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ECRIRE POUR SON LECTEUR

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ECRIRE POUR

SON LECTEUR

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Déjà paru dans la même collection :

Initiation à la pratique du journalisme par René Florio

ISBN 2-903092-01-X

édité par l'Ecole supérieure de journalisme de Lille.

67, boulevard Vauban 59046 Lille Cedex

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Loïc Hervouet

ECRIRE POUR

SON LECTEUR

guide de l'écriture journalistique

édité par l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille 67, boulevard Vauban — 59064 Lille Cedex

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avant-propos

La liberté au bout des contraintes

Peut-on apprendre à « écrire pour son lecteur » et surtout dans un livre ? L'objectif n'est pas ici de « tuer le talent ». Comment dans toutes les activités humaines, la part du « codifiable » reste rédui- tes. Et c'est heureux, pour qu'on puisse garder plaisir à écrire.

Encore faut-il qu'on ait le souci du plaisir des autres à lire. Un lec- teur vous fait l'honneur de vous lire. Vous n'avez pas le droit de l'ennuyer délibérément, au-delà du raisonnable. Il existe des étu- des sur les processus de lecture, des enquêtes sur l'attitude des lecteurs. Et surtout le grand livre de l'expérience professionnelle.

Le contenu des pages qui suivent est puisé dans ces différentes sources, toutes utiles. Si l'on me surprend à être « normatif », à présenter des « recettes » et des « ficelles », qu'on sache que c'est très consciemment. Parce que les recettes permettront de gagner du courage à l'ouvrage. C'est en écrivant qu'on apprend à écrire. Quelques règles de base permettent d'aller plus vite, pour ensuite, autant que de besoin, s'en affranchir.

A chacun de créer son propre style. La liberté est au bout des con- traintes.

L.H.

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Chapitre premier

A la rencontre du lecteur

Le lecteur lit peu • Il sélectionne • Se faire lire est le premier devoir • Soyez emphatiques • Révisez votre scolarité • Les sept phases de l'élaboration d'un message •

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« Messieurs, soyez emmerdants ! » La consigne de l'austère directeur du Temps n'est plus de mise aujourd'hui, même pour l'héritier naturel Le Monde. Soumis à d'innombrables sollicitations de lecture, son temps disponible largement entamé par l'audio- visuel, l'homme moderne n'accepte plus de s'emm... Il a raison. La mortification n'a pas engendré que de beaux esprits.

Qu'on le regrette ou non, c'est un fait : l'appétit de lecture n'est plus ce qu'il était. La demande d'informations, et d'informations utiles et précises, reste grande. L'abondance et la diversité des supports dans les kiosques en témoignent. Mais l'exigence du public se fait pressante sur la présentation de l'information : il s'agit d'informer, d'informer bien, mais surtout d'informer vite.

� Les diverses enquêtes — trop rares et trop générales — sur le temps de lecture des Français s'accordent à indiquer que la ten- dance n'est pas à l'augmentation du temps de lecture. Les chif- fres fournis par l'IFOP, la SOFRES, ou les services d'études de certains quotidiens, notamment régionaux, permettent d'évaluer à 20 ou 25 minutes le temps quotidiennement consacré par le Fran- çais moyen (au-dessus de 15 ans) à la lecture d'information, jour- naux et magazines. C'est peu.

Encore faut-il distinguer lecture et lecture. On n'abordera ici bien sûr que l'aspect de la lecture informative, dont les modalités sont à l'évidence très différentes d'une lecture de divertissement (type romans policiers) ou plus encore d'une lecture de goûts person- nels (type littérature ou poésie).

� Dans la lecture informative, tout est ordonné à la recherche, par le lecteur, des éléments d'information dont il a besoin. Les caractéristiques de style, pour ne pas être négligeables, sont secondaires et ne constituent pas une motivation de lecture. La lecture intégrale, en continu, de la première à la dernière ligne d'un article, est donc rare, même si « on a l'impression » d'avoir lu complètement. Quant à la lecture intégrale d'un quotidien ou d'une revue, elle est tout simplement impensable, même si le lec- teur annonce de bonne foi avoir lu Le Monde en entier. Il a peut- être pris connaissance de l'ensemble du contenu, page après page, mais dans une lecture de survol, plus approfondie ici ou là

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pour tel article qui correspondait à son attente, se contentant par ailleurs d'une titraille ou d'un chapeau.

Si l'on considère en effet que Le Monde comprend en moyenne 50 000 mots (rubrique publicitaire, petites annonces et cours de bourse exceptés) et que la vitesse de lecture oscille entre 12 000 et 15 000 mots-heure, il faudrait au bas mot, la fatigue jouant le rôle de frein, près de cinq heures de lecture ininterrompue. Que dire d'un hebdomadaire offrant 60 à 70 000 mots ou d'une revue de près de 100 000 ?

Rapportée au temps de lecture moyen des Français, la quantité de texte absorbé représente dans un cas optimum un peu plus d'un dixième du texte proposé par un quotidien. C'est dire si les choix de lecture sont draconiens.

� La décision de lecture n'est pas si facile à emporter. Et dans la procédure de découverte d'un journal, elle doit passer par trois étapes :

• Le choix de lecture : il est déterminé dans le premier temps de lecture, qui consiste à survoler le journal ou la revue, essentielle- ment grâce à la titraille. L'importance plus ou moins grande con- férée par la rédaction à un titre est déjà une indication pour le lec- teur. Il lui est difficile de « sauter » un titre sur huit colonnes sans avoir le sentiment de « passer à côté» d'une information impor- tante. Il lui est permis sans mauvaise conscience de ne pas être accroché par une « brève » de cinq lignes en bas de page. Mais le lecteur lui-même est aussi un acteur dans la communica- tion. Il possède sa grille personnelle de choix de lecture. L'infor- mation économique le passionne ou l'ennuie. L'information inter- nationale le touche personnellement lorsqu'il s'agit du Moyen Orient ou le laisse indifférent lorsqu'elle traite de l'Amérique du Sud. S'il existe des principes et des techniques pour tenter de « rapprocher » l'information du lecteur, il n'en existe pas pour le contraindre à lire. Après tout, c'est sa liberté.

Le choix de lecture ne peut s'exercer que sur ce qui est perçu au premier abord. En dehors de la titraille, joueront donc à ce niveau, et quelquefois de manière tout aussi décisive, l'illustration d'un article, sa signature, sa présentation graphique, le sommaire ou

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la « rubrication » de la revue. Nous y reviendrons en détail dans le cinquième chapitre, tant il est essentiel de ménager des accès au texte.

Insistons : il serait illusoire d'imaginer contraindre à une lecture intégrale en supprimant ces éléments du choix. Car la seule alter- native sera le refus de lecture pur et simple. Mieux vaut faciliter la lecture sélective. C'est un service rendu dont le lecteur peut être reconnaissant. Et plus personne n'ose présenter des textes « à la colonne » caractéristiques des journaux du siècle dernier. Les hommes et leurs conditions de vie ont changé. Les journaux aussi.

• La confirmation du choix : personne n'est plus soupçonneux qu'un lecteur. Le titre l'a peut-être incité à choisir un article. Il va falloir le persuader de continuer, car les tentations d'abandon sont grandes. Ce sera le rôle principal du chapeau d'un article, préci- sant le contenu de l'information, confirmant le lecteur dans son premier choix, l'ancrant au texte. Nous y reviendrons aussi en détail (chapitres 5 et 8).

• La lecture proprement dite : enfin ! Le lecteur est décidé à accompagner le rédacteur dans tout son parcours informatif. Le travail du rédacteur va consister à ménager des « relances » suc- cessives, pour soutenir l'intérêt et garder son compagnon de route. Pas d'illusions : les abandons sont nombreux. L'effort du rédacteur doit être constant. D'autant plus constant que le sujet traité est difficile, ou que le texte est long.

La longueur est en effet un élément déterminant pour le choix de lecture. Les enquêtes « vu-lu » des quotidiens régionaux français fixent aux environs de 120 lignes-journal, soit à peu près 60 lignes dactylographiées le seuil à partir duquel se manifeste une hésita- tion à entrer dans le texte, même sur un sujet qui n'est pas totale- ment indifférent au lecteur.

� Est-il besoin de conclure ? Le premier devoir est de se faire lire. De même qu'un tableau n'est œuvre esthétique qu'à partir du moment où un regard se posant sur lui entame le processus de transmission des émotions, un article n'est un article véritable qu'à partir du moment où il est lu. Votre message n'existe que si quelqu'un le lit. C'est la caractéristique d'une authentique écriture

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de communicat ion. Le récepteur est aussi important que l 'émet- teur. D'où la néces s i t é de connaî tre son public, d'y adapter son m e s s a g e , parfois dans son contenu même, toujours dans le choix des mots et des phrases .

Ce doit être une obsess ion. Soyez empathiques . L'empathie, selon le psychologue américain Carl Rogers, c ' e s t cet te capac i t é d'opé- rer une d é m a r c h e vers le lecteur, de se mettre à la place de l 'autre, et de ressentir ce qu'il ressent pour mieux adapter son m e s s a g e à ce qu'il at tend. Le lecteur sera sensible à votre degré d 'empathie . Lagardère journaliste n'aurait pas manqué le mot : « Si tu ne vas p a s au lecteur, le lec teur ne viendra p a s à toi. »

On va donc, s ans démagogie mais sans re lâchement , multiplier les g e s t e s de bonne volonté à l 'égard du lecteur. Chercher ce qui l ' intéresse, ce que sont s e s préoccupat ions et s e s besoins, met t re l ' accent sur c e qui es t nouveau, porteur d'avenir, utile. Privilégier le significatif. On va aussi simplifier sa t âche techniquement et moralement . Adapter son langage et son style (chapitres 2 et 3) , ent rer dans s a problématique, rapprocher l'information de s e s soucis (chapitre 5)

� Sommes-nous p répa ré s à ce s d é m a r c h e s ? Ce n 'est pas évi- dent si l'on songe que le sy s t ème d 'éducat ion dans l 'enseigne- ment primaire, longtemps, trop longtemps, a privilégié dans l ' apprent i ssage du langage la fonction d 'express ion par rapport à la fonction de communicat ion. On aboutissait ainsi, c o m m e le sou- lignent Lucien Adjadji et Pierre Du Saussois dans Adapter l 'éco/e à l 'enfant (Bibliothèque pédagogique Nathan) à « faire fonctionner le langage à vide ».

Quel réconfort de les voir ensui te porter le diagnostic c o m m e il faut en analysant les difficultés liées à la rédaction de « textes libres » par les é lèves du primaire : « L'enfant n 'avait plus rien à dire . C 'es t qu 'on l'avait trop souvent mis devant l'obligation de dire quelque chose. La vérité es t qu 'on aurait dû le d isposer plus f réquemment à avoir quelque chose à dire. »

En réalité, s'il faut convenir des travers que susci te l 'apprentis- s a g e limité à la fonction d 'expression (où l'on juge le seul manie- ment quantitatif et orthodoxe des mots et de la syntaxe, et non pas

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leur adéquation à la transmission d'un message), il est raisonna- ble, comme le fait Francine Best, directrice d'école normale, dans Pour l'Expression (B.P. Nathan) d'envisager une solidarité, une complémentarité dialectique de l'expression et de la communica- tion : les deux fonctions assumées de pair assurent à la fois l'acquisition de la correction d'un langage et la prise en compte des impératifs de la communication. Le langage fonctionne alors à pleine charge informative.

L'enseignement secondaire ou supérieur, s'il a souvent préparé à l'élaboration d'un contenu, en structurant les mécanismes de réflexion et les procédures de pensée, en enrichissant les con- naissances, a souvent aussi négligé le contenant, ou privilégié une écriture de type littéraire. C'est parfois la grande difficulté des jeu- nes émoulus de l'Université que de se défaire de modalités d'expression lourdes et didactiques.

Le passage de la dissertation philosophique ou de l'exposé d'une question de cours juridique à la rédaction d'un article de presse n'est pas toujours si facile. Il faut apprendre à réorganiser son dis- cours suivant des progressions et des types de plans différents (chapitre 6). Il faut abandonner la recherche d'un langage élitiste, la tension acharnée vers le plus grand degré d'abstraction et de généralisation. Il faut redécouvrir les mérites de l'image, de la for- mule, voire de l'anecdote.

Style trop journalistique « ! » Les rageuses observations du professeur de philosophie dans la marge de copies s'essayant à la concréti- sation du message théorique prennent alors valeur de symbole. Et pourquoi devrait-on faire de la philosophie ennuyeuse, désincar- née ? Qu'est-ce que la philosophie, si elle n'aide pas à vivre ? Si elle refuse de s'adresser au plus grand nombre ?

� Libéré des contraintes « scolaires », le rédacteur qui souhaite être lu fera les premiers pas à la rencontre de son lecteur, selon une procédure variable, mais qui ne peut éliminer-les différentes phases suivantes :

1. La connaissance du public : se poser la question « Pour qui dois-je écrire ? », c'est déjà éliminer bien des ambiguïtés. Cela

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influence le choix du message, mais aussi de l'expression, pour s'adapter au niveau de connaissance du public concerné. 2. La détermination du message : « Qu'est-ce que j'ai à dire ? » Bien des rédacteurs oublient ce type de démarche élémentaire, si l'on en juge par les impressions en fin de lecture : « Mais où voulait-il en venir ? » Or il est essentiel que l'émetteur lui-même ne soit pas dans le flou. L'exercice consiste donc à choisir un angle et un contenu informatif prioritaire.

L'angle, c'est la façon d'aborder le sujet traité. On peut parler des accidents de la route sous mille aspects, mais sans doute pas sous mille aspects à la fois. Choisir un angle économique peut amener à chiffrer le coût de ces accidents pour la collectivité et pour les individus. Choisir un angle « préventif » peut amener à énumérer les actions entreprises par les pouvoirs publics ou diver- ses associations en direction des conducteurs, et pour l'améliora- tion du réseau routier. Choisir un angle purement événementiel peut amener à faire le bilan des principales causes d'accidents, des types de véhicules en cause, des points noirs du réseau rou- tier ou des « périodes noires » d'accidents. L'angle peut être plus ou moins large, de« la faim dans le monde » à « l'action de Frères des Hommes au Sahel ». Plus l'angle est précis, plus on a de chan- ces de s'écarter des lieux communs, donc d'avoir un contenu informatif intéressant. L'essentiel est d'être attentif au choix de cet angle, et de s'y tenir.

Une fois l'angle choisi, il importe de définir un contenu informatif prioritaire. C'est-à-dire de résumer, en une ou deux phrases, en quarante mots, le « noyau dur » que l'on veut faire passer auprès du lecteur. Ce peut être que « la prudence ne coûte cher qu'avant l'accident ». Ce peut être que l'alcoolisme et l'état technique défi- cient des véhicules sont les deux principales causes des acci- dents. Peu importe. L'essentiel est de définir très précisément ce message, et parfois de s'obliger à le faire par écrit lorsqu'on n'y voit pas trop clair. Souvent, l'un des moyens de s'éclaircir les idées sera d'imaginer qu'on fait l'état de la question, à brûle- pourpoint, pour un ami qu'on vient de rencontrer. Les phénomè- nes prioritaires ont alors toutes chances d'émerger. 3. La sélection et la hiérarchisation des informations : le plus

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• La légende incitative : considérant que toute l'information nécessaire pour comprendre la photo y est contenue, la légende va surtout s'attacher à donner le ton du papier, à en résumer le message essentiel, dans une formulation bien sûr différente de celle du titre ou de l'attaque. C'est le cas ci-dessous :

Le tir à l'arc, illustré ici par l'Américain Richard Mac Kinney, champion du monde, a en France beaucoup de pratiquants, mais trop peu de cadres techniques

La légende incitative peut aussi délibérément négliger le résumé de l'information, et un peu à la manière d'un intertitre, se conten- ter de piquer l'intérêt, d'ouvrir une fenêtre sur le texte par une cita- tion, un détail anecdotique. Condition absolue bien sûr : que le chiffre, la citation, ou l'anecdote retenue se retrouvent quasi tels quels dans le texte. Sinon le lecteur se sentira trompé.

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Les exemples abondent, à propos des Universités comme de l'affaire Ranucci :

ALICE SAUNIER-SEITE

S e u l s l e s m e i l l e u r s a r r i v e r o n t

M PAUL LOMBARD

« I m p o s s i b l e d e p l a i d e r c o u p a b l e »

• La légende mixte : systématiquement à deux niveaux, elle joue un rôle informatif pour une part, un rôle explicatif et incitatif pour l'autre. On souligne généralement cette double vocation par l'emploi de deux caractères, et l'alinéa. La paternité de cette for- mule, à travers la légende de «une» de L'Express, revient au magazine américain Time. C'est aujourd'hui une caractéristique de la totalité des news magazine, et un procédé connu aussi de nombreux quotidiens.

Procédé astucieux de jeu de mots pour la visite du dirigeant chi-

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nois en Roumanie. Procédé anecdotique pour la situation interne au P.S. où Brutus, c'est Rocard.

HUA KUO-FENG RECU PAR LE ROUMAIN CEAUSESCU A BUCAREST L ' e n c e r c l e m e n t c h i n o i s

MICHEL ROCARD. FRANÇOIS MITTERRAND et PIERRE MAUROY

« B r u t u s p e u t p r e n d r e le p o u v o i r »

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Négliger la légende comme négliger la photo ou le titre, c 'est négliger une chance supplémentaire d'être lu. Alors, même si « on pourrait s 'en passer», qu'on y veille: deux précautions valent mieux qu'une. On veillera aussi à ce que les légendes soient situées le plus près possible de l'illustration à laquelle elles se rap- portent. Les regroupements de légendes, surtout en bas de page, n'ont pas de sens informatif, même s'ils ont, au goût de certains maquettistes, un avantage esthétique. Une place pour chaque légende, et chaque légende à sa place.

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Chapitre onzième

Faire mieux... et plus court

Les critères de « coupe » • Les passages obli- gés d'une relecture utile • Se connaître pour se corriger • Grille d'analyse des textes •

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« Le lecteur se tue à abréger ce que l'auteur s 'est tué à allonger. » Montesquieu confirme avec plus de deux siècles d'avance les étu- des « vu-lu » des quotidiens régionaux. Un article admirable en ses 150 lignes ne serait-il pas plus admirable encore, ramené à 80 ou 100 ? Si on sait le faire sans supprimer d'informations, ni tomber dans l'hermétisme. Que ce soit son œuvre ou celle d'un autre, comment raccourcir un texte sans trahir ?

□ Les critères de « coupe » sont bien sûr variables en fonction du public auquel est destinée l'information considérée. Le détail d'un accident de la route, même spectaculaire, à Bormes-les-Mimosas, pourra être épargné aux lecteurs de Strasbourg, alors même que ceux-ci ne seront pas indifférents au nom du témoin d'une noyade dans les canaux de la « petite France ».

• La loi de proximité est l'un des tout premiers éléments du choix pour jauger chaque paragraphe, chaque phrase, sinon cha- que demi-phrase : cela intéresse-t-il ou non mon lecteur ? Est-ce nouveau, original, adapté à ses centres d'intérêt ?

• L'actualité de l'information est encore un critère important : outre qu'il doit conduire à éliminer ce qui ne présente plus — ou pas encore — d'intérêt, il remet en cause quasi systématique- ment les chronologies, les rappels historiques, dont on est plus souvent adepte par facilité ou par pédantisme que par réel souci d'informer. Eliminer, donc, les informations passées supposées connues, ou dont le rappel « ici et maintenant » n'est pas indispen- sable à la compréhension.

• La volonté du rédacteur ne peut être négligée : s'il veut faire le point sur l'aggravation du chômage en Côte-d'Or, les considéra- tions annexes sur le mode d'indemnisation ou d'inscription à l'ANPE, pour intéressantes qu'elles soient en elles-mêmes, seront impitoyablement éliminées pour cette fois, sous la contrainte de l'espace ou de la volonté d'être lu. On ne peut tout dire. Ecrire c'est choisir. Choisir un angle, et s'y tenir.

• La précision de l'information doit aussi entrer en ligne de compte : privilégier les informations précises par rapport aux don- nées certes justes, mais vagues ou générales. Oter ce qui n'est pas informatif, incomplet, donc « frustrant ». Exemple type de ces

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phrases faussement résumées : « On pourrait trouver bien d'autres raisons à ce phénomène, mais tel n'est pas notre propos. » Si vous n'avez que cela à dire, ne le dites pas.

• La densi té de la rédaction permet encore bien des allége- ments : évidemment, chasse féroce aux redondances, aux mots de liaison inutiles, aux répétitions. L'adverbe affaiblit le verbe et l'adjectif affadit le substantif. La formulation active, au présent, est plus courte donc plus nerveuse que la formulation passive conjuguée dans tous les autres temps. L'affirmatif vaut bien l'interrogatif, le double négatif, ou l'interronégatif.

• La concrét isat ion du propos est enfin garante de sa bonne compréhension. Donc ne pas supprimer par priorité les citations, les exemples, les images ou les formules. Sacrifier plutôt une information secondaire, une abstraction pure. Mais essayer de conserver au maximum le caractère humain de l'article, voire son côté anecdotique.

� Ecrire court n'est pas une fin en soi. Si c'est un moyen de refu- ser d'aborder de vrais problèmes, « parce qu'ils demanderaient beaucoup trop de place », ce n'est qu'un alibi dangereux. Si c'est un moyen de « couper » dans les articles les passages les plus délicats «parce que c'est trop long », ce n'est qu'un procédé de fuite déloyal. Car écrire court, ce peut être inclure dans un papier des informations supplémentaires ou l'exemple indispensable qui assurera une véritable compréhension.

Si écrire court est en effet un moyen de se faire lire, y compris pour les sujets les plus difficiles, cela vaut bien qu'on y consacre quelque temps. L'objectif étant de communiquer réellement des idées ou des informations, il s'agit plus de « raccourcir » le chemin entre l'émetteur et le récepteur, de chercher la voie la plus « ren- table » pour une communication maximum dans le minimum de temps que de « rétrécir » les mots à trois syllabes, les phrases à 17 mots, les paragraphes à quinze lignes ou les textes à trois feuil- lets. Ecrire court n'est pas synonyme d'écrire bref. C'est avant tout écrire efficace.

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� Savoir se relire est l'une des clefs de la réussite. Combien de risques d'erreurs, de lourdeurs et de longueurs, parce qu'on ne s'est pas réservé les dix minutes nécessaires ? L'idéal bien sûr serait de se faire relire par un premier lecteur représentatif de son public. Puis d'en discuter et de modifier ce qui a posé des problè- mes de compréhension. Ce n'est pas toujours facile et souvent pour des raisons de temps, mais c'est tellement instructif lorsqu'on peut s'offrir ce luxe une fois ou l'autre.

A tout le moins peut-on se faire relire par un confrère ou par le secrétaire de rédaction de service. Là encore, l'œil d'un autre peut au premier regard porter le diagnostic là où c'est nécessaire. On est souvent soi-même esclave de son premier jet, tant il est vrai que « penser, c 'est formuler ».

Il faudra cependant apprendre à connaître et tester ses défauts personnels, savoir qu'on a tendance à multiplier les mots faibles, ou les répétitions, par contre à lésiner sur les exemples ou les informations précises. A chacun de s'établir sa propre grille de relecture, et de passer ses productions au tamis des questions les plus opportunes en ce qui le concerne.

• Le contenu du texte : — Est-il adapté au public ? — Sait-on très précisément ce qu'on veut dire ? — A-t-on fait jouer la « loi de proximité » ? — Le présent et le futur ont-ils priorité sur le passé ? — L'intérêt humain du message est-il mis en valeur ? — Existe-t-il un angle aussi précis, aussi évident que possible ? — Les informations « hors angle » ont-elles été éliminées ?

• Le traitement de l'information : — Peut-on « entrer » dans l'information par plusieurs endroits ? — A-t-on facilité la lecture par niveaux ? — Est-il possible d'illustrer, par photo, carte, dessin, graphique

tableau ? — Les légendes sont-elles utilisées, sans doublon avec le titre

ou l'image, pour donner envie de lire ? — Le genre journalistique (reportage, enquête, interview, écho,

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billet, article d'analyse, etc.) est-il adapté au ton et à l'impor- tance de l'information ?

• Le plan de l'article : — Est-ce un plan original ? pas trop chronologique ? — Les informations essentielles apparaissent-elles dès les pre-

mières lignes, dès le chapeau ou les premiers paragraphes ? — Les informations sont-elles sélectionnées ? hiérarchisées ? — Le plan est-il indiqué — ou suggéré — au lecteur dès le cha-

peau ? Est-il relayé, balisé par les intertitres ? • Le titre : — N'est-il pas trop long ? A-t-on chassé toute redondance ? — Indique-t-il bien le sujet et l'angle de l'article ? — S'il apprend un événement, répond-il aux questions de réfé-

rence ? Privilégie-t-il les « suites » de l'événement ? — S'il commente l'information, donne-t-il envie de lire ? — Est-il immédiatement compréhensible ? sans ambiguïtés ? — Est-il précis, adapté, fidèle, ni survendeur ni sous-vendeur ? — Pourrait-il aller sur un autre article ? — Est-il original ? N'a-t-on pas oublié de reprendre dans le texte

les éléments du titre ?

• Le chapeau : — Existe-t-il, si le texte dépasse deux feuillets ? — Est-il fidèle au ton de l'article, à son contenu ? — Annonce-t-il précisément le « message essentiel » ou l'angle ? — Remplit-il sa fonction de « justification » de l'article ? — N'est-il pas trop long par rapport au texte ? (environ 10 %) — Est-il rédigé avec le minimum de redondances, mais le maxi-

mum de facilité de lecture ? — Est-il bien « indépendant » du titre et du texte ? Se lit-il d'une

façon autonome ? • La rédaction du texte : — N'est-il pas trop long ? Aurait-on pu le réduire, le couper, sortir

certains éléments en encadré ? — Le vocabulaire est-il français, correct, adapté au public ? — A-t-on vérifié orthographe et ponctuation ? — Le présent a-t-il supplanté le passé ?

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— Le taux de redondances est-il supérieur à 50 % ? — Les phrases sont-elles variées, plutôt courtes ? — Les paragraphes sont-ils assez nombreux ? variés ? — Par quels mots commencent-ils ? Est-ce une véritable

r e l a n c e ? — Y a-t-il un intertitre par feuillet au minimum ? — Sont-ils courts et attrayants ? bien placés ? bien repris dans le

texte qui suit ? — Y a-t-il une attaque et une chute incisives, surprenantes ? — Les premières phrases ne peuvent-elles être coupées en deux

ou trois ? — Sur quelle impression laisse-t-on le lecteur ? — D'une façon générale, y a-t-il priorité du concret sur l'abstrait,

du proche sur le lointain, de l'affectif sur le rationnel ? — A-t-on employé des images, des formules, des exemples ?

• La présentation du texte : — Les pages sont-elles numérotées ? Avec un rappel de sujet ? — Le recto est-il bien seul utilisé ? — Les feuillets sont-ils normalisés ? (25 lignes de 60 signes dou-

ble interligne, le plus souvent). — Les parties destinées à un traitement graphique différent

(encadré, chapeau, tableau...) sont-elles bien sur des feuillets séparés ?

— Est-on sûr qu'on ne pourra imputer les « coquilles » qu'aux fau- tes de frappe de l'imprimeur ?

Cinquante questions et plus, auxquelles chacun peut ajouter cel- les que lui inspire son expérience. Cinquante questions à se poser pour que le lecteur, devant votre texte, ne se pose pas celle de l'abandon.

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Bibliographie

Pas de listes de références innombrables. Qui les épuiserait ? Simplement quelques ouvrages pour qui voudrait compléter et confronter :

� sur un mode plutôt théorique : • La lisibilité

» Le langage efficace par François Richaudeau

• Communications et langages, revue trimestrielle. Ouvrages et revue publiés par le Centre d'Etude et de Promo- tion de la lecture (CEPL), 114, Champs-Elysées 75008 Paris.

• Comment mesurer la lisibilité, par Georges Henry, Labor Nathan.

� dans un genre plutôt pratique et d'abord facile :

• Ecrire pour être lu, Sven Sainderichin, Entreprise Moderne d'Edition, 4, rue Cambon, 75001 Paris.

• Initiation à la pratique du journalisme, de René Florio, Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, 67, bd Vauban, 59046 Lille Cedex.

• Vos journaux habituels. Une infinité de titres dont la lecture attentive peut être extrêmement profitable.

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