Education a la santé

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ducation la santQuelle formation pour les enseignants ?DIDIER JOURDAN

ducation la sant

ducation la santQuelle formation pour les enseignants ?

Didier Jourdan

Direction de la collection Thanh Le Luong dition Jean-Marc Piton Institut national de prvention et dducation pour la sant 42, boulevard de la libration 93203 Saint-Denis cedex France LInpes autorise lutilisation et la reproduction des rsultats de cet ouvrage sous rserve de la mention des sources. Pour nous citer : Jourdan D. ducation la sant. Quelle formation pour les enseignants ? Saint-Denis : Inpes, coll. Sant en action, 2010 : 160 p. ISBN 978-2-9161-9214-7

LauteurDidier Jourdan, professeur des universits, IUFM dAuvergne, universit Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II

Avec la collaboration deSandrine Broussouloux, charge de mission, dpartement Partenariat et dveloppement rgional, Direction du dveloppement de lducation pour la sant et de lducation thrapeutique, Inpes

Prface

Pour chaque individu, la sant reprsente une ressource quil convient de maintenir et de protger. Pour y parvenir toutes les dimensions de la sant doivent tre prises en compte ainsi que lensemble de ses dterminants : biologiques, psychiques, sociaux, conomiques, culturels et environnementaux. Cette sant globale, qui peut tre apparente au bien-tre , la Charte dOttawa a su montrer que les autorits sanitaires nen avaient pas seules la responsabilit, mais que lensemble des institutions et rglementations ayant une action sur le cadre de vie des populations devaient en prendre leur part de responsabilit. En tant que lieu de vie, lcole participe pleinement au bien-tre et la sant des enfants et des jeunes quelle accueille. Les donnes de la littrature scientique internationale1 mettent en avant limportance de lcole comme lieu de promotion de la sant, non seulement parce quelle est frquente par toute une classe dge pendant plusieurs annes, mais encore parce quont t dmontrs les liens troits qui unissent sant et ducation. La promotion de la sant des lves contribue amliorer la

1. Saint-Lger L., Nutbeam D. Les milieux 2 : la promotion de la sant lcole. In : Lefcacit de la promotion de la sant : agir sur la sant publique dans une nouvelle Europe. Rapport de lUnion internationale de promotion de la sant et dducation pour la sant pour la Commission europenne. Bruxelles : Commission europenne, 1999 [chapitre 10] : p. 125-138.

russite ducative : accrotre le niveau dducation contribue amliorer la sant. LInstitut national de prvention et dducation pour la sant a pour mission de dvelopper lducation pour la sant en direction des milieux de vie et de dvelopper la formation en ducation pour la sant sur lensemble du territoire. Pour le milieu scolaire, lengagement de lInpes sest concrtis par la signature dun accord de partenariat avec la Direction gnrale de lenseignement scolaire (DGESCO) ds 2003, et, en 2007, avec la Confrence des directeurs dIUFM (CDIUFM). LInpes, par son expertise et son savoir-faire, contribue dvelopper lducation la sant en milieu scolaire, notamment par llaboration de nombreux documents et outils destination des coles et des tablissements scolaires. Le partenariat entre lInpes et le milieu scolaire ne se traduit pas uniquement par la diffusion de documents en direction des personnels et des lves : il concerne galement llaboration dune stratgie commune pour amliorer et promouvoir la sant des lves. La formation des enseignants lducation la sant est un lment central de cette stratgie commune. En effet, lensemble de la communaut ducative a un rle jouer pour promouvoir la sant des lves et les enseignants, comme dautres, sont appels participer la promotion de la sant des lves. Les tudes2 sur le sujet indiquent que de leur formation va dpendre en grande partie leur implication dans ce domaine. Cest pourquoi il a sembl important pour lInpes de se proccuper dun tel sujet et de soutenir une publication en ce sens. Cest un expert du champ, Didier Jourdan, professeur des universits, qui a rdig cet ouvrage. Il a pour angle dapproche le point de vue des principaux intresss et leurs reprsentations dans ce domaine. Cette approche peut galement permettre de concourir une meilleure comprhension des enjeux propres lInstitution scolaire par les professionnels de la sant publique. Je formule le vu quil constitue un lment de dialogue fructueux entre lensemble des professionnels uvrant la promotion de la sant des lves. Thanh Le LuongDirectrice gnrale de lInstitut national de prvention et dducation pour la sant

2. Jourdan D., Piec I., Aublet-Cuvelier B., Berger D., Lejeune M., Laquet-Riffaud A., Geneix C., Glanddier P. ducation la sant lcole : pratiques et reprsentations des enseignants du primaire. Sant Publique, 2002, vol. 14, n 4 : p. 403-423.

Prface

Quand lInpes et le rseau des IUFM mont demand de prfacer louvrage crit par Didier Jourdan sur la formation des enseignants en ducation la sant en France, jai dabord hsit. Mme si je navigue depuis plus de trente-cinq ans dans le domaine qui, au Qubec, a successivement t dsign sous les appellations ducation sanitaire puis Promotion de la sant , la formation des enseignants ce domaine ne fait pas proprement parler partie de mes champs dexpertise technique. Comme Didier Jourdan ma soulign que davantage que le point de vue dun expert technique, ctait le regard dune personne extrieure la France au courant des grands enjeux auxquels est confront un peu partout notre domaine quil souhaitait, alors jai dcid de plonger. En effet, depuis les cours dHygine et biensance qui ont marqu mon enfance lorsque jtais lcole primaire dans les annes 1950, les occasions mont t nombreuses dobserver, au Qubec et ailleurs, les dilemmes que posent les interventions dducation la sant en milieu scolaire. Depuis la n des annes 1980, jai observ avec intrt lvolution internationale du mouvement coles en sant impuls par lOMS, en parallle avec une autre initiative visant promouvoir les milieux en sant sur laquelle je fais de la recherche depuis 1986, Villes sant . Cela ma aussi remmor le fait que quand jai commenc travailler en sant communautaire en 1974, une de mes premires tches a t daider faire voluer le travail

des inrmires scolaires vers de nouveaux types de fonctions.1 Cest donc partir de ce regard que jai organis autour de trois observations ce qui ma particulirement frapp dans louvrage que vous avez entre les mains. Premire observation, et lexpression mme ducation la sant nous le rappelle de manire incontournable, lcole ce lieu central de la fonction ducative dans toutes les socits est invitablement interpelle lorsque lon veut systmatiquement duquer la sant lensemble dune population. Qui plus est, peu prs partout dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud o ltat est ou a t un acteur central de la dispensation de services publics ses citoyens, les services de sant et ceux de lducation ont accapar la belle part des budgets gouvernementaux. De gigantesques systmes de sant et dducation ont ainsi t mis en place la dimension de la plante qui, logique bureaucratique aidant, sont peu prs partout et toujours en mode de confrontation plutt quen mode de collaboration. Il nest donc pas tonnant que dans la premire partie de louvrage, le constat de la difcult pour le monde de la sant en France dinteragir avec le monde scolaire soit fait. Cest le contraire qui aurait t tonnant. Paradoxe intressant pour un il tranger : ailleurs (au Qubec, notamment), on a fait le choix de coner dautres qu des mdecins le soin de porter le ambeau de la sant en milieu scolaire. Le fait davoir encore en France un corps de mdecins scolaires participe peut-tre, notorit mdicale aidant, donner au monde de la sant un accs plus grand au systme scolaire que dans les pays o ce corps de mtier nexiste pas ou plus. Seconde observation, toujours dans la premire partie de louvrage, lauteur indique et le sociologue en moi en est fort aise la place de lducation la sant dans la mission gnrale de lcole franaise et dans lvolution de cette mission au cours du temps, avec les dbats quelle a suscits et quelle suscite encore. Ce positionnement est fait non seulement en relation avec la littrature franco-franaise pertinente, mais aussi en utilisant de manire critique la littrature internationale de pointe dans le domaine. Ceci est tout lhonneur de lauteur, car, encore trop souvent, en promotion de la sant comme dans bien dautres domaines, les productions provenant de lHexagone ont tendance sy limiter, se privant ainsi des richesses incommensurables de ce qui est produit ailleurs et qui circule principalement en anglais. Troisime et dernire observation. Mme si je ne matrise pas sufsamment les subtilits du systme franais de formation des1. ONeill M. De la sant scolaire la sant des jeunes : vers un nouveau rle pour linrmire en sant communautaire ? Linrmire canadienne, 1982, vol. 24, n 6 : p. 14-18.

enseignants pour tre en mesure de poser un jugement totalement clair sur le ralisme et l-propos des suggestions qui y sont formules, trois choses mont frapp dans la seconde partie de louvrage qui me semblent militer en faveur du succs de cet ouvrage. Dabord et avant tout, le ton. Davantage quun ton prescriptif proposant des solutions uniformes et btonnes pour lensemble du territoire franais et pour toutes les situations possibles, des propositions mur mur , comme on les nomme au Qubec en rfrence au tapis du mme nom, louvrage demeure au contraire ouvert la diversit des situations et des contextes. Pour un observateur externe habitu aux approches trs centralises et au parigocentrisme qui ont souvent cours en France, cela est particulirement rafrachissant et probablement un gage apprciable de succs de lapproche propose. En second lieu, comme pour ma seconde observation prcdente, le recours la littrature internationale de pointe pour ancrer les propositions daction de cette seconde section me semble non seulement justi, mais encore indispensable. Finalement, un autre lment qui me semble en dire long : ces propositions ont pass la rampe auprs de plus de 40 personnes, impliques de prs dans la formation des enseignants en ducation la sant dans plusieurs ministres et rgions de la France et, accessoirement, ltranger (Irlande et Liban). Ces personnes tant nommes dentre de jeu au dbut de louvrage, il me semble que le principe de la participation communautaire, si souvent dmontr en promotion de la sant comme un gage de succs, a t appliqu ici de manire fort convaincante. En conclusion, jespre que vous lirez cet ouvrage avec autant de plaisir que moi. Il est un exemple convaincant de ce que la France peut produire dexcellent, quand elle regarde au-del des limites de la capitale en se mettant au rythme de la plante et de ses propres rgions. Michel ONeill, Ph.D.Professeur titulaire en sant communautaire et promotion de la sant Universit Laval, Qubec, Canada Membre du Conseil scientique de lInpes

Sommaire

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Avant-Propos Mode demploi

Le contexte de la formation des enseignants lducation la santDu point de vue de lcole, une problmatique marginale ? Une question secondaire en regard des ds que lcole est appele affronter ? Une ination des missions cones au systme ducatif Lducation la sant : une dimension priphrique de lactivit des enseignants mais Lducation la sant : un objet qui trouve difcilement sa place dans le champ scolaire Du point de vue de la sant publique, un enjeu central Le systme ducatif, acteur de sant publique Une diversit de faons denvisager lducation la sant

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Le systme ducatif franais contribue lamlioration de la sant Un contexte favorable lducation la sant et lamlioration de la sant des populations Lcole contribue accompagner le dveloppement des lves Accompagner les mutations du systme ducatif Ds lorigine, deux lectures du rle de lcole Une approche de lducation la sant adapte aux spcicits du systme ducatif franais Assumer les tensions constitutives de lcole

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Le champ de lducation la sant en milieu scolaireLe cadre gnral. Crer les conditions de la russite scolaire et permettre aux lves dacqurir les comptences ncessaires des choix libres et responsables en matire de sant Une pluralit dapproches dans les textes institutionnels Une perspective mancipatrice : celle de la promotion de la sant Une dmarche base sur larticulation de la protection, de la prvention et de lducation Une approche adapte aux enjeux actuels Lducation la sant, une dimension de lducation la citoyennet La libert et la responsabilit comme nalits

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Une action ducative relevant de la sphre publique Des contenus dnis en rfrence aux pratiques sociales La place des diverses thmatiques Les activits de classe visant dvelopper des savoirs, des capacits et des attitudes Sur quelles bases fonder les activits de classe ? Des savoirs, des capacits, des attitudes Lducation la sant dans les activits de classe en premier et second degrs Un exemple de progression au cycle 3

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Mettre en uvre les formationsEnseigner, un mtier qui sapprend Une formation professionnelle en alternance Diffrentes approches de la formation Les nalits de la formation Une formation visant la professionnalisation Une formation laissant toute sa place une dmarche rexive La question de la formation ne se limite pas la dimension pdagogique La fonction politique La fonction technique La fonction pdagogique La fonction daccompagnement Les dterminants de lactivit de lenseignant en ducation la sant Lactivit de lenseignant nest pas la simple mise en uvre des programmes La formation ne peut se limiter la prescription de bonnes pratiques

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Les poids respectifs des diffrents dterminants de lactivit de lenseignant Les nalits de lactivit de lenseignant en ducation la sant Des outils pour la mise en uvre des formations Des formations professionnelles dadultes La mise en uvre de la formation Conclusion Liste des tableaux et des gures

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Avant-propos

LDUCATION LA SANT, UNE DES MISSIONS DE LCOLEDans notre pays, il ny a rien dvident ce que lcole, dont la mission se cantonne la sphre publique, prenne en charge le domaine de la sant qui relve dabord du priv, de lintime. Il nexiste pas non plus de consensus sur la faon daborder les questions de sant. A minima deux lectures mergent pour peu que lon creuse largumentaire dvelopp dans les diffrents discours. Il sagit de la rfrence la scurit, dune part, et de la rfrence la promotion du bien-tre individuel et social, dautre part. La premire se rfre lide durgence prventive (si nous nagissons pas maintenant les consquences seront terribles dans le futur et risquent de mettre en cause lquilibre mme de notre socit), la seconde renvoit des ns plus larges (promouvoir le bien-tre social, prendre du pouvoir sur sa sant et celle de la communaut). Si la premire a t longtemps dominante, le double phnomne de lmergence dune thique du bien-tre individuel et dune augmentation du degr dexigence des individus vis--vis des tats providence a conduit donner plus de place la seconde. Ces deux sources de lgitimit coexistent dans le systme ducatif et conduisent ncessairement des faons diffrentes de percevoir le rle de lcole et des enseignants.

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ducation la sant : Quelle formation pour les enseignants ?

Cest dans ce contexte, au cur de tensions multiples, que le systme ducatif, les professionnels qui le font vivre, comme ses partenaires, sont appels contribuer lducation la sant. La spcicit de laction de lcole tient au fait quelle est ncessairement ordonne au projet dmocratique de notre pays. Comme le rappelle larticle premier de la Loi dorientation sur lducation, Outre la transmission des connaissances, la Nation xe comme mission premire lcole de faire partager aux lves les valeurs de la Rpublique .1 Le fondement de la dmocratie est la conance en la capacit du citoyen agir de faon libre et responsable. Pour autant, cette capacit dcider soi-mme, prendre du pouvoir sur son existence, nest pas inne. Cest lducation qui permet de la construire. En matire de sant, le rle de lcole, et des autres acteurs de lducation au premier rang desquels la famille est ainsi daccompagner les lves dans leur apprentissage de la libert et de la responsabilit. En dautres termes, il sagit de donner aux citoyens les moyens de dcider par eux-mmes et ainsi de ne pas laisser aux mdias, aux marchands, aux gourous ou aux experts le soin de le faire leur place. Cette rfrence au projet de lcole a pour consquence essentielle le fait que la sant ne saurait tre considre comme une n en soi, comme le but ultime de lexistence. La sant, en rgime dmocratique, ne peut se substituer aux valeurs dmancipation de chacun. Elle est une condition de possibilit de lexercice plein et entier de la citoyennet, non un objectif. Disons-le clairement, il nous semble illusoire de tenter davancer sur la question de la formation des enseignants en ducation la sant en faisant comme si tout relevait de lvidence et que les seuls obstacles taient lignorance (ils ne savent pas que laffaire est grave, il suft de le leur dire pour quils en soient convaincus), la bonne volont des acteurs (sils ne le font pas, alors cest quils rsistent pour de mauvaises raisons, comprenons la nature des diffrents verrous pour tre en mesure de les faire sauter) et le manque de temps (il y a dautres priorits cest vrai, mais il faut agir pour que la sant remonte dans la liste). La premire tape dun travail de formation est sans doute constitue par llucidation de ce qui est en jeu. Cest ce que nous tenterons de faire succinctement dans cet ouvrage.

1. Loi n 2005-380 du 23 avril 2005 dorientation et de programme pour lavenir de lcole.

Avant-propos

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LDUCATION LA SANT DANS LA FORMATION DES ENSEIGNANTSLe cahier des charges de la formation des enseignants2 accorde une place signicative aux questions lies la sant. Il prcise que la formation des matres (1.2 du cahier des charges) doit sinsrer dans un cadre commun national et sappuyer sur les textes officiels prcisant les engagements ducatifs de lInstitution scolaire, notamment lducation la sant et lducation lenvironnement pour un dveloppement durable . Les questions de sant et de prvention relvent des comptences professionnelles des matres (3 du cahier des charges), la fois comme objet denseignement avec lensemble des ducations et comme constitutives de la mission du fonctionnaire (agir de faon thique et responsable) pour le reprage des difcults des lves dans le domaine de la sant et des comportements risque et pour la prise en charge des lves en situation de handicap . Enn, la question du partenariat, centrale en ducation la sant, est mise en avant : il sagit de travailler en quipe et de cooprer avec les parents et les partenaires de lcole (notamment les personnels mdicosociaux, les services de ltat). Dune faon plus gnrale, le cahier des charges souligne la dimension ducative de lexercice professionnel des enseignants et met en avant les capacits inscrire sa pratique professionnelle dans laction collective de lcole ou de ltablissement, ainsi qu communiquer avec les lves et leurs parents. Aussi, ne conduit-il pas lmergence dun nouveau domaine de formation. loppos dune logique de superposition, la formation en ducation la sant est en fait appele constituer un ciment dans la formation. Tous les enseignants sont confronts aux questions poses par les conduites risque et sinterrogent sur la nature de la mission de lcole (doit-elle contribuer la chasse aux fumeurs ou la stigmatisation des gros ? Doit-elle contribuer ce mouvement vers lidalisation du corps telle que nos socits individualistes tendent le promouvoir ? Doit-elle au contraire renoncer tout discours sur la sexualit, la violence ou la drogue ?) et sur la leur (en quoi puis-je, dois-je, contribuer lducation des lves sur ces objets qui, bien que fondamentaux, se situent la frontire de la sphre publique et de la sphre prive ? Que dois-je dire un lve qui consomme du cannabis ou prsente des signes de mal-tre ? Comment agir sur lalination gnre par les strotypes en ce qui concerne la

2. Ministre de lducation nationale. Cahier des charges de la formation des matres en institut universitaire de formation des matres. Arrt du 19 dcembre 2006, BOEN, n 1, 4 janvier 2007.

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ducation la sant : Quelle formation pour les enseignants ?

ligne , lalcool, la sexualit ?). La ralit de la vie quotidienne des tablissements est telle que lenjeu premier est toujours la gestion de crise, mais la question de la prvention et de lducation dans ce domaine se pose rapidement par la suite. Traiter, avec les tudiants et stagiaires, de telles questions vives de citoyennet est un moyen de leur permettre de faire le lien entre divers apports tant acadmiques (scientiques, historiques, juridiques, dontologiques) quissus de leur exprience, et ainsi de se situer comme enseignant. Lducation la sant est lun des lments de la culture commune tous les enseignants du primaire comme du secondaire.

PRENDRE EN COMPTE LES DIFFRENTES DIMENSIONS DE LA FORMATIONDans le domaine de lducation la sant comme dans tous les autres, lactivit des enseignants ne consiste pas en la simple mise en uvre de circulaires ou de programmes. Ce qui la conditionne est beaucoup plus complexe. Elle est dpendante, certes de paramtres institutionnels (prescriptions lies aux programmes, circulaires, projets dtablissement), mais aussi personnels (nature des reprsentations de lenseignant quant sa mission dans le champ de lducation la sant, histoire personnelle) et lis au public (les lves, leurs besoins, leurs attentes). La formation se doit de laisser une place ces trois aspects complmentaires. Cela ne signie pas que chaque module ou chaque sance doive conduire les travailler tous, mais quil faut veiller ce quils soient pris en compte. En effet, mettre en uvre une formation ne peut ainsi se limiter prner des bonnes pratiques. Il sagit daccder la comprhension des contradictions inhrentes au mtier denseignant entre les exigences des apprentissages des lves et celles de lexercice rel du mtier, pour offrir une formation rellement adapte3. Lenseignant, comme tout professionnel, nagit pas sous laction de prescriptions, mais est un sujet pris dans un ensemble de contraintes de larticulation desquelles va merger son mode dexercice de lactivit professionnelle. De la maternelle au lyce, les enseignants prennent quotidiennement de multiples dcisions dans bien dautres buts que de favoriser les apprentissages des lves : par exemple pour prserver laffection que ceux-ci leur portent, pour ne pas les mettre en chec , pour maintenir la paix sociale dans la classe, pour entretenir leur propre motivation ou pour

3. Goigoux R. Un modle danalyse de lactivit des enseignants. ducation et didactique, 2007, vol. 1, n 3 : p. 47-70.

Avant-propos

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conomiser leurs forces. Tous sefforcent de trouver en classe un bien-tre sufsant pour tenir chaque jour ou durer toute une carrire4 . Le fait de se situer dans un champ marginal de lactivit enseignante rend ncessaire la prise en compte des diffrents dterminants de lactivit en ducation la sant, mais aussi de travailler sur larticulation de lducation la sant aux autres dimensions du mtier, car elle nest pas au cur de lidentit professionnelle des enseignants. Ainsi, la formation des enseignants en ducation la sant ne se limite-t-elle pas organiser des sances dinformation sur les diffrents thmes lis la sant. Cest en articulation troite avec les autres dimensions du mtier denseignant, aujourdhui, et en se situant au cur de la dynamique de rednition du mtier que cette question peut avancer. Didier JourdanProfesseur des universits IUFM dAuvergne Universit Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II

4. Ibidem.

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Mode demploi

Si je veux russir accompagner un tre vers un but prcis, je dois le chercher l o il est et commencer l, justement l. Sren KIERKEGAARD1

Cet ouvrage propose une rexion approfondie sur la problmatique de la formation en ducation la sant en milieu scolaire. Son objectif est de mettre au jour les diffrentes dimensions de la question et de les clairer grce aux apports de quelques cadres thoriques et notre exprience de formateur. Sa vocation premire est llucidation de ce qui est en jeu. Il ne sagit donc ni de proposer une recette miracle ni de lire cette problmatique travers le prisme dune thorie unique. Les repres proposs offrent diffrentes grilles de lecture pour penser la formation. La nalit de ce livre est ainsi de rendre explicites les diffrentes tensions gnres par la pratique de la formation en ducation la sant et doffrir au lecteur quelques-unes des cls disponibles pour les prendre en charge. Destin lensemble des acteurs de la formation des enseignants, il ne prtend pas pour autant clairer le problme partir

1. Cit dans Britt-Mari B. Le savoir en construction. Former une pdagogie de la comprhension. Paris : ditions Retz, 1993 : p. 175.

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ducation la sant : Quelle formation pour les enseignants ?

de tous les angles dattaque possibles. Le regard quil propose est un regard situ, puisquil se place du point de vue de lcole et des structures de formation. Dautres sont tout aussi lgitimes, notamment si lon aborde la question partir des problmatiques de sant publique. Cest aussi un guide contextualis. Son contenu na pas vocation avoir une validit universelle. Il nest pas transposable directement dautres contextes de formation pour lesquels les publics, les missions, les cadres institutionnels et thiques sont diffrents. Il est possible de lutiliser de faon ponctuelle dans le but de rpondre une question pose par la pratique, dapprofondir un point particulier ou de rechercher les fondements thoriques. Il peut bien videmment aussi tre abord comme un tout, puisquil propose un cheminement cohrent. Nous ne le concevons pas comme un manuel, car la nature de lactivit professionnelle des formateurs ne les place pas en situation dexcution de protocoles dcids par les autres. Le professionnel de la formation est appel runir les comptences du concepteur et celles de lexcutant : il identifie le problme, le pose, imagine et met en uvre une solution, assure son suivi. Il ne connat pas davance la solution des problmes qui se prsenteront dans sa pratique2 . Cet ouvrage pourra ainsi prendre place parmi de multiples sources dinformation que le formateur a lhabitude de mettre contribution pour orienter son action et nourrir un retour rexif sur sa pratique. La nature mme de la formation en ducation la sant en fait un domaine commun une large diversit dacteurs. Cet ouvrage a ainsi t conu comme un objet partager entre professionnels de diverses disciplines et dorigines institutionnelles varies. Il ne constitue pas un guide du bon formateur que chacun, quelle que soit sa position, serait invit mettre en application, mais plutt un support pour un travail commun. Sa rdaction a, en tout cas, t pense dans le but daider lmergence dune culture commune aux diffrents acteurs dans le cadre dun travail en partenariat. Les lments qui le constituent ne manqueront pourtant pas dtre reus diffremment selon que les personnes soient enracines dans des universits, des inspections dacadmie, des rectorats, dautres services de ltat ou des collectivits territoriales, des mutuelles ou des associations. Pour peu quelles soient impliques dans un travail commun (la prparation dun plan de formation, la rdaction de documents ou lorganisation dun module par exemple), lexpression de

2. Perrenoud P. Dvelopper la pratique rexive dans le mtier denseignant. Paris : ESF diteur, coll. Pdagogies, 2006 : 227 p.

Mode demploi

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ces regards diffrents sera propice llucidation de ce qui se joue dans la formation. Cest le fait que les changes aient lieu en situation , dans un groupe tendu vers un but commun, qui ouvre la voie lmergence dune culture commune aux acteurs prsents dans ce contexte prcis. Il convient de prciser ici que ce guide est directement complmentaire de deux documents publis par lInpes destination des professionnels du champ. Il sagit de louvrage ducation la sant en milieu scolaire : choisir, laborer et dvelopper un projet de S. Broussouloux et N. Houzelle-Marchal et de celui coordonn par M. Bantuelle et R. Demeulemeester, Comportements risque et sant : agir en milieu scolaire. Il propose une dmarche en trois tapes. La premire est centre sur la mise en vidence du contexte dans lequel se dveloppe la formation des enseignants dans ce domaine spcique des ducations . Dans la seconde sont dnis le champ de lducation la sant lcole et le rle des enseignants. La dernire porte sur les cadres thoriques susceptibles daider rendre explicite ce sur quoi sont fonds les modules de formation et les conditions de mise en uvre concrte de la formation des enseignants en ducation la sant. Les rfrences thoriques proposes fonctionnent comme des grilles de lecture de lexprience. Sans permettre de tout prvoir et de tout contrler, elles aident rendre explicite ce sur quoi est base laction, donner du sens, formuler des hypothses interprtatives. Enfin, nous avons rdig des fiches de synthse. Elles sont places la n de chacun des chapitres. Le lecteur pourra, sil le souhaite, sy reporter directement et nentreprendre la lecture du texte que pour prciser tel ou tel point. Certaines idescls sont dlibrment reprises au l du document de faon permettre cette lecture autonome des chapitres. Expliciter ce qui se joue, offrir des pistes de rexion, tmoigner de la faon dont les uns et les autres ont gr les tensions pour permettre aux acteurs, dans les contextes spciques qui sont les leurs, de tracer leur propre chemin, tels sont les objectifs de cet ouvrage et de loutil de formation auquel il est galement intgr3. Souhaitons quil contribue soutenir les professionnels dans leur action au service de lducation et de la sant publique.

3. Cet ouvrage fait partie de loutil de formation Profdus dit par lInpes et lIUFM dAuvergne et compos galement dun DVD-Rom, dun photoformation complet et de nombreuses ches thmatiques qui guident lintervenant dans sa dmarche formative.

Cette premire partie a pour objet de rendre explicite la faon dont se pose la question de la formation des enseignants dans le domaine de lducation la sant. En effet, cet ouvrage prend place dans un contexte bien spcique tant en ce qui concerne les attentes sociales, le cadre institutionnel, les reprsentations et pratiques des acteurs, que le public ou les problmatiques de sant publique Puisquil existe plusieurs faons danalyser le contexte, il est ncessaire de spcier ici celle sur laquelle cet ouvrage a t labor. Le regard est port du point de vue de lcole. En tout tat de cause, il nous faut tenir ensemble les diffrentes contraintes de la formation des enseignants ici et maintenant. Il sagit de se situer entre utopie bate et ralisme conservateur1. Il serait, en effet, bien peu pertinent de dnir une formation beaucoup trop en avance sur lvolution du mtier dans les tablissements en faisant comme si lducation la sant tait une proccupation quotidienne pour tous les acteurs de lcole. Il serait tout aussi inadapt de coller de trop prs la situation prsente en limitant la formation lducation pour la sant aux enseignants qui, de par leur discipline dappartenance, transmettent des connaissances relatives la sant. Les enseignants en formation initiale aujourdhui doivent pouvoir traverser, en les matrisant, les transformations probables du mtier auxquelles ils seront confronts au cours de leur cycle de vie professionnel, soit entre 2009 et au minimum 2049 Il sagit de penser le mtier pour aujourdhui comme pour demain et de tenter didentier ce sur quoi les enseignants pourront sappuyer pour contribuer la russite scolaire et la sant de leurs lves.

1. Perrenoud P. La formation des enseignants entre thorie et pratique. Paris : LHarmattan, 1994 254 p.

Le contexte de la formation des enseignants lducation la sant

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Du point de vue de lcole, une problmatique marginale ?

UNE QUESTION SECONDAIRE EN REGARD DES DFIS QUE LCOLE EST APPELE AFFRONTER ?Lcole doit faire face en permanence de multiples sollicitations. Elle consitue un lieu de convergence des principales proccupations de la socit. Parmi la multitude de missions qui lui sont cones, comment situer la place de lducation pour la sant ? Il est ais de montrer que la problmatique de lducation la sant nest pas sans lien avec les principales questions poses lcole aujourdhui, quelle est en fait lune des expressions des mutations en cours au sein de notre systme ducatif [1]. Lducation la sant, pour peu quelle ne soit pas pense comme la transmission de rgles intangibles, se rvle tre un excellent support pour rendre explicites les tensions existant entre les dimensions potentiellement antagonistes de lactivit des professeurs et explorer les faons de les rduire. Lducation la sant est, en fait, constitutive de toute ducation humaine. Dans le patrimoine transmis par toutes les civilisations, les prescriptions relatives la sant tiennent une place importante. Ceci est valable pour notre socit et, ds son origine, lcole rpublicaine sest situe comme acteur de sant publique [2]. Lide selon laquelle cest pendant lenfance que peuvent tre acquis des comportements positifs vis--vis de la sant a conduit les autorits politiques lui assigner une mission de prvention. Des leons de morale sur lhygine, la tuberculose ou lalcoolisme de la n du sicle dernier lintgration de lducation la sant dans les programmes, le socle commun de connaissances et de comptences ou les thmes de convergence, lcole

Du point de vue de lcole, une problmatique marginale ?

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a toujours t un des principaux lieux de prvention et dducation la sant [encadr 1]. Pour autant, lexpression de cette ducation dans le champ de la sant a pris des formes diffrentes au cours du temps et doit sans cesse tre renouvele.

ENCADR 1Extrait de louvrage Cours dhygine coles normales (lles) troisime anne publi en 1920 chez Nathan. Lcole et les enseignants y sont des instruments de sant publique1. Lhygine doit tre catchise lcole primaire comme lcole normale ; cest lcole et par lcole quelle pntrera rellement dans les murs.

En France, ce nest que depuis 1902 que nous possdons une loi sur la protection de la sant publique et sur lorganisation sanitaire, et il est prmatur de dire quelle fonctionne compltement lheure actuelle. Dans les grands centres, des bureaux dhygine ont t crs pour veiller la salubrit publique ; mais, dans les petites villes et les campagnes, tout reste encore faire. Presque partout lopinion publique est encore clairer, et ce nest que lorsque, de sa propre initiative, elle secondera les prescriptions administratives, que celles-ci ne resteront pas lettre morte et que les principes hyginiques entreront rellement dans les murs ! Les prescriptions hyginiques sont parfois gnantes pour le gros public en ce quelles lobligent rompre avec des habitudes sculaires ; aussi est-il ncessaire quelles soient bien comprises pour tre acceptes au lieu dtre subies. Il ne suft pas en effet, comme le dit le professeur Vidal, de promulguer une loi dhygine, il faut assurer son application. Sa bonne excution ncessite leffort individuel de chaque citoyen ; il faut donc commencer par faire comprendre cette loi. On ne peut arriver ce rsultat quen initiant les jeunes gnrations aux principes fondamentaux qui servent de base aux prescriptions hyginiques, principes qui doivent tre parmi les premires empreintes qui frappent le cerveau de lenfant. Lhygine doit tre catchise lcole primaire comme lcole normale ; cest lcole et par lcole quelle pntrera rellement dans les murs.1. On retrouve cette ide dans de nombreux textes, par exemple le rapport Flageolet (Mission au prot du gouvernement relative aux disparits territoriales des politiques de prvention sanitaire, avril 2008) sur cette question. Lcole est donc le premier vecteur public et collectif de sant. Des connaissances sanitaires, adaptes aux ges pertinents, doivent tre inculques, notamment par les professeurs des coles. Il est, en effet, indispensable de faire assimiler des messages relatifs la prservation du patrimoine sant qui permettront, par la suite, de replacer dans leur contexte les messages de la culture du risque (infections sexuellement transmissibles, contraception, addictions) diffuss partir du collge. (p. 52) et Cependant, pour diffuser une culture de la sant pour tous et amener les esprits sapproprier lide de la gestion par chacun de son patrimoine sant, il est ncessaire dutiliser de nombreux vecteurs et de rpter inlassablement un mme message cohrent. Il sagit de permettre aux personnes, quel que soit leur ge, dintgrer dans leur schma de pense les avances en matire de sant. Cest pourquoi il convient de sappuyer sur ce que les personnes ont de plus cher pour multiplier le message en leur direction avec une meilleure chance datteinte. Cest ce quont bien compris les publicitaires qui utilisent les enfants pour faire acheter les produits quils promeuvent. (p. 53)

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ducation la sant : Quelle formation pour les enseignants ?

UNE INFLATION DES MISSIONS CONFIES AU SYSTME DUCATIFQuest-ce qutre enseignant ? Aujourdhui, cest peu dire que lidentit enseignante est en crise1. La rfrence exclusive la transmission nest plus de mise Comme le souligne Philippe Meirieu [3], lcole est cartele entre des fonctions multiples et contradictoires : enseigner la matrise des langages traditionnels et initier aux nouvelles technologies, transmettre un patrimoine et permettre la comprhension des situations contemporaines, prendre en compte les diffrences et garantir une culture commune, faire russir aux examens et apprendre les rgles de la vie en socit, former au respect de lenvironnement et la scurit routire, duquer la sant, prvenir le sida, informer sur les dangers des toxicomanies et bien dautres choses encore . Il y a bien une ination des missions cones lcole. Il nest pas raisonnable de penser la prise en compte de la sant lcole sur le modle de lajout dune mission supplmentaire. La question principale laquelle nous sommes confronts est celle de la cohrence de lensemble de ces dimensions au sein dune dnition renouvele du mtier denseignant [4]. Promouvoir la sant2 lcole cest dabord permettre que les acteurs se situent dans un contexte institutionnel sufsamment favorable pour quils puissent assumer pleinement leur mission ducative. En premier lieu, il convient donc de penser la place de ces questions dans la vie de lcole et le mtier des enseignants. Il importe aussi de sinterroger sur la faon dont la formation peut contribuer aider les enseignants se construire une identit professionnelle qui leur permette dtre en mesure de faire face aux ds daujourdhui et de demain. Cela signie videmment que la perspective dans laquelle nous nous situons ne consiste en rien qumander pour obtenir quelques heures pour un module de formation, mais plutt de montrer quen synergie avec dautres ducations (environnement, droit, mdia, conomie, consommation), la vise dune ducation citoyenne adapte aux enjeux de ce temps se situe au cur du mtier de tous les enseignants. La place de lducation la sant lcole ne se pose donc pas en terme dempilement de domaines de savoirs, mais bien comme un moyen de1. Le fait que la profession enseignante soit en crise ne signie pas que nous ayons faire une situation exceptionnelle. En 1899 dj, dans son Enqute sur lenseignement secondaire, rapport gnral la chambre des dputs, H. Ribot crivait : Nous avons recherch avec la plus grande sincrit les causes du malaise de lenseignement secondaire. De la mme manire, dans son introduction, le rapport de L. Joxe, La fonction enseignante dans le second degr. Rapport au ministre de lducation nationale, publi en 1972, soulignait : On ne saurait aborder les problmes poss par le malaise des enseignants, et plus gnralement par la crise de lenseignement, sans poser dabord les lments quantitatifs de ces problmes. Ces deux citations proviennent du Livre vert sur lvolution du mtier denseignant rdig sous la prsidence de Marcel Pochard remis au Premier ministre le 4 fvrier 2008 qui tente danalyser les questions poses aujourdhui et propose des pistes politiques pour y rpondre. Sans doute peut-on mettre lhypothse selon laquelle la position de lcole au cur des tensions sociales et dans un cartlement perptuel entre ce qui est et ce qui devrait tre conduit des rajustements permanents qui ne sont pas sans consquences sur les personnels. 2. La promotion de la sant est le processus qui confre aux populations les moyens dassurer un plus grand contrle sur leur propre sant et damliorer celle-ci. Cette dmarche relve dun concept dnissant la sant comme la mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut, dune part, raliser ses ambitions et satisfaire ses besoins, et, dautre part, voluer avec le milieu ou sadapter celui-ci. Elle sera dnie au chapitre Du point de vue de la sant publique, un enjeu central , p. 36.

Du point de vue de lcole, une problmatique marginale ?

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rinterroger le mtier denseignant et de renforcer la colonne vertbrale de lcole : lducation du citoyen. En dautres termes, il sagit de viser ce que lducation la sant contribue soutenir les forces centriptes au service dune vision unifie de la mission de lenseignant plutt que les forces centrifuges gnratrices dmiettement.

LDUCATION LA SANT : UNE DIMENSION PRIPHRIQUE DE LACTIVIT DES ENSEIGNANTS MAISPour autant, ce travail de mise en lien se heurte au fait que bien des professionnels de lcole ne sont pas demandeurs dune rexion relative lducation la sant. Force est de constater que limplication dans des dynamiques collectives dducation la sant reste minoritaire, notamment en second degr [5]. Pour limmense majorit des acteurs de lcole, lducation la sant reste une activit qui ne fait pas partie du cur de la mission dont ils se sentent investis. Comment les en blmer quand la plupart des concours de recrutement denseignants naccorde quasiment aucune place ces aspects et quand la majorit des acteurs en place sur le terrain aujourdhui na bnci daucune formation. Plus fondamentalement encore, il est ici question de reprsentation sociale des mtiers. Un jeune tudiant en sciences physiques qui tente aujourdhui dobtenir le Capes a-t-il les moyens didentier que sa tche de professeur dpasse de loin la transmission de savoirs disciplinaires ? Ces quelques lments soulignent limportance dun rel travail sur ce qui fonde lidentit professionnelle des enseignants. De plus, lanalyse des reprsentations des acteurs montre linuence majeure de leur formation initiale, de leurs missions et de leur statut sur la perception quils ont de lducation la sant en milieu scolaire. Des travaux sur ce sujet ont t conduits auprs des enseignants du primaire [6] et des professeurs dducation physique et sportive (EPS) du second degr [7]. La premire tude souligne que le fait davoir reu une formation a un impact signicatif sur la mise en uvre dun travail en ducation la sant. La seconde montre que lidentit professionnelle des acteurs constitue le prisme travers lequel ils forgent leurs propres reprsentations de lducation la sant et de leur rle dans ce domaine. Chez les professeurs dEPS, cest une conception de lducation la sant la fois lie la fonction cardiaque, leffort, lendurance et la prparation cet effort qui domine. tre en bonne sant (et sy prparer), cest tre un sujet en action, en quelque sorte nergtiquement en action. Un enjeu fort se dessine ici. Les formations ne peuvent faire limpasse sur cette diversit. Il importe de prendre en compte les spcicits individuelles, mais aussi collectives des reprsentations de la mission de lcole dans le domaine de lducation la sant. Il sagit de prendre les personnes l o elles sont , didentier ce qui peut constituer un support la construction de comptences et donc orienter les contenus et les mthodes de formation. En tout tat de cause, la nature mme de lobjet ducation la sant en milieu scolaire conduit accepter la coexistence de diffrentes lectures lgitimes de

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lobjet ayant leur consistance propre. Lobjectif nest pas darriver une uniformisation des faons de voir le rle de lcole dans ce domaine, mais plutt de rendre explicites les diffrentes lectures. Pour cela, il sagit de permettre aux diffrents professionnels de partager une culture commune leur permettant dexpliciter leur contribution et de la rendre lisible pour les autres acteurs. Dans cet esprit, la premire nalit de la formation initiale est de permettre aux tudiants et aux stagiaires didentier que les ducations font partie du contrat et quils ont un rle spcique jouer dans ce domaine. Tenir compte de ce qui structure cette identit, cest aussi accepter une diversit dangles dattaque pour les formations en ducation la sant, cest consentir dabord parler la langue de ceux que lon prtend accompagner dans leur progression. Si, pour des professeurs des coles, un travail sur la prise en compte globale de lenfant lcole est susceptible dtre mobilisateur, ce nest pas le cas, dans un premier temps au moins, pour des enseignants du second degr pour qui lentre disciplinaire est prpondrante. Pour eux, cest plutt lactivit de classe dans ses dimensions didactique (disciplinaire) et pdagogique (plus gnrale : motivation des lves, gestion de classe, lien entre bien-tre scolaire, sant et russite scolaire) qui peut constituer un support. Ceci est encore diffrent pour les autres professionnels du milieu scolaire. Pour les chefs dtablissements ou les conseillers principaux dducation (CPE), les entres concerneront plus particulirement la prvention des conduites risque, le climat dtablissement, le dveloppement dun travail collectif Du ct des personnels de sant et sociaux, il sagit sans doute denraciner la formation sur le dveloppement de comptences relatives la fonction de conseillers techniques qui est la leur dans le domaine de la promotion de la sant. En ce qui concerne les personnels de service, cest leur contribution un environnement physique favorable au bien-tre et la sant de tous qui peut constituer un angle dattaque pertinent.

Dans tous les cas, cest bien partir des reprsentations que se font les acteurs de leur mission dans le domaine de lducation la sant quun travail de formation pourra tre entrepris. Ceci tant, il convient de souligner que mme si lducation la sant nest pas un objet central dans lactivit professionnelle de lcole, elle nest pas pour autant absente du paysage. Une tude rcente conduite auprs de 207 personnes travaillant dans cinq collges a montr que 89 % des professionnels se sentaient impliqus dans lducation la sant. Ils se situent essentiellement en tant quducateurs dans le quotidien de la vie de ltablissement. La fraction des personnels qui prennent part, mme trs modestement, des dmarches collectives est, quant elle, limite 23 % [8]. En tout tat de cause, que lon sarrte sur le fait que moins dun quart des professionnels contribuent dune faon ou dune autre une action identie en ducation la sant, ou que lon mette en avant que neuf acteurs sur dix se positionnent comme ducateurs dans ce domaine, on ne peut considrer lcole comme un terrain vierge quil sagirait de conqurir.

Du point de vue de lcole, une problmatique marginale ?

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Permettre chacun des acteurs de lcole de percevoir que travailler individuellement et collectivement lducation la sant dans les tablissements scolaires est bien constitutif du cur de leur mission est un enjeu majeur pour la formation initiale et continue. Encore faut-il, pour cela, accepter de concevoir lducation la sant comme visant lmancipation des lves (leur donner les moyens de choix libres et responsables en matire de sant) et la cration des conditions de possibilit de la russite de tous les lves (via le dveloppement des comptences personnelles et sociales et la cration dun environnement scolaire favorable), plutt que comme un moyen de transmettre de linformation sanitaire.

LDUCATION LA SANT : UN OBJET QUI TROUVE DIFFICILEMENT SA PLACE DANS LE CHAMP SCOLAIREAujourdhui, lducation la sant reste, pour nombre de professionnels, un objet priphrique. Il est difcile en effet de tenir ensemble une rfrence aux savoirs acadmiques et lacte denseignement, dune part, et lappel une implication dans des dynamiques qui transcendent tant les disciplines que les modes de travail habituels, dautre part. Lducation la sant nest pas une discipline , cest un objet mouvant , rsistant toute transmission descendante. Ce que Jean-Louis Martinant qualifie ( propos de lducation lenvironnement) de forme scolaire non disciplinaire3 . Ces formes se fondent sur une morale provisoire construire et non sur des connaissances universelles. Il sagit ainsi dagir en contexte dincertitude, ce que la sant publique a lhabitude de faire mais pas le systme ducatif puisquil est bas sur la rfrence des savoirs universels. Lducation la sant remet lHomme au centre du dbat, alors quune grande part des disciplines a t construite en se dcentrant de la question de lHomme pour aller vers luniversel. En tout cas, il ny a pas un corpus univoque de connaissances et de mthodes quil sufrait de transmettre un enseignant, un chef dtablissement, un inrmier, un mdecin, un assistant social ou un partenaire de lcole pour lui permettre de devenir acteur dducation la sant. Comme le souligne la circulaire relative lducation la sant de 998 [9], les dispositifs de formation continue sont toujours fonds sur la globalit de lducation la sant et plus largement de laction ducative . La formation ne peut faire limpasse sur cette complexit et se doit de lintgrer.

Lducation la sant nest ainsi pas en soi , un objet nouveau mais plutt une forme scolaire non disciplinaire qui, aujourdhui, trouve difcilement sa place dans les enseignements [10].3. Nous entendons par formes scolaires, un ensemble dactivits menes par les enseignants et leurs lves reprables parmi dautres formes dactivit, en particulier en raison de leurs vises ducatives, rpondant aux exigences ofcielles et faisant lobjet dune organisation spcique sinscrivant dans le curriculum scolaire des lves . Martinand J.-L. Sminaire de travail conjoint IUFM de Versailles-UIMM. Paris, 2003.

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Ce qui fait dbat, ce nest pas tant lobjet sant en lui-mme (personne ne conteste lide selon laquelle lcole a jouer un rle dans ce domaine) que sa place dans le champ scolaire et la nature de la contribution des acteurs. La priode au cours de laquelle le matre dcole transmettait un savoir univoque, montrait la voie du Bien (une vie saine) et la voie du Mal (une vie de dbauche) au cours des leons de morale est maintenant rvolue. Il est vident que la question se pose diffremment aujourdhui de la faon dont elle mergeait en cette n du XIXe sicle marqu par lhyginisme. Dans le monde contemporain o le paratre tient une place grandissante, peut-on souhaiter que lcole contribue la promotion dun unique mode de vie sain , voire lidalisation du corps ? En un temps o il est essentiellement question dintrt particulier, peut-on attendre de lcole quelle se transforme en pourvoyeuse dinformations sanitaires au gr des modes et de lefcacit de telle ou telle campagne de communication ? Non, duquer la sant lcole aujourdhui cest conduire chacun se construire en rfrence aux conduites risque (drogues illgales, alcool, tabac, prise de risque routier, violence), tre capable de prendre soin de soi et de respecter les autres (dans les domaines de la nutrition, des addictions ou de la sexualit par exemple). Pour lcole du XXIe sicle, duquer la sant, cest permettre aux lves de faire des choix clairs et responsables, de garder leur libert vis--vis des drogues mais aussi des strotypes ou de la pression des mdias et des pairs.

Ainsi lducation la sant nest pas laffaire de spcialistes, elle relve de laction quotidienne des adultes en charge de lducation des enfants, au premier rang desquels les parents et les enseignants. Les experts, notamment ceux issus du secteur de la sant, sont au service du projet ducatif port par les parents et les enseignants.

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Du point de vue de lcole, une problmatique marginale ?

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Du point de vue de la sant publique, un enjeu central

LE SYSTME DUCATIF, ACTEUR DE SANT PUBLIQUELorsquil sagit de lgitimer laction de lcole en matire de sant, les arguments viennent rarement de la sphre ducative. Lide selon laquelle lducation la sant est une dimension de lducation la citoyennet, qui vise accompagner les lves vers la libert et la responsabilit en matire de sant, est donc peu voque. Ce sont plus gnralement des justications issues du champ de la sant publique qui sont avanes Aussi, les argumentaires sont btis en rfrence soit lide durgence prventive (si nous nagissons pas maintenant, les consquences seront grandes dans le futur), soit des ns plus larges (promouvoir le bien-tre social, prendre du pouvoir sur sa sant et celle de la communaut). Lcole constitue lun des milieux de vie des enfants et des adolescents ; elle est donc appele contribuer, comme la famille ou la communaut (quartier, village), lamlioration de leur sant [gure 1]. Plus gnralement, trois approches sont reconnues comme pertinentes pour promouvoir la sant [1]. Elles sont cibles sur des populations (population gnrale, personnes ges, enfants, personnes atteintes de maladie chronique, sportifs de haut niveau, etc.), des thmes (addictions, obsit, scurit, etc.) ou des milieux de vie (monde du travail, lieux de soin, quartier, milieu

Lappel la prise en compte de la sant lcole mane plus souvent de sources externes au systme ducatif plutt que de sources internes.

Du point de vue de la sant publique, un enjeu central

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FIGURE 1 Les principaux facteurs conditionnant la sant des enfants et des adolescents1 Services ducatifs complmentaires dont les services de sant et les services sociaux Perception de soi, de ses comptences propres, de son apparence Satisfaction personnelle

Environnement physique Capacit : (amnagement) Rsoudre des Environnement problmes social (climat) Se fixer des buts Services Environnement et les atteindre prventifs pdagogique Comptences Avoir des relations (gestion de classe, personnelles, sociales positives dveloppement sociales et civiques cole Communiquer de comptences) Cooprer Enfants et ENVIRONNEMENTAUX INDIVIDUELS adolescents Famille Communaut Habitudes de vie Activit physique Alimentation Comportements face lalcool, au tabac et aux drogues Hygine dentaire Sommeil

Conditions de vie Pratiques ducatives Qualit des relations Rapports avec lcole Valeurs et normes Conditions de vie Culture Politiques Services et ressources

Comportements responsables

Sur le plan sexuel Dans les loisirs et les sports Lors des dplacements routiers et pitonniers

1. Modi daprs Martin C., Arcand L., cole en sant. Guide lintention du milieu scolaire et de ses partenaires. Comit national dorientation du Qubec, 2005. En ligne : http://www.mels.gouv.qc.ca/dfgj/csc/ promotion/pdf/19-7062.pdf [dernire consultation le 08/01/2010].

scolaire, etc.). Lcole est au carrefour de toutes ces approches et apparat donc comme un acteur privilgi des stratgies de sant publique : lcole est le lieu o tous les individus dune mme classe dge sont runis ; lcole est le lieu o des dmarches de prvention centres sur des thmes spciques sont mises en uvre ; lcole constitue en soi un milieu de vie spcique. Cet appel la mobilisation du systme ducatif est pleinement lgitime. Ceci est dautant plus vrai que lcole est lun des outils la disposition de ltat pour mettre en uvre ses politiques et notamment sa politique de sant publique. La Nation dnit sa politique de sant selon des objectifs pluriannuels La dtermination de ces objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de sant mis en uvre pour les atteindre ainsi que lvaluation de cette politique relvent de la responsabilit de ltat. La loi est claire : La politique de sant publique concerne entre autre linformation

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ducation la sant : Quelle formation pour les enseignants ?

et lducation la sant de la population1 . Le systme ducatif est lun des acteurs au service de cette politique de sant publique.

UNE DIVERSIT DE FAONS DENVISAGER LDUCATION LA SANTLes diffrentes sollicitations qui parviennent lcole en matire de sant publique ne sont pas neutres et renvoient des nalits comme des visions de lducation la sant diffrentes. Pour peu que lon porte un regard critique sur les appels la mobilisation de lcole sur les questions de sant, il apparat clairement que les sources de motivation sont multiples. Elles peuvent sinscrire dans des projets de changement social comme de normalisation des comportements, viser la rduction des dpenses de sant, voire rpondre des intrts catgoriels. Plus gnralement, elles senracinent dans des paradigmes diffrents. la suite de Jacques Fortin, il nous parat pertinent de les rendre explicites. Pour cet auteur de rfrence que nous reprendrons ici, les modles en ducation pour la sant sinscrivent dans des paradigmes ducationnels plus ou moins complexes qui traduisent des valeurs : celle dune rationalit efcace appuye sur la connaissance scientique, celle de libert conue comme autonomie de penser, dagir, de dcider dans une nalit de ralisation de soi, celle de responsabilit collective et personnelle dun tre social, celle de ralisation globale dun tre cosmique dont le dveloppement personnel est intimement li celui de son environnement. [2]

Le paradigme rationnel ou lHomme tel quil devrait treLe paradigme rationnel dune pdagogie classique, acadmique, verticale, o le matre dispense un savoir prdtermin llve qui coute et obit, a inspir une pratique de lducation la sant centre sur un apport de connaissances considres comme objectives, extrieures au sujet auquel elles devraient simposer comme instigatrices de ses conduites. Ce paradigme inspire le discours mdical de conseil et de prvention des maladies et risques pour la sant. Lobjet prime sur le sujet, la maladie sur le malade. Linformation dlivre par lexpert est vrit et constitue le socle de conduites prescrites indistinctement tous, selon un schma linaire de causalit : pour tre en bonne sant, il faut et il suft de mettre en pratique les directives, cest--dire supprimer toute conduite susceptible dentraner un dommage. Toute autre attitude ne peut tre querreur de jugement, faute, manquement conduisant inexorablement la maladie.

Le paradigme humaniste ou le libre bien-treDans ce paradigme, ct dobjectifs cognitifs, lducation prend en compte les dsirs, les motions et les perceptions de la personne. Le sujet participe

1. Loi n 2004-806 du 9 aot 2004 relative la politique de sant publique.

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activement la construction de ses savoirs quil enrichit de son vcu et de son exprience. Lducateur est en interaction avec le sujet quil accompagne dans son cheminement singulier, et il assume la part de subjectivit rciproque qui nourrit lapprhension des connaissances. La ralisation de soi est revendique comme but ducatif et se confond ici avec la dnition de la sant en tant qutat de complet bien-tre physique, psychique et social. Le dveloppement de la conance, de lestime et de lafrmation de soi est un objectif essentiel dans ce modle. Lautonomie du sujet est une nalit revendique et se conjugue avec une libert conquise travers le perfectionnement de soi.

Le paradigme de la dialectique socialeLe paradigme de la dialectique sociale dpasse le dveloppement personnel pour questionner les rapports permanents de lHomme son environnement et interroger son degr de libert au sein du groupe social. En termes de sant, cest bien la capacit de lhomme matriser son existence et exercer un contrle sur son environnement qui est mise en question. Lenseignant, lducateur part do sont les lves, les personnes, du point de vue cognitif, motionnel et social ; il a une fonction daccompagnement dans une dmarche qui part de lmergence dattentes individuelles motivant des demandes gres collectivement Le concept complexe dempowerment employ aujourdhui de manire extensive sinscrit dans ce paradigme. Ce processus vise, dune part, lacquisition de pouvoir par un sujet et des groupes sociaux travers loptimisation de leurs savoirs et comptences, et, dautre part, la reconnaissance et lexercice effectif de ce pouvoir.

Le paradigme cologiqueCette approche est de nature systmique. Lcologie de lducation sintresse ltre humain et aux interrelations entre celui-ci et les diffrents milieux (cosystme) dont la rsultante est son dveloppement et ses apprentissages. Les principaux axes de ce paradigme sont la dmocratisation totale de lducation, le dveloppement intgral de la personne, cest--dire de toutes ses potentialits, la personnalisation de lenseignement, cest--dire son adaptation aux besoins distincts des duqus, et une ducation dun tre total, cest--dire faire en sorte que la personne se dveloppe de faon optimale au regard de lensemble de ses aspects et de ses potentialits. Ce processus systmique reprend des lments des paradigmes prcdents en leur apportant la fois la dimension dynamique qui leur manque et une dimension contextuelle essentielle. Le concept dcole promotrice de sant est issu de cette rexion. Cette prsentation constitue une grille de lecture des dmarches ou des dispositifs mis en uvre dans le domaine de lducation la sant. Elle contribue rendre explicite ce qui est sous-jacent aux diffrentes approches.

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ducation la sant : Quelle formation pour les enseignants ?

Les quelques lments qui viennent dtre proposs permettent de mesurer la complexit de la question. Les sollicitations dont lcole est lobjet ne sont pas toutes de mme nature et ninteragissent pas avec le projet ducatif de lcole de la mme manire. Il ne peut donc sagir dintgrer toutes les propositions au cursus des lves. Lcole apparat ainsi souvent comme tranant les pieds , comme peu engage dans la lutte contre tel ou tel au. Il sagit en fait : darticuler ladaptation ncessaire de lcole aux ralits sociales et la prennit de ce quelle transmet au-del des effets de mode et des urgences du moment ; de prendre en compte des questions sanitaires spcifiques et la rsistance linstrumentalisation ; de transmettre des informations sur les comportements et de prendre en compte la diversit sociale et culturelle ; de simpliquer dans les politiques sanitaires et de respecter le cadre lac de lcole ; de prendre en compte lventail des problmatiques de citoyennet et de refuser une ducation se limitant lempilement dapports successifs Dune faon gnrale, il nest possible davancer sur la question de lducation la sant lcole qu la condition de prendre conscience, dune part, de la complexit de lacte ducatif qui rsiste tous les raccourcis et toutes les recettes miracles et, dautre part, du fait que la mission premire de lcole nest pas de lutter contre tel ou tel au social, mais bien de former les citoyens de demain et de permettre la russite de tous.On ne peut penser lducation la sant lcole qu partir de larticulation des problmatiques ducatives et des enjeux de sant publique. Llucidation de la demande sociale comme lexplicitation des missions du systme ducatif dans ce domaine reprsentent ainsi des pralables incontournables.

Lcole se doit donc de travailler la faon dont ces questions sociales et/ou sanitaires peuvent tre prises en compte dans lducation de la personne. Les enjeux ducatifs voluent constamment. Lcole doit ncessairement adapter ses programmes, ses contenus, ses mthodes, ses modes daccueil des lves. Faire changer les programmes scolaires, les mthodes denseignement, la formation des acteurs de lcole dans le but de rpondre aux enjeux ducatifs actuels dans le domaine de la sant nest pas du mme ordre qutre la courroie de transmission dun message sanitaire. Lide cl est celle de mdiation. En effet, lcole ne peut ni tre le relais pur et simple dune politique de sant ni tre totalement hermtique aux sollicitations sociales. Elle est appele les tenir distance, exercer une mdiation en rfrence sa mission et aux conditions relles dapprentissage.

Du point de vue de la sant publique, un enjeu central

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en ducation la sant : modles et valeurs

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Le systme ducatif franais contribue lamlioration de la sant

Du fait de lampleur de certains enjeux sanitaires, la tentation est grande, du ct des acteurs de la prvention, de lducation la sant ou de la promotion de la sant, dappeler un changement radical dans lattitude des enseignants vis--vis des questions de sant. Pour certains, lcole serait incapable de promouvoir la sant, de prvenir les conduites risque puisquelle est impermable aux dispositifs dintervention quon lui propose, puisque les enseignants sont sourds lvidence de la ncessit de contribuer au dveloppement personnel des lves et se referment sur les savoirs quils ont transmettre Il importe dtre vigilant aux dangers que reprsentent les appels la conversion des enseignants dautres pratiques plus promotrices de sant dun ct ou plus prventives de lautre. La premire tape est sans doute dabord de prendre en compte ce qui existe et didentier les limites de laction du systme ducatif.

UN CONTEXTE FAVORABLE LDUCATION LA SANT ET LAMLIORATION DE LA SANT DES POPULATIONSLe systme ducatif franais, tel quil fonctionne aujourdhui, joue un rle dterminant dans la promotion de la sant. En effet, lducation en soi contribue lamlioration de la sant [1, 2]. Elle permet lacquisition dune large gamme de comptences chez les enfants et les adolescents et ainsi inuence leur sant [3]. Le fait de savoir lire, dtre capable de rechercher et de trier des informations, de disposer de connaissances sur le corps et la sant telles quelles sont transmises lcole primaire, au collge et au lyce

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sont autant dlments qui permettent chacun de prendre en charge sa propre sant. Des travaux ont montr par exemple que, lorsque lenfant dveloppe des comptences linguistiques et mathmatiques, le risque de dcrochage scolaire diminue ainsi que le risque dapparition de difcults dans le domaine de la sant psychologique [4]. Si lcole nagit pas sur tous les dterminants de la sant (biologiques, socioculturels, environnementaux, comportementaux, lis au systme de soin), elle est en interaction avec la majorit dentre eux. Son action passe la fois via les enseignements dispenss et la vie dans ltablissement (ce quon appelle souvent le curriculum cach) [gure 1].FIGURE 1 Lcole est susceptible dagir sur plusieurs dterminants de la sant des enfants et des adolescents via le vivre ensemble et les enseignementsDes facteurs : biologiques, socioculturels, environnementaux, comportementaux, lis au systme de soin.

Lcole

Le vivre ensemble lcole Les enseignements

Laccs de la quasi-totalit des enfants1 lducation dans notre pays rend moins lisible limpact de la scolarisation sur les pratiques de sant. Mme si dautres paramtres lis aux ingalits sociales jouent un rle dterminant, il suft, pour sen convaincre, de regarder du ct des pays pour lesquels la scolarisation nest pas systmatique. Au Sngal, par exemple, la connaissance dun endroit o se procurer des prservatifs est positivement associe au niveau dinstruction des lles : 32 % pour celles sans niveau dinstruction, contre 52 % pour celles ayant un niveau primaire et 78 % pour celles du niveau secondaire et plus [5]. Chez les femmes adultes, lutilisation dune mthode contraceptive concerne 29,7 % de celles ayant un niveau scolaire secondaire ou suprieur, 8 % un niveau primaire et 6 % pour celles qui nont jamais frquent lcole. Dans ce pays, une autre tude [6] a montr que plus de la moiti des adolescents ne connat pas de lieu pour se procurer des conseils ou des soins en matire de sexualit. Cette connaissance est fortement lie au fait davoir suivi des cours dducation la vie familiale puisque ceux qui

1. Le taux de scolarisation en France est de 100 % lentre au primaire et de 97 % la n de la scolarit obligatoire 16 ans. 90 % des lves sont scolariss pendant quinze ans, alors que dans lensemble des pays de lOCDE la quasitotalit des jeunes est scolarise en moyenne douze ans. OCDE. Regards sur lducation, 2006. En ligne : http:// www.oecd.org/dataoecd/51/25/37392770.pdf [dernire consultation le 07/01/2010].

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en ont bnci au cours de leur scolarit sont 78,7 % connatre un tel lieu, alors que les autres ne sont que 39,2 %. Par ailleurs, lcole est, avec la famille et les mdias, une source dinformation sanitaire de premier plan pour les enfants. titre dexemple, une tude ralise en 2004 par questionnaire sur 883 lves de cycle 3 (CE2, CM, CM2) permet de situer la contribution de lcole du point de vue des lves [tableau I]. Enn, mme sil est vident que le milieu scolaire gnre du mal-tre pour

TABLEAU IRponses dun chantillon de 883 lves dans le cadre du dispositif Apprendre mieux vivre ensemble lcole (donnes initiales 2004) une srie de questions formules de la faon suivante As-tu eu des informations sur ? Taux de retour 95,7 %, chantillon compos de 35,6 % de CE2, 35,4 % de CM1, 27,9 % de CM2 et 1,1 % en CLIS et de 52,9 % de garons pour 47,1 % de fillesIls ont reu des informations sur Le fonctionnement du corps (oui 86,3 %) La sexualit (oui 57,1 %) Lalimentation (oui 90,3 %) Le sommeil (oui 57,0 %) Les rgles de vie lcole (oui 92,8 %) La violence (oui 80,7 %) Lalcool (oui 74,4 %) Le tabac (oui 85,8 %) Les drogues (oui 72,1 %) La scurit routire (oui 90,5 %) Les gestes durgence (oui 76,0 %) lcole 77,8 % 40,1 % 78,2 % 42,1 % 91,2 % 63,7 % 26,3 % 28,0 % 18,7 % 50,6 % 41,4 % En famille 42,8 % 42,5 % 47,9 % 54,9 % 36,8 % 47,3 % 56,8 % 55,1 % 46,5 % 53,1 % 55,3 % Par leurs lectures 33,9 % 30,8 % 28,1 % 27,8 % 14,5 % 17,1 % 17,5 % 18,3 % 14,8 % 25,5 % 25,2 % Par la tlvision 38,6 % 52,2 % 63,1 % 38,4 % 19,5 % 62,0 % 72,5 % 79,0 % 82,3 % 66,2 % 60,4 %

certains lves, il reste un lieu dpanouissement pour une trs large majorit dentre eux. Globalement, prs des deux tiers des lves franais de collge dclarent aimer lcole (beaucoup : 2,7 % ; un peu : 43,8 %). Les lles signicativement plus que les garons (beaucoup : 25,9 % des lles versus 7,3 % des garons ; un peu 45,6 % versus 4,9 %). Si cette impression globale positive est nuancer (un lve sur dix dclare linverse ne pas aimer du tout lcole et on note une altration du got pour lcole avec lavance en ge), il nest pas pertinent de donner de la qualit de vie lcole une vision excessivement ngative [7]. En primaire, au cycle 3, la relation lcole est encore plus positive. la question Comment trouves-tu ton cole ? , seuls 4,5 % des lves portent un jugement ngatif (gniale : 44,2 %, bien : 43,7 %, moyenne : 7,4 %, pas terrible : 3,3 %, nulle : ,2 %). De la mme faon, les relations avec les matres sont massivement juges positives : trs bonnes (49,3 %), bonnes (39,5 %), moyennes (8,6 %), pas trs bonnes (,6 %), mauvaises (0,7 %), sans rponse (0,2 %)2. Cest sur une vision nuance (une majorit dlves qui2. tude AMVE cycle 3, mme chantillon que celui partir duquel ont t produites les donnes prsentes dans la gure 2, p. 45.

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vivent bien lcole et une minorit pour lesquels il y a des difcults relles) quil convient de sappuyer pour penser la formation. On ne peut, en tout tat de cause, se satisfaire ni de langlisme (tout va bien), ni dune dramatisation excessive (lcole broie les lves)3. En formation initiale comme en formation continue, travailler partir dune vision raliste et donc sur les limites, mais aussi les points forts de laction de lcole et des enseignants est la seule faon de mobiliser rellement les acteurs.

LCOLE CONTRIBUE ACCOMPAGNER LE DVELOPPEMENT DES LVESSymtriquement cette mise en avant de laction de lcole en matire de sant, il convient aussi de la relativiser. En effet, la sant dune personne est essentiellement inuence par des facteurs externes lcole : caractristiques individuelles, famille, enracinement socioculturel, mdias ou pairs. Le milieu scolaire nest pas un lieu de faonnage ou de conditionnement des individus ; elle contribue accompagner leur dveloppement. Son inuence peut tre quantie. Les diffrentes tudes disponibles convergent pour situer entre 8 et 5 % la part de la variance des scores des lves explique par les diffrences entre coles [8]. Dans le domaine plus spcique de la promotion de la sant, on retrouve des donnes comparables. Le climat au sein de ltablissement scolaire est reconnu comme tant lun des dterminants tant de la russite scolaire que de la sant des lves [9]. Une tude ralise sur le score de bien-tre dlves de cycle 3 (CE2-CM-CM2) montre que les variables lies linstitution ninuent que pour 8 % dans la variabilit du score [gure 2]. Cest donc sa mesure que lcole contribue lducation la sant des lves. Elle ne constitue en rien une baguette magique quil sufrait dactiver efcacement pour changer massivement les comportements individuels, la complexit de lhumain tant irrductible des mcanismes de conditionnement. Cest plutt lune des expriences qui apporte une contribution originale au dveloppement de la personne. Cette exprience est appele sarticuler avec celles des autres lieux dducation quil sagisse de la famille, des pairs, de la vie spirituelle, culturelle ou sportive

3. Il convient aussi de rappeler que cette observation est cohrente avec les donnes relatives la sant des enfants et des adolescents franais. Si, comme le soulignait avec justesse la dfenseure des enfants, Mme Dominique Versini dans son rapport 2007 (en ligne : http://www.defenseurdesenfants.fr/pdf/RappAct2007.pdf [dernire consultation le 07/01/2010]), une frange des adolescents franais est en grande difcult, il convient aussi de ne pas oublier que limmense majorit dentre eux va bien. Les adolescents franais cotent 7,5 sur 10 leur perception globale de la vie (Godeau E., Grandjean H., Navarro F., dir. La sant des lves de 11 15 ans en France, 2002. Donnes franaises de lenqute internationale HBSC. Paris : Inpes, coll. Baromtres sant, 2005 : 284 p.).

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FIGURE 2 Segmentation de la variance du score climat dcole entre les diffrents niveaux lve 92 %

Classe cole 1% 7%Cette gure reprsente le rsultat de lanalyse multiniveaux ralise sur le score de bien-tre lcole (11 variables) calcul partir des rponses de 960 lves de cycle 3 de lcole primaire dans le cadre de ltude Apprendre mieux vivre ensemble lcole . La variance totale est segmente en trois parties. Une pour chaque niveau dagrgats. La variance entre les lves reprsente 92 % de la variance totale. Seuls 8 % de la variance sont lis aux variables scolaires.

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DS LORIGINE, DEUX LECTURES DU RLE DE LCOLELa question centrale nest donc pas de savoir si lcole promeut la sant des lves ou non. Elle le fait, sa mesure, ici et maintenant tant via les enseignements dispenss que le vivre ensemble lchelle de ltablissement. Ce qui est en jeu, cest la faon dont elle peut y contribuer le plus efcacement, compte tenu des ralits sanitaires et sociales du moment. Cest l que surgit la tension entre centration sur lenseignement de (les disciplines) et prise en compte des ducations (la sant par exemple). Cest--dire entre des formes scolaires diffrentes, la premire fonde sur la classe telle que Durkheim a pu la proposer comme modle dorganisation des activits scolaires, avec une stratication des activits autour des matires scolaires et des classes dge, la seconde appelant des dispositifs plus diversis dans une perspective douverture1. Se poser la question de savoir pourquoi et comment former lducation la sant conduit immanquablement rchir au mandat con lcole. Cette

1. Louverture de lcole nest pas une question nouvelle puisquon en trouve mention dans la premire dition du dictionnaire pdagogique de Ferdinand Buisson en 1887 par le biais des muses, jardins et caravanes scolaires. On la retrouve ensuite dans le dveloppement des pdagogies dites nouvelles de Freinet, Decroly, etc. Pour autant, cette ouverture reste problmatique car elle va lencontre de la structuration historique de lcole rpublicaine fonde sur la classe telle que Durkheim a pu la proposer comme modle dorganisation des activits scolaires, avec une stratication des activits autour des matires scolaires, des classes dge, etc. Les formes scolaires restent passablement entaches de ces logiques et centres sur la transmission de connaissances cense mettre de lordre dans les esprits, transmission quil faut, de plus, protger des dsordres socitaux. Mrini C. Journes de lABDBP. Amiens, 2005.

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question est ancienne ; elle est coconstitutive de lcole rpublicaine. Ds le XVIIIe sicle dj, deux visions sopposaient : celle dune cole fonde sur la sparation entre ducation (qui relve de la responsabilit de la famille) et instruction (sous lautorit de la puissance publique) : Linstruction civique se borne rgler linstruction, en laissant aux familles le reste de lducation. La puissance publique ne peut mme, sur aucun objet, avoir le droit de faire enseigner des opinions comme des vrits ; [] son devoir est darmer contre lerreur [] mais elle na pas le droit de dcider o rside la vrit. (Condorcet, 79) ; celle dune approche que lon qualierait aujourdhui de plus globale, confrant lducation nationale un rle ducatif fort : une ducation vraiment et universellement nationale , visant former des hommes, propager les connaissances humaines et contestant la distinction entre instruction et ducation (Robespierre, 793)2. Dans notre pays, le contexte qui a vu lmergence de lcole rpublicaine tait tel que cest sur ce qui est reconnu comme commun tous (et donc universel) quelle a t fonde. Tout ce qui relevait de choix, dopinions, concernait seulement la sphre familiale.

la famille lducation, lcole linstruction.

Permettre lcole dtre reconnue et accepte par tous les citoyens tait ce prix. Le courant des pdagogies actives ou nouvelles a port cette proccupation des ducations dans une perspective ducative plus large, mais il la fait en priphrie de lcole. Aujourdhui encore, les diffrents dispositifs douverture qui offrent des entres non disciplinaires restent marginaux. Le contexte actuel interpelle fortement ce choix fondamental : changements sociaux majeurs tant en ce qui concerne les structures familiales que la place de lenfant dans et hors de lcole, et les attentes vis--vis de linstitution scolaire. Dans une priode o lon doute de la capacit des familles et des corps intermdiaires (associations, partis, glises) transmettre une culture leurs enfants, on se retourne vers ltat et lcole comme planche de salut. On dplace ainsi le curseur. Concrtement, si jusqu une priode rcente le rle de lcole tait de donner des informations relatives lanatomie, la physiologie de la reproduction, aux divers moyens de contraception tandis que les familles avaient en charge lducation sexuelle, lcole, aujourdhui, doit donner aux enfants et aux adolescents les comptences personnelles et sociales leur permettant de prendre en charge de faon autonome leur propre

2. Il est noter que la question de la sant est dj prsente dans le discours de Robespierre puisquil sagit de promouvoir un genre de vie continue, une nourriture saine et convenable lenfance, des travaux graduels et modrs, des preuves successives mais continuellement rptes, voil les seuls moyens de crer les habitudes ; voil les moyens efcaces de donner au corps tout le dveloppement et toutes les facults dont il est susceptible .

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sexualit dans toutes ses dimensions (biologiques, affectives, psychologiques, juridiques, sociales et thiques).

Cest l que rside le vrai changement de paradigme. Il ne sagit pas dun passage dune vision biomdicale informative une vision globale de la sant, mais bien dun dplacement du rle de lcole. Ce qui est valable dans le domaine de la sant lest bien videmment dans de nombreux autres domaines de la vie sociale et civique. Lducation lenvironnement, au dveloppement durable, la sant, la consommation, la scurit mergent du fait dune forte demande sociale. Cette volution nest pas sans risque puisque transfrer lcole, cest--dire ltat, une responsabilit ducative encore plus grande accrot la conformation sociale et diminue le champ de la libert dducation des familles. Il ne suft donc pas dobtenir la conversion denseignants, focaliss sur un enseignement disciplinaire dpass et rtif tout engagement, des dmarches de promotion de la sant. Il est question ici de mutation fondamentale de la place sociale de lcole et donc du sens de lactivit professionnelle de ses acteurs .

En dautres termes, la question du rle de lcole dpasse largement le seul champ de lducation la sant, mais celui-ci tient une place originale. Le renforcement de lengagement de lcole ne peut qutre concomitant celui des familles. Cest de larticulation de lducation scolaire et de lducation familiale que peuvent merger des pratiques plus favorables au dveloppement harmonieux des enfants et non de la substitution de lun par lautre. Il ne saurait y avoir de progrs dans lducation la sant des enfants sans engagement fort en matire de soutien la parentalit. Cest la responsabilit de tous les acteurs sociaux et dabord des collectivits territoriales.

UNE APPROCHE DE LDUCATION LA SANT ADAPTE AUX SPCIFICITS DU SYSTME DUCATIF FRANAISCes quelques lments permettent aussi de mettre distance les comparaisons internationales un peu rapides qui feraient tat dun retard de notre pays. Il convient de rappeler que les paradigmes qui fondent les systmes ducatifs diffrent dun pays lautre. Ne pas mettre en uvre une approche de promotion de la sant lcole la faon dont le font certains systmes ducatifs anglosaxons ne signie pas que rien nexiste dans ce domaine. Le systme ducatif franais est fortement orient vers lducation la citoyennet ; il est centr sur la transmission des connaissances reconnues comme communes tous, tandis que dautres systmes ducatifs mettent en avant plus fortement le dveloppement de comptences individuelles. En Australie, par exemple, cest la capacit danalyse et de rsolution de problme, la capacit communiquer, planier et organiser des activits et de collaborer avec dautres, la conance en soi, loptimisme, une haute estime de soi qui

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sont mis en avant [1]. Il nest donc pas tonnant que ce pays soit lun de ceux au sein desquels lapproche des coles promotrices de sant [2] ait t la plus largement dveloppe. En effet, cette dernire est fortement base sur le dveloppement des comptences sociales des enfants. Outre le fait que les autres systmes ducatifs ne soient pas pargns par les tensions, il convient de les situer dans une culture et une histoire propre. Il ne sagit pas de mythier tel ou tel systme ducatif et de tenter de le copier. Les comparaisons internationales peuvent permettre dacqurir du recul vis--vis de nos propres fonctionnements tablis. Et ce, dautant plus quil nexiste pas de bon systme. Cest ce que montre le programme international pour le suivi des acquis des lves (Pisa [3]) qui vise valuer dans quelle mesure les lves approchant de la n de leur scolarit obligatoire ont acquis les savoirs et savoir-faire essentiels pour relever les ds de lavenir . Mme sil convient de porter un regard critique sur ce type de comparaison internationale et si lanalyse des rsultats bruts de cette enqute ne relve pas de ce texte, quelques lments peuvent contribuer clairer notre propos. La premire donne intressante concerne le fait que cest la Finlande qui obtient les meilleurs scores, notamment en ce qui concerne les acquisitions dans les domaines de lcri