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EHESS Entendre d'une autre oreille. Les enjeux philosophiques de l'herméneutique biblique by Jean Greisch Review by: Pierre Lassave Archives de sciences sociales des religions, 51e Année, No. 136 (Oct. - Dec., 2006), pp. 196-198 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30118848 . Accessed: 12/06/2014 19:22 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.126.41 on Thu, 12 Jun 2014 19:22:25 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Entendre d'une autre oreille. Les enjeux philosophiques de l'herméneutique bibliqueby Jean Greisch

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EHESS

Entendre d'une autre oreille. Les enjeux philosophiques de l'herméneutique biblique by JeanGreischReview by: Pierre LassaveArchives de sciences sociales des religions, 51e Année, No. 136 (Oct. - Dec., 2006), pp. 196-198Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30118848 .

Accessed: 12/06/2014 19:22

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ouverture inattendue, et s'il faut en croire la rencontre d'Assise, un pas vers la comprehen- sion et la paix entre les hommes. Qui pourrait aujourd'hui ne pas s'en rbjouir ?

Rene Luneau

136-52 Pierre GENDRON

La moderniti religieuse dans la pens6e sociologique. Ernst Troeltsch et Max Weber Pret. de Guy Rocher. Saint-Nicolas - Paris, Presses de I'Universiti Laval - Le Cerf, 2006, 107 p.

Ce petit livre est une int~ressante etude comparative de la sociologie des religions de Troeltsch et Weber. Le principal handicap de l'auteur est une connaissance limit~e de la

langue allemande, qui le fait citer les princi- pales oeuvres de Troeltsch g partir de traduc- tions anglaises (il en existe tris peu en langue frangaise). Le livre est divis6 en quatre chapitres : << Religion et modernit6 > ; < Histoire et signi- fication a ; < S&cularisation et foi chr&tienne > ; < Le fait religieux dans la culture >. Mais ces distinctions sont relativement secondaires, les principales questions sont presentes dans tous les chapitres.

Comme le souligne l'auteur, Troeltsch et Weber - qui se sont connus a Heidelberg ou ils enseignaient au debut du siacle - parta- geaient la mime probl6matique: consid&rant l'autonomie de la sphere religieuse, comment l'6mergence d'une modernit6 religieuse est-elle pensable d'un point de vue sociologique ? Les deux croient qu'il existe une causalite propre des idees religieuses sur la societe, ainsi qu'une interaction (Wechselwirkung) entre religion et economie. I1 existe aussi des differences : tan- dis que Weber s'intiresse surtout au r6le du protestantisme dans l'essor du capitalisme, Troeltsch insiste davantage sur les conditions sociales et &conomiques oii sont nees les pen- sees de Luther et de Calvin; de ce point de vue, il existe une certaine compl~mentarit entre leurs travaux. Ce qu'il manque, dans ce contexte, c'est une discussion, par I'auteur, du rapport des deux - et notamment de Troeltsch - au marxisme.

Ils se rifbrent souvent, de fagon positive, a leurs travaux respectifs : Troeltsch cite Weber

fr~quemment, et celui-ci va jusqu' c &rire son 6diteur que son vaste projet de sociologie comparative des religions n'est autre chose que

<, ce que Troeltsch a fait, mais cette fois

pour toutes les religions, d'une manibre beau-

coup plus ramass~e >. Et dans l'introduction a l'Ethique protestante et l'esprit du capi- talisme, Weber reconnait que < le livre de Troeltsch confirme et complete le n6tre >.

Tous deux s'interessent au processus de

s~cularisation provoqu~e par le capitalisme moderne, mais Troeltsch semble croire, de fagon plus 6vidente que Weber, qu'il ne s'agit pas d'une disparition progressive de la reli- gion, mais seulement d'une transformation de son r6le social et culturel.

Peut-8tre la principale difference entre les deux est-elle que Troeltsch n'est pas seulement un sociologue, comme Weber, mais aussi un theologien. II est done le seul a se poser la question suivante, qui hante la conclusion de son opus major, les Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen (les enseignements sociaux des Eglises et groupes chr6tiens, 1912) : quelle position morale le protestantisme doit-il prendre face a la puissance d~mesur6e du capitalisme, et aux problkmes soulev~s par le mouvement ouvrier et le socialisme ? La technique moderne, qui produit des masses de marchandises mais

, rabaisse l'homme et son travail au niveau

des machines >, pose des questions nouvelles qui n'avaient jamais t&6 envisag~es par les doctrines sociales du christianisme. Si les deux s'inquietent des menaces pour la libert6 que represente la modernisation bureaucratique et/ou capitaliste seul Troeltsch le th~ologien - qui se dissocie, jusqu'a un certain point, de la theologie lib~rale (paternaliste) du Congris 6vangdlique-social - croit a un r6le de la reli- gion (protestante) A contre-courant du capita- lisme, un r61e en ddfense de l'6galite sociale, de la justice sociale et de la solidarite humaine.

L'analyse de Weber et Troeltsch est complt6e par des comparaisons, forc~ment breves, avec les travaux de Friedrich Goergen, Wolfgang Schluchter, Jose Casanova, Marcel Gauchet, et d'autres. Malgr6 ses limites, ce livre est un apport utile, et pertinent, a l'6tude comparative des deux grands sociologues et penseurs de la modernite religieuse.

Michael Lowy

136-53 Jean GREISCH

Entendre d'une autre oreille. Les enjeux philosophiques de I'herm6neutique biblique Paris, Bayard, coil. Bible et philosophie >, 2006, 298 p.

< Lire >, << interpreter >, < comprendre > sont des verbes cl~s de l'herm~neutique, cet art

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de la recherche du sens par dela l'&cart des langues et des epoques. Art ou science antique (hermeneutikos) devenu(e) aujourd'hui branche a part entiere de la philosophie enseignee. Ce dernier essai de Jean Greisch, qui vient apri~s sa somme de philosophie des religions (voir Arch. 130-11), s'appuie precisement sur ces trois verbes pour s'enquerir de ce que I'hermeneutique biblique peut apporter a la philosophie contemporaine. < Bible >, her- meneutique >, < philosophie > constituent de la sorte les trois objets ou domaines sur les- quels nos trois verbes cles s'activent. L'auteur, confessant son emotion devant le vitrail aux trois lievres (cathedrale de Paderborn en Westphalie) dont les oreilles forment un triskele d'&coute r~ciproque, construit son essai sur la rencontre entre ces trois verbes et ces trois domaines. Le developpement s'en trouve, des lors, ponctue, sinon structure, par les neufs croisements qui en resultent, soit autant de chapitres dont nous suivrons le fil.

1. < Manger le Livre >. Cette metaphore gustative ou nutritive de la lecture biblique apparait des les prophetes Ez&chiel et Jeremie. Le Livre etanche la soif au desert du sens; il est aussi nourriture de vie au gofit doux puis amer. L'Apocalypse revele in fine qu'il est intrinsequement transitoire : sa lecture est pas- sage d'un etat de conscience a l'autre et appel a la vie hors texte.

2. Mais < l'Ecriture grandit avec celui qui la lit ,,. Expression celebre de Gr~goire le Grand, Pere de l'1glise, pour qui le travail de lecture elargit egalement l'esprit du lecteur et lui permet de << saisir ce qu'il n'aurait pu saisir oisif >. Croissance homoth&tique du sens qui est au principe de sa reprise constante au fil des ecritures et reecritures fix~es par le canon chretien (Ancien et Nouveau Testament) puis par les innombrables commentaires qu'elles suscitent.

3. , Quand lire c'est faire >, allusion a la

philosophie pragmatique (Austin) pour dire par antiphrase que l'hermeneutique interne et externe a la Bible pourrait renouveler la reflexion sur l'Homo legens, cat~gorie encore mal connue: < les philosophes se demandent rarement ce qu'ils font quand ils lisent et plus rarement encore ce qui leur arrive quand ils lisent ,, (p. 58). L'histoire des formes de lec- tures (la Bible lue d'abord en communaute a haute voix puis dans la solitude individuelle et silencieuse des versions imprim~es) pourrait illustrer ce qui se passe entre le texte et le lec-

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE - 197

teur (occasionnel, fidele, critique, confessant, explorateur, < puisatier >, etc.), une exp&rience plus ou moins vive ou marquante de coopera- tion (< reconfiguration a dit Ricoeur).

4. A l'instar du celebre combat nocturne de Jacob et de l'ange, le < texte inspire > est lui-meme fagonne par une quite de la signifi- cation qui commence mal avec le fruit defendu de l'arbre de la connaissance. Toute interpr&- tation est pleine de risques. Les mesaventures d'Adam puis de Moise, les epreuves de Jacob puis de Daniel servent d'avertissement a tous ceux qui, comme Paul de Tarse, cherchent un sens liberateur a la tragedie de la croix. Inter- pretante, l'fcriture ne va pas de soi.

5. < Des pommes d'or dans des filets d'ar- gent >, comme le dit Maimonide: si les filets de l'interpretation sont trop serres, ils empi- cheront de voir le trbsor ; s'ils sont trop liches ils le laisseront filer. Dogmatisme et criticisme sont ici vis&s. S'appuyant resolument sur le < structuralisme tdleologique > de l'exegite Paul Beauchamp, I'auteur invite l'interprete d'au- jourd'hui a d~passer les vieux clivages entre la methode historico-critique > lanc&e par Spinoza et la < lecture spirituelle > de la tradi- tion pour s'approprier les diverses ressources heuristiques legubes par l'histoire chretienne mais aussi juive des sens multiples. Le biolo- giste Henri Atlan voit ainsi dans les quatre sens talmudiques (obvie, allusif, sollicite, secret) autant de balises pour progresser dans le texte vers ce qu'il dit et vers ,

ce qui i la limite ne s'y trouve pas du tout, mime implicitement >. Le risque de se m~prendre n'en reste pas moins entier.

6. Le philosophe peut-il en effet, < sans se renier, ouvrir un Livre dont le langage excessif et rebelle a la sage reserve du concept semble toujours dire davantage que ce qu'il dit ? > demande la philosophe Catherine Chalier, sp&- cialiste de l'hermeneutique biblique. J. Greisch ne cache pas que malgre tous ses efforts pour tirer au clair les liens entre les signes, le savoir et ce qui par eux nous relie i autrui, l'idhe que < la vraie vie est inspiree > reste une question en suspens pour le philosophe. L'inspiration s'entendant ici au sens que lui donne Emmanuel Levinas:

, sens autre qui perce sous le sens

immediat du vouloir-dire, sens autre faisant signe a un entendement qui &coute au-dela de ce qui est entendu, a la conscience extrime, a la conscience reveillee >, (Au-delh du verset, 1982, p. 137).

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7. Parcourir les o chemins perilleux de la comprehension > s'avare alors un moyen de contourner l'impensable de la vie mime pour s'approcher de ce o surplus 6nigmatique de sens > que les Ecritures contiennent. Les voies concurrentes de sagesse qu'elles recklent peuvent en effet enrichir la grammaire du comprendre contemporain. Trois situations les figurent: la Shulamite qui appelle son amant dans le Cantique; le Qohblet qui sait faire son deuil de tout; le fils prodigue qui quitte la maison pour mieux la retrouver. Aimer, savoir, se res- saisir, de la phronesis sapientiale A la mitanoia johannique, c'est toute une histoire qui se presente.

8. I1 faut en effet du temps pour comprendre > : oA partir du malentendu ori- ginel, qui a sa source dans les paroles rushes du Serpent, la possibilit6 d'entendre d'une autre oreille, ce qui veut dire Cgalement entendre avec l'oreille d'autrui, ne va plus de soi. Ce n'est que dans l'imaginaire esth&tique que les oreilles des trois lievres se superposent parfai- tement a (p. 237) insiste l'auteur. Constat rea- liste qui l'ambne a revenir, avec Beauchamp, sur l'entropie scripturaire et a revoir, avec Augustin, I'economie temporelle du message biblique (dispensatio temporalis). Si depuis la caverne de Platon, la philosophie a quelque chose a voir avec une connaissance lib~ratrice, les modules d'interpr~tation propres a la Bible et a sa lecture renvoient contre toute attente la condition humaine, ici langagiere et histo- rique, du travail de l'esprit.

9. En cette derniire &tape de son par- cours de reconnaissance >, l'auteur se repose la question de savoir ce que l'herm~neutique biblique peut finalement apporter A la r~flexion philosophique sur I'art de comprendre (subtili- tas intelligendi). Relevons trois de ses r~ponses. D'abord, A l'invitation de Holderlin, < cultiver la lettre en sa fermet > et < bien interpr&ter ce qui perdure >; cela passe par l'identifica- tion des formes litt~raires comme autant de formes de vie et en cela l'auteur plaide pour le moment critique de l'exigese, < Ce n'est qu'en payant son tribut A la "reconstruction" ex6getique que l'hermbneutique biblique pourra conserver sa dimension critique (p. 279). Ensuite, appliquer le message biblique aux situa- tions de sa propre vie tout en 6tant conscient du risque de le trahir, mani~re d'aller a la ren- contre du pari du croyant. Enfin se laisser tra- verser par les textes,

<, entendre d'une autre

oreille > : < le grand jeu du sens ne devient s~rieux que si le lecteur parvient a capter une

parcelle de veriti qu'il n'a pas produite lui- mime, mais qui vient d'ailleurs > (p. 282).

A, l'image de la ronde des trois li~vres, cet essai exploratoire 6vite les lourdeurs de la these. Sa forte charpente n'en retient pas moins les flux subtils entre les notions convoqu~es. Le corpus biblique au centre du developpe- ment s'appr~hende, comme il se doit aujour- d'hui, dans le va-et-vient historique entre sa propre constitution jusqu'aux canons et ses innombrables commentaires depuis lors, th0o- logiques puis savants. Loin de toute lecture fiddiste qui r~duirait sa portre philosophique, l'auteur sait lui restituer sa dimension heu- ristique a travers le tableau de pensie qu'il d~ploie pour mieux saisir la gradation du rap- port a l'autre et au monde qui se joue dans le passage qui va de la lecture A la comprehen- sion en passant par l'interpretation. Un tel tableau eclaire les relations complexes d'inclu- sion mutuelle entre l'hermeneutique biblique et I'hermeneutique philosophique. II ouvre ega- lement des fenitres sur ce qui se passe dans la rencontre entre le sujet et l'objet de la connais- sance via le recit et le texte qui le consigne. Une pragmatique du croire dont l'exploration reste a divelopper et pour laquelle les Fcritures ont sans doute toujours quelque chose a dire. L'histoire culturelle notera en tout cas que la Bible n'en finit pas d'interroger et de servir la philosophie. Dans le prolongement du Penser la Bible de Paul Ricneur (co~crit avec l'exegete Andr6 La Coque, 1998), l'essai de J. Greisch en est un t6moignage d'autant plus remarquable qu'il dresse de fait un certain &tat des lieux en la matibre.

Pierre Lassave

136-54 Herv6 GUILLEMAIN

Diriger la conscience, guirir les imes. Une histoire comparde des pratiques thirapeutiques et religieuses (1830-1939) Paris, Editions de La DOcouverte, 2006, 347 p.

L'ouvrage tente A travers la d~finition et les perceptions du mal psychique de rendre compte des liens ambigus que m6decine et religion ont entretenus. L'histoire de la folie contemporaine semble &tre celle d'une lente laicisation qui voit le pritre deposside de son pouvoir guerisseur au profit du midecin. Cet ouvrage nous invite A reviser cette id~e et A introduire dans ce schema un peu de Scomplexit >> (p. 8). Par l'approche des

discours et des th~rapies sur la perte de la

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