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___________________________________________________________________________________________________ 9 ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech 547 Effet de la vitesse de déformation et de la température sur les aptitudes de formage des tôles. Mohamed Achouri (1) & Mahfoudh Ayadi (1) 1 Unité de recherche en mécanique des solides, des structures et développement technologique, école supérieure des sciences et techniques de Tunis, Tunisie. I. Introduction L’innovation dans l’industrie automobile suit des axes prioritaires qui sont la diminution de l’utilisation des matières premières, la réduction de la consommation de carburant donc des émissions de CO 2 . Cela signifie que les matériaux à utiliser pour la fabrication des pièces automobiles doivent être moins épais pour une résistance au moins équivalente. Les tôles d’acier qui ont une haute résistance sont un exemple de matériaux de plus en plus utilisés dans l’habitacle pour diminuer le poids et augmenter la sécurité des occupants. Cependant, la haute limite élastique de ces tôles rend leur formage à froid assez difficile dans la mesure où, en plus du besoin de concevoir des presses mettant en jeu des efforts plus importants, il est nécessaire d’éviter des effets comme le retour élastique (springback), l’abrasion et la fissuration [1] [2]. Le procédé d’hydroformage à chaud présente l’intérêt de simplifier le processus industriel. Il a aussi pour effet d’améliorer la géométrie finale de la pièce par rapport à l’hydroformage à froid car le retour élastique (springback) et les distorsions sont minimisées en améliorant la formabilité du matériau [3]. La sensibilité à la vitesse de déformation, phénomène plus particulièrement marqué pour les procédés de mise en forme à chaud, est néanmoins présente pour des procédés de mise en forme à froid. La sensibilité à la vitesse est connue pour jouer un rôle majeur dans la stabilité des écoulements plastiques et dans la formation de la striction. Ce travail traite principalement l’influence de la vitesse de déformation et de la température sur l’hydroformage des tôles en acier E24-2, en essayant de trouver une corrélation entre ces deux paramètres, et en se basant dans notre étude sur deux essais de caractérisation du matériau : la traction uniaxiale et le gonflement hydraulique. II. Procédure expérimental 1) Matériau étudié Le matériau utilisé dans les essais est l’acier de construction E24–2, dont la composition chimique est indiquée dans le tableau 1. Tableau 1 : Composition chimique pour une tôle d’acier E24-2 d’épaisseur 0,6 mm [4]. C (% max) Mn (% max) Si (% max) P (% max) S (% max) N (% max) 0,21 1,5 - 0,055 0,055 0,011 2) Essai de traction uniaxiale Les éprouvettes de traction utilisées sont découpées par laser. Leurs dimensions sont mentionnées sur la figure 1. Les essais sont menés à température ambiante. Afin de caractériser l’anisotropie de la tôle, trois séries d’éprouvettes ont été prélevées de la tôle : 0°,45° et 90° par rapport à la direction de laminage. En dehors des données que peut fournir la machine d’essai, nous avons tenté de filmer, au cours des différents essais, l’évolution des espacements entre des marques disposées à des distances régulières sur la partie utile de l’éprouvette de traction qui permet par la suite de remonter à calculer la déformation. La prise d’images a été assurée au moyen d’une mini caméra reliée à un second PC. La figure 2 illustre le mode d’amarrage des éprouvettes et la prise de vue avec caméra raccordée au PC. 3) Essai de gonflement hydraulique L’essai de gonflement consiste à déformer plastiquement une tôle mince, retenu entre la matrice et le serre-flan, sous l’effet d’un fluide sous pression (P) comme là montre la figure 3.a. Cet essai sert à caractériser des matériaux utilisés en mise en forme et soumis à des sollicitations bi axiales. L’éprouvette de l’essai de gonflement est de la forme circulaire d’épaisseur 0,6 mm et de rayon 165 mm, dont la partie active est de rayon 110 mm. Outre la mesure de la pression et des déplacements, un système d’acquisition de vidéo (figure 3.b) est exploité pour enregistrer le déplacement des motifs carrés (5x5mm) sur l’éprouvette de gonflementhydraulique qui permet par la suite de remonter à calculer la déformation. (a) (b) Figure 3: Principe et paramétrage de l’essai de gonflement hydraulique (a) avec le système d’aquisition d’image (b). III. Support théorique 1) Paramètres matériaux Figure 2 : Dispositif d’acquisition de la vidéo associé au système d’essai de traction. Figure 1: Eprouvette de traction. l=50 mm, w=12,5 mm et t=0,6 mm

Effet de la vitesse de déformation et de la température

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Page 1: Effet de la vitesse de déformation et de la température

___________________________________________________________________________________________________9ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech 547

Effet de la vitesse de déformation et de la température sur les aptitudes de formage des tôles.

Mohamed Achouri(1) & Mahfoudh Ayadi(1)

1 Unité de recherche en mécanique des solides, des structures et développement technologique, école supérieure des sciences et techniques de Tunis, Tunisie.

I. Introduction

L’innovation dans l’industrie automobile suit des axes prioritaires qui sont la diminution de l’utilisation des matières premières, la réduction de la consommation de carburant donc des émissions de CO2. Cela signifie que les matériaux à utiliser pour la fabrication des pièces automobiles doivent être moins épais pour une résistance au moins équivalente. Les tôles d’acier qui ont une haute résistance sont un exemple de matériaux de plus en plus utilisés dans l’habitacle pour diminuer le poids et augmenter la sécurité des occupants. Cependant, la haute limite élastique de ces tôles rend leur formage à froid assez difficile dans la mesure où, en plus du besoin de concevoir des presses mettant en jeu des efforts plus importants, il est nécessaire d’éviter des effets comme le retour élastique (springback), l’abrasion et la fissuration [1] [2]. Le procédé d’hydroformage à chaud présente l’intérêt de simplifier le processus industriel. Il a aussi pour effet d’améliorer la géométrie finale de la pièce par rapport à l’hydroformage à froid car le retour élastique (springback) et les distorsions sont minimisées en améliorant la formabilité du matériau [3]. La sensibilité à la vitesse de déformation, phénomène plus particulièrement marqué pour les procédés de mise en forme à chaud, est néanmoins présente pour des procédés de mise en forme à froid. La sensibilité à la vitesse est connue pour jouer un rôle majeur dans la stabilité des écoulements plastiques et dans la formation de la striction. Ce travail traite principalement l’influence de la vitesse de déformation et de la température sur l’hydroformage des tôles en acier E24-2, en essayant de trouver une corrélation entre ces deux paramètres, et en se basant dans notre étude sur deux essais de caractérisation du matériau : la traction uniaxiale et le gonflement hydraulique.

II. Procédure expérimental 1) Matériau étudié

Le matériau utilisé dans les essais est l’acier de construction E24–2, dont la composition chimique est indiquée dans le tableau 1.

Tableau 1 : Composition chimique pour une tôle d’acier E24-2 d’épaisseur 0,6 mm [4].

C (% max)

Mn (% max)

Si (% max)

P (% max)

S (% max)

N (% max)

0,21 1,5 - 0,055 0,055 0,011

2) Essai de traction uniaxiale

Les éprouvettes de traction utilisées sont découpées par laser. Leurs dimensions sont mentionnées sur la figure 1. Les essais sont menés à température ambiante. Afin de

caractériser l’anisotropie de la tôle, trois séries d’éprouvettes ont été prélevées de la tôle : 0°,45° et 90° par rapport à la direction de laminage. En dehors des données que peut fournir la machine d’essai, nous avons tenté de filmer, au cours des différents essais, l’évolution des espacements entre des marques disposées à des distances régulières sur la partie utile de l’éprouvette de traction qui permet par la suite de remonter à calculer la déformation. La prise d’images a été assurée au moyen d’une mini caméra reliée à un second PC. La figure 2 illustre le mode d’amarrage des éprouvettes et la prise de vue avec caméra raccordée au PC.

3) Essai de gonflement hydraulique

L’essai de gonflement consiste à déformer plastiquement une tôle mince, retenu entre la matrice et le serre-flan, sous l’effet d’un fluide sous pression (P) comme là montre la figure 3.a. Cet essai sert à caractériser des matériaux utilisés en mise en forme et soumis à des sollicitations bi axiales. L’éprouvette de l’essai de gonflement est de la forme circulaire d’épaisseur 0,6 mm et de rayon 165 mm, dont la partie active est de rayon 110 mm. Outre la mesure de la pression et des déplacements, un système d’acquisition de vidéo (figure 3.b) est exploité pour enregistrer le déplacement des motifs carrés (5x5mm) sur l’éprouvette de gonflementhydraulique qui permet par la suite de remonter à calculer la déformation.

(a) (b)

Figure 3: Principe et paramétrage de l’essai de gonflement hydraulique (a) avec le système d’aquisition d’image (b).

III. Support théorique 1) Paramètres matériaux

Figure 2 : Dispositif d’acquisition de la vidéo

associé au système d’essai de traction.

Figure 1: Eprouvette de traction.

l=50 mm, w=12,5 mm et t=0,6 mm

Page 2: Effet de la vitesse de déformation et de la température

___________________________________________________________________________________________________9ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech 548

Deux critères de plasticité ont été retenus dans notre étude, l’un isotrope (Von Mises) et l’autre anisotrope (Hill 48) dont leurs expréssions générales, dans le cas d’un état de contrainte plane, sont présentées dans le tableau 2.

Tableau 2 : Expréssions générales des criteres de plasticité utilisés dans notre travail.

Von Mises ( ) ( )21 2 2 2

611 22 11 22 122

σ σ σ σ σ σ= − + + +⎡ ⎤⎣ ⎦ (1)

Hill 48 ² ² ( )² 2 ²22 11 22 11 12F G H Nσ σ σ σ σ σ= + + − +

(2)

Où σ est la contrainte équivalente ; les ijσ représentent les composantes du tenseur de contraintes de Cauchy dans le repère d’orthotropie; F, G, H et N sont les paramètres de Hill 48 qui déterminent la forme de la surface de charge et le degré de son anisotropie.

La loi d’écrouissage que nous cherchons à identifier admet

pour expression: ( ) .0mn

Kσ ε ε ε= + & (3)

K, 0ε , n et m sont les coefficients de la loi proposés.

2) Modélisation analytique de l’essai de gonflement hydraulique

L’interprétation classique de l’essai de gonflement hydraulique avec une matrice circulaire consiste à supposer que la déformée est une calotte sphérique (ρ1=ρ2=ρ), les contraintes sont planes (σ3=0) et équibiaxiales (σ1=σ 2). Sous l’ensemble de ces hypothèses on peut démontrer les relations présentées dans le tableau 3:

Tableau 3 : Relations liées à la déformé sphérique. Équation d’équilibre

1 22

P

e

ρσ σ= =

(4)

Rayon de courbure 2 2

2

a h

+=

(5)

Déformation moyenne de la déformé

2

21mhL na

ε⎛ ⎞

= +⎜ ⎟⎝ ⎠ (6)

Sous les mêmes hypotheses précedentes on peut démontrer les relations en termes de contrainte équivalente et incrément de déformation plastique équivalente de deux criteres de plasticité présentées dans le tableau 4.

Tableau 4 : Expréssions de la contrainte équivalente et de l’incrément de déformation plastique équivalente.

Von Mises Hill 48 Contrainte équivalente

2

P

e

ρσ =

(7)

2

PF G

e

ρσ = +

(8)

Incrément de

déformation plastique

équivalente

(9)

2 21 2

2

d dF Gd

G H

ε εε

+= +

⎛ ⎞ ⎛ ⎞⎜ ⎟ ⎜ ⎟⎝ ⎠ ⎝ ⎠

(10)

IV. Résultats et discussion 1) Essais de traction

La série d’essais de traction a été conduite à température ambiante (≈25˚C). Quatre vitesses moyennes de déformation ont été retenues pour ces essais. Par ailleurs, nous avons pu remarquer que pour le même niveau de déformation, la contrainte d’écoulement croit avec la vitesse de déformation, la figure 4 montre cette dépendance entre contrainte et vitesse. La déformation maximale à la rupture εmax diminue avec la vitesse de déformation.

Figure 4 : Courbes rationnelles pour différentes vitesses de déformation dans la direction de laminage.

2) Essais de gonflement hydraulique à

température ambiante

L’étude de l’effet de la vitesse de déformation sous chargement bi axial, a été réalisée pour trois niveaux de vitesse fixés respectivement à: 5.10-4 , 10-3 et 2,5.10-3 s-1. La figure 5 présente les courbes pression-hauteur au pôle, relatives à cette série d’essais. Nous constatons que la hauteur maximale au pôle diminue et la pression d’éclatement augmente lorsque la vitesse de déformation croît.

Figure 5: Effet de la vitesse de déformation sur la courbe

pression - hauteur au pôle.

Nous avons exploité les images vidéo pour remonter aux déformations et construire les courbes d’écrouissage en utilisant les relations (8) et (10). La figure 6 montre que la variation de la vitesse de déformation n’influe pas de manière significative sur la contrainte d’écoulement. Cependant nous avons pu constater que cette vitesse engendre une modification observable de la déformation maximale avant éclatement. Ceci traduit une perte des aptitudes de formage qui accompagne toute augmentation de la vitesse de mise en forme.

( )4 2 21 2 1 2

3d d d d dε ε ε ε ε= + +

Page 3: Effet de la vitesse de déformation et de la température

___________________________________________________________________________________________________9ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech 549

Figure 6: Courbes d’écrouissage pour différentes vitesses

de déformation obtenues par l’essai de gonflement à température ambiante.

3) Comparaison entre les deux criteres de

plasticité

La figure 7 présente une étude comparative entre les deux critères de plasticité. Il semble que pour une vitesse de déformation égale à 5.10-4 le rapport des contraintes fictives Von Mises /Hill 48, est indépendant du niveau de la déformation plastique cumulée. Ce rapport varie de 0,80 à 0,82 avec une moyenne de l’ordre de 0,81.

Figure 7: courbes d’écrouissage en gonflement hydraulique

pour les deux critères de plasticité.

4) Essais de gonflement hydraulique chaud

Ces essais ont été effectués à vitesse de déformation constante de l’ordre de 5.10-4/s. La figure 8 montre que pour la même pression hydraulique une augmentation de la température provoque une montée de la hauteur au pôle, ceci engendre une évolution de la hauteur maximale conjointe avec une chute de la pression d’éclatement. Pour construire les courbes d’écrouissage à chaud nous avons supposé dans un premier lieu que le matériau est isotrope ceci nous a permis de construire ces courbes moyennant le critère de Mises. Les résultats relatifs sont présentés par la figure 9. Ces résultats montrent que l’augmentation de la température tend à faire diminuer la contrainte d’écoulement, diminuer la pente des courbes d’écrouissage et à augmenter la déformation maximale enregistrée avant éclatement.

Figure 8: Effet de la température sur la courbe pression -

hauteur au pôle.

Figure 9: Effet de la température sur la courbe

d’écrouissage de Mises.

V. Conclusion

L’exploitation des essais de traction orientée et de gonflement hydraulique, et à l’aide de mesure de déformation a partir des images vidéo, nous a permis de conclure qu’une baisse de vitesse de déformation engendre une amélioration des aptitudes de formage du matériau E24-2. Une augmentation de la température engendre aussi une amélioration de ces aptitudes. Si on désire travailler à charge constante, il est possible d’établir une corrélation entre variation de vitesse et variation de température, cette corrélation peut être exploitée pour la mise en forme à chaud où en cherche à relier la cadence de production à la température de mise en forme. Références : [1] L. Carreras Vendrell, L. Carreras Gil, F. Montalà, P. Nisio, S. Bentivegna: Revêtement CVD pour l’emboutissage d’aciers à haute résistance.

[2] M. Suehiro, J. Maki, K. Kusumi, M. Ohgami, and T. Miyakoshi: Properties of aluminium coated steels for hot forming, NIPPON STEEL TECHNICAL REPORT No. 88 JULY 2003. [3] Lang, L.H.; Wang, Z. R.; Kang, D. C (2004), Hydroforming highlights: sheet hydroforming and tube hydroforming, Journal of Materials Processing Technology 151 (2004), pp. 165-177. [4] FELTHAM P. J. Inst. Met. 89 (1960) p. 210.