le rayonnement.

DEUXIEME PARTIE : REPRESENTATIONS ET QUOTIDIEN

Certaines des représentations des enfants concernant les phénomènes purement thermiques sont déjà bien connues. Nous nous proposons d'en éclairer quelques aspects à par­tir de l'étude historique et épistémologique des concepts de chaleur et de température présentée dans la première partie. Nous nous sommes appuyés essentiellement sur des tra­vaux d'enfants portant sur des isolants thermiques. Nous essayerons de montrer que les représentations ne doivent pas seulement être considérées comme des obstacles à l'enseignement des notions. Leur singulière résistance au changement a des raisons qu'il s'agit de comprendre, mais aussi elles offrent des points d'appui trop souvent négligés.

Nous avons regroupé les représentations repérées sous cinq rubriques, centrées sur des concepts ou des relations entre concepts : i : Relations matière-température-chaleur

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2 : Indifférenciation chaleur-température 3 : Substancialisation du chaud et du froid 4 : Conservation ou non conservation du "fluide

calorique" 5 : Indistinction énergie-transfert d'énergie.

Substancialisation de l'énergie. On peut également signaler une association froid-humidité souvent utilisée par les enfants.

i . RELATION SUBSTANCE - TEMPERATURE - CHALEUR

REPRESENTA TIONS:

Certaines substances sont considérées comme "naturel­lement" plus chaudes (ou plus froides) que d'autres. "Elles tiennent chaud". Elles sont "froides" au toucher. Les plus couramment citées sont, pour les premières, la laine, la fourrure, tout ce qui est utilisé pour se réchauffer. Pour les secondes, le métal, le marbre etc.. Ces substances sont considérées comme des sources de chaleur primaires. Ainsi les enfants pensent que si on en­veloppe une bouteille d'eau fraîche avec de la laine, celle-ci va la réchauffer. D'autres substances comme le polystyrène, dont la fonc­tion est d'isoler, sont diversement considérées. Elles peuvent être vues comme des sources de chaleur primaires ou secondaires ou comme des sources de froid, ou simplement comme des obstacles.

Examinons en détail ce problème de la sensation thermique. C'est ainsi que débute souvent l'étude de la température : "notion de température par le toucher, le thermomètre". Or nous avons pu voir que malgré les pro­grès des thermomètres, au XVIIIe siècle, il subsiste de nombreuses difficultés dans l'analyse correcte des phéno­mènes thermiques. Nous savons que la sensation est impropre à vérifier la seule égalité des températures : plusieurs corps de subs­tances variées, laissés dans une même pièce pour y at­teindre ce qu'on appelle l'équilibre thermique, ne donnent

origine sensible du pas la même sensation de "chaud" au toucher. Pour mieux complexe matière- "démontrer" l'imperfection de nos sens, on réalise température-chaleur communément l'expérience qui consiste, après avoir plongé

une main dans de l'eau chaude et l'autre dans l'eau froide, à réunir les deux dans une même eau tiède qui paraît à la fois chaude et froide suivant la main . "On suppose que les observations peuvent être rectifiées

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par un emploi judicieux du tact thermique. En réalité, l'incapacité de ce tact a des causes profondes. En effet, la température n'est qu'une des variables d'un complexe (c'est nous qui soulignons) qui, dans la sensation moins en­core que dans toute expérience de physique, ne se laisse pas analyser"(5). Ce n'est pas à la température que nous sommes sensibles, mais la sensation est engagée dans le phénomène de pro­pagation de la chaleur, pris avec toutes ses variables : la conductivité de la substance, sa température, sa chaleur massique, la surface de contact ...

Examinons maintenant deux séries d'expériences très cou­rantes et destinées à mettre en évidence "la relativité" de nos sensat ions, et à just if ier l'emploi d'un

"imperfection" de nos instrument "objectif", le thermomètre. sens et/ou complexité de la sensation thermique ière série :

. recueillir les diverses sensations thermiques fournies par différents objets d'une même pièce puis mesurer leurs tempé­ratures (identiques) avec un thermomètre.

Ces deux séries d'expériences ne sont pas à mettre sur le même plan. Bien sûr, dans les deux cas, pour une même température, la sensation de la main est différente. Mais affirmer à la suite de cela que la main est un instrument de mesure imparfait de la température d'un corps est une conclusion qui masque la complexité du phénomène en ré­duisant la description de l'expérience thermique à la don­née d'une seule grandeur, la température. "La température n'est pas, comme on serait tenté de le croire, un élément descriptif naturellement clair. Elle ne peut être précisée si les autres éléments de l'ex­périence thermique restent confus."(6)

(s)Gaston BACHELARD. Etude sur l'évolution d'un problè­me physique : la propagation thermique dans les solides. Paris. Vrin. 1973. (6)Gaston BACHELARD, op. cit.

2ème série :

. plonger les mains gauche et droite dans de l'eau tiède après les avoir plongées respectivement dans l'eau froide ou chaude.

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l'interprétation des sensations thermiques n'est pas évidente

la main n'est pas seulement un mauvais indicateur de la tempé­rature. Elle fournit des renseignements perti­nents sur les caracté­ristiques thermiques des objets

Dans la deuxième série d'expériences : Tous les paramètres autres que la température sont identiques. En mettant en défaut les sensations thermiques, on laisse croire que la main est un mauvais indicateur de la température. Oui, mais a contrario on ne dit rien des autres paramètres significatifs (conduction, capacité calorifique...) auxquelles la main est aussi sensible.

Dans la première série d'expériences ; "Le marbre de la cheminée paraî t ra toujours froid, le tapis de la pièce tou­jours chaud : ces sensa­tions ne sont pas contesta­bles et "si on prétend partir de la seule sensation de température, on n'arrive pas à mettre correctement en relation deux objets différents" (7). Il n'y a pas dans ce cas imperfec­tion de nos sens par rapport à un instrument physique - ici le thermo­mètre. Autre chose que la température de l'objet est engagée dans notre sensation.

On peut d'ailleurs "objectiver" les sensations recueillies à l'aide de la mesure des températures de l'objet et de la main, avant et après contact, à l'aide d'un thermomètre à cristaux liquides. On peut observer que les variations locales diffèrent, signalant l'existence d'un échange thermique, et ne sont pas les mêmes suivant l'objet

touché, avec des écarts très significatifs entre les corps isolants et les conducteurs thermiques.

Les résultats d'un questionnaire proposé à 700 élèves, dans le cadre d'une recherche INRP-LIRESPT de Paris VII (8), montrent que moins d'un tiers des élèves, au début de cinquième, admet que différentes substances côte à côte dans une même pièce sont à la même température. Les auteurs ajoutent :

"cette notion d'équilibre thermique, que nous avons parti­culièrement étudiée chez les élèves de 5e, est probable­ment très difficile à acquérir. Leur conviction, basée sur la sensation, est si forte qu'il leur arrive de mettre en doute le bon fonctionnement du thermomètre".

(7) Gaston BACHELARD, op. cit. (8) Chaud—froid...pas si simple. Paris. INRP. Coll. Rencon­tres pédagogiques. 1985.n°3-

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Le mot "conviction" paraît laisser entendre qu'il s'agit chez les enfants d'une sorte d'opinion, fortement enrac inée , qu 'heureusement la science objective pourraréfuter. Nous pensons qu'il y a au contraire une ré­alité objective dans les sensations différenciées qu'on éprouve au toucher de corps à la même température, qui peut conduire à des classements, et que c'est seulement parce qu'on ne cherche pas systématiquement le rôle de tous les facteurs physiques de la variabilité de ces sensa­tions que la notion d'équilibre thermique est difficile à construire.

On retrouve ces difficultés lorsqu'on étudie l'échauffement d'un corps avec une source de chaleur. Dans la recherche déjà citée, on posait à des élèves de Cinquième les ques­tions suivantes :

On met sur les plaques électriques d'une cuisinière trois casseroles, l'une pleine de sucre, l'autre pleine de sable et la troisième pleine d'eau. Il y a un thermomètre dans chaque casserole. Au bout d'un petit moment, si tu touches ce qu'il y a dans la casserole et si tu lis sur le thermomètre, est-ce que :

pour le sable

pour le sucre

pour l'eau

tu te brûleras

OUI NON je ne

sais pas

la température

aura augmenté

OUI NON je ne

sais pas

Explique ta réponse pour la

température ?

Le dépouillement des réponses révèle que "pour la majori­té des élèves, la température de l'eau augmente, pour 56 % celle du sucre augmente, et pour 47 % celle du sable. Corrélativement, 85 % affirment qu'ils se brûleront avec l'eau, 60 % avec le sucre, 32 % avec le sable". Nous ne suivrons pas les auteurs qui trouvent ces résultats "tout à fait surprenants" et qui ajoutent "beaucoup classent a priori sans explication les substances : celles qui, par nature, peuvent chauffer et celles qui ne peuvent pas. Certains font appel à leur expérience personnelle."

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les expériences quotidiennes prouvent que les corps ont des comportements ther­miques différents

Il apparaît clairement qu'il existe, fortement enraciné dans le vécu, l'idée d'un comportement thermique spécifi­que des corps ou de leur substance, que ce soit en ce qui concerne leur capacité d'échauffement ou la sensation de chaud ou de froid qu'ils procurent. Il ne faut donc pas s'étonner des réponses des enfants, ni surtout les rejeter dans la pensée préscientifique sans en tirer parti car elles sont la racine même de la construction des concepts de quantité de chaleur, de conductivité thermique, de capaci­té calorifique et de leur différenciation avec le concept de température. C'est à rester uniquement qualitative, comme dans la pensée aristotélicienne, qu'elles constituent seulement un obstacle, alors qu'elles sont un point d'appui. En conclusion, il ne faut pas voir le "tact thermique" comme l'appelle Bachelard comme un indicateur imprécis et peu fidèle de la température, mais comme un outil de découverte de facteurs pertinents.

2. INDIFFERENCIATION CHALEUR - TEMPERATURE

REPRESENTATIONS

Les énoncés des enfants contiennent indifféremment les mots chaleur ou température. Par exemple à propos de l'action de l'eau du robinet sur des glaçons :

"on produit un contraste de chaleur et de fraîcheur avec une température plus chaude que le glaçon qui le fait fondre peu à peu"

ou "la chaleur de l'eau fait fondre le givre"

En fait, il est fréquent que les enfants donnent le pre­mier rôle à la différence de température qui est le seul paramètre pris en compte. Jamais la quantité des sub­stances en présence n'est envisagée quant aux effets observés. Ainsi il suffirait de mettre en contact une cas­serole contenant de l'eau froide avec une flamme à tem­pérature supérieure à 100° pour que l'eau bout : ce que dément l'expérience. Comme nous l'avons vu à propos de la construction historique du concept de quantité de chaleur, longtemps la température a été considérée com­me mesure de "la chaleur d'un corps".

Examinons aussi une expérience classiquement utilisée pour "démontrer" la différence entre chaleur et température : celle qui consiste à mettre en évidence la

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la fixité de la tempé­rature pendant les changements d'état : les faits ne parlent pas

fixité de la température pendant toute la durée d'un changement d'état, par exemple pendant l'ébullition de l'eau, alors qu'on continue à chauffer. Nous avons vu dans l'histoire des sciences que ces observations, correctement faites, étaient mal interprétées et qu'on pensait justement qu'une fois le processus de changement d'état amorcé, une très petite quantité de chaleur en rapport avec "la très petite variation de tem­pérature était suffisante pour qu'il se poursuive". Pour interpréter correctement cet te expérience, il faut déjà être capable de faire la distinction entre chaleur et température, ce à quoi justement cet te expérience est supposée conduire les élèves ; car on pourrait tout aussi bien penser que sitôt amorcé le changement d'état, la substance ayant absorbé tout le fluide-chaleur qu'elle pou­vait n'en absorbe plus et que toute la chaleur produite par la source de chauffage est perdue dans l'environ­nement. Les faits ne parlent pas d'eux-mêmes comme le prétend l'empirisme.

C'est bien aussi ce que note l'équipe du LIRESPT : "Compte tenu de ces résultats, la possibilité d'une premiè­re approche de la distinction entre chaleur et température grâce à l'étude de l'ébullition de l'eau semble problématique. En effet, dans le cas de l'ébullition de l'eau les élèves peuvent correctement décrire l'expérience. Cependant, dans la mesure où la température est attachée à la substance, quelle différenciation entre température et chaleur peut-on envisager ?"

On peut donc dire qu'on ne saurait faire construire la dis­tinction chaleur-température sur cet te expérience (même si en retirant la source de chaleur l'ébullition cesse). Il semble qu'il faille passer par le quantitatif, tout au moins par la réalisation d'expériences qui permettent de faire varier les effets, même si on ne fait pas à proprement parler des mesures et si on se contente d'observer les sens de variation. Or que trouve-t-on le plus souvent ? - soit une approche de type intuitif. On parle par exem­ple de "propagation de la chaleur" repérée par le toucher et au mieux par le seul thermomètre. - ou bien on se pose des questions sur les mécanismes : est-ce que le chaud (ou la chaleur) entre, sort -ou bien le froid- ou est-ce que c'est l'air qui l'empêche e t c . .

L'histoire des sciences montre que la construction des concepts fondamentaux de quantité de chaleur, chaleur

une alliance objective : latente, chaleur spécifique et de température s'est faite le modèle substancialiste sans rien savoir de la vraie nature de la chaleur. Toute la et les échanges pure- c a l o r i m e t r i e s ' a c c o m m o d e fort bien du modèle ment thermiques substancialiste, d'une "matière calorique" certes impondé-

on ne peut pas se limiter à une approche strictement qualitative pour la construction de la distinction entre chaleur et température

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rable mais conservative et additive.

3. SUBSTANCIALISATION DU CHAUD ET DU FROID

REPRESENTATIONS

"le "le "le cha

polystyrène polystyrène polystyrène

leur.

absorb laisse garde

e la chaleur et la rentrer le froid" le froid et ne la

garde"

isse pas entrer

Nous distinguerons dans ces représentations : 1° 2°

- le modèle substat - le caractère ab.

chaud et le froid

icialiste >olu et opposé des deux ent ités :

la

le

En l'absence de tout autre modèle (qui serait fourni expli­citement par les programmes par exemple) les enfants uti­lisent spontanément un modèle substancialiste qui, nous l'avons vu, a permis la construction de la calorimetrie. De nombreuses expériences réalisées en classe consistent à placer des corps chaud ou froid dans des boîtes isolantes. On constate que, dans les deux cas, la tempéra­ture du corps intérieur varie, mais moins vite que si on enlève la boîte. Ces expériences peuvent très bien s'in­terpréter avec le modèle substancialiste.

Mais elles peuvent également être interprétées par un modèle à deux fluides : un fluide chaud se trouve en con­currence avec un fluide froid. Aucune expérience en clas­se ne peut réfuter ce modèle.

Les enfants proposent souvent des interprétations en ter­me de compétition entre chaud et froid :

- Si on place un glaçon dans une boisson pour "rafraîchir", c'est le glaçon qui "donne du froid à l'eau". - Mais si au contraire le glaçon est mis dans l'eau chaude, c'est l'eau chaude qui donne "de la chaleur au glaçon".

Ils admettent difficilement qu'un corps "froid" comme l'eau du robinet puisse être source de chaleur pour un corps plus froid que lui.

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Comment l'enfant se représente-t-il ces fluides chaud et froid ? Cela dépend des situations.

- Par exemple, il imagine un fluide particulier qui se propage dans une cuillère métallique plongée dans un li­quide chaud.

- Par contre, dans les expériences de mélanges d'eau à des températures différentes ou de fusion de glaçon dans l'eau ou l'air, il identifie les fluides chaud et froid à la matière elle-même : eau chaude ou air froid. Les états intermédiaires sont obtenus par mélange

. soit des substances chaudes et froides

. soit des fluides chauds et froids.

4- CONSERVATION OU NON-CONSERVATION DU "FLUIDE CALORIQUE"

REPRESENTATIONS

Compte-tenu de la non-différenciation chaleur-température chez les enfants, on serait tenté de dire qu'ils n'envisa­gent pas la conservation.

Ensuite, lorsque ces concepts sont distingués, au contraire la conservation semble aller de soi, la chaleur étant for­tement sustancialisée lorsque la conservation de la matiè­re est reconnue par l'enfant.

Les comptes-rendus de travaux de classe portent souvent sur des expériences d'interaction thermique avec l'air ambiant. Or un système comme l'air ambiant se comporte

le biais des expériences pratiquement toujours comme source ou puits de chaleur, simples dans l'air c'est-à-dire qu'on ne voit pas varier sa température, qu'il ambiant... ne paraît aucunement modifié par l'interaction thermique

(sauf dans le cas très manifeste de l'utilisation d'appareils de chauffage ou par le soleil) compte tenu de la très grande différence de "taille" entre les systèmes en interaction. Dans ces conditions la conservation du fluide calorique est impossible à mettre en évidence.

Nous n'avons fait aucune investigation systématique dans ce domaine. Des expériences comme celles rapportées dans la thèse de Marie-Anne Pierrard (9), et dont voici un extrait, pourraient servir de point d'appui.

(9) voir l'article de Marie-Anne PIERRARD, infra.

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Réalisation de mélanges d'eau froide et d'eau chaude par les enfants. Ces mélanges seront faits suivant des consignes notées au tableau : - mélanger de l'eau froide et de l'eau chaude - pour mesurer l'eau, l'unité de volume sera le pot de verre - prendre chaque fois des volumes formés d'un nombre entier d'unités;noter chaque fois : *la situation avant V et T d'eau froide

V et T d'eau chaude *la situation après V et T du mélange

Une courte discussion a lieu à propos des mélanges d'eau chaude et d'eau froide faits dans la vie courante (bain) : il faut agiter l'eau pour que le mélange se fasse bien, pour avoir la.même température dans tout le mélange.

Le maître demande aux élèves s'ils ont une idée de la température du mélange qu'ils vont obtenir. 11 y a peu de réponses (s'il y a un même nombre de pots, la température sera comprise entre les deux ; peut-être de l'eau tiède ; ça dépend du nombre de pots ; la température du mélange sera plus haute que 0). Les élèves font leurs mélanges et notent les conditions d'expérience et les résultats dans un tableau identique au tableau adopté pour la classe.

Recherche d'une règle à partir des résultats expérimentaux.

Des élèves font des remarques ("ça ressemble à une addition..?) et l'idée que ces résultats doivent suivre une règie commence à se dégager. Par groupes de trois, les élèves disposent de quatre tableaux différents de résultats et recherchent quelle règle ils peuvent suivre. Un groupe cherche si la température du mélange est "au milieu" des deux autres, un autre calcule une moyenne (sans le savoir), beaucoup font des calculs à partir des nombres figurant dans les tableaux. Les cahiers de brouillon de différents groupes figurent en annexe.

Les élèves qui pensent avoir obtenu un résultat v iennent i 'exposer. Les enfants cherchent des cas où la règle proposée (température au milieu des températures d'eau froide et d'eau chaude) fonctionne, et d'autres où elle ne fonctionne pas. Ils constatent que, quand les nombres de pots d'eau froide et d'eau chaude sont très différents, la règle ne s'applique pas ; quand ces nombres sont les mêmes, elle s'applique. Une règle est alors e'noncée : - quand les volumes sont égaux, on peut calculer la température du mélange - quand on met plus d'eau chaude que d'eau froide, la température du mélange est plus près de l'eau chaude que de celle de l'eau froide et inversement.

Recherche d'une méthode pour calculer la température du mélange quand les volu­mes sont différents.

Le maître pose ensuite la question de savoir si on peut calculer la température du mélange quand VQ est différent de Vp. Il fait rappeler les données expérimentales qui interviennent (volumes et températures d'eau froide et d'eau chaude), et deman­de aux élèves d'exposer leurs idées. Ils font des calculs partant de calculs de moyenne.

Ils n'obtiennent aucun résultat satisfaisant et le maître leur propose alors la droite numérique des températures comme instrument de recherche. Des élevés reportent les températures de quelques expériences prises au hasard sur des droites numéri­ques des températures".

TF TM TC

En conclusion, peut-on faire l'économie d'expériences de type calorimétrique ? Sinon, même en utilisant un ther­momètre que peut-on réellement construire de plus que ce qu'apporte le vécu ?

5. INDISTINCTION ENERGIE ET TRANSFERT D'ENERGIE.SUBSTANCIALISATION DE L'ENERGIE

REPRESENTA TIONS

Elles sont socialement répandues : dans toutes les brochures, les ouvrages et même les manuels, on parle in­différemment de transfert et de stokage de chaleur. Dans les situations où diverses "formes d'énergie" sont en jeu, on observe un emploi indifférencié des termes : chaleur, énergie calorifique ou thermique.

Ces termes désignent indifféremment le contenu d'énergie sous une forme particulière, et un mode de transfert de l'énergie. La distinction entre ces deux concepts n'est d'ailleurs pas évidente car la tendance à substancialiser l'énergie reste très forte et dans ce cas il n'y a aucune différence à faire entre ce qui est contenu dans un sys­tème et ce qui est transféré d'un système à un autre. Il faut d'ailleurs noter que ce modèle substancialiste s'accor­de très bien avec le principe de conservation de l'énergie, comme il s'accorde avec la conservation de la chaleur dans les échanges purement thermiques. Il y a donc beaucoup de difficultés à réserver le mot cha­leur au transfert et à refuser "stockage de la chaleur".

Nous avons aussi signalé les obstacles liés à la reconnais­sance d'un transfert de chaleur par observation des effets observés, c'est-à-dire la tendance à lier la définition de la chaleur à ses effets - élévation de température ou chan­gement d'état.

31

TROISIEME PARTIE : LES OBJECTIFS FRANCHISSABLES

i. LA NOTION D'OBJECTIF-OBSTACLE

La notion d'objectif-obstacle intègre et dépasse la notion d'obstacle associé souvent aux représentations en mettant l'accent sur l'aspect dynamisant de l'obstacle et sur le pouvoir heuristique des représentations (voir Annexe i pour plus de détails sur cette notion). Nous avons fait correspondre aux cinq groupes de repré­sentations du chapitre précédent un certain nombre d'objectifs-obstacles. On les trouvera regroupés dans le tableau suivant. Le terme d'objectif-obstacle renvoie à une stratégie pédagogique, à un choix de situations permettant l'élabo­ration de formulations qui peu à peu conduisent à la construction des concepts : nous aborderons ces points dans le chapitre suivant.

2. QUELS OBJECTIFS-OBSTACLES POUR LES NOTIONS DE TEMPERATURE ET DE CHALEUR ?

2.1. Tableau des objectifs-obstacles

Le passage des représentations aux objectifs-obstacles ap­paraît dans les intitulés des quatre colonnes de ce tableau. Les propositions retenues s'appuient à la fois sur un travail a priori résultant de l'analyse épistémologique et de l'histoire des concepts et, bien sûr, sur l'analyse à posteriori des travaux faits en classe et des questionnaires qui permettent de dégager les représentations des élèves et de mettre en évidence non seulement les difficultés mais aussi ce qui est faisable à un certain niveau.

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CHALEUR - TEMPERATURE : TABLEAU DES OBJECTIFS-OBSTACLES

Représentations

Indifférenciation chaleur - température substance

Indifférenciation chaleur - température

Substancialisation de la chaleur

Conservation -Non conservation de la chaleur

Confusion Energie -Transfert d'énergie

Obstacles-empêchement

(aspects négatifs)

. Croyance en l'existence de corps chauds ou froids par nature

. Confusion isolants -sources de chaleur

. Croyance que la tempé­rature est le seul para­mètre opérant dans les échanges thermiques des autres paramètres ne sont pas pris en compte (masse, subs­tance ...)

. Impossibilité de cons­truire la notion quanti­tative de quantité de chaleur.

. Impossibilité de cons­truire correctement l'équivalence chaleur - travail. La chaleur apparaît comme un simple agent causal du mouvement.

. Conservation : voir substancialisation

. Non conservation : impossibilité de cons­truire la notion de quantité de chaleur

. Impossibilité de cons­truire (ou de compren­dre), le principe d'équi­valence

. Croyance que la forme de transfert de l'énergie détermine certains effets spécifiques c'est-à-dire détermine la forme d'énergie stockée dans un système.

Obstacles-appuis

(aspects positifs)

. Les comportements thermiques des subs­tances ne sont pas identiques et ne dépendent pas unique­ment de leur tempé­rature

. Modèle permettant des mesures et la construc­tion des grandeurs quantitatives : quan­tité de chaleur, chaleur massique, chaleur latente ...

. Conservation : voir substancialisation

Objectifs-obstacles

Objectivation des sensations :

- la main n'est pas seulement sensible à la température d'un corps.

- Tous les objets produisent une modification locale de la température de la peau. Les corps à la température de la pièce, qui paraissent "chauds" produisent un abaissement de la température moindre de ceux qui paraissent "froids".

Construction de la notion d'échange thermique :

- L'évolution thermique d'un système ne dépend pas que de sa température et de celle des autres systèmes avec lesquels il est en contact.

- Lorsqu'on se limite à, des échanges entre deux masses d'eau, il existe un invariant m x A S : c'est la quantité de chaleur fournie ou reçue.

Dans le ter cycle (jusqu'en 3e) : aucun dans le cadre des échanges purement thermique

En je et dans le second cycle :

- La chaleur n'est qu'un mode de transfert de l'énergie: elle ne peut être stockée.

- On peut obtenir une quantité illimitée de chaleur a partir de travail.

voir substancialisation

On ne définit pas la chaleur par ses effets.

- On peut obtenir des effets thermiques (changement de température, changement d'état) sans transfert de chaleur.

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2.2. Vers une construction des concepts

. Dans le cadre des échanges purement thermiques

la possibilité d'atteindre la différenciation entre les deux concepts chaleur et température nous para î t passer par une approche quantitative, et d'abord semi-quantitative (recherche de facteurs).

Il en est de même pour le concept de conservation de la chaleur qui s'appuie sur la notion de quantité de chaleur et s'accommode très bien du modèle substancialiste.

Le modèle substancialiste fonctionnant très correctement dans ce cadre limité, il est très difficile et sans doute inutile de le remplacer par le modèle mécaniste d'agita­tion thermique. Par contre, on pourrait préciser le rôle spécifique des corps chauds et froids et le sens de transfert du pseudo-fluide calorique. On peut interpréter tous les échanges purement thermiques en disant que la chaleur s'écoule toujours du corps chaud (celui qui a la température la plus élevée) vers le corps froid. La cha­leur cesse de s'écouler lorsque la température est la même (même niveau). On par le alors d 'équilibre thermique. La chaleur s'écoule (se propage) mieux dans certaines substances (conducteurs) que dans d'autres (isolants).

. Dans le cadre des transferts d'énergie

Il s'agit surtout de montrer qu'une élévation de tempéra­ture ne permet pas de conclure à un transfert d'énergie sous forme de chaleur. On ne définit pas la chaleur par ses effets et cela n'a pas de sens de parler de stockage de la chaleur. La non-conservation de la chaleur dans le cadre du premier principe de la thermodynamique, où chaleur et travail sont deux modes de transfert quantita­tivement équivalants, impose de renoncer au modèle substancialiste.

Le tableau suivant résume comment on peut concevoir la dif férenciat ion et la const ruct ion progressive des concepts.

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QUATRIEME PARTIE : SITUATIONS ET FORMULATIONS

i. PRESENTATION

Notre objectif est d'analyser quelques situations expérimentales, dont la plupart sont bien connues, pour essayer de voir ce qui peut être dit et ce qui ne peut pas être dit à partir d'elles. Il s'agit de s'interroger sur leurs limites mais aussi sur ce qui reste souvent implici­te et qui peut aider à la construction des concepts.

Les situations proposées ont été regroupées sous les mêmes rubriques déjà utilisées pour les représentations et les objectifs-obstacles. A l'intérieur de chaque groupe, il ne faut pas toujours chercher une progression d'une si­tuation à celle qui suit.

A une situation donnée peuvent correspondre souvent plusieurs formulations. Cela veut dire que les formula­tions proposées sont toutes possibles : elles se complè­tent souvent mais certaines paraissent mieux adaptées à certains niveaux ou à certains contextes. D'autres, bien sûr, seraient possibles.

2. PANORAMA DE SITUATIONS ET DE FORMULATIONS

On trouvera, dans les tableaux des pages suivantes, un essai de mise en relation systématique entre les situa­tions didactiques et les formulations qui peuvent corres­pondre à chacune avec le plus de précision.

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Groupe i : INDIFFERENCIATION - CHALEUR - TEMPERATURE - SUBSTANCE

Situations Formulations

i - Main droite dans eau chaude

2 - Main gauche dans eau froide

3 - Main droite et gauche dans eau tiède

On touche différents corps placés dans une pièce avec la main et mesure de la température de la pièce et des corps avec un thermomè­tre - contact (à cristaux liquides)

On maintient le contact quelques secondes et mesure de la température des parties qui ont été en contact.

Mêmes expériences avec des objets placés dans un four tiède ou une yaourtière, ou dans un réfrigérateur

On mesure ensuite les tem­pératures avec un thermomè­tre après avoir laissé les objets un certain temps dans la pièce

Le toucher n'est pas un bon instrument de repérage de la température

. Certains objets (plus précisément certaines substances placées dans une pièce paraissent plus chauds que d'au­tres. Pourtant le thermomètre indique la même tempé­rature qui est aussi celle de la pièce. On dit qu'il y a équilibre thermique entre la pièce et les différents objets.

Lorsqu'on touche un objet placé dans une pièce, pendant un certain temps, il y a augmentation de la température de l'objet et diminution de la température de la surface de la main. Le toucher modifie les températures de l'objet et de la main.

. La main et le thermomètre ne donnent pas les mêmes indications lorsqu'on les met en contact avec des corps en équilibre thermique entre eux. Les corps qui au toucher paraissent les plus froids sont ceux qui provoquent les abaissements de températures les plus chauds (et inversement). Cet abaissement dépend non seulement de la tempé­rature du corps mais aussi de la masse et de la substance.

. Plus généralement, lorsqu'on laisse un temps suffisant des objets dans un four ou un réfrigérateur, ils prennent tous la température du milieu ambiant (à condition qu'il n'y ait pas de changement d'état) quels que soient leur substance, masse, forme, couleur ...

Bien que les températures initiales soient les mêmes les objets ne se refroidissent (ou ne se réchauffent) pas tous avec la même vitesse. La vitesse de refroidissement (ou d'échauffement dépend entre autres de la substance, de la masse et pas seulement de la température.

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On chauffe de la même façon différentes substances (eau, sable, huile - même quantité etc ...) et on mesure la tem­pérature après un certain temps.

On met en contact des corps à température différentes

On entoure un thermomètre avec différentes substances laine, polystyrène, plumes e tc . .

La température atteinte, dépend de la substance. Certaines substances s'échauffent plus vite que d'autres.

La température du corps froid (celui qui a la tempé­rature la plus basse) augmente. Celle du corps chaud diminue. On dit qu'il y a échange thermique. Avec un modèle substancialiste on peut dire que de la chaleur passe du corps chaud au corps froid. La température finale est la même. On dit que les corps sont en équilibre thermique entre eux. Si deux corps sont en équilibre thermique avec un même troisième, ils sont en équilibre thermique entre eux.

Tout objet (qui n'est pas une source de chaleur) placé en temps suffisant dans une pièce, prend la tempéra­ture de celle-ci. Il y a échange thermique entre l'objet et l'air de la pièce, mais la température de l'air ambiant n'est pas sensiblement affectée.

La laine, le polystyrène, les plumes e tc . . corps "chauds" au toucher, ne provoquent pas d'élévation de la température. Ce ne sont pas des sources de chaleur.

Les notions de chaud et froid ne sont pas absolus. Un corps dit "froid" peut-être considéré comme chaud lorsqu'il est mis en contact avec un corps plus froid que lui et se refroidira encore.

Groupe 2 : INDIFFERENCIATION CHALEUR - TEMPERATURE

On chauffe de la même façon des quantités d'eau différentes pendant le même temps.

Si on >i on chauffe de la même façon des quantités d'eau différentes, l'élévation de température est d'autant plus élevée que la quantité d'eau est petite.

Lorsqu'on met en contact un corps avec une "source de chaleur", la vitesse de l'élévation de la températu­re ne dépend pas que de la température de la source elle dépend de la masse de la substance chauffée de température initiale de la nature de la substance mais aussi elle est plus rapide avec deux sources qu'une.

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On mélange une même quan­tité d'eau chaude avec dif­férentes quantités d'eau froide et on mesure la tem­pérature finale.

Se rapporte aussi à subs-tancialisation conservation - non conser­vation.

On fait bouillir de l'eau en la chauffant.

On fait fondre de la paraffine en la chauffant

On n'arrive pas à porter à ebullition une très grande quantité d'eau avec la même source de chaleur - dont la température est bien supé­rieure à celle de l'ébullition de l'eau

On constate que laissé à l'air ambiant un glaçon fond, de l'eau froide se réchauffe de l'eau chaude se refroidit.

Si on mélange des quantités d'eau à des températures différentes, la température finale du mélange ne dé­pend pas que des températures initiales. Elle dépend aussi des masses en présence.

L'orsqu'on met en contact deux corps à des tempéra­ture différentes, (ici deux quantités d'eau) l'augmen­tation de température du plus froid n'est pas égale à la diminution de température du plus chaud.

Le produit delà masse d'une des quantités d'eau (m) par sa variation de température (At) jusqu'à l'équili­bre thermique est un invariant : c'est la quantité de chaleur cédée par l'eau la plus chaude et absorbée par l'eau la plus froide.

Pour maintenir la fusion ou l'ébullition, il faut con­tinuer à chauffer, mais la température n'augmente pas température de changement d'état.

Il n'y a pas de "preuves" pour affirmer que le corps "absorbe de la chaleur pendant un changement d'état du type ebullition ou fusion, à partir de cette seule expérience

Au cours d'un changement d'état la température reste constante. Mais il ne suffit pas pour obtenir la fusion ou l'ébullition d'une substance de la mettre en contact avec une source de chaleur dont la température est supérieure à la température de fusion ou d'ébullition.

Une source de chaleur est un corps capable de conser­ver une température sensiblement constante au cours d'un échange thermique avec un autre corps. L'air ambiant peut dans la plupart des cas être considéré comme une source de chaleur pour les corps qui ne le sont pas eux-mêmes.

Il peut être considéré comme un "puits de chaleur" dans le cas où le corps en contact sont à température supérieure à la température ambiante.

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Groupe 3 et 4 : SUBSTANCIALISATION DE LA CHALEUR CONSERVATION/NON CONSERVATION DE LA CHALEUR

Constatations de la vie cou­rante consernant l'utilisation de différents matériaux : bois, fer, aluminium...

Expériences classiques de chauffage de types de diffé­rentes matières

On touche des substances conductrices ou isolantes de la chaleur.. On mesure la température des surfaces en contact, main et objet, après quelques instants

On étudie le refroidissement ou le réchauffement en fonc­tion du temps (mesure de la température) de corps entou­rés de différents isolants.

On chauffe de l'eau avec un thermoplongeur placé soit au fond du récipient soit près de la surface et on mesure les températures de l'eau à diffé­rentes profondeur.

On observe un mobile au dessus d'un radiateur, d'une bougie.

On réalise des échanges ther­miques en empêchant le mé­lange de matière, par exemple en enfermant des glaçons dans un sac de plastique.

La chaleur se propage plus ou moins vite suivant les substances.

Les substances dans lesquelles la chaleur se propage le plus vite sont appelées conducteurs thermiques. Les autres sont des isolants thermiques.

Les conducteurs paraissent plus froids au toucher que les isolants. Les conducteurs provoquent une plus grande diminution de la température locale de la main que les isolants.

Un isolant ralentit le refroidissement d'un corps plus chaud que le milieu extérieur. De même un isolant ralentit le réchauffement d'un corps plus froid que le milieu extérieur.

L'efficacité d'un isolant peut-être repéré par la mesure de la température du corps qu'il entoure cette efficacité dépend :

la nature de l'isolant de son épaisseur mais aussi elle dépend de l'écart de température entre le corps et le milieu extérieur.

En aucun cas la température finale ne peut être différente de celle du milieu ambiant. Un isolant n'est pas une source de chaleur.

Un liquide ou un gaz chauffé dans sa partie inférieure se met en mouvement et véhicule de la chaleur à dis­tance de la source : c'est le phénomène de convection.

Bien que les matières chaudes et froides ne se mélangent pas, on obtient un échange thermique, c'est à dire le corps chaud se refroidit pendant que le corps froid se réchauffe sans transfert de matière. La chaleur peut en quelque sorte être "séparée" du corps qui la transporte.

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Groupe 5 : CONFUSION ENERGIE - TRANSFERT D'ENERGIE

• • • • - ' ' ' '•

Situations de la vie courante, par exemple :

- chauffage des aliments - échauffement des freins - bouilloire électrique e t c . .

. Il y a de nombreuses façons pour provoquer une éléva­tion de température d'un corps :

- par contact avec une source chaude (conduction thermique)

- par l'intermédiaire d'un fluide chaud en mouvement (convection)

- à distance même dans le vide (rayonnement)

- par frottement ou chocs (travail d'une force)

- par le passage du courant dans une résistance (travail électrique)

La nature de l'effet observé - ici une élévation de température, ne renseigne pas sur le mode de transfert d'énergie : il peut être de la chaleur, du rayonnement ou du travail mécanique ou électrique.

. Inversement par transfert d'énergie sous forme de chaleur on peut obtenir des effets différents :

- une élévation de température - un changement d'état - du mouvement, - une réaction chimique

Un système peut produire indéfiniement de la chaleur lorsqu'on lui fournit du travail : il n'y a pas conser­vation de la chaleur lorsqu'on sort du cadre des échan­ges d'énergie purement thermiques.

Jacqueline AGABRA Ecole Normale de Bonneuil

Cet article s'inscrit dans le cadre d'une recherche plus large, qui a déjà donné lieu à la publication de Procédures d'apprentissage en sciences expérimentales, collection Rapports de Recherche. n°3. 1985. 1NRP. Le premier rapport décrivait le cadre méthodologique de la recherche et caractéri­sait les éléments généraux de sa problématique (analyse de la matière et définition

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de trames conceptuelles, étude des représentations, caractérisation des situations de structuration...). Deux articles de la présente publication reprennent de façon plus détaillée certains aspects de la construction du concept d'énergie et de sa structuration progressive au cours de la scolarité. Nous remercions tout particulièrement Marc Antoine, Yveline Baumes, Jean-Loup Canal, Bernard Charpentier, Robert Charrier, Annick Chauzeix, Jacqueline Cohen-Tannoudji, Eliane Darot, Martine Flécher, Jean-Claude Genzling, Yvonne Guy, Da­nielle Joumard, Michel Ledoux, Jean-Louis Marazzani, Marie-Anne Pierrard, Daniele Ragil, Claude Reynaud, Marie-Claude Royet, Michel Sanner, Catherine Théret, Jean-Pierre Viala et Jean-Marie Vivier qui ont participé aux groupes de travail de cette recherche et dont les productions ont servi de base à cet article.

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PROCEDURES D'APPRENTISSAGE

EN SCIENCES EXPERIMENTALES

Procédures d'apprentissage en sciences expérimentales est un ouvrage qui relate les résultats d'une recherche en didactique. D illustre la finalité de celle-ci : analyser les processus d'acquisition et de transmission des savoirs dans un champ conceptuel donné et fournir des outils ouverts pour orienter les pratiques pédagogiques.

Le livre examine ainsi divers aspects des représentations des élèves et des modes d'intervention des enseignants (entrecroisement des logiques et des raisonnements, rôle de l'implicite, aspects invariants des représentations et aspects liés à chaque contexte ou situation...). Il présente également des trames conceptuelles relatives aux concepts fondamentaux d'Ecosystème et d'Energie et cherche à montrer comment celles-ci permettent de structurer progressive­ment les apprentissages, à l'école élémentaire et au collège.

Procédures d'apprentissage en sciences expérimentales est un ouvrage qui a été rédigé grâce à une collaboration interactive entre des enseignants sur le terrain et une équipe de coordination à l'INRP : il illustre ainsi l'idée de «chercheur collectif». Le texte, grâce à de nombreux exemples de classes décrits avec précision, illustre le va-et-vient entre la recherche et l'action, entre le faire et le comprendre, tant il apparaît ici que si la théorie permet de lire et d'analyser les pratiques, elle s'enrichit à son contact et s'en trouve à son tour modifiée.

Procédures d'apprentissage en sciences expérimentales

Publication de l'INRP dans la collection Rapports de recherches

226 pages, 70 francs TTC En vente à l'INRP, Service des Publications

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LA CONSERVATION, UN GRAND PRINCIPE

Jean-Louis Trellu Jacques Toussaint

Cette réflexion met en évidence les difficultés rencontrées lors de la genèse d'un concept comme ceiui d'énergie, tant au plan épistémologique que pédagogique : quels sont les cheminements possibles, les obstacles à franchir ou contourner par les élèves dans un tel réseau multi-sémantique et peut-on en pre'ciser les noeuds ? Par des essais de clarification et d'analyse de situations de classe à mettre en oeuvre, dont le mot énergie serait le pôle central, on tente de montrer des métho­des d'approche en terme de transferts et de conservation, d'un concept intégrateur d'un champ disciplinaire.

Cet article est le fruit du travail de deux groupes ayant choisi, l'un l'entrée transferts-transformations, l'autre l'en­trée conservation lors de rencontres proposées par l'équipe de didactique des Sciences de l'INRP. Les travaux de chacun des deux groupes ont rapidement montré la similitude des approches de chacun des thèmes.

L'étude des transformations et transferts, après une approche qualitative conduit, lorsqu'on introduit des mesures, à la recherche d'invariants ou à repérer des "pertes". Le physicien reconnaît là une démarche d'élabo­ration de la conservation.

L'étude de la conservation, elle, doit commencer par une mise en évidence qualitative des divers comporte­ments possibles d'un système. On ne pourra quantifier, pour rechercher la conservation globale, que des paramè­tres ayant déjà été construits en partie, lors d'échanges avec d'autres systèmes.

S'attacher à une chaîne énergétique ou uniquement à un système ne permet pas d'affirmer que les deux types de démarche sont fondamentalement différents.

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i. DU COTE DU SAVOIR

i . i . Les échos de l'université

. Que disent les scientifiques ?

"derrière ce qui change il y a "quelque chose" qui ne change pas"

Pour le physicien une loi de conservation signifie qu'il existe un nombre que l'on peut calculer à un moment donné, puis, bien que la nature subisse de multiples variations, si l'on calcule cette quantité à un instant ultérieur, elle sera toujours la même : le nombre n'aura pas varié. Si l'on prend par exemple la conservation de l'énergie, c'est une quantité que l'on peut calculer suivant

l'énergie : quantité, une certaine règle, et on obtient toujours le même nom-nombre ou fonction ? bre quoi qu'il arrive.

De toutes les lois de conservation, celle qui traite de l'é­nergie est la plus difficile, la plus abstraite, et cependant la plus utile. Dans ce cas nous avons un nombre qui ne varie pas avec le temps, et qui ne représente aucun objet particulier. On a ainsi découvert pour l'énergie une procé­dure avec une série de règles. A partir de chaque groupe de règles, on peut calculer un nombre pour chaque type d'énergie. En additionnant tous ces nombres ensemble, pour toutes les différentes formes d'énergie, on obtient toujours le même total. Mais il n'y a pas de véritables unités, pas de petits roulements à billes. C'est une abs­traction purement mathématique : il y a un nombre qui reste le même, quel que soit l'instant où on le calcule (i). Pourtant il y a de nombreux cas, où ayant terminé les calculs, les nombres ne "marchent" pas. Cela amène à re­chercher la justification des excédents ou déficits et les différentes formes (ou formules) appelées "formes d'énergie". D'où l'analogie monétaire très fréquente dans les ouvrages scientifiques : "dans le monde, il y a du changement". Du chaud devient tiède. Des corps tombent. Le feu brûle et les bûches se consument. Ces transformations ne se font pas de façon arbitraire,

énergie substance Elles sont reliées entre elles par une sorte d'échange mo-ou "monnaie" ? nétaire. La monnaie, ici, c'est l'énergie. Elle permet au

physicien de tenir la comptabilité des phénomènes qu'il étudie.

(i) Richard FEYNMAN . La nature de la physique. Paris. Seuil. 1980

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"Dans un canon, une charge de poudre explose. De l'éner­gie chimique (d'origine électromagnétique) est transformée partiellement en énergie cinétique (l'obus est lancé) et partiellement en énergie thermique (le canon s'échauffe). La somme des énergies cinétique et thermique, est égale à l'énergie chimique libérée. 11 nous faut une unité d'échange. A la banque, on utilise le franc, ou le dollar. En physique, il existe plusieurs unités. Pour nous la plus utile sera "l'électron-volt". Le nom de cette unité pourrait laisser croire qu'elle ne peut s'appliquer qu'aux électrons. Il n'en n'est rien. Comme la valeur or n'est pas restreinte au commerce des bijoux, cette unité vaut bien au-delà. Voici quelques exemples. Un proton qui se déplace à 15 km par seconde possède une énergie cinétique d'un électron-volt. Un électron, plus léger, doté de la même énergie cinétique se déplace à 600 km par seconde..." (2). Poursuivons l'analogie monétaire : si chaque fait dans la société était considéré comme ayant la même valeur, alors l'échange serait très simple et il n'y aurait aucun besoin d'examiner les mérites respectifs de "marchandises" particulières. C'est à la nature qu'incombe la responsabili­té de cette loi.

Cette loi est-elle absolue ? Vers les années 1930, les phy­siciens découvraient l'existence du neutron, particule in­stable (demi-vie d'environ 15 mn), qui se transforme en un proton et un électron. Le bilan révélait moins d'énergie après la désintégration qu'avant. Confiant malgré tout dans la valeur de la loi, le physicien Fermi imagina l'exis­tence d'une nouvelle particule, invisible, émise au moment de la réaction. Cette particule nommée "neutrino" (petit

une loi absolue neutron), devait, par définition, posséder exactement l'é-ou limitée ? nergie manquante et équilibrer le bilan énergétique de la

réaction. Quelques années plus tard, cette particule fut effectivement détectée au laboratoire. Elle a progressive­ment pris une très grande importance en physique et en cosmologie. Cet événement est significatif. Il montre que la notion d'énergie est fructueuse et bien adaptée à la réalité. Pourtant, la loi de conservation n'est pas "absolue". Ses exigences sont reliées à la durée du phé­nomène observé. Tout se passe comme si l'énergie n'était pas conservée. Ces écarts jouent un rôle fondamental dans le comportement des particules individuelles. Au niveau de notre réalité quotidienne, qui implique des myriades de particules, ils se compensent et deviennent pratiquement

(2) Hubert REEVES. Patience dans l'azur. L'évolution cosmique. Paris. Seuil. 1981.

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des problèmes à prendre en compte :

la réversibilité

le travail et l'entropie

négligeables. La loi de conservation de l'énergie reprend alors ses exigences de précision. Deux remarques peuvent être faites. Deux traits remar­quables de l'énergie considérée comme une quantité sont sa distribution et sa réversibilité. C'est une chose de cal­culer et d'additionner toutes les formes avant et après un processus et d'essayer d'équilibrer l'équation, et c'est une toute autre chose de voir si elles sont "utilisables" ou non. Dans le cas du soleil et de la mer, si l'énergie s'ob­tient en faisant la somme d'un nombre énorme de petites quantités, si elle est largement distribuée, elle est prati­quement inutilisable. En principe, la plus grande partie de l'énergie convertie en descendant une colline peut être reconvertie pour remonter et ainsi de suite. Mieux encore, la plus grande part de l'énergie qui est convertie lorsqu'un véhicule s'arrête, peut, en principe, être récupérée et uti­lisée pour faire redémarrer le véhicule. Cependant, dans toutes les situations pratiques, non seulement les frotte­ments sont responsables de la "dissipation" de l'énergie mécanique en énergie thermique, mais il est aussi néces­saire de tenir compte des contraintes d'ordre économique, technique, et d'environnement en essayant de rendre l'é­nergie disponible "utilisable" (cf. Council for Science and Society Report. 1979). En physique, le concept d'énergie est fortement lié aux notions de "travail" et "d'entropie", concepts également complexes, quoique comme le dit Lehrman (1973), la vieil­le formule "l'énergie est la capacité de faire du travail" est à la fois inadéquate et trompeuse : l'entité "travail" ne se conserve pas. Le concept d'énergie est un outil ana­lytique puissant, essentiel à la structure de la physique. Il est en relation avec nos idées sur le temps, l'espace et la gravité. Theobalds (1966) résume tout cela en disant : "demander ce qu'est l'énergie c'est comme se demander ce qu'est une charge électrique ou une particule newtonienne. La réponse à ces questions est qu'il n'y a pas de réponse, non pas par les faits mais par principe. Et cela signifie que la question ne devrait pas être posée. Il n'y a pas de structure pour l'énergie, parce que l'énergie est un con­cept fondamental de toute la physique de l'interaction ...".(3) Conservons de ces propos qu'il faut rechercher une des­cription la plus objective possible qui puisse recouvrir les préoccupations des différents domaines concernés, physique, technique, biologique et économique. Il semble

(3) D.M. WATTS. "The concepts force and energy", in P.J. KENNEDY and E. LORIA (ed). Proceedings of the Inter­national Conference on Education for Physics Teaching. Trieste. 1980.

47

pour cela nécessaire de recourir à la construction de la notion de système avec un caractère opératoire d'une part, accessible d'autre part, en même temps que celles d'énergie et de ses formes.

• * t *d - ' Voyons, à présent, comment deux projets d'en-P . * *. ^ seignement de l'énergie ont choisi de traiter le

g.ques existants proK

blème.U)

- Le projet de G. Lemeignan et J. Agabra (collection Li-bres Parcours chez Hachette). Dans ce projet le concept d'énergie se construit par un processus d'abstraction : "il existe quelque chose de commun contenu dans les réservoirs, mais ce quelque cho­se est très vague, il reste à définir. Ce sera la suite de l'apprentissage, avec les notions des formes, transfert, débit, conservation et dégradation de l'énergie qui le précisera". Quant aux formes d'énergie, les auteurs proposent l'ana­logie "monétaire" précédemment citée :"de même que la fortune, possédée par une personne, peut être constituée d'éléments très divers, châteaux, bijoux, voitures e tc . . de même l'énergie est présente sous diverses formes, chimique, nucléaire..." Cette analogie restreint cependant l'acception du concept puisque, et les auteurs en sont conscients, elle ne permet pas d'inclure l'énergie cinétique qui n'est pas, elle, liée à la structure du système. Remar­quons cependant, que lorsque Leibniz évoquait la dissipa­tion de la force vive, lors de l'intervention de frottements par exemple, il comparait cette dissipation à de la petite monnaie !

- Le projet de Falk Hermann (5) Objet d'un enseignement plus dilué, ce projet se situe aus­si au niveau des enfants de collège (équivalent allemand). Le principe directeur du projet est le rôle essentiel que jouent en physique les grandeurs extensives fondamentales (celles qui expriment un "contenu"). Cet éclairage de la physique implique de considérer le principe de conserva-

(4) Jean-Louis MARTINAND. La construction de la notion d'énergie, in Bulletin Aster n° 20. INRP. Didactique des sciences expérimentales. 1983.

(5) FALK, HERMANN. Neue Physik. Das Energiebuch. Hambourg. Schroedel. 1981. Livre du maître traduit par V. HOST. Livre de l'élève, traduction partielle par J. AGABRA.

48

substancialisme

énergie et porteurs d'énergie

tion comme secondaire, mais permet par contre d'accen­tuer la description substantialiste, donc de permettre un maniement facile de courants de transfert et de faire ap­paraître les flux dans les actions de contact. Dans un premier temps, il distingue l'énergie et ce qu'il appelle les porteurs. Ceci amène à classer les divers phénomènes :

Courant d'énergie + charge électrique...Phénomènes électriques Courant d'énergie + entropie... Phénomènes calorifiques Courant d'énergie + matière... Phénomènes chimiques

Avec cette description, les formes d'énergie correspondent aux porteurs, ce qui présente l'avantage d'une représenta­tion aisée ; quant à l'énergie elle-même, elle correspond à la charge énergétique de chaque porteur.

Pour Hermann, l'énergie est donc un élément invisible, commun à tous les courants, qui assurent la marche des machines, le chauffage, etc., les courants étant les for­mes et ayant ainsi un aspect matériel.

En conclusion, ces deux projets, très différents, ont ce­pendant une démarche commune à laquelle il semble dif­ficile d'échapper : le recours à une classification, d'un genre ou d'un autre, mais qui est au début de tout pro­cessus d'abstraction. Néanmoins, on n'atteindra toute la signification du concept d'énergie qu'en abordant le princi­pe de conservation.

On ne peut donc exclure de tout projet d'enseignement sur l'énergie une phase de mesures qui, peu ou prou, con­duira à cette idée de conservation, point de passage obli­gé si l'on veut s'extraire d'une simple description substan­tialiste et atteindre une conception relationnelle physi­quement rigoureuse.

. Histoire d'un concept

La façon dont, historiquement, s'est constituée la notion d'énergie est éclairante quant aux deux approches, en termes de transferts d'une part, de recherche de conser­vation d'autre part.

On reconnaît habituellement deux grands courants qui ont conduit, par leur fusion au milieu du XIXème siècle, à élaborer le concept que l'on connaît aujourd'hui. Dans chacun des deux, le courant mécaniste d'un côté, le cou­rant des thermiciens de l'autre, on peut déceler ces deux sortes d'approches. C'est de la confrontation, et du dépas­sement apporté par chacune d'elle qu'est née une grandeur cohérente et integratrice.

49

> L'approche en termes de mécanique (6)

des propriétés des "machines simples" ... à une relation d'équivalence,

entre une action et un effet,

pour dégager un principe général...

- Aspect statique Dans les travaux de statique de Descartes, le concept de travail est utilisé par ses propriétés opératoires, tirées du fonctionnement des machines simples (poulie, plan incliné, vis, levier, treuil ...) Mais si la théorie de ces machines simples repose sur le principe d'égalité du travail moteur et du travail résistant, Descartes ressent la nécessité d'in­troduire une nouvelle grandeur, de concevoir un concept global immédiatement généralisable. C'est l'affirmation d'une relation d'équivalence entre les valeurs du produit : poids par hauteur, applicable à toutes les machines, donc détachée de la notion même de machine. Mais cette équivalence entre deux grandeurs ne peut con­duire à la définition de l'énergie, grandeur constante. Il faut encore franchir une étape : exprimer le travail mo­teur par un nombre positif et le travail résistant par un nombre négatif, afin que les variations totales soient nulles.

de la quantité de mouvement aux forces vives

deux théories vont aussi s'affronter

- Aspect cinétique S'appuyant sur des arguments théologiques ("...de peur d'attribuer au créateur de l'inconstance..."), Descartes a l'intuition de la conservation d'une quantité qui dépend du mouvement et de la matière (nous disons aujourd'hui de la vitesse et de la masse). Mais, pour Leibniz, cette com­pensation entre masse et vitesse ne peut expliquer l'im­possibilité du mouvement perpétuel ; il faut donc chercher une autre représentation de la "force motrice". Mettant en relation la variation des "forces vives" avec le travail des forces appliquées au système, il énonce le théorème de l'énergie cinétique, qui prépare la généralisation du concept.

t> L'approche en terme de "chaleur" (7)

Deux courants de pensée vont alors s'affronter, celui des "substancialistes" et celui des "mécanistes". Les second fi­niront au cours de l'histoire par l'emporter. Ces deux théories ne sont pas cependant à considérer sur le même plan, elles ne parlent pas de la même chose, en ce qui

(6) Francis HALBWACHS. Histoire de l'Energie mécanique. CUIDE n° 18. Janvier 1981.

(7) Francis HALBWACHS. "Histoire de la chaleur" CUIDE n° 17. Septembre 1980.

50

mais en utilisant des itinéraires différents

l'une, basée sur une substance qui se conserve

l'autre s'intéressant aux transferts entre particules

naissance et mort

concerne la forme du concept à dégager et particulière­ment de la distinction entre chaleur et température. La théorie mécanique cherche une interprétation du chaud et du froid en tant qu'états thermiques de la matière, tels que nous les font connaître nos sensations. Le mot cha­leur est alors toujours accompagné par le mot d'état ou de degré. La théorie mécanique est une théorie, non de la chaleur, mais de la température, et ceci jusqu'à une étape avancée, jusqu'au traité de Lavoisier-Laplace, où apparaît un point de vue énergétique, et où ainsi le mot chaleur désigne la quantité de chaleur contenue dans un corps matériel. Au contraire la théorie substancialiste met en jeu, dès le début, directement une substance correspondant à une quantité qui, comme pour chaque substance, est conserva­tive et additive. Elle porte donc avec elle, au moins potentiellement, les caractères opératoires de la "quantité de chaleur." L'existence d'une telle substance se réfère à une concep­tion plus métaphysique que scientifique. Ce point de vue erroné fut peu à peu refoulé et battu en brèche par l'au­tre théorie. La théorie mécanique, très ancienne, attribue dès le Xlllème Siècle, avec Roger Bacon, le "chaud" a des mou­vements internes de la matière, distincts de ses mouve­ments externes, et aux efforts "contradictoires" des parti­cules qui forment les corps. Elle deviendra cohérente vers i860 (Clausius, Maxwell) et décrite avec précision par Boltzmann (1870) et Gibbs (1900). Peut-on, mieux que Meyerson, exprimer la convergence des deux approches du concept d'énergie : une approche par recherche d'une grandeur conservative, l'autre par éga­lisation des valeurs de deux formes qui s'échangent. "Ce que nous appelons le principe de la conservation de l'énergie a consisté à démontrer qu'aussi bien la chaleur que l'énergie mécanique prises isolément, peuvent naî t re et périr, mais qu'alors la disparition de l'énergie est ac­compagnée de l'apparition d'une certaine quantité d'énergie calorifique et vice versa." (8) "Il ne nous reste plus qu'un énoncé pour le principe de conservation de l'énergie, il y a quelque chose qui demeu­re constant ... en passant du système classique au systè­me énergétique, on a réalisé un progrès ; mais ce progrès

(8) Emile MEYERSON. Identité et réalité. Paris. Vrin. 1907-5° éd. 1951.

51

en même temps, est insuffisant". (9)

• Un aperçu curriculaire

Comparons les anciens et les nouveaux programmes tant en primaire qu'au collège sur le thème de notre propos.

AU COURS MOYEN

AVANT

Provoquer un mouvement en utilisant l'électricité '

(moteur d'un jouet à pile, ...), le travail muscu­

laire (bicyclette, essoreuse à salade, batteur à

manivelle,...), la déformation d'un objet élasti­

que (jouets à ressorts ou à élastique, ...), le vent

(moulinet, maquette d'éolienne ou de moulin à

vent, ...), la chute d'un poids (horloge, tourne-

broche, moulin à sable,...).

Produire de la chaleur ou de la lumière à partir

d'un combustible, de l'électricité (chauffage,

éclairage), du soleil (maquette de four solaire ;

enflammer du papier avec une loupe : précau­

tions à l'égard de ce type de risque d'incendie).

Identifier dans des circonstances familières et

variées la ou les sources d'énergie utilisées

(appareils ménagers, réveil, automobile,...).

S'interroger sur les conditions d'utilisation qui

contribuent aux économies d'énergie (techniques

d'isolation, mode d'utilisation des appareils, des

véhicules, etc).

APRES

. Les différentes sources d'énergie (miné­

rale, hydraulique, solaire, nucléaire)

. Consommation et économie d'énergie en

France (chauffage solaire, isolation ther­mique etc..)

(9) Henri POINCARÉ. La Science et l'hypothèse. Paris. Flammarion. 1950.

52

AU COLLEGE EN 3ème

I . Travail et puissance

. définition du travail mécanique

à rattacher à l'idée d'une "conservation"

. dispositifs de transmission de puissance.

2 . Quelques exemples de transferts d'énergie

. notion d'énergie cinétique illustrée par

des exemples;sa proportionnalité au carré

de la vitesse

. chaleur comme forme d'énergie

. notion de rendement

. énergie électrique et vie quotidienne.

. l'ensemble du chapitre, dès le choix d'une

définition du travail d'une force, est domi­

né par la notion de conservation de l'éner­

gie : simultanément apparaît la notion de

dégradation de l'énergie en chaleur.

Ces acquisitions seront utilisées pour poser

correctement quelques problèmes que ne

peut ignorer le citoyen :

consommation d'énergie et mode de vie ;

pollution thermique ;

sources actuelles d'énergie ;

sources de remplacement et leurs possibi­

lités réelles ;

charlatanisme (moteur à eau), etc.

L'énergie électrique.

Notions sommaires sur la puissance et

l'énergie électriques. Puissance con­

sommée par une lampe. Relation P = U.I

Energie consommée par un appareil de

chauffage, quantité de chaleur.

Energie consommée par une installation,

par un appareil électro-ménager : le

compteur électrique.

Il est aisé de remarquer la simplification aux termes de transfert et de consommation dans l'approche du concept d'énergie ; évolution qui vient de se produire dans les programmes de sciences physiques. La délimitation et la définition du système de référence n'est pas évoquée, et, nous le verrons un peu plus loin, cette notion est un pos­sible parmi les possibles dans l'accès au concept. "Energie", un mot courant, très employé par tous les médias, qui gardera son mystère jusqu'à ce que nos en­fants arrivent en second cycle scientifique.

53

1.2. Construire un concept : oui, mais en précisant cer­taines notions

Pour construire la notion d'énergie, le physicien ne peut éluder le problème de la définition d'un système : qu'est-ce qu'un système pour lui, quels types de systèmes utilise-t-on, quelles en sont les propriétés ? Voilà un ensemble de questions auxquelles il faut répondre afin d'avoir un langage commun d'une part, des significations précises pour chaque terme utilisé d'autre part. Dans ce paragraphe, nous allons prendre quelques termes de ce type et en préciser le (ou les) sens scientifique(s). Chacun est un noeud du réseau qui sous-tend l'énergie, et a été rencontré lors de phases d'enseignement, mais ces termes ont-ils la même signification pour tous ?

. Système ?

Un système est un corps ou un ensemble de corps de masse déterminée et délimité dans l'espace. Nous aurons à

. , , distinguer le système du reste du monde que nous appelle-pour le thermodyna- r o n s ] e »mil}eu extérieur." La surface de contour qui sé-mycien : un système pare ^e S y S t e m e çju milieu extérieur peut être une surface peut être terme, idéale, mais elle est le plus souvent matérialisée par des

parois réelles. Un système peut échanger avec ie milieu extérieur de l'énergie mécanique, calorifique, électrique, etc. Nous considérerons le plus souvent des systèmes dont la masse et la composition chimique restent invariables. Les parois sont alors imperméables à la matière. Nous appellerons de tels systèmes des systèmes fermés. Dans certains cas, nous aurons à considérer des systèmes qui sont susceptibles d'échanger de la matière avec le mi­lieu extérieur et nous admettrons l'existence de parois

ouvert ... spéciales dites "semi-perméables" qui ont la propriété de laisser filtrer certaines substances chimiques et de s'oppo­ser au passage d'autres substances. De tels systèmes dont la masse et la composition chimique peuvent varier sont dits systèmes ouverts. (10)

Un système est dit isolé si le milieu extérieur n'exerce sur lui aucune action de quelque nature que ce soit. Un fil électrique est isolé pour éviter toute interaction élec-

ou isole. tr ique (court-circuit) avec le milieu extérieur. L'emballage d'une crème glacée est un isolant thermique

(io) A. KASTLER. Cours de thermodynamique de G. Bruhat. Paris. Masson, 1962.

pour éviter tout échange de chaleur avec le milieu extérieur. Deux boxeurs et un ring forment un système mécaniquement isolé dans la mesure où ils n'échangent pas de coups avec le milieu extérieur, l'arbitre notamment. (11)

. Conservation - Quantification ?

Aujourd'hui, pour le physicien, la conservation de l'énergie est un principe, c'est-à-dire qu'on doit admettre sa validité. Tout juste peut-on penser à le vérifier expérimentalement. Mais avant d'aboutir à lui conférer un statut d'axiome, de nombreuses approches numériques ont été nécessaires lors de l'évolution historique. Très souvent ces séries fastidieuses de mesures cherchaient à "montrer" la conservation préconçue. Meyerson questionne : "la conservation de l'énergie est-elle une loi empirique ? Les physiciens ont quelquefois trouvé commode de la traiter comme telle ; mais H. Poincaré, en procédant ainsi, a eu soin d'avertir le lecteur que cette conception n'est pas conforme à la vérité historique. En effet, il faut alors, négligeant complètement le développement que nous avons tenté de retracer, prendre pour point de départ les tra­vaux de Joule, en les considérant, non pas comme une vé­rification du principe (ce qu'ils étaient en réalité), mais comme une démonstration expérimentale. Mais les résul­tats de Joule s'y prêtent encore infiniment moins que ceux de Lavoisier pour la conservation de la matière : les chiffres du physicien anglais varient dans des limites ex-traordinairement larges ... Alors il devient vraiment diffi­cile de supposer qu'un savant consciencieux, en se fondant uniquement sur ces données expérimentales, eût pu arriver à la conclusion que l'équivalent (mécanique de la chaleur) devait constituer, dans toutes les conditions, une donnée invariable".

Le principe de conservation étant admis, la modélisation mathématique va conduire à décrire un système par des fonctions d'état, les variations de ces fonctions représen­tant l'évolution du système. Une fonction d'état est "une grandeur qui s'exprime en fonction des variables macroscopiques qui caractérisent un état d'équilibre du système", telles que la température T, la pression P ou le volume V de ce système. Toute com­binaison de ces variables peut donc être considérée

(n ) Dictionnaire de Physique et de Chimie. G.R.E.P. Paris. Hachette. 1978.

55

comme une fonction d'état, mais le physicien n'utilise que quelques combinaisons particulières. Les deux fonctions d'état fondamentales sont l'Energie in­terne U, et l'Entropie S, et l'on peut en définir d'autres à partir de ces deux-ci.

Si la valeur précise de ces fonctions n'est, en général, pas connue (elles sont définies "à une constante près"), le principe de conservation leur confère une propriété impor­tante : lors d'une transformation cyclique réversible (on revient finalement au point de départ par une infinité d'é­tats d'équilibre), leur variation est nulle. Pour un système isolé, le Premier Principe (ou principe de conservation) se traduit par la constance de l'Energie interne, et le second principe, par l'accroissement de l'Entropie d'un système.

. Substance - Fonction ?

Energie-chose ou Energie-relation ? Les points de vue ont évolué en général en fonction du type d'approche qui était privilégié. Mais même aujourd'hui, si l'aspect fonctionnel est p ré féré , l 'aspect substanciel res te un outil de raisonnement.

Au début du XVUIème Siècle, cette théorie identi­fiant la chaleur à une substance qui pénètre les corps dans tout leur volume, et qui est, en tant que substance,

la chaleur (comme essentiellement indestructible et incréable, fournissait à transfert d'énergie s o n t o u r u n ca(^re conceptuel très utile pour interpréter thermiaue) a été et l'ensemble des faits expérimentaux connus à ce t te époque reste le domaine concernant la chaleur et la température. Celle-ci était privilégié d'une des- considérée comme un "degré", un niveau ou une intensité criDtion matérialiste c 'u c a^ o n '9 u e» Lorsque deux corps à des températures dif-de l'énergie férentes sont mis en contact, ou à proximité l'un de

l'autre, le calorique s'écoule du corps le plus chaud dans le corps le plus froid, jusqu'à ce que leurs températures se soient égalisées, de la même façon que s'écoule l'eau entre deux récipients remplis à des niveaux différents, lorsqu'on les fait communiquer par un tuyau, ou de la même façon que s'écoule l'air entre deux récipients rem­plis à des pressions différentes lorsqu'on les met en com­munication par un tuyau. (12)

Mais une telle description ne fait pas l'unanimité, chez les Physiciens, on s'en doute, mais aussi chez les philoso­

d a ) Francis HALBWACHS. L'histoire de la chaleur. C.U.I.D.E. N° 17, sept. 1980.

56

le foyer actif du réel

croissance du temps.

= augmentation du désordre par des processus irréver­sibles

phes des Sciences, et ce dès le début du XXème Siècle (Cassirer 1910). (13) "Dans les sciences de la nature le réel prévaut et, avec l'énergie nous tenons "le foyer actif du réel". L'énergie par ses manifestations perceptibles est partout, ce que nous voyons n'est rien d'autre que de l'énergie rayonnante, la lumière déclenchant au niveau de notre rétine des ré­actions chimiques dont nous ressentons l'effet. Le toucher, l'odorat, le goût impliquent des opérations qui nous ren­seignent sur l'agencement de notre environnement. Nul n'est donc besoin de "chosifier" l'énergie, son existence liée à ses effets se traduit en fait par une somme de "modalités opératoires effectives et possibles".

. Irréversibilité - Dégradation ?

Il est une notion dont la conceptualisation n'est pas évi­dente : c'est celle d'irréversibilité, pourtant tout naturel­lement liée à celle d'évolution. Pour la comprendre, il faut effectivement faire appel au renversement du temps (cf. ci-après), mais pour la décrire on doit utiliser les ou­tils statistiques qu'ont construit les études des phénomènes dûs au hasard. Le caractère déterministe de l'expérience première crée alors un obstacle au sens de Bachelard. Dans le cas de l'énergie, on est plus enclin à qualifier de pertes ce qui est une forme moins utilisable, une forme dégradée : la chaleur. C'est, en fait, un état plus désor­donné de la matière ... mais finalement plus probable.

Un processus est dit irréversible si le processus obtenu en changeant le signe du temps (celui qu'on observerait en projetant le film à l'envers) est tel qu'il n'apparaît prati­quement jamais en réalité. Mais tous les systèmes ma­croscopiques hors équilibre évoluent vers l'équilibre, c'est-à-dire vers une situation de plus grand désordre. Nous voyons donc que tous ces systèmes présentent un compor­tement irréversible. Dans la vie courante, nous rencon­trons constamment des systèmes qui ne sont pas en équilibre, c'est pourquoi le temps semble s'écouler dans un sens bien déterminé qui nous permet de distinguer claire­ment le passé du futur. Ainsi nous savons bien que les êtres vivants naissent, grandissent et meurent. Nous n'ob­servons jamais le processus obtenu en changeant le signe du temps (possible en principe, mais extraordinairement improbable) où l'on verrait quelqu'un se lever de sa tombe,

(13) Ernst CASSIRER. Substance et fonction (1910). Paris. Les Editions de Minuit. 1977.

57

puis devenir de plus en plus jeune pour disparaître dans le ventre de sa mère. (14)

1 .

1, 2, puis 3

la nature est un ensem­ble de systèmes parti­culièrement bien ordonnés..

l'ordre initial (au début de la vie) correspond à une valeur faible de l'entropie,

qui va croître globale­ment comme celle de tout système évoluant spontanément

G)r<Cfi&)%-3.

ÌWm 11 »ATU«0»T EVENING »OST

Un système isolé quelconque tend à atteindre une situa­tion de désordre maximal, c'est-à-dire celle où son entro­pie est maximale. Ceci a été le principe-clé contenu dans nos postulats statistiques fondamentaux. Des situations il­lustrant ce principe sont extrêmement courantes. Considérons un animal ou tout autre organisme biologique. Bien qu'il soit constitué d'atomes simples (tels que le carbone, l'hydrogène, l'oxygène ou l'azote), ceux-ci ne sont pas simplement mélangés au hasard. En fait, ils sont as­semblés d'une manière très élégante pour donner naissance à un système hautement ordonné.

Supposons qu'un animal soit enfermé dans une boîte de manière qu'il soit complètement isolé. Sa structure hau­tement ordonnée ne pourrait être maintenue. En accord avec le principe d'accroissement de l'entropie, l'animal ne survivrait pas et son organisation élaborée de macromolé­cules complexes se dégraderait progressivement en un mé­lange beaucoup plus désordonné de molécules organiques simples. Le principe d'accroissement de l'entropie donne donc l'im­pression d'un monde évoluant vers une situation de plus en plus désordonnée. Même sans considérer tout l'Univers (qui, peut-être, ne peut pas être valablement considéré comme un système isolé), nous pouvons certainement dire que toute transformation se produisant spontanément dans un système isolé a une direction privilégiée, celle d'une évolution vers une situation toujours plus désordonnéeds). Parmi les grands principes de conservation, celui de l'é­nergie a montré que, s'il correspond à un invariant com­parable aux autres en ce sens qu'il émane, comme les

(14) Frederick REIF. Thermodynamique statistique. Cours de Berkeley. Paris. Armand Colin. 1972.

(15) F. REIF - op. cit. p. 299, 300.

58

autres des opérations réversibles de la pensée logico-mathématique, il ne correspond pas à une réversibilité

dans le cas de l'énergie, physique ou à une "renversabilité" du même type que les sa conservation doit autres. La "dégradation" de l'énergie en chaleur a montré

depuis qu'un tel monnayage n'est effectivement pas réversible, c'est-à-dire que, si l'énergie se conserve, elle descend par contre une pente, avec le fractionnement, qu'elle ne peut plus remonter en système clos parce que ce fractionnement s'accompagne de brassage(J. Piaget).

comprendre la faculté de dégradation, comme lors d'échange de monnaie

2. REPRESENTATIONS ET QUOTIDIEN

quand l'enfant mêle l'inconnu au connu

trouver un moyen d'expliquer ces disparitions

d'un côté à l'autre

2.1. Schemes familiers et pensée scientifique (i6)

L'enfant comme l'adulte "non expert" construit consciem­ment ou non des outils lui permettant d'anticiper les ré­sultats de ses propres actions ou les effets de phénomènes naturels. Dans son exploration du monde il se trouve con­fronté à des actions, des objets nouveaux, des situations au cours desquelles disparaît, ou s'altère, ce qu'il connaît déjà. Par la recherche d'analogies ou d'oppositions, il mêle le connu à l'inconnu en essayant de ramener l'inconnu au connu (17). Depuis l'Antiquité grecque deux points de vue se sont affrontés pour combattre les "disparitions", on peut les résumer par deux formules bien connues :

- "Tout agent pâtit en agissant". On admet que la produc­tion de l'effet se fait au détriment de la cause. Il y a en quelque sorte "consommation" de la cause.

- "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme". On cherche ce qui a pu se conserver en se transformant pour expliquer les "disparitions". Une dualité apparaît entre les termes Consommation-Disparition, Conservation-Transformation, opposition dépas­sée par les lois de la conservation : ce qui disparaît d'un côté apparaît de l'autre en "quantité équivalente suivant le modèle des vases communicants. "Ce modèle pouvant être considéré comme un P-prim c'est-à-dire une

(16) voir Jacqueline AGABRA et Brigitte PETERFALVI, in rapport interne INRP, octobre 1983.

(17) Michel FOUCAULT. Les mots et les choses. Paris. Gallimard. 1966

59

matrice de nos représentations, un paradigme à partir du­quel on peut se représenter les phénomènes".

"Tout agent pâtit en agissant1 'On n'a rien sans rien"

I

pourquoi pas

pour l'enfant nécessité est de partir de son expérience

. disparition

. consommation

COMBUSTIBLE NOURRITURE

Si on admet les lois des conservation

I

brûlée

mangée > -

. conservation (énergie ou matièn . transformation

MOUVEMENT CHALEUR MATIERE

Le Pourquoi ? Question si souvent posée aux enfants en situation d'exploration. A cette question du pourquoi les scientifiques répondent ainsi :

produit

suivant une

loi déterminée

Soumise au paradoxe car comment s'établit la relation dans le cas d'une causalité à distance

En fait l'enfant au cours de la formation de la pensée causale, perçoit bien le paradoxe entre la relation de "production de la cause par l'effet et l'hétérogénéité de "nature" de la cause et de l'effet ; il établit de plus des "ponts", des "relations de similarité" (principe qui consiste à supposer que les propriétés de la cause sont semblables ou correspondent aux propriétés de l'effet (18). Ainsi si l'on considère des véhicules en mouvement ou mis en mouvement il est possible de dire que l'enfant traduit ses représentations à partir de son vécu sensori-moteur.

(18) cf Evelyne CAUZINILLE, Jacques MATHIEU, Annick WEIL-BARAIS. Les savants en herbe. Berne. Peter Lang. 1983.

60

de la cause

à l'effet

L'élan apparaît comme une grandeur hybride entre Force et Vitesse ("Capital de force") permet de vaincre

la force de pesanteur

produit un effet

L'énergie "est une force qui donne un mouvement à chaque chose"

provoque un mouvement

Une bille en haut d'une pente "n'a pas d'énergie" pour l'enfant, elle l'acquiert quand elle descend la pente, d'où l'incompréhension de ce qu'est l'é­nergie potentielle de gravitation. Comment conce­voir qu'elle peut produire un effet dans un corps au repos.

D'autre part si la "cause" (moteur, force) peut produire un mouvement, une absence de cause, stoppe le mouvement, annule la vitesse (cas d'un enfant qui tire un jouet celui-ci se met en mouvement dans la direction de la force). Nous allons retrouver ces types de relations causales im­plicitement dans les différentes réponses des enfants, elles traduisent le vécu de l'enfant par rapport à des situations variées qui pourront lui être proposées tant à la maison qu'en classe mais comment recueillir lors de ces situations, les représentations enfantines ?

2.2. A la récolte de représentations (19)

Comment connaître les représentations des enfants ? Le maître dans sa classe se préoccupe bien plus souvent de ce que l'enfant doit savoir, des progrès à réaliser, que de ce qu'il sait déjà ou croît savoir. En fait, connaître le

(19) Activités d'éveil scientifiques à l'école élémentaire. Recherches pédagogiques n° 108. Paris. INRP. 1980. pp 29-53.

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une récolte nécessaire

les outils de la récolte

point de départ de l'enfant, si confus soit-il, est source d'enseignement. La pensée spontanée demeure un "mythe", ce qui ne signifie pas que l'enfant n'a rien à dire d'une façon spontanée ; la difficulté pour l'adulte est d'obtenir cette situation privilégiée où l'enfant se sent libre de s'exprimer. Rappelons ici les principales techniques utilisées pour s'in­former des représentations des enfants.

. L'entretien

Quand il est possible matériellement c'est la forme rela­tion adulte-enfant qui prime. Cependant cet entretien peut s'élargir, au niveau d'un groupe plus ou moins étendu. L'élève questionné de façon individuelle pourra expliciter ses modes de raisonnement et l'on pourra recueillir le cheminement de sa pensée.

. L'observation in situ

C'est observer les échanges, les communications interacti­ves entre les enfants eux-mêmes, voir comment les ren­seignements donnés par les uns sont utilisés par les autres. Une telle situation, pour conserver la richesse des échanges, nécessite plusieurs "observateurs" extérieurs ce qui n'est pas toujours aisé à réaliser.

. L'analyse de document "papier-crayon"

- Le questionnaire individuel facile à mettre en oeuvre est le plus courant, il se passe en respectant un protocole bien déterminé. Suivant la pertinence, l'ouverture plus ou moins grande des questions, l'analyse des résultats est parfois rendue difficile. Citons par exemple les questions posées en mai 1981 à deux CM d'une école d'Aix-en-Provence (20).

1 - qu'est-ce que l'énergie ? 2 - avez-vous entendu ce mot ? quand ?

à quel propos ? 3 - qu'est-ce que cela représente pour vous ?

Les questions ont été écrites au tableau. Les enfants ré­pondent individuellement. Il n'y a pas de limite de temps imposée.

- Des situations déclenchantes peuvent aussi être

(20) Louis HOT. "Enquête sur les représentations relatives à l'énergie". Document interne INRP. 1982.

proposées. Il peut s'agir d'une situation expérimentale prédéfinie par le maître ou de situations problèmes fai­sant suite à une ou plusieurs activités de classe. Les tra­ces de ces diverses situations seront ensuite source d'in­formations pour le maître car elles sont symptomatiques de représentations sous-jacentes.

. Formulation de l'acquis (dans une perspective d'éva­luation de la démarche pédagogique).

Par l'observation phénoménologique de ce qui se produit au cours de véritables phases de formulation de l'acquis, il sera possible de repérer les obstacles épistémologiques que recelaient ces formulations. L'enfant a-t-il fait évo­luer ou non ce qu'il savait ou croyait savoir ou bien est-il en deçà d'un obstacle épistémologique qui n'a donc pas été véritablement dominé. Il est alors possible de prévoir de véritables tests d'acquisition.

2.3. Les représentations les plus fréquentes

Sans vouloir rentrer dans une présentation détaillée du "comment s'est faite la récolte" il nous est apparu utile à ce stade de notre travail de pointer les représentations les plus caractéristiques des modèles implicites véhiculés par les élèves (et le corps social in extenso...) dans le but de repérer dans une situation donnée ce qui peut être su­jet à "dépassement", à franchissement "d'obstacles objectivés" comme nous le verrons au chapitre suivant.

La var ié té des si tuations (séquences de classe, questionnaires, entretiens...) a permis de dégager certaines constantes dans l'édification de catégories qui, même si elles paraissent quelque peu hétérogènes, n'en sont pas moins utiles pour clarifier et organiser les exemples rencontrés. Nous distinguerons quatre domaines successifs et ordonnés :

1. Les constatations immédiates où l'énergie est sy­nonyme d'évidence : "elle existe, elle est là" avec son as­pect utilitaire - "on ne peut pas s'en passer".

un essai de clarification 2. L'énergie c'est moi !... j'en possède et j'en donne.

Nous retrouverons quelques représentations animistes ou anthropomorphiques.

3. La concrétisation : ce domaine regroupe un cer­tain nombre de représentations de type causal et/ou substantialiste.

des modèles implicites multi-média aux représentations repérées

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4» La formalisation : l'énergie apparaît alors comme un contenu du contenant qui est bien là et qui ne deman­de qu'à "servir" (21).

Le tableau suivant est un essai de classification des re­présentations recueillies lors de séquences de classe tant à l'école primaire qu'au collège.

(21) cf à ce propos les travaux de Michael D. Watts de l'Institut pour l'Education Technologique de l'Université de Surrey, Guildford, Grande Bretagne (1982), publiés sous le titre "L'Education Scientifique répond-elle aux besoins des jeunes à leur sortie de l'école?".

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CONSTATATIONS IMMEDIATES

DESCRIPTIONS "ANIMISTES"

Energie = évidence = utilité

L'énergie : c'est moi !

"L'énergie c'est pas quelque chose de réel qu'on peut toucher ; on voit juste le résultat" (3e) "Quand le coureur court vite , il a de l'éner­gie" (CM) "Un corps qui bouge a de l'énergie" (CM) "C'est quelque chose qui sert à faire fonc­tionner les machines" (3e) "Elle est faite pour être utilisée" (3e) "Sans le pétrole pas de voiture, sans électri­cité pas de lumière, sans énergie on retombe dans l'ancien temps" (3e) "L'énergie ça peut rendre service" "L'énergie c'est le mouvement

"La bille a de l'énergie si je lui fais faire quelque chose"

"C'est quelque chose de vivant qui bouge beaucoup, qui est actif"

"La bicyclette n'a pas d'énergie c'est le garçon qui lui en donne"

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CONCRETISATION

1

Energie = cause

Force Vitesse Elan

"Un objet a de l'énergie quand il a de la force"(CM) "La main tire le jouet qui avance" (CM) "La force de l'eau entrarne la turbine"

"La luge remonte car elle a de l'élan" (CM) "Avec de l'élan les voitures continuent à avancer. "C'est l'élan qui fait avancer le skieur"

L'énergie est alors citée en début de chaîne comme quelque chose qui a le pouvoir de déclencher une action.

•>- FORMALISATION

Energie = ingrédient "en veilleuse"

"La première bille perd son élan quand elle touche la deuxième. Elle le transvase". "Il y a de l'énergie dans la bille, elle en donne à l'autre bille" "La pile n'allume la lampe que si elle contient de l'énergie" "La pile wonder ne s'use que si l'on s'en sert" "L'énergie c'est ce qu'on a en soi" "Si on court on a de l'énergie ; au début on court vite mais on se fatigue ; l'énergie baisse" "L'énergie ça se dépense".

Energie = Fluide Substance

"L'énerg (4e)" "Si l'on plus" "Il vaut maisons

ie s'écoule dans les fils conducteurs

interrompt le

mieux éviter en hiver"...

circuit

qu'elle

cela

sorte

ne s

des

écoule

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3- DES OBJECTIFS-OBSTACLES FRANCHISSABLES

Afin de faciliter au sein d'une classe la mise en place et l'organisation du concept, tout en tenant compte des re­présentations évoquées au paragraphe précédent, il nous appartient de sélectionner les obstacles de natures très diverses que nos élèves auront à franchir : quels sauts in­tellectuels leur demande-t-on, à quelles capacités (en termes de comportement) faisons-nous référence ? Quelles sont les "insuffisances" liées à l'analyse de la matière, mais aussi quels sont les possibles, les obstacles franchissables ?

des objectifs de contenu et de comportement

trop nombreux pour être opérationnels

les relier aux obstacles épistémologiques

3.1. La notion d'objectif-obstacle

Le terme d'objectif est largement utilisé depuis de nom­breuses années et l'on peut trouver dans un grand nombre d'ouvrages des listes ou tableaux d'objectifs, où l'on dis­tingue souvent les objectifs de contenu ou de connaissance et les objectifs comportementaux, d'attitude ou de méthode. Les premiers ne présentent pas ou peu de diffi­culté à définir et les critères d'évaluation en découlent assez facilement. Par contre, pour les seconds, leurs défi­nitions sont moins évidentes et les critères d'évaluation voguent fréquemment dans un "flou artistique" renforcé par le très grand éventail de leurs libellés. C'est une des raisons essentielles qui ont conduit la pédagogie par ob­jectifs à ne rester bien souvent qu'une suite de déclara­tions de bonnes intentions dans l'esprit des maîtres, sans vraiment franchir le cap de l'opérationnalisation. Pour passer à l'étape qui suit la liste d'objectifs-intention et rendre utilisables dans une situation de classe ces longues listes, il faut choisir certains de ces objectifs pertinents par rapport aux projets du maître. Mais pour choisir il faut définir des critères de choix, en relation avec les possibilités et les capacités des élèves.

En liaison avec l'analyse épistémologique de la matière à enseigner, un critère possible est celui d'obstacle à la pensée scientifique, au sens où Bachelard a défini le con­cept d'obstacle épistémologique. Comme le précise Jean-Louis Martinand : "il ne s'agit pas pour nous de transfor­mer en objectifs les obstacles repérés par Bachelard, il s'agit de faire rejoindre deux courants : celui des pédago­gues qui cherchent à travers les objectifs à rendre plus efficaces les actions didactiques et celui des épistémolo-gues qui s'intéressent aux difficultés qu'affronte la pensée scientifique".

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et aux représentations des élèves

et se fixer pour but le dépassement de quel­ques uns

La tâche du didacticien est donc, à la lumière des obsta­cles relevés par l'épistémologue et l'historien des sciences, en prenant en compte les représentations les plus fréquen­tes des élèves ainsi que les notions essentielles de la discipline, de déterminer un nombre restreint d'objectifs correspondant à des progrès que pourra réaliser l'élève. Ces progrès, qui ne peuvent être acquis spontanément, doivent avoir une place prépondérante dans la construction de la pensée scientifique, qu'ils relèvent du domaine des contenus ou de celui des attitudes et des capacités correspondantes.

Supposer que la pensée scientifique s'élabore par dépasse­ments d'obstacles est une hypothèse que l'histoire a fré­quemment validée, et qu'il nous importe de vérifier dans le cadre de situations éducatives où interfèrent le savoir à enseigner, les intentions du maître et les modes de rai­sonnement des élèves. La référence à la notion d'objectifs-obstacles doit contribuer à cette démonstration.

3.2. Des obstacles à franchir

. Obstacles liés aux contenus scientifiques

Au sujet de la "conservation de la force", Helmholtz af­firmait qu'il était impossible de créer une force motrice durable à partir de rien, pour conclure "que la nature

confusion entre force dans son ensemble renferme une réserve de force qui ne et énergie comme cause peut en aucune façon être ni augmentée ni réduite ; la de mouvement quantité de force existant dans la nature est par cons­

équent aussi éternelle et aussi inaltérable que la quantité de matière". Cette assimilation Force-Energiese retrouve dans les premières formulations des enfants :

"la voiture se déplace parce qu'elle a de la force" "l'eau c'est comme i'essence, elle a de la force" "la force c'est l'électricité".

mais le mouvement perpétuel est impos­sible

En dehors de ces déductions purement causales, dominan­tes il est vrai dans la science socialisée, il en existe d'autres où la causalité est moins directement mise en jeu ; la démonstration de l'impossibilité du mouvement perpétuel en fait partie. Meyerson remarque que pour Leibniz cette impossibilité n'est qu'un simple corollaire du principe causal, alors que pour Carnot, si elle est démon­trée pour de seules actions mécaniques, le doute persiste pour les phénomènes électriques et thermiques, et pour Helmholtz c'est une vérité d'expérience. En fait l'observa­tion quotidienne ne nous donne en aucune façon la convic­tion de son impossibilité, et la foule des "inventeurs" qui s'y est intéressée nous en donne la preuve. Meyerson en

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l'approche de la conservation nécessite la définition du système

et celle de système isolé

deux exemples pris au niveau des enfants

conclut "qu'il ne suffit pas de faire des expériences sans succès pour montrer l'insolubilité du problème. Ainsi la conservation de l'énergie, tout comme l'inertie, comme la conservation de la matière n'est ni empirique, ni apriori-que ; elle est plausible".

Autre exemple d'obstacle du même type, la notion de sys­tème : la loi de conservation est valable pour un système qualifié d'isolé. Pour vérifier que ce système n'échange rien avec l'extérieur, il faut être à même de déceler un éventuel échange, un transfert hypothétique, une variation de l'énergie interne de ce système, de voir s'il a subi des transformations. Il apparaît alors que l'on peut énoncer de telles lois :

- en considérant un système isolé dans lequel la quantité de "quelque chose" reste constante

- en considérant la manière de mesurer les augmen­tations et les diminutions de la quantité totale dans un système ouvert.

La signification du terme isolé explique les deux formula­tions de la loi : il n'y a dans ce cas ni échange de matière, ni échange d'énergie.

La conservation de l'énergie peut nous laisser croire que nous avons de l'énergie à volonté. Dans le système Nature, l'énergie ne se perdrait ni ne se gagnerait ? Ce­pendant l'énergie de tous les atomes de la mer, leur agi­tation thermique, nous est pratiquement inutilisable. Exis­tence n'est donc pas disponibilité : la conservation de l'é­nergie signifie que l'énergie totale dans l'univers reste constante. L'important pour des enfants, comme pour des adultes, est de se situer par rapport aux autres, mais aus­si par rapport aux éléments qui les entourent : tout rési­de dans le choix du référentiel ... du système auquel on appartient. La notion de système, reliée à l'enfant, exis-tencialise l'approche.

La définition du système dont on parle est donc, au ni­veau des enfants, une première "mise en place conceptuelle" indispensable. Prenons deux exemples, le premier est celui d'un pendule : au départ il semble suffi­sant de prendre le seul pendule comme système pour étu­dier son mouvement ; mais il devient vite nécessaire d'é­largir le système à l'air ambiant lorsque les enfans re­marquent que ce pendule s'arrête, qu'il y a des frottements. Le second est celui d'un circuit électrique simple constitué d'une pile et d'une ampoule : les deux éléments sont suffisants pour comprendre la notion de circuit et de courant électrique, mais lorsque les enfants s'aperçoivent que la pile "s'use", il faut inclure l'air am-

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biant dans le système. Ceci montre que cette notion de système est nécessaire à élaborer pour rendre pertinente la notion de transfert, puis pour aller à la conservation.

Si l'on convient que tout système physique contient de l'énergie, en ce sens qu'il peut en échanger avec d'autres systèmes, l'énergie interne (comme fonction d'état) permet

peur aller vers l'Energie de décrire l'état du système, un nouvel obstacle apparaît, Interne et les transferts celui d'interaction, car il y a interaction dans et hors du entre systèmes système.

Dans le système, les éléments qui le constituent interagissent, et son "contenu" peut être caractérisé. Si deux systèmes interagissent, il y a alors transfert d'énergie, ce transfert étant orienté d'un système vers l'autre (et ce processus n'est pas renversable dans les mêmes conditions). S'il y a transfert il y a nécessairement interaction ... mais il peut y avoir interaction sans transfert. Il devient indispensable de préciser ce que l'on entend par transfert d'énergie, ce que l'on peut observer dans notre environnement. Nous distinguerons quatre modes de transfert, liés à qua­tre types d'interaction entre deux systèmes :

- le travail mécanique : c'est le travail des forces exercées par un système sur un autre ; on constate qu'il y a augmentation de l'énergie interne du premier et dimi­nution de celle du second, mais qu'en même temps il y a mise en mouvement ou maintien du mouvement ordonné de la matière ;

- le travail électrique : ce sont les forces de nature électrique qui sont en jeu ici entre deux systèmes qui échangent de l'énergie, échange accompagné d'une mise en mouvement ordonné ou d'un maintien en mouvement de charges électriques ;

- le transfert par rayonnement, qui s'effectue grâce aux ondes électromagnétiques, sans support matériel, et éventuellement sur de très grandes distances. D'une cer­taine façon on peut dire que tout transfert d'énergie qui n'est pas de l'un des trois autres types (mécanique, élec­trique ou chaleur) est un transfert par rayonnement, même si historiquement on a souvent inclus le rayonne­ment dans la chaleur ;

- le transfert thermique ou chaleur, qui nécessite un contact entre les deux systèmes : il s'accompagne toujours d'un transfert d'agitation désordonnée des particules des deux systèmes dans le voisinage du contact.

Dernier obstacle que nous citerons dans cette catégorie, c'est celui de la notion de processus irréversible concer­nant les phénomènes physiques. "S'il est clair pour beaucoup, note Feynman, que les phénomènes naturels

quels modes de trans­fert faut-il retenir ?

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sont irréversibles (une tasse lâchée se casse ; quand on parle, la voix s'envole dans l'air et ne revient pas s'en­gouffrer dans la bouche ; toute l'évolution des vivants s'effectue à sens unique ...), si le monde réel est fait d'atomes, que nous soyons nous-mêmes faits d'atomes et obéissions aux lois physiques, l'interprétation la plus sim-

, . pie de cette irréversibilité de tous les phénomènes serait 1 irréversibilité des que certaines lois du mouvement des atomes définissent phénomènes physiques u n s e n s privilégié - que certains mouvements atomiques

ne puissent avoir lieu dans les deux sens ... Ce fonction­nement à sens unique des interactions entre les choses se­rait la cause de l'apparent déroulement à sens unique de tous les phénomènes naturels. Mais on n'a rien trouvé de semblable jusqu'à présent : la loi de la gravitation est ré­versible dans le temps, les lois de l'électricité, du magnétisme, des interactions nucléaires et de la radioac­tivité bêta sont réversibles par rapport au temps (quoiqu'un doute subsiste pour la dernière de ces lois) ..." Dans le cas des transferts d'énergie, cet obstacle se re­trouve dans le processus de dégradation ; des points de vue linguistique et physique ce processus est effective­ment irréversible : ce qui est dégradé n'est plus utilisable (par exemple les fruits qui mûrissent, l'essoreuse à salade qui tourne finit par s'arrêter ...).

. les obstacles linguistiques

Les mots d'Energie, Conservation, Système, Interaction, Transfert, Transformation ...sont introduits par les scienti­fiques pour expliciter un signifié, une loi, un principe. Ces mêmes mots véhiculés par les médias prennent des connotations variées et persistent dans un implicite intel­lectuel et conceptuel ; l'esprit humain fait un genre d'a­malgame inconscient, qu'il finit par avoir des difficultés à concilier, à intégrer, à s'approprier. Le vocabulaire actuel et celui des médias n'ont pas de cohérence. Par exemple le terme "énergie" est utilisé pour désigner un mode de transfert et non pas un contenu : ainsi "énergie rayonnante" est utilisée à la place de "transfert d'énergie par rayonnement", "énergie électrique" est utilisée à la place de "travail électrique", "chaleur", "énergie thermique", "énergie calorifique" relèvent du même genre de confusion. On pourrait citer encore d'au­tres exemples de ce type et l'on conçoit que le langage puisse faire obstacle à la compréhension, à la conceptuali­sation chez les enfants.

. les obstacles liés au développement de l'enfant

Aborder l'énergie par ses propriétés de conservation, donc chercher à faire reconnaître aux enfants les caractéristi-

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ques d'une relation de conservation, va aller à l'encontre du mode de ra isonnement qu'ils pra t iquent plus facilement : la relation causale. Le scheme causal possède effectivement une prégnance et un caractère explicatif bien supérieurs au scheme conservatif, même au stade des premières années d'études universitaires. Et ceci d'autant plus qu'une relation de conservation pro­prement dite n'est pas une identité, mais une relation d'é­quivalence à travers un changement. Autrement dit, une loi de conservation ira très souvent de pair avec une loi de transformation : certaines choses changent, mais de façon telle que dans les mêmes conditions d'autres ne changent pas.

Autre obstacle à cette construction qui va apparaître chez les enfants, la difficulté à s'attacher à une propriété particulière : il semble que l'attention des enfants se por­te avant tout sur la découverte même de l'invariant en tant que quantité composée, appliquée aux objets, plus qu'à l'explication proprement dite du phénomène : c'est la difficulté de la généralisation et de l'abstraction des phé­nomènes observés.

. Les obstacles liés à l'approche méthodologique

Ils pourront être d'ordre technique ou bien d'ordre pédago­gique : - la diversité des situations de transfert d'énergie ne permettra pas toujours la reconnaissance immédiate du "passage" d'une grandeur entre les systèmes mis en jeu : les enfants reconnaissent assez bien un transfert de la source vers le récepteur quand le récepteur est de même nature que la source, par exemple entre une pile et une ampoule. Mais cette reconnaissance devient plus délicate si les natures sont différentes, par exemple entre un pis­tolet à ressort et une fléchette ; - l'observation est aussi cause fréquente d'obstacle : les phénomènes qu'on peut étudier semblent parfois si simples qu'il est difficile de savoir si l'enfant se trouve effecti­vement devant un problème à résoudre, ou si, placé de­vant un fait très habituel et "qui se comprend de lui-même", il se contente d'une simple description, d'une suc­cession dans le temps ; - la capacité à séparer les variables qui interviennent dans la description d'un phénomène naturel pour en faire une analyse scientifique ne va pas non plus de soi : l'es­prit préscientifique est immédiatement capté par l'aspect global de ce phénomène et il faut un effort pour dégager les différents paramètres mis en jeu et se centrer sur leurs relations ;

- le recours aux grandeurs mesurables est aussi cause d'obstacles : les problèmes liés à la quantification des si­tuations rencontrées dans le cadre de la classe sont sou­vent source d'ambiguité, de confusions, dont il n'est par­fois pas aisé de sortir. Sans vouloir minimiser l'importance des mesures en physique, leur impact, leur pertinence est très souvent discutable sur le plan de l'organisation intra-conceptuelle, de la trame et des choix pédagogiques. Il y a cependant des approches qui demeurent plus "possibles" que d'autres, et nous allons en rencontrer dans le paragraphe suivant.

3.3. Quels obstacles sont franchissables ?

Au vu des observations réalisées dans les classes, il appa­raît qu'il est possible de faire "ressentir", de "sensibiliser" des enfants de l'école élémentaire et du premier cycle des collèges aux concepts précédemment exposés, à condi­tion que les enseignants soient conscients des difficultés, des obstacles qu'ils doivent faire franchir à leurs élèves, des transpositions didactiques qu'ils devront mettre en place afin de guider au mieux les "apprenants" dans une trame, un réseau sémantique et conceptuel délicat, diffici­le à appréhender sans outil fonctionnel ni une réflexion personnelle "éclairée".

Ainsi de nombreux travaux ont montré qu'il est envisagea­ble de :

- montrer qu'on ne peut pas obtenir d'énergie à par­tir de rien ("On n'a rien sans rien"...)

- montrer qu'un système donné est porteur d'une cer­taine "capacité", d'un certain "contenu"

- montrer que cette "capacité", ce "contenu" qu'il possède, peut se transférer, se "transporter", se transborder"

- montrer que cette "capacité à" ne fonctionne pas dans les deux sens.

En multipliant les exemples, au niveau mécanique pour commencer (pour leur plus grande simplicité), les enfants dès l'école élémentaire pourront approcher l'idée que "quelque chose se transmet", que globalement et dans des domaines privilégiés, ce quelque chose peut rester "pareil", tout en restant conscient qu'une représentation substancialiste de l'énergie (que l'on met en jeu ici) est loin d'être innée pour ces enfants.

Essayons, à présent, de mettre en relation sous la forme d'un tableau les représentations les plus fréquentes qui ont été relevées dans le chapitre précédent avec les obstacles

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que nous venons d'évoquer, pour tenter de préciser quel­ques objectifs-obstacles utilisables dans les niveaux d'en­seignement où les équipes ont travaillé, (voir pages 74 et 75)

4. DES EXEMPLES DE SITUATIONS DIDACTIQUES

Si l'on se réfère à une suite de séquences de classe ca­ractérisées par leur fonction déclenchante et liées à un réseau d'obstacles à franchir, prédéterminés par le maître , il sera alors possible de faire évoluer les repré­sentations des enfants et d'atteindre des niveaux de for­mulations de plus en plus élaborés à partir d'une "zone" conceptuelle donnée. Si la prise de conscience par le maître de la réalité intellectuelle des représentations enfantines, tant sociales qu'économiques et intuitives, semble fondamentale comme préalable à toute démarche pédagogique réfléchie, le choix des situations didactiques à proposer n'en demeure pas moins délicat et difficile. Les deux situations présentées et analysées dans les pages qui vont suivre proviennent d'un travail de recherche ré­alisé par des professeurs d'Ecole Normale avec les maî­tres d'école primaire et la participation interactive des enfants. Elles ne sont ni des exemples, ni des "modèles" mais simplement des possibles parmi d'autres.

4.1. Jouons à la luge (22)

L'analyse de la matière montre que l'approche du concept d'énergie peut être guidée par deux points de vue com­plémentaires : l'échange et la conservation. De nombreux travaux montrent que la première approche, souvent motivée par des préoccupations d'ordre tech­nologique (mettre des véhicules en mouvement, produire de l'électricité isoler du "froid" et du "chaud"...), est réa­lisable dès l'école élémentaire. A ce niveau les enfants sont capables d'isoler le système (ou objet) SOURCE (pile, ressort comprimé, eau maintenue en altitude ...) du sys­tème (ou objet) RECEPTEUR (ampoule, moteur, flèche, roue à aubes ...). Le premier système capable de produire un effet visible

(22) D'après le travail réalisé par Jean-Claude GENZLING (EN de Colmar) avec la collaboration de Frank TEMME, CPEN et Daniel R1BER, instituteur.

des difficultés existent ; les prendre en compte et faire preuve d'imagi­nation et de réflexion

74 75

Aspect

explicatif

La force c'est l'action qui met en mouvement un système.

Le mouvement est caracté­risé par ses conditions initiales.

L'activité d'un objet ou d'un être vivant est un état différent de l'immobilisme.

Il faut remplir un "réservoir" pour permettre une évolution.

Analogie entre énergie et mouvement : dans une chafne il y a transmission de quelque chose.

Objectif-

Obstacle

Différencier force et mouvement : la force change le mouvement du système, l'énergie est la capacité de ce système à évoluer.

Définir un mouvement comme une relation entre coordonnées d'espace et le temps. La "capacité" du mouvement peut exister même sans évidence de mouvement.

Qualifier tout système (immobile ou non) d'une capacité à évoluer.

Reconnaître et désigner des changements de capacités d'un objet ou d'un être quant à son évolution.

Caractériser l'énergie comme un paramètre physique, alors que le mouvement n'est qu'une relation.

Moyens de

dépassement

La force est une action extérieure au système, l'énergie une propriété interne. Il faut préciser la définition de systèmes par regroupements de nombreux exemples.

Etude de la vitesse, para­mètre reliant espace et temps. L'énergie d'un système peut se déterminer à partir de sa vitesse.

Chercher à décrire l'évolu­tion à venir d'un objet ou d'un être à partir de l'obser­vation de son état actuel et de son passé.

S'attacher à faire le bilan des transformations d'énergie.

Définir et mesurer les paramètres dont dépend l'énergie au cours de transformations.

I Identification des

Représentations

Energie-Force "La voiture se déplace parce qu'elle a de la force"

Energie-Elan "La flèche a de l'énergie quand elle vole. (Quand elle s'arrête) elle est épuisée. Elle s'est volatilisée. Elle s'est envolée".

Energie-Evidence "C'est quelque chose de vivant, qui bouge beaucoup ou qui produit des choses, qui est actif".

Energie-Carburant "Une pile non usée a de l'énergie quand elle peut allumer une ou plusieurs ampoules".

Energie-Fluide "L'énergie passe sur la première lampe, qui ralentit l'énergie pour la deuxième et la troisième. L'énergie n'arrive pas assez vite pour la quatrième et la cinquième lampe".

Opérations logico-

mathématiques en jeu

Mise en relation causale mouvement-force

Le mouvement est caracté­risé par une propriété intrin-sèquerl'élan. Cette propriété disparaît quand le mouvement s'arrête : relation entre effet et cause.

simple constatation (première description du phénomène, sans recherche de variable)

Mise en relation causale entre l'évolution et la consommation.

Symbolisation : l'énergie est une grandeur qui peut être transférée entre les éléments d'un système (ou entre des systèmes reliés)

Obstacles

rencontrés

- Langage : assimilation force-action avec le mou­vement

- description pré-newtonnienne du mou­vement

Connaissance généralerune propriété n'existe que si elle est apparente. L'abstraction n'est pas encore possible.

- animisme des objets - anthropomorphisme

L'énergie se consomme (pas de conservation)

Substancialisme : l'énergie est considérée comme un fluide dont l'écoulement s'épuise le long du parcours.

(échauffement, changement d'état, mouvement ...) au ni­veau du second système, possède une "capacité à", une potentialité que nous appelerons énergie. Le deuxième système peut à son tour acquérir cette po­tentialité et la transférer à un troisième système. L'idée d'énergie est alors liée, comme nous l'avons déjà évoqué,

un sujet glissant à l'idée de chaîne causale. L'énergie ou la capacité d'un système à produire un effet peut s'épuiser, elle peut être plus ou moins grande avant tout échange (ou transfert) vers un autre système ; l'effet produit peut varier tant en durée qu'en intensité dans le même sens.

La deuxième approche en terme de conservation davanta­ge "physique" paraît plus difficile. Elle nécessite que l'on focalise son attention sur un système qui évolue, et que l'on examine les changements (ou transformations) qui se produisent en son sein. A priori toute étude quantitative est exclue car, en général, elle s'appuie justement sur l'i­dée de conservation que l'on cherche à établir. Les difficultés ne sont pas seulement d'ordre expérimental ou liées au choix d'une situation ; on peut se demander en effet si l'idée même de conservation, non fondée ici sur le vécu réel des enfants, peut être intégrée à sa fonction opératoire. S'il est vrai que la conservation de la matière, ou la conservation de la masse etc ... ne sont guère accessibles avant un certain âge, il en est de même de la conservation de l'énergie. Cependant, même si le principe général de la conservation de l'énergie reste une préoccupation lointaine de l'enfant de l'école élémentaire, on peut néanmoins s'interroger et essayer de construire partiellement cette notion par l'étude de quelques situa­tions motivantes liées au vécu de l'enfant.

Ainsi pour luger, dans la situation de départ, l'enfant a le choix entre deux terrains :

D Nv

P : pente l P N. P : pente 2 N.

\ *. 0 P, A

2 Terrain (a) Terrain (b)

Le choix individuel sera guidé par la pratique personnelle de chaque enfant, en tenant compte des avantages et/ou des inconvénients de chaque terrain. La majorité des en­fants sait qu'en (b) la luge remontera la pente OA et qu'en (a) elle s'arrêtera aussi mais "plus tard".

Pourquoi cette situation ? Elle permet aisément de : - cerner dans un premier temps les représentations

des enfants liées à l'énergie de mouvement ou cinétique, son origine, sa transformation éventuelle en énergie dite

77

- poser un problème, réalisable en classe à l'aide d'une maquette, résolu expérimentalement (bille roulant sur un rail)

- rechercher si une grandeur se conserve au cours du mouvement de la bille (conservation de l'énergie mécanique)

Résumons quelques réponses d'enfants obtenues lors des premières discussions en classe.

La vitesse de la luge L'élan de la luge peut peut dépendre : dépendre :

de l'inclinaison de la • de l'inclinaison de la pente la pente de la longueur de la . de la hauteur du point pente de départ de la luge . de la poussée des jambes de la neige . de l'état de la neige de la hauteur de la . du poids de la luge neige . de la poussée des jambes du poids de la luge au départ du point de départ . de la vitesse... de la façon de s'asseoir sur la luge de la masse portée par la luge

Remarquons que l'élan peut dépendre de la vitesse, et vice-versa, mais les enfants ne confondent pas vraiment les deux grandeurs. La vitesse apparaît comme une cons­équence de l'élan acquis par un mystérieux mécanisme d'échange. L'origine de l'élan pose problème : il est tantôt donné par la pente, tantôt donné au départ en "poussant" avec les jambes. La référence existentielle liées aux disciplines sportives est très prégnante, le mot énergie n'intervenant que pour expliquer la relation entre élan et vitesse. Quelles sont maintenant les questions qu'il est possible (par exemple) de poser aux enfants :

. quelle est la position du point d'arrivée de la luge ?

. pourquoi la luge remonte-t-elle jusqu'au point A sur la pente P2 ?

. pourquoi en descendant sur la pente Px la luge prend-elle de l'élan ?

. pourquoi la luge ne va-t-elle pas plus loin ?

. pourquoi la luge n'a-t-elle plus d'élan au point A ?

. pourquoi l'élan s'épuise-t-il au fur et à mesure que

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la luge remonte la pente P2 ? . de quoi peut dépendre la vitesse de la luge ? . de quoi peut dépendre l'élan de la luge ?

A ces questions, voici quelques réponses des enfants que nous avons essayé de regrouper et de classer.

Que disent les enfants

La luge va plus loin dans (a) que dans (b) pour 25 % des élevés

Si on augmente la distance OD la distance OA augmente vrai pour la majorité

La distance on dépend de la distance 0 0 mais aussi de son inclinaison

1 La pente Pi ' La luge qui prend de l'élan

en descendant ' La luge qui reçoit de l'élan

au départ

/

La remontée de la luge est attribuée a l'élan acquis par la luge

La luge prend de l'élan parce que la pente est raide

Quand elle descend elle n'a pas besoin de force ... et comme ça glisse tout seul, elle prend de la force, il lui faut une force

Plus le poids est lourd, plus l'élan est important

C'est comme un ballon de baudruche, si on le lâche, il part et au bout d'un moment, comme il n'a plus d'air il s'arrête. Alors je me demande si l'élan n'est pas l'air et quand le ballon n'a plus d'élan, il s'arrête

La luge s'arrête quand elle n'a plus d'élan, que la vitesse est a zéro

L'élan s'épuise à cause de la pente P2

Parce que la luge n'a plus de force

Parce que le sol freine ta luge, en l'air elle continuerait à monter

Référence Existentielle

Parce qu'elle perd moins vite son élan

Elle a moins d'effort à fournir, elle usç_ moins son élan ; Moi aussi j'ai moins de mal à monter une pente moins caide

Elle a moins d'énergie, moins d'élan a fournir

y Substance/

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de l'élan, toujours de l'élan

L'élan souvent cité par les enfants pourrait désigner l'é­nergie cinétique ; les enfants emploient aussi le mot force et même le mot énergie. L'élan est caractéris­tique d'un corps en mouvement (il pourrait d'ailleurs aussi aussi désigner la quantité de mouvement). D'où vient-il ? il est en général la cause du mouvement : c'est la poussée reçue par la luge au départ, c'est aussi la raideur de la pente Pj , mais encore c'est la luge qui l'acquiert elle-même en descendant. En aucun cas cet élan, qui ne peut être confondu avec la vitesse, n'est dû à la transformation d'une autre grandeur liée à la po­sition de la luge. Quel est son rôle ? il est la cause du mouvement sur la pente remontante mais cet élan s'épuise lorsque la luge remonte et, devient nul, lorsqu'elle s'arrête. Il se "consomme plus ou moins vite" suivant la raideur de la pente.

jouons aux billes mais en réfléchissant

Remarquons cependant que, pour les enfants, si la pente Pj peut donner de l'élan, la pente P , elle n'en reçoit pas ; sa "disparition" est reliée à l'inclinaison de la pen­te P2 mais aussi à l'existence de forces de frottements.

A partir de l'analyse que nous venons succinctement de réaliser il est possible de proposer ensuite des activités de résolution de problème à partir d'un matériel simple (rail + bille) à partir duquel les enfants pourront faire va­rier les différentes inclinaisons des pentes P, et P , et observer notamment que la bille remonte a la même hauteur, même si intuitivement ils ressentent l'effective intervention des forces de frottement.

P deux cales de même hauteur

A partir d'un problème comme "De quoi peut dépendre la distance parcourue par la bille", les enfants sont amenés à formuler avec une précision croissante ce qu'ils ont observé.

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Les énoncés suivants ont été recueillis après un travail collectif de mise en forme du contenu.

E I

E 2

E3

E4

E5

E6

La bille part au dessus de la cale i et arrive toujours au dessus de la cale 2, peu importe l'inclinaison de P ,

La bille part d'une hauteur donnée sur la pente i et arrive toujours à la même hauteur sur la pente 2, quelle que soit l'inclinaison de la pente 2

La bille part d'une hauteur donnée sur la pente 1 et arrive toujours à la même hauteur sur la pente 2, quelles que soient les inclinaisons des pentes 1 et 2

La luge part d'une hauteur donnée sur la pente 1 et n'arrive pas tout à fait à la même hauteur sur la pente 2 à cause des forces de frottements

Idem que 4 mais pour la bille

En descendant la pente P , l'énergie de hauteur se transforme en énergie de vitesse. En remontant la pente 2 l'énergie de vitesse se transforme en énergie du hauteur. Au point A elle n'a plus que de l'énergie de hauteur. Aux points D et A la bille a la même énergie de hauteur

L'inclinaison de 2 n'intervient pas

L'inclinaison de 1 n'intervient pas

Peu importe les inclinaisons de 1 et de 2

Retour à la luge

Question posée : "y-a-t-il quelque chose qui reste pareil au cours du mouvement ?"

Les énoncés E et E établissent une relation spatiale en­tre le point de départ et le point d'arrivée de la bille : la hauteur à l'arrivée est la même (ou presque) que la hauteur au départ ; ce constat est vrai quelle que soit la masse de la bille et quelle que soit l'inclinaison des pen­tes P, et P2 . Par ailleurs en observant le mouvement de la bille les enfants voient que lorsque sa hauteur diminue, sa vitesse augmente et réciproquement. Les enfants peuvent-ils concevoir que quelque chose se conserve au cours de ce mouvement ? Spontanément non, mais on peut provoquer cette idée en reformulant la phrase souli­gnée ci-dessus à l'aide d'un vocabulaire différent : lorsque la bille perd de la hauteur, elle gagne de la vitesse et, lorsqu'elle gagne de la hauteur, elle perd de la vitesse.

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Par la question amenant en fin de séquence à la formula­tion de l'énoncé Eg, on peut observer un changement total de point de vue entre E- et Eg, E est inclu dans Eg, et nous approchons la notion de conservation sur le plan qua­litatif avec une sensibilisation à la quantification par la notion de transfert d'énergie de hauteur en énergie cinétique. Pour arriver à la notion de conservation, l'idée de pente, d'inclinaison, reste un obstacle bloquant, elle in­duit celle de hauteur, de vitesse. Au plan qualitatif, h varie et v varie. En réalité la masse n'intervient pas. C'est le rapport Ja - =-j£2- + g x n qui reste constant. La seule façon d'aller plus loin sur le plan quantitatif serait de créer un logiciel qui puisse repérer h, v et don­ner le nombre V2 + gh avec le schéma de l'expérience. Les enfants ont bien séparé des variables mais, si la con­clusion est correcte du point de vue mécaniste, elle reste fragile du point de vue énergétique ; l'enfant ne peut pas savoir que le paramètre hauteur est plus pertinent que le paramètre pente. Ce choix de la variable pertinente de­meure un obstacle d'ordre psycho-génétique. En CP l'en­fant ne pourra pas le surmonter ; l'adulte non spécialisé le dépassera en opérant comme les enfants, en donnant toute une série de variables sans choisir forcément la plus pertinente. Pour conclure, peut-on dire que les enfants ont accédé à la notion de conservation de l'énergie ? Au plan général certes non, mais dans ce cas particulier une telle succes­sion de séquences peut constituer le point d'appui qui permettra a l'enfant de saisir ce principe le jour où une situation nouvelle lui sera présentée.

4.2. A partir de la visite d'une centrale hydroélectrique^)

. Les points essentiels de la progression les enfants avaient visité, quelque temps auparavant, une petite centrale hydroélectrique, visite au cours de laquelle des commentaires avaient été donnés par les enseignants et un responsable de la centrale. Les objectifs de l'activi­té en classe sont centrés sur la notion d'énergie sous ses aspects mécaniques (énergie de position, énergie de vi-

(23) Le texte du compte rendu de cet ensemble de sé­quences est paru dans le bulletin Aster n°20 (p. 55 et suivantes), rédigé par Louis Hot. Il s'agit d'une activité réalisée avec 25 enfants d'une classe de CMi (9 à 10 ans) durant quatre séances.

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tesse, transferts ...). Au cours de la première séance, la maîtresse demande aux enfants d'écrire un texte sur la visite de la centrale et de l'accompagner éventuellement d'un dessin. Elle espère ainsi recueillir les représentations les plus courantes chez les enfants. La seconde séance est centrée sur l'observation puis sur les commentaires des enfants de quatre diapositives représentant des éléments importants de la centrale : les réflexions des enfants sont enregistrées avec un magnétophone ; les diapositives ayant été projetées sans ordre, on leur demande de les placer dans un ordre logique en explicitant leurs critères de classement. Au cours de la troisième séance les enfants ont présenté des propositions d'expériences visant à mon­trer comment transformer l'énergie de position en énergie de vitesse. L'idée de faire tourner une turbine par le jet d'une vapeur produite par chauffage est émise par un en­fant et la quatrième séance consistera à réaliser une ma­quette sur ce principe.

. Quelques expressions caractéristiques d'enfants

De nombreuses formulations ont été proposées au cours des diverses activités et nous en retiendrons quelques unes qui semblent caractéristiques, d'une part du niveau spon­tané de cet âge, d'autre part de l'évolution obtenue en fonction des objectifs de la maîtresse.

El : Nous avons vu de l'eau qui bouillonnait dans un bassin. Un monsieur nous a dit que c'était pour faire de l'électricité. Cette expression est uniquement descriptive et l'idée de l'enfant est imprégnée de phénoménisme : le rapproche­ment du bouillonnement et de l'électricité.

E2 : L'électricité est faite de courant que les fleuves ont en descendant. Ici l'expression de l'enfant révèle un obstacle linguistique véhiculé par la polysémie du mot courant : courant élec­trique et courant d'un fleuve.

E3 : Une usine hydroélectrique est une usine qui fabrique de l'électricité avec de l'eau. L'eau passe dans la turbine et va dans l'alternateur. L'eau se produit en électricité. Chez cet enfant les éléments de la situation et leurs en­chaînements ne sont pas bien perçus et conduisent à une description syncrétique de la t ransformat ion.

E4 : J'ai vu l'eau qui passait dans de gros tuyaux et en­suite elle allait dans la turbine qui la transforme en élec­tricité et ensuite passe dans le disjoncteur. L'idée de t ransformat ion apparaît dans cette expression,

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mais en restant au niveau de la description chronologique des diverses étapes, sans relation causale entre elles.

E5 : L'électricité est faite avec l'eau. L'eau passe par une turbine. Après elle passe dans quelque chose qui produit de l'électricité. Après, l'électricité, on la fait passer dans des fils électriques. Ici aussi, la description est uniquement chronologique en­tre les éléments de la chaîne de transformations et l'on voit apparaître l'obstacle substancialiste : l'électricité dans les fils.

E6 : C'est l'eau (qui fait tourner la turbine). Comme elle va très très vite, elle fait tourner les pales et ça rejoint l'axe qui va dans l'alternateur qui fait l'électricité. Le rôle du mouvement de l'eau est perçu : l'eau a une fonction causale ; mais il reste dans cette expression une part d'animisme : l'eau "fait tourner" les pales et l'alter­nateur "fait" l'électricité. La nécessité d'une source (énergétique) n'est pas entrevue.

E7 : Maintenant qu'elle va fort, elle fait tourner les pales et ressort par les bouches. Le cheminement de l'eau semble compris et, dans cette formulation, apparaît une cause au mouvement des mécanismes, une capacité (la "force") de l'eau.

E8 : Ce qui fait tourner la turbine, c'est l'eau. Comme elle arrive très fort par le tuyau, ça la fait tourner très très vite. Dans la chaîne cinématique il y a transmission d'une grandeur liée à la "force" et la vitesse. Mais cette transmission semble s'accompagner d'une amplification : il n'y a pas encore de recherche de conservation.

E3 : (L'eau va très for t ) parce qu'elle vient de très haut, donc elle a beaucoup de force. Mise en relation causale entre la hauteur de la source et la capacité de l'agent : on a ici une première idée de l'é­nergie de position (l'énergie potentielle de gravitation du physicien).

E10 : La turbine tourne pour entraîner un axe qui va à l'alternateur. L'alternateur produit de l'électricité pour la distribuer dans la ville ou le village, par les fils électriques, par le disjoncteur etc ... La chaîne cinématique se précise et l'électricité, capacité extraite du mouvement, n'est plus une grandeur substancielle, du moins elle peut apparaître sous des for­mes diverses.

Essai de classification en niveaux de formulation

Compte tenu de la nature des activités, mises en jeu, des interventions de la maîtresse et de la structuration pro­gressive qui s'opère dans l'esprit des enfants, on peut classer ces formulations en trois niveaux, caractérisé cha­cun par un obstacle primordial qu'une situation déclen­chante a permis en grande partie de dépasser.

- un premier niveau, décrit par les exemples Ez à E , qu'on peut qualifier de niveau descriptif, tant dans le do­maine spatial que chronologique, et pour lequel l'obstacle substancialiste est très pregnant.

- un second niveau qui s'appuie sur les exemples Eg, E_ et Eg où les enfants centrent leurs explications sur l'a­gent moteur qu'est l'eau, et dont ils dégagent petit à pe­tit les caractéristiques cinétiques (vitesse et force) pour les relier à l'action de rotation de la turbine. A ce niveau, les paramètres spécifiés ne sont pas encore reliés entre eux, mais la fonction de l'eau est comprise. Il n'y a plus interpénétration des fonctions comme chez E : un obstacle technique (la fonction de chaque élément de la chaîne) semble dépassé.

. Le troisième niveau correspond aux formulations Eg et E I Q : les relations causales sont clairement exprimées entre les paramètres isolés précédemment, l'eau en tant qu'agent, la hauteur de chute, la force, l'électricité ... La chaîne cinématique n'est plus seulement une succession d'objets techniques intervenant successivement, mais cha­cun est l'effet d'une cause qui le précède, et la cause d'un effet qui lui succède. On est en voie vers la recher­che d'une grandeur commune à tous ces maillons et qui passe de l'un à l'autre. La possibilité d'une origine non mécanique de cette grandeur (la nature thermique émise par un enfant, et acceptée par la classe) est une avancée vers la généralisation qui conduira à l'énergie. Néanmoins, comme le note Louis Hot, au cours de ces di­verses séances les enfants n'ont pas utilisé spontanément le mot énergie, et, si les exemples donnés dans le compte rendu peuvent laisser croire que la notion est en partie dégagée, les réponses des élèves dans la dernière séquence montrent qu'il n'en est rien. Et même si le terme énergie a été prononcé, sur proposition de la maîtresse, les en­fants n'en ont pas exprimé le besoin, preuve que le con­cept n'est pas encore opératoire pour eux puisqu'il n'est pas besoin de le qualifier.

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. Les obstacles qui bloquent chaque niveau et les moyens de leur dépassement

Les niveaux qui viennent d'être définis relèvent de nom­breuses représentations mais qui conduisent toutes au même genre d'obstacle, au sens précisé dans le chapitre précédent. Pour dépasser ces obstacles la maîtresse va avoir, par ses interventions, ses questionnements, ses reformulations, un rôle prépondérant.

- niveau i : le langage des enfants est peu précis, et l'é­noncé spontané des éléments ne relève d'aucun ordre dans la chaîne mécanique. Il s'ensuit une confusion entre les caractéristiques observables des mouvements et les para­mètres judicieux qui permettent de les décrire. Toutes les expressions des enfants revêtent un caractère animiste, qui fait obstacle, tout comme l'attachement à une sub­stance commune. On est ici dans le domaine de l'énergie-évidence. C'est l'analyse plus précise du système que constitue la centrale qui va permettre de dépasser cet obstacle. La maîtresse y parviendra en projetant aux enfants les quatre diapositi­ves et en leur demandant de les classer. Les précisions techniques apportées par ces photographies vont permettre aux enfants de ne plus raisonner en terme de transmission ou transformations un peu magiques.

- niveau 2 : les paramètres qui caractérisent le système sont à présent séparés mais pas encore reliés : la centra­le n'est pas conçue comme un seul système mais comme l'adjonction d'éléments en liaison par l'intermédiaire d'un agent. L'attention est concentrée sur le mouvement et ses transmissions, d'où des expressions en terme de force et de vitesse. On est dans le domaine de l'énergie-force, les actions n'é­tant pas perçues comme internes au système. C'est en demandant le classement des diapositives et sa justifica­tion que la maîtresse va faire prendre conscience aux en­fants de l'unité de système, dans lequel les diverses trans­formations internes portent sur une grandeur commune.

- niveau 3 : les relations causales entre paramètres sont reconnues et l'idée d'une grandeur qui, par diverses transformations, traverse le système en provenant de l'a­mont ("très haut") et en sortant vers l'aval (la ville, le village) est sous-jacente. Mais à ce niveau, ce fluide qui se transforme tient enco­re beaucoup de l'analogie avec le mouvement. Pour pro­gresser vers la notion d'énergie et la caractériser comme paramètre physique il faudra d'une part confronter les en­fants à des situations similaires, ce que proposera la maî-

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tresse dans la quatrième séance, d'autre part dépasser le niveau d'analyse simplement qualitatif pour aborder la quantification des paramètres, sans laquelle la conserva­tion ne peut apparaître.

• Essai de schématisation de la succession des sé­quences

Ce schéma tente de représenter l'ensemble des séquences, repérées par niveaux de formulation, tels qu'ils viennent d'être décrits, en faisant figurer les obstacles qui leur sont attachés ainsi que les situations qui ont permis, dans l'exemple choisi, de les dépasser. Ce n'est qu'une façon analytique de "lire" la progression de la classe. On peut dire que l'on a là une mini-trame conceptuelle afférente à une situation d'enseignement du concept d'énergie. C'est un grand nombre de trames de ce type qui, assemblées, constitueront un outil didactique pour les maîtres.

Jean Louis TRELLU Collège Louis Lumière, Marly-le-Roi Equipe de didactique des sciences expérimentales, INRP

Jacques TOUSSAINT Ecole Normale d'Orléans Equipe de didactique des sciences expérimentales, INRP

Cet article s'inscrit dans le cadre d'une recherche plus large, qui a déjà donné lieu à la publication de Procédures d'apprentissage en sciences expérimentales, collection Rapports de Recherche. n°3. 1985. INRP. Le premier rapport décrivait le cadre méthodologique de la recherche et caractéri­sait les éléments généraux de sa problématique (analyse de la matière et définition de trames conceptuelles, étude des représentations, caractérisation des situations de structuration...). Deux articles de la présente publication reprennent de façon plus détaillée certains aspects de la construction du concept d'énergie et de sa structuration progressive au cours de la scolarité. Nous remercions tout particulièrement Marc Antoine, Yveline Baumes, Jean-Loup Canal, Bernard Charpentier, Robert Charrier, Annick Chauzeix, Jacqueline Cohen-Tannoudji, Eliane Darot, Martine Flécher, Jean-Claude Genzling, Yvonne Guy, Da­nielle Joumard, Michel Ledoux, Jean-Louis Marazzani, Marie-Anne Pierrard, Daniele Ragil, Claude Reynaud, Marie-Claude Royet, Michel Sanner, Catherine Théret, Jean-Pierre Viala et Jean-Marie Vivier qui ont participé aux groupes de travail de cette recherche et dont les productions ont servi de base à cet article.

Annales de didactique des Sciences

Rédaction A. GIORDAN - J.L. MARTINAND

J. MATHIEU - R. VIOVY

Depuis quelques années, le succès des Journées Internationales sur l'Education Scientifique de Chamonix montre qu'il existe un nombe important d'enseignants, de formateurs, de vulgarisateurs, de chercheurs et d'administrateurs de différents pays intéressés par l'innovation et la recherche.

C'est en pensant à cette communauté que nous avons décidé de publier les

ANNALES DE DIDACTIQUE DES SCIENCES

Chaque année, elles présenteront deux articles de synthèse sur des thèmes actuels et fondamentaux, des analyses critiques de parutions récentes, des comptes rendus d'activités, des informations sur l'actualité de la recherche et de l'innovation.

Au sommaire du premier numéro :

J. MATHIEU, M. CAILLOT - Résolution de problème en sciences expérimenta­les : l'approche cognitive. V. HOST - Théories de l'apprentissage et didactique des sciences. J.P. ASTOLFI - Les recherches en didactique des sciences expérimentales à l'Institut National de Recherches Pédagogiques. C. DE BUEGER - Productions belges en didactique des sciences.

Les commandes peuvent être adressées à :

Publications de l'Université de Rouen 1, rue Thomas-Becket 76130 Mont-Saint-Aignan

Pr ix du numéro de 166 p . : 65 Frs + po r t : ^ 3 F

Adresse de la rédac t ion : LIRESPT - ANNALES DE DIDACTIQUE DES SCIENCES Univers i t é PARIS 7

Tour 23-13 - 5ème étage 75251 - PARIS CEDEX 05

Té l . : 43 36 25 25 Poste 41.24

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NOTIONS PHYSIQUES, OBJETS TECHNIQUES ET STRUCTURES MATHEMATIQUES

A PROPOS DE LA TEMPERATURE AU CYCLE MOYEN

Marie-Anne Pierrard

Les liens entre la physique et les mathématiques sont analysés dans deux act iv i tés de classe du cycle moyen de l'école élémentaire où la température intervient : gra­duation d'un thermomètre à liquide et mélanges d'eau chaude et d'eau froide. Il ressort que la référence à la règle graduée joue un rôle essentiel, mais qu'elle peut masquer une propriété du thermomètre : donner la température du milieu dans lequel il se trouve. L'étude des mélanges d'eau chaude et d'eau froide montre com­ment l'utilisation d'un support spatial, la droite des températures, permet d'arriver à une formulation de la relation calorimétrique. Cet article présente les résultats d'une thèse de 3ème cycle, soutenue à l'Université de Paris VII en 1982.

liens entre mathéma­tiques et physique et construction de la notion de température

En entreprenant ce travail, j 'ai voulu mener une recherche-action, directement liée à une pratique de clas­se à l'école élémentaire. La problématique de cette re­cherche consiste à préciser les préoccupations liées à la pratique de la classe, à les analyser, ainsi que les activi­tés qui se déroulent en classe. Cette recherche est orientée vers la liaison entre mathé­matiques et physique. Les liens entre mathématiques et physique peuvent prendre différents aspects suivant les problèmes étudiés, et j'ai choisi de les envisager à propos d'une grandeur physique, la température, que les Instruc­tions Officielles de 1980 pour le Cycle Moyen deman­daient d'introduire.

Pourquoi m'être intéressée aux liens entre la physique et les mathématiques, et à la température ? Trois raisons m'y ont poussée : - une raison liée à la nature des sciences physiques, qui entretiennent des liens privilégiés avec les mathématiques. - une raison liée à la pédagogie : ces liens privilégiés doivent être pris en compte dans les activités proposées à l'école élémentaire. - une raison institutionnelle : les Instructions Officielles, en particulier celles du cycle moyen, l'introduction d'une Unité de Formation Mathématiques-Technologie dans la formation des instituteurs incitaient alors à se pencher sur ce domaine.

Pourquoi la température? Pourquoi pas, par exemple, la

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masse, qui figurait dans la partie "mathématiques" et dans la partie "physique" des Instructions Officielles ? La température est une grandeur physique nouvelle pour les enfants, qui permet d'étudier comment ils la traitent au début de sa construction. De par son caractère intensif elle offre a priori des difficultés particulières par rapport à l'utilisation des propriétés mathématiques de la mesure des grandeurs extensives, intéressantes à définir pour le niveau de classe où nous avons travaillé.

i . LE CADRE DE REFERENCE THEORIQUE CHOISI

la construction d'une grandeur physique ne peut se concevoir sans opérations mathéma­tiques

deux aspects : mesure de la grandeur mise en relation avec d'autres grandeurs

Il s'agit ici d'indiquer quel point de vue j'ai adopté sur les liens entre physique et mathématiques, pour préciser les problèmes liés à la température.

L'idée sur laquelle je m'appuie est qu'il existe des liens privilégiés entre la physique et les mathématiques, qui ne se réduisent pas à des commodités d'écriture, mais qui traduisent la participation de fait des concepts mathéma­tiques à la construction des concepts physiques.

En particulier, la construction d'une grandeur physique ne peut se concevoir sans opérations mathématiques. Elle présente deux aspects fondamentaux : la mesure de cette grandeur, et sa mise en relation avec d'autres grandeurs. J'ai voulu envisager ces deux aspects en classe. C'est pourquoi j'ai choisi d'étudier, parmi les nombreux problè­mes liés à la température et qui peuvent se poser au cy­cle moyen, les difficultés se rapportant à la construction d'une graduation thermométrique, et à la mise en relation quantitative de la température sur un thermomètre avec le volume dans une relation calorimétrique. D'où deux ac­tivités en classe : une activité sur le thermomètre, et une autre à partir de mélanges d'eau froide et d'eau chaude.

Pour définir mes questions de recherche, j'ai analysé la situation physique étudiée en classe des deux points de vue épistémologique et pédagogique, autrement dit j'ai analysé le problème physique à résoudre en tenant compte des possibilités des enfants.

91

2. LES CONDITIONS DE LA RECHERCHE. LES QUES­TIONS DE RECHERCHE

2.1. Le projet d'enseignement

• Température et thermomètre

L'activité a lieu dans deux classes (un CMi et un CM2). Elle est préparée avec le maître et prévoit les étapes suivantes : - discussion à partir d'une collection de thermomètres,

pour faire émerger des remarques et des questions de la part des élèves.

- fabrication d'un thermomètre à liquide - graduation - comparaison des thermomètres gradués.

La discussion collective permettra de définir des orienta­tions communes à la classe. Les élèves travailleront de façon autonome par groupes pour fabriquer leur thermo­mètre. Pour la graduation, un premier repère (la tempéra­ture de la classe) sera placé à la suite d'une discussion collective. Des propositions de mode de graduation pour­raient être faites, sans qu'il soit possible de trancher en faveur de l'un ou l'autre. Les enfants par groupe feront ensuite leur graduation de façon autonome.La comparaison des thermomètres gradués par les élèves se fera collecti­vement. Elle devrait permettre de déterminer le procédé de graduation qui convient, et de relier les dimensions des graduations aux caractéristiques du thermomètre.

Comme il s'agit d'un projet d'enseignement, un certain nombre d'acquis sont souhaités pour les élèves à l'issue de l'activité : - au niveau de l'utilisation d'un thermomètre :

. savoir lire l'indication donnée par un thermomètre

. savoir prendre la température d'un milieu avec un thermomètre (stabilisation du niveau, le réservoir est

les acquis souhaités la partie sensible) - au niveau de la grandeur température :

savoir que les indications données par deux thermomètres placés côte à côte dans le même mi­lieu sont les mêmes.

- au niveau de la graduation du thermomètre : . savoir graduer un thermomètre par comparaison

avec un thermomètre de référence . savoir que l'intervalle correspondant à i°C dépend des caractéristiques du thermomètre (diamètre du tube, volume du réservoir, nature du liquide).

première activité = mesure de la tempé­rature

92

. Mélanges d'eau froide et d'eau chaude

L'activité a lieu dans une classe de CM2. En liaison avec le maître, les étapes suivantes sont envisagées :

réalisation par les élèves de mélanges d'eau froide et d'eau chaude.

- examen des résultats obtenus pour s'interroger sur l 'existence d'une relation entre les données expérimentales. exploitation des résultats et recherche d'une relation

calorimétrique du type Vç(Tç - T^) = Vp(Tj^ - Tp)

Les orientations de l'activité seront définies au sein de la classe. Le maître demandera aux élèves de faire des mélanges. Ils feront les manipulations par groupes, et no­teront les conditions d'expérimentation. Un mode de pré­sentation des résultats commun à la classe sera retenu après discussion collective. L'idée de "rechercher une règle" à partir des résultats obtenus sera dégagée au cours d'une discussion collective. Après quoi les groupes d'élèves travailleront de façon autonome. Des propositions faites par les élèves seront ensuite discutées. S'il y a blo­cage de la situation, le maître interviendra en proposant aux élèves la droite des températures comme outil poUr les aider à trouver la loi. Elle est bien adaptée à la situation, mais il faut y travailler pour la rendre efficace. En fin d'activité, la loi dégagée sera utilisée pour faire des prévisions de résultats expérimentaux.

Comme pour l'activité sur la graduation thermométrique, des acquis sont souhaités pour les élèves : - au niveau de l'expérimentation :

. savoir utiliser un thermomètre pour déterminer la température de l'eau.

. faire des mélanges, noter les conditions et les résul­tats des essais.

- au niveau de l'interprétation des résultats et de la les acquis souhaités grandeur température :

. savoir que les résultats ne sont pas dûs au hasard, mais doivent obéir à une règle.

. savoir écrire cette règle

. savoir utiliser cette règle pour faire des prévisions - sur le plan des méthodes :

. reconnaître, admettre et interpréter l'existence d'erreurs de mesure faites dans les expériences.

. t rouver un c r i t è re pour pouvoir t i re r les conclusions, par exemple : la majorité des résultats expérimentaux sont très proches des résultats calculés.

deuxième activité = mise en relation de la température avec le volume

93

2.2. Les questions de recherche

historiquement il a fallu construire une définition opératoire de la tem­pérature

pour les élèves, il s'agit de reproduire une graduation existante

ils ont à leur disposition le modèle mathématique de la mesure des longueurs

L'analyse des situations de classe proposées aux élèves, visant à définir exactement ce qu'elles soustendent du point de vue physique et mathématique, et l'analyse des difficultés qu'ils ont des chances de rencontrer, compte tenu de leurs acquisitions antérieures, m'a amenée à poser des questions précises par rapport aux activités des élèves.

. Analyse de la situation "température thermométrique"

Historiquement, la graduation d'un thermomètre est allée de pair avec la construction d'une définition opératoire de la température qui nécessite le choix d'un phénomène thermoscopique var iant de façon monotone avec la température, le choix d'un ou deux points fixes et la mise en relation affine d'une grandeur associée au phénomène thermoscopique (par exemple la hauteur de liquide dans un tube si on choisit la dilatation d'un liquide comme phéno­mène thermoscopique) et la température.

Pour les élèves, le problème est différent. Les thermomè­tres du commerce existent. L'échelle thermométrique Cel­sius leur est donnée. Ils cherchent à reproduire une gra­duation dans cet te échelle Celsius. Pour cela, ils doivent notamment utiliser deux milieux à des températures Tx et T2 , qui ne correspondent pas obligatoirement à des points fixes, admettre l'existence d'une relation affine entre la hauteur du liquide dans le tube et la température et comprendre que la graduation dépend des caractéristiques du thermomètre.

Ils ont à leur disposition le modèle mathématique de la mesure des longueurs, d'où l'idée de comparer thermomè­tre et règle graduée. On peut objecter qu'il existe une différence dans l'utilisation (la lecture) de ces deux instruments. En effet, on relève deux coïncidences pour mesurer la longueur d'un segment avec une règle graduée, tandis qu'on en relève seulement une quand on détermine une température. Il est donc plus judicieux de comparer thermomètre et "règle de niveau" par exemple) Les différences essentielles qui existent entre la gradua­tion des "règles de niveau" (en unité conventionnelle) et des thermomètres sont : - graduat ions ident iques pour les règles , d i f férentes

suivant les thermomètres car elles dépendent de leurs caractéristiques (diamètre du tube ...)

- la longueur reportée pour établir la graduation de la règle est une grandeur de même nature que celle que l'on veut mesurer, tandis que sur le thermomètre ce t te longueur correspond à une variation de température. Il

94

dans quelle mesure est-ce Qu'ils l'utilisent ?

y a une correspondance à établir entre les deux.

D'où les questions de recherche : - les élèves font-ils référence à la règle graduée ? - comment reconnaissent-ils les différences entre

thermomètre et règle graduée, et adoptent-ils un pro­cédé de graduation adapté au thermomètre ?

. Analyse de la situation d'eau chaude

mélanges d'eau froide et

physique = problème d'équilibre des tempé­ratures mathématiques = modèle barycentrique

comment les élèves mettent-ils en relation températures et volumes

Les élèves n'ont jamais travaillé sur la chaleur : il n'y aura donc pas de raisonnement en termes de quantités de chaleur. Le problème physique à résoudre est un problème d'"équilibre des températures", et non de "distribution des quantités de chaleur". Le modèle mathématique adéquat est le modèle barycentrique : la température Tjyj du mé­lange est le barycentre des températures Tp et Tç (eau froide et eau chaude) affectées des coefficients positifs Vp et \Q (volumes d'eau froide et d'eau chaude). La question est de savoir quels procédés vont utiliser a priori les élèves au cours de leur recherche de la loi et, si on leur propose une représentation graphique, la droite des températures, bien adaptée au modèle barycentrique, comment ils l'utilisent.

D'où les questions de recherche : - quelles sont les manipulations numériques effectuées par les élèves ? Y a-t-il essai systématique d'un procédé ? Y a-t-il séparation des températures et des volumes ? - quelle utilisation font-ils de la droite numérique des températures ? Comment font-ils intervenir les volumes pour arriver à une formulation de la loi calorimétrique ?

3. RECUEIL ET ANALYSE DES DONNEES

3.1. Le recueil des données

J'ai choisi de me placer dans des conditions effectives d'enseignement, donc dans des classes particulières, se dé­roulant dans un contexte particulier. Le déroulement de l'activité est prévu dans ses grandes orientations, mais le détail du déroulement effectif n'est pas connu à l'avance, et peut varier d'une classe à l'autre. L'activité de classe n'étant pas totalement prévisible, il est indispensable de la décrire. Les données sont recueillies au moyen d'une observation de classe, menée en fonction du contenu de l'activité, en

95

chronique du déroule­ment des activités en classe

transcription de certains moments

interviews d'élèves

vue d'en repérer les différents moments et leur articula­tion. L'observateur sélectionne les aspects qui lui semblent i rnns - i t - t -n i - i *« n n « - m r^n^^4- >. .-»£> r-m!.-.«- Aa ,,..o a*- e l i m i n a «-~. , t -

i i i ipuibaiit .} pat lappuLt a v*w \J\J\H\, VJV* v u\̂ \* L winning tuut ce qui ne s'y rapporte pas (exemple : chaise renversée). Les données recueillies sont essentiellement de deux types: - des notes prises pendant le déroulement de la classe par deux observateurs, mon collègue de mathématiques et moi-même ; j'établis un compte-rendu, revu par le collè­gue de mathématiques et le maître de la classe, qui permet de constituer une description, une chronique des activités en classe - pendant la classe, un magnétophone tourne ; je transcris certains passages. Ces passages sont replacés dans le compte-rendu de l'ensemble de la séance en se repérant avec le compteur du magnétophone. Un exemple est donné dans les pages suivantes.

De façon ponctuelle des interviews ont été menées auprès de quelques élèves d'une classe, pour vérifier des impres­sions sur l'appropriation par les élèves du problème étudié.

repérage de la produc­tion moyenne de classe

3.2. Comment traiter ces données ?

Je cherche à caractériser les difficultés rencontrées par les élèves dans une classe, et la façon dont ils les dépassent. Pour ce faire, je m'appuie sur des phrases pro­noncées par les enfants, tirées de l'enregistrement au magnétophone, ou sur leurs cahiers de brouillon. Mais je souhaite m'intéresser, non pas aux idées de quelques enfants, mais aux idées de la classe, à une production moyenne, à laquelle un maître se réfère implicitement quand il conduit une activité de classe. Cette production de classe est sans doute différente (et en général meilleu­re) que la production d'un individu, elle se précise dans les moments de mise en commun. La question devient donc : comment repérer cette production moyenne ? En effet, toutes les phrases prononcées par les élèves au cours des mises en commun ne lui appartiennent pas : certaines sont sans effet. C'est pourquoi j'ai sélectionné les idées émises par les élèves selon trois critères, qui répondent à deux idées différentes : - une idée "statistique" : les mêmes idées sont exprimées

dans des classes différentes, ou dans une même classe à différents moments de l'activité.

- une idée liée à la communication dans une classe : une proposition, faite par un élève ou par le maître, n'ap­partient à la production de la classe que si elle provo­que des réactions chez d'autres élèves ; j'ai cherché ces réactions dans des phrases d'élèves, mais aussi dans leur travail individuel (cahiers de brouillon).

96

Durée Compteur

30

35

50

60

170

525

565

650 Fin de bande

70

Passage transcrit ci-contre

60

110

160

370

Fabrication d'un thermomètre à liquide (10-03-1979)

Le maitre fait l'inventaire du matériel apporté par les élèves : flacons et tubes de différentes tailles, bouchés ou non, différents liquides et colorants.

Inventaire des idées pour construire un thermomètre. - regarder comment est fait un vrai thermomètre pour l'imiter. - regarder comment sont les graduations. La graduation se fera

"en dernier". - prendre un tube. Un élève parle à nouveau de graduation.

Fabrication des thermomètres par groupes de deux élèves. Distribution du matériel.

Les difficultés pratiques sont portées à mesure par le maftre au niveau de la classe.

Mise au point au niveau de la classe : comment être sûr que l'on a bien fabriqué un thermomètre.

Poursuite des fabrications par groupes.

Mise au point au niveau de la classe. Le liquide monte quand on appuie sur le bouchon.

Essais des thermomètres dehors et sur le radiateur : le liquide ne revient pas toujours à son niveau initial : il faut percer le tube en haut (essai d'un élève).

Doit-on laisser de l'air entre réservoir et bouchon ? Le maftre demande aux élèves de faire un petit texte expliquant comment ils ont fabriqué leurs thermomètres, ce qu'ils ont constaté. La synthèse et la reprise de la fabrication se fera au cours d'une autre séance.

Graduation des thermomètres - 1 - (24-03-1979)

Au début de la séance, chaque groupe de deux élèves dispose d'un thermomètre à liquide (de différentes sortes) fonctionnant correc­tement.

Les élèves rappellent, à la demande du maître, la façon dont ont été fabriqués les thermomètres dont on a vérifié le fonctionnement en repérant le niveau du liquide quand on met le thermomètre dans la classe, dehors et sur le radiateur.

Réflexion sur la procédure de graduation. Le maftre oriente les élèves vers le repère de la température de la classe. Ils font ensuite différentes propositions : - "recopier" un autre thermomètre, à partir du repère de la tempé­rature de la classe. - placer le o au niveau du bouchon et utiliser le repère de la température de la classe pour graduer. - utiliser deux points de repère, mesurer l'écart, le diviser par l'écart de température pour avoir la longueur correspondant à 1*.

97

Transcription d'un passage de la séance = graduation des thermomètres.

Le maître ramène les élèves vers le repère 20 (température de la classe lue sur d'autres thermomètres du commerce que celui qui indiquait 17).

110 Maître : Est-ce qu'on peut faire quelque chose ?

Elève 1 : En mesurant la graduation d'où on a pris la température.

Elève 2 : En mesurant le niveau du bouchon.

Elève 1 : On mesure les espaces, après on les reproduit sur une feuille de papier.

Maître : Et puis ...

Elève 1 : On mettra la feuille de papier sur le thermomètre, il faudra bien mettre le niveau de l'alcool en face de 20.

Maître : Tu veux reporter ces graduations-/à (d'un thermomètre du commerce,) sur un thermomètre là-bas (fabriqué).

Elève

Elève

Elève

Oui

Un petit aussi.

Non, ça n'ira pas

Elève 3 Pour ce thermomètre-là, il faut prendre un grand ther­momètre et pour celui-là il en faut un petit.

Elève 4 : // faut prendre un thermomètre de la classe, et puis un thermomètre de dehors et puis on divise par 10.

130 Maître : Pourquoi par 10 ?

Elève 4 ; Non, pas par 10. Comme ça on a 0 dehors et 20 dans la classe.

Maître : Combien il y a dehors ? (Lecture : 8° dehors et 20° dans la classe).

Elève 4 : Je prends une règle, et puis on calcule la moitié de 20.

Elève 5 : La dimension de 8 à 20.

Elève 4 : Le milieu, puis après ...

Maître : Pourquoi le milieu ?

..n Elève : Monsieur, ça va pas

Maître : Continue

Elève 6 : La dimension qu'on a obtenue de S0 à 20", on la divise par 12 parce qu'il y a 12° entre 8 et 20.

Maître : Et alors

Elève 6 : Et on aurait les autres graduations, les espaces entre les graduations.

150 Elève 7 : On prend 20 sur un thermomètre, faudrait prendre deux mesures côte à côte par exemple 20 et 21.

Elève : 19 et 20

Elève 7 : C'est la même chose. On a déjà marqué 20, si après on marque 21, on aura l'espace.

Elève : On le reporte sur toute la longueur.

Changement 160 Elève 1 : ça va pas, ce que disent Frédéric et Christophe parce de numérotation que par exemple si c'est un thermomètre comme ça qui

est à l'intérieur, et un comme ça à l'extérieur...

98

4. ANALYSE DES DIFFICULTES DES ELEVES A PROPOS DE LA "TEMPERATURE THERMOMETRIQUE"

Il s'agit de répondre aux questions de recherche à partir des données d'observation. J'indique ici seulement les ré­sultats obtenus.

les élèves comparent bien les graduations des thermomètres et des règles

ils graduent leur ther­momètre comme une règle dans un premier temps

4.1. Les élèves font-ils référence à la règle graduée ?

A partir de citations d'enfants relevées dans les deux classes, j'ai pu noter que : - les thermomètres du commerce sont comparés à des rè­gles graduées, avec deux idées un peu différentes :

. comme une règle plus longue permet de mesurer une longueur plus grande, un thermomètre plus long de­vrait couvrir un intervalle de température plus grand

. sur les règles, icm a toujours la même longueur ; selon les thermomètres, un intervalle de io°C par exemple n'a pas toujours la même longueur.

- des élèves graduent leur thermomètre comme une règle: . en "recopiant" la graduation d'un thermomètre du

commerce (voir l'exemple de la page précédente) . en plaçant le 0 au bas du tube, considéré comme un

niveau limite, "la distance où que ça s'arrête".

Ainsi, les élèves font référence à la règle graduée, soit pour s'interroger devant une différence constatée entre thermomètre et règle, soit, et malgré la constatation précédente, pour graduer leur thermomètre comme une règle.

dans un deuxième temps, adoption d'un procédé de graduation efficace

4.2. Comment reconnaissent-ils les différences entre thermomètre et règle graduée, et adoptent-ils un procédé de graduation adapté au thermomètre ?

De la même façon, en m'appuyant sur les productions et les citations d'élèves, j'ai pu montrer : - que les procédés de graduation précédents sont facile­ment abandonnés au profit d'un procédé à deux points de référence, proposé par d'autres élèves. - qu'avec ce procédé à deux points de référence, on utili­se les mêmes propriétés que pour la graduation d'une règle, à condition de les appliquer à la température et non plus au niveau du liquide dans le tube. Ceci a été mis en évidence par les réactions des élèves de la classe

99

de CMi devant un de leurs thermomètres qui donnait des indications "fantaisistes" puisque gradué régulièrement alors que pour des raisons liées à sa fabrication, sa gra­duation en °C ne pouvait pas être régulière.

4.3. Conclusions et acquis des élèves

Ainsi, la référence à la règle graduée joue un rôle essen­tiel dans l'activité des enfants, puisqu'elle les conduit à s'interroger sur la graduation thermométrique, et à faire des propositions pour construire la graduation. Le mode de graduation à deux points de référence, adopté facilement

les acquis par les élèves, suppose admise l'identité des indications données par deux thermomètres placés dans le même milieu. Mais il ne remet pas en question toutes les pro­priétés liées à la règle graduée ; ces propriétés sont ap­pliquées à la température, par la mise en relation affine de la température et du niveau du liquide dans le tube ; elles conduisent à une graduation régulière du thermomètre. La régularité de cette graduation est jugée plus importante par des élèves que l'identité des indica­tions données par deux thermomètres placés au même endroit. Ce dernier point montre ainsi que l'un des acquis souhaités pour les élèves (cette identité des indications) n'est peut-être pas effectif, parce que trop facilement remis en cause si la régularité de la graduation est mise en défaut. Les résultats dans les classes sont meilleurs pour ce qui est de l'utilisation du thermomètre, et de la mise en relation des caractéristiques du thermomètre avec la taille des graduations.

5. REMARQUES A PROPOS DES ACTIVITES SUR LES MELANGES D'EAU FROIDE ET D'EAU CHAUDE

5.1. Procédures utilisées par les élèves

A partir des cahiers de brouillon, et des transcriptions des moments de mise en commun, j'ai pu noter que : - il y avait beaucoup de calculs numériques, visant à trouver la valeur de Tm . Un groupe d'élèves n'a fait au­cun essai systématique, tandis que les autres comparent T calculées et Tm expérimentales. Certains mêlent in­différemment les nombres se rapportant aux volumes et aux températures, d'autres non. - les calculs empêchent les élèves de cerner le problème à résoudre, ils se laissent emporter. - un groupe d'élèves a utilisé une représentation spatiale

procédures spon­tanées

100

ordonnée dans laquelle ils comparent les différences de température Tc-Tm et Tm-Tr, qui aidera beaucoup la classe à dégager une loi pour les cas où V£=VC.

T lc

42

48

11

12

T m

31

36

Tf

24 7

24 12

température eau chaude température mélange

Tj:": température eau froide ;m

la droite numérique des températures devient un outil de mise en relation

5.2. L'utilisation de la droite numérique des températures

Dans un premier temps, la droite numérique, introduite par le maître, est perçue comme un instrument commode, mais extérieur à la relation cherchée par les élèves : ils reportent les résultats expérimentaux concernant les tem­pératures sur la droite numérique, sans tenir compte des volumes.

exemple 1% "'iV

>»«, - l Lk_

Elle ne devient un outil efficace qu'après que le problème soit à nouveau posé et perçu par les élèves, ce qu'ont confirmé quelques interviews. Les résultats sont classés en fonction des volumes utilisés : les volumes apparaissent en tant que conditions expérimentales, ils restent extérieurs à la relation cherchée. Le changement de statut des volumes est provoqué par une intervention du maître, au moment où les élèves tra­vaillent sur un groupe d'expériences où on a deux volumes d'eau froide et un volume d'eau chaude. Les différences de températures sont alors dans un rapport voisin de 2.

L'examen des cahiers de brouillon montre que les élèves semblent avoir compris l'intérêt de la droite numérique. Ils savent l'utiliser en l'adaptant aux autres cas d'expé­riences : c'est donc un outil qui leur permet d'écrire et d'utiliser la règle même s'ils ne savent pas la dire.

101

5-3- Conclusions, acquis des élèves et échecs

Dans un premier temps, les élèves ont fait de nombreux calculs numériques visant en général à calculer la tempé­rature du mélange, mais qui les ont gênés pour cerner le problème à résoudre. La représentation ordonnée des températures a beaucoup aidé la classe à dégager la relation pour le cas où Vf = Vc. Sous l'impulsion du maître, les élèves utilisent la droite des températures, et la classe parvient ainsi à une formulation écrite de la relation entre les températures

les acquis et leurs et les volumes. Cette représentation a ainsi eu un rôle limites facilitant dans la résolution du problème par la classe. La

classe sait l'utiliser même si, en situation de contrôle individuel, beaucoup d'enfants n'en sont plus capables. Sur ce point c'est un échec, auquel nous pouvons attribuer des causes différentes : interventions du maître mal reçues, trop grande difficulté pour mathématiser cette situation à ce niveau de l'enseignement, problème de la variabilité de la mesure (erreurs de mesure) non traité... et aussi le fait que la corrélation entre la production moyenne d'une clas­se et les résultats individuels obtenus n'est pas toujours très forte. Signalons par ailleurs que l'activité manipulatoire des élè­ves a permis de repréciser les conditions d'utilisation et de lecture d'un thermomètre.

Pour conclure, je voudrais, à partir des résultats de re­cherche obtenus, tirer quelques conséquences, et indiquer quelles perspectives s'ouvrent maintenant, dans l'enseigne­ment et pour des recherches à venir. J'ai voulu étudier une situation d'apprentissage dans des conditions réelles d'enseignement. Je pense que les réactions des élèves que j'ai utilisées, et qui ont justifié mes réponses aux ques­tions de recherche, sont représentatives des activités qui se sont déroulées dans la classe ; les résultats de la re­cherche viennent alors expliquer l'activité de classe.

La question qui se pose est de savoir comment ? Est-ce parce-que par exemple la référence à la règle graduée, ou la frénésie de calcul sont représentatives des réactions de la plupart des élèves de cet âge et de cette popula­tion scolaire placés devant ces situations ? Ou bien l'ac­tion du maître a-t-elle eu une influence prépondérante sur le déroulement de l'activité en classe ? Sans doute ces deux raisons coexistent, mais je crois que nous avons deux cas différents, à traiter différemment.

En ce qui concerne la situation relative à la "température

102

thermométrique", j'ai relevé de nombreux points communs dans les deux classes. Je pense pouvoir avancer que :

. la référence à la règle graduée correspond à une ré­action fréquente chez les enfants de cette population scolaire. Pour valider cette affirmation, il faudrait ce­pendant avoir recours à des questionnaires et des entre­tiens concernant un nombre d'enfants plus important.

un maître dans une classe peut raisonnablement compter sur cette réaction (la référence à la règle

la référence à la règle graduée), elle a une fonction dynamique dans l'activité des graduée a une fonction enfants, elle leur permet de s'interroger, de faire des dynamique propositions et de progresser.

. i l faut être conscient du fait qu'être parvenu à faire une graduation thermométrique correcte en admettant l'existence d'une relation affine entre la hauteur du li­quide dans le tube et la température n'est pas suffisant pour d i re qu'on sa i t c o n s t r u i r e une éche l le thermométrique. Ce n'est qu'une étape, où la mathémati-sation peut masquer des propriétés essentielles de la tem­pérature (la température n'est pas une caractéristique du thermomètre, mais du milieu dans lequel il se trouve).

. en conséquence, dans l'enseignement, il faudrait en­visager d'autres types d'activités sur la température avec

( , les élèves, visant à dissocier température et thermomètre, ce n est qu une etape ; p 0 u r l'associer au milieu, par exemple en variant les pro­li raut dissocier la cédés utilisés pour connaître ou comparer la température temperature du ther- je différents milieux, et visant à préciser les conditions momètre pour l'associer dans lesquelles la température d'un milieu change ou ne au milieu change pas (par exemple la température d'un objet change

si on le chauffe quelle que soit sa substance, si on place cet objet en contact avec un deuxième objet de température..., elle ne change pas s'il est parfaitement isolé, elle ne change pas non plus si une régulation ther­mique est assurée, commandée par un thermostat...).

En ce qui concerne la situation relative aux mélanges d'eau froide et d'eau chaude, j'ai analysé les réactions d'une seule classe, et j'ai noté qu'au cours de l'activité l'influence du maître a parfois été très lourde. Il est donc impossible de savoir si une autre classe, devant la même situation physique, aurait les mêmes réactions. Sauf peut-être, mais ça n'est pas le plus intéressant, que de­vant les tableaux de nombres, les élèves font des calculs, et qu'ils ont des difficultés à cerner le problème à résoudre.

Je voulais étudier une activité de classe où les élèves mettraient en relation deux grandeurs, la température et le volume. Nous avons enregistré un progrès chez les élè-

103

ves : ils sont en effet passés de traitements numériques très variés, qu'aucune connaissance physique, en dehors d'une différenciation température-volume chez certains élèves ne pouvaient contrôler, à une représentation utili-

la droite numérique des sable de la loi calorimétrique. Mais, au-delà de cette ré-températures permet une ussite atteinte grâce à un mode particulier de formulation de la relation présentation, une incertitude subsiste sur l'idée de tempé-calorimétrique rature qu'ont les élèves à la fin de l'activité.

La question à laquelle il faudrait maintenant chercher à répondre serait de savoir comment, en classe, articuler une approche "mathématique" de la température telle qu'elle peut apparaître dans ces deux exemples, et une approche plus "physique" - ces deux approches, indépen­damment, et leur mise en relation, contribuant à la cons­truction effective de la grandeur température.

Marie-Anne PIERRARD Ecole Normale de Blois

imp

Deux ouvrages présentent la recherche sur l'enseignement de l'énergie, conduite pendant quatre ans à l'Institut National de Recherche Pédago­gique à la demande de huit entreprises ou organismes oeuvrant dans le domaine énergétique. Cette recherche s'est traduite dans les collèges et lycées concernés, par une expérimentation privilégiant la dimension pluridisciplinaire.

Enseignement de l'énergie Publication dans la Collection "Rapports de Recherches". Paris. INRP. 1985, n° 7. 256 pages. 70F.

Ce rapport évoque l'ensemble des points abordés au cours de la recherche. Il met l'accent sur l'intérêt de la pluridisciplinarite pour un enseignement de l'énergie, ses difficultés et les précautions nécessaires pour en faire un moyen véritable de formation.

Energie, un enseignement pluridisciplinaire Publication dans la Collection "Rencontres pédagogiques". Paris. INRP. 1985, n° 4. 127 pages. 55 F.

Cet ouvrage, qui insiste aussi sur les principales réflexions relatives à la pluridisciplinarite, a surtout pour objectif de présenter des outils pédagogiques utilisables par des enseignants qui souhaiteraient se lancer dans un travail pluridisciplinaire sur l'énergie.

105

ENSEIGNEMENT DE L'ENERGIE

UNE RECHERCHE PLURIDISCIPLINAIRE DE L'INRP

Eliane Darot

Cette recherche demandée à l'INRP par différents organismes oeuvrant dans le domaine énergétique s'est surtout axée sur une approche pluridisciplinaire cohéren­te du "savoir-énergie". Elle a donné lieu à la réalisation, dans plusieurs collèges et lycées, de progressions pluridisciplinaires importantes par leur durée et l'intérêt suscité auprès des élèves. Elle a conduit ses concepteurs à élaborer des dossiers pédagogiques qui devraient aider les enseignants désireux de s'engager dans un tra­vail pluridisciplinaire à propos de l'énergie.

Cet article n'a pour but que de faire connaître l'organi­sation et les points forts de cette recherche. Pour com­pléter cette information, le lecteur intéressé pourra se référer au Rapport de recherche "Enseignement de l'énergie" (1985 n'j) rédigé par François Audigier et au numéro de Rencontres Pédagogiques "Energie, un ensei­gnement pluridisciplinaire" (1985 n°4) mis au point par François Audigier et Pierre Fillon. Certains passages de ces ouvrages ont été repris textuellement mais pour ne pas compliquer la présentation de l'article j'ai préféré ne pas les mettre entre guillements et les incorporer à ma propre rédaction.

1. ORIGINES ET FINALITES DE LA RECHERCHE

une demande de recherche venant de l'extérieur du système éducatif

Durant trois années scolaires, de septembre 1981 à juin 1984, plus de cinquante professeurs enseignant dans dou­ze collèges et lycées ont élaboré et expérimenté un en­seignement pluridisciplinaire de l'énergie. Cette expérimentation a été mise en place à la demande de neuf organismes ou entreprises oeuvrant dans le do­maine énergétique et réunis sous l'égide du Ministère de l'Industrie, aujourd'hui Ministère du Commerce Extérieur et du Redéploiement Industriel : Ministère, Agence pour les Economies d'Energie et Comité pour l'Energie Solaire, regroupés depuis dans l'AFME, Charbonnages de France, Commissariat à l'Energie Atomique, Compagnie Française des Pétroles, Electricité de France, Elf-Aquitaine, Gaz

de France. Cette demande s'est traduite sur le plan in­stitutionnel et financier par des contrats d'étude signés entre l'INRP et sept d'entre eux : Ministère, A.E.E., COMES, C.E.A., E.D.F., ELF, G.D.F. - l'INRP apportant pour sa part une importante contribution en heures de recherche et demi-postes d'enseignants.

Deux finalités essentielles ont orienté la conduite des travaux : - faire comprendre aux jeunes d'aujourd'hui, futurs ci­toyens (certains l'étant déjà), les problèmes énergétiques de notre temps ; - ouvrir l'école sur la vie économique et sociale, sur le monde de la production et de l'industrie et sur les pro­blèmes énergétiques de l'environnement de chacun.

imposant l'approche Ainsi finalisé, l'enseignement de l'énergie ne se réduit pluridisciplinaire pas à celui du seul concept "énergie", dont l'apprentis­

sage et la formalisation se réfèrent à une discipline précise, la physique. Nous avons été amenés à définir un "savoir-énergie" que nous pouvons caractériser, dans une première approche, comme l'ensemble des connaissances et méthodes nécessaires à l'homme pour utiliser et met­tre en oeuvre les sources d'énergie et leurs possibilités, dans l'histoire et dans une société donnée. Ce savoir-énergie implique la collaboration de plusieurs disciplines. Aussi, tout en s'appuyant sur le savoir spécifique de chaque discipline, est-ce l'axe pluri-interdisciplinaire qui a été prioritaire.

Parallèlement aux finalités intéressant les élèves, la re­cherche s'est aussi proposée de transmettre à nos partenaires, commanditaires de l'opération, un certain nombre d'informations : - sur le fonctionnement réel du système éducatif, - sur l'expérimentation, dans des classes, d'un enseigne­ment disciplinaire et pluridisciplinaire de l'énergie, dans la perspective d'une certaine reproductibilité, - sur des propositions d'améliorations possibles, (organisation et contenu des programmes, réalisations de documents mieux adaptés...).

2. DISPOSITIF DE LA RECHERCHE

2.1. Organisation des actions de recherche

Mise en place en 1980-81, la recherche a vraiment commencé de fonctionner durant l'année 1981-1982.

107

Elle reposait sur des travaux à deux niveaux : - expérimentations disciplinaires et pluridisciplinaires menées sur des terrains par des équipes de professeurs des trois ou quatre disciplines (Sciences Physiques, His­toire et Géographie, Sciences Naturelles, Sciences Eco­nomiques et Sociales). On peut considérer que, chaque année, au moins deux classes de chaque établissement -terrain ont reçu un enseignement relevant de ces expérimentations. - réflexions et recherches d'une équipe de professeurs concepteurs déchargés à mi-temps, ayant pour fonction d'animer, d'orienter la recherche et aussi d'analyser les expérimentations faites sur le terrain. Les professeurs concepteurs de Sciences Physiques faisaient partie de certaines équipes de terrain, ce qui n'était pas le cas des professeurs d'Histoire et Géographie et de Sciences Naturelles.

2.2. Liste des terrains

Collège A. Camus de Dreux (28) Collège du Centre de Gif sur Yvette (91) Collège Ronsard de L'Hay les Roses (94) Collège J. Vallès de La Ricamarie (42) Collège C. Péguy de Paris 19e

Lycée M. Pagnol d'Athis Mons (91) Lycée J. Durand de Castelnaudary (11) Lycée J. Fil de Carcassonne (11) Lycée Rotrou de Dreux (28) Lycée C. Debussy de St Germain en Laye (78) Lycée d'Etat de Sèvres (92)

2.3. Répartition des concepteurs

- François Audigier, responsable 1NRP Professeur d'His­toire et de Géographie. - trois professeurs de Sciences Physiques de lycée : Mi­cheline Blumeau (Sèvres), Robert Chariot (St Germain en Laye), Joël Gougeon (Dreux). - trois professeurs de Sciences Physiques de collège : Jean-Michel Baby (L'Hay les Roses), Pierre Fillon (Paris), Jean-Charles Lapostolle (Dreux). - deux professeurs d'Histoire et de Géographie de lycée : Michel Braxmeyer (Arpajon), Chantai Houy (Créteil). - un professeur d'Histoire et de Géographie de collège : Dominique Malegat (Créteil). - un professeur de Sciences Naturelles de lycée : Ariette Maloisel (Vincennes).

s'appuyant sur des expérimentation menées avec les élèves

et des analyses théoriques

108

- deux professeurs de Sciences Naturelles de collège : Eliane Darot (Marly le Roi), Andrée Granguillaume (La Celle St Cloud).

3. AXES PRINCIPAUX DES REFLEXIONS SUR LE "SAVOIR-ENERGIE"

mener d'une part, des analyses disciplinaires du savoir-énergie

... puis les confronter.

... et d'autre part une analyse pluridisciplinaire de ce même savoir

3.1. Pour appréhender le "savoir-énergie" nous avons été amenés à suivre deux démarches complémentaires

. La première démarche consistait à prendre com­me point de départ chacune des trois disciplines (ou groupes disciplinaires) intéressées par le concept et à analyser pour chacune : - la problématique générale de l'enseignement de l'énergie, - la place de l'énergie dans les programmes, - les difficultés pédagogiques et didactiques.

On peut remarquer d'emblée que les trois disciplines n'ont pas un rapport de même ordre avec l'énergie : les Sciences Physiques introduisent et formalisent le concept énergie qui est fondamental pour la discipline. Les Sciences Naturelles utilisent le concept pour expliquer le vivant, analyser son fonctionnement. Les Sciences de la Société, Histoire, Géographie, Sciences Economiques et Sociales se préoccupent de l'usage que les hommes et Sociétés ont fait ou font des sources d'énergie.

La confrontation des trois analyses parallèles met en évidence des convergences, des différences, voire des oppositions ou d'éventuelles contradictions, ainsi dans le vocabulaire utilisé (sens du mot rendement par exemple) et les programmes annuels d'une discipline à l'autre.

. La deuxième démarche tente de définir un conte­nu global et cohérent de l'enseignement de l'énergie, elle repose donc sur une réflexion pluridisciplinaire. Cette démarche conduit beaucoup mieux que la première à envisager l'acquisition par l'élève d'une culture scienti­fique et technique qui s'articulerait autour des trois axes suivants : - permettre à l'élève de comprendre le fonctionnement de la science, - lui montrer les rapports qu'entretiennent science et technique, - situer constamment la science et la technique dans le social.

109

cela conduit à dégager les préoccupations essentielles auxquelles est confronté l'ensei -gnant...

... et à proposer un tableau d'objectifs interdisciplinaires

est

3.2. Les analyses et réflexions issues de ces deux dé­marches déterminent la définition d'orientations et d'ob­jectifs communs

. Il ressort que l'enseignement de l'énergie ( orienté par trois groupes de préoccupations essentielles

- le vocabulaire, les notions, les concepts, - les unités, la mesure, les ordres de grandeur, - les méthodes de chaque discipline et les méthodes interdisciplinaires, en particulier l'analyse systémique.

. l'équipe des concepteurs a été amenée à proposer le tableau suivant d'objectifs interdisciplinaires

Objectifs cognitifs

I. Connaître quelques notions relatives à l'énergie

. Savoir identifier quelques sources ou réservoirs d'énergie

. Connaître les conditions d'existence de diverses sources d'énergie

. Connaître les formes d'énergie

. Connaître les modes de transfert de l'énergie

. Connaître des exemples de transformation d'énergie

. Connaître les utilisations de l'énergie

. Connaître la notion de puissance

. Connaître les unités de puissance et d'énergie

. Connaître quelques ordres de grandeur et pouvoir les comparer

II. Savoir analyser un système énergétique

. Acquérir la notion de système

. Maîtriser la notion de chaîne énergétique

. Etre capable d'établir un bilan énergétique

. Acquérir la notion de rendement énergétique

. Appréhender la notion de conservation

. Appréhender la notion de dégradation

III. Savoir analyser les rapports entre énergie et société

. Comprendre les relations entre l'utilisation de l'énergie et l'environne­ment . Comprendre la place de l'énergie dans les sociétés . Comprendre les relations entre les connaissances scientifiques, la maî­trise de certaines techniques, les structures économiques, sociales et les choix politiques

Objectifs méthodologiques

. Connaître et utiliser le raisonnement par induction

. Connaître et utiliser le raisonnement par déduction

. Connaître et utiliser le raisonnement par analogie

. Faire appel à la modélisation et la simulation

. Savoir employer la méthode expérimentale

. Savoir employer la méthode systémique

Objectifs d'attitude

. Savoir maîtriser de façon critique l'information concernant l'énergie

. Définir un projet d'action concernant l'énergie

. Etablir un plan d'action possible pour mettre en oeuvre ce projet

. Avoir une attitude active en face d'un problème énergétique en relation avec une valeur de référence

110

Ce tableau d'objectif généraux est le même pour le premier et le second cycle. Il s'entend comme les objec­tifs de fin de chaque cycle. La différenciation en fonc­tion des classes se fait au niveau des objectifs intermé­diaires et encore plus opérationnels.

4 - ACTIVITES PEDAGOGIQUES EXPERIMENTEES SUR LES TERRAINS

sur les terrains des sujets ont été plus souvent abordés et des méthodes d'études se sont trouvées privilé­giées

4.1. Les dominantes

Si les orientations et les objectifs étaient communs à toutes les équipes, l'initiative la plus grande était laissée pour élaborer et expérimenter activités et pratiques pé­dagogiques dans les classes, de sorte que les résultats ont été variés. Cependant certains points forts de niveaux différents (sujet, méthode d'étude) se sont souvent révélés et quel­quefois associés dans les réalisations faites sur les ter­rains : - Histoire de l'énergie Exemples : histoire de la navigation, de l'éclairage, de l'utilisation de la vapeur. - Politique énergétique Ce sujet a souvent été abordé à partir de l'étude de la consommation d'énergie de l'élève ou de sa famille. - Energie et agriculture En particulier analyse écoénergétique à l'échelle d'une exploitation agricole. - Energie dans l'environnement proche de l'établissement - Visite d'un équipement énergétique (centrale, raffinerie, exploitation agricole) - Réalisation d'une exposition sur l'énergie Dans ce cas la documentation mise au point par les commanditaires de la recherche a été largement utilisée.

une progression dont le point fort est l'analyse du point de vue éner­gétique de 2 cas concrets...

4.2. Un exemple

Je présente à titre d'exemple la progression pluridiscipli­naire réalisée par l'équipe du lycée Marcel Pagnol d'Athis-Mons en 1983-1984 dans une classe de 1ère S ; elle concerne un vaste thème : "Energie, agriculture, in­dustrie agro-alimentaire". Les objectifs des enseignants reprenaient l'essentiel du tableau (p.109). Ils s'articulaient essentiellement par rapport à cinq finalités : - études quantifiées des énergies rencontrées dans des situations concrètes.

111

... une exploitation agricoles et une sucrerie, d'abord étudiées "en direct" au cours d'une visite...

... et qui ont fourni des données numériques pour un exercice de synthèse

- application des notions de système, de chaîne énergé­tique à l'étude de l'agrosystème local. - utilisation des notions de rendement énergétique pour la terre (rendement en biomasse totale, en biomasse glucides), et pour l'aliment sucre. - application aux entreprises visitées des notions de pro­duc t iv i t é du t rava i l humain d'un agrosys tème, et d'efficacité. - étude des rapports énergie et société et notamment, réflexion sur la productivité des agrosystèmes et compa­raisons (choix énergétiques, utilisations de l'énergie en agriculture, modifications de l'environnement, transfor­mations de la chaîne agro-alimentaire)

L'étude du thème choisi a été menée sur plus de six mois, étant bien entendu que les disciplines n'étaient pas toutes concernées en même temps et que ces travaux sur l'énergie laissaient place dans chaque discipline à d'autres sujets pendant cette même période. D'autre part les notions de base sur l'énergie avaient été introduites au préalable pendant le cours de physique. Voici le déroulement chronologique de cet te progression :

Sujets des différentes séquences et principales activités

Besoins des plantes vertes engrais, (travaux pratiques)

Rôle de la lumière et de la chlorophylle dans la photosynthèse (travaux pratiques et cours)

Production de matière organique (cours et exposés d'élèves)

Visionnement du film "Le feu de la vie"

Préparation des visites d'une exploitation agricole et d'une sucrerie : élaboration d'un questionnaire à utiliser lors de la sortie

Visite d'une exploitation agricole à Lieusaint, suivie de la visite de la sucrerie Béghin-Say à Moissy Cramayel : recueil de données à partir du questionnaire en vue de la réalisation d'un compte rendu d'équipe à la maison

Durée

3 H

4 H

i H

i H

2 H

l / 2 jour­née

Disciplines concernées

S. Nat. S. Phys.

S. Nat. S. Phys.

S. Nat. S. Phys.

S.Nat S.Phys Hist.Géo.

Hist.Géo. S.Nat. S.Phys S.Eco-Soc.

Hist-Géo. S.Nat. S.Phys.

112

Exploitation des visites (ière phase) : débat à partir des comptes rendus, prise de conscience i H de la spécificité des différentes approches disciplinaires par rapport à un même objet étudié

Visionnement du film "agriculture et i H management"

Hist.Géo. S. Phys. S. Eco-Soc.

Hist.Géo.

Analyse guidée de documents illustrant les liens 3 fois Hist.Géo. entre agriculture et énergie (travail d'équipes) 2 H

Les grandes productions agricoles en France, les 3 H mouvements paysans, les problèmes de l'Europe verte (cours)

Exploitation des visites (2ème phase) : bilans énergétiques des 2 entreprises (travail d'équipe 3 H sur le document-questionnaire présenté ci-contre)

Visite du Salon de l'Agriculture

Conclusion du thème et prolongement de l'ex­ploitation des visites : à partir de l'analyse d'un document sur l'évolution de l'efficacité et de la productivité au cours des cinquante dernières années, débat sur "quels choix pour quel système agricole ?" (1)

1/2 jour­née

2 H

Hist.Géo.

S. Nat. S. Phys.

Hist.Géo

S. Nat. Hist.Géo. S. Phys.

S. Nat. S. Phys. Hist.Géo.

(1) Ont participé à l'élaboration de cet te progression : Yvette AFCHAIN et Isabelle LAGUËS en Sciences Physiques, Anne-Marie CUVILLIER et Jacqueline SANCHEZ en Sciences Naturelles, Katie HAZAN et Marie-Claire ROUX en Histoire et Géographie, Daniele CAREL et Monique LEVASSEUR en Sciences Economiques et Sociales.

113

Document-questionnaire distribué aux élèves pour la 2ènie phase de l'exploitation des deux visites

Le soleil, l'intervention humaine et le sucre...

La croissance de la betterave sucrière et la fabrication du sucre nécessi­tent de l'énergie solaire et l'intervention humaine - les données numéri­ques fournies lors de la visite de l'exploitation et complétées vont vous permettre de prendre conscience des chaînes énergétiques, d'évaluer quel­ques rendements et d'élaborer une représentation schématique de l'ensemble.

I. Données numériques

1) Energie solaire En région parisienne, l'énergie solaire arrivant au sol par rayonnement est de 46 x lCpkJ par hectare (ha) et par an : . 20 % est réfléchie par le sol . 70 % est absorbée par le sol et de nouveau réfléchie . 10 % est fournie à la plante dont 9 % pour sa respiration, transpiration e t c . . et 1 % stockée sous forme d'énergie chimique après photosynthèse. La photosynthèse permet une production végétale chiffrable en énergie (voir plus loin...)

2) Intervention humaine a) à l'exploitation agricole, l'énergie directe et indirecte fournie représen­te environ 30 % de la production végétale en énergie, soit : 14- % en combustibles fossiles (énergie directe) 10 % en engrais (qui apportent azote, phosphore et potassium) 3 % en pesticides, fongicides, herbicides et main d'oeuvre 3 % en matériels. b) à la sucrerie, l'énergie directe ou indirecte fournie représente environ 35 % de la production végétale en énergie.

3) Biomasse récoltée et transformée a) A Lieusaint, en 1983, l'exploitant agricole a récolté 50 t de racines de betteraves par hectare (soit 500 quintaux/ha), valeur représentant la pro­ductivité primaire nette de la terre. Les feuilles sont enfouies sur place comme engrais vert. Remarque : la productivité primaire nette de la terre était de environ

39 t/ha vers 1963 27 t/ha vers 1933

b) Une tonne de betteraves contient environ : 160 kg de glucides 5 kg de lipides 15 kg de protides

c) A la sucrerie, une tonne de betteraves fournit environ 130 kg de sucre et des "déchets" : la pulpe (aliment pour le bétail), la mélasse (aliment pour le bétail ; alcool après distillation).

114

k) Energie emmagasinée et extraite a) Au cours de l'activité photosynthétigue, l'énergie chimigue accumulée correspond à :

15 670 kJ par kg de glucide 37 800 kO par kg de lipide 23 500 k3 par kg de protide

b) Un adolescent de 50 kg consomme 10 kO par jour pour couvrir les besoins de son organisme (travail musculaire, fonctionnement nerveux, maintien de sa température à 37° C, synthèse cellulaire ...).

11 - Questions :

1) Calculez l'énergie solaire utilisable par ha et par an pour l'activité photosynthétigue de la betterave sucrière.

2) Calculez l'énergie chimique emmagasinée par ha par la récolte de bet­teraves de 1980 à Lieusaint sous forme de glucides puis de lipides et en­fin de protides. Le total représente la production végétale en énergie (en négligeant les feuilles ...).

3) Calculez l'énergie nécessaire à l'exploitant agricole pour 1 ha de cultu­re betteravière.

{*•) Calculez la quantité de sucre obtenue à partir de la récolte de bette­raves par ha ; calculez l'énergie chimique contenue dans cet aliment.

5) Calculez l'énergie nécessaire à la sucrerie par ha de culture betteravière.

6) Combien d'adolescents alimentés exclusivement de sucre pendant un an (!) seraient nourris par un hectare de betteraves ? Quel tonnage de betteraves serait nécessaire pour chacun d'eux ?

7) Imaginez une représentation schématique de ces données qualitatives et quantitatives.

8) Calculez le rendement énergétigue de la terre en 1983 a) en tenant compte de la biomasse totale b) uniquement pour la biomasse glucide.

L'énergie fournie par l'exploitant agricole modifie-t-elle beaucoup ce ren­dement ?

9) Calculez le rendement énergétigue alimentaire :

10) Commentez les résultats.

115

la représentation schématique semblant un moyen privilégié de rendre compte de cette synthè se

Les représentations graphiques réalisées par les équipes d'élèves au cours de ce travail ont été souvent intéres­santes et ont révélé des qualités assez diverses : exécu­tion technique, abstraction, recherche de représentations concrètes ... Nous en reproduisons trois exemples.

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118

Question n° 3

Voici un tableau de la consommation (C) et de la production (P) d'énergie en France depuis 1960 en Mtep (million de tonnes équivalent pétrole).

Charbon

Pétrole

Gaz naturel

Nucléaire

Hydraulique

Energies nouvelles . .

Total

1960

P

38,9

2,2

2,8

52,9

C

2,9

85,6

1973

P

19,4

2,1

7,0

3,1

10,5

2,0

44,1

C

15,0

3,1

10,5

2,0

177,4

1982

P

+

64,7

C

0

+

+

182,7

Le statisticien a mélangé les données et ne sait plus comment remplir les cases vides : vous allez l'aider (si vous ne savez pas répondre à une question, vous pouvez passer à la suivante).

1) En 1960 a) consommation de charbon et de pétrole : le statisticien dispose

de 2 valeurs 46,8 M tep et 26,9 M tep. Placez-les pour lui. b) production de nucléaire, hydraulique, énergies nouvelles : le

statisticien dispose de 3 valeurs dans le désordre : 9,0 M tep, 0 M tep, 0 M tep — Placez-les.

2) En 1973 Consommation de pétrole et de charbon : les valeurs sont encore mélangées : 45,7 M tep et 117 M tep. Replacez-les.

3) En 1982 Il n'y a plus de chiffres du tout. Le statisticien en est réduit à indiquer l'évolution de la production et de la consommation depuis 1973. + si la production ou la consommation augmente — si la production ou la consommation diminue 0 si la production ou la consommation reste stable.

Complétez le tableau

EXTRAIT DE L'EPREUVE D'EVALUATION DE FIN DE TROISIEME

119

4-3- Evaluation

une tentative d'évaluation à grande échelle, de l'enseigne­ment mené par les équipes pluridiscipli­naires ayant expérimenté

les garçons sembleraient plus à l'aise avec le "savoir-énergie" que les filles ...

A l'opposé du questionnaire ci-dessus qui peut être cons­idéré comme outil d'évaluation en liaison très étroite avec une progression bien précise, deux épreuves d'éva­luation sommative ont été mises au point par l'équipe des concepteurs. Elles visaient l'acquisition en fin de troisième et en fin de première des principaux objectifs cognitifs retenus par l'équipe. Ces épreuves ont été sou­mises en juin 1984 à 603 élèves de troisième et 738 élèves de première. Parmi les élèves de troisième, 209 avaient suivi, soit en 82-83, soit l'année suivante, soit les deux années, un enseignement expérimental sur l'é­nergie ; en première ces élèves étaient au nombre de 228. Un rapport sur l'analyse détaillée des réponses des élèves est en cours d'élaboration, cependant quelques résultats issus des tris à plat peuvent dès maintenant être donnés.

. En classe de troisième (des-extraits du questioni naire sont reproduits ici) - Le score maximal est de 111 points. - Le score moyen est de 49. - La distribution moyenne est la suivante :

Score de n

IL 20 > 30

30» 39

40 i 49

S" » 59

fio % «9

70 » 7 9

« 0 * »0

> !»

1

I LT

1 1

l 1

:

- Les croisements montrent que : . les garçons réussissent mieux que les filles, leur score moyen est de 53 contre 46. Ceci est en contradiction avec des études générales qui révèlent que les filles ont à âge et origine égale des résultats scolaires supérieurs aux garçons ; . les élèves jeunes ou bien d'âge normal réussissent mieux que ceux qui sont en retard (score moyen de 52 contre 46). Cela va par contre dans le même sens que toutes les enquêtes ; . les élèves des classes expérimentales ont un score moyen de 58 contre 45 aux autres.

. En classe de première - Le score maximal est de 146 points. - Le score moyen est de 63.

120

Question n" 2

Utilisez les données suivantes pour compléter les 2 exercices ci-dessous.

Formes d'énergie : énergie cinétique énergie de niveau ou potentielle énergie thermique énergie chimique énergie nucléaire

Modes de transfert : travail des forces électricité chaleur rayonnement (ex. : lumière)

Exercice n° 1

Le vent peut mettre en mouvement une hélice qui, par l'intermé­diaire d'une courroie, entraîne l'axe d'un alternateur. Celui-ci est relié aux deux bornes d'un accumulateur.

vent hélice accumulateur

Indiquez dans la chaîne énergétique schématisée ci-dessous les formes d'énergie et leur mode de transfert.

mode de

vent hélice alternateur accumulateur

Exercice n° 2

La vache broute l'herbe, l'homme se nourrit de la viande de l'animal.

Il y a des transferts d'aliments (donc de matière et d'énergie) entre ces êtres vivants.

EXTRAIT DE L'EPREUVE D'EVALUATION DE FIN DE TROISIEME

121

Les chaînes alimentaire (I) et énergétique (II) schématisent ces transferts. Dans l'une, la flèche indique «• est mangée par », dans l'autre la flèche indique « donne de l'énergie à ».

I. II. Source

herbe

herbe t vache » homme

vache homme

Energie mode de transfert

Energie Energie Energie

— D'où vient l'énergie accumulée dans l'herbe ? Autrement dit quelle est la source d'énergie à l'origine de la chaîne ? L'indiquer sur le schéma.

— Inscrire dans chaque cas la forme d'énergie. — Préciser le mode de transfert à l'endroit désigné.

Question n" 10

La raréfaction de l'oxygène de l'air est un aspect essentiel de la pollution due à l'utilisation de l'énergie. 15 milliards de tonnes d'oxygène par an disparaissent. Indiquez à l'aide de croix, les systèmes qui participent ou non à la disparition de l'oxygène.

Systèmes

Feu de bois

Plante verte

Radiateur électrique . . . .

Champignon

Centrale thermique

Centrale thermique

Consomme de l'oxygène

Produit de l'oxygène

Ne consomme ni ne produit

d'oxygène

EXTRAIT DE L'EPREUVE D'EVALUATION DE FIN DE TROISIEME

122

- La distribution moyenne est la suivante. Score de

o & il

n i ij

»4» 35

J«l 47

«« * $9

«o» 71

71 » »J

84 » 95

96 ì 107

> 10«

... en iere comme en 3ème

- Les croisements montrent que, comme en troisième : . les garçons réussissent mieux que les filles, leur score moyen est de 69 contre 59 ; . les élèves jeunes ou d'âge normal réussissent mieux que ceux qui sont en retard, score moyen de 66 contre 58 ; . les élèves des classes expérimentales ont un score moyen de 70 contre 60 aux autres.

Ces résultats sont intéressants même s'ils sont limités, d'une part en raison de l'analyse incomplète des résultats, d'autre part du fait de la nature même des épreuves. Les meilleures performances relatives des élèves des classes expérimentales sont encourageantes mais cepen­dant assez réduites ; cela peut s'expliquer par les condi­tions matérielles dans les établissements scolaires qui ont trop souvent empêché que les équipes interdiscipli-

des premières... mais pas n a j r e s soÌ,e.nt à l a f o i s c o mP I è t e s> agissent au niveau des mêmes élevés et ceci en continuité sur deux années

les résultats comparés des classes expérimen­tales et des classes témoins sont à la faveur

de beaucoup scolaires.

5. DOSSIERS PEDAGOGIQUES PROPOSES PAR LES CONCEPTEURS

des documents, pour la plupart, conçus en tant qu'aides didactiques...

Les nombreux documents construits par les équipes des terrains ont servi de base à l'élaboration de dossiers pé­dagogiques par les concepteurs durant l'année 1984-1985.

Notre propos n'était pas de surajouter de nouveaux do­cuments à la pléthore déjà existante mais de proposer d'autres démarches, d'autres problématiques afin que pro­fesseurs et élèves disposent d'outils permettant d'appré­hender de manière synthétique les problèmes énergétiques.

Les dossiers mis au point concernent des sujets

123

... reprenant les sujets et les méthodes d'étude les plus souvent abordés sur les terrains...

... et présentant aussi des mises au point plus théoriques : évolution du concept, vocabulaire

"transversaux" par rapport aux différentes filières, leur publication par l'INRP débutera en novembre 1986. Les sujets abordés, en rapport avec les points forts apparus sur les terrains, sont les suivants : - enseigner l'énergie en Sciences Physiques dans les col­lèges - évolution historique du concept d'énergie - consommation d'énergie et choix énergétique - énergie et environnement - visites d'établissements énergétiques - vocabulaire de l'énergie - réalisation d'une exposition sur l'énergie.

A titre d'exemple j'évoquerai succintement deux de ces dossiers.

les autres facteurs

de production

5.1. Dossier sur les visites d'établissements énergétiques

Son découpage est le suivant : - introduction précisant les objectifs et intérêts pédago­giques de ces visites

la place de l'établissement

dans la filiere énergétique

chaîne économique

bilan économique tes bilan et rendement

V.éco-énerg

source d'énergie utilisée

chaîne technologique

la chaîne

énergétique

le produit

énergétique

les bilan et rendement énergétiques

l'organisation du travail

les emplois la sécurité

les facteurs

d'implantation 8ÜSSEMWT É *

les conséquences du

fonctionnement

124

Document 5

SCHEMA TECHNIQUE DIME CENTRALE THEMMUE NUCLEARE

Etti kMUB : QfCut dt /fftiMbMrnBnf

P : Pomps dt droAtfion <Tnu

Document 6

CHAÎNE ÉNERGÉTIQUE D'UNE CENTRALE THERMIQUE NUCLÉAIRE

milieu environnant j atnt&sphere

i fleuve, mer

126

Document 7 CENTRALE NUCLEAIRE ET ENVIRONNEMENT

Incidence sur la vie et l'économie

régionale 1 Présence de la

Centrale Influence sur le paysage

c E- fnuc l ' éaJ res l " SaMe ^ machines /Réfrigérant atmosphérique

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Source : la centrale nucléaire de Civaux : ses effets sur l'environnement (EDF).

127

- deux exemples de progressions centrées sur des visites et réalisées sur les terrains de la recherche - cinq "livrets-élève" avec pour chacun une proposition d'utilisation par le professeur. Ces différents livrets permettent l'étude pluridisciplinaire : . d'une centrale hydraulique . d'une centrale thermique classique . d'une centrale nucléaire (voir documents 4, 5, 6, 7 du livret-élève) . d'une raffinerie de pétrole . d'une exploitation agricole. - divers annexes : . propositions d'expériences de Sciences Physiques relati­ves aux centrales . indications sur les aspects socio-économiques de la vi­site d'un établissement énergétique . informations complémentaires sur les rejets de centra­les thermiques, les problèmes posés par les déchets radioactifs et le démantèlement des centrales nucléaires . bibliographie.

5.2. Dossiers sur te vocabulaire de l'énergie

savoir que le même mot est utilisé avec un autre sens par son collègue, est important pour l'ensei­gnant ...

11 comporte deux parties : - la première présente sous forme de deux histoires ou "scénarios" les différentes approches disciplinaires d'un sujet donné : "le voyage en voiture", "l'énergie dans l'histoire, une pomme". - la seconde partie est consacrée au vocabulaire propre­ment dit, présenté comme un dictionnaire comportant les mots :

... essayer d'homogénéiser l'usage de ce mot c 'est encore mieux

bilan chaîne chaleur conservation consommation cycle dégradation

économie énergie entropie filière flux forme

rendement source système température transfert transformation

Pour chaque mot est énoncée une définition interdiscipli­naire suivie de commentaires qui en précisent la validité et l'usage selon les disciplines. Ce vocabulaire est ac­compagné d'un complément sur les unités utilisées quand on traite l'énergie. En illustration du dictionnaire voici ce qui a été élaboré pour bilan et rendement.

128

. Exemple du mot : BILAN

"Inventaire quantitatif des modifications et/ou des échanges d'énergie affectant un système donné"

LE BILAN ENERGETIQUE

. En Sciences Physiques

Le mode opératoire consiste a : - définir le système - rechercher tous les transferts d'énergie se rapportant à lui - comptabiliser positivement la quantité qu'il reçoit et négativement celle qu'il cède. La somme algébrique de ces quantités d'énergie correspond au bilan énergétique. Elle peut être nulle, positive ou négative.

système étudié : maison (excepte son moyen de chauffage) échanges d'énergie : - pertes sur l'extérieur : Ql, Q'1, Ql, Q3 - énergie W reçue par la maison et qui a été cédée par le moyen de chauffage

Q3

Bilan énergétique : E = W + Ql + Q'1 + Q2 + Q'2 + Q3. Posons : Q = Ql + Q'1 + Q2 + Q'2 + Q3. Alors : E = W + Q. Notons que W reçue est y O, Q cédée est < O.

Trois cas sont possibles : a) W + Q > O - L'énergie thermique de la maison va augmenter ce qui se

traduit par une augmentation de sa température intérieure. b) W + Q = O - L'énergie thermique de la maison reste constante. La tempé­

rature intérieure est maintenue à une valeur choisie 19° C par exemple. c) W + Q < O - L'énergie thermique de la maison diminue. Elle se refroidit

(panne du moyen de chauffage par exemple). Pour un hiver on compte en moyenne W = -Q = 1500 kWh pour un appartement de trois pièces.

d) Pour diminuer W il apparaît clairement qu'il faut diminuer - Q (usage de matériaux isolants).

Exemple de bilan énergétique Chauffage d'une maison

Q'2 4 * Q2

129

. En Sciences Naturelles

Le mode opératoire proposé par les physiciens s'adapte au calcul de bilan d'un or­ganisme (homme) ou d'une cellule. Le bilan est positif lors de la constitution de réserve (amidon, lipides... qui sont des sources d'énergie), négatif dans le cas contraire.

. En Sciences Sociaies, Histoire-Géographie

Le bilan énergétique représente la production et/ou la consommation de sources d'énergie d'une zone géographique pendant une durée déterminée. Dans ce cas, l'u­tilisation du terme bilan est assimilable à la notion de compte d'exploitation qui résulte d'une agrégation de variables de flux alors que le bilan indique des varia­bles d'état.

LE BILAN ECO-ENERGETIQUE

En Sciences Sociales, Histoire-Géographie et en Sciences Naturelles, un autre type de bilan est utilisé : c'est le bilan éco-énergétique.ll permet d'évaluer le coût énergétique correspondant à toute transformation agricole ou industrielle faisant intervenir de l'énergie, des matières premières et du travail. On remonte ainsi les étapes de la chaîne de fabrication d'un produit donné. A chaque étape on calcule la quantité d'énergie utilisée, exprimée en kilojoule.

La comptabilité énergétique tient donc compte de la consommation directe et in­directe d'énergie dans un système. Elle forme un nouveau mode d'analyse : l'analy­se éco-énergétique. Celle-ci "permet de juger les bases écologiques de la gestion des ressources naturelles dans divers systèmes économiques et sociaux" (R. Passet. L'économique et le vivant).

Exemple : Bilan éco-énergétique d'un hectare de blé en Thymeraii (région de Dreux) pour un an.

1 - Quantité d'énergie reçue (exprimée en giga/oules : 1 GJ - 10s K3).

. Energie soiaire directe ("gratuite") pour quatre mois de végétat ion : quantité to ta le reçue par Je champ (par ha) : 20 500 GJ

. Energie ache tée ("pavante") :

Energie d i rec te : - main d'oeuvre (alimentation) 0 . 0 5 GJ - semences 2,17 GJ - fonctionnement des tracteurs 5,06 GJ - fonctionnement de la moissonneuse... 0,82 GJ

Energie indirecte (énergie nécessai re pour fabriquer) : • engrais azotés 17,75 GJ - engrais phosphatés 1,30 G3 - engrais potassiques 1,48 G J - pesticides 1,04 GJ

TOTAL 30,23 GJ

2 - Quantité d'énergie cédée par ha et utilisable par l'homme

- production de blé 100.32 G3 - production de paille 25,03 GJ

TOTAL 125,40 GJ

130

Dans ce type de bilan, le but est de montrer l'augmentation de la quantité de biomasse^ fabriquée par le système champ. Par rapport au bilan en physique les s i ­gnes aige'brique sont inverse's : la quantité d'énergie reçue est négative, la quantité d'énergie cédée devient positive. Dans l'exemple ci-dessus, le bilan énergétique global est toujours négatif :

Energie utilisable - (énergie solaire + énergie achetée) 125A - ( 20500 + 30,28 ) = - 20W5 GO

Mais généralement le bilan éco-énergétique est positif car l'énergie solaire gratuiti n'est pas prise en compte :

Energie utilisable - énergie achetée 125A - 30,28 = 95,12 GO

Exemple du mot RENDEMENT

"Pour un système donné, le rendement énergétique est le rapport quantité d'énergie utilisable à une fin donnée

R = • , quantité d'énergie mise en jeu pour l'obtenir

Ce rapport est toujours inférieur à 1. Il est souvent exprimé en pourcentage."

. En Sciences Physiques

Le rendement d'une centrale thermique recevant la quantité d'énergie Ql = 1000 kO et rejetant la quantité de chaleur Q2 = 600 kO est :

r, Ql - QP W

R = _ i £ = — = o , 4 soit 40%. Qi Qj

En effet, seule la différence Q j - Q , a été transformée en travail W puis ensuite en énergie électrique (utilisable). D'après le deuxième principe de la thermodynamique, le rendement théorique maximal de cette centrale est donné par la relation :

Rt = Tl - T2

Tl

où Tj et T2 sont les températures respectives (exprimées en kelvin T/^s = (0C) + 273) des sources chaudes et froides. Exemple : pour une centrale thermique classique J1 = 565 + 273 = 838 K T2 = 40 + 273 = 313 K Rt = 0,63 soit 63%

131

Remarque : On parle de "l'efficacité" d'une pompe à chaleur :

énergie produite par la pompe à chaleur efficacité =— ; ;

énergie nécessaire à son fonctionnement [apportée par l'homme)

Dans ce cas et contrairement au rendement, l'efficacité peut être supérieure à 1 ou 100 %. En effet, l'énergie thermique captée à la source froide n'entre pas en compte dans l'énergie nécessaire au fonctionnement de la pompe à chaleur.

. En Sciences Naturelles

Le rendement énergétique de la photosynthèse est : quantité d'énergie accumulée dans la plante

quantité d'énergie reçue par la plante

La quantité d'énergie reçue par la plante est la somme de l'énergie lumineuse et des énergies apportées par l'homme. Ces dernières sont très faibles ( 0,5 %) par rapport à /'énergie lumineuse reçue et n'influent pas sur la valeur du rendement.

Exemple : rendement photosynthétique d'un champ de maïs aux Etats-Unis pendant un beau jour d'été, dans les conditions optimales :

1129 (k3) R = = 0,054 soit 5,4 %

20900 (kj) Dans les conditions moyennes, ce rendement est de l'ordre de 1 % pour l'année.

. En Sciences Sociales, Histoire-Géographie

Pour des analyses éco-énergétiques, on utilise le rapport : valeur énergétique des produits obtenus

somme des apports énergétiques de l'homme

Ce rapport représente ce que certains auteurs appellent "efficacité". Les apports énergétiques comprennent l'énergie directe (combustible...) et indirecte (énergie nécessaire à la fabrication des tracteurs, des engrais...) L'efficacité ainsi définie est alors le plus souvent supérieure à 1 ou à 100 %.

Exemple : rendement éco-énergétique d'un hectare de blé en Thymerais ou efficaci­té : (voir aussi le mot Bilan) quantité d'énergie utilisable 125A GJ

. . . = = 4,14 = 414 % quantité d'energie achetée 30,28 GO

Remarque : On peut encore trouver le terme de rendement utilisé pour des masses ou quantités d'énergie produites par unité de surface ou de personne (exemple : rendement agri­cole de blé tendre : 5t/ha). Cependant, on emploie de moins en moins le terme de rendement dans ce sens, on lui préfère le terme de productivité.

6. CONCLUSION

Cette recherche s'est concrétisée par des progressions qui ont largement motivé les élèves et qui leur ont permis de mieux maîtriser le "savoir-énergie" que lors d'appréhen­sions parcellaires et disciplinaires du concept. L'ouverture sur la technique et l'industrie, la formation à l'esprit critique notamment par rapport à l'information, représentent les autres aspects positifs des travaux effec­tués sur les terrains. Ce bilan favorable repose avant tout sur les réflexions préalables et approfondies puis sur les réalisations pédago­giques d'équipes pluridisciplinaires qui à tous les niveaux de l'élaboration, ont, chacune, travaillé en commun. Cette dernière condition est indispensable à la cohérence du sa­voir à transmettre, elle conduit à repenser les program­mes annuels concernant l'énergie, des différentes disciplines.

Eliane DAROT Collège Louis Lumière Marly le Roi

133

LA VITESSE AU COURS MOYEN

Jean-Loup Canal

Tout enfant, dès son jeune âge, est confronté à la "vitesse" et se donne une re­présentation de cette grandeur. Mais cette grandeur est complexe et ne peut se construire seule car elle dépend de deux autres, la distance et le temps. Elle se trouve au carrefour d'une foule de difficultés complexes de toutes sortes. C'est au cours moyen deuxième année (10-11 ans) que nous nous intéresserons ici, classe où traditionnellement est abordée l'étude mathématique de la vitesse. La vi­tesse est posée a priori comme une évidence : c'est le résultat du quotient de la distance par la durée mise pour la parcourir. Le raccourci est effrayant et le ré­sultat évident : seule une minorité d'élèves intègre cette définition. Le mécanisme étant monté, d'autres élèves l'utilisent sans comprendre, d'autres se bloquent.

i - LES PROBLEMES POSES PAR LA CONSTRUCTION DES NOTIONS DE VITESSE, DE DEPLACEMENT

i . i . Difficultés fondamentales propres à la notion de vi­tesse

. A quelles actions est associé le mot vitesse?

Dans le langage courant, la vitesse peut se rapporter à vie courante une action quelconque : se déplacer, manger sa soupe,

ranger sa chambre, s'habiller, effectuer un travail donné, grandir, e t c . . Les représentations spontanées de la vitesse sont liées : - à la rapidité des mobiles

"La vitesse c'est le contraire de lent, de lambin" "Un escargot n'a pas de vitesse" "Une fusée file à toute vitesse" "La vitesse, c'est courir".

- à la compétition - ou à la contrainte dans l'exécution d'une tâche (lire, écrire, compter..)

Pour le physicien, la vitesse est une grandeur liée avant ... et physique tout au déplacement.

La vitesse est une grandeur dite dérivée qui ne peut se mesurer directement. Elle sera donc déterminée indirec­tement à partir des grandeurs dites primitives : le dé-placementÀl et la durée de ce déplacement At. La vites­se se définira par le quotient Al/t. Si la vitesse n'est pas

constante, le rapport 1/t représentera la vitesse moyenne. La vitesse instantanée à un instant précis pourra se définir comme la limite de 1/t quand t tend vers 0 :

Al d l v = lim =

A t - ^ o /Vt d t

La vitesse se définit simplement dans le cas où elle est constante.

. La quantification pose trois types de problèmes :

Le mesurage qui exige :

# La connaissance des points de départ et des points d'arrivée. Dans un CP, les enfants ayant décidé de savoir "qui dans la classe court le plus vite" ont tout de suite res­senti la nécessité de choisir une ligne de départ et un

du départ signal de départ, sans se soucier de la ligne d'arrivée, à C'est après plusieurs essais suivis de discussions qu'est l'arrivée apparue la nécessité de définir la ligne d'arrivée.

Dans ce même CP, nous avons rencontré les mêmes dif­ficultés quand les enfants ont voulu déterminer "quelle est la voiture (jouet) qui roule le plus vite", considérant que la voiture qui va le plus loin est celle qui roule le plus vite. L'inverse s'est produit dans une autre classe où les en­fants comparant les déplacements de deux voitures n'ont guère attaché d'importance à la ligne du départ, mais se

- sont montrés exigeants pour la ligne d'arrivée.

& La détermination de la distance parcourue entre le point de départ et le point d'arrivée. Dans deux CM, cette détermination donna lieu à de vi­ves discussions : où prendre les repères sur une voiture qui parcourt une distance donnée ? Les roues avant (ou le pare-choc avant) sont choisies comme repères au départ, mais ce sont les roues arrière (ou le pare-choc arrière) qui sont prises comme repères à l'arrivée, sinon l'arrière de la voiture n'aura pas franchi la ligne d'arri­vée et n'aura donc pas parcouru la distance imposée ! Les enfants conçoivent que le véhicule traverse une zone dangereuse limitée par les deux lignes. Le temps de la traversée dure tant qu'une partie du vé­hicule reste dans cette zone. L'intervention du maître est nécessaire pour : . faire constater que tous les points de la voiture par-

135

courent la même distance expliquer qu'il suffit de prendre le même repère

(quel qu'il soit) au départ et à l'arrivée.

Des enfants plus jeunes se soucient généralement peu du chemin suivi et de la distance parcourue, mais ce qui compte pour trouver le véhicule le plus rapide, c'est l'ordre d'arrivée.

-fr La connaissance des instants de départ et des instants d'arrivée -fr La détermination de l'intervalle de temps entre ces deux instants (ou durée de déplacement).

Des élèves du CM proposent d'utiliser un chronomètre au départ et un à l'arrivée pour mesurer la durée du par­cours d'un élève, puis la durée de déplacement d'une voiture. -& Le mesurage implique une marge d'incertitude (dans l'évaluation des grandeurs) dont les élèves doivent débat­t r e afin de poursuivre la conceptua l i sa t ion (ou la modélisation).

L'opération sur les nombres va de soi avec des connais­sances mathématiques suffisantes. Les activités expéri­mentales peuvent contribuer à leur élaboration. Mais les difficultés liées à la vitesse laissent croire dans certaines situations à une méconnaissance de l'outil mathématique. Voici par exemple une situation proposée à des élèves dans deux classes du CM.2 :

Deux en 7 Quell

voitures secondes e est la

rou , et plus

ent rég l'autre rapide

ulièrement 20 cm 9

en l'une fait

8 secondes. 19 cm

"toucher au nombre" Seuls quatre enfants sur quarante ont pensé se servir d'un graphique (déjà utilisé), mais ils se sont contentés d'une construction à "main levée" qui ne permettait pas de conclure. Les autres précisaient bien qu'ils devaient comparer les distances pendant des temps égaux (ou l'inverse). Aucune valeur simple n'étant possible, un seul propose de déter­miner les distances parcourues pendant une seconde. Un seul a su découvrir que la solution était donnée par le quotient de la distance par le temps. Quatre enfants uti­lisèrent la division. Pour les autres en général, le rai­sonnement fut le suivant : "20 cm en 8 secondes, soit 10 cm en 4 secondes, soit 5 cm en 2 secondes, soit 2,5 cm en 1 seconde. Pour /'au­tre voiture on ne peut pas !"

136

traduire les résultats

Le raisonnement mathématique et l'opération à effectuer sont les mêmes dans le problème suivant qu'ils savent faire : "Un cultivateur achète deux lots d'arbres fruitiers, un lot de 7 arbres à 190 F, un lot de 8 arbres à 200 F. Quel est le lot le plus avantageux ?

La construction graphique

La construction graphique favorise l'explication des rela­tions en les présentant sous une forme concentrée parti­culièrement pertinente et riche de possibilités. C'est un moyen d'aborder la grandeur vitesse.

"Une voiture électrique se déplace-t-elle toujours pareil, régulièrement, à la même vitesse ?"

Telle est une des situations proposées à des enfants du CM2. Deux solutions se présentent à eux :

- La voiture parcourt des distances égales en des temps égaux. - La voiture parcourt en des temps égaux des distances égales.

C'est la première solution qui vient à l'esprit des élèves ; mais le résultat sera d'autant plus probant que la vérification est faite sur des intervalles successifs de distances (ou de temps) de plus en plus courts. Aussi, pour des raisons pratiques, c'est la deuxième solution qui est adoptée : "un chronométreur" annonce "top" toutes les trois secondes par exemple, et un "marqueur" inscrit à chaque fois un repère indiquant la position du véhicule. Cette série de mesures constitue un tableau de résultats qui doit se transformer en graphique pour dégager une loi. Pour les mathématiciens et les physiciens, se posent plu­sieurs problèmes ; celui de :

- la précision sur la position des points ainsi obtenus. Une étude critique sur la précision des mesures est faite et conduit à adopter une estimation des erreurs commises, qui se traduira sur le graphique par une zone d'incertitude.

- l'extrapolation de la construction d'une courbe. Il y a passage d'une suite discrète à une fonction continue, ce que les élèves admettent très bien en imaginant la mul­tiplication des relevés. 11 suffit ensuite de tracer une courbe passant par les zones d'incertudes obtenues. Les

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enfants relient alors immédiatement la vitesse à la pen­te de la courbe : lorsqu'elle est horizontale, ils recon­naissent l'immobilité de la voiture ; avec une pente négative, ils reconnaissent la marche arrière. La confu­sion entre diagramme et profil de la route se produit parfois dans l'esprit des enfants.

Quelles sont les différentes significations physiques de la vitesse ?

le mot vitesse est Vitesse constante. Dans ce cas, distance et durée sont courant mais il est proportionnelles. Graphiquement, les points sont alignés polysémique pour et la vitesse est en relation avec la pente de la droite, le physicien Les voitures jouets électriques sur pistes planes, de pen­

te constante et de rugosité uniforme ont des vitesses constantes.

Vitesse variable. La non proportionnalité entre la distan­ce parcourue et la durée se traduit sur le graphique par un non alignement des points. Les déplacements de l'ai­guille du compteur de vitesse d'une voiture indiquent les variations de la vitesse. Chaque position de l'aiguille dé­finit une valeur de la vitesse instantanée. Dans une classe l'observation du radar routier a facilité la découverte de cette vitesse instantanée. Le radar in­tègre directement les deux grandeurs espace-durée pour afficher la valeur numérique de la vitesse instantanée (la gendarmerie prête volontiers son concours). La voiture à friction a sa vitesse constamment variable, ce que traduit bien la construction graphique : la pente de la courbe tend peu à peu vers l'horizontale.

Vitesse moyenne. Mais on peut très bien envisager le déplacement d'une voiture en ne considérant que la du­rée du parcours sans se préoccuper de la façon dont il est effectué. On imagine qu'elle se déplace à vitesse constante : "Elle était partie du même endroit à la même heure et arrivée au même endroit à la même heure sans jamais accélérer ni relentir. Tandis que la voiture roulait d'a­bord moins vite, puis plus vite, encore plus vite et plus doucement". Le graphique de la voiture à friction permet également d'introduire cette nouvelle grandeur.

138

1.2. Autres difficultés

. Difficultés d'ordre psychologique

La confusion durée - distance parcourue : "tant que l'i­dée de vitesse n'est pas acquise sous une forme opératoire, c'est-à-dire comme un rapport entre l'espace parcouru (ou le travail fourni, etc..) et cette dimension commune aux différentes vitesses qu'ont précisément le temps, l'ordre temporel se confond avec l'ordre spatial et la durée avec le chemin parcouru"... "Celui qui va le plus loin est celui qui s'est déplacé le plus longtemps".(i)

Dans une classe du CEi, l'école et les maisons d'Alain et de Francis sont matérialisées par des dessins. Partent en même temps de l'école, les voitures jouets d'Alain et de Francis. Malgré des parcours inégaux, elles arrivent en même temps à destination.

Voici des réflexions illustrant cette confusion : . "Les deux ont le même chemin" . "Francis (sa maison est proche de l'école, sa voiture est plus lente) a le plus long chemin car sa voiture va moins vite".

La confusion dépassement - vitesse : "Inversement, tant que l'ordre temporel n'est pas lui-même constitué, la vi­tesse se réduit à une intuition insuffisante et parfois trompeuse, celle du dépassement, c'est-à-dire à nouveau d'une intuition spatiale, caractérisée par le changement

des confusions de position respective du mobile". qu'il faut prendre "La construction du temps commence donc quand les en compte vitesses différentes sont comparées entre elles, vitesse

des ac t iv i tés humaines comme des mouvements matériels, et cette construction s'achève avec la coordi­nation de ces vitesses : les notions de temps et de vi­tesse sont donc corrélatives", (i)

Deux groupes d'enfants décident de chronométrer la du­rée d'un même parcours. Le groupe n°i part quelques minutes avant le groupe n°2 et arrive un peu avant le groupe n°2. De retour en classe, les enfants comparent les durées et en déduisent que le groupe n°2 est allé plus vite, ce qui surprend Eric : le groupe n°2 marchait plus vite et il ne nous a pas dépassés".

(i) Jean PIAGET : "Le développement de la notion de temps chez l'enfant". Paris. PUF. 1946.

confusion entre l'ordre temporel et l'ordre spatial

139

des prérequis parfois trompeurs

Une jeune fille tenant un foulard rouge parcourt un chemin deux fois plus court que sa camarade ayant un foulard bleu. Elles démarrent au même instant et s'arrê­tent en même temps. A la question : "Qui court le plus vite ?", des enfants du CEi ont répondu : "Elles courent aussi vite parce qu'elles sont arrivées au même endroit" ou "les deux filles courent de la même façon parce qu'elles arrivent en même temps".

La confusion distance - vitesse : Dans la situation décrite précédemment, nous avons aussi ce type de réponse : "la rouge (sous-entendu court plus vite), parce que la bleue était plus loin" ou "les deux parce que c'était loin".

La confusion durée - vitesse : Avec des enfants du CE2, nous avons observé la confu­sion entre "a été plus vite" et "a mis moins de temps" à propos de chemins de longueurs différentes parcourues à la même vitesse (il faut moins de temps pour parcourir le plus court chemin sans aller plus vite).

. Difficultés dues aux idées préconçues ou aux justifica­tions abusives

- Relation entre vitesse et constitution du mobile "un avion va plus vite" (qu'une voiture) "le tank a plus de roues, donc forcément il va plus vite qu'une auto" CP-CM "elle a de grandes jambes, elle va arriver la première" CEi "Laurent a des baskets, il va gagner" CEi "un escargot, une tortue n'ont pas de vitesse" CP-CEi

- Relation entre vitesse et puissance du véhicule "une 2CV et une Mercedes ne peuvent pas rouler à la même vitesse. La Mercedes va doubler l'autre". (Avis d'un enfant de CP partagé par toute la classe).

- Relation entre vitesse et robustesse. "un bateau pneumatique à moteur, normalement il de­vrait pas aller vite, il est fragile" CP

- Relation entre vitesse et quantité de carburant, "cette voiture va plus doucement car elle n'a pas assez d'essence" CP

. Difficultés d'origine linguistique

L'ambiguïté de certaines expressions usuelles révèle, exprime, souligne et confirme bien cette confusion entre

140

l'espace, le temps et la vitesse, par exemple : "il va vite" peut se rapporter au temps ou à la vitesse, "il est arrivé le premier" donne une information à la fois spatiale et temporelle. Une distance peut être donnée sous la forme d'une du­rée : "le lac est-il loin ? Il est à deux heures de marche".

Les formules elliptiques familièrement utilisées concou­rent à des confusions ou des assimilations espace-temps ou espace-vitesse. "il fait du no" , "il roule à 90 à l'heure", "il roule à 90 km heure" est une formule journalistique fréquente où produit est confondu avec quotient.

. Confusion entre grandeurs

Du point de vue qualitatif, le sens du mot vitesse appli­qué à différentes actions traduirait l'action faite par unité de temps :

Action faite v =

temps mis pour l'effectuer

En physique, si l'action correspond à un déplacement, c'est bien la vitesse qui est définie. Mais il peut y avoir des confusions notamment :

La confusion puissance-vitesse : quand la physique Si l'action correspond à un travail effectué, une énergie s'en mêle les produite ou dépensée, c'est alors la puissance qui est en difficultés cause, augmentent Par exemple : deux grues mettent des temps différents

pour soulever une même charge d'une même hauteur. Pour effectuer un même travail, l'une va plus vite que l'autre, sa "vitesse d'action" est plus grande, sa puissance est supérieure.

La confusion fréquence - vitesse : Prenons l'exemple suivant : "l'enfant mange vite sa soupe". Cela peut signifier : il porte rapidement sa cuil­lère à la bouche, la cadence est rapide. Dans ce cas, on souligne que l'enfant porte sa cuillère à la bouche un grand nombre de fois par seconde. Cela correspond à la fréquence qui est évidemment en correspondance avec la vitesse linéaire de la cuillère. Cette confusion entre fré­quence et vitesse se retrouve souvent au cours des acti­vités de musique et de danse.

le langage est aussi source d'ennuis

141

Reprenons l'exemple précédent : on peut s'intéresser à la quantité de soupe et au temps mis pour l'avaler. "Manger vite sa soupe" signifie alors avaler rapidement tout le contenu de son assiette en un temps très court et dans ce cas, c'est le débit qui est en cause. Il n'y a pas forcément une fréquence élevée : si l'enfant utilise une louche, la fréquence sera faible, mais la soupe pour­ra être vite avalée !

2 - REPRESENTATIONS ENFANTINES SUR LE MOT VI­TESSE

2.1. Dans un premier CM2

1ère séance

. Première phase : Disposant chaque fois de cinq minutes, les enfants ré­pondent individuellement par écrit à deux questions : - que vous suggère le mot vitesse ? - qu'entendez-vous par vitesse ?

Tous les enfants (sauf une fillette) aiment la vitesse. Le terme vitesse est associé à la rapidité d'un mouve­ment (pour des véhicules, des projectiles, des êtres vivants, des éléments météorologiques) ou à la rapidité d'exécution d'une action, ou une sensation (vent dans la figure). Un élève définit la vitesse comme la qualité d'une per­sonne ou d'une chose qui se déplace, ou agit beaucoup en peu de temps. La définition de la vitesse de déplacement est pressentie. Pour un élève "la vitesse pour un engin c'est la puissan­ce qu'il contient".

. Deuxième phase : Comparaison et confrontation des représentations lors d'un entretien collectif. Pour certains enfants la vitesse se confond avec le "temps d'arrivée" (influence des compétitions sportives). Un seul élève pense à la durée du parcours. D'autres distinguent vitesse et temps, ou vitesse et record. L'importance de la distance parcourue n'apparaît pas spontanément. Pour l'ensemble de la classe, après discussion sur des exemples, il semble admis :

. qu'un mobile rapide ou lent a une vitesse (ce qui

la polysémie du mot vitesse

142

n'est pas le cas pour des enfants de CP). . que les vitesses peuvent être comparées, mais les

valeurs relatives semblent plus importantes que les va­leurs absolues,

. que la vitesse peut être chiffrée (180 à l'heure).

2ème séance

La maîtresse lit ce que trois élèves ont écrit à propos de la vitesse. Le désordre des idées est flagrant d'où la proposition de

les catégories classer les exemples en "catégories de vitesse", de vitesse ressenties Sans les nommer les élèves distinguent : par les enfants - la vitesse de déplacement avec des subdivisions pour

les véhicules, les projectiles, les êtres vivants, les "choses" naturelles ; - la v i tesse d'un mouvement (ou d'un phénomène) périodique. - les vitesses qui s'énoncent par le temps demandé pour la réalisation d'une action. - les vitesses d'augmentation (des prix, des croissances).

A l'issue de ce classement, nous décidons d'essayer de préciser la notion de vitesse de déplacement : course d'enfants.

3ème séance

Les enfants souhaitent savoir "quel est celui de la classe qui court le plus vite ?"

qui va le plus vite ? * "Faire une course, un par un, avec le chronomètre".

Tollé général ! Tout le monde sait que trois élèves cou­rent beaucoup plus vite que les autres.

• "Faire une course entre les trois plus rapides sans chronomètre" "Les trois partent en même temps, au même signal. On les met sur la même ligne de départ et on trace une li­gne d'arrivée". Remarque : la simple comparaison des ordres d'arrivée permet de résoudre le problème sans avoir besoin d'ins­trument de mesure,

et comment le savoir ? Discussion sur la nécessité ou non d'un chronomètre pour "plus de précision", "pour départager" s'ils arrivent presqu'en même temps, "ça sert à rien un chrono au départ".

*nLes trois courent en même temps et il faut un chrono­mètre pour chacun" "il faut un chronomètre à chaque bout" ; non - si non "ce sera plus précis"

143

"oui si les chronométreurs appuient en même temps sur le petit bouton !" Remarque : on veut utiliser des chronomètres, sans se préoccuper de la grandeur à mesurer.

*"0n va tracer un chemin pour chacun, pour qu'ils aillent droit - on mettra un départ et une arrivée - et on verra

quelle méthode utiliser ? celui qui franchit le premier la ligne d'arrivée". Discussion au sujet des juges d'arrivée : suggestions di­verses vues au cours de compétition...

. amélioration proposée : "pour que ce soit précis, il faut trois chronomètres". "Non, le chrono ne servira à rien !" La maîtresse invite à figurer l'expérience au tableau.

* "On peut les faire partir un par un et il faut un chronomètre" "là, le chronomètre est indispensable" "non" disent certains, puis ils changent d'avis sauf un. "si, le chrono est indispensable !" Pourquoi ? dit la maîtresse. "il faut le chronomètre pour avoir le temps qu'il a fait" "le temps mis à courir" "le temps mis à parcourir le trajet" La distance est matérialisée au sol, et les enfants n'en­visagent pas de la mesurer. La maîtresse demande une schématisation au tableau. Le schéma consiste à attribuer des temps à chaque cou­reur afin de les classer. La discussion permet de préciser que les coureurs doi­vent suivre le même parcours.

Les enfants retiennent la proposition suivante : les enfants courent trois par trois sur des lignes parallèles de même longueur, trois chronométreurs mesurent le temps mis par leur coureur pour passer de la ligne de départ à la ligne d'arrivée, et l'on compare les temps pour désigner le coureur le plus rapide. Si le temps est minimal alors la vitesse est maximale. Et prévoient l'organisation matérielle de l'expérience. "Il faut un chronomètre, non, trois chronomètres. Il vau-

, , . . . . drait mieux six ou neuf chronomètres pour comparer et de a proposition a la ê t r e l u s sur>1. C e t enfant p e n s e p e u t être à la possibili-reahsat.on de l'expérience t é d e f a i r e d e s m o y e n nes (une intervention de la maî­

tresse aurait peut être été souhaitable) "il faut un parcours" - un départ marqué à la craie - une ligne d'arrivée en face du départ - une ligne droite de parcours - la ligne d'arrivée doit être parallèle à la ligne de dé­part

- il faudra pendre la mesure du terrain ! - non la distance importe peu !

Remarque : la mesure de la distance est inutile pour sa­voir qui court le plus vite - Pour l'introduire il fallait que le problème se pose, par exemple besoin de trans­mettre et de comparer avec les correspondants. "Il faudra des contrôleurs" "Il faudra un starter".

4ème séance

En classe mise au point de la méthode et distribution des rôles et du matériel puis la course a lieu au gymna­se et, en fin de séance, remise au net des résultats obtenus.

ière méthode : Après avoir choisi la piste, trois cou­reurs se placent au départ.

Le premier essai, avec trois chronomètres, un starter et des juges, révèle que les chronométreurs ne réagissent pas au signal de départ et que les départs ne sont pas simultanés. Une vive discussion s'engage : "il faut un chrono et un chrono à l'arrivée" (pour chaque coureur), "c'est le cou­reur qui devrait avoir le chrono" (refus des coureurs et de la maîtresse) "un chrono suffit pour chronométrer un coureur" l'accent est mis sur la nécessité de synchroniser le déclenche­ment et l'arrêt du chronomètre avec le départ et l'arri­vée des coureurs. Il est décidé que le chronométreur doit se placer à l'arrivée.

Lors du deuxième essai, les temps de parcours sont cri­tiqués par les juges car ni les chronométreurs, ni les coureurs n'ont démarré ensemble, mais les trois valeurs sont retenues à titre indicatif. Dans un troisième essai, avec un deuxième groupe, on retrouve les mêmes difficultés liées au départ incertain.

Résultats de cette méthode : Le signal de départ est mauvais car d'une part les coureurs sont trop rapprochés à l'arrivée et les chronométreurs ont du mal à juger, la distance parcourue étant trop courte et d'autre part les réflexes des chronométreurs sont mis en cause. Remarquons que personne ne met en doute les indica­tions fournies par les chronométreurs, les enfants ont une totale confiance dans l'appareil.

Deuxième méthode : la course en solitaire avec : choix

145

d'un signal de départ. Pour avoir plus de précision, trois chronométreurs mesu­reront la durée de parcours d'un coureur et se placeront à l'arrivée.

Six enfants font successivement la course et les résul­tats révèlent des différences entre les résultats proposés par les chronométreurs pour un même coureur. - les élèves tirent les conclusions suivantes :

les deuxième et troisième chronométreurs ont parfois de mauvais réflexes.

. on peut classer les coureurs.

Autres séances :

Plusieurs séances de classe suivirent où furent étudiés la définition mathématique de la vitesse, le déplacement d'une voiture-jouet (à vitesse constante), la vitesse de croissance du maïs . Cette dernière activité fut particu­lièrement riche avec activités de mesurages (sur vingt cinq jours au moins) et construction graphique. L'analyse du graphique fit apparaître très nettement différentes phases de croissance. Si cet te étude sur la croissance du maîs a constitué un excellent exercice de synthèse, elle aurait pu aussi bien fournir une très bonne situation-départ pour l'étude de la vitesse ; les mesures de la longueur du plan sont aisées, l'unité de temps est simple (le "jvjur") et toutes les me­sures peuvent se faire hors activité systématique, sans précipitation et dans chaque groupe d'élèves.

2.2. Dans un autre CM2

Nous avons délibérément placé les enfants devant une suite de situations, les laissant réfléchir, argumenter, proposer et expérimenter sur chacune d'elles, avec en particulier l'étude du déplacement d'une voiture-jouet électrique, et nous avons complété par : - une situation qui permet la comparaison de deux dé­placements non simultanés - l'étude du déplacement d'une voiture-jouet à une vites­se variable - l'étude de la course de vitesse d'un enfant - l'observation du radar routier.

1ère séance : "Comparaison des vi tesses de deux véhicules".

Afin de montrer aux élèves que si on veut comparer les vitesses de deux véhicules, il y a deux possibilités :

une variété de situations

146

vitesses de deux véhicules, il y a deux possibilités : . comparer les temps mis pour parcourir une même

distance, . comparer les distances effectuées en un même

temps, On leur propose comme matériel deux voitures (jouets) électriques, ici deux tanks à vitesse lente. Les deux vé­hicules sont distingués par deux drapeaux, bleu et blanc,

des mesures Les deux tanks sont mis à la disposition des enfants, sont L'un d'eux ne marche pas. Les enfants pensent tout de nécessaires suite à vérifier si les piles sont bonnes. Il n'y en a pas.

La maîtresse précise le problème : "nous n'avons qu'un jeu de piles. Pouvons-nous tout de même savoir lequel va le plus vite ?".

. Travail de recherche en groupe

i e r groupe : On les fait marcher l'un après l'autre. On chronomètre celui qui va le plus vite. Oui mais il faut mesurer les longueurs. (Nous avons noté dans une séance ultérieure que pour certains enfants un chronomètre mesure la vitesse).

2ème groupe : On compte les crans sur les chenilles. Plus il y a de crans, plus il va vite. Plus les roues sont grandes plus elles font de chemin. Non c'est le contraire. Regarde sur ta bicyclette le petit pignon c'est celui qui va la plus vite ! Est-ce qu'un tank est plus lourd ?

3ème groupe : On prend trois mètres. On prend un tank on le fait rouler et on le chronomètre pendant qu'il roule. On peut prendre n'importe quelle longueur. On fait pareil avec / 'autre. On regarde le temps qu'il va mettre à faire ce trajet.

4ème groupe : On fait un parcours d'un mètre. On prend un premier tank on le chronomètre. On change les piles du tank. On fait pareil avec l'autre et on compare.

5ème groupe : On fait une course. On prend une lon­gueur de deux carrés (carrelage). On le chronomètre ; on met les deux piles dans l'autre et on recommence.

Compte-rendu du travail des groupes et expérimentation Le deuxième groupe présente ses idées. Le reste de la classe critique leurs propositions et fait remarquer que, de toute façon, les deux tanks sont identiques. Mais plu­sieurs fois nous avons remarqué que des enfants veulent déterminer la plus ou moins grande rapidité d'un véhicule

147

à partir de sa constitution, nombre de roues, dimensions des roues, dimension et poids du véhicule, nombre de pi­les e t c . . La proposition commune aux autres groupes est expérimentée. Ils ont choisi un intervalle de un mètre (proposition du 4e me groupe) mais sans y attacher d'importance. La position du char sur la ligne de départ fait l'objet d'une discussion mais finalement les enfants conviennent de placer l'avant du char sur la ligne de départ. En revanche ils disent curieusement "stop" quand l'arriè­re du char passe la ligne d'arrivée. Nous avons retrouvé cette difficulté relative aux choix des repères liés au véhicule dans différentes classes. La maîtresse fait re­marquer ce changement de repère : les élèves lui préci­sent que "c'est pareil pour les deux !". C'est vrai, mais la difficulté devra être résolue au cours d'une discussion importante à la deuxième séance. Une trajectoire non rectiligne pose un autre problème.

La trajectoire du tank blanc s ' inflééhit ne t t ement "son chemin se voûte" ! Les enfants voudraient que la trajectoire soit rectiligne. Un enfant fait remarquer que de toute façon cela n'a pas d'importance car celui qui a mis le moins de temps est celui qui a parcouru la plus grande distance. En effet les résultats observés ont été les suivants :

Le tank blanc met huit secondes pour parcourir un peu plus d'un mètre. Le tank bleu met onze secondes pour parcourir un mètre. Ils concluent que le plus rapide est le tank blanc. Ils essayent aussitôt d'excuser, de justifier, d'expliquer la moins grande vitesse de l'autre : - peut-être que le bleu, on s'en n'est pas beaucoup servi ; il n'est pas rodé ou bien quand les piles sont al­lées dans le tank bleu, elles avaient déjà servi dans le tank blanc, elles étaient plus usées !

Le raisonnement est logique et approuvé par la classe. Un des enfants propose de recommencer avec le blanc. L'expérience refaite donne le même résultat : huit secondes.

Alors la maîtresse intervient : "existe-t-il une autre méthode" ?

première expérimenta­tion = distance fixe on mesure le temps

problème du choix des repères

problème de la trajectoire

A

>

8 second es 11

\y secondes

Arrivée

\ Ì 1 '

I r a . i

• . Départ

tank bia ne ta nk Dieu

148

deuxième expérimenta­tion = temps fixe on mesure la distance parcourue

les repères ont changé

comment mesurer la trajectoire non rectiligne

A cet te question de la maîtresse les enfants cherchent mais ne trouvent pas. Elle précise : "vous avez fixé une distance de parcours aux deux tanks et vous avez mesuré les temps correspondants. Ne pourrait-on agir différemment ?" Un élève - "on pourrait s'occuper du temps" M - "oui comment ?" "on le fait rouler dix secondes et on mesure la distance". Cette proposition reçoit l'accord des autres et entraîne une nouvelle expérimentation : En dix secondes, le tank bleu parcourt 1,10 m. Une élève fait remarquer que ce n'est pas normal : "tout à l'heure il a mis onze secondes pour faire un mè­tre !"

Chacun cherche ce qui a pu changer et il faut l'interven­tion de la m a î t r e s s e pour trouver la solution : le par­cours mesuré à la deuxième expérience est limité par l'a­vant du tank à l'arrivée, ce qui n'était pas le cas dans la première expérience.

1ère exp.

] lm 1 en Ils

V

ta nk t leu t

2° E xp.

A i i

' 1,10m

i e n

, 10s.

ank

Y

bleu

Les enfants admettent qu'il n'y a pas contradiction.

Plusieurs enfants insistent pour que le tank soit laissé en place. Le tank blanc effectue son parcours en dix secon­des (fig-3)-

Les avis sont partagés à cause de la trajectoire non rectiligne du blanc : - les uns soutiennent que de toute façon il est inutile de mesurer puisque le blanc est devant le bleu et "qu'en plus son chemin est tordu". - D'autres tiennent à mesurer. Ils suggèrent de prendre un mètre ruban de couturière. Des con t rad ic teurs leur avancent qu'on ne sait pas où le tank passé. Ils décident de renouve­ler son parcours mais en "dessinant" son trajet

"on accroche une craie derrière" - "et non ça va le freiner".

ta

1

• 1

nk t

^

,10m

en

Os.

leu tank

1,22m

en

10s.

V

bla ne

H

149

Ils conviennent de le suivre avec une craie. Ensuite ils appliquent une ficelle sur la trajectoire ainsi dessinée ; il ne reste plus qu'à mesurer la ficelle avec un mètre de bois.

objectif = construction graphique avec mise en relation des temps et des distances

première proposition = distance fixe on compare les temps

le choix des repères est cet te fois cohérent

2ème séance : Positions d'une voiture à des instants suc­cessifs égaux.

Nous souhaitions amener les enfants à réaliser un ta­bleau de mesures donnant les positions d'une voiture électrique et les temps correspondants, avec pour objec­tif : la construction graphique. Une voiture électrique qui roule très lentement (à peu près un mètre à la minute) est donnée aux élèves. Après l'observation du déplacement de la voiture la maî­tresse pose la question : "la voiture roule-t-elle toujours à la même vitesse ?"

Tous les groupes, sauf un, réinvestissent les résultats de la première séance : - on fait parcourir à la voiture deux fois la même dis­tance et on compare les temps correspondants. - on compare les distances parcourues pendant un même temps.

Un groupe s'est proposé de compter chaque fois les crans sur les pneus. Mais quand il leur a été demandé de le faire, ils se sont récusés. Une proposition voisine avait été avancée et réalisée par des adultes : mettre de l'encre sur les pneus et vérifier si oui ou non les traces laissées par les crampons sur le sol sont réguliè­rement espacées. Ce groupe là, ayant constaté les espa­cements réguliers avait conclu à la régularité de l'avan­cement de la voiture !

Lors de l'expérimentation les enfants disposent les roues avant sur la ligne de départ. Mais ils protestent afin de déterminer l'instant d'arrivée de la voiture : passage des pare-chocs avant, roues arrière ou pare-chocs arrière sur la ligne ? La discussion est vive. Mais une idée s'impose, celle de prendre pour instant de départ, le passage des pare-chocs avant sur la ligne et, pour instant d'arrivée, le passage des pare-chocs arrière sur la ligne. Après les in­terventions de la maîtresse les enfants se rendent comp­te qu'il faut prendre le même repère sur la voiture pour le départ et l'arrivée. Ils choisissent les roues avant.

Résultats : ier essai 50 cm en 28 s. 2ème essai 50 cm en 28 s.

150

Ensuite ils réalisent la deuxième proposition : comparer les distances parcourues pendant un même temps. Un

deuxième proposition = élève propose de choisir vingt huit secondes comme temps fixe, on compare durée. les distances parcourues «comme cela on vérifiera mieux !"

amélioration des mesures

Résultats : ier parcours 2ème parcours

46 cm en 28 s. 44 cm en 28 s.

La désapprobation est générale devant ces résultats ! E "Elle ne roule pas régulièrement" ? M : "Non c'est lui, il Ht pas bien le temps" !

Le chronométreur se défend ; il voudrait que l'on choi­sisse un autre temps : "vingt-huit secondes c'est difficile à lire" (c'est vrai, il avait une montre). En outre pour mesurer la distance parcourue, ils s'aper­çoivent que le choix des roues n'est pas heureux ; il ne sont pas sûrs de ce qu'ils mesurent. Des améliorations sont proposées prendre un chronomètre et un repère lié à la voiture (un fil de fer) (fig. 4)

Cette amélioration est apportée par la maîtresse.

Haïda propose de prendre deux durées consécutives de dix secondes. Elle obtient 16 cen­timètres en dix secondes, 32,5 cm en vingt secondes. Une au­tre enfant propose de détermi­ner les temps mis pour parcou­rir 50 cm et 100 cm sans ar­rêter la voiture. A l'usage cet­te proposition s'avère impossi­ble : le temps est trop diffici­le à lire au"top" du juge à chaque passage du repère en fil de fer sur les lignes tra­cées au sol.

H*

La maîtresse reprend les résultats obtenus après la pro­position de Haïda. "que peut-on en dire" ?. Les enfants affirment que la voiture roule régulièrement.

M . "si je dis à vos parents que vous travaillez régulièrement, à partir de quand pourrai-je le leur dire"?.

Les enfants conviennent que deux jours seraient insuffisants. Mais pour la voiture ils se contenteraient

151

volontiers des deux résultats obtenus !

Plusieurs mesures sont faites : toutes les dix secondes la position de la voiture est repérée et ceci pendant

, .^.^. , soixante secondes. Pour ce faire un chronométreur an-repetition des mesures n Q n c e 1M t e m p $ d i x ? v i n g t ) t r e n t e p r é c é d é s d-un

"attention" pour prévenir le "marqueur" qui suit le repè­re de la voiture avec une craie.

Un tableau est alors construit :

Distance (en cm)

temps (en s.)

15.5

IO

30

2 0

43,5

30

60

40

75

50

88,5

60

Les enfants souhaitaient relever uniquement les interval­les : s'ils sont égaux, la voiture roulera régulièrement. Dans le but de réaliser le graphe du déplacement en fonction du temps la maîtresse leur demande de relever les distances parcourues en dix secondes, vingt secondes .... En outre l'incertitude sur la mesure de la longueur étant la même chaque fois, la précision augmente.

3ème séance - La construction du graphe

La maîtresse demande aux enfants de représenter sur leur cahier les distances relevées sur le tableau. Les enfants n'ont pas encore appris à présenter des dis­tances supérieures aux dimensions de leur cahier. Le problème de l'échelle va se poser. Elle demande que ces distances soient représentées

du tableau au graphe "verticalement" côte à côte, sur leur cahier. Pourquoi ? Etant donné que c'est une première étape vers la cons­truction graphique il est souhaitable que l'axe des ordon­nées représente les distances. Si on ne donne aucune consigne les enfants seront conduits à les représenter "horizontalement".

Immédiatement les enfants protestent. La maîtresse leur demande de se débrouiller. Les solutions proposées et réalisées sont multiples : - les uns ajoutent des "rallonges" à leur feuille - d'autres fractionnent la distance en un certain nombre de segments de longueurs telles que leur somme soit égale à celle de la distance à représenter. - certains enfants se contentent de dessiner plusieurs segments de dimensions croissantes mais sans qu'il y ait de relations particulières avec les distances du tableau.

152

problème de l'échelle

- un enfant prend une distance unitaire correspondant à quinze cm et il la double, triple, quadruple en diminuant ou en majorant suivant le cas, en correspondance avec les valeurs données avec le tableau. - un autre met la première valeur à l'échelle un, la deuxième ne rentrant pas il la divise par deux, la troi­sième aussi : pour la quatrième valeur il se voit obligé de la diviser par trois ! Mais il réalise à ce moment là que sa représentation manque de logique : la deuxième est plus peti te que la première et la quatrième est éga­lement plus petite que la troisième. Il recommence et divise tout par quatre. - enfin, plusieurs enfants divisent tout par cinq ou par dix. La maîtresse demande aux enfants d'expliquer ce qu'ils font et pourquoi. Après discussion les enfants convien­nent de diviser par cinq ou par dix et de préférence par dix ("c'est plus facile"). Mais les difficultés apparaissent pour tracer des seg­ments de 15,5 mm, 43,5 mm. Ce problème de préci­sions sera repris plus loin.

© © ©

• ^ • —

o 10 20 30 40 50 t o 10 (en s)

50 t (en s)

^ d (en cm)

60

40 -

20 .

10

©

o 10 50 u o 10 (en s)

50 t (en cm)

h5

153

En ce qui concerne le tracé de l'axe des temps, la maî­tresse constate que quelques uns des élèves ont tracé les différents segments parallèles entre eux et à la même distance des uns des autres. (Fig.5a). Elle leur demande de justifier : "c'est plus propre mais ça n'a pas d'importance" !. Une seule élève précise que l'auto s'est déplacée avec chaque fois une durée de dix secondes en plus. L'idée est proposée, discutée et reprise par le reste de la classe. La maîtresse demande aux enfants de préciser l'instant o. L'axe des temps est ainsi introduit. (Fig-sb).

La maîtresse leur demande ensuite si on est sûr de la longueur des différents segments. Les élèves font faci­lement une critique des mesures faites et retrouvent les différentes sources d'erreurs : "le suiveur est souvent en retard" "le suiveur indique la position avec une craie qui fait un trait large" ! "en mesurant avec la règle jaune on n'a pu se tromper".

Ils conviennent d'admettre que le lecteur du chronomètre a dit stop au bon moment. Personne ne met en doute la précision du temps donné par le chronomètre.

Le problème est de savoir à combien on estime l'erreur faite. Les enfants la situe entre deux et 3 cm. Cela se traduit par un certain "flou" de l'extrémité du segment que l'on encadre par : plus 1,5 cm. (Fig.5c). En­fin est-il important de tracer le segment ? Les élèves conviennent que seule l ' ex t rémi té est in t é ressan te . (Fig.5d).

Extrapolation et construction de la courbe : la maîtresse demande ce que l'on aurait obtenu si on avait fait une mesure toutes les secondes au lieu de les faire toutes les dix secondes. Puis elle leur demande de tracer la courbe qui passe par toutes les "zones". (Fig.5e). Les enfants constatent que c'est pratiquement une droite et relient aussitôt ce résultat à la régularité d'avance­ment de la voiture. La maîtresse précise que la voiture roule peut être irrégulièrement mais que ces irrégulari­tés sont trop faibles et sont masquées par le manque de précision des mesures. Rapidement car c'est la récréation, la maîtresse trace une autre demi-droite d'origine o, plus "redressée". Elle leur dit "voici la représentation obtenue avec une autre voiture. Quelle est celle qui va le plus vite" ?. Les enfants interprétèrent correctement le graphique et il semble que toute la classe soit d'accord pour dire que

critique des mesures

construction et inter­prétation de la courbe

la deuxième voiture est plus rapide.

En conclusion, cette séance fut longue (i h. 30) et d'un niveau d'abstraction élevé. Mais jamais les élèves n'ont donné l'impression de trouver le temps long. La séance était essentiellement consacrée à l'utilisation ou à la dé­couverte de notions mathématiques ; ce travail avait pour base une situation très concrète et les élèves de­vaient découvrir les difficultés pour les résoudre. L'un des intérêts essentiels était le passage d'une suite discrète à une fonction continue ; la continuité de la fonction étant définie de façon expérimentale.

4ème séance - Exploitation et lecture du graphique.

Le graphique étant construit, il faut que les enfants sa­chent le lire correctement, interpréter de nouvelles courbes en faisant une lecture correcte. Dans le cas de déplacement à vitesse constante, les élèves doivent ré­aliser que pour comparer des vitesses ils peuvent : * avec le graphique : . comparer les pentes . comparer pour une même durée les déplacements cor­respondants

lecture et interpretation # comparer pour un même déplacement les durées cor-du graphique respondantes

* sans graphique : se ramener par des opérations mathématiques à une des situations de comparaison énoncées ci-dessus. La maîtresse trace au tableau le graphique suivant : la demi-droite Vo correspond au déplacement précédemment

M - "Les voitures roulent-elles régulièrement"? Plusieurs élèves disent non parce que ce n'est pas plat (horizontal) ! D'autres élèves : "si elles rou­laient pas régulièrement ça baisserait et ça monterait".

L'intervalle de vingt jours en­tre les deux séances est très important et malgré l'intérêt pour le sujet, certains élèves ont du mal à s'y remettre. Dans les autres classes le pro­blème ne s'est pas posé.

obtenu. (Fig.6).

M - "Quelle est la voiture qui roule la plus vite"?.

155

le graphique représen­te le déplacement de la voiture

Les élèves ne répondent pas. Nous sommes déçus. La maîtresse inscrit des valeurs sur les axes et plus parti­c u l i è r e m e n t c e l l e s de la v o i t u r e Vo o b t e n u e s expérimentalement. Les enfants retrouvent facilement ce résultat et peuvent lire correctement le graphique : en dix secondes Vo fait 15,5 cm tandis que V2 en dix secondes en fait moins. V2

va moins vite que Vo et V va encore plus vite car en dix secondes, elle a parcouru davantage de chemin.

La maîtresse dessine alors le graphique suivant au tableau. (Fig.7a).

Fig.y(a)

©

Quelle est signification ? elle fait un parcours horizontal puis elle monte une grande côte" "elle monte une côte puis une descente !" "elle reste sur le même centimètre et sur le même temps" "le temps change mais pas la voiture" "plusieurs enfants font une interprétation correcte : l'immobilité de la voiture.

La maîtresse complète le graphique précédent : (Fig.7b) Des enfants trouvent immédiatement l'inter­prétation correcte : la voiture revient à son point de départ. Pour d'autres un temps de réflexion est nécessaire. Deux ou trois enfants ne parviennent pas à analyser correctement le graphique, pour eux, il représente le profil de la route. Nous avons retrouvé dans chaque CM 10 % d'élèves rencontrant cet te difficulté.

©

La maîtresse mime le déplacement d'une voiture : - elle marche, elle court, elle s'arrête, elle attend. Les enfants doivent représenter approximativement déplacement.

le

156

De Nombreux enfants font une représentation correcte. - elle court, elle marche, elle s'arrête, elle attend, elle revient au point de départ en marchant. . quatre enfants proposent le graphique suivant : (Fig.7c). . plusieurs le font correctement.

> -

calcul de la vitesse

Définition mathématique de la vitesse.

La maîtresse propose les données suivantes : Deux voitures roulent régulièrement. La rouge a parcou­ru dix cm en quatre secondes, la bleue dix neuf cm en sept secondes. Quelle est celle qui va le plus vite ?

Quatre élèves se lancent dans la construction graphique. Mais curieusement ils renoncent assez vite à cause, semble-t-il, du minimum de précision nécessaire pour pouvoir l'interpréter valablement.

Tous les élèves ressentent la nécessité de comparer soit des distances parcourues en des temps égaux soit des temps mis pour parcourir des distances égales. Certains adoptent des solutions très fantaisistes comme par exemple ajouter également trois aux quatre secondes et aux dix cm de la voiture rouge qui se retrouve donc avec une distance de 13 cm parcourue en sept secondes.

Aucun élève ne pense à ramener le temps à vingt huit secondes multiple des deux autres. Après cinq mn de re­cherches infructueuses une élève propose de comparer les distances parcourues en une seconde. Son idée est proposée à toute la classe. Mais le problème n'est pas résolu pour autant. Seul quatre élèves pensent à utiliser la division. Les autres ne savent pas obtenir le résultat pour la voiture bleue. Pour la voiture rouge ils ont fait des divisions par deux successivement. La division est proposée à toute la classe par un enfant. Ils trouvent 2,5 pour la voiture rouge et 2,7 pour la voi­ture bleue.

157

La maîtresse leur fait préciser la signification de ces deux nombres : Ils représentent la distance parcourue par chacune en une seconde. La maîtresse leur indique qu'ils viennent de calculer ce que l'on appelle la vitesse. Elle leur fait préciser les unités : cm/s.

M - Quelle autre unité connaissez-vous ? Le kilomètre par heure.

La séance se termine par un calcul de conversion en km/h des deux résultats obtenus précédemment.

Conclusion

La séance est dominée par les difficultés suivantes : . le graphique est une abstraction du déplacement

et des enfants ont tendance à le comparer au profil de la route.

. connaissant la distance parcourue en un certain temps il n'est pas évident du tout pour des enfants que la distance parcourue pendant l'unité de temps s'obtienne par une simple division. Nous avons observé les mêmes difficultés dans d'autres CM2. Il aurait été intéressant de construire et comparer les représentations graphiques des deux voitures et re­trouver les distances parcourues par chacune en une seconde.

Sème séance : Exercice d'évaluation et vitesse moyenne

Nos intentions : Amener les enfants à réfléchir sur une situation amusante mais présentant des difficultés de raisonnement et de lecture de graphique. Jusqu'à présent, toutes les situations exploitées corres­pondaient à des déplacements à vitesse constante ou à une suite de déplacements à vitesse constante. Nous vou­lons maintenant met t re les enfants face à des situations plus conformes à la réalité quotidienne c'est-à-dire des mouvements où la vitesse varie constamment. La situation proposée est simple : étude du déplacement d'une voiture-jouet à friction.

Une feuille est distribuée. (Fig.8) Sur une partie sont dessinées huit images numérotées re­présentant des moments ou des endroits différents rela­tifs aux trajets effectués, par un cycliste et un automobiliste. Sur l'autre partie deux courbes matérialisent des trajets des deux véhicules précédents. Il s'agit de placer sur ces

158

Petits voyages d'un jeune homme en bicyclette et d'une famille en automobile;

Un cycliste et une auto qui t tent à des moments différents Rodez dans une direction commune. Leurs déplacements sont respectivement matérialisés par les deux courbes C et A. Des images en désordre les montrent à différents moments de la journée. Tu admettras que : - si le cycliste (ou l'automobile) est vu de l'arrière, il s'éloigne de Rodez - vu de face, il y retourne - une image correspond au début de l'action qu'elle représente. . En t'aidant du graphique indique l'heure dans chaque image. . Place a l'endroit voulu sur chaque courbe les numéros correspondants aux images.

159

contradiction entre l'observation et le graphique : il y a une erreur

courbes les numéros correspondants des images proposées dans la première fiche. Plusieurs enfants réussissent facilement l'exercice, d'au­tres ont besoin de l'intervention de la maîtresse. Mais tous sont très intéressés par l'exercice.

Construction graphique du déplacement de la voiture rouge

La maîtresse montre la voiture rouge et leur demande de vérifier si cette voiture roule régulièrement. Les enfants proposent de faire des mesures, deux ou trois reprennent les propositions faites tout à fait au début, à savoir leur faire faire deux fois le même par­cours et comparer les temps. D'autres proposent de rele­ver ses positions toutes les dix secondes pendant le mouvement.

La deuxième proposition est réalisée. Il s'avère que le temps prévu est trop long et c'est l'intervalle de temps de deux secondes qui est adopté.

Un chronométreur donne le top toutes les deux secondes, un autre enfant trace sur le sol les positions correspondantes. Les enfants en voyant le déplacement de la voiture indi­quent qu'il n'est pas régulier.

A partir du tableau des résultats obtenus, ils réalisent le graphique. (Fig.9). Trois enfants le font correctement. Tous les autres font la même erreur : sur l'axe des

temps (en s)

2

4 6 8

10 12

H 16

distance (en m)

i ,55 2,65 3,35 3,88 4,28 4,46 4,55 4,55

*g3

distance

(en m)

4 •-

2 4 6 10 12 temps

(en s)

160

ordonnées, une unité pour 1,55, deux unités pour 2,65 .... etc .... De ce fait, il en résulte un déplacement régulier de la voiture, une vitesse égale et .... ils s'interrogent ! La maîtresse est obligée d'intervenir.

"Construisez le graphique du déplacement d'une voiture qui roulant régulièrement aurait parcouru 4,55 m en qua­torze secondes". Tous le réalisent correctement.

M - Quelle est la vitesse de cette voiture?

Certains ne pensent plus à la division ... Beaucoup le font et trouvent 32,5 cm/s. Aucun ne fait la lecture di-

calcul de la vitesse recte sur le graphique. La maîtresse précise qu'ils vien-moyenne n e n t <je calculer la vitesse moyenne de la voiture rouge

et la leur fait lire sur le graphique. A titre d'exercice elle demande aux enfants de calculer la vitesse moyenne qu'ils mettent pour rentrer chez eux, du moins pour ceux qui peuvent connaître la distance séparant l'école de leur maison.

Conclusion

Les enfants avaient étudié en mathématique la propor­tionnalité les jours précédents. Les exercices réalisés à cette occasion s'étaient faits sans aucune difficulté, construction graphique en particulier. Dans la plupart des exemples si les points s'alignaient sur le graphique le passage à la droite ne devait pas se faire sans précau­tions : "Quelle serait la signification des autres points de la droite constituant des intervalles" ?. - L'étude récente en mathématique de la proportionnalité s'est traduite dans la séance par une erreur faite par la majorité des enfants : la systématisation de la proportionnalité. - Cette construction graphique n'est pas sans intérêt :

. si cette fonction n'est pas linéaire, elle est continue, chaque point à une existance et une signification.

. elle montre qu'il n'y a pas en général, proportionnalité entre la distance et la durée du parcours. - Il est remarquable de constater que les élèves suivent les variations de la vitesse en symbolisant la tangente à

161

la courbe avec leur main depuis sa plus grande pente au départ jusqu'à sa valeur nulle à l'arrivée. Nous n'avons pas relié la vitesse affichée par le compteur de vitesse ou relevée par le radar routier (abordée ou observée dans une séance suivante) avec la tangente à la courbe.

RESUME DES SEANCES SUIVANTES

6ème séance - Faire construire par les élèves la courbe correspondant à la course de l'un d'eux. On devrait cons­tater que : le déplacement ne se fait pas à vitesse constante, départ lent, ralentissement en fin de course. Nous pensions pouvoir les amener à corriger leur course par l'analyse critique de la courbe.

Nous avons rencontré quelques difficultés dans le repéra­ge des positions des coureurs aux temps deux, quatre, six... secondes. Les résultats sont à demi-exploitables. Ce même travail pourrait être repris de façon plus sim­ple avec la course d'un élève mais cette fois-ci en piscine.

7ème séance - Observation du radar de la gendarmerie afin de matérialiser, par des mesures directes la vitesse instantanée - relier cette vitesse instantanée avec les panneaux de limitation de vitesse, la lecture du comp­teur de vitesse. Une simple demande au commandant du peloton mobile de gendarmerie du département a suffi. Toute facilité nous a été accordée. La rencontre a passionné les en­fants et les questions ont très largement débordé le ca­dre de l'observation du radar (son principe de fonctionnement, les prix des P.V., les moyens de se les faire enlever (?), la vie du gendarme, et l'alcooltest e t c . ) .

8ème et géme séance Evaluation individuelle de l'acquis portant sur la totalité de l'étude. Elle est faite sous forme : - d'interprétation de graphique - de calcul de vitesse Dans l'ensemble, les résultats obtenus sont satisfaisants.

Autres possibilités L'étude des enregistrements provenant des chronotachi-graphes (le mouchard) n'a pas été faite mais pourrait faire l'objet d'un exercice intéressant.

162

<V°

Temps dt rçoos Temps de twaW passif Tèmpi decondut«. Temps be tratst aci^ Emeg/tft-ementlbm moteuf

les limites de la notion de vitesse qui reste qualitative chez les petits selon Piaget

3. EN GUISE DE CONCLUSION

Reprenons une part ie des conclusions de J. Piaget dans "Les notions de mouvement et de vitesse chez l 'enfant": "Pour les petits, la vitesse c'est le dépassement, c'est-à-dire l'interversion de l'ordre des positions respectives de deux mobiles en cours de déplacement". "Dans le domaine des vitesses, ils (les groupements qua­litatifs obtenus par des enfants de 7 à 11 ans) condui­sent à affirmer qu'en deux durées synchrones, le mobile qui parcourt le plus grand chemin a une plus grande vitesse, ou que, à espaces parcourus égaux, le mobile le plus rapide est celui qui emploie le temps le plus court ; mais encore faut-il, en cette seconde situation, que les durées comparées débutent ou pr ennent fin simultanément. De ces compositions, peut enfin être dé­duite la plus ou moins grande vitesse relative selon le mouvement de l'observateur. Mais en aucun de ces cas, les opérations qualitatives décrites jusqu'ici ne permet­tent de mesurer les vitesses, et elles ne sont même pas aptes à étendre aucun des rapports que l'on vient de rappeler aux mouvements successifs et non plus

163

tent de mesurer les vitesses, et elles ne sont même pas aptes à étendre aucun des rapports que l'on vient de rappeler aux mouvements successifs et non plus simultanés. Par conséquent, elles demeurent impuissantes à fonder les notions de vitesse uniforme ou d'accélération, quelque intuitives que soient ces notions en certains de leurs aspects".

Dans "Galilée, Newton lus pnr Einstein", Françoise Bali­bar retrace la genèse de la relativité en s'appuyant comme Einstein l'a fait lui-même sur les "relativités" de Galilée et Newton. On y trouvera par exemple ce texte de Galilée sur la vitesse : "Pour le mouvement régulier ou uniforme, nous avons besoin d'une seule définition que je formule ainsi : Par mouvement régulier ou uniforme, j'entends celui où les espaces parcourus par un mobile en des temps égaux quelconques sont égaux entre eux. A la vieille définition (qui entend simplement par mou­vement uniforme celui où en des temps égaux sont fran­chis des espaces égaux) il a paru bon d'ajouter le terme "quelconques" s'appliquant à tous les intervalles de temps égaux : il peut en effet advenir que pendant des temps égaux déterminés un mobile parcourt des espaces égaux, alors que les espaces parcourus pendant des parties plus petites et égales de ces mêmes temps ne seront pas égaux".

en classe, les élèves réalisent des perfor­mances supérieures

3.1. Y a-t-il contradiction avec les observations de Pia­get ?

Les résultats obtenus dans nos classes, semblent contre­dire les conclusions de Piaget :

. des élèves du CE.i arrivent à comparer deux déplacements non simultanés

. ceux du CM.2 peuvent distin­guer la vitesse instantanée, la vitesse moyenne et calcu­ler cette dernière.

En fait les situations ne sont pas comparables. Dans un cas l'élève est seul et l'adulte est là pour pro­poser des s i tuat ions pe rme t t an t simplement de "photographier" ses représentations, ses formes de pen­sées et son raisonnement.

Dans l'autre, l'enfant n'est plus seul ; il peut s'appuyer sur sa pensée, sur celle de ses pairs. L'adulte l'aide dans la formulation de ses difficultés, la réalisation de ses recherches, l'interprétation de ses résultats, la structura-

164

tion de son acquis. Les travaux de Piaget permettent de connaître la suite

les travaux de Piaget des obstacles sur lesquels les élèves vont "butter" et permettent de connaître pouvoir ainsi rechercher des situations permettant de les les obstacles dépasser successivement.

une certaine durée du travail est nécessaire

3.2. Durée des activités

Les activités sont échelonnées sur plusieurs séances. Certains penseront que c'est long, ou que les obstacles rencontrés sont nombreux. Une des difficultés essentielles, qui n'est pas sans intérêt, se trouve dans l'utilisation des acquis d'ordre mathématique : mesures et encadrements des mesures, échelle, graphique, division à virgule.

Ces exercices permettent aux enfants, dans des situa­tions concrètes, soit d'utiliser l'outil mathématique déjà défini soit de devoir élaborer un nouvel outil qui sera ensuite repris et complété de façon plus systématique.

En outre cette situation fait partie de leur environne­ment immédiat et quotidien. Il nous a semblé intéressant et nécessaire de la faire formuler, de l'objectiver, de la clarifier, d'en donner une idée juste complète et accessible.

le problème des repères

3.3. Nécessité des repères et difficultés liées à leur définition

Les enfants ont du mal à concevoir qu'il doit y avoir un seul repère sur le véhicule pour définir son passage sur la ligne de départ et celle d'arrivée. Mais cette situation peut s'expliquer : pour eux, le véhicule traverse une zone "dangereuse" limitée par les deux lignes ; tout ou partie du véhicule sera dans cette zone. En adoptant ce point de vue ils sont amenés très logiquement à prendre le pare-choc avant comme repère sur la ligne de départ et le pare-choc arrière sur la ligne d'arrivée.

montrer que la pro­portionnalité n'est pas toujours applicable

3.4. Difficulté liée à la généralisation à tout exemple de la proportionnalité

L'idée naturelle, c'est la proportionnalité et, même s'ils ont vu lors de l'observation du déplacement que cette proportionnalité n'était pas réalisée, les enfants ont ten­dance à vouloir l'appliquer au cours de la représentation graphique. Après avoir étudié un mouvement uniforme en

165

priorité pour des raisons de gradations des difficultés, mouvement somme toute assez peu fréquent, il est né­cessaire de leur proposer d'étudier d'autres mouvements plus complexes et plus naturels.

le graphique, outil commode mais astreignant

3.5. Le graphique

L'élaboration et la construction du graphique est toujours une étape passionnante. Mais, si c'est un outil commode, les enfants qui viennent de l'étudier répugnent à l'utiliser. Nous avons pu faire les mêmes constats dans d'autres classes dans la même situation. Mais de toute façon ce n'est que petit à petit, après avoir réalisé et rencontré de nombreux exemples, que les enfants sauront traduire un ensemble de mesures par un graphique et exploiter ce dernier. *,

Pour la vitesse nous avons constaté, dans les deux dé­marches exposées, que les enfants établissent immédia­tement la correspondance entre la pente de la droite (et plus tard de la courbe) et de la vitesse. Cette approche nous semble être une étape intéressante pour permettre aux enfants d'objectiver la vitesse.

la division de la distance par le temps n'est pas utilisée spontanément

3.6. Difficulté pour utiliser la division (cf.4.ème séance)

"Deux voitures roulent régulièrement : l'une fait 19 cm en 7 secondes et l'autre 20 cm en 8 secondes. Quelle est la plus rapide ?" Tel était l'exercice proposé. Les enfants n'ont pas utilisé le graphique pour répondre à ce problème, nous l'avons rappelé précédemment. Mais en outre, sachant qu'il fal­lait rechercher les distances parcourues pendant l'unité de temps, les enfants (sauf un) dans deux classes n'ont pas réalisé que la solution était donnée par le quotien de la distance par le temps.

3.7. En fait

Nous ne pensons pas qu'imposer très succinctement la vi­tesse par une simple division, suivie d'une série d'exerci­ces répétitifs, soit une méthode très pertinente. Réduire le problème à une formule comme cela se faisait avant Galilée, ne simplifie nullement mais au contraire accu­mule les difficultés en occultant les représentations, en brouillant les différents types de vitesse et en ne per­mettant pas la construction du concept. Nous croyons pouvoir affirmer qu'il est possible de

de vitesse

166

donner, dès l'école élémentaire, une perception plus fine de cette grandeur à condition de lui consacrer du temps, un outillage mathématique déjà élaboré ou en cours

. d'élaboration, un support concret, le tout construit en construire la notion appliquant des méthodes actives. D'une manière générale, r\a. <7i4-oco<* rr -1 . i l i . 1 1 - 1 l 1 -

quel que soit l'objet d'étude, grandeur ou phénomène physique, objet technique, il faut partir de situations-problèmes diverses et complémentaires où toutes les fa­cettes de l'objet d'étude apparaissent et où les élèves puissent s'impliquer. Les meilleurs situations d'apprentis­sage sont celles où les enfants s'étonnent, recherchent, construisent et peuvent s'approprier ainsi du savoir.

Jean-Loup CANAL

Ecole Normale de RODEZ.

167

ELEMENTS D'UNE BIBLIOGRAPHIE CONCERNANT L'ENSEIGNEMENT

DE L'ENERGIE AU NIVEAU DES COLLEGES

Dimitris Koliopoulos Andrée Tiberghien

L'enseignement de l'énergie fait l'objet de recherches et de propositions didactiques depuis une dizaine d'année, à la suite notamment de la crise pétrolière. Cette bi­bliographie recense les études conduites au niveau du collège et portant sur trois aspects principaux : l'analyse conceptuelle de la matière avec ses composantes his­toriques et epistemologiques, la connaissance des conceptions des élèves au sujet de l'énergie et leur évolution, la caracterisation des projets d'enseignement de l'é­nergie à caractère curriculaire.

i . INTRODUCTION

la crise pétrolière a été un des facteurs à l'ori­gine de créations curriculaires sur l'éner­gie au niveau de l'école obligatoire

Depuis une dizaine d'années, un intérêt important se ma­nifeste dans les milieux éducatifs des grands pays indus­triels concernant la transmission des savoirs dans le do­maine de l'énergie. L'éclatement de la crise pétrolière se trouve derrière cette mobilisation. Différents acteurs de l'action éducative : décideurs, concepteurs de projets d'enseignement, enseignants et chercheurs en didactique des disciplines sont impliqués dans de nombreuses innova­tions et recherches développées autour de ce sujet général ; les buts et les préoccupations envers la nature des connaissances et attitudes à transmettre sont très différents. Au niveau international, une publication récente de l'U-NESCO (1983) nous renseigne sur les tendances de l'ensei­gnement concernant l'énergie dans divers pays du monde. Il existe également des travaux de synthèse regroupant en catégories un grand nombre des projets d'enseignement (Duit 1985, Driver et Millar 1985). Enfin, des conférences portant spécifiquement sur l'enseignement de l'énergie du point de vue de l'innovation et de la recherche se sont tenues ces dernières années (Balaton 1983, Leeds 1985). En France, c'est plus particulièrement l'INRP et le LI-RESPT qui ont mené des recherches dans ce domaine. Les produits de ces recherches sont le fruit d'une collabora­tion étroite entre chercheurs et enseignants. Notre étude se propose d'être un premier essai pour la constitution d'une bibliographie concernant tant le côté enseignement dans son aspect innovatif que le côté re-

168

cherche en didactique. Nous nous limiterons au niveau du collège.

2. ANALYSE A PRIORI DE LA MATIERE A ENSEIGNER

la philosophie de la nature, l'hypothèse de constance ont été à l'origine de l'élaboration du principe de conserva­tion de l'énergie

L'histoire des sciences et l'epistemologie peuvent être des moyens privilégiés pour une analyse a priori de la matière à enseigner. Les études des historiens des sciences contri­buent souvent à la compréhension des processus de nais­sance des nouveaux concepts. Tels sont les cas, par exemple, des études de Kuhn (1959) et Merleau Ponti (i979)- Selon Kuhn, trois facteurs ont particulièrement in­fluencé la découverte simultanée de la conservation de l'énergie par différents savants : (a) disponibilité des pro­cessus de conservation, (b) intérêt pour les machines, (c) philosophie de la nature. Pour J. Merleau Ponti, la décou­verte du principe de la conservation de l'énergie par Joule n'est pas un résultat des processus purement inductifs ; c'est "comme si le principe de l'équivalence était déjà présent à t i t re de postulat méthodologique avant d'être formulé comme une loi de la nature". Le philosophe Cas­sirer (1977) argumente en faveur de l'aspect relationnel du concept. Lindsay (1975) donne une illustration de l'évolu­tion du concept à travers des écrits originaux des savants d'Aristote jusqu'à Lagrange et d'Alembert. Son hypothèse fondamentale est que la notion d'invariance ou de cons­tance dans les changements est la racine de ce concept. Enfin, Halbwachs (1980, 1981) contribue à un éclairage mutuel entre l'histoire et la psychologie cognitive avec ses travaux sur l'histoire de l'énergie mécanique et de la chaleur.

terminologie et quelque­fois concepts correspon­dant à certaines étapes du développement histo­rique du concept d'éner­gie sont encore présents dans les manuels scolaires

Un autre type d'analyse consiste à faire une critique des manuels d'enseignement actuel. Le travail de Bruneaux (1983) po r t e sur tout sur les manuels au niveau universitaire. Il montre les incohérences qui existent au niveau de la terminologie de la thermodynamique où le réseau conceptuel de celle-ci conserve des termes corres­pondant à des étapes de son développement historique. Cela peut donner lieu à des confus ions dans l'apprentissage. L'auteur suggère une reformulation du lan­gage thermodynamique à tous les niveaux d'enseignement. Il met l'accent sur la distinction entre les fonctions d'état (énergie interne) et les grandeurs de parcours (travail, chaleur) en se démarquant de la conception selon laquelle la chaleur serait une grandeur extensive et stockable. Zemanski (1969) souligne aussi une série de confusions qui existent parmi les enseignants et les élèves ainsi que dans

169

les manuels scolaires. Il distingue et commente des er­reurs rencontrées fréquemment, en particulier : (a) se ré­férer à la "chaleur dans un corps", (b) combiner chaleur et énergie interne dans le même terme mal défini d'éner­gie thermique. Marthaler (1984) analyse l'influence réciproque de la signi­fication des mots dans la vie de tous les jours et dans les sciences.

3. RECHERCHE SUR LES CONCEPTIONS DES ELEVES ET LEUR EVOLUTION

Il existe une revue des recherches sur les conceptions des élèves en relation avec diverses situations physiques pro­posées notamment à partir de questions écrites ou lors d'entretiens individuels (Brook 1985). Cette revue présente une quinzaine de travaux de recherche portant sur la con­ceptualisation par les élèves des aspects énergétiques de situations physiques. Cinq conceptions qui diffèrent du point de vue scientifique ("alternative frameworks" selon la terminologie anglo-saxonne) se révèlent : a) l'énergie associée principalement aux objets animés b) l'énergie regardée comme synonyme de force c) l'énergie associée seulement au mouvement

pour les élèves, l'énergie d) l'énergie stockée à l'intérieur des objets est souvent associée à e) l'énergie considérée comme combustible une action

On peut regrouper ces études à partir de la nature des questions posées aux élèves, celles-ci faisant appel à dif­férents niveaux de savoirs (âge des élèves examinés entre n et 16 ans). On peut constater : - des questions générales portant sur l'énergie à propos d'une diversité de situations concernant la vie de tous les jours et cherchant à connaître quel niveau de savoir est mobilisé (Watts 1983 A, Bliss et Ogborn 1985). Les deux travaux mettent en évidence une série de con­ceptions qui correspond largement aux types proposées ci-dessus. De plus :

. la catégorie (d) est précisée : l'énergie est quelque chose qui est en repos à l'intérieur des objets (ou des situations) et qui, pour être libérée, a besoin d'un "déclenchement"; . une catégorie nouvelle apparaît : l'énergie est pri-cipalement associée à des processus qui rendent no­tre vie plus confortable.

- des questions sur des situations réelles ou épurées (proches ou identiques à celles posées au cours de

170

l'enseignement) où le savoir recherché correspond, plus ou moins, à celui mis en jeu dans les sciences physiques (Agabra 1984, Duit 1981, Brook et Driver 1984, Driver et Warrington 1985).

Le résultat le plus intéressant de ces études est que peu d'élèves décrivent et interprètent des situations physiques, en particulier celles de la mécanique, en termes d'énergie et de conservation de l'énergie, s'ils ne sont pas sollicités. De plus, des recherches menées en classe (Solomon 1982, 1985 A) montrent que les interprétations des élèves sont plus proches de l'idée de dégradation que de celle de conservation. - des questions s'inscrivant dans une perspective pluridisciplinaire. Certaines demandent la mobilisation de savoirs appartenant à des disciplines différentes ; d'autres sont destinées à connaître les points de vue des élèves sur l'utilisation sociale du concept de l'énergie (Audigier 1985, Solomon 1985 B). Ces études mettent en évidence la tendance des élèves les moins âgés à relier le mot énergie aux activités domestiques et "locales" (sport, nourriture,...) et non à des problèmes plus généraux (production de l'énergie par les centrales électriques, épui­sement des ressources énergétiques, ...). Ces résultats posent, entre autres, le problème des modes d'exploitation didactique des documents présentant un intérêt social majeur.

11 faut également noter que des travaux concernant aussi bien les conceptions que l'enseignement, menés dans des domaines spécifiques (mécanique, thermodynamique,

des aspects d'une électricité, etc..) soulèvent la question de la conceptuali-lecture énergétique sont sation de l'énergie. Dans le domaine de la mécanique, on souvent présents dans retrouve la non différenciation entre force et énergie : les interprétations des l'énergie est considérée à la fois comme un résultat des élèves forces qui agissent sur des objets, et comme un produc­

teur de forces (Watts 1980, 1983 B). Dans le domaine de la thermodynamique, on dispose de peu d'informations sur la différenciation par les élèves entre la température, la chaleur et l'énergie dans le sens de la description de l'é­tat d'un système ou de l'interaction entre systèmes, (Tiberghien 1983). Au contraire, dans le domaine de l'élec­tricité (Ludwigsburg 1985), plusieurs travaux signalent l'existence, chez les élèves, d'un point de vue "énergétique" dans leur lecture du circuit électrique faite également en termes de courant et de circulation d'électrons.

171

4 - CRITERES D'ANALYSE DE PROJETS D'ENSEIGNE­MENT

Un travail de l'INRP (Martinand 1985) montre bien que, suivant les disciplines, en particulier physique, chimie, bio­logie et économie, les préoccupations concernant l'énergie sont différentes. Leur conceptualisation n'est pas la même et donc les approches didact iques peuvent être différentes. Le physicien favorise une approche fonction­nelle (l'énergie est une fonction) en faisant appel à la loi

suivant les disciplines affirmant "qu'il y a une certaine quantité que nous appe-Tapproche de conceptua- Ions énergie, qui ne change pas dans les multiples modif i-lisation de l'énergie cations que peut subir la nature" (Feynman 1969). Pour le n'est pas la même technicien, le biologiste et surtout l'économiste, c'est l'ap­

proche substancielle qui est favorisée. Elle permet d'expli­citer les formes d'énergie et leur utilisation. Dans cette approche on peut distinguer une approche consumériste qui privilégie la capacité à effectuer un travail -l'énergie est plutôt conçue comme une monnaie d'échange-, et une ap­proche causale -un même effet peut être obtenu par un grand nombre de causes et inversement.

Plusieurs critères ont été utilisés pour classer les projets d'enseignement sur l'énergie. Driver et Millar (1985) utilisent les quatre catégories sui­vantes pour caractériser divers projets : l'approche con­ceptuelle analytique, l'approche phénoménologique, l'appro­che utilitaire (utile dans la vie quotidienne), l'approche qui met l'accent sur les rapports entre science et société. Ils analysent ces catégories selon trois axes : - les finalités et les buts des projets - les démarches suivies - les suppositions faites sur le genre de motivations des élèves et d'encouragements. Ces axes permettent d'entrer dans les projets par la mé­thodologie de construction du projet et non par le contenu.

Une synthèse (Duit 1985) regroupe les projets selon deux critères portant sur l'aspect scientifique. L'auteur prend d'une part le point de départ des projets : l'aspect du concept qui est privilégié dans l'introduction, et d'autre part la manière dont les projets d'enseignement prennent en considération des aspects fondamentaux du concept d'énergie. 11 a recensé comme points de départ de la di­zaine de projets analysés : travail, chaleur, transformation de l'énergie, conservation de l'énergie, dégradation de l'énergie, énergie considérée comme une substance quasi matérielle qui peut s'écouler. Quant au deuxième critère, Duit propose cinq aspects

172

fondamentaux du concept : a) le transfert de l'énergie b) la transformation de l'énergie

les projets d'enseigne- c) la conservation de l'énergie ment sur l'énergie, même d) la dégradation de l'énergie, ainsi que : dans le cadre de la e) l'idée de base utilisée pour conceptualiser l'énergie, physique, mettent Celle-ci peut être : la capacité de réaliser un travail, la l'accent sur des aspects capacité de provoquer des changements, la capacité de différents du concept produire de la chaleur, une sorte de "super" combustible,

une substance quasi matérielle. Il constate que peu de projets prennent réellement en compte la dégradation de l'énergie. Ces critères peuvent constituer de bonnes grilles d'analyse des projets d'enseignement.

Une analyse des nombreux projets réalisés aux Etats Unis dans les années 75-80 montre que la majorité d'entre eux ont d'une part une forte orientation scientifique et tech­nique et d'autre part sont conçus pour aider les élèves à acquérir des pratiques de maîtrise de l'énergie (Morrisey, Barrow 1984).

5 - QUELQUES PROJETS D'ENSEIGNEMENT

Certains projets ont une approche pluridisciplinaire. Ainsi le PEEC aux Etats-Unis (Fowler 1983) propose des modu­les où interviennent les sciences, les mathématiques, les sciences sociales. En France, certains des travaux de re­cherche au sein de l'INRP (Âudigier, 1985) ont abordé les aspects scientifiques et économiques de l'énergie. Dans les deux cas le matériel didactique proposé est important.

En ce qui concerne les projets qui relèvent plus particu­lièrement des sciences physiques, on peut considérer du point de vue de la démarche de conceptualisation : - les projets qui introduisent l'énergie à partir d'autres grandeurs physiques connues préalablement. L'approche classique introduisant l'énergie à partir du travail mécani­que est dans ce cas, ainsi que l'approche hongroise (Kedves et al. 1983) qui introduit l'énergie à partir de la chaleur. - les projets qui introduisent l'énergie comme concept premier. C'est le cas du projet israélien "l'énergie et ses transformations" (Shadmi et al. 1978, Shadmi 1985) qui in­troduit l'énergie à partir des aspects de transfert, de transformation et de conservation. Plusieurs expériences sont destinées d'une part à motiver les élèves à décrire des phénomènes physiques en termes de transfert-

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transformation de différentes formes d'énergie et d'autre part à accepter l'hypothèse que l'énergie se conserve. Au début, cette démarche est menée dans le domaine de la mécanique pour ensuite être prolongée vers d'autres domaines. Il faut noter que la quantité d'énergie est me­surée indirectement à partir des relations établies entre elle et d'autres grandeurs pertinentes. Le module "énergie" de l'Integrated Nuffield (1979) pré­sente une grande variété d'expériences qui mettent en jeu

suivant les projets différentes formes de transfert d'énergie. Ce projet pré-l'énergie est introduite sente l'aspect quantitatif de l'énergie seulement à partir directement ou à partir du travail calculé par le produit force x déplacement, d'autres grandeurs En France, le livre de troisième de la collection Libre

Parcours demande une démarche d'abstraction analogue : "pour un même effet, l'énergie est introduite en tant que concept comme ce qui est commun sous la diversité, à savoir comme ce qui est nécessaire pour faire quelque chose" (Lemeignan et Agabra 1979, 1980). Dans ce cas l'énergie est mesurée directement (utilisation du wattmè-tre ou compteur électrique), elle est ensuite mise en rela­tion avec d'autres grandeurs physiques. Grâce à de multi­ples expériences et aussi à des enquêtes documentaires, les élèves abordent des chaînes énergétiques de la vie quotidienne. Dans le projet de l'Institut de Karlsruhe, l'énergie est aus­si un concept premier. Elle est considérée essentiellement comme quelque chose qui s'écoule : "la substance comme quantité physique qui s'écoule en même temps que l'énergie, "porte" l'énergie" (Falk et al. 1983, Schmid 1982). Le type de porteur lié à une grandeur extensive (charge électrique, masse, moment angulaire, ...) précise la forme du transfert, ces porteurs ne sont pas nécessai­rement visibles.

Simultanément au développement de tels projets, un débat sur la nature du concept de l'énergie et sur son introduc­tion dans l'enseignement se développe entre enseignants, physiciens et didacticiens. A partir d'une analyse de la lo­gique interne du contenu scientifique, Warren (1982) pré­tend que le concept de l'énergie, ainsi que celui du tra­vail sont des concepts abstraits que l'enseignement élé­mentaire ne doit pas introduire. D'autre part, d'après une analyse épistémologique, Sexl (1981) suggère que l'étude du transfert de l'énergie d'un système à un autre soit fai­te après l'introduction de la notion de la constance de l'énergie à travers des exemples portant sur des systèmes fermés. La revue Physics Education (vol. 17, 1982. vol. 18, 1983) a été le lieu privilégié du débat entre différents points de vue. Enfin, Lehrman (1973) soutient que la défi­nition de l'énergie comme capacité de produire un travail est trompeuse alors qu'une définition moderne du concept

doit prendre en compte les premier et deuxième principes de la thermodynamique.

Des travaux plus récents tiennent compte explicitement de certaines des difficultés rencontrées chez les élèves. Un certain nombre d'entre eux se situant dans le domaine de l'électricité, ont pour but la différenciation entre les grandeurs énergie et intensité du courant (Psillos et al. 1985, Shipstone 1984, von Rhoneck 1984). Guidoni (1985) s'interroge sur une approche de la mécanique élémentaire par une differentiation graduelle des concepts de force et d'énergie. Il suggère qu'il est nécessaire de s'appuyer sur quelques familles d'idées ou d'expériences primitives des élèves. Après plusieurs essais d'enseignement, Solomon (1985 A) introduit la notion de dégradation de l'énergie avant celle de conservation. Deux arguments sont avancés : d'une part, la dégradation de l'énergie est plus proche des idées des élèves et d'autre part l'ordre d'intro­duction évite des interprétations incorrectes de la notion de conservation de l'énergie. Duit (1985) élabore un con­tenu d'enseignement où dégradation et conservation sont traitées en parallèle. Il propose que dans les chaînes énergétiques on insiste plus sur "la perte de l'énergie utile" que sur l'égalité des flux d'énergie entrant et sortant.

6 - CONCLUSION

Les travaux dans le domaine de l'énergie ont commencé par des innovations florissantes bien que plus tardives que celles entreprises dans d'autres domaines de la physique. Contrairement à ces dernières menées le plus souvent à l'initiative de physiciens, l'innovation à propos de l'énergie a souvent été sollicitée par une demande sociale liée à la crise de l'énergie. Du fait de la nature integratrice du concept de l'énergie, les recherches de didactique ont été amenées plus que pour d'autres concepts d'une part à une réflexion sur le contenu scientifique et d'autre part à favoriser une appro­che pluridisciplinaire. Les recherches récentes portant sur l'élaboration d'un con­tenu d'enseignement ou sur sa transmission prennent en compte à la fois cette réflexion sur le contenu scientifi­que et les résultats des travaux sur les conceptions des élèves. Enfin, l'importance sociale et économique de l'é­nergie pose le problème des pratiques prises comme réfé­rence dans l'élaboration du contenu d'enseignement.

175

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M.W. ZEMANSKI. "The use of the word "heat" in elemen­tary and in intermediate instruction in physics, in S. SIK-JAER (ed). Seminar on the teaching of physics in schools. Gyldental. 1969.

2 - Actes des séminaires et ateliers. Ouvrages collectifs

(1) Sixth Danube Seminar on Physics Education à BALATON, G. MARX (ed): Entropy in school. Roland Eòt-vos Physical Society. 1983.

(2) International workshop à LUDWIGSBURG, R. DUIT et al.(ed). Aspects of understanding electricity. IPN-Arbeitsberichte. 1984.

(3) New trends in physics teaching. V0I.4. UNESCO. 1983.

(4) Energie : un enseignement pluridisciplinaire. Paris. INRP. Coll. Rencontres Pédagogiques. 1985.

Dimitris KOLIOPOULOS Equipe de recherche en didactique de la physique Université de Thessalonique. GRECE

Andrée TIBERGHIEN Directeur de recherche CNRS L.I.R.E.S.P.T. Université de Paris 7