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- Un Peuple - Un But – Une Foi MINISTERE DE L’ECONOMIE DU PLAN ET DE LA COOPERATION DIRECTION GENERALE DE LA PLANIFICATION ET DES POLITIQUES ECONOMIQUES DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES Document d’Etude N°41 Effets Redistributifs de la Politique Fiscale au Sénégal DGPPE/DPEE/DEPE @ Décembre 2019

Effets Redistributifs de la Politique Fiscale au Sénégal · Elles sont issues, sur la période 2014-2017, de l¶impôt sur les biens et services (53,4%) ; l¶impôt sur le revenu,

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Un Peuple - Un But – Une Foi

MINISTERE DE L’ECONOMIE

DU PLAN ET DE LA COOPERATION

DIRECTION GENERALE DE LA PLANIFICATION ET

DES POLITIQUES ECONOMIQUES

DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES

Document d’Etude N°41

Effets Redistributifs de la Politique

Fiscale au Sénégal

DGPPE/DPEE/DEPE @ Décembre 2019

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Effets Redistributifs de la Politique Fiscale

au Sénégal

Par Arona BA, Fodé DIEME, Diabel DIOP et Racky WANE

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Décembre 2019

Résumé

Cette étude vise à évaluer l’impact de la politique fiscale sur le niveau de vie des ménages,

notamment sur la pauvreté. A l’aide d’un modèle d’équilibre général calculable dynamique

intertemporel et d’un module de microsimulation basé sur la dernière enquête de pauvreté

(ESPS 2011) réalisée par l’ANSD, plusieurs scénarii d’évolution des principales lignes de

recettes (TVA, IS, IR) ont été simulés. Les résultats ont globalement montré un repli substantiel

de la pauvreté, suite à des relèvements du taux d’impôt sur les sociétés et sur la consommation

des biens les plus utilisés par les ménages riches, destinés à des transferts du gouvernement vers

les plus pauvres. L’étude montre également une baisse notable de la pauvreté suite à une

réduction du taux de taxe sur le revenu avec un ajustement sur les transferts de l’Etat vers les

ménages les plus riches et un maintien de ceux reçus par les plus pauvres.

Mots clés : politique fiscale, effets redistributifs, MEGC, microsimulation

Classification JEL : C68, D10, E62, H30

Abstract

This paper aims to evaluate the impact of tax policy on the standard of living of households,

especially poverty. A computable general equilibrium model with a microsimulation module is

used to measure the impact of evolution of VAT, corporate tax and income tax on poverty. The

results show that an increase in the corporate tax rate and the consumption tax on goods

consumed by wealthy households helps reduce poverty if these additional revenues are

transferred to the poorest households. The study also shows a significant decline of poverty

following a lowering of the wage tax rate with an adjustment on transfers from the state to the

richest households and keeping of those received by the poorest unchanged.

Keys words: tax policy, redistributive effects, CGE, microsimulation modelling

JEL classification : C68, D10, E62, H30

1 Direction de la Prévision et des Etudes Economiques de la Direction Générale de la Planification et des Politiques Economiques du Ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération de la République du Sénégal. Contacts : [email protected], [email protected], [email protected] , [email protected]

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I. INTRODUCTION

La redistribution des revenus fait partie des objectifs de l’Etat, particulièrement dans les pays

en développement. Ces pays sont caractérisés par des taux de pauvreté élevés et également par

de fortes inégalités entre les différentes couches de la population. Selon la Banque Mondiale,

le taux d’extrême pauvreté2 était de 10,7% en 2013 dans le monde, alors qu’il grimpait jusqu’à

41% en Afrique subsaharienne. Pourtant, cette forte inégalité sociale peut être réduite par les

pouvoirs publics en recourant à divers instruments dont le levier de la politique fiscale.

Selon Musgrave (1959), la politique fiscale représente l’ensemble des mesures

gouvernementales en matière de taxation, de dépenses publiques et transferts, conçues pour

orienter la demande globale dans la direction désirée. Une des fonctions principales de la

politique fiscale est de déterminer la manière dont les impôts sont prélevés pour financer les

dépenses de l’Etat. En plus de cet objectif, la politique fiscale devrait permettre à l’Etat de jouer

un rôle majeur dans l’économie, en assurant notamment la régulation, l’allocation et la

redistribution des revenus (Musgrave, 1959).

Le principal défi de la politique fiscale dans les pays en développement est de mettre en place

un système fiscal efficace et équitable. Un tel dispositif fiscal doit permettre d’obtenir des

recettes essentielles au financement des dépenses publiques, sans décourager l’activité

économique.

Toutefois, les impacts de la politique fiscale dans les pays en développement, comme le

Sénégal, demeurent limités par plusieurs contraintes en rang desquelles il y a le secteur informel

et les goulots d’étranglement de l’administration fiscale. Le secteur informel est faiblement taxé

ou échappe à l’imposition alors qu’elle a une taille importante dans l’économie. Il représente

41% du PIB (rapport comptes nationaux, ANSD de 2014 à 2016) et 97,0% des unités

économiques sont informelles (RGE, 2015). L’administration fiscale éprouve des difficultés de

se doter d’un système efficace. Le recouvrement de l’impôt de certaines activités complexes -

surtout les mines et extractives, les transactions financières internationales- pose de réelles

difficultés.

Cependant, la politique fiscale du Sénégal a connu plusieurs réformes visant à améliorer

l’augmentation des recettes. En 1979, la TVA est instituée et sa couverture est étendue dès 1986

avant que son taux ne soit revu à la baisse en 1992. D’autres réformes ont également suivi,

2 Pourcentage de personnes vivant avec moins 1,90 dollars par jours

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notamment au lendemain de la dévaluation du franc CFA. La dernière réforme est celle de 2012

qui a abouti à un nouveau code général des impôts. Il visait principalement à rendre plus lisible

la législation fiscale. Il a révisé à la hausse le taux de l’impôt sur les sociétés et a baissé l’impôt

sur le revenu.

Parallèlement aux différentes réformes, les recettes fiscales ont évolué de manières positives

ces dernières années. Elles sont passées de 537 milliards en 2000 (12,7% PIB) à 1845 milliards

en 2017 (soit 15% du PIB). Elles sont issues, sur la période 2014-2017, de l’impôt sur les biens

et services (53,4%) ; l’impôt sur le revenu, les bénéfices et les gains en capital (28,1%), et de

l’impôt sur le commerce extérieur (14,1%).

En matière de réduction de la pauvreté et des inégalités, des politiques ont été entreprises. Le

Plan Sénégal Emergent (PSE) intègre le levier de la redistribution du revenu pour juguler les

inégalités de revenu. La réduction de la pauvreté et des inégalités figure parmi les objectifs de

l’axe 2 du PSE. C’est dans ce cadre que s’insère le dispositif du système fiscal préférentiel où

des mesures incitatives ont été mises en œuvre dans le but de mieux protéger les personnes à

faible revenu. C’est également l’objectif visé à travers la baisse de l’impôt sur le revenu (IR)

intervenue en fin 2012 et qui visait particulièrement à améliorer le pouvoir d’achat des ménages.

Aussi, la hausse appliquée sur le taux de l’impôt sur les sociétés avait pour but d’atténuer les

pertes de recettes dues à la baisse de l’IR et indirectement de réduire les inégalités de revenus.

Cette étude n’a pas la prétention de formuler une nouvelle législation fiscale. Elle répond à la

question ‘’ quelle serait les effets redistributifs d’une réforme fiscale similaire à celle de 2012’’.

Elle part d’un scénario de base de 2015 (MCS 2015) pour tenter de comprendre et mesurer

l’impact d’une réforme fiscale, comme celle de 2012, sur la pauvreté et les inégalités sociales.

Vraisemblablement, une telle mesure n’indique pas forcément l’ampleur des effets de la

réforme de 2012 puisque la situation de base considérée est postérieure à 2012. En outre,

l’option de partir d’une MCS de 2015 est liée à l’absence de données d’enquêtes sur les

ménages, portant sur la fiscalité avant et après la réforme de 2012, qui permettraient de mesurer

de manière exacte l’impact de la réforme.

La suite du document est articulée comme suit. La deuxième section aborde la revue de la

littérature. La section suivante présente les faits stylisés. Elle est suivie de la section 4 qui

expose la méthodologie de l’étude, basée sur un modèle d’équilibre général calculable en

dynamique inter temporelle (MEGC) avec un module de micro simulation. Les résultats ainsi

que leur interprétation sont présentés dans la section 5. La dernière section est consacrée à la

conclusion.

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II. REVUE DE LITTERATURE

Les effets redistributifs de la politique fiscale peuvent être analysés sous plusieurs angles selon

l’objectif visé. Il existe à ce titre une très riche littérature sur le lien entre la politique fiscale et

la redistribution des revenus. Beaucoup d’études empiriques ont été menées sur le sujet à

partir d’approches différentes notamment, des analyses de l’incidence fiscale, des régressions

linéaires simples, des régressions sur données de panel et des modèles d’équilibre général.

Certains auteurs, comme Gupta et al. (2014) ont cherché à étudier la relation existant entre la

politique fiscale et les inégalités de revenus pour plusieurs pays, à travers une analyse

de l’incidence fiscale. Cette analyse consiste à comparer le revenu initial (ou revenu brut avant

impôts et transferts) au revenu final (ou revenu disponible, après impôts et transferts nets).

D’après leur recherche, l’atteinte des objectifs de redistribution équitable des revenus passe

nécessairement par une bonne élaboration des politiques fiscales, et de dépenses publiques.

Selon ces auteurs, les politiques redistributives les plus adaptées en termes d’impact sur les

incitations à travailler et à épargner dans les économies en développement sont : la

consolidation des programmes d'assistance sociale et l’amélioration du ciblage; l’introduction

et l’extension des programmes de transferts monétaires conditionnels à mesure que la capacité

administrative s'améliore; l'expansion des pensions sociales non contributives soumises à

des critères de revenus; l’amélioration de l'accès des familles à faible revenu aux services

d'éducation et de santé; et l'élargissement de la couverture de l'impôt sur le revenu des personnes

physiques (IRPP).

D’autres contributions telles que celles d’Essama-Nssah (2008), Enami et al. (2016) et Lustig

(2017), ont également étudié l’impact de la politique fiscale sur le niveau de vie des ménages à

travers une analyse de l’incidence fiscale. Lustig (2017) a mené une analyse comparative de

l’incidence fiscale pour 28 pays à revenus faibles et intermédiaires. L’auteur montre que

pour des pays comme l’Ethiopie, la Tanzanie, le Ghana, le Nicaragua et la Guatemala, le taux

de pauvreté extrême est plus élevé après application des impôts et transferts (hors transferts en

nature). En outre, pour tous les pays, une proportion des pauvres sont des contributeurs nets

au système fiscal à des degrés différents, ce qui les appauvrit davantage. Les taxes sur la

consommation sont les principales responsables de l'appauvrissement induit par la fiscalité.

Le papier d’Essama-Nssah (2008) abonde dans le même sens et montre que pour le cas du Chili

le fardeau fiscal est supporté de manière disproportionnée par les pauvres. En effet, le deuxième

décile le moins riche est le groupe qui paie le plus fort pourcentage de son revenu en impôts,

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16% par rapport aux 12% payés par le groupe le plus riche. Cette étude a également fait une

revue analytique des concepts de base, en termes de méthodologies et d’outils couramment

utilisés dans les études sur l’effet redistributif des finances publiques. Cette revue a fait

ressortir que les taxes sur le revenu ou la richesse sont les plus efficaces en termes d’effet sur

la redistribution. Des facteurs institutionnels, tels que la prédominance du secteur informel,

peuvent limiter l’efficacité de l’impôt sur le revenu dans les pays en développement, qui ont

tendance à beaucoup plus s’appuyer sur les taxes indirectes. Celles-ci étant le plus souvent

régressives, leur impact négatif sur les inégalités peut être atténué à travers des exonérations

ciblées. Le caractère régressif des impôts indirects peut être perçu du fait que les pauvres

dépensent généralement une plus grande proportion de leurs revenus comparés aux non

pauvres.

Contrairement aux résultats des études de Lustig (2017) et Essama-Nssah (2008), Enami et al.

(2016) montre que le système fiscal iranien permet de réduire le taux de pauvreté de 10,5 points

de pourcentage, et l’inégalité au sens de Gini de 0,085 point. Les transferts agissent plus

efficacement sur la réduction des inégalités relativement aux taxes. Toutefois, celles-ci sont

particulièrement efficaces pour augmenter les recettes sans entrainer une hausse de la pauvreté.

Ces résultats positifs sont principalement expliqués par la mise en place du programme iranien

de subvention ciblée qui alloue de manière mensuelle à chaque citoyen une somme déterminée.

Les simulations de l’étude ont montré que l’effet positif du programme sur la réduction de la

pauvreté peut être renforcé si les ressources étaient davantage attribuées aux déciles inférieurs.

L’effet redistributif de la politique fiscale a également été analysé en utilisant des

modèles économétriques dans des contributions de Claus (2012), Balseven (2017), Samanta

(2009) et Davtyan (2014).

Claus et al. (2012), à travers une régression linéaire sur données de panel , ont évalué

l'impact des politiques fiscales sur l'inégalité des revenus en Asie. L'estimation sur un panel

de 150 pays avec des données couvrant la période entre 1970-2009 confirme les résultats

empiriques internationaux dans le cas de l'Asie. Les taxes sont généralement progressives, mais

les dépenses publiques constituent un outil plus efficace de redistribution des revenus. De plus,

les résultats suggèrent un effet distributif assez spécifique des dépenses publiques de protection

sociale en Asie. Les dépenses de protection sociale semblent accentuer les inégalités de revenus,

alors qu'elles les réduisent dans le reste du monde. En outre, les dépenses publiques de

logement affectent négativement la répartition des revenus en Asie.

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Brunetti et calza (2015) ont également étudié l’impact des réformes fiscales sur le niveau des

dépenses des ménages. En utilisant un modèle de régression linéaire avec microsimulation pour

le cas de l’Italie, les auteurs montrent que les réformes fiscales sur les impôts indirects

n'affectent pas directement les revenus des ménages, mais plutôt les dépenses de

consommation et, par conséquent, peuvent produire des effets sur le niveau général de

bien-être économique du ménage.

Forgeot et Starzec (2008) ont effectué une étude sur la redistribution des impôts indirects en

France, en se basant sur une base de données construite à partir de l’Enquête Budget de famille

2001 de l’Insee. Ces auteurs ont également utilisé un modèle de régression linéaire. Il ressort

des résultats de leur étude que l’impact de la redistribution des impôts indirects varie

sensiblement selon les caractéristiques des ménages, notamment leur revenu. Par ailleurs, une

simulation des effets des réformes successives de la TVA depuis 1976 a été appliquée à la

structure des ménages donnée par l’enquête Budget 2001. Elle met en exergue une diminution

du taux de prélèvement de 1,5 point sur l’ensemble des ménages, mais sans effet sur les

disparités de taux d’effort entre les ménages aisés et modestes.

Par ailleurs, Samanta et al. (2009) avaient mis en évidence dans leur recherche, le lien négatif

existant entre les inégalités de revenu et le multiplicateur de la politique fiscale dans un panel

de pays en voie de développement. En outre, il est ressorti de l’étude que les besoins en

dépenses publiques augmentent avec le niveau d’inégalité de revenus. Autrement dit,

l’efficacité et la rationalisation des dépenses publiques s’améliorent lorsque le niveau

d’inégalité diminue.

Davtyan (2014), en utilisant un modèle VAR, était tombé sur des résultats similaires pour le

cas des Etats-Unis, du Canada et de l’Angleterre. En effet, la hausse des inégalités de revenus

nuit à la performance budgétaire de ces pays. Globalement, une hausse des taxes aggrave le

niveau des inégalités, du fait que l’effet négatif des taxes indirectes l’emporte sur l’effet positif

que peut avoir la taxation directe sur la redistribution des revenus.

Dans le même sillage, Balseven et al. (2017) ont utilisé un modèle de régression sur données

de panels pour étudier le pouvoir explicatif des taxes et des transferts sur les inégalités de

revenus dans 17 pays en développement et 30 autres développés. Il ressort que les impôts

sur le revenu permettent de baisser les inégalités dans les pays en développement, alors

que dans ceux avancés, les avantages sociaux sont plus efficaces. Par ailleurs, les résultats

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montrent que la croissance économique a un impact négatif sur les inégalités de revenus

dans les pays en développement. Par contre, elle participe positivement, avec l’inflation, à la

redistribution des revenus dans les pays avancés.

Dans un autre registre, Bhatti et al. (2015) ont analysé le lien existant entre la politique fiscale

et la redistribution des revenus au Pakistan, à travers un Modèle d’Equilibre Général

Calculable statique. Les résultats des simulations ont montré que l’utilisation de la taxe sur

les ventes ou des transferts à eux seuls, peut affecter la distribution des revenus, mais elle

entraine une détérioration du déficit budgétaire. Toutefois, une combinaison d’instruments

fiscaux peut avoir un impact positif sur la redistribution, le PIB aux coûts des facteurs et le

solde budgétaire ; le PIB aux prix du marché, par contre, baisse légèrement. Il ressort de l’étude

que la politique fiscale la plus efficace pour réduire les inégalités de revenus est la combinaison

d’une baisse de 3,62% des dépenses publiques, d’une réduction de 7% des taxes sur les ventes

et d’une hausse 3,65% des taxes sur les revenus.

A l’aide d’un modèle d’équilibre général, Garcia et al. (2018) ont étudié l’impact de la réforme

fiscale introduite en 2017 sur la croissance, la richesse et la distribution des revenus en

Colombie. Trois scénarii ont été analysés : (1) un relèvement de la TVA de 16% à 19% ; (2) la

généralisation du prélèvement de la TVA à tous les produits, ceux de base y compris ; (3) une

baisse de l’IS de 39% à 31,2%, accompagnée par une hausse progressive (de 3% à 14%) de l’IR

à partir du cinquième décile des plus riches. L’application des deux premiers scénarii entraine

une réduction du revenu disponible des ménages mais n’accentue pas significativement les

inégalités qui restent inchangées du fait que les variations sont proportionnelles. Les

résultats des simulations du 3e scénario montrent également une réduction du revenu des quatre

premiers déciles, expliquée principalement pas une baisse du travail non qualifié et une baisse

probable des transferts des ménages les plus riches vers ceux les plus pauvres. En résumé, une

hausse de la TVA accompagnée par une compensation adaptée aux couches les plus

vulnérables, et une baisse de l’IS combinée à une hausse progressive de l’IR sont deux

politiques fiscales qui peuvent positivement influencer le niveau des inégalités de revenu.

Ce bref survol de la littérature sur l’effet de la politique fiscale sur le niveau de vie des ménages

montre des résultats différents selon les pays, le niveau de développement, mais également de

la méthodologie utilisée. En effet, des études comme Lustig (2017) et Essama-Nssah (2008)

montrent que pour des pays comme l’Ethiopie, la Tanzanie, le Ghana, le Nicaragua, la

Guatemala, le Chili, les pauvres sont ceux qui supportent le plus le fardeau fiscal. Alors que

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Les papiers de Enami et al. (2016) et Balseven et al. (2017) concluent respectivement à une

réduction de la pauvreté par le système fiscal iranien et une réduction des inégalités pour 17

pays en développement.

III. FAITS STYLISES

Ce deuxième chapitre de l’étude est consacré à l’analyse descriptive de la politique fiscale

récente du Sénégal, de l’évolution des instruments de fiscalité et de leur relation avec la

pauvreté et les inégalités des ménages. Ainsi, il sera revu les mesures phares du dernier code

général des impôts. Par ailleurs, l’évolution des grandes lignes de recettes fiscales sera

examinée avant de terminer par une analyse de l’incidence distributionnelle des taxes sur les

ménages.

1. Mesures phares du dernier code général des impôts

En 2013, le Gouvernement du Sénégal a passé en revue le dispositif fiscal existant afin de le

rendre plus lisible et mieux articulé aux objectifs poursuivis dans le cadre de la politique

économique et sociale. La modification du dispositif fiscal a été totale en visant quatre finalités

majeures, à savoir : (i) améliorer la qualité du dispositif fiscal, (ii) accroître le rendement

budgétaire de l’impôt par l’élargissement de l’assiette, (iii) promouvoir une meilleure justice

fiscale et le consentement à l’impôt et (iv) mettre en place un droit fiscal commun incitatif pour

promouvoir la croissance économique et améliorer l’environnement des affaires.

(i) Améliorer la qualité du dispositif fiscal

Contrairement au code fiscal de 2004 qui comportait des règles d’une grande complexité

auxquelles s’ajoutent une multitude de régimes dérogatoires disséminés à travers des textes

épars, le code fiscal de 2013 a été réécrit dans un document unique, un style plus simple et clair.

En plus de garantir la neutralité de l’administration fiscale en définissant plus clairement le droit

de déduction et à restitution, il a également simplifié et allégé la procédure d’enregistrement.

La possibilité d’accomplir les obligations fiscales par voie électronique est ouverte. Ce qui

vraisemblablement est profitable aux unités économiques dont le niveau des activités est

modeste avec la mise en place du régime réel simplifié.

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(ii) Accroître le rendement budgétaire de l’impôt par l’élargissement de l’assiette

Le code fiscal a également été adapté pour épouser les mutations intervenues dans certaines

activités économiques et par ricochet pour élargir l’assiette fiscale tout en préservant les efforts

consentis, depuis 2004, pour alléger le fardeau fiscal des sociétés. Dans le domaine de

l’intermédiation financière, il y a depuis une décennie, la naissance et le foisonnement des

sociétés ou unités de transfert d’argents. Ainsi, la Taxe sur les Opérations Bancaires (TOB),

initialement prévue pour les banques, a été remplacée par la Taxe sur les Activités Financières

(TAF) dont le champ couvre toutes les unités économiques qui exercent une activité financière.

Le taux est maintenu à 17% sur les commissions et intérêts réalisés sur les crédits, les prêts, les

avances, les transferts d’argents etc.

(iii) Promouvoir une meilleure justice fiscale et le consentement à l’impôt

La justice fiscale constitue un des critères majeurs d’évaluation d’un bon système fiscal. Des

mesures fiscales d’une plus grande envergure ont été consenties au profit des ménages dont la

capacité financière a largement été affectée par les récentes crises économiques et financières.

Elles se sont matérialisées par la refonte du système de l’Impôt sur le Revenu (IR) avec la

suppression du droit proportionnel, la réduction du nombre de tranches du droit progressif, le

remplacement du quotient familial par la réduction d’impôt pour charge de famille et un taux

marginal plafonné à 40%.

Tableau 1 : Taux d’impôt sur le revenu en fonction des tranches de revenus annuels

imposables arrondis au millier de franc inférieur

Tranches Taux

0 - 630 000 0%

630 001 - 1 500 000 20%

1 500 001 - 4 000 000 30%

4 000 001 - 8 000 000 35%

8 000 001 - 13 500 000 37%

+ de 13 500 001 40%

Source : DGID, CGI 2012

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Le taux de l’IR en plus d’être progressif, en prélevant plus sur les nantis, a exempté les plus

pauvres d’impôt sur le revenu. De ce fait, cette mesure correspond à une baisse estimée environ

à 28,9 milliards de FCFA.

Au titre de l’impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales, le taux de

l’impôt est fixé à 30% du bénéfice imposable. Cette nouvelle mesure apporte une révision à la

hausse du taux faisant suite à la baisse appliquée en 2006 passant de 33% à 25%.

(iv) Mettre en place un droit fiscal commun incitatif

Le code de 2013 a unifié l’ensemble des autres textes qui subsistaient dans le Code Général des

Impôts (CGI) et supprimé certains régimes dérogatoires tout en veillant à assurer un cadre

incitatif pour l’économie. Il a prévu des dispositions d’incitation à l’investissement. Il ouvre la

possibilité pour toute entreprise qui remplit certaines conditions générales conformes aux

objectifs de la politique économique et sociale de l’Etat de bénéficier d’importants avantages

fiscaux, sans formalisme particulier. Parmi ces avantages nouveaux ou maintenus, on note le

crédit d’impôt, la réduction d’impôt pour exportation, la réduction d’impôt pour investissement

de bénéfice, la suspension de TVA pour les opérations d’investissement etc. Il a également

consacré des dispositions qui favorisent l’essor de nouveaux moyens alternatifs de financement

tels que le crédit-bail, la finance islamique, le capital-risque et les systèmes financiers

décentralisés. Pour encourager les entreprises à s’engager avec l’Etat dans les investissements

publics, il a institué un cadre fiscal adapté au partenariat public privé.

2. Evolution récente des grandes lignes de recettes fiscales

Depuis la mise en œuvre du nouveau code général des impôts, les recettes fiscales ont suivi une

progression de 8,1%, en moyenne sur la période 2014-2018, contre 4,4% sur les cinq années

avant le nouveau code, grâce à l’élargissement de l’assiette fiscale, entre autres, dans un

contexte de dynamisme favorable de l’activité économique. Durant la première phase du Plan

Sénégal émergent, la croissance économique a doublé, atteignant 6,6% en moyenne sur le

quinquennat contre 3,3% sur la période 2007-2013. En 2018, les recettes fiscales ont atteint

15,2% du PIB.

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2.1. Les impôts/taxes directs

Les impôts directs, répartis en impôts sur les sociétés et impôts sur le revenu, ont nettement

progressé sur la période d’après révision du CGI, avec une évolution positive sur toute la

période. Ceux-ci ont gagné plus de 2 points de pourcentage sur le total des recettes fiscales de

2014 à 2018, atteignant ainsi 40% des recettes fiscales. En effet, l’impôt sur les sociétés s’est

consolidé sur la période pour se situer à 191 milliards en 2018. En moyenne, il contribue à 9,5%

des recettes fiscales.

Au titre de l’impôt sur le revenu, les recouvrements ont également suivi le dynamisme de

l’activité économique et des recettes fiscales. Ils se sont établis à plus de 350 milliards en 2018,

pour une contribution moyenne de 16,8% des recettes fiscales sur la période d’application du

nouveau code. Toutefois, il est à noter un effet mitigé lié intrinsèquement à l’application du

nouveau code, dans la mesure où la contribution moyenne de l’impôt sur le revenu aux recettes

fiscales est restée sensiblement au même niveau qu’avant 2013.

2.2. Les taxes indirectes

La politique fiscale du Sénégal, face à la difficulté à assoir une fiscalité de masse en matière

d’impôts directs en raison singulièrement du poids important du secteur informel, semble être

axée autour de la fiscalité indirecte sur les biens et services de grande consommation.

Trois grands types de taxes indirectes existent : les taxes ad valorem, les droits d’assise et les

autres taxes spécifiques.

Les taxes ad valorem sont calculées proportionnellement à la valeur du bien. Elles se composent

de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et la Taxe sur les Activités Financières (TAF).

La TVA est redevable lors de la mise à disposition à la consommation des biens ou des services

qui y sont soumis. Elle se calcule sur la base du prix de vente hors TVA. Elle est fixée à 18%

sur tous les biens et services vendus et est réduite à 10% pour les prestations d’hébergement et

de restauration. Certains biens ou services sont exonérés, tels que les services à caractère

médical, les produits alimentaires de première nécessité, les services relatifs à l’enseignement,

la consommation d’eau et d’électricité n’excédant pas la tranche sociale, le gaz butane à usage

domestique etc. La TVA représentait 40,5% des recettes fiscales de la période 2005-2012. Par

contre depuis l’entrée en vigueur du nouveau code, en 2013, sa part a baissé se situant en

moyenne à 37,4%. Par ailleurs, la TVA demeure, à plus de la moitié, supportée par les ménages.

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Sur 691,71 milliards FCFA de TVA collectée en 2017, les ménages ont supporté 58,5% tandis

que les unités de production et en particulier celles du secteur informel ont endossé 34,0% sur

leurs achats de matières premières et 7,3% sur les biens d’investissement.

Instituée en 2013 et fixée à 17% sur les rémunérations des activités financières, en

remplacement de la Taxe sur les Opérations Bancaires (TOB), la TAF s’est située à 55,4

milliards FCFA en 2017 avec un taux de croissance moyen de 7,3% sur la période 2013-2017

contre 9,6% de 2008 à 2012. Les ménages, à l’exception des prêts pour la construction et

l’acquisition de locaux à usage d’habitation principale exonérés de TAF, supportent environ

39,4% de la TAF collectée.

Les droits d’accises sont des taxes additives exprimées par unité de bien produit. Ils peuvent

aussi être soumis à une fiscalité hybride en étant fixés, soit sur la quantité (accise), soit sur la

valeur produite (ad valorem). Les droits d’accises portent principalement sur les boissons et

liquides alcoolisés, le café, le thé et le tabac. Ils se sont élevés à 51,3 milliards FCFA en 2017.

Tableau 2 : Taux des droits d’accise et autres taxes spécifiques selon le produit

Produits Taux taxe

Boissons et liquides

alcoolisés

40% pour les alcools et liquides alcoolisés en sus de :

o 800 FCFA/litre pour les alcools d’un tirage

supérieur à 6° et inférieur ou égal à 15°

o 3000 FCFA/litre pour les alcools d’un tirage

supérieur à 15°

3% pour les autres boissons et liquides gazéifiés sans

alcool ou dont la teneur en alcool n’excède pas 1°

Café & thé 5%

Tabac 40% pour les cigarettes économiques

45 pour les cigarettes premium et autres tabacs

Appels extérieurs entrants 2% valeur de la prestation

Corps gras alimentaires 12% pour les beurres, crèmes de lait et les succédanés ou

mélanges contenant du beurre ou de la crème, quelles que

soient les proportions du mélange

5% pour les autres corps gras

Source : DGID, CGI 2013

Les autres taxes spécifiques portent, entre autres, sur le pétrole, les véhicules et engins à

moteurs, les contrats d’assurance, les produits miniers, les droits d’enregistrement, les droits de

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porte pour les produits importés, etc. Nonobstant les droits de porte, la taxe sur le pétrole est

l’une des taxes les plus importantes. En 2017, elle s’est située à 83,6 milliards FCFA.

Globalement, l’application du nouveau Code général des impôts n’a pas d’effet réel sur la

structure des recettes fiscales. En effet, les impôts indirects sont maintenus stables à 64% des

recettes fiscales et les impôts directs à 30%, en moyenne, depuis l’application du nouveau code,

soit pratiquement au même niveau qu’auparavant. Les impôts directs ont gagné simplement un

point de pourcentage sur la composition des recettes fiscales, imputable, essentiellement à la

progression des impôts sur les sociétés. Ces derniers sont passés de 8,4% des recettes fiscales

en 2012 à 10,4% des recettes fiscales en 2017.

3. La redistribution de la fiscalité au Sénégal

L’idéal pour cette analyse aurait été de disposer d’une enquête budget emplois ou d’une enquête

plus récente sur la pauvreté (la dernière datant de 2011) afin de mieux évaluer l’impact des

obligations fiscales sur le revenu des ménages. En l’absence d’une telle source de données, cette

étude se focalise sur la matrice de comptabilité sociale du Sénégal, construite en 2015 comme

base de travail ; celle-ci fait ressortir, les interrelations entres les différents agents économiques,

en particulier, l’administration publique et les ménages.

L’analyse des courbes de Lorentz des revenus avant et après paiement d’impôts et des transferts

(Graphique 1) montre une légère dégradation de l’indice de GINI ; celui-ci passe de 0,43 à 0,47,

soit une perte de 0,04 point. Cette baisse de l’indice de GINI traduit une aggravation des

inégalités au Sénégal, qui serait en partie causée par le système de redistribution actuel. En fait,

il s’agit surtout des effets des transferts nets de revenu liés à la distribution de revenu secondaire,

vue selon l’optique de la comptabilité nationale. Les transferts versés par le Gouvernement et

les Institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM), constitués principalement

des cotisations sociales reversées aux ménages et pensions de retraites et des subventions

d’exploitation, sont reçus à plus de 85% par les 50% des ménages les plus riches. Les 10% les

plus riches en sont les principaux bénéficiaires, soit un peu moins de 48% des transferts versés

par le gouvernement et les ISBLSM. Cette forme de redistribution aggrave davantage les

inégalités dans la mesure où elle privilégie les plus nantis de la population. Il s’agit d’ailleurs

d’une conséquence logique de la structure économique caractérisée par un poids important de

l’informel alors que les cotisations sociales et les pensions de retraites sont effectuées par les

agents économiques du secteur formel.

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Graphique 1 : Courbe de Lorentz avant et après impôts et transferts

Source : ANSD, calculs des auteurs

En sus de cette forme de redistribution de revenus, la dernière enquête sur la pauvreté et les

conditions de vie des ménages avait décelé un niveau de pauvreté plus important en milieu

rural. L’essentiel de l’activité économique, notamment du secteur formel, est concentré en

milieu urbain tandis que le milieu rural se contente des activités agricoles et de transformation

peu valorisées. Néanmoins, le Gouvernement a fait beaucoup d’efforts pour appuyer les acteurs

agricoles du milieu rural en améliorant notamment l’accompagnement financier et en matériel

agricole afin d’atteindre les objectifs du Programme d’accélération de la cadence de

l’agriculture sénégalaise (PRACAS) qui cherche à améliorer la production agricole. Le

programme de bourse famille a également été initié et mis en œuvre pour appuyer

financièrement les groupes vulnérables et réduire les inégalités et la pauvreté.

Le graphique 2 montre que le système fiscal sénégalais est régressif. En effet, le taux d’effort à

la fiscalité, c’est-à-dire la part du revenu disponible allouée aux paiements d’impôts et de taxes,

n’est pas distribué de façon progressive du décile le plus pauvre au décile le plus riche.

D’ailleurs, les deux déciles le plus riches fournissent moins d’effort que la plupart des autres

groupes de revenu, bien que la contribution de ces derniers, en niveau, est plus importante.

Graphique 2 : Taux d’effort à la fiscalité des ménages par quintile

Source : ANSD, calculs des auteurs

0%

20%

40%

60%

80%

100%

120%

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

après impôt avant impôt

0,0% 5,0% 10,0% 15,0% 20,0% 25,0% 30,0%

Decile 1

Decile 3

Decile 5

Decile 7

Decile 9

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Il ressort de ce diagnostic que le système fiscal sénégalais demeure défaillant pour réduire les

inégalités et améliorer la redistribution à la faveur des groupes de populations les plus

vulnérables.

IV. METHODOLOGIE

L’objectif principal de cette étude est de mesurer les effets redistributifs de la politique fiscale

au Sénégal notamment en termes d’amélioration du niveau de vie des ménages et de réduction

de la pauvreté et des inégalités. A cet effet, les approches méthodologiques les plus utilisées

dans la littérature sont les modèles économétriques de type VAR ou de données de panel, les

analyses de l’incidence fiscale et les modèles d’équilibre général calculable avec

microsimulation. Les modèles économétriques, notamment ceux de données de panel, ne

permettent pas en général une désagrégation assez fine des types d’impôts et non plus des agents

qui payent ces impôts. En outres, ces modèles ne permettent pas d’analyser les canaux de

transmissions des différentes politiques fiscales, contrairement aux modèles d’équilibre général

calculable avec microsimulation. Ainsi, les modèles économétriques ou d’analyse de

l’incidence fiscale n’ont pas été retenus. Le choix méthodologique est porté sur un modèle

d’équilibre général calculable en dynamique intertemporelle (MEGC) avec un module de

microsimulation. Ce modèle présente l’avantage de ne pas être exigeant en matière de données.

En effet, la matrice de comptabilité sociale (MCS) représentant la structure la plus récente de

l’économie est la principale source de données utilisée par le modèle. Ce type de modèle qui

repose sur des fondements microéconomiques et permet également une analyse sectorielle est

particulièrement adapté pour analyser les effets des politiques économiques telles que les

réformes fiscales. Ainsi, des chocs de politiques fiscales seront simulés et les impacts recueillis

sur les revenus des ménages, les indicateurs de pauvreté et d’inégalités sociales à travers la mise

en œuvre d’un module de micro simulation intégré à la modélisation.

Le modèle MEGC décrit les interrelations entre les différents secteurs d’activités d’une petite

économie ouverte comme celle du Sénégal, avec quatre agents (ménages, firmes,

gouvernement, reste du monde) et deux types de biens (biens domestiques et biens importés).

Par ailleurs, les agents adoptent un comportement prospectif. En d’autres termes, leurs

décisions à la période courante sont affectées par leurs anticipations.

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1. Le ménage représentatif

Dans ce modèle, il est supposé que l’économie est peuplée par un nombre fini de ménages

identiques qui croit à un taux annuel constant N. Le ménage représentatif maximise d’abord

son utilité inter-temporelle en consommant des biens et ne valorise pas le loisir. A chaque

période, il est doté d’une unité de travail (LSt) qu’il offre sur le marché de façon inélastique.

Les ménages détiennent les firmes, ce qui fait que le revenu courant des ménages provient des

dividendes reçus (𝐷𝐼𝑉𝑗𝑡), du revenu du travail (Wt ∗ LSt), des transferts du gouvernement

(TRGHt) et du reste du monde (𝐸𝑅𝑡 ∗ TRROWHt). Le revenu du travail et les dividendes sont

taxés respectivement au taux (𝑡𝐿) et (𝑡𝑘).

Le ménage représentatif procède à un arbitrage intertemporel pour déterminer une allocation

optimale de son épargne et de sa consommation. En premier lieu, le consommateur maximise

sa fonction d’utilité intertemporelle (Uo) pour déterminer sa consommation agrégée (Ct). Et

en second lieu, il procède à l’allocation de celle-ci à travers les différents biens (𝐶𝑖,𝑡) à partir

d’une spécification de type Cobb-Douglas (𝐶𝑡 = 𝐴𝐶 ∗ ∏ 𝐶𝑖,𝑡𝛼𝑐𝑖

𝑖 ) pour minimiser ses dépenses

(𝑃𝐶𝑡 ∗ 𝐶𝑡).

La maximisation de l’utilité intertemporelle du ménage 𝑈𝑂 = ∑ (1

1+𝜌)

𝑡

𝑙𝑛(𝐶𝑡)∞𝑡=0 se fait

sous la contrainte budgétaire qui illustre le comportement prospectif du ménage :

Ft+1 ∗ (1 + N) = (1 + r) ∗ Ft + (1 − tL) ∗ Wt ∗ LSt + TRGHt +

ERt ∗ TRROWHt − PCt ∗ Ct − tk ∗ ∑ 𝐷𝐼𝑉𝑗𝑡

j

Avec 𝜌, le taux de préférence pour le temps; PCt, prix composite (avec taxes) de la

consommation et 𝑟, le taux d’intérêt constant.

Après avoir procédé à la détermination de son niveau de dépenses de consommation agrégée,

le ménage détermine son allocation à travers les différents biens en utilisant une spécification

de type Cobb-Douglas:

𝐶𝑡 = 𝐴𝐶 ∗ ∏ 𝐶𝑖,𝑡𝛼𝑐𝑖

𝑖

Avec 𝐶𝑖,𝑡 , la consommation du ménage en bien i, 𝐴𝐶 , le paramètre d’échelle de la fonction

Cobb Douglas, 𝛼𝑐𝑖, la part du bien i dans la consommation totale du ménage.

Le consommateur minimise à chaque période ses dépenses définies comme suit :

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𝑃𝐶𝑡 ∗ 𝐶𝑡 = ∑ 𝑃𝐶𝐻𝑖,𝑡𝑖 ∗ 𝐶𝑖,𝑡

avec 𝑃𝐶𝐻𝑖,𝑡 = 𝑃𝐶𝑖,𝑡 ∗ (1 + 𝑡𝑐𝑖)

𝑡𝑐𝑖 étant le taux de taxe sur la consommation et 𝑃𝐶𝐻𝑖,𝑡 , le prix à la consommation du bien i y

compris la taxe

Ce programme de minimisation de la dépense s’opère sous la contrainte suivante:

𝐶𝑡 = 𝐴𝐶 ∗ ∏ 𝐶𝑖,𝑡𝛼𝑐𝑖

𝑖

2. La firme représentative

La firme représentative dans chaque secteur j produit un seul bien 𝑖 composite. Cette firme

combine la valeur ajoutée (𝑉𝐴𝑗𝑡) et les biens de consommation intermédiaires (𝐶𝐼𝑗𝑡) pour obtenir

la production (𝑋𝑇𝑆𝑗𝑡). La valeur ajoutée est une combinaison du travail (𝐿𝐷𝑗𝑡) et du capital (𝐾𝑗𝑡)

à partir d’une technologie d’élasticité de substitution constante (CES). Il est supposé que

l’investissement (𝐽𝑗𝑡) comprend des coûts d’ajustement ou coûts d’installation. Ces derniers sont

supportés par l’entreprise à chaque nouvelle installation du capital. A cet effet, le capital

physique est spécifique dans chaque secteur, dans le court terme, tandis que le travail est

supposé parfaitement mobile entre les différents secteurs de production. De plus, la firme paye

une taxe sur la production et sur les consommations intermédiaires.

A chaque période, la firme représentative maximise son profit intertemporel 𝑉0𝑗 pour

déterminer les niveaux appropriés d’investissement, de travail, de consommations

intermédiaires, sous la contrainte de l’accumulation du capital. Ensuite, elle décide de

l’allocation de sa production suivant les différents marchés.

De ce fait, la firme maximise sa valeur 𝑉0 = ∑ (1

1+𝑟)

𝑡

𝐷𝐼𝑉𝑗𝑡𝑡

sous la contrainte (1 + 𝑁) ∗ 𝐾𝑗𝑡+1 = (1 − 𝛿𝑘𝑗)𝐾𝑗𝑡 + 𝐼𝑁𝑉𝑗𝑡.

Graphique 3 : Le processus de production

Demande de travail 𝐿𝐷𝑗𝑡

CES 𝑉𝐴𝑗𝑡 Exportations 𝐸𝑋𝑗𝑡

Demande de capital 𝐾𝑗𝑡

CES 𝑋𝑇𝑆𝑗𝑡 CET

𝐶𝐼𝑖𝑗𝑡 (𝑖 = 1, . . 𝐼) Léontief 𝐶𝐼𝑗𝑡 Offre domestique = demande domestique

en bien i (𝑋𝐷𝑆𝑖𝑡) en bien i (𝑋𝐷𝐷𝑖𝑡)

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Par ailleurs, la firme minimise à chaque période ses coûts de production pour déterminer le prix

composite de la production, les fonctions de demande de la valeur ajoutée, des consommations

intermédiaires et la demande du facteur travail.

3. Gouvernement

Le gouvernement procède à une allocation de ses ressources entre consommation publique

(GTOTt) et investissement public (Ginvt) et le solde budgétaire est versé aux ménages sous

forme de transfert. Les ressources du gouvernement sont composées des taxes à l’exportation,

à l’importation, sur la consommation, sur les biens d’investissement, sur les revenus des

ménages, sur les dividendes, sur les consommations intermédiaires et des transferts du reste du

monde.

𝑌𝐺𝑡 = ∑ 𝑡𝑒𝑥𝑖𝑃𝑒𝑥𝑖𝑡𝐸𝑋𝑖𝑡

𝑖

+ ∑ 𝑡𝑚𝑖𝐸𝑅𝑡𝑃𝑤𝑚𝑖𝑡𝑀𝑖𝑡

𝑖

+ ∑ 𝑡𝑐𝑖𝑃𝐶𝑖𝑡𝐶𝑖𝑡

𝑖

+ ∑ 𝑡𝑖𝑛𝑣𝑖𝑃𝐶𝑖𝑡𝐷𝑖𝑛𝑣𝑖𝑡

𝑖

+ ∑ 𝑡𝑣𝑖𝑗 ∗ 𝑃𝐶𝑖𝑡 ∗ 𝑉𝑖𝑗𝑡

𝑖𝑗

+ 𝑡𝐿𝑤𝑡 𝐿𝑆𝑡 + 𝑡𝑘 ∑ 𝐷𝑖𝑣𝑗𝑡

𝑗

+ ∑ 𝑡𝑝𝑗𝑃𝑋𝑇𝑆𝑗𝑡𝑋𝑇𝑆𝑗𝑡

𝑗

+ 𝐸𝑅𝑡𝑇𝑅𝑂𝑊𝐺𝑡

+ ∑ 𝑡𝑔𝑖𝑃𝐶𝑖𝑡𝐺𝑖𝑡

𝑖

Le gouvernement minimise ses dépenses de consommation agrégées qui sont une fonction de

type Cobb-Douglas des dépenses par produit 𝑖. Ce qui permet d’obtenir les dépenses de

consommation du gouvernement par produit et le prix composite.

On a minGit

GCTOTt = AG ∏ PCGitGitαGii

Sous la contrainte 𝑃𝐺𝑡𝐺𝐶𝑇𝑂𝑇𝑡 = ∑ 𝑃𝐶𝐺𝑖𝑡𝐺𝑖𝑡𝑖

4. Reste du monde

Les équations relatives au comportement du reste du monde sont déterminées par la

maximisation du revenu de la firme tiré des ventes. En effet, la firme représentative arbitre entre

la vente sur les marchés domestique et extérieur. La production est ventilée sur ces deux

marchés selon une spécification de type CET. Pour déterminer les niveaux optimaux d’offre

domestique et d’exportation, la firme maximise le revenu tiré des ventes sur ces deux marchés.

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On a:

𝑀𝑎𝑥 𝑃𝑋𝑇𝑆𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝑇𝑆𝑖𝑡 = 𝑃𝐸𝑋𝑖𝑡 ∗ 𝐸𝑋𝑖𝑡 + 𝑃𝐷𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝐷𝑆𝑖𝑡

Sous la contrainte :𝑋𝑇𝑆𝑖𝑡 = 𝐴𝑋𝑖 [𝛿𝑥𝑖 ∗ 𝐸𝑋𝑖𝑡

−(𝜎𝑥𝑖−1

𝜎𝑥𝑖)

+ (1 − 𝛿𝑥𝑖) ∗ 𝑋𝐷𝑆𝑖𝑡

(𝜎𝑥𝑖−1

𝜎𝑥𝑖)

]

−(𝜎𝑥𝑖

1+𝜎𝑥𝑖)

Dans ce modèle, l’hypothèse d’Armington est retenue. A cet égard, la demande totale de chaque

bien i est composite d’importation et de production locale.

𝑀𝑎𝑥 𝑃𝐶𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝑇𝐷𝑖𝑡 = 𝑃𝑀𝑖𝑡 ∗ 𝑀𝑖𝑡 + 𝑃𝐷𝑖𝑡 ∗ 𝑋𝐷𝐷𝑖𝑡

Sous la contrainte : Mi

Mi

Mi

Mi

Mi

Mi

XDDMAMXTD MiiMiiit

111

*1*

L’épargne du reste du monde, correspondant à l’opposé du solde du compte courant et

l’équation d’accumulation de la dette extérieure sont données par les expressions suivantes :

tt

i

ititit

i

itt TRROWHTROWGEXPWEXMPWMFSAV **

tttt BFrFSAVERBFN *1**1 1

5. Conditions d’équilibre et à l’état régulier

Le modèle est caractérisé par cinq conditions d’équilibre. La première concerne l’offre totale

du produit composite qui est égale à la somme des demandes intermédiaires, de la

consommation finale des ménages, de la consommation du gouvernement, de l’investissement

gouvernemental et des variations de stock.

it

j

ijtititititit DSTKVGINVDINVGCXTD

Ensuite, sur le marché des biens et services, les prix s’ajustent pour assurer l’équilibre entre

l’offre et la demande.

∑ 𝐿𝐷𝑗𝑡

𝑗

= 𝐿𝑆𝑡

La troisième condition d’équilibre est celle du marché du travail.

𝑋𝐷𝐷𝑖𝑡 = 𝑋𝐷𝑆𝑖𝑡

La quatrième condition est relative à l’équilibre entre l’épargne des agents économiques et du

reste du monde avec l’investissement total.

𝐹𝑡 = 𝑊𝐾𝑡 − 𝐸𝑅𝑡𝐵𝐹𝑡

Enfin, l’épargne et l’investissement sont en équilibre.

𝑊𝐾𝑡 = ∑ 𝑄𝑗𝑡 ∗𝑗 𝐾𝑗𝑡+1

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6. Calibrage et simulations

Le calibrage du modèle consiste à assigner à chaque variable et à chaque paramètre une valeur

qui correspond à celle de l’état initial. Cette assignation est faite sur la base de la matrice de

comptabilité sociale de 2015 de l’économie du Sénégal et à partir de la littérature.

Les mesures de politiques fiscales à simuler portent principalement sur des variations des taux

de taxe sur la consommation (tva) et sur le revenu des ménages (dividendes IS et salaires IR).

Les impacts seront recueillis sur les indicateurs de pauvreté et d’inégalités sociales, notamment

l’incidence, la sévérité et la profondeur de la pauvreté, et l’indice de GINI.

Le module de microsimulation est basé sur l’ESPS 2 (Enquête de suivi de la Pauvreté au

Sénégal) réalisée en 2011 par l’ANSD. La démarche consiste à recueillir les résultats de la

simulation du MEGC pour estimer les nouveaux vecteurs de revenus (𝑅𝑡) pour l’ensemble des

ménages et de prix à la consommation (𝑃𝑡). Cela permettra en retour d’obtenir les indicateurs

de pauvreté et d’inégalités avant et après simulation en utilisant la méthode du revenu

équivalent.

Pour un prix à la consommation 𝑃𝑡 et un revenu 𝑅𝑡, le revenu équivalent (RE) correspond au

niveau de revenu qui permet, avec le prix initial (𝑃0), de rester sur le même niveau d’utilité

U(𝑅𝐸, 𝑃0) que celui qui peut être obtenu avec U(𝑅𝑡, 𝑃𝑡). De ce fait, en égalisant U(𝑅𝑡, 𝑃𝑡) et

U(𝑅𝐸, 𝑃0), on peut tirer RE en fonction de (𝑅𝑡, 𝑃𝑡, 𝑃0) qui correspond au nouveau revenu du

ménage après la réforme fiscale et qui est comparable avec le niveau de revenu initial. Les

nouveaux indicateurs de pauvreté et d’inégalités sociales seront calculés à partir du revenu

équivalent RE.

V. RESULTATS

Les effets redistributifs de la politique fiscale du Sénégal sont appréhendés à travers une analyse

des impacts d’une variation des trois principales lignes de recettes (TVA, IS et IR). Les impacts

seront recueillis sur les indicateurs macroéconomiques, de pauvreté et d’inégalités sociales.

Plusieurs scénarii, semblables aux mesures phares du code général des impôts adopté en fin

2012, ont été simulés afin d’identifier les politiques fiscales les plus efficaces au sens de

l’amélioration de la croissance économique et des conditions de vie des populations à travers

la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales. Dans ces scénarii, il est supposé, dans un

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premier temps, une hausse des recettes fiscales pour financer des investissements publics. Dans

un second temps, les ressources supplémentaires sont destinées à la consommation publique.

Enfin, une politique de redistribution sous forme de transferts du gouvernement vers les

ménages les plus pauvres est envisagée à partir des recettes additionnelles.

Scénario 1

Le premier scénario simulé consiste à appliquer une hausse de 5 points de pourcentage du taux

de l’impôt sur les sociétés (IS). Les recettes tirées de ce relèvement d’impôt seront affectées

aux dépenses d’investissement du gouvernement.

Les résultats de cette simulation montrent une augmentation des recettes fiscales de 0,78% en

moyenne sur les cinq premières périodes de simulation. Cela devrait se traduire par une

augmentation des dépenses d’investissement de l’Etat de l’ordre de 3,52%. En conséquence,

l’activité économique augmenterait progressivement, passant d’un impact de 0,25% à la

première période pour atteindre 0,43% à la cinquième période de simulation, ce qui devrait en

retour avoir un impact positif sur les revenus salariaux des ménages (0,32%) plus important que

la baisse des revenus en capital (-0,11%). Cette hausse des revenus salariaux stimulerait la

consommation des ménages qui devrait s’accroitre de 0,16% à la première période et de 0,27%

à la cinquième période de simulation, soit en moyenne une hausse de 0,20%. Par ricochet, une

hausse de 0,15% du niveau général des prix serait notée en moyenne, sous l’effet de la hausse

de la demande. L’inflation observée devrait être plus importante sur les deux premières périodes

(+0,19%), avant de décélérer à 0,13% en moyenne entre la troisième et la cinquième période de

simulation.

Graphique 4: Impacts moyens en % d’une hausse de 5 points de pourcentage du taux de l’IS à

des fins de dépenses d’investissements publics

Source : Calculs des auteurs

0,78

3,52

0,33 0,32-0,11

0,20 0,15

-0,500,000,501,001,502,002,503,003,504,00

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S’agissant des indicateurs de pauvreté, les résultats de la simulation montrent qu’une hausse de

5 points de pourcentage du taux de l’IS à des fins d’investissement public n’aurait pas d’impact

sur la pauvreté et les inégalités pour les deux premières périodes de simulation. En revanche,

une faible baisse (0,04%) de l’incidence de la pauvreté serait notée entre la troisième et la

quatrième période de simulation. Cette baisse deviendrait plus importante à la cinquième

période en atteignant 0,24%. De même, une hausse de 5 points de pourcentage sur le taux

d’imposition des dividendes à des fins d’investissement contribuerait à diminuer faiblement la

profondeur et la sévérité de la pauvreté respectivement de 0,02% et de 0,01%. Cette évolution

contrastée des indicateurs de pauvreté est en harmonie avec celle de la consommation qui serait

plus importante entre la troisième et la cinquième période comparée aux deux premières

périodes de simulation.

Selon le milieu de résidence, les résultats montrent que l’impact sur l’incidence de la pauvreté

serait beaucoup plus prononcé dans les villes hormis Dakar urbain (-0,12%), suivi de Dakar

urbain (-0,09%) et du milieu rural (-0,04%).

Une hausse de l’impôt sur les sociétés à des fins de consommations publiques entrainerait des

résultats (consignés dans le tableau n°4 de l’annexe 1) moins favorables du point de vue social

comparés à une affectation en dépenses d’investissement.

Cependant, dans le cas où l’augmentation des recettes fiscales est affectée aux transferts du

gouvernement vers les deux quintiles les plus pauvres (pour lesquels la sévérité de la pauvreté

est plus grande), alors l’impact sur les indicateurs de pauvreté deviendrait plus important. Le

graphique 5 montre les résultats de cette simulation sur les indicateurs de pauvreté. Au niveau

national, l’incidence de la pauvreté baisserait de 0,53%, cette baisse serait plus importante dans

les zones rurales qu’urbaines. La pauvreté diminuerait de 0,61% en milieu rural et de 0,58% et

0,36% respectivement dans les autres villes et Dakar urbain. Ce résultat nuancé entre les

différentes zones de résidence s’expliquerait principalement par le fait que les ménages des

deux quintiles les plus touchés par la pauvreté sont majoritairement localisés dans le milieu

rural (71%).

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Graphique 5: Impacts moyens en % d’une hausse de 5 points de pourcentage du taux de l’IS

sur la pauvreté

Source : Calculs des auteurs

Scénario 2

Afin d’identifier les meilleurs leviers pour une politique fiscale visant à améliorer les conditions

de vie des populations, mais également à booster la croissance économique, il a été considéré

une hausse de 5 points de pourcentage du taux de taxe sur la consommation de biens utilisés

par les ménages les plus riches. Ces biens concernent les produits issus des secteurs de

« l’électricité et le gaz », « raffinage » et « les hôtels, bars et restaurants »3 qui sont

principalement consommés par les ménages des quintiles 4 et 5. Dans un premier temps, il est

envisagé une orientation de ces nouvelles recettes gouvernementales vers des dépenses

d’investissements.

Une hausse de 5 points de pourcentage du taux de taxe sur la consommation des biens

considérés à des fins d’investissements publics devrait se traduire par une hausse de 0,99% des

recettes fiscales. Ainsi, les dépenses d’investissements publics devraient connaitre une hausse

de 4,86%. Cette hausse s’expliquerait principalement par l’affectation des nouvelles recettes

fiscales issues du relèvement des taux de TVA aux dépenses d’investissement. L’activité

économique progresserait de 0,61%, suite à la hausse de l’investissement public. Ce qui

pousserait le secteur privé à augmenter son investissement progressivement de 0,30% à la

première période jusqu’à atteindre 1,11% à la cinquième période de simulation. Dans le même

temps, il ressort de cette simulation une hausse des revenus du travail et du capital des ménages

respectivement de 0,45% et 0,41%. Le niveau de consommation des ménages augmenterait de

3 Le ciblage de ces biens est détaillé en annexe

-0,06-0,02 -0,01

-0,07 -0,09-0,04

-0,53

-0,21

-0,09

-0,36

-0,58 -0,61-0,70-0,60-0,50-0,40-0,30-0,20-0,100,00

incidence profondeur sévéritéincidence

dakar

incidenceAutresurbains

incidencerural

Hausse de 5 points de pourcentage de l'IS à des fins d'investissements publics

Hausse de 5 points de pourcentage de l'IS à des fins de transferts vers les ménages

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24

0,24% en liaison avec la hausse des revenus du travail et du capital, bien que le niveau général

des prix évolue de 0,46%.

Graphique 6: Impacts moyens en % d’une hausse de 5 points de pourcentage du taux de TVA

Source : Calculs des auteurs

En ce qui concerne les indicateurs de pauvreté, la mesure entrainerait une faible baisse de

l’incidence de la pauvreté (0,06%). Ce résultat s’explique par la baisse de la pauvreté en zones

rurales (0,04%) et en zones urbaines hormis Dakar (0,16%). L’impact sur la profondeur et la

sévérité de la pauvreté ne serait pas significatif.

Une utilisation de ces nouvelles recettes en dépenses de consommation de l’Etat devrait se

traduire par des impacts moins élevés sur les agrégats macroéconomiques et les indicateurs

sociaux. Les résultats consignés dans le tableau n°5 de l’annexe 2 montrent même une légère

hausse de la pauvreté de 0,08%.

En revanche, un relèvement des taux de taxe à la consommation de 5 points de pourcentage des

produits considérés qui servirait à des transferts du gouvernement vers les ménages des deux

quintiles les plus pauvres se traduirait par une baisse de l’incidence de la pauvreté au niveau

national de l’ordre de 0,66%. De même, la sévérité et la profondeur de la pauvreté devraient

baisser respectivement de 0,34% et 0,15%. Cette baisse de la pauvreté au niveau national

s’expliquerait en grande partie par celle constatée en milieu rural. En effet, la mesure se

traduirait par une baisse de 0,89% de l’incidence de la pauvreté en milieu rural, soit 6 775

ménages qui devraient sortir de la pauvreté. Par contre, pour les zones « Dakar urbain » et

« autres urbains », ce scénario conduirait à une baisse respectivement de 0,36% et 0,50% de

0,99

4,86

0,61 0,45 0,41 0,24 0,46

0

1

2

3

4

5

6

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25

l’incidence de la pauvreté, soit respectivement 1 538 et 1 540 ménages qui sortiraient de la

pauvreté dans ces zones.

Graphique 7: Impact en % d’une hausse de 5 points de pourcentage du taux de TVA sur la

pauvreté

Source : Calculs des auteurs

Scénario 3

Dans le cadre de la réforme fiscale entreprise en fin 2012, il a été procédé à une baisse de

l’impôt sur le revenu, estimée environ à 28,9 milliards. A cet égard, il a été retenu de simuler

cette baisse de manière uniforme sur l’impôt sur le revenu. Dans ce scénario, l’Etat s’ajuste en

baissant soit ses dépenses d’investissements, soit ses dépenses de consommations, soit ses

transferts vers les ménages les plus riches.

Dans la première partie de ce scénario, il est supposé que le gouvernement s’ajuste sur ses

dépenses d’investissement, suite à la baisse des recettes fiscales. L’impact de ce scénario serait

une baisse de 2,41% des recettes fiscales, suivi de celle des dépenses d’investissement publics

de 10,95%. Ce qui en retour découragerait le secteur privé qui verrait son investissement

diminuer de 1,56%. Ainsi, l’impact sur l’activité économique serait une diminution de 1,03%

du PIB. La consommation des ménages connaitrait une baisse de 0,65%, malgré un repli de

0,48% du niveau général des prix. Cette contraction de la consommation des ménages

s’expliquerait par celle du taux de salaire et de l’offre domestique respectivement de 1,01% et

0,71% due principalement à la morosité de l’activité économique.

-0,06-0,01

0,00 0,00

-0,16

-0,04

-0,66

-0,25

-0,11

-0,36

-0,50

-0,89-1,00

-0,80

-0,60

-0,40

-0,20

0,00

incidence profondeur sévéritéincidence

dakarincidence

Autres urbains incidence rural

Hausse de 5 points de pourcentage de la TVA à des fins d'investissements publics

Hausse de 5 points de pourcentage de la TVA à des fins de transferts vers les ménages

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Graphique 8: Impact en % d’une baisse de 28,9 milliards de l’impôt sur le revenu

Source : Calculs des auteurs

Pour ce qui est des indicateurs de pauvreté, il ressort de la simulation que la mesure ferait baisser

l’incidence de la pauvreté de 0,12% à la première période. Par contre, à partir de la deuxième

période de simulation, l’impact sur les indicateurs de pauvreté devient négatif, c’est-à-dire une

hausse de la pauvreté en moyenne de 0,10% entre la deuxième et la cinquième période. En

termes de zone de résidence, l’impact serait une baisse de 0,05% de l’incidence de la pauvreté

dans Dakar urbain, alors que dans les autres villes et le monde rural, la pauvreté augmenterait

de 0,11% en moyenne sur les cinq premières périodes de simulation.

Dans le cas d’un ajustement de ces pertes de recettes sur les dépenses de consommation de

l’Etat, l’impact serait une baisse de l’incidence de la pauvreté de 0,39%.

Les résultats de ce scénario dans le cas où le gouvernement s’ajuste sur ses transferts vers les 3

quintiles des ménages les plus riches, indiquent un repli du taux de pauvreté. Cette simulation

conduirait à une baisse plus importante de la pauvreté de l’ordre de 1,58%, expliquée

principalement par le fait que le niveau de revenu disponible des ménages deviendrait plus

important en réponse à la baisse de l’impôt sur le revenu. En outre, le ciblage des ménages les

plus pauvres par les transferts du gouvernement, permettrait d’améliorer leurs conditions de

vie. Au niveau des zones de résidence, l’impact serait plus important dans le milieu rural

(2,24%), suivi des autres villes hormis Dakar (1,16%) et de Dakar urbain (0,73%).

-2,41

-10,95

-1,03 -1,01

0,33

-0,65 -0,48

-12-10

-8-6-4-202

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27

Tableau 3 : Impacts d’une baisse de 28,9 milliards de FCFA de l’IR sur la pauvreté

Niveau national Incidence de la pauvreté

par zone de résidence

Ajustement … incidence profondeur sévérité Dakar

urbain

Autres

urbains rural

... sur les investissements publics 0,06 0,05 0,02 -0,07 0,11 0,11

… sur la consommation publique -0,39 -0,15 -0,07 -0,36 -0,48 -0,36

… sur les transferts vers les ménages -1,58 -0,65 -0,29 -0,73 -1,16 -2,24

Source : calculs des auteurs

VI. CONCLUSION

La redistribution des ressources à travers la politique fiscale fait partie des objectifs des Etats,

notamment dans les pays en développement. La politique fiscale permet à l’Etat de jouer un

rôle majeur dans l’économie, en assurant notamment la régulation, l’allocation et la

redistribution des revenus. Cette présente étude a évalué l’impact d’une politique fiscale

similaire à la réforme de 2012 sur le niveau de vie des ménages à l’aide d’un modèle d’équilibre

général calculable à dynamique intertemporel complété d’un module de microsimulation basé

sur la dernière enquête sur la pauvreté (ESPS 2011) réalisée par l’ANSD.

Les mesures de politique fiscale qui ont été simulées portent sur une hausse de 5 points de

pourcentage du taux de l’IS, une baisse de 28,9 milliards de FCFA de l’impôt sur le revenu et

une hausse de 5 points de pourcentage du taux de taxe sur la consommation de certains produits

phares consommés principalement par les ménages les plus riches. Ces trois chocs ont été

simulés en considérant trois options d’ajustements : sur les dépenses de consommation de

l’Etat, sur les investissements publics ou les transferts vers les ménages.

Il ressort de l’analyse des résultats des simulations, que sur le plan social, un ajustement sur les

transferts des ménages est plus bénéfique pour les ménages, comparé à un ajustement sur la

consommation ou les investissements publics.

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28

Une hausse de 5 points de pourcentage du taux de l’IS dont le supplément de recettes est

transféré aux deux quintiles de ménages les plus pauvres entrainerait une baisse de l’incidence

de la pauvreté de 0,53%. Aussi, l’impact sur la pauvreté serait une légère baisse de 0,06% si les

recettes fiscales additionnelles sont affectées à des dépenses d’investissements. Par contre, si

les recettes additionnelles sont destinées aux dépenses de consommation de l’Etat, la pauvreté

augmenterait légèrement de 0,05%.

Une hausse de 5 points de pourcentage sur le taux de taxe à la consommation des produits issus

des secteurs de « l’électricité et gaz », « raffinage » et « hôtels, bars et restaurants » qui sont

principalement consommés par les ménages des quintiles les plus riches, conduirait à une baisse

de 0,66% de l’incidence de la pauvreté si les nouvelles recettes sont transférées aux ménages

les plus pauvres. L’impact de cette simulation serait une baisse de 0,06% de la pauvreté si le

relèvement du taux de taxe sur la consommation est utilisé à des fins de dépenses

d’investissements publics. En revanche, dans le cas d’une affectation à des dépenses de

consommations publiques, l’impact serait une légère hausse de 0,08% de la pauvreté.

Les résultats du troisième scénario montrent qu’une baisse de 28,9 milliards de FCFA de

l’impôt sur le revenu accompagnée d’un ajustement sur les investissements publics conduirait

à une légère hausse de l’incidence de la pauvreté de 0,06. Toutefois, l’impact serait une baisse

de cette dernière de 0,39% et 1,58% respectivement pour des ajustements sur la consommation

publique et les transferts vers les ménages les plus riches.

L’étude met en évidence l’efficacité des transferts vers les ménages les plus pauvres et la baisse

de l’impôt sur le revenu dans la stratégie de lutte contre la pauvreté et l’amélioration des

conditions de vie des populations.

Ainsi, pour une politique de relèvement de taux de taxe, notamment sur la consommation et sur

l’impôt sur les sociétés, l’étude suggère une orientation vers les dépenses d’investissements et

les transferts vers les ménages les plus pauvres.

Les résultats relatifs au relèvement des taux de taxe sur la consommation pourraient être

améliorés avec une meilleure identification des biens de consommation les plus utilisés par les

ménages riches. Ces nouvelles recettes pourraient être allouées aux ménages les plus pauvres.

Le ciblage de ces ménages devrait permettre d’améliorer leurs conditions de vie et réduire la

pauvreté.

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29

L’étude montre également que pour l’économie sénégalaise, une politique fiscale visant à

diminuer l’impôt sur le revenu devrait s’accompagner de mesures allant dans le sens d’un

ajustement sur les dépenses de consommations publiques ou sur les transferts vers les ménages

les plus riches pour parer à d’éventuelles baisses de recettes fiscales. Au regard de ces résultats,

la meilleure stratégie visant une réduction de la pauvreté serait une baisse de l’impôt sur le

revenu accompagnée d’un ajustement par le Gouvernement sur ses transferts vers les ménages

les plus riches. A cet égard, une meilleure mobilisation de cet impôt, notamment un

élargissement de la base taxable, permettrait de réduire considérablement la pauvreté dans le

cas d’une baisse du taux de taxe. En effet, une meilleure prise en compte du secteur informel

dans la mobilisation de l’impôt sur le revenu qui ne touche pas la main d’œuvre de ce secteur

contribuerait également à l’atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté.

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30

ANNEXE

Annexe 1 : Résultats du scénario 1

Tableau 4 : Impacts sur la pauvreté d’une hausse de 5 points de pourcentage du taux de

l’IS

Niveau national Incidence de la pauvreté

par zone de résidence

Ajustement … incidence profondeur sévérité Dakar

urbain

Autres

urbains rural

... sur les investissements publics -0,06 -0,02 -0,01 -0,07 -0,09 -0,04

… sur la consommation publique 0,05 0,05 0,02 0,00 0,06 0,07

… sur les transferts vers les ménages -0,53 -0,21 -0,09 -0,36 -0,58 -0,61

Source : calculs des auteurs

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32

Annexe 2 : Résultats scénario 2

Tableau 5 : Impacts sur la pauvreté d’une hausse de 5 points de pourcentage du taux

de TVA

Niveau national Incidence de la pauvreté

par zone de résidence

Ajustement … incidence profondeur sévérité Dakar

urbain

Autres

urbains rural

... sur les investissements publics -0,06 -0,01 0,00 0,00 -0,16 -0,04

… sur la consommation publique 0,08 0,08 0,04 0,00 0,22 0,07

… sur les transferts vers les ménages -0,66 -0,25 -0,11 -0,36 -0,50 -0,89

Source : calculs des auteurs

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34

Annexe 3 : Résultats scenario 3

Tableau 3 : Impacts d’une baisse de 28,9 milliards de FCFA de l’IR sur la pauvreté

Niveau national Incidence de la pauvreté

par zone de résidence

Ajustement … incidence profondeur sévérité Dakar urbain

Autres urbains

rural

... sur les investissements publics 0,06 0,05 0,02 -0,07 0,11 0,11

… sur la consommation publique -0,39 -0,15 -0,07 -0,36 -0,48 -0,36

… sur les transferts vers les ménages -1,58 -0,65 -0,29 -0,73 -1,16 -2,24

Source : calculs des auteurs

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Annexe 4 : Ciblage des biens du scénario 2

Tableau 4 : Part en % de ménages qui consomment le bien considéré

Groupe 1 : quintiles 1, 2 et 3 Groupe 2 : quintiles 4 et 5

Produits

nombre de

ménages

consommant le

produit

nombre de

ménage ne

consommant

pas le produit

nombre de

ménages

consommant le

produit

nombre de

ménage ne

consommant

pas le produit

Constructions et travaux construction 5,1% 94,9% 15,2% 84,8%

Autres services nca 5,4% 94,6% 34,7% 65,3%

Services d'hébergement et de restauration 27,7% 72,3% 45,1% 54,9%

Produits du raffinage et de la cokéfaction 35,0% 65,0% 82,7% 17,3%

Electricité et gaz 38,9% 61,1% 88,2% 11,8%

Produits de la sylviculture 50,7% 49,3% 74,8% 25,2%

Services de transports 54,3% 45,7% 76,3% 23,7%

Enseignement 67,6% 32,4% 67,5% 32,5%

Production et distribution d'eau, assainissement 70,4% 29,6% 93,8% 6,2%

Produits de la pêche, de la pisciculture et d’aquaculture 81,3% 18,7% 85,3% 14,7%

Services pour la santé humaine et l'action sociale 86,5% 13,5% 89,2% 10,8%

Services d'information et de communication 87,1% 12,9% 96,4% 3,6%

Produits de l'élevage et de la chasse 91,9% 8,1% 94,1% 5,9%

Produits agro - alimentaires 97,3% 2,7% 99,3% 0,7%

Produits de l'agriculture et activités annexe 97,8% 2,2% 98,4% 1,6%

Autres produits manufactures nca 99,8% 0,2% 100,0% 0,0%

Services immobiliers 100,0% 0,0% 100,0% 0,0%

Source : ESPS 2011 et calculs des auteurs

Le tableau ci-dessus donne, dans chaque groupe, la part de ménages consommant le produit

considéré. Le ciblage des biens dont les taux de taxe à la consommation devraient connaitre une

hausse se fait en prenant comme seuil 40%. En d’autres termes, les biens consommés par plus

de 40% des ménages les plus riches (quintiles 4 et 5) et moins de 40% des ménages les plus

pauvres (quintiles 1, 2 et 3) sont considérés comme pouvant connaitre une hausse sur le taux de

taxe à la consommation.

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Annexe 5 : les mesures de pauvreté par la méthode FGT

Incidence de la pauvreté (I) : représente la part de la population dont la consommation (yi) est

en dessous de la ligne de pauvreté (z).

𝐼 =𝑞

𝑛

Avec (n) la taille de la population et (q) le nombre de personnes pauvres.

Profondeur de la pauvreté (P) : mesure la distance moyenne qui sépare la population de la

ligne de pauvreté lorsqu'une distance zéro est attribuée aux non-pauvres. La profondeur de la

pauvreté est une mesure du déficit de pauvreté de la population entière. En l'occurrence, la

notion de « déficit de pauvreté » traduit les ressources qui seraient nécessaires pour extraire

tous les pauvres de leur situation. La profondeur de la pauvreté se définit par la formule :

𝑃 =1

𝑛∑ [

𝑧 − 𝑦𝑖

𝑧]

𝑞

𝑖=1

Sévérité de la pauvreté (S) : correspond au carré de la profondeur de la pauvreté. C’est à dire

le carré de la distance qui sépare l’individu de la ligne de pauvreté. L'utilisation de cette formule,

permet de mettre en exergue la situation d'extrême pauvreté des personnes. En d'autres termes,

la sévérité offre une meilleure distinction entre les pauvres. Il s'obtient de la manière suivante :

𝑆 =1

𝑛∑ [

𝑧 − 𝑦𝑖

𝑧]

2𝑞

𝑖=1

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