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Etude ACUF AMGVF INET Entre autonomie et solidarités territoriales, quelle gouvernance énergétique dans les territoires urbains ? Clara Canévet Vivien Duthoit Julia Labarthe Amos Waintrater Septembre 2012

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Etude ACUF – AMGVF – INET

Entre autonomie et solidarités territoriales,

quelle gouvernance énergétique dans les

territoires urbains ?

Clara Canévet – Vivien Duthoit – Julia Labarthe – Amos Waintrater

Septembre 2012

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Remerciements

L’équipe des élèves-administrateurs tient à remercier particulièrement Anne Laborie,

chargée de mission Développement urbain durable et environnement à l’Association des

Maires des Grandes Villes de France (AMGVF) et Philippe Angotti, délégué adjoint à

l’Association des Communautés Urbaines de France (ACUF), pour leur implication tout au

long de l’étude et pour le dialogue régulier et les échanges constructifs que celle-ci a permis.

Nos remerciements vont également à Béatrice Calligaro, responsable de la promotion

Salvador Allende des élèves-administrateurs, ainsi qu’à Caroline Eckendoerffer, assistante de

formation de la promotion, pour leur soutien et leur aide dans l’organisation de cette étude.

Enfin, l’équipe d’élèves administrateurs tient à remercier chaleureusement les

différentes collectivités et les différents acteurs du domaine de l’énergie pour avoir répondu

à nos sollicitations d’entretiens. Ces interlocuteurs et leur disponibilité à échanger avec

passion et conviction sur le sujet ont été très précieux dans la réalisation de cette étude qui

leur est destinée et qui, nous l’espérons, leur sera en retour utile et éclairante.

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Avant-propos

Rappel du cadre et des objectifs de l’étude

Cette étude a pour finalité de donner une vision d’ensemble sur la gouvernance énergétique

dans les territoires urbains, un domaine large et comprenant de nombreux sujets. L’objectif

est d’aboutir à la fois à une cartographie synthétique des pratiques d’un échantillon

représentatif de territoires urbains et à des préconisations plus générales sur la

gouvernance.

Méthodologie

L’étude s’est appuyée sur un travail de documentation, notamment à partir de l’enquête

flash réalisée par l’ACUF auprès de ses membres en janvier 2011. Un important travail de

benchmark a été mené à partir d’un panel représentatif de territoires urbains, différents de

par leur statut, leur taille, leur histoire ou leurs compétences. Une trentaine d’entretiens a

été réalisée, de visu ou par téléphone, avec des élus et/ou les services, selon les

interlocuteurs désignés. Cet échantillon comprend ainsi 28 collectivités (correspondant à 25

territoires urbains) :

- 16 communautés urbaines : Nantes, Bordeaux, Cherbourg, Strasbourg, Lille,

Dunkerque, Le Mans, Brest, Toulouse, Arras, Lyon, Le Creusot-Montceau, Nancy,

Marseille, Nice Côte d’Azur (devenue entre temps Métropole), Alençon

- 5 communautés d’agglomération : Rennes, Mulhouse, Grenoble, Plaine commune,

Saint-Etienne

- 7 grandes villes : Grenoble, Lille, Besançon, Clermont-Ferrand, Montpellier,

Bordeaux, Paris

Ces entretiens ont été complétés par le point de vue des acteurs institutionnels ou

associatifs majeurs dans le domaine de l’énergie, à travers certains de leurs représentants :

le Comité de Liaison Energies Renouvelables (CLER), l’Agence De l’Environnement et de la

Maitrise de l’Energie (ADEME), la Convention des Maires, Electricité Réseau Distribution

France (ERDF), l’Agence parisienne du climat et l’Association nationale des collectivités, des

associations et des entreprises pour la gestion des déchets, de l’énergie et des réseaux de

chaleur (AMORCE)1.

Une restitution et un point d’étape ont eu lieu en mars 2012 au siège de l’ACUF en présence

de 8 des collectivités interrogées. Un comité de pilotage conclusif s’est déroulé le 30 mai

1 D’autres acteurs ont été sollicités également comme EnergyCities, la Fédération Nationale des Collectivités

Concédantes et Régies (FNCCR), Gaz Réseau Distribution France (GRDF), ou l’association négaWatt.

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2012 en présence de 11 collectivités interrogées. L’équipe des quatre élèves-administrateurs

a en outre bénéficié d’un suivi régulier de la part d’Anne LABORIE et de Philippe ANGOTTI,

représentants de l’AMGVF et de l’ACUF.

Précautions utiles

L’échantillon de collectivités choisi se veut représentatif et non exhaustif. Plus qu’une vision

complète des différentes politiques de l’énergie menées dans les territoires urbains, il

permet avant tout d’en dégager les grandes tendances, sachant que les informations

recueillies l’ont été essentiellement sur la base des témoignages des différents acteurs.

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Sommaire

Remerciements ................................................................................................................................................ 2

Avant-propos ................................................................................................................................................... 3

Sommaire ......................................................................................................................................................... 5

Introduction ..................................................................................................................................................... 8

1. Un contexte mondial et national propice au questionnement local ......................................................... 8

1.1. Une question internationale ............................................................................................................. 8

1.2. Une question prégnante en France ................................................................................................... 9

1.3. Qu’est-ce que l’énergie? ................................................................................................................... 9

2. La question spécifique de la gouvernance dans les territoires urbains ................................................... 10

2.1. Une échelle pertinente d’action ...................................................................................................... 10

2.2. L’émergence progressive de l’urbain .............................................................................................. 11

2.3. De l’autonomie à la solidarité ......................................................................................................... 12

2.4. Qu’est-ce que la gouvernance? Une question à plusieurs dimensions ........................................... 12

La gouvernance énergétique : approche historique et cadre juridique actuel ................................................ 14

1. L’évolution de la gouvernance énergétique en France ............................................................................ 14

1.1. Une question énergétique historiquement abordée sous l’angle de la distribution des énergies . 14

1.2. Les territoires urbains au cœur des nouveaux enjeux énergétiques .............................................. 17

2. Analyse du cadre juridique applicable aux communes, communautés d’agglomération et communautés

urbaines en matière d’énergie ......................................................................................................................... 19

2.1. Les compétences « maitrise de la demande d’énergie » et « soutien aux actions de maîtrise de la

demande d’énergie » ................................................................................................................................... 19

2.2. Le rôle d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité et de gaz. ...................................... 21

2.3. La compétence « réseaux de chaleur urbains » .............................................................................. 25

2.4. L’implication des territoires urbains en matière de production d’énergie. .................................... 27

2.5. L’impact de la loi Grenelle II sur les collectivités territoriales en matière d’énergie ...................... 28

3. Le cadre financier de la politique énergétique ........................................................................................ 32

3.1. Les ressources des territoires urbains en matière d’énergie : des outils anciens et diversifiés ..... 32

3.2. Le débat sur la péréquation financière entre territoires urbains et territoires ruraux ................... 33

3.3. L’émergence de nouveaux outils financiers, encore en cours de maturation ................................ 35

Etat des lieux des compétences et de la gouvernance énergétiques dans les territoires urbains.................... 36

1. Les compétences exercées par les territoires urbains, des actions aux projets ...................................... 36

1.1. Les « projets de développement durable » (Agenda 21, Plan climat énergie territorial) permettent

une mise en cohérence des politiques énergétiques et de lutte contre le changement climatique ........... 37

1.2. Les collectivités urbaines, productrices et incitatrices en énergies renouvelables......................... 40

1.3. Toutes les collectivités interrogées mènent des actions dans le domaine de la performance et de

la lutte contre la précarité énergétique, à des degrés divers. ...................................................................... 42

1.4. La prise de compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie » au niveau

intercommunal ............................................................................................................................................. 44

1.5. Les collectivités urbaines, autorités organisatrices de distribution (AOD) de gaz et d’électricité .. 46

1.6. Les réseaux de chaleur urbains (RCU) ............................................................................................. 47

1.7. Mécanismes financiers .................................................................................................................... 47

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1.8. Quelques constats généraux et quelques précautions utiles ......................................................... 50

2. La gouvernance énergétique dans les territoires urbains : état des lieux et perspectives ...................... 51

2.1. Un portage politique et une organisation interne en cours de structuration ................................. 51

2.2. Des modes d’action et d’information envers les usagers qui restent à développer ....................... 53

2.3. La répartition des rôles en matière d’énergie entre les communes et les communautés reste

souvent tributaire d’équilibres politiques. ................................................................................................... 54

2.4. Quelles relations entre les territoires urbains et les syndicats d’énergie ? .................................... 56

2.5. Les relations avec les concessionnaires de distribution d’énergie sont complexes, entre contrôle

émergent et partenariat ............................................................................................................................... 58

2.6. Des relations inégales et variées avec les régions et les départements ......................................... 59

2.7. Des structures de gouvernance en évolution.................................................................................. 60

3. En guise de synthèse : essai de typologie sur le lien entre territoires urbains et politique énergétique 61

3.1. Une typologie tenant compte des compétences prises ou pas par les EPCI ................................... 61

3.2. Une typologie tenant compte des modes d’organisation interne et du partenariat territorial en

matière d’énergie ......................................................................................................................................... 63

3.3. Quelques remarques synthétiques à partir de la mise en perspective des deux typologies .......... 64

Le pilotage de l’énergie dans un territoire urbain ........................................................................................... 65

1. Comment mobiliser les élus ? .................................................................................................................. 65

1.1. Une prise de conscience de la part des usagers-électeurs .............................................................. 66

1.2. Mise en cause possible de la responsabilité des élus communaux en tant qu’autorités

concédantes ................................................................................................................................................. 67

1.3. Les élus des EPCI à fiscalité propre disposent de moyens d’action avec ou sans prise de

compétence .................................................................................................................................................. 68

1.4. La politique énergétique comme levier d’optimisation des dépenses pour les collectivités.......... 69

2. Quels objectifs en matière d’énergie ? .................................................................................................... 70

2.1. Volet 1 : Réduction de la « facture énergétique » de la collectivité .................................................... 71

2.2. Volet 2 : améliorer le service public de l’énergie rendu aux usagers .................................................. 73

2.3. Volet 3 : lutter contre le changement climatique ........................................................................... 76

3. Quel territoire pertinent d’action au sein du bloc communal ? .............................................................. 80

3.1. Mettre en œuvre le principe de subsidiarité .................................................................................. 80

3.2. Quelles compétences transférer ? .................................................................................................. 81

4. Quelle organisation interne adopter ? ..................................................................................................... 83

4.1. Organisation politique : mettre en avant l’élu en charge de la politique de l’énergie ................... 84

4.2. Identifier les directions pertinentes ................................................................................................ 85

4.3. Adopter une organisation permettant de faire vivre la transversalité ........................................... 85

4.4. Quelle opportunité de mutualiser des services liés à l’énergie ? .................................................... 87

5. Quel partenariat territorial ? ................................................................................................................... 87

5.1. Une vision territoriale et à 360 degrés des partenariats en matière d’énergie .............................. 88

5.2. L’équilibre dans les relations avec le monde rural .......................................................................... 89

5.3. Des coopérations à plusieurs échelles ............................................................................................ 90

Face aux nouveaux enjeux énergétiques, quelle gouvernance de l’énergie dans les territoires urbains ? ...... 92

1. Pourquoi faut-il porter la voix des territoires urbains au plan national sur le sujet de l’énergie? .......... 93

2. Faut-il donner plus de compétences aux territoires urbains ? ................................................................ 94

3. Comment repenser les relations entre les territoires urbains et les territoires ruraux à propos de

l’énergie ? ......................................................................................................................................................... 95

4. FACé : faut-il repenser le système de péréquation actuel, fondé sur une séparation entre l’urbain et le

rural ? ................................................................................................................................................................ 96

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5. CEE et disponibilités de financement : faut-il simplifier ou mutualiser ? Faut-il revoir les dispositifs

financiers liés à l’énergie ? ................................................................................................................................ 96

6. Comment financer la maîtrise de la demande de l’énergie par l’économie de la concession ? .............. 97

7. Quelle planification pour la politique énergétique ? Comment répondre au besoin de cohérence des

actions menées par les différents acteurs ? ..................................................................................................... 98

8. Faut-il penser un nouveau « pacte énergétique » entre communes et intercommunalités urbaines ? . 99

9. Quelle complémentarité imaginer avec l’action des départements ? ..................................................... 99

10. Faut-il développer un partenariat privilégié entre intercommunalités urbaines et régions ? ............ 99

11. Quelle place pour le citoyen dans les débats sur l’énergie ? ............................................................. 100

12. Quel système de régulation pour répondre aux nouveaux enjeux de la politique énergétique ? .... 101

Conclusion .................................................................................................................................................... 102

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Introduction

1. Un contexte mondial et national propice au questionnement local

L’étude « Entre autonomie et solidarités territoriales, quelle gouvernance énergétique dans les

territoires urbains? » a été lancée conjointement par l’ACUF et l’AMGVF en novembre 2011 dans un

contexte bien particulier pour les questions liées à l’énergie.

En effet, la question de l’énergie est en plein essor au niveau territorial. Les territoires urbains sont

de plus en plus confrontés à cette thématique et à ses déclinaisons transversales.

1.1. Une question internationale

A l’image de la démarche entreprise lors du dernier Forum mondial de l’eau tenu à Marseille en mars

2012, les collectivités locales ont été effectivement reconnues pour leur rôle dans la lutte contre le

réchauffement climatique lors du sommet de Cancun en juin 2010. A ce propos, l’adage « Penser

global, agir local » s’applique particulièrement, et ce d’autant plus que la hausse des prix de l’énergie

au niveau mondial a pour conséquence une précarité énergétique grandissante pour les citoyens au

quotidien. Ainsi, le prix du gaz naturel aurait augmenté de plus de 60% % depuis 2005. Enfin, la

question de l’incertitude sur les sources d’approvisionnement liée à leur tarissement autant qu’à des

situations économiques et géopolitiques délicates semble partagée à tous les niveaux de

gouvernance : mondial, européen, national mais aussi local. C’est pourquoi l’ONU, dans sa résolution

65/151, a déclaré 2012 l’Année internationale de l’énergie durable pour tous, afin de sensibiliser les

Etats à l’importance d’améliorer l’accès durable à l’énergie, l’efficience énergétique et l’énergie

renouvelable au niveau international, régional et local.

Au sein de l’Union Européenne (UE), un Paquet climat énergie a également été fixé en 2008 avec

l’objectif dit des « 3 X 20 » à horizon 2020 : une hausse de 20% de la production d’énergies

renouvelables dans le mix énergétique, une diminution de 20% de la consommation d’énergie et une

baisse de 20% des émissions de gaz à effet de serre. En Europe, en 2008, seulement 8,5% de la

consommation énergétique provenaient de ressources renouvelables. La diversification des

ressources est donc privilégiée dans un objectif d’indépendance énergétique2 plutôt que

d’autonomie3 au niveau national comme européen. Au-delà de ces engagements politiques, la

règlementation de l’Union européenne, en matière de libéralisation du marché de l’énergie

notamment, amène les relations entre concédants et exploitants à se redéfinir dans les prochaines

années.

2 L’indépendance énergétique est la capacité d’un pays à répondre à ses besoins. Le taux d’indépendance

énergétique est le rapport entre la production nationale d’énergie primaire (charbon, pétrole, nucléaire, hydraulique, gaz naturel, énergies renouvelables) et la consommation en énergie primaire, une année donnée. 3 L’autonomie énergétique correspond à la recherche d’un équilibre local entre la consommation d’énergie et

les capacités à répondre à ses besoins de consommation par une production durable.

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Dans ce contexte, la concurrence mondiale s’intensifie entre les entreprises qui cherchent à

remporter les marchés liés à ces nouvelles politiques de l’énergie, qui sont des sources probables de

croissance et de créations d’emplois. A ce propos, la naissance d’un système d’échange de quotas

d’émissions sur les marchés ou encore des certificats d’économie d’énergie (CEE) est significative du

potentiel économique de cette politique.

1.2. Une question prégnante en France

Ces évolutions mondiales et européennes ont pour corollaire le développement d’une activité

législative intense en France dans le domaine de l’énergie. On observe également une montée en

charge des actions territoriales en la matière. Cela se traduit par exemple par la mise en place

d’Agenda 21, de Plans Climat-Energie Territoriaux (obligatoires pour les communes ou

agglomérations de plus de 50 000 habitants depuis la loi Grenelle 2), le développement des énergies

renouvelables, l’émergence de nouveaux modes de production et de nouvelles technologies, etc. Le

Grenelle de l’Environnement, lancé en 2007, a contribué à la formalisation de ces nombreuses

initiatives locales.

La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 devrait avoir un impact sur le

système de gouvernance énergétique au niveau local dans les prochains mois. En effet, l’élaboration

des schémas de coopération intercommunale (SDCI) pourrait aboutir à la rationalisation des

périmètres, voire à une disparition de certains syndicats intercommunaux à vocation unique ou

multiple. Alors que l’on constate que ces syndicats jouent souvent un rôle historique dans la

gouvernance énergétique des territoires ruraux voire dans les territoires urbains, les conséquences

sur l’organisation territoriale en la matière pourraient être importantes.

La question énergétique a également été mise en avant comme un des grands enjeux de demain et

inscrite à l’agenda de la campagne présidentielle de 2012. A l’image de nos voisins européens, le

débat sur la diversification des sources d’énergie met à nouveau au centre la question du nucléaire.

De même, chaque hiver, la capacité de production nationale est mise en débat alors que la France

achète 40 millions d’euros d’électricité lors des pics de consommation et importe de l’énergie

éolienne espagnole ou de l’énergie thermique allemande. Enfin, la question des tarifs de rachat des

énergies renouvelables semble également être un enjeu fort pour leur développement.

Le nouveau président de la République française, François Hollande, s’est ainsi engagé à organiser un

grand débat sur le thème de l’énergie et de l’environnement à l’automne 2012.

1.3. Qu’est-ce que l’énergie?

On le voit, la question de l’énergie touche à de multiples aspects, tant écologiques, qu’économiques,

politiques ou stratégiques. Dans le cadre de l’étude, au-delà de son sens en grec ancien où l’enérgeia

signifiait la « force en action » ou capacité d’agir, la définition retenue sera celle de la ressource

énergétique (énergie éolienne, nucléaire, solaire, hydraulique, biomasse, gaz naturel, pétrole, etc.)

ou son produit (électricité, chaleur). Ces ressources ou leurs produits ont pour finalité d’être

consommés par les sociétés humaines pour divers usages industriels ou domestiques (transport,

chauffage…).

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L’énergie peut être considérée en fonction de sa source ou du moyen par lequel elle est acheminée :

les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel), l’énergie nucléaire, l’énergie solaire, l’énergie

électrique, l’énergie thermique, l’énergie biomassique (biomasse et biocarburants)... Les énergies

renouvelables (énergie solaire, éolienne, hydraulique, du bois…) désignent les sources d’énergie qui

restent inchangées malgré leur exploitation éventuelle.

2. La question spécifique de la gouvernance dans les territoires urbains

La question « Entre autonomie et solidarités territoriales, quelle gouvernance énergétique dans les

territoires urbains? » est donc posée dans un contexte particulier d’évolutions juridiques,

économiques et pratiques. En effet, à un moment charnière de redéfinition des rôles et de la

répartition des compétences entre chaque acteur dans le domaine de l’énergie, les territoires

urbains pourraient a priori revendiquer légitimement une place de choix. Et ce pour plusieurs raisons.

2.1. Une échelle pertinente d’action

D’une part, les territoires urbains, lieu de vie de la moitié de la population mondiale et de plus de

80% en France, apparaissent aujourd’hui comme une des échelles les plus pertinentes d’action de

lutte contre le changement climatique. L’activité urbaine est à l’origine de plus de 80% de la

consommation d’énergie et des émissions de CO2, même si les habitants des villes émettraient

moins de CO2 par tête que les habitants des campagnes. La prise de conscience de cette

responsabilité s’est exprimée à l’occasion de sommets rassemblant les plus grandes villes du monde

comme lors du Sommet Mondial des Maires sur le climat à Mexico en novembre 2010. Après

l’adoption du Paquet climat énergie de 2008, la Convention des Maires, soutenue par la Commission

européenne, a permis de décliner au niveau local les engagements et les objectifs fixés au niveau

européen. La Convention des Maires qui réunit aujourd’hui plus de 3700 signataires, dont 140

signataires français, apparaît ainsi comme un modèle de gouvernance multi-niveaux. Partant du

principe que les responsabilités sont partagées dans ce domaine entre niveaux de gouvernance

locaux et nationaux, les collectivités s’engagent à mettre en œuvre des plans d’actions en faveur de

l’énergie durable dans les domaines d’activité relevant de leur compétence.

D’autre part, les territoires urbains disposent déjà de nombreux leviers pour entreprendre des

actions en ce sens, en disposant de compétences dans des domaines mobilisant quotidiennement

l’énergie : transports, éclairage, déchets, eau, développement urbain, habitat, développement

économique…

Enfin, les territoires urbains polarisent désormais les attentes de leurs territoires voisins, ruraux ou

périurbains, en matière d’énergie. En effet, au même titre que les autres charges de centralité qu’ils

supportent et du fait qu’ils disposent de leviers d’organisation à l’échelle du bassin de vie, l’énergie

est un domaine dont ils doivent se saisir.

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2.2. L’émergence progressive de l’urbain

En France, ces considérations doivent être complétées par un éclairage historique pour justifier de

l’émergence de la question de la gouvernance énergétique sur ces territoires. En effet,

traditionnellement, les syndicats intercommunaux ou départementaux4, Syndicats Intercommunaux

à Vocation Unique (SIVU) ou Syndicats Intercommunaux à Vocation Multiple (SIVOM) dits

départementaux, ont eu un rôle essentiel d’électrification, au même titre d’ailleurs que pour la

gestion du gaz ou de l’eau. Cette organisation historique autour de l’énergie explique encore

aujourd’hui leur maintien et parfois même leur caractère incontournable dans les territoires ruraux.

Parallèlement à cette organisation, les opérateurs nationaux historiques comme Electricité de France

(EDF) ou Gaz de France (GDF)5, maisons-mères des opérateurs de distribution Electricité Réseau

Distribution France (ERDF) et Gaz Réseau Distribution France (GRDF) ont vu, avec la libéralisation du

marché de l’énergie, émerger des concurrents. Les autorités concédantes comme les territoires

urbains doivent donc désormais compter avec cette nouvelle organisation du marché et adapter leur

fonctionnement en conséquence.

Dans ce contexte, le positionnement de chaque acteur vis-à-vis de la gouvernance à adopter pour

l’avenir dans le domaine de l’énergie est en cours de définition. Les syndicats départementaux

veulent ainsi compter, au titre de leur rôle historique sur les territoires ruraux, et affirmer la

pertinence de leur vocation spécialisée et de leur échelle. De leur côté, les territoires urbains, par

l’intermédiaire des grandes villes et communautés urbaines, souhaiteraient pouvoir entériner leur

rôle déjà bien affirmé en pratique. Leurs actions d’interface avec la population, obligatoirement

associée dans le cadre du développement durable et acteur essentiel en matière d’énergie,

pourraient notamment leur valoir d’être reconnus comme acteurs légitimes en matière d’énergie,

selon un degré d’ambition à définir. A priori, tout peut être envisagé : affirmation d’un principe de

subsidiarité au profit des territoires urbains en matière énergétique, définition d’un rôle d’animation

de la politique sur un bassin de vie, nomination d’un chef de file en la matière, création d’autorités

organisatrices, etc.

Aujourd’hui, en vertu des compétences existantes et des singularités locales, des modes de

gouvernances divers se sont construits à l’échelle des territoires. Il convient de tenir compte des

partenariats et des initiatives existants, de leurs succès et de leurs limites, ainsi que des contraintes

juridiques à respecter (comme l’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre) dans le cadre

de la démarche qui vise à repenser la gouvernance énergétique des territoires urbains. Loin d’être

une remise en cause ex nihilo, ce rapport s’attache à montrer que la réflexion doit avoir pour objectif

la mise en cohérence des politiques menées, leur clarification et par là leur plus grande efficacité.

4 Il s’agit de syndicats dits départementaux parce que leur périmètre est à l’échelle du département, ils ne sont

toutefois pas gérés par les conseils généraux. 5 Devenu GDF-Suez depuis sa fusion avec Suez en 2008.

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2.3. De l’autonomie à la solidarité

L’autonomie territoriale peut recouvrir plusieurs réalités dans le domaine de l’énergie. En effet, il

peut sembler illusoire à ce stade d’envisager l’autonomie énergétique des territoires urbains en ce

qu’ils seraient capables d’autoproduire l’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Au contraire,

l’autonomie entendue comme indépendance énergétique semble plus réaliste en ce qu’elle répond à

l’enjeu de sécurisation des approvisionnements par l’intermédiaire de la diversification des sources.

La solidarité, quant à elle, recouvre plusieurs réalités :

- elle peut s’entendre dans une perspective financière. Elle fait alors appel à la notion de

cofinancements ou de péréquation,

- elle peut également être territoriale. Elle s’exprime par exemple dans le cadre de la

construction intercommunale par une mise en commun des moyens et une mise en

cohérence des politiques publiques dans un objectif de diminution des inégalités. Dans le

cadre de ce rapport, la solidarité doit être pensée entre les territoires urbains comme entre

territoires urbains et ruraux,

- enfin, la solidarité peut s’exprimer dans le cadre des politiques publiques définies et mises en

œuvre par les institutions. Dans le domaine de l’énergie, cela peut s’illustrer par la mise en

œuvre d’une politique de lutte contre la précarité énergétique.

Ainsi, dans le cadre des réflexions sur la gouvernance énergétique, il convient de ne pas opposer les

notions d’autonomie et de solidarité, mais plutôt de rechercher un équilibre entre elles.

2.4. Qu’est-ce que la gouvernance? Une question à plusieurs dimensions

Aussi, et au regard de l’ensemble des analyses qui peuvent en être faites, l’intitulé de l’étude pourrait

tout aussi bien traiter de « gouvernance(s) énergétique(s)». En effet, le Journal Officiel définit la

gouvernance comme étant « la manière de concevoir et d’exercer l’autorité à la tête d’une entreprise,

d’une organisation, d’un Etat ». Il précise que « la gouvernance s’apprécie non seulement en tenant

compte du degré d’organisation et d’efficience mais aussi et surtout d’après des critères tels que la

transparence, la participation et le partage des responsabilités ».

Plusieurs manières de concevoir et d’exercer l’autorité peuvent donc être imaginées en matière

d’énergie y compris en fonction des différentes sources d’énergie. La gouvernance en la matière doit

nécessairement tenir compte d’un partage de responsabilités et intégrer des aspects financiers dans

un contexte de contraintes budgétaires fortes. La conjoncture actuelle pourrait remettre en cause les

efforts des différents acteurs à développer des politiques énergétiques souvent jugées moins

rentables à court terme mais pourtant plus durables. Dans ce cadre, la place de la fiscalité au regard

d’autres financements possibles peut être posée.

La réflexion sur la gouvernance énergétique dans les territoires urbains doit ainsi être alimentée par

plusieurs dimensions et prendre en compte à la fois les relations des territoires urbains avec le

secteur privé, avec les citoyens, avec les autres niveaux de collectivités, avec les autres territoires et,

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13

enfin, avec les niveaux d’autorité supérieurs que sont l’Etat et l’UE, tout en intégrant les enjeux

mondiaux.

Les relations avec le secteur privé recouvrent plusieurs aspects. La relation entre les territoires

urbains et les délégataires de service public s’annonce comme un des grands enjeux des années à

venir, alors que les stratégies de chacun devront être redéfinies lors du renouvellement des contrats

de concession et dans un contexte de libéralisation du marché de l’énergie. La relation avec les

bailleurs sociaux peut être un autre exemple de relations avec le secteur privé, faisant le lien entre

territoires urbains et citoyens, les bailleurs sociaux étant un des acteurs de la lutte contre la précarité

énergétique.

Les relations entre les territoires urbains et les citoyens sont un enjeu majeur dans le débat sur la

gouvernance énergétique, notamment en matière de changement des comportements mais aussi,

on peut l’imaginer, dans le choix du mix énergétique, et dans les prises de décisions pour le

fonctionnement d’une ville au quotidien.

Les relations des territoires urbains avec les autres territoires, essentiellement ruraux, sont

également au cœur des débats. La question de la répartition des rôles et des compétences de chacun

au sein de la chaîne de production et de consommation d’énergie se pose avec une acuité

particulière. Les relations avec les départements et les régions entrent également dans le débat. Il

s’agit également d’interroger la cohérence des politiques menées par les niveaux infranationaux en

articulation avec celles menées à des échelles supérieures.

Enfin, les relations des territoires urbains avec l’Etat, l’Europe ou la communauté internationale,

doivent prendre en compte, outre une approche juridique et de complémentarité des politiques, une

dimension prospective et stratégique.

En somme, le contexte actuel, marqué par de multiples évolutions juridiques et par une très forte

contrainte économique et budgétaire, offre de nombreuses opportunités aux territoires urbains,

encouragés à repenser leur politique de l’énergie et à redéfinir leur rôle et leur positionnement en la

matière.

Pour répondre à la question « Entre autonomie et solidarités territoriales, quelle gouvernance

énergétique dans les territoires urbains ? », le présent rapport s’attachera donc à rappeler l’évolution

historique et le cadre juridique applicable aux compétences en matière d’énergie (I), avant de

présenter un état des lieux des pratiques et réflexions en cours sur la base d’un échantillon de

territoires urbains (II). Il proposera ensuite les arbitrages essentiels à destination des territoires

s’interrogeant sur la mise en place d’une telle politique (III), avant d’évoquer les grands débats et

enjeux qui se posent actuellement en matière de gouvernance énergétique du point de vue des

territoires urbains (IV).

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14

La gouvernance énergétique : approche historique et cadre juridique actuel

1. L’évolution de la gouvernance énergétique en France

1.1. Une question énergétique historiquement abordée sous l’angle de la distribution

des énergies

Au cours du 20ème siècle, l’enjeu majeur en France est d’assurer la distribution de l’énergie (gaz,

électricité, chaleur) sur l’ensemble du territoire et de veiller à la qualité du service public.

1.1.1. Le rôle et la place des collectivités a connu de fortes évolutions en matière de

distribution d’énergie

A partir de la loi municipale de 1884 puis avec la loi sur les distributions d’énergie du 15 juin 1906, les

collectivités ont assuré le service public de distribution d’électricité et de gaz. Celui-ci s’est effectué

soit par le biais de concessions publiques à des compagnies ou à des entreprises d’énergie, soit en

régie. Très vite, les communes concédantes se sont organisées en syndicats intercommunaux. Elles se

sont regroupées au sein de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR)

en 1934. Elles ont ainsi optimisé leurs capacités techniques, financières et de défense de leurs

intérêts au niveau national.

Lors de la nationalisation des compagnies d’énergie en 1946 – à l’exception de certains distributeurs

dits non nationalisés (DNN) - et de la création d’EDF GDF, les élus locaux, notamment ruraux, et la

FNCCR ont résisté à une prise en main complète du système par l’Etat. Les communes sont restées

propriétaires des réseaux de moyenne et basse tension et ont eu la possibilité de maintenir les régies

communales existantes. Dans les faits, la concession à EDF-GDF a été majoritaire (95% des cas).

Avec les vagues de décentralisation et la libéralisation du marché de l’énergie en Europe à partir de

1996, le rôle des collectivités a connu de nouvelles évolutions.

Dès les années 1990, les collectivités se sont saisies de la question de l’énergie avec le

renouvellement des contrats de concession passés dans les années 1920. La FNCCR et EDF GDF ont

alors négocié la mise en place d’un nouveau modèle de contrat de concession pour le gaz et pour

l’électricité. A cette occasion, les décideurs des grandes villes ont manifesté l’intérêt pour les

territoires urbains de se saisir des politiques énergétiques et de prendre une part plus importante

dans les débats nationaux.

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15

La transposition de deux directives européennes6 en droit français a concrétisé l’ouverture du

marché de l’énergie. Pour l’électricité, cela s’est traduit par la séparation de la fonction de gestion du

réseau de distribution (création d’ERDF), de la production et de la fourniture (EDF)7. Le transport à

haute tension (HT) et très haute tension (THT) a été confié à réseau de transport d’électricité (RTE),

société anonyme filiale à 100% d’EDF. Ainsi, depuis 2004, les collectivités ont la possibilité soit de

changer de fournisseur, soit de continuer à se fournir auprès d’EDF et de continuer à bénéficier des

tarifs règlementés.

Source : FNCCR

La même évolution a concerné le gaz naturel, avec la séparation organique entre GDF, GRDF et GRT

Gaz pour le transport et l’approvisionnement en gaz naturel.

En ce qui concerne les réseaux de chaleur, une plus grande stabilité dans leur mode de gestion est

observée. Apparus dans les années 1930, ils n’ont pas fait l’objet d’une nationalisation après guerre.

Leur gestion, concédée à des entreprises privées, a été réglementée dans les années 1980 puis

assouplie par les lois Grenelle. Les collectivités se saisissent aujourd’hui de ce levier d’action pour

mener des politiques de distribution d’énergie sur leurs territoires.

A titre de conclusion, la thèse de Guillaume Bouvier8 sur les enjeux géopolitiques de la distribution

d’électricité peut être reprise : il parle d’un « transfert de la charge affective et de paternité du

service public » d’EDF-GDF vers les collectivités locales. Il estime ainsi que les collectivités et leurs

syndicats se repositionnent en « gardiens du service public9 ».

6 Directive européenne du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de

l'électricité ; Directive européenne du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel 7 Loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières

8 BOUVIER Guillaume, Enjeux géopolitiques autour de la distribution d’électricité en France, Hérodote, n°111,

2003/3 9 Le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 111-52 du Code de l'énergie qui

définit les gestionnaires des réseaux de distribution autorisés effectué par le comité de liaison des énergies renouvelable (Cler) en juin 2012 va dans ce sens. L’association conteste la situation de « monopole quasi absolu d'EDF » sur la distribution et la fourniture d'électricité. Elle estime qu’elle empêche les collectivités locales « d'exercer un véritable contrôle démocratique des réseaux ».

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1.1.2. La distribution d’énergie est fondée sur des principes de solidarité financière et

territoriale ainsi que de péréquation

Tout d’abord, le développement de syndicats intercommunaux d’énergie est l’expression de

solidarités territoriales au niveau local. Ces structures permettent notamment la mise en commun et

la redistribution des redevances perçues au niveau de la structure. Nombreuses sont les villes-centre

(grandes ou moyennes) qui ont choisi de ne pas être adhérentes aux syndicats intercommunaux. Cela

s’explique soit parce qu’historiquement cette compétence était assurée par une Entreprise Locale de

Distribution (ELD) ou un Distributeur Non Nationalisé (DNN), soit parce que le mode de gouvernance

au sein des syndicats (une commune est égale à une voix) et le mode de calcul des redevances de

concessions n’était pas le plus avantageux pour ces villes-centre. La loi du 7 décembre 2006 a

cherché à simplifier et à renforcer la solidarité territoriale en favorisant la départementalisation des

syndicats par le biais de redevances de concession plus importantes.

Ensuite, le modèle de distribution d’énergie en France s’est construit sur des principes de solidarité

financière et de péréquation entre les territoires urbains et ruraux. Ces principes sont fondés sur un

objectif d’aménagement du territoire puis de qualité du service public.

Ainsi, les communes placées en « régime rural », généralement organisées en syndicats

intercommunaux, détiennent la maîtrise d’ouvrage pour les travaux d’extension et de renforcement

des réseaux. Cela leur confère un pouvoir politique important puisque les représentants des

communes auprès des syndicats décident de la programmation des investissements et de la conduite

des travaux. Ces travaux sont, quant à eux, financés par des taxes et des redevances versées par EDF,

dont le Fonds d’amortissement des Chargés d’électrification (FACé), créé en 1936. Dans le cadre du

« régime urbain », le concessionnaire (ERDF, GRDF, etc.) dispose de la maîtrise d’ouvrage et du

financement des travaux, le pouvoir de décision des collectivités étant moindre.

A partir de 1946, les compagnies d’énergies ont été nationalisées. EDF-GDF a alors mené une

politique de développement des réseaux sur l’ensemble du territoire. Une fois l’objectif de maillage

du territoire en infrastructures atteint, un système de péréquation nationale des tarifs a été mis en

place. Dans ce contexte, le FACé aurait pu être supprimé mais l’action des élus locaux et de la FNCCR

a contribué à son maintien. La réforme de ce fonds, transformé en compte d’affectation spéciale

avec la loi de finance rectificative pour 2011, a relancé le débat sur le système de solidarité financière

entre les territoires ruraux et urbains en matière d’énergie. 10

10

Le montant global annuel des transferts urbain / rural est évalué à 1,35 milliard d’euros, soit 1 milliard

d’euros venant des recettes issues du tarif d’acheminement (10% du TURPE), auquel s’ajoutent 350 millions

venant du FACé et du fonds de péréquation de l’électricité (FPE). Cf. Synthèse du séminaire du 8 juin 2011,

Repères et enjeux de la distribution d’électricité. Dialogue avec ERDF, ACUF/AMGVF/ERDF.

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1.2. Les territoires urbains au cœur des nouveaux enjeux énergétiques

1.2.1. La politique énergétique : une réponse aux enjeux climatiques, environnementaux et de

développement durable

A partir des années 1970, la hausse des prix des énergies fossiles, leur raréfaction puis le

développement des enjeux environnementaux et de développement durable ont transformé les

enjeux de la politique énergétique. La maîtrise de l’énergie et le développement des énergies

renouvelables sont devenus des outils de lutte contre le changement climatique11.

Toutefois, ces enjeux sont parfois contradictoires avec la politique de distribution de l’énergie décrite

précédemment. En effet, en termes économiques, la politique de distribution de l’énergie est fondée

sur l’offre et sur l’abondance de la ressource. Dans le même temps, les politiques de maîtrise de

l’énergie sont fondées sur la demande et supposent des changements de comportements. L’enjeu du

service public de l’énergie est donc de rapprocher ces deux conceptions.

Dans ce cadre, la mise en place d’une politique énergétique décentralisée est valorisée : d’une part,

le rapprochement du lieu de production de l’énergie de son lieu de consommation est jugé

responsabilisant, d’autre part, le caractère transversal de l’action locale (aménagement, urbanisme,

transport, etc.) plaide pour une approche globale de la question de l’énergie.

1.2.2. Des territoires urbains en développement et fortement impactés

Les territoires urbains jouent un rôle prépondérant dans la mise en place de politiques de lutte

contre le changement climatique et de maîtrise de l’énergie. En effet, aujourd’hui, en France, 80% de

la population vit en milieu urbain. Les modes de vies sont fortement tournés vers les villes-centres

que ce soit pour l’emploi ou pour une partie des loisirs. Dans ce contexte, les collectivités urbaines

jouent un rôle majeur dans les politiques de développement durable : elles agissent, à travers leur

Plan local d’urbanisme (PLU), en faveur de la densification de l’habitat, elles développent des

politiques de réseau (assainissement, eau, chauffage, éclairage, transport en commun, etc)

responsables à une échelle métropolitaine. Elles se dotent peu à peu d’une ingénierie de qualité dans

l’ensemble de ces domaines. Malgré tout, les collectivités urbaines ne disposent pas de la maîtrise

complète de leur réseau d’énergie comme c’est le cas pour l’eau ou pour les transports, ce qui

constitue pour elles un obstacle au développement de politiques énergétiques globales.

1.2.3. Un paysage institutionnel en évolution

A l’heure actuelle, on compte une multitude d’acteurs impliqués dans les politiques énergétiques au

niveau local. Historiquement les communes, les syndicats intercommunaux et/ou départementaux

jouent un rôle majeur en tant que propriétaires des réseaux. Les départements mènent également

des actions dans le domaine de l’énergie, au regard de leurs compétences sociales (financement

d’actions sur la précarité énergétique) ou d‘aménagement du territoire.

11

Pour rappel : tenue régulière de sommets mondiaux sur le climat, adoption du paquet énergie climat au niveau de l’Union européenne, lois Grenelle en France.

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Avec la décentralisation, de nouveaux acteurs émergent dans le paysage institutionnel français et

leur rôle en matière de politique énergétique se développe. Les régions mènent par exemple des

actions de planification stratégique avec la construction de divers schémas (schémas éoliens,

schémas air énergie climat) ou encore de développement de filières économiques liées à l’énergie.

Les intercommunalités, quant à elles, mettent en place une politique énergétique dans le cadre de

leurs compétences propres (aménagement, etc.) ou en vertu de compétences expresses12. Les

mesures d’achèvement de la carte intercommunale et de création des métropoles inscrites dans la

loi du 16 décembre 2010 renforcent leur légitimité d’action.

Le paysage de la politique énergétique au niveau local reste toutefois complexe et en évolution

constante. La nouvelle équipe gouvernementale qui a pris ses fonctions en mai-juin 2012 a prévu de

mener un débat national sur la politique énergétique au second semestre 2012. Il s’agira ainsi

d’interroger le type, les sources et la quantité d’énergie que nous souhaitons consommer ainsi que le

mode de gouvernance qui correspond aux besoins définis. En parallèle de ce débat, des discussions

sur un nouvel acte de la décentralisation seront lancées. Dans ce contexte, la détermination du

positionnement des territoires urbains se posera avec une acuité particulière.

12

Ex : la compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande en énergie » peut être adoptée par les communautés d’agglomération depuis la loi Pope du 13 juillet 2005. Elle est obligatoire pour les nouvelles communautés urbaines créées après la loi dite « Chevènement » de 1999.

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2. Analyse du cadre juridique applicable aux communes, communautés

d’agglomération et communautés urbaines en matière d’énergie

Comme détaillé précédemment, la politique énergétique française s’est historiquement construite à

un niveau national, surtout après 1946. A ce titre, le rôle des opérateurs nationaux et de l’Etat a

longtemps été primordial. Cependant, les collectivités et en particulier les communes ont conservé

certaines prérogatives, que des lois récentes ont renforcées, dans un contexte de libéralisation du

marché de l’énergie et de mise en avant de la nécessité de lutter contre le changement climatique.

2.1. Les compétences « maitrise de la demande d’énergie » et « soutien aux actions de

maîtrise de la demande d’énergie »

La maîtrise de la demande d’énergie peut se définir comme la réduction de la consommation

d’énergie en général, et particulièrement les énergies non renouvelables. Elle est souvent illustrée

par le scénario dit «negaWatt»13, qui consiste à réduire les consommations d’énergie d’abord par des

mesures de sobriété énergétique (réduire la consommation d'énergie des particuliers en modifiant

leurs habitudes et leurs pratiques), puis par des mesures d’efficacité énergétique (modifier ou

remplacer les infrastructures utilisées pour vivre (bâtiments, véhicules, systèmes de chauffage, ...),

enfin par la substitution des énergies fossiles par des énergies renouvelables.

Les collectivités compétentes en matières de distribution publique d’énergie - en premier lieu les

communes - peuvent réaliser des actions tendant à la maîtrise de la demande d’énergie des

consommateurs d’électricité, lorsque ces actions sont de nature à éviter ou différer l’extension ou le

renforcement des réseaux publics de distribution d’électricité, ou pour le compte de personnes en

situation de précarité (article L.2224-34 du CGCT).

La loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique française

(dite loi POPE) a introduit une nouvelle compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande

d’énergie » dans les intercommunalités.

La compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie » figure parmi les

compétences optionnelles des communautés de communes et communautés d’agglomération, en

s’ajoutant à la compétence « protection et mise en valeur de l'environnement et du cadre de vie «

(article L.5216- 5 du CGCT).

Dans les communautés urbaines issues de la loi du 12 juillet 1999, le « soutien aux actions de

maîtrise de la demande d'énergie » faisant partie de la compétence « protection, mise en valeur de

l'environnement et politique du cadre de vie », figure parmi les compétences obligatoires (article

L.5215-6-20 du CGCT). La compétence n’est pas obligatoire pour les communautés urbaines existant

à la date de promulgation de la loi du 12 juillet 1999.

13

Cf. infra.

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Tableau récapitulatif :

Communes Communautés

de communes

Communautés

d’agglomération

Communautés

urbaines

Métropoles

Compétence

Maîtrise de

la Demande

en Energie

Compétence optionnelle :

ces collectivités ont la possibilité de mener des actions en ce sens

Communautés

de communes

Communautés

d’agglomération

Communautés

urbaines

Métropoles

Compétence

Soutien aux

actions de

maîtrise de

la demande

d’énergie

Compétence optionnelle

(art L.5215-6-20 du CGCT)

Compétence obligatoire

(art L.5215-6-20 du CGCT), sauf pour les CU

créées avant la loi du 12 juillet 1999

La compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie », ne devrait pas être

confondue avec la possibilité pour une collectivité de mettre en œuvre des « actions » de maîtrise de

la demande d’énergie au sens strict. En effet, cette compétence offrirait l’opportunité, pour une

intercommunalité, de soutenir les actions réalisées par ses membres et par d’autres acteurs du

territoire (population, entreprises, administrations…), à travers des opérations d’animation, de

coordination, de mise à disposition de moyens humains/logistiques/financiers…

En d’autres termes, en se dotant de la compétence «soutien aux actions de maîtrise de la demande

d’énergie », l’intercommunalité n’aurait pas vocation à se substituer à ses membres ou aux autres

acteurs identifiés pour la réalisation concrète des actions de maîtrise de la demande d’énergie.

De même, se pose ici la question de la définition précise de la compétence, ce qui n’a pas été

apporté par la législation nationale et laisse donc une marge de manœuvre importante aux

collectivités territoriales dans la définition de cette compétence, en fonction de la configuration et

des spécificités propres à chacune d’elles (ex : coordination globale des actions déjà existantes,

impulsion d’études globales, soutien aux actions qui dépassent le cadre des compétences propres de

l’EPCI, soutien aux actions que la communauté ne peut pas réaliser elle-même, etc.). En revanche, il

est à noter qu’aucune ressource financière n’est directement rattachée aux compétences « maîtrise

de la demande en énergie » et « soutien aux actions de maîtrise de la demande en énergie ».

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2.2. Le rôle d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité et de gaz.

Depuis la loi municipale de 1884 et la loi de 1906 sur les distributions d’énergie, les communes sont

responsables de la distribution publique d’énergie. En ce qui concerne le gaz et l’électricité, les

communes sont donc les propriétaires des réseaux de distribution d’électricité ou de gaz et à ce titre

en assurent la gestion, qui est presque systématiquement déléguée à un opérateur public ou privé, à

travers un contrat de concession14.

Comme indiqué plus haut, ERDF est concessionnaire de 95% du réseau d’électricité métropolitain

continental. Toutefois il existe aussi environ 170 distributeurs non nationalisés (DNN), aussi appelés

entreprises locales de distribution (ELD), le plus souvent contrôlées par les communes. Les cas les

plus emblématiques sont le groupe Electricité de Strasbourg (à travers sa filiale ES Réseaux), Gaz

Electricité de Grenoble (GEG) ou Gaz de Bordeaux15.

Le marché du gaz fonctionne selon le même modèle. Gaz Réseau Distribution France (GRDF) couvre

95% du territoire français au côté d’autres distributeurs qui sont soit des ELD publiques soit des

sociétés privées plus récentes.

Cette compétence d’autorité organisatrice de la distribution (AOD) peut cependant :

- être exercée par un syndicat intercommunal au nom de ses communes membres,

- être transférée par les communes membres à un EPCI à fiscalité propre, ce qui concerne

au premier chef les communautés d’agglomération et les communautés urbaines,

- être exercée par un conseil général de manière directe (cas de la Sarthe et du Loiret, pour

des raisons historiques).

2.2.1. Rôle et obligations d’une AOD

Le code général des collectivités territoriales (CGCT) détaille le rôle et les obligations des AOD16.

Propriétaire du réseau moyenne et basse tension d’électricité17 et du réseau de distribution de gaz

naturel, l’AOD, autorité concédante, délègue la gestion du service public à un concessionnaire au

travers d’un contrat de concession et contrôle la bonne réalisation de celui-ci.

14

Certaines communes conservent une gestion en régie de la distribution, comme la ville de Loos (59) pour

l’électricité. 15

Distribution de gaz uniquement, la distribution d’électricité ayant été confiée à ERDF. 16

Nous nous concentrerons ici sur l’électricité, cœur des enjeux actuels. 17

En matière d’électricité, les réseaux haute tension (HT) et très haute tension (THT) sont en revanche la

propriété de Réseau de transport d’électricité (RTE), gestionnaire du réseau de transport et société anonyme

filiale à 100% d’EDF. Concernant le gaz naturel, GRTGaz joue le même rôle et assure les prestations

d’acheminement pour le compte des expéditeurs de gaz naturel sur le marché français ou traders négociant

l’achat-vente de gaz naturel sur les marchés européens. GRTGaz est une société anonyme détenue à 75% par

GDF-Suez et à 25% par la société d’infrastructures gazières, consortium public composé de CNP Assurances, de

CDC Infrastructure et de la Caisse des dépôts.

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L’article L.2224-31 du CGCT

« Sans préjudice des dispositions de l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la

nationalisation de l'électricité et du gaz, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics

de coopération, en tant qu'autorités concédantes de la distribution publique d'électricité et de gaz en

application de l'article 6 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de l'article 36 de la

loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, négocient et concluent les contrats de concession, et exercent

le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les

autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions.

Les autorités concédantes précitées assurent le contrôle des réseaux publics de distribution

d'électricité et de gaz. A cette fin, elles désignent un agent du contrôle distinct du gestionnaire du

réseau public de distribution ».

L’acte de concession se compose :

- d’une convention marquant l’accord de l’AOD et du concessionnaire,

- d’un cahier des charges fixant les droits et les obligations des deux parties.

L’AOD est propriétaire des réseaux. Le concessionnaire, quant à lui, utilise ces réseaux à des fins

commerciales. A ce titre, le cahier des charges prévoit que le concessionnaire verse tous les ans une

redevance de concession à l’AOD. Celle-ci est calculée selon deux termes :

- le terme R1, dit « de fonctionnement », calculé à partir des critères physiques de la

concession que sont les populations desservies et les différentes longueurs par nature de

réseaux,

- le terme R2, dit « d’investissement », calculé en prenant en compte les investissements

effectués par les collectivités sur le réseau concédé, l’année n-2.

Par ailleurs, le cahier des charges fixe les obligations du concessionnaire, notamment en termes

d’investissements à réaliser sur le réseau. Il détaille également certains objectifs de qualité, comme

le temps de coupure.

Pour ce qui concerne l’électricité, la fédération nationale des collectivités concédantes et régies

(FNCCR) fournit un modèle de cahier des charges de concession pour le service public du

développement et de l’exploitation du réseau de distribution d’électricité, négocié avec ERDF.

L’objectif du contrôle du concessionnaire effectué par l’AOD est avant tout d’effectuer un suivi des

investissements réalisés, le concessionnaire étant tenu de transmettre aux autorités concédantes un

compte-rendu de la politique d’investissement et de développement des réseaux d’électricité et de

gaz.

Le contrôle du concessionnaire s’effectue de manière continue, en fonction des travaux effectués ou

des besoins exprimés par les élus ou les usagers, ou de manière annuelle, sur la base du Compte-

rendu annuel d’activité du concessionnaire (CRAC). Ce contrôle annuel porte sur le patrimoine

(valeur nette comptable, durée de vie résiduelle notamment), le nombre d’usagers au prix de marché

et au tarif réglementé, le nombre d’usagers en difficulté financière, la relève des compteurs, le

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service aux usagers ou la qualité de l’énergie distribuée. Le CRAC reprend ainsi les principaux

éléments du compte d’exploitation, et fournit une information sur la bonne exécution du service et

le niveau de qualité qui en résulte (temps de coupures, incidents réseaux, évolution du patrimoine

concédé…), ainsi que des perspectives d’évolution du réseau et du service. Tous ces éléments, y

compris financiers, doivent être présentés à l’échelle du territoire concédé. L’autorité concédante

valide ou non ce document.

Par ailleurs, en matière de distribution d’électricité, concernant la maîtrise d’ouvrage des travaux à

réaliser, il convient de distinguer deux régimes juridiques. Le régime « électrification rurale » (ER) se

distingue du régime « urbain » par la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage des travaux de réseaux

de distribution. Dans le régime ER, la maîtrise d'ouvrage et le financement des investissements sur le

réseau sont à la charge de la commune ou de l’entité à qui la commune a délégué cette maîtrise

d'ouvrage :

- syndicat d'électrification rurale regroupant plusieurs communes,

- syndicat départemental,

- régie autonome,

- Société d’Intérêt Collectif Agricole d’Electricité (SICAE),

- Société d’Economie Mixte (SEM).

Dans le régime « urbain », la maîtrise d'ouvrage des travaux d’extension et de renforcement des

réseaux électriques et leur financement sont en totalité à la charge du distributeur (ERDF, régie,

SICAE ou SEM).

Enfin, les travaux sur le réseau du gaz naturel répondent à une logique encore différente.

Contrairement à l’électricité, pour laquelle il existe une obligation de raccordement, le réseau de gaz

naturel se construit en effet après étude du taux de rentabilité de la zone concernée par GRDF, qui

prend ensuite la décision d’étendre le réseau de gaz naturel. Cette rentabilité diffère selon la densité

d’habitants au mètre carré ou selon le coût du raccordement au gaz. Cela expliquen explique ainsi la

plus grande hétérogénéité du réseau de gaz naturel.

2.2.2. Lien entre AOD et politiques de la maîtrise de la demande en énergie

Comme indiqué plus haut, la gouvernance mise en place dans les années 1930 et 1940 avait pour

objectif d’assurer l’électrification des campagnes françaises et leur raccordement au réseau de gaz

naturel.

En conséquence, en matière d’électricité par exemple, le rôle des AOD, signataires des contrats de

concession, était avant tout de contrôler l’état du réseau et de suivre les investissements réalisés sur

le réseau par le concessionnaire, pour atteindre cet objectif d’électrification du territoire.

Ensuite, les enjeux concernant le réseau ont commencé à évoluer. En milieu rural, l’objectif est

aujourd'hui de plus en plus d’assurer l’enfouissement des lignes électriques pour des raisons

esthétiques mais surtout pour sécuriser le raccordement des communes isolées. En milieu urbain,

commence à se poser avec de plus en plus d’acuité la question du renouvellement de réseaux

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construits pour la plupart au début du siècle. La qualité du réseau reste donc un enjeu primordial

pour les AOD.

Toutefois, le rôle des AOD (communes comme syndicats intercommunaux), pourrait évoluer pour

prendre en compte les enjeux d’économies d’énergie et de lutte contre le changement climatique.

Ainsi, depuis les lois consécutives au Grenelle de l’environnement, le concessionnaire du réseau est

aussi tenu de communiquer les « données permettant d'élaborer et d'évaluer les schémas régionaux

du climat, de l'air et de l'énergie et les plans climat-énergie territoriaux […] ainsi qu'un bilan détaillé

de la contribution du concessionnaire aux plans climat-énergie territoriaux qui le concernent18 ». Les

concessionnaires vont donc être conduits à s’investir de plus en plus dans la lutte contre le

changement climatique et la maîtrise de la demande en énergie.

En outre, les AOD disposent de leviers pour inciter leur concessionnaire à investir, non seulement

pour renforcer le réseau, mais aussi pour contribuer à maîtriser la demande énergétique.

Ainsi, selon l’article L.2224-34 du CGCT, « les collectivités territoriales, les établissements publics de

coopération intercommunale ou les syndicats mixtes compétents en matière de distribution publique

d'énergies de réseau peuvent, de manière non discriminatoire, réaliser des actions tendant à maîtriser

la demande d'énergies de réseau des consommateurs finals ou faire réaliser, dans le cadre des

dispositions de l'article L.2224-31 [i.e. via le contrat de concession de distribution], des actions

tendant à maîtriser la demande d'énergies de réseau des consommateurs desservis en basse tension

pour l'électricité ou en gaz, lorsque ces actions sont de nature à éviter ou à différer, dans de bonnes

conditions économiques, l'extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution d'énergies

de réseau relevant de leur compétence ».

La logique est ici inversée : au lieu de renforcer le réseau pour répondre à une demande énergétique

croissante, les AOD peuvent réaliser, ou faire réaliser par leur concessionnaire de distribution

d’énergie, des actions pour agir sur la demande elle-même, ceci afin d’éviter de réaliser des

investissements supplémentaires. Les concessionnaires peuvent donc trouver un intérêt financier à

investir dans les économies d’énergie, car cela peut leur permettre d’éviter de nouveaux

investissements. Compte-tenu du fait qu’en régime urbain le concessionnaire est maître d’ouvrage

des travaux à réaliser et en supporte le coût, cela concerne tout particulièrement les territoires

urbains. A notre connaissance, les autorités concédantes ne semblent pas encore, à ce jour, s’être

saisi pleinement de cette possibilité ouverte par le CGCT.

De plus, « ces actions peuvent également tendre à maîtriser la demande d'énergies de réseau des

personnes en situation de précarité » : les AOD peuvent donc contribuer à lutter contre la précarité

énergétique. Les AOD « peuvent notamment apporter leur aide à ces consommateurs en prenant en

charge, en tout ou partie, des travaux d'isolation, de régulation thermique ou de régulation de la

consommation d'énergies de réseau, ou l'acquisition d'équipements domestiques à faible

consommation ».

18

Article L2224-31 et décret n°2011-1554 du 16 novembre 2011.

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Enfin, l’article L.2224-33 du CGCT fait le lien entre la production d’énergie de proximité et l’extension

ou le renforcement des réseaux d’électricité. Ainsi, « dans le cadre de la distribution publique

d'électricité, et sous réserve [d’autorisation], les autorités concédantes de la distribution d'électricité

[…] peuvent aménager, exploiter directement ou faire exploiter par leur concessionnaire de la

distribution d'électricité toute installation de production d'électricité de proximité d'une puissance

inférieure à un seuil fixé par décret, lorsque cette installation est de nature à éviter, dans de bonnes

conditions économiques, de qualité, de sécurité et de sûreté de l'alimentation électrique, l'extension

ou le renforcement des réseaux publics de distribution d'électricité relevant de leur compétence ».

Les AOD peuvent donc jouer un rôle allant au-delà du seul contrôle de l’activité du concessionnaire

et jouer un rôle moteur en matière de stratégie énergétique. Elles peuvent également impliquer leur

concessionnaire, ERDF la plupart du temps pour l’électricité, dans des politiques de maîtrise de

l’énergie.

Dès lors, l’exercice de ce pouvoir de contrôle peut devenir crucial à l’avenir. Cela implique d’agir à

une échelle pertinente et nécessite des moyens conséquents pour que ce contrôle soit efficace.

2.3. La compétence « réseaux de chaleur urbains »

On appelle réseau de chaleur ou chauffage urbain, un ensemble d’installations qui produit et

distribue de la chaleur à plusieurs personnes morales pour le chauffage et/ou l’eau chaude sanitaire.

Pouvant être alimenté par des énergies fossiles comme par des énergies renouvelables, le réseau de

chaleur se distingue d’un réseau technique (ex : chaufferie), dans la mesure où ce dernier ne dessert

le ou les bâtiments que d’un seul client.

La loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur

dispose que, dans le cadre de la gestion de réseaux de chaleurs, les communes peuvent instituer un

service public local de distribution de l'énergie calorifique. Il s'agit bien d'une compétence

optionnelle et non exclusive, des réseaux pouvant être créés par d'autres acteurs, y compris par des

acteurs privés.

En vertu de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique

française (dite loi POPE), la compétence « réseaux de chaleur urbains » peut être transférée par la

commune à un groupement de collectivités. Il est à noter que cette prise de compétence peut être

limitée à un quartier, les communes pouvant ainsi continuer à exercer directement l’autorité en

matière de réseaux de chaleur sur d’autres périmètres.

Dans la pratique, peu de collectivités assurent elles-mêmes, en régie, la construction et l'exploitation

du chauffage urbain, les modes de gestion privilégiés étant l’affermage ou la concession.

L’autorité compétente en matière de distribution de chaleur organise le service et veille à son bon

fonctionnement et à sa bonne gestion tout au long de la vie du réseau. Ainsi, celle-ci est amenée à :

- définir le périmètre à l’intérieur duquel le réseau se développe,

- définir les caractéristiques techniques de la production de chaleur,

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26

- choisir le mode de financement, d’exploitation et l’opérateur du réseau,

- élaborer et signer les actes (notamment les contrats) nécessaires à la mise en œuvre de ses

décisions,

- contrôler la bonne exécution des contrats

- analyser chaque année les documents d’exploitation,

- organiser la concertation et l’information des usagers et tenir à la disposition du public les

documents réglementaires,

- négocier les éventuelles modifications (changement d’installations, de mode d’exploitation,

modernisation ou extension du réseau, évolution de la tarification, diversification de la

production de chaleur…).

La procédure de délégation de service public est réglementée et assure une mise en concurrence des

opérateurs. L’opérateur énergétique, gestionnaire du réseau primaire, est désigné par la collectivité,

autorité organisatrice du service, en fonction des modalités de réalisation et de gestion qu’elle a

choisies. Dans le cas d’une délégation, les contrats d’affermage ou de concession signés entre la

collectivité et l’opérateur précisent le rôle, les responsabilités et les engagements de chacun.

Quel que soit le mode de gestion choisi par la collectivité, l’opérateur, gestionnaire du réseau, est

responsable de la bonne exécution du service.

Enfin, des contrats d’abonnement sont signés entre l’opérateur (gestionnaire du réseau) et les

gestionnaires des bâtiments (ses abonnés). Ces contrats de droit privé précisent l’ensemble des

conditions de fourniture de la chaleur ; ils reprennent les règles du contrat de délégation établi entre

la collectivité et l’opérateur.

Récemment, les lois Grenelle 1 et 2 ont apporté des avancées significatives concernant la gestion

des réseaux de chaleur, favorables au développement de cette compétence par les collectivités :

- la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de

l'environnement (dite Grenelle I) a institué un « Fonds chaleur renouvelable ». Géré par

l’ADEME, ce fonds a pour objectif de soutenir la production de chaleur à partir de sources

renouvelables ou de récupération. Les secteurs concernés sont l’habitat collectif, le tertiaire

et l’industrie.

- la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite Grenelle II)

a réformé la procédure de classement des réseaux de chaleur et de froid instituée par la loi

du 15 juillet 1980. Désormais, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités

peut classer un réseau de distribution de chaleur et de froid existant ou à créer situé sur son

territoire sous certaines conditions. Le classement permet de rendre obligatoire le

raccordement à un réseau de chaleur en accompagnant le développement des énergies

renouvelables et de récupération et donc de conforter la politique de la collectivité en ce

sens.

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27

2.4. L’implication des territoires urbains en matière de production d’énergie.

En matière de production d’énergie, les villes et EPCI à fiscalité propre disposent de plusieurs leviers.

Tout d’abord, elles peuvent montrer l’exemple et agir sur leur patrimoine propre en installant des

panneaux photovoltaïques, en complément d’une politique d’efficacité énergétique de leurs

bâtiments. La loi Grenelle II de juillet 2010 donne ainsi la possibilité à toute personne morale

d’installer des panneaux photovoltaïques. Dans ce cas, la collectivité territoriale est considérée

comme n’importe quel acteur économique. L’électricité peut d’abord être produite pour les besoins

propres de la collectivité ou être injectée sur le réseau national. Dans ce cas, la collectivité bénéficie

de l’obligation de rachat par EDF de l’électricité produite. Cette production à partir du patrimoine

propre de la collectivité peut permettre dans certains cas de couvrir une part importante des besoins

énergétiques de la celle-ci.

Ensuite, en lien avec leur territoire, elles peuvent subventionner l’installation de panneaux

photovoltaïques par les entreprises et les particuliers, là aussi en complément d’aides à l’isolation et

à l’efficacité énergétique.

De plus, les collectivités urbaines disposent de moyens d’action indirects au travers de leurs

politiques opérationnelles, notamment en matière d’urbanisme ou d’habitat (cf. infra), pour inciter à

la production locale d’énergie. La connaissance du potentiel de production du territoire et les

documents de planification comme les schémas régionaux climat air énergie (SRCAE), les zones de

développement éolien (ZDE) ou d’autres schémas de développement des énergies renouvelables

peuvent aussi permettre de soutenir l’implantation de projets privés.

Surtout, depuis la loi POPE de 2005 et selon l’article L2224-32 du CGCT, les communes et les EPCI

peuvent aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter :

- toute nouvelle installation hydroélectrique d'une puissance maximale de 8 000 kVA,

- toute nouvelle installation utilisant les énergies renouvelables,

- toute nouvelle installation de valorisation énergétique des déchets ménagers ou assimilés,

- toute nouvelle installation de cogénération ou de récupération d'énergie provenant

d'installations visant l'alimentation d'un réseau de chaleur.

Juridiquement, les communes et leurs EPCI, y compris les communautés d’agglomération et les

communautés urbaines, peuvent ainsi intervenir de manière directe dans la production d’énergie

renouvelable, dans la valorisation énergétique des déchets ou dans la production de chaleur destinée

à un réseau de chaleur urbain.

Enfin, l’intervention des collectivités urbaines dans la production d’énergie peut se faire à travers des

opérateurs publics ou privés. Il convient ainsi de rappeler que certaines villes françaises comme

Strasbourg ou Grenoble contrôlent de manière directe des entreprises pouvant produire de l’énergie.

Ainsi le groupe ES (Strasbourg) a lancé en juin 2011 le chantier de la première centrale de production

d'énergie thermique issue de la géothermie profonde et à destination industrielle. ES a également

racheté cinq mini-centrales de production hydroélectriques. De même GEG (Grenoble) exploite

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28

notamment onze centrales hydroélectriques ainsi qu’un parc éolien. On peut aussi noter l’existence

à Toulouse d’une régie municipale de production d’électricité.

2.5. L’impact de la loi Grenelle II sur les collectivités territoriales en matière d’énergie19

La loi dite « Grenelle II » a fait évoluer de manière importante le cadre juridique en matière

d’énergie. La loi dite « Grenelle I », votée en août 2009, fixait pour sa part les grandes orientations et

affirmait trois grands objectifs :

- diviser par 4 les émissions de GES d’ici 2050,

- atteindre 23% d’énergies renouvelables, dans le cadre du « 3 fois 20 » européen,

- diminuer de 20% les consommations énergétiques.

La loi Grenelle II, promulguée en juillet 2010, avait pour but de mettre en œuvre ces grandes

orientations. Son impact sur les collectivités territoriales en matière d’énergie est résumé ci-dessous.

2.5.1. Impact interne

La loi Grenelle II a plusieurs conséquences pour les collectivités, sur le plan interne :

- obligation pour les collectivités de plus de 50 000 habitants (régions, départements, EPCI à

fiscalité propre, communes) de réaliser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre

(GES), portant à la fois sur leur patrimoine et sur leurs compétences ;

- extension du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE20) jusqu’à fin 2013 et

durcissement des obligations des fournisseurs d’énergie (EDF, GDF-Suez, Total, etc.) ;

- application d’une nouvelle norme thermique pour les bâtiments neufs, s’appliquant aux

bâtiments des collectivités locales.

2.5.2. Schémas et plans d’actions partenariaux

Plan climat énergie territorial (PCET)

Le dispositif de « Plan climat énergie territorial »(PCET) devient obligatoire pour les collectivités de

plus de 50 000 habitants et doit être réalisé d’ici fin 2012. Le PCET doit être compatible avec le SRCAE

19

Cf. à ce sujet les fiches Certu-ETD détaillant l’impact de la loi Grenelle II sur les collectivités

http://www.projetdeterritoire.com/index.php/Nos-publications/Fiches-decryptage-Grenelle 20

Les certificats d’économie d’énergie (CEE) ont été créés par la loi de programme 2005-781 du 13 juillet 2005

fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE). Complémentaire d’autres outils tels que le crédit

d’impôt, ce dispositif de promotion de l’efficacité énergétique (initialement dans le secteur du bâtiment)

consiste à fixer des objectifs d’économie d’énergie aux fournisseurs d’énergie (EDF, GDF, Total etc.) et à créer

un marché d’échange de certificats immatériels justifiant la réalité des économies réalisées. Ces certificats sont

délivrés par l’État et inscrits dans le registre national des CEE.

Pour les fournisseurs d’énergie, deux voies sont possibles pour obtenir des CEE :

- mettre en œuvre des actions qui donnent droit à des CEE en agissant sur leurs propres bâtiments et

installations ou en incitant leurs clients à réaliser des économies d’énergies ;

- acheter des CEE à d’autres acteurs, comme les collectivités locales, leur permettant ainsi de financer une

partie de leurs projets d’économies d’énergie.

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(schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie). Il se fonde notamment sur le bilan carbone de la

collectivité.

Un PCET comprend, outre les actions liées au patrimoine et à l’exercice des compétences de la

collectivité (volet interne), un volet externe axé sur les actions relevant de l’aménagement du

territoire, de la planification en matière d’urbanisme et portant sur la sensibilisation et la

mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux concernés par le plan climat (ménages, entreprises,

administrations, associations, etc.).

Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE)

Co-piloté par les régions et par l’Etat, le Schéma régional « Climat, Air, Energie » (SRCAE) est un

document stratégique faisant référence pour les actions territoriales en matière d’énergie et de

climat. Il a pour objectif de définir les grandes orientations et objectifs régionaux à l’horizon 2020 et

2050 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de maîtrise de la demande

énergétique, de développement des énergies renouvelables, de lutte contre la pollution

atmosphérique et d’adaptation au changement climatique.

2.5.3. Impact sur les compétences propres des collectivités territoriales

Tout d’abord, la loi Grenelle II touche indirectement les questions énergétiques, notamment en

matière de transports, avec l’expérimentation du péage urbain, et en matière de déchets, avec la

fixation d’un objectif de diminution de 15% de la quantité de déchets à enfouir ou incinérer.

Bâtiments et habitat

Ensuite, la loi Grenelle II fixe de nouvelles obligations en matière de consommation énergétique des

bâtiments. La loi Grenelle I a ainsi fixé un objectif ambitieux au niveau national de réduction de 38%

des consommations énergétiques du parc ancien à l’horizon 2020 et de réhabilitation de 800 000

logements sociaux parmi les plus consommateurs.

Sur le plan réglementaire, à partir de 2013, une nouvelle réglementation thermique s’appliquera aux

bâtiments neufs (norme bâtiment basse consommation –BBC- fixée à 50 kWh/m² par an, moyennant

certaines modulations régionales) et concernera les bâtiments publics mais aussi les logements

sociaux.

La loi instaure également une obligation de réaliser des travaux d’amélioration de la performance

énergétique des bâtiments tertiaires dans un délai de huit ans à compter de 2012, dont les bâtiments

dans lesquels s’exerce une activité de service public. Cela concerne donc les collectivités territoriales,

mais aussi leurs satellites.

Ces objectifs en matière de bâtiments et d’habitat constituent des opportunités d’intervention pour

les villes et les communautés d‘agglomération ou urbaines afin d’inciter et d’aider les particuliers à

améliorer la performance énergétique des bâtiments, d’où la création ou le renforcement d’espaces

info énergie et la création d’aides financières diverses par les collectivités territoriales.

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Urbanisme

L’urbanisme constitue un levier essentiel pour réduire les consommations énergétiques des

territoires urbains. La loi Grenelle II apporte plusieurs modifications :

- prise en compte des objectifs du développement durable dans les PLU : inscription d'objectifs

de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de maîtrise de l'énergie et de production

énergétique à partir de ressources renouvelables ainsi que de préservation des ressources

naturelles et de restauration des continuités écologiques (article L121-1 du code de

l'urbanisme) ;

- facilitation du développement des énergies renouvelables via le PLU : l’article L128-4 du

Code de l’urbanisme précise désormais que « toute action ou opération d’aménagement […]

doit faire l’objet d’une étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies

renouvelables de la zone, en particulier sur l’opportunité de la création ou du raccordement

à un réseau de chaleur ou de froid» ;

- le PLU peut à présent imposer aux constructions, travaux, installations et aménagement de

respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées (article L123-1,

14° du Code de l'urbanisme) ;

- la loi POPE du 13 juillet 2005 permet le dépassement du coefficient d'occupation des sols

(COS), dans la limite de 20 %, pour les constructions remplissant des critères de performance

énergétique élevée ou alimentées à partir d'équipements performants de production

d'énergie renouvelable ou de récupération. La loi Grenelle 2 étend ce dispositif à deux points

de vue: le dépassement maximal de densité passe à 30 % et le dépassement peut désormais

également porter sur les règles relatives au gabarit dans la même limite de 30 %.

L’enjeu général ici est bien de « construire la ville sur la ville », de densifier la ville, afin de réduire les

déplacements (moindres consommations d’énergie liées aux transports) et de réaliser des économies

d’énergie (ex : économies d’échelle, facilitation des réseaux de chaleur, meilleure isolation,

diminution de la longueur des réseaux, etc.)

Certaines règles d’urbanisme sont assouplies pour permettre le développement des énergies

renouvelables. La loi Grenelle II lève ainsi certains obstacles à la diffusion des énergies et de

matériaux renouvelables21, même si des restrictions restent possibles (ex : ZPPAUP). Par ailleurs, les

14 articles du PLU peuvent inciter au développement des énergies renouvelables, par exemple pour

prendre en considération le rayonnement solaire afin d’inciter au recours à l’énergie solaire, pour

prévoir que les équipements utilisant les techniques de production d’énergie renouvelable ne soient

pas pris en compte dans le calcul de la hauteur, pour définir des règles favorisant l’intégration

21

L’article 12 de la loi introduit un nouvel article (L 111-6-2 du Code de l’urbanisme) qui arrête que :

« Nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, le permis de construire ou d’aménager, ou la décision prise sur une déclaration préalable, ne pourra s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants... ». La liste des dispositifs, procédés et matériaux concernés est fixée par voie réglementaire. Des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant restent bien sûr possibles.

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architecturale des technologies solaires ou encore pour favoriser l’utilisation des toitures et façades

végétalisées.

Cela montre bien l’interpénétration des politiques publiques en matière d’énergie et l’importance

des questions d’urbanisme et d’habitat pour lutter contre le réchauffement climatique. De fait, les

territoires urbains sont les principaux concernés par les enjeux de réduction des consommations

d’énergie.

Réseaux de chaleur

La loi Grenelle II fait des réseaux de chaleur un outil essentiel pour maîtriser les émissions de GES (cf.

supra).

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3. Le cadre financier de la politique énergétique

Outre les aspects juridiques, le cadre financier de la politique de l’énergie tel qu’il existe aujourd’hui

et qu’il se développe mérite d’être rappelé, en ce qu’il offre certains leviers mais en ce qu’il

représente également parfois des blocages pour l’action des collectivités locales et plus précisément

des territoires urbains.

La question financière est d’autant plus importante que les réseaux semblent aujourd’hui fragilisés

par le manque d’investissements22. De plus, le modèle économique de l’énergie, fondé sur le

développement de la consommation d’énergie et le développement des réseaux, pourrait être remis

en cause dans le cadre d’une transition énergétique impliquant une baisse importante de la

consommation d’énergie.

3.1. Les ressources des territoires urbains en matière d’énergie : des outils anciens et

diversifiés

Les liens financiers entre contribuables, concessionnaires et autorités organisatrices de réseaux sont

multiples (redevances, taxes, etc.) et doivent être précisés.

Tout d’abord, plusieurs types de redevances sont versés par le concessionnaire à l’autorité

organisatrice de la distribution d’énergie :

- une redevance d’occupation du domaine public (art R.2333-105 du CGCT),

- une redevance dite « de fonctionnement » (R1) pour l’électricité et le gaz, en fonction de

critères physiques (longueur du réseau, population desservie…),

- une redevance dite « d’investissement » (R2) pour l’électricité et/ou le gaz, en fonction des

travaux réalisés en N-2. A noter : le calcul de cette redevance est plus favorable lorsque celle-

ci est perçue par une intercommunalité.

Ensuite, plusieurs taxes, payées par les contribuables au titre du service public de distribution

d’électricité et de gaz, sont également versées à l’Etat, aux autorités organisatrices de réseaux de

distribution d’électricité et de gaz ou à d’autres organismes (ex : la Caisse Nationale des Industries

Electriques et Gazières). Il existe ainsi quatre taxes sur l’électricité :

- la Contribution aux charges de service public de l’électricité (CSPE) est imputée directement

sur la facture du consommateur, en fonction de sa consommation (prix en centimes d’euros

par kwH). Elle sert notamment à financer les politiques nationales de soutien aux énergies

renouvelables ainsi que le tarif spécial en faveur des clients démunis ;

- la Contribution tarifaire d’acheminement (CTA), en pourcentage du prix d’acheminement, à

destination de l’assurance vieillesse des personnels des industries électriques et gazières ;

- les Taxes sur la Consommation Finale d’Electricité (TCFE), créées par la loi NOME de 2010, en

remplacement des anciennes taxes locales sur l’électricité (TLE). Conformément à l’article

22

Cf. Livre blanc de la FNCCR « Quel mode de gestion pour les services publics locaux de l’électricité ? », publié

en novembre 2011.

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L.2333-2 du CGCT, il est institué (à compter du 1er janvier 2011) une taxe communale sur la

consommation finale d’électricité au profit des communes ou, selon le cas, au profit des EPCI

ou des départements qui leur sont substitués au titre de leur compétence d’autorité

organisatrice de la distribution publique d’électricité visée à l’article L.2224-31 du CGCT. Les

TFCE dépendent de la puissance souscrite et d’un coefficient multiplicateur fixé et sont

votées avant le 1er octobre de chaque année par les assemblées délibérantes pour l’année

suivante. Pour 2012, le montant des TCFE est plafonné à 9,135 €/MWh pour les sites dont la

puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA.

- la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) : une TVA réduite à 5,5% s’applique sur le montant de

l’abonnement ainsi que sur la contribution tarifaire d’acheminement.

Une TVA à 19,6% s’applique sur le montant des consommations ainsi que sur la contribution

aux charges de service public de l’électricité et sur les Taxes sur la Consommation Finale

d’Electricité (TCFE).

Il existe par ailleurs trois taxes sur le gaz naturel :

- la Contribution au Tarif Spécial de Solidarité Gaz (CTSSG) : le montant unitaire de cette

contribution est fixé par arrêté ministériel en centimes d’euros par kilowattheure. Il est

appliqué sur chaque kilowattheure que le particulier consomme. La CTSSG permet de

financer le Tarif Spécial de Solidarité Gaz, au profit des clients démunis,

- la Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA), comme pour l’électricité,

- la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) : une TVA réduite à 5,5% s’applique sur le montant de

l’abonnement ainsi que sur la contribution tarifaire d’acheminement.

Une TVA à 19,6% s’applique sur le montant des consommations ainsi que sur la contribution

au tarif spécial de solidarité gaz.

En revanche, outre ces diverses taxes et redevances pour financer la gestion effective du service

d’organisation de la distribution, il n’existe pas de ressource financière directement rattachée aux

compétences « maîtrise de la demande en énergie » et « soutien aux actions de maîtrise de la

demande en énergie ».

3.2. Le débat sur la péréquation financière entre territoires urbains et territoires ruraux

L’égal accès des consommateurs à des services publics de qualité est garanti en même temps que la

couverture du territoire en réseaux, à travers certains dispositifs financiers. Cette péréquation a pour

objet de corriger les prix sur le marché afin de compenser les inégalités potentielles créées par les

disparités, à la fois en termes de superficie et de densités de population en France. Les territoires

ruraux, producteurs d’énergie, transfèrent ainsi l’énergie aux territoires urbains, dont l’autonomie

énergétique semble difficilement atteignable. En contrepartie, les transferts financiers en

provenance des zones urbaines permettent aux zones rurales de subvenir à leurs besoins en termes

d’extension de réseaux notamment.

Le Fonds d’Amortissement des Charges d’Electrification (FACé) créé en 1936, est le principal outil de

péréquation financière entre territoires urbains et territoires ruraux. Représentant une recette

globale de 374 millions d’euros en 2011, ce dispositif concerne aujourd’hui 30 000 communes. Les

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aides du FACé sont ventilées chaque année entre les départements par les ministres chargés de

l’agriculture et de l’énergie, après avis du conseil du FACÉ. Cette répartition est basée sur une

évaluation globale des besoins de chaque département. Chaque département répartit ensuite sa

dotation entre les différentes collectivités maîtres d’ouvrage concernées réalisant les travaux. L’aide

du FACé correspond à 65% du montant TTC des travaux d’extension, de renforcement ou

d’intégration des réseaux dans l’environnement, le reste étant financé par les collectivités locales et

par une opération de récupération de la TVA.

En 2011, le FACé a été partiellement réformé. Les aides du FACé sont financées par les contributions

des distributeurs d’électricité basse tension (essentiellement ERDF). Depuis 2003, l’assiette de ces

contributions est fondée sur le nombre de kWh distribués. Il existe donc 2 impôts : un pour les zones

rurales et un pour les zones urbaines. Le taux des communes urbaines est traditionnellement 5 fois

plus élevé que pour les communes rurales, d’où un effet péréquateur important. En 2011,

contrairement à la volonté du gouvernement, qui souhaitait resserrer ce rapport entre ruraux et

urbains, celui-ci a été maintenu, même si les fourchettes de taux pour chaque type de territoire ont

été resserrées (entre 0,02 et 0,04 centimes d’euro par kWh pour le rural et 0,15 à 0,25 centimes pour

l’urbain). Par ailleurs, le FACé a été transformé en compte d’affectation spécial (article 7 de la Loi

de finances rectificative 2011).

L’enjeu du FACé est donc double : le développement des réseaux électriques et le maintien de la

qualité du service public de l’électricité. Sa réforme pose aujourd’hui deux questions : celle de la

péréquation avec le débat sur l’évolution des fourchettes entre régime rural et urbain et celle de la

pérennité du dispositif. Le FACé polarise en effet aujourd’hui le débat sur les questions d’autonomie

et de solidarité entre territoires urbains et ruraux. En effet, si certains élus s’inquiètent de la

réduction des aides aux collectivités concédantes, d’autres remettent en cause son existence même

du fait de l’achèvement de l’électrification en milieu rural et alors qu’ERDF a mis en place une

péréquation nationale des tarifs.

Outre le FACé, le Fonds de Péréquation de l’Electricité (FPE) a une action péréquatrice : il mutualise

les charges de fonctionnement d’ERDF et des entreprises locales de distribution.

Enfin, le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE), qui rémunère le gestionnaire

des réseaux publics (ERDF, GRDF, etc.) pour compenser les charges qu’ils engagent pour

l’exploitation, le développement et l’entretien des réseaux (montant répercuté sur les factures des

consommateurs), constitue un autre outil de péréquation. Ce tarif est identique sur l'ensemble du

territoire national, conformément au principe de solidarité territoriale mentionné par la loi du

10 février 2000. Il est complété par la globalisation comptable opérée par ERDF sur ses propres

charges.

Assurant aujourd’hui 90 % des recettes d’ERDF, le TURPE est calculé par la commission de régulation

de l’énergie (CRE) pour 4 ans et approuvé par décisions ministérielles. Ainsi, le tarif TURPE 3 en

vigueur actuellement a été fixé par décision des ministères de l’Écologie, de l’Énergie, du

Développement durable et de l’Aménagement du territoire, et de l’Économie, de l’Industrie et de

l’Emploi en date du 5 mai 2009.

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Les effets de la péréquation sont donc aujourd’hui mis en débat. En effet, à l’image de la FNCCR,

certains soulignent que si chaque Français paie l’électricité au même tarif, le service offert n’est pas

le même. Le CLER, comme d’autres acteurs de l’énergie, estime quant à lui à plusieurs milliards

d’euros les sous-investissements d’ERDF sur les réseaux. Cette estimation est cependant difficile du

fait du manque de détails comptables existants à l’échelle de la concession, alors qu’ERDF ne

communique de chiffres qu’à l’échelle régionale. D’autre part, si le FACé joue un rôle de péréquation

nationale, les priorités en termes d’investissement au niveau local appartiennent à l’autorité

concédante.

3.3. L’émergence de nouveaux outils financiers, encore en cours de maturation

Dans la lignée du principe « pollueur-payeur » et conformément à la notion d’externalités négatives,

des modèles d’incitations économiques à changer les comportements se sont développés ces

dernières années. On peut citer au niveau local l’émergence de la Redevance d’Enlèvement des

Ordures Ménagères (REOM) visant à indexer la traditionnelle taxe sur le volume des déchets généré

par chaque ménage.

En ce qui concerne l’énergie, d’autres outils semblent aujourd’hui intéressants pour les territoires

urbains à l’image des Certificats d’Economie d’Energie (CEE).

Créé par les articles 14 à 17 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les

orientations de la politique énergétique (loi POPE), le dispositif des CEE constitue l'un des

instruments phares de la politique de maîtrise de la demande énergétique, même s’il ne représente

pas encore, à ce jour, un outil significatif de financement d’opérations de maitrise de la demande en

énergie ou de développement des énergies renouvelables. Il repose sur une obligation de réalisation

d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie appelés les

« obligés » (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique et nouvellement les carburants pour

automobiles). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès de

leurs clients : ménages, collectivités territoriales ou professionnels.

Cependant, des outils de type CEE semblent aujourd’hui difficilement mobilisables, en ce qu’ils

exigent des procédures de montage de dossiers souvent perçues par les collectivités comme trop

longues et complexes, finalement parfois aussi coûteuses que les gains espérés. Les collectivités

locales ne seraient pas en cela incitées à les exploiter, à moins de mobiliser des ressources

communes et de mutualiser les efforts pour anticiper, systématiser et partager les gains. Cela existe

déjà au niveau de certaines intercommunalités qui se chargent de la gestion des certificats

d’économie d’énergie pour leurs communes membres.

D’autres montages font leur apparition, en lien notamment avec le secteur privé. C’est le cas dans

certaines sociétés d’économie mixte (SEM) qui mobilisent des capitaux privés, dans le cadre

d’agences locales de l’énergie (ALE) par exemple. Au-delà de ces ressources, qui viennent s’ajouter

aux capitaux publics plus que s’y substituer pour le moment, ce type de partenariat présente l’intérêt

de la co-construction de politiques en matière d’énergie par l’ensemble des acteurs d’un même

territoire.

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Etat des lieux des compétences et de la gouvernance énergétiques dans les territoires urbains

1. Les compétences exercées par les territoires urbains, des actions aux

projets

L’enquête menée auprès de 28 grandes villes et communautés a permis de réaliser un état des lieux

sur les compétences énergétiques exercées par les grandes villes, les communautés d’agglomération

et les communautés urbaines ainsi que de faire un point sur les perspectives envisagées par celles-ci.

Les entretiens ont également été complétés par l’enquête flash menée par l’ACUF en 2011 à laquelle

ont répondu dix communautés urbaines.

Pour rappel, les collectivités exercent une multitude d’actions en matière d’énergie puisqu’elles

peuvent être à la fois consommatrices d’énergie, productrices, distributrices, incitatrices ou encore

informatrices. Elles jouent également un rôle en faveur de la lutte contre le changement climatique.

Certaines de ces actions relèvent de compétences qui leur ont été expressément attribuées par la loi,

quand d’autres relèvent de l’intégration d’un volet énergétique dans les compétences propres de la

collectivité.

Les singularités locales impliquent une grande diversité de nature et d’intensité des actions de

politique énergétique d’un territoire à l’autre y compris à échelon territorial identique. Plusieurs

grandes tendances peuvent toutefois être dégagées des entretiens réalisés dans le cadre de l’étude,

selon différentes thématiques.

Le graphique ci-dessous permet d’ores et déjà d’illustrer certaines grandes tendances concernant les

seize communautés urbaines.

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NB : le panel des deux autres catégories de collectivités (communautés d’agglomération et villes)

étant trop réduit, les résultats statistiques obtenus sont moins représentatifs. Néanmoins, à titre

d’information :

- aucune des 5 communautés d’agglomération interrogées ne disposait de compétences

spécifiques en matière d’énergie (« soutien aux actions de maîtrise de la demande en

énergie » ou « AOD électricité et gaz ») et elles n’ont donc pas été présentées ici. En

revanche, elles mènent toutes des actions en matière de précarité énergétique, deux d’entre

elles produisent de l’énergie et une seule gère un réseau de chaleur urbain (CA de

Mulhouse) ;

- concernant les 10 villes contactées, 8 d’entre elles produisent de l’énergie (les villes de

Grenoble, Bordeaux et Strasbourg produisant et distribuant via des ELD). Toutes les villes

contactées gèrent un RCU et toutes mènent des actions en matière de précarité énergétique.

1.1. Les « projets de développement durable » (Agenda 21, Plan climat énergie

territorial) permettent une mise en cohérence des politiques énergétiques et de

lutte contre le changement climatique

De nombreuses collectivités mènent des actions pour maîtriser la consommation d’énergie depuis les

années 1980 ou 1990 en agissant notamment sur leur propre patrimoine. Elles ont d’abord

développé des actions internes sur leur consommation, sur le chauffage, l’éclairage public. Elles ont

ensuite agi en faveur de la lutte contre le changement climatique à travers des politiques incitatives

tournées vers leur territoire (aide aux habitants, conseil, développement des énergies

renouvelables). Dès le début des années 2000, ces politiques sont mises en cohérence et

approfondies par la réalisation d’Agendas 21. Aujourd’hui sont recensés environ 600 Agendas 21 mis

en œuvre par les collectivités territoriales de tout niveau. Cet outil n’étant pas obligatoire, les

collectivités ne s’en sont pas toutes dotées.

Depuis les lois Grenelle, les collectivités de plus de 50 000 habitants doivent en revanche établir un

Plan climat énergie territorial (PCET). Ainsi, l’ensemble des collectivités interrogées ont déjà mis ou

mettent actuellement en place cet outil. Il arrive que ce type de document soit élaboré de manière

coordonnée entre la ville-centre et l’intercommunalité : à Clermont-Ferrand, le plan climat municipal

a été réalisé en concertation avec le plan climat de l’agglomération ; l’agenda 21 de la Métropole

Nice Côte d’Azur comprend 50 actions dont 35 sont de maîtrise d’ouvrage communale et 15 sont

menées par les communes volontaires. Certains PCET peuvent également être instaurés à l’échelle

d’un Pays, c’est notamment le cas pour la communauté urbaine (CU) d’Arras puisque son plan climat

est porté par le pays d’Artois.

Sur le fond, le PCET constitue un projet territorial de développement durable au sein duquel la

question énergétique est abordée à travers son impact sur le climat. En effet, il met en place un

cadre d’engagement de réduction des gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique.

Etabli de façon concertée, il comprend généralement deux, voire trois volets, à savoir les actions

internes à la collectivité, les actions liées aux compétences de la collectivité, parfois intégrées au sein

d’un volet territorial plus large.

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1.1.1. Une phase de diagnostic et de concertation

La mise en place des PCET comprend une phase de diagnostic et de concertation. Chaque collectivité

adapte cette démarche à ses pratiques ainsi qu’aux objectifs qu’elle souhaite attribuer au Plan

climat.

Grand Lyon

Le Grand Lyon a lancé une démarche de préparation du Plan climat en 2004-2005 : celle-ci a débuté

par un diagnostic sur la consommation d’énergie et l’émission de gaz à effet de serre (GES) ainsi que

par des mesures de l’évolution de la qualité de l’air. Afin de construire une vision partagée des

actions à mener sur le territoire, des « Conférences énergie climat » ont été organisées. Elles ont

ainsi rassemblé quarante entreprises, des communes, l’ALE (Agence locale de l’énergie), l’ADEME, la

CCI, etc. pour aboutir à un «Plan d’action partenarial » en 2012.

Ville de Lille / Lille Métropole

Au sein de la ville de Lille, le PCET a été lancé en mobilisant transversalement les contributions de

chaque direction concernée (habitat, urbanisme, commerce, etc.) qui doivent prendre en charge la

concertation avec les partenaires. Afin d’alimenter le Plan climat, la Ville organise également une

démarche de concertation avec les habitants appelée « Les estaminets du climat ». Il s’agit de

rencontres qui se déroulent en trois temps dans deux quartiers de la ville et qui ont pour but de faire

émerger une expression et des initiatives citoyennes sur la ville de demain et sur les solutions

possibles face au changement climatique.

Pour sa part, en 2010-2011, Lille Métropole a mené la construction concertée de son PCET. Des

ateliers thématiques ont été organisés pour recueillir les propositions des acteurs institutionnels,

économiques et associatifs du territoire. La tournée « Déclic » (démarche d'échanges sur le clImat

avec les citoyens) a permis de construire un Livre blanc à partir de quatre soirées de sensibilisation,

d’information et de recueil de propositions, organisées dans quatre communes du territoire

métropolitain, ainsi que lors d'un Forum métropolitain dédié au PCET.

1.1.2. Le volet interne du PCET

Les démarches internes aux collectivités reposent généralement sur des actions de gestion de

l’énergie sur le patrimoine bâti de la collectivité ainsi que sur les transports (action sur la flotte

automobile de la collectivité voire sur les déplacements quotidiens des agents).

Au sein de leurs plans climat, les collectivités prennent également en compte l’énergie dans le cadre

de chacune des compétences qu’elles exercent, c'est-à-dire de leurs politiques d’aménagement,

d’urbanisme ou de transport. Toutefois, le niveau d’avancement des réflexions et des actions en la

matière est très hétérogène d’une collectivité à l’autre. On peut observer d’une part une approche

sectorielle avec l’intégration de la problématique énergétique dans les politiques d’éclairage public

ou dans le cadre de la construction d’éco-quartiers et, d’autre part des approches plus globales avec

des réflexions sur les PLU ou sur les transports, parfois plus volontaristes que celles qui sont

prescrites par la loi.

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1.1.3. Le volet externe du PCET

Le plan climat comprend un volet externe qui vise à sensibiliser les acteurs du territoire aux

problématiques climat-énergie et à fixer avec eux des objectifs en la matière.

Le volet externe met en cohérence et impulse l’ensemble des actions en matière d’énergie à

destination du territoire (exemples : aides à la rénovation thermique, développement des EnR, etc.).

Ces actions sont mises en œuvre par la collectivité mais aussi par ses partenaires : entreprises,

chambres consulaires, associations, particuliers, etc.

1.1.4. Les collectivités urbaines profitent de leurs projets de développement durable pour

s’engager dans des démarches de labellisation de leurs pratiques.

La quasi-totalité des collectivités interrogées ont signé la Convention des maires, mouvement

européen associant les autorités locales et régionales dans un engagement volontaire pour

l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’augmentation de l’usage des sources d’énergie

renouvelable sur leurs territoires. Les signataires de la Convention visent à respecter et à dépasser

l’objectif de l’Union européenne de réduire les émissions de CO2 de 20 % d’ici 2020. Elles doivent

ainsi développer des politiques volontaristes en matière d’énergie. En interne, cela se caractérise

généralement par la mise en place d’une démarche de labellisation Cit’Ergie. En 2011, 5 collectivités

détenaient ce label. Une majorité des autres collectivités interrogées ont déclaré qu’elles se

lançaient dans une démarche de labellisation.

Pour valoriser leur action, 9 collectivités du panel de l’étude ont été labellisées « Ecocités », sur un

total de 13 collectivités labellisées au niveau national. Cette démarche a pour but d’identifier les

agglomérations qui mènent une politique novatrice en matière de conception et de réalisation

urbaines, et d’accompagner les projets urbains aptes à devenir les emblèmes de la ville durable.

Le label Cit’ergie

Cit'ergie est un label destiné aux collectivités (communes et intercommunalités) qui souhaitent

contribuer activement à améliorer leur politique énergétique en cohérence avec des objectifs

climatiques. C'est un label de "bonne conduite" qui récompense pour 4 ans le processus de

management de la qualité de la politique énergétique et/ou climatique de la collectivité.

Selon l’ADEME : « Cit’ergie est l’appellation française du label european energy award® (eea®) mis en

oeuvre dans plusieurs pays européens (Allemagne, Suisse, Autriche…) et déjà accordé à près de 300

collectivités européennes. En France, le label est porté et diffusé par l’ADEME via ses directions

régionales. En plus de valoriser les politiques énergétiques durables et ambitieuses des collectivités

territoriales, Cit’ergie est un outil opérationnel structurant qui contribue activement à la réalisation

d’un Plan Climat Energie Territorial, d’un Agenda 21 ou au respect des engagements de la Convention

des Maires ».

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Entrer dans un processus de labellisation Cit’ergie permet aux collectivités de se doter d’un guide

méthodologique pour mener une politique interne de maîtrise de consommation d’énergie. Plusieurs

étapes sont nécessaires :

● Un état des lieux exhaustif accompagné par des conseillers Cit’ergie et appuyé sur un catalogue

standardisé de 87 actions réparties en 6 domaines

● La définition d’un programme pluriannuel de politique Energie Climat

● la labellisation si la collectivité a mis en œuvre 50% de ses possibilités d’action

● tous les 4 ans, le label est remis en jeu par un nouvel audit.

Les collectivités labellisées ont généralement mis en place ce processus dans le cadre du volet

interne de leur plan climat ou de leur agenda 21. Le volet état des lieux permet de faire le point sur

les actions menées en matière d’énergie et de climat et de se poser de nouvelles questions,

notamment grâce au regard extérieur des conseillers Cit’ergie. De même, cette procédure permet de

travailler en transversalité puisque les actions mises en œuvre concernent divers domaines :

● développement territorial (adaptation des PLU, des opérations de ZAC, de la conception des parcs

d’activité (etc.) pour y intégrer des actions de performance énergétique et des approches

environnementales),

● patrimoine (audits énergétiques, rénovation de l’éclairage public, etc.),

● approvisionnement en eau, en énergie (valorisation des eaux usées, projets de méthanisation,

etc.),

● mobilité (politique vélo, auto-partage, report modal, etc.),

● organisation interne (mise en place de référents DD, comportements éco-citoyens au bureau,

dématérialisation de certains supports, etc.),

● communication et coopération (prise en compte de l’expression des habitants dans le PCET,

actions spécifiques auprès des particuliers pour réduire leur consommation énergétique, etc.).

1.2. Les collectivités urbaines, productrices et incitatrices en énergies renouvelables

1.2.1. Des collectivités productrices d’énergies renouvelables

Les grandes villes et agglomérations ont désormais un rôle de production d’énergies renouvelables.

Celle-ci vise d’abord à satisfaire leur propre consommation et se traduit par exemple par l’installation

de panneaux solaires lors de la construction d’un nouvel équipement (ex : panneaux solaires sur le

toit d’une pépinière d’entreprises à Cherbourg). De nombreuses initiatives sont également lancées

avec le développement de filières éco-innovantes : biomasse, filière bois, éolien, photovoltaïque,

méthanisation, etc. Les territoires urbains sont aussi le lieu d’expérimentations : de nombreuses

villes ont ainsi pour projet d’expérimenter les véhicules électriques ou encore les Smart Grids, à

l’échelle d’un quartier ciblé, avec pour objectif d’étendre leur installation si l’expérience est

concluante (Grand Lyon, Nantes Métropole, etc). La géothermie est un autre sujet

d’expérimentation, à l’état d’étude dans les collectivités intéressées.

Nantes Métropole

Le quartier de « l’Ile de Nantes » est aujourd’hui un projet phare de développement urbain pour la

communauté urbaine. Il a vocation à être un territoire d’expérimentation pour une utilisation

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intelligente de l’énergie. Ainsi, au-delà de l’exigence de qualité thermique des bâtiments, des

compteurs intelligents type Linky pourraient s’y développer, afin de réguler en temps réel les

consommations d’énergie au niveau de l’îlot. Les bâtiments tendant à l’autonomie énergétique

seraient alimentés par des sources diversifiées et différents flux, notamment à travers un réseau de

chaleur urbain (RCU) et des panneaux photovoltaïques.

Grand Lyon

La communauté urbaine investit sur son éco-quartier Confluence. En coopération avec le NEDO

(l’agence de maîtrise de l’énergie du Japon), le projet comprend des immeubles intelligents au plan

énergétique, un parc de véhicules électriques à disposition des habitants, alimenté par des énergies

photovoltaïques. Le projet de gouvernance est également innovant en ce qu’il intègre une gestion

communautaire de l’énergie à l’échelle du quartier.

La communauté urbaine est un terrain d’expérimentation des compteurs Linky dont 200 000 seront à

terme installés par ERDF. D’autre part, le territoire est lieu d’expérimentation du projet Greenlys sur

la période 2011-2014, tout comme la ville de Grenoble. Ce projet est mené en partenariat avec ERDF,

GDF-Suez ou Schneider Electric. L’objectif est de tester le fonctionnement d’un réseau électrique

intelligent intégrant à la fois les consommateurs, les installations d’énergies renouvelables, mais

aussi les véhicules électriques et les compteurs Linky.

Enfin, le Grand Lyon soutien le projet Gaya de recherche dans le domaine des biogaz (gazéification

du bois), porté par GDF Suez dans la Vallée de la Chimie.

Communauté urbaine de Strasbourg

La communauté urbaine mène actuellement des études autour d’Illkirch sur la faisabilité et

l’opportunité d’utiliser la géothermie profonde pour alimenter un réseau de chaleur urbain. La

géothermie profonde consiste à utiliser la chaleur souterraine, à cinq kilomètres de profondeur, et

représente ainsi une énergie renouvelable, inépuisable et non polluante. Il s’agit d’une technologie

complexe et encore expérimentale aujourd’hui. Les études réalisées par l’établissement public BRGM

(Bureau de Recherches Géologiques et Minières) sont étendues à tout le territoire et s’inscrivent

dans le cadre du PCET.

1.2.2. Des collectivités incitatrices et facilitatrices en matière de production d’énergies

renouvelables

La production d’EnR par les collectivités locales représente une part encore restreinte de la

production globale d’énergie. En effet, à titre d’exemple et au niveau global, la part d’EnR dans le mix

électrique français en 2010 est de 15% (2,7% hors énergie hydraulique). Aussi, les collectivités

développent une action d’information et d’incitation auprès des acteurs du territoire pour qu’ils

participent au développement des EnR, à travers notamment les PCET.

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1.2.3. Les avantages et les freins rencontrés dans le développement des énergies

renouvelables

Les collectivités urbaines s’intéressent fortement à la production d’EnR puisque cela leur permet de

diversifier leurs sources d’approvisionnement, d’améliorer leur bilan carbone, de développer l’emploi

territorial et l’innovation et de dynamiser l’image du territoire. Les énergies renouvelables

permettent également d’adapter plus facilement la source d’énergie à la réalité locale (potentiel

éolien, etc.) et de participer au renforcement de l’indépendance énergétique : à Nice ou encore dans

les collectivités bretonnes situées « en bout de réseau », le développement des EnR se justifie à la

fois sur le plan environnemental mais également pour rechercher une plus grande sécurité

énergétique.

Le développement des énergies renouvelables rencontre toutefois des obstacles. Outre l’instabilité

législative et réglementaire (exemple du moratoire sur le photovoltaïque), les collectivités peuvent

rencontrer des résistances d’associations ou de riverains fondées sur des préoccupations

environnementales ou sur un phénomène de NIMBY (littéralement « Not In My Back Yard », c'est-à-

dire, « pas dans mon jardin »). La cherté du foncier dans certaines villes, les contraintes

règlementaires (interdiction de brûler du bois à Paris, ce qui limite le développement de la

biomasse), les contraintes locales particulières peuvent également être des freins au développement

des EnR. Ainsi, à Brest, l’éolien urbain peut difficilement être développé, du fait des installations

militaires, les éoliennes pouvant perturber leur fonctionnement.

Certaines collectivités rencontrent aussi des difficultés pour obtenir les autorisations nécessaires au

raccordement au réseau. La question du dimensionnement du réseau et des coûts de raccordement

est généralement mise en avant par ERDF sur le sujet. Une meilleure planification stratégique de la

production d’énergies renouvelables, en concertation avec ERDF, pourrait permettre d’éviter certains

blocages.

1.3. Toutes les collectivités interrogées mènent des actions dans le domaine de la

performance et de la lutte contre la précarité énergétique, à des degrés divers.

1.3.1. Efficacité et performance énergétique

Les collectivités agissent en faveur de l’amélioration de la performance énergétique à travers des

actions sur leur propre patrimoine ainsi que sur leur territoire, notamment à travers une action sur

l’habitat. En ce qui concerne le volet territorial de la politique de performance énergétique, les

collectivités peuvent mener des politiques volontaristes sur les constructions neuves y compris en ce

qui concerne le bâti privé. Certaines intègrent des normes thermiques plus strictes que les normes

légales dans leur plan local d’urbanisme (PLU).

En revanche, les actions de réhabilitation du bâti privé ancien, qui représente la majorité du parc,

sont plus complexes. L’équilibre économique proposé aux bailleurs ou aux syndics de copropriété est

généralement peu rentable. Certaines collectivités montent des opérations innovantes à l’image du

dispositif « Réflexénergie » à Dunkerque.

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1.3.2. Précarité énergétique

Les collectivités urbaines interrogées se sont toutes saisies de la question de la précarité énergétique

de manière plus ou moins approfondie. Elles la traitent généralement en vertu de leur compétence

habitat ou en lien avec des compétences de cohésion et de solidarité. La communauté urbaine de

Dunkerque ou encore la Ville de Lille rattachent, elles, directement ce champ à la compétence

énergie.

L’action des collectivités urbaines en matière de précarité énergétique repose sur une grande

diversité d’actions :

- elles réalisent des actions de conseil et de sensibilisation auprès des ménages soit par le biais

d’espaces info énergie (EIE), de leur agence locale de l’énergie (ALE), ou encore en lien avec

le CCAS. Dans le cadre de leur programme local de l’habitat (PLH), elles peuvent mener des

actions d’accompagnement et de réduction des factures avec l’Agence Nationale pour

l’Amélioration de l’Habitat, (ANAH),

- elles peuvent participer à la formation de travailleurs sociaux sur cette thématique,

- sur le plan financier, les collectivités multiplient les interventions : financements de

rénovations thermiques des bâtiments, participation à des programmes tels que le

dispositif « Habiter mieux », mis en œuvre par l’ANAH, éco-conditionnalité des aides à la

pierre, participations à des fonds de solidarité énergie, fixation de normes énergétiques plus

strictes que les normes inscrites dans la loi pour les bailleurs sociaux, etc.,

- les collectivités urbaines travaillent également en collaboration avec les conseils généraux

qui financent les politiques de précarité énergétique via le fonds de solidarité logement (FSL),

- certaines collectivités mettent directement en place des partenariats avec les bailleurs ou

avec les grands opérateurs. A Nantes Métropole, qui est par ailleurs autorité organisatrice de

distribution (AOD) d’électricité et de gaz, la question de la précarité énergétique est abordée

directement avec les concessionnaires ERDF et GRDF. La collectivité suit les indicateurs

fournis par EDF et les moyens mis en œuvre envers les clients les plus vulnérables,

- enfin, il existe des actions innovantes comme la création d’un éco-appartement témoin

d’économies d’énergies à Besançon pour sensibiliser les habitants aux gestes éco-citoyens.

Cet outil pédagogique a été créé en coopération avec le CCAS de la Ville, un bailleur social et

l’ADEME. Il a accueilli près de 1000 visiteurs en 2009.

Communauté urbaine de Dunkerque (CUD)

A Dunkerque, la philosophie adoptée par la communauté urbaine repose sur l’idée que le traitement

de la précarité énergétique constitue le premier niveau d’intervention en matière d’énergie. Il

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convient avant tout de traiter la question des impayés d’électricité avant de mettre en place des

mesures de maîtrise de la demande en énergie et de performance énergétique des bâtiments.

La collectivité réfléchit actuellement à la mise en place d’un modèle économique

pertinent permettant d’agir de manière volontariste en matière de précarité énergétique : l’enjeu est

de démontrer que l’investissement dans la réduction de la consommation d’énergie évite un

renforcement des réseaux. La CUD a ainsi lancé une étude auprès des personnes en situation de

précarité : il s’agit de financer des travaux d’efficacité énergétique sur les bâtiments ainsi que de

verser des aides aux foyers concernés pendant deux ans et d’analyser l’impact de ce dispositif sur

leur consommation d’énergie. Si une baisse durable de la consommation d’énergie est observée, le

dispositif pourrait être étendu.

Dans ce système, la CUD prévoit des modalités de financement fondées sur une reconnaissance de

dette du propriétaire vis-à-vis de la CUD. Lors de la vente du bien immobilier, l’acheteur effectue une

plus-value liée aux travaux de performance énergétique. Dès lors, la CUD est légitime à récupérer

cette plus-value lors de la cession du bâtiment, permettant ainsi de financer à long terme le

dispositif.

Communauté d’agglomération de Grenoble, programme MUR MUR

Dans le cadre de son Plan climat, la Métro, communauté d’agglomération de Grenoble, mène une

campagne d’isolation nommée « Mur Mur ». Elle vise à soutenir financièrement les travaux

d’isolation par l’extérieur des copropriétés privées construites entre 1945 et 1975 dans un objectif de

maîtrise de l’énergie et de lutte contre la précarité énergétique. Cette opération complète les actions

menées dans le parc public et les logements sociaux. 150 copropriétés bénéficieront du dispositif

jusqu’en 2013. Les copropriétaires sont accompagnés par l’Agence locale de l’énergie et du climat

(ALEC) dans l’évaluation des besoins de leur copropriété en termes de rénovation thermique, dans le

suivi du dossier administratif lorsque la décision de travaux est prise, et également dans le suivi du

dossier pendant les travaux et lors du bilan après travaux.

Ville et agglomération de Besançon, Familles actives pour le climat

La Ville et l’agglomération de Besançon (CAGB) ont initié en 2009 l’opération « Familles actives pour

le Climat ». L’objectif est de réduire d’au moins 10% les consommations et émissions de gaz à effet

de serre de plus de 250 familles. Cette action a démarré par une formation dans l’appartement

témoin « Fontaine éco et toi ? » avec la remise d’un Ecopack Energie Climat. Elle se poursuit avec un

diagnostic de leur habitat, des déplacements, des déchets, afin d’enclencher d’autres actions.

1.4. La prise de compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande

d’énergie » au niveau intercommunal

Comme l’analyse du cadre juridique le précise en amont, toutes les communes peuvent réaliser des

actions de maîtrise de la demande en énergie, au titre de leur clause de compétence générale.

La compétence de « soutien à la maîtrise de la demande d’énergie » (MDE) est une possibilité pour

les communautés d’agglomération (CA) et une obligation pour les nouvelles communautés urbaines

(CU). Les CU créées antérieurement à la loi de 1999 peuvent, quant à elles, se doter de la

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compétence « soutien aux actions de MDE » par délibération. Au sein du panel de collectivités

interrogées, aucune communauté d’agglomération n’a pris la compétence « soutien aux actions de

MDE » quand 44% des communautés urbaines l’ont inscrite dans leurs statuts. Cette prise de

compétence marque généralement une volonté de mettre en œuvre une politique énergétique

globale au niveau intercommunal sans toutefois remettre en cause les actions menées par les

communes membres de l’EPCI. La prise de compétence « soutien aux actions de MDE » peut être

l’occasion de mener une réflexion d’ampleur sur l’énergie comme c’est le cas au sein de la CU du

Grand Toulouse qui s’est constituée en Autorité Organisatrice de l’Energie.

La Communauté urbaine du Grand Toulouse se constitue en Autorité organisatrice de

l’énergie, AOEN

Depuis 2011, la CU du Grand Toulouse est constituée en Autorité organisatrice de l’énergie, AOEN. Il

s’agit d’une autorité morale et opérationnelle (ce qui la distingue d’une autorité de distribution). Son

objectif est de piloter de manière cohérente la stratégie énergétique territoriale, de développer les

énergies renouvelables et les réseaux de chaleur sur l’ensemble des 37 communes du territoire.

L’autorité repose sur quatre axes :

● une stratégie de consommation,

● une stratégique de production (2 sources de production locales : 1 usine d’incinération et une

régie municipale sur la Garonne) et d’achat public,

● une stratégie de distribution (pour les EnR et ses deux sources de production),

● une démarche de conseil et d’aide externe notamment aux particuliers.

1.4.1. La mutualisation de l’expertise en matière de MDE au niveau intercommunal permet de

développer une vision cohérente et stratégique

La compétence « soutien aux actions de MDE » permet de développer une vision stratégique à une

échelle territoriale pertinente et de mutualiser l’expertise et l’ingénierie au service de l’ensemble des

communes du territoire, notamment lorsque celui-ci comprend des petites communes à caractère

périurbain ou rural. Concrètement, cela recouvre :

- la coordination globale des actions déjà existantes menées auprès des particuliers, des

acteurs privés, des institutions publiques : information et conseil aux particuliers aides aux

travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments publics et privés, etc.,

- l’impulsion d’études globales et mutualisées : diagnostics énergétiques, études

cartographiques thermo-aériennes, etc.,

- le soutien aux actions qui dépassent le cadre des compétences de la communauté ou que

celle-ci ne peut pas réaliser elle-même (soutien aux acteurs sociaux, économiques, etc).

Ces actions sont généralement menées en interne mais peuvent également être gérées par

l’intermédiaire d’une ALE, c’est notamment le cas de Brest Métropole Océane.

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1.4.2. La prise de compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande d’énergie»

permet de légitimer et de sécuriser l’action intercommunale en matière d’énergie

Si le flou de la définition de la compétence « soutien aux actions de maîtrise de la demande

d’énergie» laisse une certaine liberté aux collectivités pour sa mise en œuvre, il semble toutefois être

un frein à sa généralisation. On note également que les communes craignent parfois d’être

dépossédées de leurs actions de proximité de maîtrise de l’énergie par une prise de compétence au

niveau intercommunal même si, comme l’indique le nom de la compétence, l’EPCI joue un rôle de

soutien en la matière. Ensuite, certains EPCI ont le sentiment qu’ils ont la capacité de mener des

actions en faveur de la maîtrise de la demande en énergie sans être titulaires d’une compétence

expresse. Toutefois, ils peuvent rapidement se heurter à des blocages lorsqu’ils souhaitent

développer une politique énergétique volontariste sans compétence inscrite dans leurs statuts.

C’est pourquoi certaines CU ont ouvert des réflexions pour se saisir de la compétence de « soutien

aux actions de MDE » et sécuriser ainsi leur action. C’est notamment le cas de la communauté

urbaine de Lille. Celle-ci a en effet rencontré des difficultés lorsqu’elle a souhaité entrer dans le

capital d’une société coopérative d’installation de panneaux photovoltaïques. En effet, sachant

qu’elle ne disposait pas de compétence en matière d’énergie, elle ne pouvait pas participer

financièrement à ce titre. C’est en vertu de sa compétence en matière d’économie sociale et solidaire

qu’elle a pu le faire.

1.5. Les collectivités urbaines, autorités organisatrices de distribution (AOD) de gaz et

d’électricité

Généralement, les grandes villes ont cherché à conserver leur compétence d’AOD et ont évité

d’adhérer à un syndicat intercommunal de distribution. On note toutefois que certaines grandes

villes font partie d’un syndicat : c’est le cas de Clermont-Ferrand, Besançon, Saint-Etienne ou encore

Mulhouse. Parmi les communautés urbaines, seules quatre disposent de la compétence AOD. Il s’agit

de Dunkerque, Nantes, Nancy et Brest.

L’autorité organisatrice de distribution étant autorité concédante, elle délègue généralement la

gestion du service à un concessionnaire qui peut être ERDF ou un distributeur non nationalisé (DNN)

comme c’est par exemple le cas à Grenoble. Les collectivités qui sont AOD ont l’avantage de suivre

les investissements réalisés par le concessionnaire et de les orienter par le biais de leur cahier des

charges. Elles recueillent également des données sur l’offre et la demande d’énergie par le biais du

contrôle qu’elles exercent sur lui, ce qui leur permet de développer plus facilement des politiques de

maîtrise de l’énergie.

Les collectivités interrogées identifient malgré tout des freins de la part du concessionnaire dans la

transmission de ces éléments. Celles disposant de la compétence AOD ont parfois ouvert des

discussions avec le concessionnaire pour établir des objectifs en matière de maîtrise de la demande

en énergie ou de développement des EnR. Aujourd’hui, il apparaît clairement que le statut d’AOD

intéresse de nombreuses collectivités urbaines qui expriment le besoin de renforcer leurs

compétences en matière d’énergie mais aussi leur rapport de force face aux concessionnaires.

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1.6. Les réseaux de chaleur urbains (RCU)

Les villes ont développé des réseaux de chaleur, exploités en régie ou en concession, dès les années

1930.

Les territoires urbains redécouvrent aujourd’hui les avantages des RCU qui leur permettent de mener

des politiques d'efficacité énergétique, de maîtrise de l'énergie, et de diminution des émissions de

gaz à effet de serre, de développement des EnR mais aussi de diminution de la facture énergétique.

Ainsi, la quasi-totalité des communes interrogées ont indiqué avoir des projets d’extension des

infrastructures existantes ou de développement de nouveaux réseaux de chaleur.

Les intercommunalités ont également la possibilité de prendre la compétence réseau de

chaleur urbain : certains réseaux communaux sont déclarés d’intérêt communautaire et de nouveaux

réseaux sont construits. Parfois, certaines communautés disposent de la compétence d’autorité

organisatrice en matière de RCU, ce qui leur permet de planifier et d’organiser le développement des

réseaux de chaleur urbains, privés ou publics.

Ainsi, 43% des communautés interrogées mènent des actions dans le domaine des RCU (production

et/ou distribution). La communauté urbaine de Strasbourg considère que les RCU sont un des outils

les plus efficaces pour réduire les émissions de GES. Comme beaucoup d’autres collectivités, elle

cherche aujourd’hui à favoriser la migration de ses réseaux vers des EnR ainsi que leur

interconnexion dans l’objectif de favoriser leur montée en puissance.

Enfin, les EPCI qui ne disposent pas de la compétence RCU mènent généralement des réflexions en la

matière dans le cadre de politiques d’aménagement de ZAC ou, plus largement, d’urbanisme et de

voirie.

1.7. Mécanismes financiers

L’ensemble des actions menées par les collectivités en matière d’énergie reposent à la fois :

- sur un système de financement « classique », c'est-à-dire un financement par l’impôt,

- sur des mécanismes financiers spécifiques (certificats d’économie d’énergie, finance

carbone).

Dans le premier cas, une partie du budget est utilisée. D’autres actions sont, elles, menées dans le

cadre des diverses politiques publiques de la collectivité (urbanisme, aménagement, transports) et

sont financées indirectement. Cela signifie qu’une collectivité peut mettre en place une politique

énergétique volontariste en modifiant son approche dans d’autres politiques publiques (par exemple

en modifiant son PLU).

Les mécanismes financiers, spécifiques, quant à eux, reposent sur une toute autre logique. Ils

connaissent un engouement mitigé même si les collectivités urbaines tendent à les développer.

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1.7.1. Les certificats d’économies d’énergie (CEE)

Les collectivités émettent des demandes de CEE auprès des fournisseurs (les « obligés »). Les CEE

permettent de certifier des projets d’économie d’énergie qu’elles mènent sur leur patrimoine ou

auprès de tiers : plus de la moitié des collectivités interrogées vend des certificats sur les opérations

concernant son propre patrimoine, et certaines mènent des opérations auprès des tiers.

Lorsqu’elles mènent des opérations d’économies d’énergie, les collectivités peuvent monter des

dossiers de demande de CEE. Une fois détentrices de certificats, elles apparaissent sur un registre et

sont en position de revente potentielle à des obligés. Il s’agit alors d’une négociation de gré à gré au

cours de laquelle les opérateurs peuvent avoir tendance à tenter d’acheter les certificats à faible

coût. Cette pratique diminue le taux de rentabilité par rapport à l’ingénierie engagée par les

collectivités.

La constitution d’un dossier de CEE fait en effet l’objet de lourdeurs administratives (par exemple,

pour une rénovation lourde de bâtiment, la constitution du dossier de CEE suppose de centraliser

l’ensemble des factures de l’opération) : la Ville de Paris calcule que le coût d’ingénierie peut

atteindre 50% du gain attendu. Les collectivités ont aussi la possibilité de valoriser leurs CEE pendant

une période délimitée afin d’atteindre des sommes importantes. A Brest par exemple, la

communauté urbaine détient une vision d’ensemble sur les CEE de l’ensemble des collectivités qui la

compose. Cela permet de mettre l’ingénierie intercommunale au service du territoire.

Ville de Grenoble

A Grenoble, la Ville travaille directement avec son Entreprise locale de distribution, Gaz Electricité de

Grenoble, et la Compagnie de chauffage, avec qui elle signe des conventions relatives aux Certificats

d’économie d’énergie. Cela signifie que leur vente ne passe pas par le champ concurrentiel. Depuis la

mise en place de ce système en 2006, les CEE collectés ont concerné des opérations menées sur les

bâtiments municipaux, mais aussi des programmes d’amélioration énergétique des bâtiments en

copropriété privée, des actions de modernisation de l’éclairage public ou des actions mises en œuvre

par des entreprises ou des particuliers dans l’habitat individuel.

Grand Nancy

Partant du constat que les aides en faveur des collectivités sur la MDE diminuaient, la communauté

urbaine s’est lancée dans les certificats d’économie d’énergie. Soucieuse de se prémunir des

fluctuations des marchés, le Grand Nancy a passé un marché public sur la période 2011-2013 pour

obtenir un prix fixe de la revente des CEE. L’intercommunalité se charge ainsi d’apporter une aide en

ingénierie et de mutualiser les CEE de ses communes membres ainsi que des bailleurs sociaux, des

établissements de santé, d’enseignement, etc. Elle reverse ensuite les sommes récoltées aux

différentes entités.

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1.7.2. La finance carbone

La « finance carbone » recouvre un ensemble de dispositifs permettant aux collectivités de vendre

des permis d’émission de GES ou d’en acheter et de valoriser certains projets. Ces mécanismes

restent encore peu développés, ils sont en effet souvent accompagnés de démarches lourdes et

complexes dont le retour sur investissement paraît assez faible. On peut toutefois noter que la

plupart des collectivités lancent des études en matière de finance carbone. Le Grand Lyon évoque

par exemple un projet de Fonds Climat Energie. Une autre initiative a été évoquée : un projet de

Société Locale d’Investissement pour mutualiser le produit de la Taxe sur la consommation finale

d’électricité (TCFE), comme outil d’investissement pour les énergies renouvelables.

Un fonds carbone pour le projet du tramway, Métropole Nice Côte d’Azur

Un « fonds d’arbitrage carbone » d’un million d’euros a été mis en place sur le projet du tramway

(dont le coût total est de 768 millions d’euros). La dimension carbone est ainsi intégrée à chaque

étape du projet, de sa phase de conception à sa réalisation puisqu’il s’agit de réduire l’émission de

GES en favorisant les solutions techniques en faveur d’une conception et d’une construction plus

sobres.

Un Fonds Climat Energie en projet au Grand Lyon

Dans le cadre de son PCET, le Grand Lyon s’est fixé pour objectif de compenser 50 kt/CO2 par an sur

son territoire. Pour cela, la collectivité prévoit de créer un Fonds Climat Énergie. Il s’agit d’une

structure locale de péréquation des émissions de CO2 qui permettra aux acteurs engagés dans un

processus de diminution de leurs émissions de compenser leurs tonnes de CO2 potentiellement

onéreuses en achetant les émissions moins chères d’autres acteurs du territoire.

1.7.3. Un modèle économique et financier à inventer

La question financière est au cœur des préoccupations. Cet enjeu apparaît en filigrane tout au long

de l’état des lieux sur les compétences des collectivités en matière d’énergie.

D’une part, la réussite des actions de maîtrise de l’énergie repose essentiellement sur la constitution

de modèles économiques pertinents : jusqu’ici, le financement du modèle économique est basé sur

la production d’énergie. Désormais, il s’agit de trouver un système de rémunération en partie fondé

sur une énergie qui ne sera pas produite mais économisée. Ainsi, lorsqu’une collectivité publique agit

en tant qu’incitatrice, auprès d’acteurs privés, elle doit être en mesure de leur prouver la possibilité

d’un retour sur investissement. Il convient également de travailler avec les concessionnaires pour

que les économies d’énergie soient appréhendées comme des moyens d’éviter les investissements

de renforcement du réseau. Il faut également prendre en compte le coût d’entretien des réseaux (les

coûts fixes sont élevés) dans un scénario de baisse des flux de consommation.

D’autre part, au sein des collectivités elles-mêmes, les opportunités de prise de compétences en

matière d’énergie s’accompagnent de réflexions financières. En effet, dans tous les cas, il apparaît

essentiel pour les territoires urbains de justifier de l’opportunité des prises de compétences,

notamment avec des études sur les charges financières et la rentabilité économique des projets.

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Cette approche se vérifie dans les réflexions sur les mutualisations des certificats d’économie

d’énergie, ou encore par exemple pour les réseaux de chaleur urbains.

Ainsi, le besoin d’une boîte à outils financière dans le domaine de l’énergie se fait fortement sentir

dans les territoires urbains.

1.8. Quelques constats généraux et quelques précautions utiles

Pour la plupart, les territoires urbains interrogés mènent des réflexions prospectives sur leur rôle en

matière d’énergie. Les périmètres et les domaines de réflexion sont toutefois différents

(développement des EnR, extensions de RCU, etc.). A l’époque de l’enquête flash ACUF de janvier

2011, la moitié environ des communautés urbaines avaient ainsi déclaré réfléchir à des prises de

compétences dans le domaine de l’énergie. Certains territoires urbains inscrivent cette réflexion dans

le cadre plus large d’une redéfinition de leur projet communautaire, à Cherbourg ou à Mulhouse par

exemple. Le Grand Lyon a lancé un nouveau débat en 2010 avec la reconduction d’un contrat de

concession. Des prises de compétences nouvelles ont été envisagées et, au 1er janvier 2012, les

compétences « soutien aux actions de MDE » et « développement des EnR » ont été adoptées. La

prise de compétence RCU a quant à elle été repoussée mais reste en projet.

Toutefois, la prise de compétences apparaît encore aujourd’hui déconnectée des actions entreprises

en matière d’énergie ; l’exemple le plus parlant à ce propos est celui de la compétence « soutien aux

actions de MDE » qui existe souvent en pratique mais sans toutefois faire l’objet d’une prise de

compétence formelle. En effet, si sept communautés urbaines s’en sont saisies, la plupart

entreprennent néanmoins des actions en la matière. Cela explique aussi pourquoi certains territoires

urbains ne mènent pas de réflexion spécifique sur de nouvelles prises de compétence tout en ayant

pour la plupart de nouveaux projets en cours d’étude ou de lancement.

D’autre part, il semble que les compétences prises et envisagées par les communautés urbaines

dépendent de différents facteurs dont leur histoire et leur date de création. Une différence se fait

ainsi jour entre les communautés urbaines historiques et les plus récentes.

Cependant, il semble difficile globalement de distinguer des catégories homogènes entre les CU, les

CA et les villes pour le type de réflexion menée sur les prises de compétences. Cette réflexion est

souvent liée au degré de maturité de l’institution en matière d’énergie et aux actions déjà menées,

plus qu’à un cadre règlementaire lié au statut de la collectivité. Les transferts de compétences

envisagés au profit des territoires urbains trouvent aussi leur légitimité dans d’autres de leurs

compétences (habitat, déplacements, urbanisme…), en lien direct avec l’énergie, ainsi que dans le

rôle de ces territoires en matière d’animation. Cette réflexion peut également être liée aux éventuels

projets de mutualisations des collectivités.

Enfin, la volonté de cohérence globale des approches sur les compétences se ressent dans la façon

qu’ont les territoires urbains d’appréhender le sujet de l’énergie. Un besoin de transversalité

s’exprime parfois en interne, tout comme l’envie d’échanger avec les autres collectivités sur la

question.

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2. La gouvernance énergétique dans les territoires urbains : état des lieux et

perspectives

2.1. Un portage politique et une organisation interne en cours de structuration

2.1.1. Portage politique

L’état des lieux réalisé auprès des collectivités interrogées fait ressortir le constat d’un déficit global

de portage politique des questions énergétiques. En effet, si l’on observe bien l’émergence des

préoccupations liées au climat, en particulier à travers la mise en place des PCET, il a été souligné que

l’appropriation des enjeux liés aux réseaux (électricité, chaleur, etc.) demeure encore faible.

Toutefois, en analysant les délégations des élus en charge de l’énergie, il apparaît que ce sujet est

clairement identifié, en règle générale.

Différents cas de figure ont été relevés :

- dans près de 40% des collectivités, l’énergie fait l’objet d’une délégation autonome, aux

intitulés variables. C’est le cas de la communauté urbaine de Lille, de la ville de Montpellier

ou de la métropole niçoise,

- dans plus de 50% des collectivités interrogées, l’énergie est clairement identifiée mais fait

partie d’une délégation plus large (développement durable ou PCET). C’est le cas de

Grenoble, Besançon, Paris ou Dunkerque,

- dans 10% des cas seulement, l’énergie ne fait pas l’objet d’une délégation spécifique mais est

éclatée entre plusieurs élus. C’est le cas notamment d’Alençon ou Cherbourg.

Délégation identifiée - au

sein délégation DD ou PCET

51% Délégation énergie

autonome 39%

Pas de portage spécifique

10%

Portage de la politique de l'énergie par les élus

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La répartition des délégations entre les élus et l’inclusion ou non de l’énergie dans le développement

durable semblent indiquer deux conceptions de la gestion des questions de l’énergie dans les

territoires urbains :

- soit comme une composante de la lutte contre le changement climatique, et donc surtout

centrée sur les économies d’énergie, en interne à la collectivité et en externe,

- soit comme un service public à gérer au même titre que l’eau ou l’assainissement avec

d’autres dimensions : qualité de service, usagers, tarification…

De façon générale, il a été constaté que certains élus éprouvent encore des difficultés à percevoir la

question de l’énergie dans toutes ses dimensions. Ils la considèrent parfois comme évidente et allant

de soi et ne mesurent pas toujours toutes ses implications en termes de responsabilité (comme

autorité organisatrice) et d’impacts environnementaux et financiers.

Face à ce constat est donc mise en avant la nécessité de mener des réflexions sur les modalités

d’échange et de concertation avec les élus, pour favoriser leur appropriation d’une matière

techniquement complexe. Enfin, dans le cadre de l’approfondissement des transferts de

compétences, a été cité l’enjeu d’un renforcement de la légitimité démocratique des élus

communautaires.

2.1.2. Portage administratif

En termes d’organisation interne, différents cas de figure se présentent également :

- des collectivités où un service énergie est identifié comme tel, plus ou moins étoffé et aux

missions plus ou moins larges (ex : CU de Dunkerque, Ville de Paris) ;

- des collectivités où une direction ou un service spécifique dédié à l’énergie sont en cours de

structuration, en accompagnement d’une prise de compétence nouvelle (ex : Grand Lyon) ;

- des collectivités où les missions liées à l’énergie sont éclatées entre différentes directions et

services : gestion des AOD, des RCU, gestion des fluides par la direction des bâtiments (ex :

CU de Bordeaux, CU de Strasbourg) ;

- des collectivités qui s’appuient sur des binômes de directions porteuses de la politique

énergétique (ex : CU d’Arras avec les directions environnement et logement)

- enfin, la politique énergétique est parfois mise en œuvre par un/e chargé(e) de mission PCET

et/ou énergie pouvant être rattaché à une direction thématique ou encore à la direction

générale, avec un rôle d’animation transversale des services (ex : au Grand Toulouse, portage

par le DGA chargé des services urbains).

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Le graphique ci-dessous synthétise de grandes tendances.

2.2. Des modes d’action et d’information envers les usagers qui restent à développer

Concernant le lien avec les usagers et les citoyens, des réflexions sont en cours sur le développement

d’outils participatifs de sensibilisation aux questions énergétiques. Néanmoins, si ceci est vrai dans le

cadre de certains PCET, ont également été soulignées les limites inhérentes aux démarches

participatives et la difficulté à bien informer et concerter dans certains domaines.

En outre, si la question du modèle de consommation de l’énergie est aujourd’hui posée, celle-ci n’est

encore que faiblement appropriée par les citoyens. En parallèle des élus, il est donc nécessaire de

faire un travail de sensibilisation en direction de la population. Est ainsi mise en avant la question de

la parole et de l’acculturation des usagers - qui sont à la fois consommateurs et acteurs - et la

nécessité d’agir pour modifier les comportements et les postures.

Parmi les démarches évoquées, on relève plusieurs éléments :

- des démarches de concertation ont été mises en œuvre dans le cadre de l’élaboration des

PCET, en fonction des objectifs poursuivis (ex : réunions publiques participatives). Nantes

Métropole a ainsi lancé un « Atelier climat », expérience innovante visant à sensibiliser les

habitants et à évaluer leurs pratiques en matière de développement durable,23

23

De juin 2010 à juin 2011, 150 ménages représentatifs de l’agglomération nantaise ont été invités à explorer

comment chacun, à son niveau et selon ses moyens, peut contribuer à atteindre les objectifs fixés par le Plan

Climat de Nantes Métropole. Au bout d’un an, il s’est agit d’effectuer un bilan pour chaque groupe et chaque

ménage participant à l’expérience pour mesurer les éventuels changements opérés. Par le biais de cette

démarche de concertation, Nantes Métropole vise à mieux cerner les freins et les leviers rencontrés par la

population et à infléchir ses propres politiques publiques.

Service ou direction

énergie / climat 57%

Chargé de mission

29%

Gestion éclatée 14%

Organisation interne en matière d'énergie

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- Des démarches consistant à concevoir des outils de sensibilisation et d’information des

habitants ont été développées. A titre d’exemple, une cartographie thermique de l’ensemble

des habitations sur le territoire a été proposée aux citoyens, notamment à Arras. Celle-ci sert

d'outil de communication à destination des habitants au sein de l’espace info énergie (EIE).

La ville de Paris a également mis en place une démarche de cartographie des façades

d’immeuble.

- Enfin, dans le cadre de sa politique de développement des réseaux de chaleur, la

communauté urbaine de Strasbourg a mis en place des comités de suivi à destination des

usagers, dans lesquels sont notamment abordées les questions des prix et des évolutions

envisagées en termes de développement du service.

2.3. La répartition des rôles en matière d’énergie entre les communes et les

communautés reste souvent tributaire d’équilibres politiques.

Les relations entre les communes et leurs communautés (d’agglomération ou urbaines) en matière

d’énergie restent marquées par le contexte local. Certaines communautés sont ainsi fortement

intégrées et le traitement de la question de l’énergie ne fait pas exception.

Transferts de compétences

Toutefois, en termes de transferts de compétences en matière d’énergie, on constate que peu de

compétences ont été juridiquement transférées des communes vers les CA ou CU :

- aucune des cinq CA interrogées ne dispose d’une compétence en matière de soutien aux

actions de maîtrise de la demande d’énergie (MDE), ce qui ne les empêche toutefois pas de

mener des actions dans ce domaine ; aucune de ces CA n’est autorité organisatrice de la

distribution (AOD) d’électricité ou de gaz,

- 44% des CU disposent de la compétence en matière de MDE, quatre d’entre elles étant AOD

en matière d’électricité et/ou de gaz,

- concernant les réseaux de chaleur urbains, la relation semble plus équilibrée. De manière

générale, il semble que les réseaux les plus importants sont confiés aux communautés, alors

que les communes continuent de piloter les réseaux moins significatifs à l’échelle

communautaire. Beaucoup de communautés (ex : CU de Bordeaux, CU du Mans) ont ainsi

défini des réseaux d’intérêt communautaire. Certaines (Nantes Métropole par exemple) ont

été érigées en autorités organisatrices des réseaux de chaleur, afin de mettre en cohérence

l’ensemble de ces réseaux sur le territoire. Enfin, l’action des communautés en la matière

peut consister soit en la gestion des réseaux eux-mêmes, soit en de la fourniture d’énergie

destinée aux réseaux de chaleur, issue par exemple des usines d’incinération des ordures

ménagères (UIOM). Au final, 8 communautés urbaines sur les 16 interviewées interviennent

dans le domaine des RCU. Pour mémoire, l’ensemble des 10 villes considérées dans l’étude

intervient dans le domaine des RCU.

Mutualisation de services

Au-delà des compétences transférées, certains services ont d’ores et déjà été mutualisés, même si

cela reste minoritaire. Cela dépend étroitement de l’état de maturité des communautés dans ce type

de démarche. Les communautés d’agglomération de Rennes, Saint-Etienne et Mulhouse ont ainsi

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mutualisé leurs services en charge des questions énergétiques. Il est également possible d’ajouter

Brest et Strasbourg, qui ont totalement mutualisé leurs services avec la communauté urbaine.

On rappellera ici la difficulté de mutualiser de manière totale des services opérationnels, sans

transfert de compétences en bonne et due forme. Le cas de Dunkerque est emblématique : la CUD

disposant de la compétence d’AOD en matière d’électricité et de gaz, elle a mis en place un service

étoffé pour piloter ces questions et est très active en matière d’économies d’énergie. En revanche,

les RCU n’ayant pas été transférés, les services les pilotant restent pour l’instant municipaux, même

si l’intercommunalité « à la dunkerquoise » permet aux différents acteurs de travailler en bonne

intelligence.

Autres coopérations intercommunales

Les compétences et la mutualisation des services ne sont cependant que des indicateurs partiels des

relations entre les communes et leurs communautés. La coopération peut dans certains cas être très

forte, même sans transferts ou mutualisation. Cela se traduit par l’élaboration conjointe des PCET de

la ville-centre et de la communauté ou par la mobilisation des petites communes pour qu’elles

réalisent elles aussi un Agenda 21 (Lille Métropole). Le PCET a ainsi souvent été l’occasion d’associer

l’ensemble des partenaires au sein de groupes de travail élargis.

D’autres mutualisations s’effectuent à géométrie variable. Cela peut consister à partager de

l’expertise ou à effectuer des missions de diagnostic et de conseil en commun. Surtout, plusieurs

communautés et une ou plusieurs communes membres ont souhaité gérer leurs certificats

d’économies d’énergie (CEE) ensemble ou mutualiser l’expertise dans ce domaine (ex : CU de Nancy),

étant donné la complexité de mise en place de ce dispositif.

A l’inverse, dans certains cas la coopération peut être plus difficile, en raison de la structure

intercommunale (Lille Métropole par exemple est composée de 85 communes très différentes, sans

ville-centre prépondérante) ou de situations politiques locales pouvant ralentir l’émergence d’une

réelle politique intégrée au niveau de l’agglomération (CU de Bordeaux).

D’autres types de coopérations doivent dès lors être envisagés. A titre d’exemple, Lille Métropole

devrait prochainement créer un réseau des autorités organisatrices de la distribution (AOD) à

l’échelle du territoire communautaire, impliquant une vingtaine d’AOD d’électricité, de gaz ou de

RCU. Ce réseau aura pour but d'optimiser la distribution d'énergie sur le territoire et de parvenir à

mieux maîtriser la demande d'énergie. Ce réseau devrait aussi permettre d'atteindre une taille

critique pour la relation avec les concessionnaires, sans pour autant que les communes ne

transfèrent leur compétence d’AOD à la communauté urbaine24.

Enfin, on peut noter également que la gestion des distributeurs non nationalisés, à Strasbourg,

Grenoble, Bordeaux et Toulouse (régie de production d’électricité) reste de compétence communale.

24

En complément de cette action, une étude de faisabilité est également en cours, concernant la création

d’une agence locale de l’énergie et du climat (ALEC).

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2.4. Quelles relations entre les territoires urbains et les syndicats d’énergie ?

Historiquement, de nombreuses communes, particulièrement en milieu rural, se sont organisées en

syndicats d’électrification et/ou de gaz. Ceux-ci disposent de la compétence d’AOD et contrôlent le

concessionnaire (ERDF pour 95% du marché d’électricité) pour le compte des communes. Ces

syndicats peuvent également être maîtres d’ouvrage pour des travaux de renforcement des réseaux,

en milieu rural. Certains de ces syndicats intercommunaux d’énergie (SIE) ont élargi leurs missions et

interviennent dans le domaine des économies d’énergie ou de la production d’électricité (ex : Hérault

Energies). Ces syndicats, à forte dominante rurale, sont parfois proches du conseil général, nombre

des représentants communaux étant également conseillers généraux.

La carte des AOD sur le territoire français est très contrastée et l’étude confirme la grande disparité

des situations dans les territoires urbains. On constate plusieurs cas de figure :

- dans 40% des territoires considérés25, le syndicat intercommunal est unifié sur l’ensemble du

département, y compris la ville principale. C’est le cas par exemple dans le Pas-de-Calais, le

Doubs, le Haut-Rhin ou dans la Loire,

- dans 44% des territoires urbains, le syndicat intercommunal est unifié sur tout le

département mais les communes ou la ville-centre de la CA ou la CU considérée n’en font pas

partie. Dans certains cas, seule la ville-centre n’a pas adhéré au SIE (ville de Toulouse, ville de

Nice, ville de Marseille). Dans d’autres, c’est l’ensemble des communes de la CU qui n’en fait

pas partie (Nantes, Nancy, Cherbourg), que la CU ait la compétence d’AOD ou non,

- dans 16% des territoires urbains, la carte des AOD est éclatée, sans syndicat intercommunal

prépondérant. C’est le cas dans les départements du Nord, du Rhône et du Bas-Rhin.

On constate de plus que la part des syndicats unifiés à l’échelle départementale est plus faible dans

les territoires comportant une communauté urbaine. Ainsi, lorsqu’il existe une grande agglomération

et une ville centre importante (Lille, Bordeaux), celle-ci reste en général AOD et indépendante du

25

Au cours de l’étude, en tenant compte des situations où des entretiens ont été réalisés à la fois avec la ville-

centre et avec l’EPCI, 25 territoires urbains ont été analysés : agglomérations de Rennes, Grenoble, Plaine

commune, Saint-Etienne, Mulhouse, Nantes, Bordeaux, Cherbourg, Strasbourg, Lille, Dunkerque, Brest, Le

Mans, Toulouse, Arras, Le Creusot-Montceau, Marseille, Nice, Nancy, Alençon, Lyon, Besançon, Paris,

Clermont-Ferrand, Montpellier.

Syndicat unifié à l'échelle

départementale 40%

Syndicat unifié sauf communes de

l'agglomération ou sauf ville-centre

44%

Plusieurs syndicats et communes

isolées 16%

Structuration des AOD d'électricité et de gaz dans les territoires urbains

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57

syndicat intercommunal. Les SIE ont ainsi tendance à être des syndicats ruraux, les grandes villes n’y

adhérant pas forcément. Dans certains départements très denses (Nord, Bas-Rhin), on constate un

fort éclatement du paysage des SIE, ce qui peut nuire à la coopération entre les acteurs et

l’articulation des stratégies face aux concessionnaires.

La tendance actuelle est cependant bien au regroupement des syndicats intercommunaux. Depuis la

loi de 2006 relative au secteur de l’énergie a été mis en place un mécanisme incitant les syndicats

d’électrification à se regrouper au niveau départemental. Les redevances versées par ERDF sont ainsi

majorées, tout comme les aides octroyées par le FACé. Fin 2011, d’après la FNCCR, on comptait un

syndicat unique dans 49 départements (syndicat intercommunal, syndicat mixte ou gestion directe

du pouvoir concédant par le conseil général).

Cartographie de la départementalisation des syndicats intercommunaux d’énergie

Source : FNCCR, 2010

La refonte actuelle de la carte intercommunale dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010 de

réforme des collectivités territoriales devrait contribuer à accélérer le mouvement de

départementalisation. La loi vise en effet des périmètres territoriaux comptant au moins 1 million

d’habitants. Ce processus de rationalisation des syndicats de communes ou mixtes d’énergie est l’un

des objectifs assignés aux préfets dans le cadre de la rationalisation de la carte des syndicats de

communes devant s’opérer d’ici fin 201226. Ce mouvement de rationalisation pourrait cependant

être remis en cause dans le cadre des ajustements de la réforme territoriale de décembre 2010

prévus par la nouvelle majorité.

26

Article. L2224-31 - IV du CGCT

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58

Cependant, de nombreuses villes interrogées sont réticentes à transférer leur compétence d’autorité

organisatrice de distribution à un syndicat, par peur d’être « noyées » parmi les nombreuses

communes composant le syndicat et de ne pouvoir faire valoir leurs intérêts propres. C’est le cas de

Nantes Métropole, qui est titulaire de la compétence d’AOD électricité. La CU a choisi de se retirer du

syndicat départemental, afin de pouvoir conserver son autonomie de décision face au syndicat

d’électrification de Loire-Atlantique (SYDELA). De plus, comme dans la Manche ou dans la Loire, des

enjeux politiques peuvent entrer en ligne de compte, lorsque la majorité au pouvoir dans la ville

principale du département est différente de la majorité départementale, qui contrôle le syndicat.

Les relations entre les territoires urbains (villes et communautés) et les syndicats d’énergie sont

variables. Dans certains cas, des oppositions politiques bloquent toute coopération (Toulouse). Dans

d’autres, sans opposition réelle de part et d’autre, on constate plutôt une situation d’ignorance,

d’indifférence. Enfin, dans certains cas, des coopérations se nouent, sans qu’il y ait pour autant

transfert de la compétence AOD. C’est le cas par exemple à Nancy où des échanges se font entre les

techniciens de la CU (qui dispose de la compétence d’AOD) et du syndicat départemental,

notamment sur les CEE.

Enfin, il convient de noter que les conférences départementales, prévues par la loi NOME, ont été

rarement mises en place par les préfets, alors que les collectivités semblent demandeuses de ce type

de réunion, dont l’objet pourrait être élargi à d’autres sujets que ceux prévus par la loi.

2.5. Les relations avec les concessionnaires de distribution d’énergie sont complexes,

entre contrôle émergent et partenariat

2.5.1. Les collectivités urbaines prennent de plus en plus en main leur rôle d’autorité

concédante

Concernant les RCU, d’initiative communale ou communautaire, les relations entre le pouvoir

concédant et le concessionnaire sont classiques et de même nature que celles existant pour d’autres

services techniques (eau, assainissement, transports, etc.).

Les relations entre le pouvoir concédant et le concessionnaire sont parfois plus complexes en

revanche en matière de gaz et d’électricité. En effet, hormis les exceptions que constituent les DNN

(distributeurs non nationalisés), les collectivités font face à ERDF, qui est leur concessionnaire

« obligé », en matière d’électricité.

Jusqu’à récemment, les communes avaient rarement conscience de leur pouvoir concédant en

matière d’électricité et de gaz et l’exerçaient peu. Aujourd'hui, de plus en plus, certaines villes ou

communautés ont mis en place des services en charge du suivi et de la gestion du contrat de

concession. La CU de Dunkerque fut précurseur en ce domaine, à la faveur de la renégociation du

contrat de concession à la fin des années 1990. Cette prise de conscience a conduit certaines

collectivités à négocier beaucoup plus finement le contrat de concession et à contrôler, via les CRAC

(Comptes-Rendus d’Activités de Concession), les investissements réalisés par le concessionnaire. Ce

contrôle du concessionnaire peut inclure également le contrôle de la qualité de l’électricité (temps

de coupure, etc.) ou les tarifs pratiqués. On assiste ainsi actuellement à une prise de conscience des

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59

enjeux, plusieurs collectivités rencontrées souhaitant renforcer le contrôle d’ERDF et de GRDF et

orienter davantage le contenu du contrat de concession.

De manière générale, les relations semblent bonnes avec ERDF, même si de nombreuses collectivités

signalent des difficultés dans l’obtention de données précises sur les réseaux et la consommation

d’énergie sur leur territoire, notamment pour la réalisation des PCET, alors que cela résulte d’une

obligation légale, depuis la loi Grenelle II27.

Toutefois, en la matière, un certain nombre de collectivités urbaines n’exercent pas réellement leur

contrôle, faute de moyens alloués. Surtout, ce contrôle semble peu efficace s’il reste exercé de

manière isolée. Pour pouvoir peser face aux opérateurs et face à ERDF, une commune seule, ou un

syndicat isolé, semblent ne pas disposer de la taille critique. Le poids de GRDF et sa puissance de

négociation sont également importants.

2.5.2. Les distributeurs non nationalisés forment un cas à part

Il convient de souligner la particularité que constituent les distributeurs non nationalisés, qui sont

beaucoup plus contrôlés par les villes auxquelles ils sont rattachés. Ainsi, la ville de Grenoble envoie

des lettres de cadrage aux deux sociétés d’économie mixte dont elle contrôle le capital (Gaz

Electricité de Grenoble – GEG – pour la distribution de gaz et d’électricité et la Compagnie de

chauffage de l’agglomération grenobloise – CCIAG). Cela non seulement afin de contrôler leur

investissement dans les réseaux, mais également de les impliquer de manière directe dans la

politique énergétique de la ville (réduction des émissions de GES, développement des EnR, équité

sociale des tarifs, schéma directeur des réseaux…). Le contrôle direct d’un opérateur semble ainsi

être un levier de mise en œuvre d’une politique énergétique locale.

2.5.3. En parallèle, de nombreux partenariats ont été développés avec les opérateurs par les

collectivités urbaines

Comme évoqué supra, des partenariats peuvent se nouer entre les collectivités et les opérateurs

(EDF, ERDF, GDF-Suez, GRDF, etc.) sur des projets concrets et précis :

- en matière de maîtrise de la demande en énergie, afin d’éviter le renforcement des réseaux

(ville de Lille ou CU de Dunkerque avec ERDF),

- sur la précarité énergétique (Plaine Commune, avec EDF et GDF-Suez),

- ou sur les réseaux intelligents (Grand Lyon, Grenoble, Nice Côte d’Azur).

2.6. Des relations inégales et variées avec les régions et les départements

Les régions sont parfois présentées comme un niveau d’impulsion stratégique et de mise en

cohérence de la politique énergétique, notamment à travers la réalisation de schémas (tels les

SRCAE) et leur implication sur des enjeux de localisation des ressources et de développement de

filières. Elles jouent également un rôle important, dans certains territoires, en finançant certains

27

Art. L2224-31 CGCT.

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60

dispositifs, notamment en matière d’efficacité énergétique (ex : région Nord-Pas-de-Calais),

éventuellement en partenariat avec les collectivités urbaines (ex : thermographie aérienne à

Dunkerque cofinancée par la région).

Sur ces aspects, le partenariat avec les collectivités urbaines est plus ou moins structuré. Cela dépend

des traditions locales de partenariat dans les régions et de la volonté ou non de celles-ci d’assumer

un rôle de leadership sur la question.

Concernant les départements, a été souligné le poids de certains conseils généraux dans la

gouvernance de syndicats intercommunaux et le développement d’une concurrence politique de fait

avec les agglomérations. En terme prospectif, il semble nécessaire de faire en sorte que les politiques

du département, notamment sociales, prennent en compte les thématiques énergétiques (solidarité,

précarité énergétique…), exercées en lien avec le CCAS et les autorités concédantes. De même, en

matière d’aménagement du territoire, a été évoquée la nécessité d’une éco-conditionnalité des aides

sur les politiques menées par le département.

2.7. Des structures de gouvernance en évolution

Les structures de gouvernance, telles que les agences locales d’énergie (ALE) ou les Espaces info

Energie (EIE), n’existent pas sur tous les territoires. 52% des territoires concernés disposent d’une

ALE et 44% ne disposent « que » d’un ou plusieurs EIE. Par ailleurs, lorsqu’elles existent, le périmètre

des ALE est variable (agglomération, pays, département…), de même que leur mode de financement

(qui peut également faire appel au secteur privé). Enfin, les missions exercées et les publics

concernés sont variables :

- outil de gouvernance et d’animation du PCET,

- outil de gouvernance partenarial à destination de l’ensemble des acteurs de l’énergie,

- « EIE élargi » aux collectivités et entreprises, etc.

D’un point de vue prospectif, on note une volonté de ne pas trop uniformiser et de laisser les

territoires expérimenter des façons de faire et des modes de coopération. Toutefois, des éléments

communs ont été mis en avant :

- favoriser des logiques de projet rassemblant des acteurs divers et permettant d’inventer des

modes de concertation innovants (ex : le pacte électrique breton),

- inciter aux coopérations entre différentes niveaux de collectivités, y compris financièrement

via des mécanismes tels que l’éco-conditionnalité des subventions,

- l’intégration de la problématique énergétique dans des démarches plus larges de

planification territoriale (telles que les SCOT),

- le développement de lieux de ressources et d’échange à différentes échelles entre territoires

urbains (EPCI, grandes métropoles…).

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3. En guise de synthèse : essai de typologie sur le lien entre territoires

urbains et politique énergétique

3.1. Une typologie tenant compte des compétences prises ou pas par les EPCI

Cette typologie est basée sur les déclarations des EPCI interrogés concernant la prise formelle de

compétences dans le domaine de l’énergie. A cet égard, trois catégories d’EPCI peuvent être

distinguées. Bien que ne formant pas des catégories parfaitement homogènes, celles-ci comprennent

un certain nombre de points communs pouvant être dégagés.

3.1.1. Des EPCI ayant pris une compétence sur les réseaux (AOD en matière d’électricité, de

gaz ou de réseaux de chaleur urbains)

Notamment : communautés urbaines de Strasbourg, Nancy, Dunkerque, Brest, Nantes et Bordeaux

Notons que parmi les collectivités interrogées, seules des communautés urbaines ont à ce jour pris

des compétences en matière de réseaux, la majorité (excepté Nantes) étant des CU antérieures à la

loi de 1999.

Bien qu’étant géographiquement réparties sur l’ensemble du territoire, ces communautés urbaines

s’inscrivent dans des environnements fortement peuplés et urbanisés (contrairement à des CU plus

« rurales »).

Par ailleurs, cette compétence en matière de réseaux est souvent la seule compétence prise

formellement et structure la politique énergétique de l’EPCI ; peu de CU exercent ainsi plusieurs

compétences (Nantes, Brest).

Parmi ces communautés urbaines, deux comprennent des villes-centre disposant d’entreprises

locales d’énergie (ELE) - Strasbourg et Bordeaux – une hypothèse possible étant celle de l’existence

d’une tradition locale de gestion de réseaux.

Enfin, ces prises de compétences prennent place le plus souvent dans un cadre d’action et de

politiques volontaristes : labellisation comme capitale verte européenne (Nantes), inscription dans le

réseau des villes faisant partie de la convention des maires (Nantes et Bordeaux), prise de leadership

au niveau national (organisation des assises de l’énergie par Dunkerque).

3.1.2. Des EPCI ayant pris d’autres compétences liées à l’énergie (développement éolien, MDE,

EnR)

Notamment : communautés urbaines de Toulouse, Lyon et du Mans, Métropole Nice Côte d’Azur et

communauté d’agglomération de Saint-Etienne.

Les compétences prises diffèrent en fonction des problématiques et des contextes territoriaux :

plusieurs EPCI ont pris une compétence « classique » en soutien à la MDE (Toulouse, Lyon, Le Mans,

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Nice), d’autres ont choisi de transférer des compétences plus spécifiques telles que les EnR (Lyon) ou

le développement éolien (Saint-Etienne).

Notons que, parmi ces EPCI ayant pris formellement au moins une compétence liée à l’énergie, le

degré de structuration de la politique énergétique diffère, à l’image de Toulouse où la démarche est

relativement récente, tandis qu’inversement la prise de compétence à Lyon intervient au terme

d’une démarche d’étude et de mûrissement des besoins.

Enfin, il est intéressant de noter que la plupart des EPCI ayant engagé des prises de compétences

hors réseaux ont déclaré être en réflexion sur d’autres prises de compétences (notamment en

matière de réseaux de chaleur).

3.1.3. Des EPCI n’ayant à ce jour pas pris de compétences directes liées à l’énergie

Notamment : communautés urbaines de Lille, Marseille, Arras, Creusot-Montceau et Cherbourg, et

les communautés d’agglomération de Rennes, Grenoble et Plaine commune.

La catégorie d’EPCI n’ayant pris aucune compétence liée à l’énergie à ce jour est très hétérogène :

elle comprend deux importantes CU (Lille et Marseille) et trois CU de plus petite taille (Arras,

Cherbourg et Le Creusot) ; de même trois communautés d’agglomération de taille importante n’ont

pas pris de compétence(s) énergie à ce jour.

Cette non-prise de compétence s’explique par diverses raisons : des oppositions politiques au

transfert de la part de certaines communes de l’EPCI, des contextes spécifiques d’hégémonie ou de

concurrence avec la ville centre (ex : Grenoble), des territoires où les partenariats sont encore

relativement peu institués (Marseille, Lille), un choix délibéré du fait d’un manque de visibilité sur

l’évolution du paysage institutionnel, des transferts de compétences encore à l’étude (Cherbourg,

Arras, Le Creusot-Montceau…).

L’absence de prise de compétences n’empêche pas d’agir, plusieurs EPCI menant au contraire de

nombreuses actions. Cela consiste en des démarches de type Agenda 21 ou PCET étant parfois bien

engagées (Arras, Le Mans) et certaines CA jouant de vrais rôles d’animation et d’impulsion de la

politique énergétique sur le territoire (Plaine commune, Grenoble).

Parmi les collectivités interrogées, notons que plusieurs ont fait part de la nécessité d’impulser et de

faire vivre une réelle transversalité des politiques en matière d’énergie, des attentes s’exprimant par

ailleurs vis-à-vis d’outils tels que les PLU communautaires. Il existe ainsi de la part de nombreuses

communes une demande de mutualisation et d’animation de la coopération par l’intercommunalité.

3.1.4. Quelques remarques synthétiques ressortant de la typologie

Parmi les EPCI interrogés, on constate que les prises de compétences ne revêtent pas un caractère

systématique, et qu’elles ne constituent en aucun cas un préalable à l’action et à l’innovation en

matière d’énergie.

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Même si les CU s’engagent davantage dans des prises de compétences - probablement du fait de leur

antériorité et du cadre règlementaire qui leur est applicable - des démarches de réflexion sont

engagées sur la plupart des territoires (avec des degrés d’avancement différents), ce qui témoigne de

l’actualité de la question et de la vitalité du secteur.

Enfin, ces réflexions s’accompagnent d’interrogations diverses sur l’organisation et la pratique de la

gouvernance aux plans local et national : prise en compte des équilibres et des stratégies politiques,

adaptabilité et stabilité du cadre législatif et réglementaire, modes d’actions sur les comportements

individuels, structures de partenariat adéquates à mettre en place, etc.

3.2. Une typologie tenant compte des modes d’organisation interne et du partenariat

territorial en matière d’énergie

De caractère plus intuitif, cette typologie est fondée sur les déclarations des collectivités interrogées

concernant les modalités de mise en œuvre de la politique énergétique, du point de vue du portage

politique et de l’organisation administrative interne. Elle tient également compte des appréciations

portées par nos interlocuteurs sur l’organisation plus ou moins aboutie du partenariat en matière

énergétique au niveau du territoire.

3.2.1. Des collectivités dans lesquelles l’organisation en matière de politique énergétique est

relativement structurée

Notamment : villes de Grenoble, Lille, Besançon, Paris et Montpellier, Métropole Nice Côte d’Azur,

communautés urbaines de Dunkerque, Nantes, Nancy et Brest, communautés d’agglomération de

Rennes, Grenoble et Saint Etienne

Il s’agit d’une catégorie hétérogène dans laquelle on retrouve des collectivités ayant structuré leur

politique énergétique autour de compétences fortes en matière de réseaux (les villes, les CU) et des

communautés d’agglomération jouant un rôle moteur d’impulsion et d’animation territoriale sur les

questions énergétiques. Dans ces collectivités, l’on retrouve le plus souvent :

- un service énergie identifié comme tel, plus ou moins étoffé et aux missions plus ou moins

larges (Dunkerque, Paris),

- des élus ayant l’énergie comme mission clairement identifiée et/ou en cohérence forte avec

les enjeux globaux en matière de développement durable, d’environnement, de lutte contre

le réchauffement climatique (PCET), etc.,

- des services parfois mutualisés communes / EPCI (Saint-Etienne, Rennes),

- une volonté affirmée de transversalité entre élus et entre les services autour de la

problématique énergétique, en ayant recours à des outils et modes de coopération

diversifiés (comité de pilotage, cellule transversale, appui systématique sur un ou plusieurs

service ressources, concertation autour des ZAC et PLU),

- enfin, dans certains territoires, des traditions de partenariat et un ancrage fort des structures

de coopération telles que les ALE (Grenoble, Rennes, Brest).

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3.2.2. Des collectivités dans lesquelles l’organisation en matière de politique énergétique est

faiblement structurée ou en cours de structuration

Notamment : ville de Clermont Ferrand, communautés urbaines de Bordeaux, Lille, Le Mans,

Toulouse, Arras, Marseille, Cherbourg, Strasbourg et Le Creusot, communautés d’agglomération de

Plaine commune et Mulhouse

Dans certaines collectivités, les missions liées à l’énergie sont éclatées entre différentes directions et

services (ex : CU de Bordeaux). Dans d’autres, une direction ou un service spécifique dédié à l’énergie

est en cours de structuration, en accompagnement d’une prise de compétence nouvelle (ex : Grand

Lyon).

Dans certaines collectivités, la politique énergétique est éclatée entre différentes délégations d’élus.

Dans d’autres collectivités, une délégation d’élu spécifique à l’énergie n’est activée que depuis

récemment, avec une volonté de portage plus fort de la politique (ex : CU Lille).

En terme de transversalité, certaines collectivités s’appuient sur des binômes de directions porteuses

de la politique énergétique (ex : CU Arras avec les directions environnement et logement). Dans

d’autres collectivités, la transversalité est assurée via un portage par la direction générale (ex : CU

Toulouse). Enfin, l’approche en terme de transversalité est encore parfois relativement absente (ex :

Ville de Clermont-Ferrand).

Enfin, on note l’engagement de réflexions sur les principes et outils de structuration du partenariat

territorial en matière d’énergie dans certains territoires (CU Marseille et Toulouse, CA Plaine

commune).

3.3. Quelques remarques synthétiques à partir de la mise en perspective des deux

typologies

Sauf exceptions, l’on constate que les villes et les communautés urbaines exerçant des compétences

en matière de réseaux (Grenoble, Dunkerque) ou ayant formalisé plusieurs compétences en matière

d’énergie (Lyon, Brest) sont également celles où la gouvernance interne et externe est relativement

forte. Ceci n’empêche toutefois pas que certaines collectivités aient structuré leur organisation pour

la mise en œuvre de plans d’action sans prise de compétence formalisée.

Si les organisations internes varient selon les collectivités et leur contexte, l’on constate que

l’organisation de gouvernance territoriale constitue aujourd’hui un objet de réflexion et de

préoccupation dans un nombre important de territoires, à travers des projets de mise en place de

structures spécifiques de type ALE ou d’outils d’animation des démarches de type PCET.

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Le pilotage de l’énergie dans un territoire urbain

La mise en place d’une politique relative à l’énergie, dans une grande ville, une communauté

d’agglomération ou une communauté urbaine, doit prendre en compte une multiplicité de sujets

pour pouvoir être efficace. Sa mise en œuvre est dès lors particulièrement complexe, dans un

domaine relativement neuf pour de nombreuses collectivités. Pour structurer la mise en place ou la

réorganisation d’une telle politique dans un territoire urbain, plusieurs questions doivent être posées

et arbitrées.

A partir des entretiens réalisés, cinq grandes questions ont été identifiées comme particulièrement

structurantes. L’objectif de cette partie est de proposer une « boîte à outils » aux praticiens des

collectivités territoriales, élus comme cadres dirigeants, pour guider leur action.

- Comment mobiliser les élus ?

- Quels objectifs en matière de politique énergétique ?

- Quelles compétences transférer à l’EPCI et quel territoire pertinent d’action ?

- Quelle organisation interne adopter ?

- Quel partenariat territorial ?

Le constat dressé au début de ce rapport met clairement en évidence la diversité des situations dans

ce domaine et des degrés d’avancement très différents selon les collectivités. Les questions

évoquées ci-dessous ne sont donc évidemment que des pistes de travail. Elles ne délivrent pas un

message d’uniformité d’un modèle à mettre en place mais insistent au contraire sur l’importance

d’adapter les politiques menées et la gouvernance au territoire. Elles sont en cela des pistes de

réflexions ou d’outils à développer et à structurer plus qu’une démarche à suivre nécessairement in

extenso.

1. Comment mobiliser les élus ?

Les entretiens réalisés au cours de l’étude ont été effectués auprès d’élus et/ou de cadres de

collectivités (DGA, directeur, chargé de mission etc.). Ces élus, particulièrement concernés par les

questions d’énergie, ne représentent cependant pas l’ensemble des élus des EPCI et des grandes

villes. En effet, il semble que leur degré d’implication sur les questions d’énergie soit variable d’une

collectivité à une autre. Parfois, les élus ne semblent pas conscients de leur responsabilité et

considèrent que les grands opérateurs nationaux (EDF et GDF historiquement) sont les plus

compétents pour gérer ces questions, voire les seuls légitimes à le faire, alors même que les

communes sont depuis la loi de 1906 les responsables du service public de la distribution d’énergie

et les propriétaires des réseaux de distribution d’électricité et de gaz. Les questions d’énergie sont

ainsi souvent abordées dans le cadre des Agendas 21 et PCET, et non en tant que politique publique

à part entière, même si les entretiens ont permis de mettre en avant une prise de conscience. Il

semble donc essentiel, en premier lieu, de mobiliser les élus sur les questions énergétiques pour

affirmer le portage de cette politique. Plusieurs arguments peuvent être avancés.

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1.1. Une prise de conscience de la part des usagers-électeurs

Les questions énergétiques ont fait progressivement irruption dans le débat public, depuis les chocs

pétroliers des années 1970. Une première raison pour mobiliser les élus sur la question de l’énergie

réside ainsi dans le fait que les usagers-électeurs demandent aux pouvoirs publics d’intervenir

davantage, pour plusieurs raisons.

1.1.1. Les enjeux environnementaux

Tout d’abord, des questions environnementales inquiètent les Français. Depuis la campagne

présidentielle de 2007, notamment, le changement climatique est devenu une cause d’inquiétude

reconnue comme fondamentale. Ainsi, selon un sondage publié le 30 mars 2012 réalisé par Ifop pour

WWF France, 40% des Français estiment que les risques liés au changement climatique constituent

les risques environnementaux les plus préoccupants actuellement28. Aujourd'hui, les débats autour

de la conversion à une économie « décarbonée » ne sont plus l’apanage de spécialistes et plusieurs

collectivités ont elles-mêmes organisé des débats citoyens sur ces questions. Certes, le chômage, la

dette et l’immigration sont les trois premières priorités des Français, d’autant plus dans une période

de crise économique, mais la lutte contre le changement climatique n’est plus désormais un sujet

réservé aux seuls citoyens sensibilisés à l’écologie.

De plus, la question nucléaire est revenue sur le devant de la scène suite à la catastrophe de

Fukushima survenue en mai 2011, au Japon. Ainsi, selon un sondage Ifop pour Atlantico publié le 9

mars 2012, 34% des Français étaient « assez inquiets » à l’égard des centrales nucléaires françaises

(11% se déclarant «pas inquiets du tout »)29. De là découle l’impératif pour les pouvoirs publics de

promouvoir des formes alternatives d’énergie et une réduction des dépenses énergétiques.

Enfin, de manière générale, les questions de pollution et du développement durable sont désormais

abordées par les collectivités. La prise en charge de la question de l’énergie par les collectivités serait

donc légitime aux yeux des Français.

1.1.2. Le coût de l’énergie

Une deuxième raison légitimant l’action des collectivités locales réside dans la hausse du coût de

l’énergie. La « facture énergétique » est régulièrement évoquée dans les médias et chaque hausse du

coût de l’électricité et du gaz est abondamment commentée. Ainsi, en janvier 2012, la commission de

régulation de l’énergie avait prévenu que les prix de l’électricité pourraient grimper de 30% d’ici à

201630. Ce phénomène de hausse concerne également le gaz. La maîtrise des dépenses énergétiques

28

Enquête réalisée par Internet du 1 au 5 mars 2012 avec un échantillon de 951 personnes. Marge d'erreur:

environ 3,2%. Les autres choix possibles étaient les suivants : les risques liés à la pollution des eaux (27%), les

risques alimentaires (33%), les risques liés au nucléaire (31%), les risques industriels (19%), les risques liés à la

pollution atmosphérique en ville (14%) et les risques liés à l’amiante (3%). 29

Enquête réalisée par Internet du 6 au 9 mars 2012 avec un échantillon de 992 personnes. Marge d'erreur:

environ 3,1%. 30

Le Monde.fr avec Reuters, Les tarifs de l'électricité pourraient bondir de 30% d'ici 2016, 18 janvier 2012

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est donc au cœur des préoccupations des Français. De plus, le thème de la « précarité énergétique »,

relativement récent dans le débat public, a été progressivement pris en compte par les autorités

nationales et les collectivités locales.

1.1.3. Le rôle des élus et leurs leviers d’action

Plusieurs interlocuteurs contactés lors de la préparation de ce rapport31 ont signalé que les usagers

étaient de plus en plus conscients de la capacité des collectivités locales à agir pour faire baisser leur

facture énergétique. Cela passe bien sûr par les aides à l’isolation des bâtiments ou les aides sociales

pour les ménages en situation de précarité, mais aussi par des solutions plus volontaristes, portant

sur la fourniture même d’énergie pour les particuliers. Ainsi, les collectivités disposent de leviers

d’action pour baisser le prix de l’énergie, en premier lieu par le développement de réseaux de

chaleur urbains (RCU), qui ont permis dans plusieurs cas de faire baisser le coût de l’énergie pour les

particuliers, par rapport à des sources d’énergies plus « classiques », comme l’électricité ou le fioul. A

partir du moment où les usagers se rendent compte des possibilités des collectivités pour agir à ce

sujet et, à leur niveau, sur le changement climatique, ils risquent fortement de demander aux élus de

nouvelles initiatives dans ce domaine.

1.2. La mise en cause possible de la responsabilité des élus communaux en tant

qu’autorités concédantes

Comme cela a été rappelé ci-dessus, les communes sont les responsables du service public de

l’énergie et sont propriétaires des réseaux de distribution d’électricité et de gaz. En tant qu’autorités

organisatrices de la distribution (AOD), les communes ou l’EPCI à qui elles ont transféré cette

compétence (syndicat ou EPCI à fiscalité propre) sont responsables de la bonne exécution de ce

service public. Certes, le fait qu’ERDF et GRDF couvrent chacun 95% du territoire pour l’électricité et

du gaz leur donne un poids et des moyens importants. De plus, dans l’esprit des Français, EDF et GDF

restent associés à la loi de nationalisation de 1946 et restent considérés comme des services publics

nationaux32 auxquels sont attachés les usagers.

Peu de citoyens savent aujourd'hui que les communes sont en réalité les autorités concédantes du

service public de la distribution. Cependant, comme l’a constaté la FNCCR dans son récent Livre

blanc, publié en novembre 201133, les temps de coupure d’électricité augmentent régulièrement et

ERDF semble adopter de plus en plus une logique marchande. Plusieurs rapports parlementaires ont

également pointé le sous-investissement d’ERDF dans la maintenance et le renouvellement des

réseaux de distribution, alors que les besoins sont importants, notamment dans les centres urbains,

les premiers à avoir été électrifiés. Ces exemples montrent que la qualité du service public de

distribution d’énergie n’est pas une donnée en soi et mérite d’être contrôlée par les autorités

concédantes. In fine, en cas de dégradation forte du service public de fourniture d’énergie et en

fonction des conséquences que cela pourrait engendrer, les AOD, et donc les élus à leur tête,

pourraient voir leur responsabilité engagée au moins sur un plan politique, si ce n’est juridique. Il

31

Notamment la communauté urbaine de Strasbourg et la communauté urbaine du Mans 32

Malgré l’ouverture du capital de GDF et sa fusion avec Suez en 2008. 33

Quel mode de gestion pour les services publics locaux de l’électricité ?, Livre blanc, FNCCR, novembre 2011.

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68

importe donc que les AOD jouent pleinement leur rôle de contrôle des autorités délégataires,

comme elles le font pour d’autres services publics locaux (eau, collecte des déchets, etc.). La

responsabilité des élus porte donc non seulement sur la maîtrise de la consommation d’énergie et la

lutte contre le changement climatique, mais aussi sur la qualité du service public de l’énergie en lui-

même.

En dehors de la qualité du service public, l’étendue de cette responsabilité reste peu claire, à ce jour.

Néanmoins, en cas de catastrophe naturelle provoquant des dommages importants sur les réseaux, il

est possible d’imaginer que les AOD soient tenues responsables d’un manque d’investissement dans

les réseaux d’énergie, qui aurait renforcé les dommages causés par la catastrophe elle-même. Le

contrôle de l’activité du délégataire est donc important, pour s’assurer qu’il remplit ses missions dans

un souci de sécurité pour les usagers.

Enfin, comme l’évoquait également la FNCCR dans son Livre blanc de novembre 2011 relatif au mode

de gestion des services publics locaux de l’électricité, une mise en concurrence de la distribution

d’énergie, notamment d’électricité, n’est pas à exclure. Dès lors il est de la responsabilité

(strictement politique cette fois) des élus d’anticiper cette possible mise en concurrence en créant

les conditions de cette alternance. Il est donc essentiel, dès à présent, que les élus se réapproprient

cette question de l’énergie.

1.3. Les élus des EPCI à fiscalité propre disposent de moyens d’action avec ou sans

prise de compétence

Les entretiens réalisés ont montré que les élus disposent de leviers d’action pour agir dans le

domaine de l’énergie et qu’il existe plusieurs cadres d’action possible. Cette présentation des

différents niveaux d’action possible peut être un moyen de convaincre les élus d‘intervenir en

matière d’énergie.

1.3.1. Redéfinir les politiques publiques, à moyens constants

Chaque collectivité peut, à son niveau et dans le cadre de ses compétences, orienter ses politiques

dans le sens d’une meilleure maîtrise des dépenses d’énergie et de développement des énergies

renouvelables.

En premier lieu, il est possible de redéfinir leurs politiques publiques (ex : urbanisme, habitat,

transports) dans le sens d’une meilleure prise en compte transversale des enjeux énergétiques. Une

politique locale de l’énergie peut ainsi être menée à moyens constants, en réorientant les dispositifs

financiers mis en place ou en faisant évoluer la réglementation, notamment d’urbanisme.

1.3.2. Développer une politique volontariste impliquant une hausse des moyens, sans prise de

compétence

Au-delà de ce premier niveau d’intervention, les élus peuvent souhaiter mettre en place une

politique volontariste et affecter des moyens nouveaux à la politique de l’énergie. La question qui se

pose alors, pour les EPCI à fiscalité propre, est celle d’une prise de compétence. Cependant, les

intercommunalités n’ont pas nécessairement besoin de prendre une compétence en la matière pour

pouvoir agir, en complémentarité avec les autres collectivités. En effet, plusieurs communautés ont

d’ores et déjà mobilisé des financements importants, sans pour autant prendre une compétence en

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matière d’énergie, que ce soit celle de « soutien aux actions de maîtrise de la demande en énergie

(MDE) » ou d’AOD. Cela s’explique par la nature transversale du sujet de l’énergie. En conséquence,

la question d’une prise de compétence en matière d’énergie ne doit pas être un frein au

développement d’un premier niveau d’action par les intercommunalités. La prise de compétence

permet, quant à elle, de mener une action plus volontariste et de peser dans les débats, notamment

face aux concessionnaires. Pour rappel, sur le plan financier, la prise de compétence « soutien aux

actions de maîtrise de la demande en énergie » ne permet pas de mobiliser des fonds

supplémentaires. En revanche, la prise de la compétence d’autorité organisatrice de la distribution

d’électricité par l’intercommunalité permet à la collectivité de percevoir la part communale de la

taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE) payée par les contribuables au titre du service

public de la distribution d’électricité34.

1.3.3. Transférer la compétence pour mieux organiser l’action publique locale

Malgré cela, une prise de compétence peut permettre à une communauté d’aller plus loin en

matière d’énergie. Si la compétence « soutien aux actions de MDE » peut étayer l’action des EPCI,

une prise de compétence d’AOD, que ce soit pour l’électricité, le gaz ou les RCU, peut constituer un

levier pertinent pour pouvoir organiser le développement des réseaux énergétiques sur le territoire.

L’action de l’EPCI est alors bien d’organiser l’action des opérateurs publics et privés.

1.4. La politique énergétique comme levier d’optimisation des dépenses pour les

collectivités

Pour mobiliser les élus, il semble essentiel de montrer qu’une intervention de la collectivité sur les

questions énergétiques n’implique pas nécessairement une hausse des dépenses et peut même

permettre de les baisser.

Tout d’abord, comme le soulignent régulièrement plusieurs acteurs (AMORCE, CLER, etc.), les

collectivités peuvent en premier lieu agir sur leur propre patrimoine et sur leurs propres politiques

pour diminuer leurs dépenses d’énergie et donc leurs dépenses de fonctionnement. Les collectivités

ont donc tout intérêt à investir ce champ de compétence. Comme on l’a vu, cela peut concerner les

bâtiments des collectivités, mais aussi leurs véhicules ou encore l’éclairage public (cf. infra).

Ensuite, le transfert de la compétence d’AOD à un EPCI à fiscalité propre, communauté

d’agglomération ou communauté urbaine, peut permettre de mutualiser la taxe communale sur la

consommation finale d’électricité (TCFE) au niveau intercommunal35. Comme évoqué supra, ces

taxes sont en général affectées au budget général des communes. En les mutualisant au niveau des

intercommunalités et en les fléchant vers les politiques énergétiques, cela peut permettre d’obtenir

34

Cf. supra, partie II du rapport. 35

En effet, selon l’article L2333-2 du CGCT, le transfert de la compétence d’AOD à un EPCI (syndicat ou

communauté) entraîne le transfert de la TCFE communale : « Il est institué, au profit des communes ou, selon

le cas, au profit des établissements publics de coopération intercommunale ou des départements qui leur sont

substitués au titre de leur compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité […]une

taxe communale sur la consommation finale d'électricité ».

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un effet levier plus important, au bénéfice de l’ensemble des communes du territoire, et de financer

ainsi, au moins en partie, une politique énergétique locale.

Enfin, les certificats d’économie d’énergie (CEE) peuvent constituer une source possible de

financement de la politique énergétique. Compte-tenu de la complexité de leur mise en place, et

pour bénéficier d’un effet masse, il semble pertinent de regrouper leur traitement au niveau de

l’intercommunalité, afin de bénéficier de son expertise. Cependant, plusieurs collectivités ont

indiqué que la rentabilité des CEE, tout au moins dans leur première phase, était limitée, le « prix »

des CEE sur le marché étant resté assez faible. En effet, les obligations fixées aux entreprises et

institutions concernées ont été trop limitées pour obtenir un prix des CEE élevé.

Dès lors, il convient de convaincre les élus que la mise en place d’une politique énergétique locale, si

elle ne peut pas être « rentable » en soi, peut ne pas coûter aussi cher qu’anticipé, grâce à la

mobilisation de financements externes ou grâce à la réalisation d’économies sur le budget de

fonctionnement de la collectivité.

2. Quels objectifs en matière d’énergie ?

Une fois la décision prise par les élus de mettre en place une politique locale de l’énergie, celle-ci doit

s’organiser autour d’objectifs précis. On peut distinguer trois axes distincts, qui ne sont pas exclusifs

les uns des autres : une politique de réduction de la facture énergétique, une politique

d’amélioration du service public de l’énergie rendu aux usagers et enfin une politique de lutte contre

le changement climatique. Ces orientations et les objectifs qu’elles recouvrent (voir ci-dessous)

peuvent être envisagés dans leur totalité ou partiellement. Ils doivent néanmoins être distingués

conceptuellement car leurs motivations ne sont pas les mêmes. Dans le cadre de cette boîte à outils,

il s’agit ici d’indiquer les grandes orientations de ces politiques et non de les lister précisément. En

effet, les objectifs précis fixés doivent être ensuite adaptés aux caractéristiques de la collectivité et

du territoire.

Lorsqu’une collectivité envisage de mener une politique de l’énergie et/ou de prendre des

compétences nouvelles en la matière, une phase de diagnostic est incontournable en amont. Elle

permet de dresser un état des lieux global :

- du portage politique (identification du ou des référents, clarification des responsabilités),

- des compétences juridiques de la collectivité (pour les EPCI),

- des actions déjà menées en la matière dans l’ensemble des domaines de la collectivité (en

interne, au sein de chaque politique publique, en lien avec les acteurs du territoire),

- des ses moyens humains et matériels,

- du traitement interne de la question de l’énergie, notamment du point de vue de la

transversalité.

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71

Le diagnostic permet ensuite d’identifier les opportunités d’actions nouvelles pour mettre en œuvre

la politique énergétique de la collectivité. Or, pour les communautés d’agglomération et urbaines, il

est possible de distinguer :

- les actions qui peuvent être assurées à compétences constantes (par exemple : comment

modifier l’action de la collectivité en matière d’urbanisme pour intégrer des critères

d’économies d’énergie),

- les actions qui nécessitent une prise de compétence nouvelle.

2.1. Volet 1 : Réduction de la « facture énergétique » de la collectivité

Ce premier objectif d’une politique énergétique porte sur les aspects internes de la collectivité.

L’objectif affirmé ici est avant tout de diminuer les dépenses propres d’énergie de la collectivité.

2.1.1. Un impact potentiellement important sur les dépenses de fonctionnement

Quelques chiffres fournis par l’association AMORCE36 mettent en évidence l’impact potentiel d’une

meilleure maîtrise de la consommation d’énergie sur les dépenses de fonctionnement des

collectivités.

- En 2005, les dépenses des communes en matière d’énergie étaient de 2,2 Mds€, soit 35

€/habitant, en moyenne, sur le seul patrimoine géré de manière directe.

- De plus, les dépenses d’énergie d’une commune représentent en moyenne 8% du budget de

fonctionnement hors masse salariale.

- Trois grands postes de dépenses sont visés :

o les bâtiments (chauffage, éclairage, appareils et équipements divers) représentent

75% des dépenses des communes en matière d’énergie,

o l’éclairage public, à hauteur de 18% des dépenses,

o et les carburants, pour 7% du total.

Il est donc essentiel d’adopter une vision globale du fonctionnement de la collectivité pour obtenir le

maximum de résultats. Les bâtiments doivent cependant concentrer l’essentiel des efforts,

notamment les écoles communales, souvent construites au 19e siècle.

Selon AMORCE, la rentabilité d’un suivi plus fin est réelle dès la première année, car il permet à lui

seul de réaliser des économies importantes. Bien sûr, ces économies décroissent au fil du temps,

une fois les premières améliorations apportées. L’expérience de certaines collectivités montre que

les économies réalisées permettent de rentabiliser les moyens humains mobilisés pour agir sur le

patrimoine propre des collectivités. Ainsi, la ville de Lorient (62 000 habitants), par exemple, aurait

grâce à une politique volontariste, réalisé, au bout de 20 ans, 50% d’économies sur son budget

énergétique, soit une économie de 1,2 M€ par an, en mobilisant près de neuf agents sur cette

question, dont le coût total est estimé à environ 300 K€ par an. De manière générale, AMORCE

estime qu’en général ce suivi de la consommation énergétique nécessite 1 équivalent temps-plein

(ETP) pour 10 000 habitants en moyenne.

36

Les données ci-dessous sont issues d’une présentation d’AMORCE le 11 mai 2012 à Lille Métropole.

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72

2.1.2. Effectuer un suivi régulier des consommations

Plusieurs leviers peuvent être mobilisés. En premier lieu il importe de connaître ses dépenses

énergétiques au travers d’un suivi fin et régulier de ces dépenses. Le premier travail consiste donc à

mettre en place des indicateurs de suivi (consommation au m² par exemple) et à effectuer des

relevés réguliers. Au besoin, il peut être utile d’installer des compteurs ciblés sur certains

équipements ou certaines parties des bâtiments.

Ce suivi fin doit s’inscrire dans le temps et doit permettre d’identifier des anomalies dans le

fonctionnement des bâtiments, des pics de consommation spécifiques ou inattendus ou des

consommations non nécessaires.

2.1.3. Renégocier les achats d’énergie

Ensuite, pour ce qui concerne les besoins propres de la collectivité, , il convient d’effectuer une revue

des contrats d’énergie de la collectivité et si nécessaire de les renégocier avec les fournisseurs. Dans

ce cadre, une mutualisation des achats d’énergie au niveau intercommunal peut être étudiée, pour

obtenir une masse critique permettant de négocier les tarifs de manière plus avantageuse.

2.1.4. Investir pour consommer moins

A partir d’un diagnostic des consommations d’énergie de la collectivité et de la performance

énergétique des bâtiments, un plan d’action peut être mise en place. Il doit concerner à la fois le

« dur » (les bâtiments, les appareils, etc.) mais aussi les utilisateurs des installations, voire les

usagers.

Concernant les bâtiments, selon AMORCE, deux niveaux peuvent être distingués :

- les travaux rentables rapidement (entre 1 et 3 ans) : réglage et programmation du chauffage

ou des équipements, utilisation de lampes basse consommation, mise en veille, isolations

simples ;

- les travaux rentables à plus longue échéance : isolation lourde, isolation solaire,

remplacement de matériels pour d’autres plus sobres en énergie, renouvellement des

chaudières, etc.

2.1.5. Changer les comportements des agents et des usagers

Le travail le plus complexe concerne peut être les utilisateurs de ces équipements, que ce soient les

agents ou les usagers. En effet, « la meilleure énergie est celle qui n’est pas consommée » (notion de

sobriété énergétique). Dès lors, il convient d’interroger les pratiques des agents et des usagers, ce

qui peut susciter des réticences fortes, car cela touche aux habitudes de consommation d‘énergie.

Ainsi, par exemple, la température de chauffage habituelle peut être baissée de plusieurs degrés sans

que le confort des utilisateurs ne s’en ressente. Cependant les agents (ex : bâtiments administratifs)

ou les usagers (ex : bibliothèques, salles de sport) peuvent se plaindre de cette température plus

basse. Dans certains cas, comme pour les écoles, le sujet peut être particulièrement sensible, car il

concerne les enfants des usagers. De même, pour l’éclairage public, arrêter d’éclairer toutes les rues

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73

la nuit modifie fortement les habitudes et peut renforcer le sentiment d’insécurité des habitants. Dès

lors, un équilibre doit être trouvé, par exemple en éclairant certaines rues particulièrement sensibles

ou certains passages dangereux. Pour l’éclairage public, des solutions techniques de sobriété

énergétique existent clairement, mais les usagers ne sont pas nécessairement prêts à accepter ce

type de solution plus économe en énergie, mais qui modifie leurs habitudes. Un travail de pédagogie

à destination des usagers et des agents est donc essentiel pour parvenir à changer les mentalités et à

convaincre dans la durée.

2.2. Volet 2 : améliorer le service public de l’énergie rendu aux usagers

Ce deuxième axe de travail concerne le service public de l’énergie, qui doit être ici conçu comme tout

autre service public de première nécessité (ex : eau potable, assainissement, transports etc.).

Les communes étant selon la loi les responsables du service public de la distribution d’énergie, elles

doivent se saisir pleinement de cette compétence. Il leur appartient de définir leur propre politique

de l’énergie et de la faire appliquer par le concessionnaire, ERDF dans 95% des cas, comme pour tout

service public dont la gestion est déléguée. Ce volet 2 concerne donc uniquement les collectivités

AOD (électricité, gaz, RCU37), c'est-à-dire les communes et les EPCI à qui elles auraient confié cette

compétence (communautés d’agglomération, communautés urbaines, syndicat d’énergie).

2.2.1. Maintenir la qualité de l’énergie fournie

Le premier objectif concerne évidemment la qualité du service rendu aux usagers dont la collectivité

est comptable. En matière de distribution d’énergie, cela repose essentiellement sur la disponibilité

de l’énergie à tout moment, de manière continue et égale.

L’indicateur essentiel est le temps de coupure. Ainsi, comme indiqué plus haut, la FNCCR dressait le

constat suivant dans son Livre blanc publié en novembre 2011 et intitulé « Quel mode de gestion

pour les services publics locaux de l’électricité ? » : « Durant une large décennie (1995-2007), EDF

(aujourd’hui ERDF) a opéré une baisse drastique de ses investissements dans les réseaux de

distribution, notamment afin de financer son développement international. Avec pour conséquence

une spectaculaire dégradation de la qualité de l’électricité distribuée. Cela se traduit notamment par

une hausse du temps de coupure moyen par abonné et par an : 119 minutes en 2010. Ce qui signifie

que certains usagers ont subi quelques minutes d’interruption de service (de l’ordre de 30 minutes en

Ile-de-France) mais d’autres plusieurs heures (jusqu’à plus de 10 heures dans certains départements).

S’y ajoutent des chutes de tension ou microcoupures, souvent fort préjudiciables aux entreprises et

aux particuliers. Ces fortes disparités territoriales représentent une véritable fracture électrique. ERDF

a recommencé, notamment avec le TURPE 3, à investir dans les réseaux. Mais il faudra 8 à 10 ans

d’efforts soutenus (3,7 milliards d’euros prévus en 2012) pour observer un redressement significatif de

la qualité ».

La qualité du service rendu varie ainsi d’un territoire à l’autre et il importe que les AOD, y compris en

milieu urbain, veillent à la disponibilité de l’électricité, mais aussi du gaz, de manière continue tout

37

Ou seulement gestionnaires d’un RCU

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au long de l’année. Pour ce qui concerne les RCU, souvent contrôlés de manière directe par les villes

ou les intercommunalités, ce contrôle peut paraître plus simple car la collectivité dispose d’un

pouvoir direct, mais il importe également de s’assurer que la chaleur fournie l’est de manière

continue et égale, tout au long de l’année. Cette qualité, on le voit, passe avant tout par le degré

d’investissement et de renouvellement des réseaux consenti par les opérateurs. La collectivité doit

donc se doter des moyens opérationnels pour contrôler la teneur de ces investissements tout au long

de l’année, à partir des documents fournis mais également en étant « sur le terrain ».

2.2.2. Garantir l’égalité d’accès au service public de l’énergie

Le deuxième objectif fondamental du service public de l’énergie est de garantir une égalité de

traitement des usagers, comme pour tout service public.

Cela consiste d’abord, dans des communautés à forte composante rurale, à s’assurer du

raccordement de l’ensemble des communes isolées à un ou plusieurs réseaux d’énergie. Ensuite, le

développement des réseaux doit s’effectuer de manière à ce qu’il soit suffisant pour approvisionner

l’ensemble des habitants du territoire, avec la même qualité de service, quel que soit le type de

quartier concerné et sa « rentabilité ». La planification des réseaux doit dès lors prendre en compte

le développement futur de la ville afin d’éviter un investissement en infrastructures coûteuses qui ne

répondraient qu’à des besoins faibles ou disséminés. Cette planification doit permettre d’apporter

des solutions adaptées au territoire pour lutter contre l’étalement urbain. Cela concerne notamment

les réseaux de chaleur urbains (RCU), outils majeurs pour la lutte contre le changement climatique :

leur utilisation ne doit pas être limitée à certains quartiers mais au contraire être généralisée dès que

cela est possible.

De manière générale, l’AOD doit s’assurer que l’opérateur retenu (ERDF, GRDF, opérateurs de RCU

comme Dalkia) ne discrimine pas certaines zones du territoire, en raison de leur rentabilité ou de la

richesse de ses habitants. Ce principe, s’il est globalement respecté à ce jour, constitue cependant un

élément fondamental du service public qu’il convient de garder à l’esprit. Il ne doit donc y avoir ni

discrimination territoriale ni discrimination sociale dans l’accès à l’énergie, qui constitue un bien de

première nécessité.

2.2.3. Baisser les tarifs pour les usagers

La question des tarifs et du coût de l’énergie est bien sûr une composante de l’égalité d’accès au

service public de l’énergie. Ce sujet est crucial pour toute autorité concédante, quel que soit le

service public concerné (ex : fourniture d’eau potable, transports).

Pour ce qui concerne l’énergie, la situation diffère selon le type d’énergie fournie. Pour l’électricité et

le gaz, les tarifs réglementés sont fixés au niveau national et les collectivités (en dehors des aides

pour les impayés, qui entrent dans le cadre de l’action sociale38) n’ont pas de levier direct sur ce

point, même si cette question les concerne au premier chef. Pour ces énergies, des facteurs

38

Notamment pris en charge dans le cadre des fonds de solidarité logement gérés par les départements.

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beaucoup plus larges doivent être pris en compte (ex : source de l’énergie produite – nucléaire,

renouvelables, géopolitique, etc.).

En revanche, pour les réseaux de chaleur urbains (RCU), les collectivités concédantes disposent de

leviers directs sur les prix. Certains interlocuteurs ont indiqué à la mission que le développement

d’un RCU avait permis de faire baisser la facture d’énergie des usagers39. Les collectivités disposent

donc bien de leviers directs pour agir sur ce point, dans certaines limites.

2.2.4. S’assurer de la qualité de la relation de l’opérateur avec les usagers

La qualité de la relation de l’opérateur avec les usagers peut aussi être un objectif fixé à celui-ci par

l’AOD. Si les collectivités n’ont pas de relations directes avec les particuliers ou les entreprises (pour

qui le seul interlocuteur sera ERDF ou GRDF par exemple), elles doivent néanmoins s’assurer, par

exemple, que le délai de raccordement des particuliers et des entreprises reste relativement court,

que les délais d’intervention en cas d’urgence sont réduits au minimum ou que les compteurs gérés

fonctionnent correctement. Pour tous ces aspects, les délégataires doivent être à l’écoute des

usagers. Ici aussi, la qualité de la relation client vaut pour l’énergie comme elle vaut pour d’autres

services publics délégués. L’autorité délégante doit s’assurer de la qualité de cette relation.

2.2.5. Négocier les contrats de concession ou de délégation de service public de manière

équilibrée

Ce volet essentiel d’une politique locale de l’énergie repose sur la négociation des contrats, qu’il

s’agisse de contrats de concession, pour l’électricité et le gaz, ou de délégation de service public

(DSP), pour les réseaux de chaleur urbains (RCU). Les opérateurs (y compris les opérateurs publics ou

soumis à des obligations de service public) adoptent de plus en plus une logique d’expansion et de

développement au détriment d’une logique de maîtrise de la consommation. Les collectivités ne

peuvent se désintéresser de la négociation de ces contrats.

Comme indiqué plus haut dans le rapport, à l’heure actuelle les AOD sont relativement contraintes

dans la négociation des contrats de concession d’électricité ou de gaz, qui sont très souvent

standardisés. Cependant, s’agissant de documents de nature contractuelle, les collectivités disposent

de marges de manœuvre pour adapter ces contrats à leur territoire. Les contrats liant les AOD aux

opérateurs (pour l’électricité et le gaz, mais aussi bien sûr pour les RCU) doivent traduire les

orientations de la collectivité en matière de service public local de l’énergie.

Les contrats de concession ou de DSP doivent ainsi permettre de négocier les investissements qui

seront réalisés (opportunités de travaux d’extension ou de renforcements), de pouvoir déterminer

leur localisation avec le concessionnaire ou le délégataire, voire de négocier une participation du

concessionnaire à des opérations de maîtrise de l’énergie, en particulier pour ce qui concerne

l’électricité ou le gaz. Le programme d’enfouissement du réseau d’électricité est aussi négocié dans

39

Cf. supra.

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le cadre du contrat de concession. Le contrat, enfin, comporte des objectifs en termes de qualité et

de continuité de la fourniture d’énergie40.

2.2.6. Contrôler efficacement les concessionnaires

Ces objectifs ne peuvent être atteints que par un contrôle efficace des opérateurs privés

(concessionnaires, délégataires ou fermiers, selon le type de contrat), ce qui nécessite la mise en

place d’une organisation interne ad hoc. En préalable, il importe de rappeler ici que l’information

fournie par les concessionnaires et délégataires doit l’être au niveau le plus fin possible. Pour ce qui

concerne l’électricité et lez gaz, en particulier, cette information devrait être fournie de manière plus

fréquente que lors du seul compte-rendu annuel à la collectivité (CRAC). L’autorité concédante doit

disposer d’un maximum d’informations sur la location des équipements, sur leur fonctionnement,

mais aussi sur les consommations des particuliers ou des entreprises, afin de pouvoir planifier les

investissements à réaliser.

De plus, l’AOD étant propriétaire des réseaux et des équipements, un inventaire fin de ceux-ci doit

être dressé. Une veille sur la maintenance et l’exploitation de ces ouvrages doit être effectuée, afin

de s’assurer de leur renouvellement et de la qualité de leur fonctionnement. De manière

synthétique, ce contrôle peut ainsi passer par :

- l’analyse des écarts d’inventaire,

- l’évaluation de la qualité de la fourniture d’énergie,

- l’analyse du patrimoine et du renouvellement des ouvrages.

Ce rôle de contrôle sur le terrain ressort bien en effet de l’AOD, personne publique en charge de ce

service public. L’AOD doit donc se doter d’agents disposant de compétences techniques spécifiques,

afin de pouvoir rééquilibrer la relation avec les opérateurs privés à qui le service public local de

l’énergie est délégué. Les autorités concédantes doivent ainsi jouer un rôle de contrepoids ou de

contre-expertise technique, y compris face aux grands opérateurs nationaux, pour ce qui concerne

l’électricité et le gaz.

2.3. Volet 3 : lutter contre le changement climatique

Ce troisième axe de politique publique en matière d’énergie est celui le plus mis en avant ces

dernières années au niveau national comme par les collectivités. Celles-ci se sont d’ores et déjà

fortement mobilisées pour lutter contre le changement climatique et préparer une société sans

énergies fossiles. Ce volet 3, à distinguer conceptuellement des objectifs affichés pour les deux

premiers volets, les englobe cependant en partie. Ainsi, réduire les consommations propres de la

collectivité participe à la lutte contre le changement climatique. De même, assurer un meilleur

service public de l’énergie peut consister à aider à maîtriser les consommations d’énergie et donc à

orienter le développement et l’entretien des réseaux dans ce sens.

Les points ci-dessous ne sont que des pistes de travail pour guider la réflexion et ne constituent pas

un inventaire exhaustif des actions à mener.

40

Cf. partie 2.2 de la partie du rapport relative au cadre juridique pour plus de détails.

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2.3.1. Adopter le scénario negaWatt

Cette stratégie, diffusée par l’association négaWatt41 peut guider l’action des collectivités en matière

de maîtrise de la demande en énergie. L’idée générale, de bon sens, consiste d’abord à travailler sur

la sobriété énergétique (consommer moins, en changeant les comportements de consommation

notamment), puis sur l’efficacité énergétique (performance énergétique des bâtiments, appareils

basse consommation) avant enfin de promouvoir les énergies renouvelables. Il existe ainsi une

gradation dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préparation de l’après pétrole. Ce

scénario implique donc d’abord de réduire la demande d’énergie, avant de penser à l’offre, en

agissant sur les habitudes, sur le bâti, sur les équipements ou les transports.

2.3.2. Les leviers d’action : une stratégie transversale par essence

Comme cela a été exposé dans la première partie de ce rapport, toute stratégie en matière de lutte

contre le changement climatique doit être transversale et doit concerner l’ensemble des politiques

publiques de la collectivité. Tout plan d’action dans ce domaine doit être conçu de la manière la plus

large possible. Les lois « Grenelle » ont mis en place plusieurs instruments juridiques pour

promouvoir cette action transversale42

En dehors du travail sur le patrimoine communautaire, l’accent doit être mis sur les bâtiments et

l’isolation, sur le bâti ancien mais également sur le neuf. Toutes les collectivités contactées lors de

cette mission ont mis en place des dispositifs d’aide à l’isolation et de performance énergétique.

Dans ce cadre, des actions spécifiques doivent aider les ménages disposant de peu de ressources

pour lutter contre la précarité énergétique de façon curative, et pas uniquement au travers d’une

aide à visée sociale, qui vise à prendre en charge les questions d’urgence.

Le deuxième volet essentiel est bien l’urbanisme. Le croisement ou l’articulation entre

l’aménagement et l’approvisionnement en énergie relève désormais d’un enjeu majeur, concernant

la création de nouvelles zones mais aussi des projets de renouvellement urbain ou rural, etc. En effet,

les règles locales d’urbanisme fixées par le PLU peuvent permettre d’orienter le comportement des

acteurs du territoire pour améliorer la performance énergétique ou permettre le développement des

EnR. Les zones d’aménagement concerté, notamment les zones de développement économique,

doivent être conçues dans le sens du développement durable, afin de minimiser les consommations

d’énergie (bâtiments mais aussi transports). Le développement d’éco-quartiers s’inscrit également

dans cet objectif.

Le troisième volet essentiel doit concerner les transports, avec la promotion de la mobilité durable :

transports en commun mais aussi modes doux (marche, vélo) ou covoiturage.

Le quatrième axe peut concerner les déchets, en réduisant leur quantité, en organisant une politique

de tri efficace et en les valorisant énergétiquement, soit par incinération (production d’électricité),

41

Notamment à travers la parution du Manifeste negaWatt en 2011, qui présente des actions opérationnelles

à mettre en place. 42

Cf. paragraphe 2.5 de la partie du rapport relative au cadre juridique

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soit par méthanisation (production de gaz naturel). Cette production peut ensuite alimenter des RCU

intégrés au territoire urbain.

Conformément au scénario négaWatt, le soutien au développement des énergies renouvelables

constitue l’aboutissement de cette démarche. Néanmoins, cette action est en général concomitante.

L’action des collectivités urbaines peut passer par le soutien à l’installation de panneaux solaires

photovoltaïques et thermiques, l’autorisation de l’implantation d’éoliennes sur leur territoire, le

pilotage d’installations de production hydroélectrique, de centrales géothermiques ou de bois-

énergie. Pour ces dernières sources de production, un lien fort peut être établi avec les territoires

ruraux situés à la périphérie des villes43. Enfin, les RCU constituent aujourd'hui un outil essentiel dans

la lutte contre le changement climatique, comme cela a été mis en avant dans le cadre du Grenelle

de l’environnement44.

D’autres leviers transversaux peuvent être mobilisés, comme l’éco-conditionnalité des aides aux

entreprises ou l’insertion de clauses environnementales dans les marchés publics.

Cette stratégie de lutte contre le changement climatique et de préparation de la société d’après-

pétrole doit être couplée avec une stratégie d’adaptation au changement climatique :

- prévention des risques naturels,

- préservation des espaces naturels et agricoles (développement de l’agriculture périurbaine et

des circuits courts, parc naturel en milieu urbain),

- conception du développement urbain anticipant ces changements de long terme.

2.3.3. Une politique nécessairement partenariale mobilisant tous les acteurs

Cette mise en cohérence des politiques publiques doit s’effectuer à travers le volet « externe » des

plans climat énergie territoriaux (PCET), rendus obligatoires pour les collectivités de plus de 50 000

habitants par le Grenelle de l’environnement. Cet instrument de planification des actions doit

permettre de mettre en cohérence les actions menées par la collectivité, de prévoir des instances de

gouvernance spécifiques mais aussi des indicateurs de résultat, à court ou moyen terme. Le PCET

constitue ainsi le principal levier de mobilisation des élus et des techniciens pour lutter contre le

réchauffement climatique. L’ADEME apporte son appui à l’élaboration des PCET, notamment via un

site Internet spécifiquement dédié à ce sujet : http://www.pcet-ademe.fr/ et à travers son réseau

déconcentré en région.

43

Cf. infra 44

Cf. paragraphes 2.3, 2.5 de la partie relative au cadre juridique, et le paragraphe 1.6 de l’état des lieux.

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Ce PCET doit être conçu dans un sens partenarial, le plus large possible. Comme on l’a vu plus haut, le

changement des comportements est essentiel. Le PCET doit donc prévoir des instances ad hoc

permettant d’associer l’ensemble des acteurs :

- citoyens-consommateurs,

- entreprises,

- distributeurs (ERDF, GRDF, opérateurs de RCU, …) et producteurs d’énergie (EDF, GDF-Suez,

Enercoop, …),

- collectivités locales (communes, EPCI, département, région),

- d’autres partenaires publics (ADEME, Etat, bailleurs sociaux, etc.).

Le PCET doit ainsi être l’instrument permettant de faire le lien avec les opérateurs énergétiques. Le

PCET ne doit pas se contenter de lister les actions menées en propre par la collectivité, mais doit

permettre d’impliquer les distributeurs, par exemple, dans les actions de maîtrise de la demande en

énergie. La gestion des réseaux et les concessions ne peuvent plus aujourd'hui être dissociées des

enjeux de lutte contre le réchauffement climatique. Certes, comme évoqué plus haut, la loi prévoit

que les concessionnaires peuvent y être associés, et on notera que les contrats de concession

peuvent prévoir des clauses relatives à la maîtrise de la demande en énergie, mais la pratique montre

que la mobilisation des concessionnaires sur ce sujet relève davantage de l’exception que de la règle.

Ainsi, au-delà des relations de contrôle décrites plus haut, la réalisation d’un PCET peut être

l’occasion de faire des concessionnaires des partenaires à part entière et de les mobiliser dans le sens

souhaité par la collectivité. Les relations avec les concessionnaires relèvent donc également du

partenariat, et pas uniquement du contrôle.

De même, un accompagnement des collectivités peut être proposé au travers de la mise en place

d’un service de « conseil en énergie partagé » (CEP), soutenu techniquement et financièrement par

l’ADEME au cours des trois premières années de fonctionnement. Le CEP, service de proximité,

s’adresse aux communes de moins de 10 000 habitants (un conseiller peut travailler sur un total de

population d’environ 40 000 habitants) et a pour objectif de gérer l’énergie par un suivi des factures,

de réduire les consommations énergétiques, d’accompagner la commune dans ses projets de

bâtiments pour optimiser les choix ou d’animer des actions de sensibilisation.

Enfin, au-delà des partenaires privés, le succès de tout PCET repose sur :

- les habitants, ceux-ci pouvant être mobilisés par des comités de quartier voire des « comités

de RCU », afin d’impliquer les habitants dans la gestion des réseaux et la maîtrise des

énergies,

- les usagers des services publics (énergie, transport, déchets, etc.), qui vont au-delà des seuls

résidents de la commune ou de l’EPCI,

- les consommateurs de manière générale, car seul un changement des habitudes de

consommation permettra d’agir en profondeur, à travers des évènements de sensibilisation

spécifiques,

- les citoyens, car la lutte contre le changement climatique a trait à l’intérêt général et à la

mobilisation citoyenne.

Ainsi, le message diffusé doit concerner ces quatre « cibles », dont les motivations et ressorts

diffèrent. Cette action peut passer par des comités participatifs locaux, par des évènements de

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sensibilisation larges autour des enjeux du climat et de la maîtrise de l’énergie, par de l’information

et du conseil prodigués par un espace info-énergie ou une agence locale de l’énergie et du climat.

3. Quel territoire pertinent d’action au sein du bloc communal ?

La question du territoire pertinent concerne l’ensemble des domaines d’action des collectivités

locales. En matière d’énergie, elle se pose de manière particulièrement prégnante pour le bloc

communal.

3.1. Mettre en œuvre le principe de subsidiarité

De manière générale, la répartition des compétences entre les communes et leur EPCI à fiscalité

propre doit correspondre au principe de subsidiarité : à quel niveau l’action publique sera la plus

efficace et efficiente ? Si ce principe de subsidiarité peut se définir en fonction des spécificités

locales, il est toutefois possible de proposer la structuration suivante :

- la planification de long terme des réseaux, le développement de la production d’EnR,

l’animation partenariale, l’intégration de l’énergie dans toutes les politiques publiques et la

définition des aides aux particuliers et entreprises, pourraient revenir à l’EPCI,

- la relation de proximité avec les citoyens, le travail fin par quartiers ou ilots et les actions de

sensibilisation pourraient être maintenus à la commune.

Le niveau intercommunal semble ainsi particulièrement pertinent pour prendre en charge les aspects

stratégiques de l’énergie. Plusieurs arguments plaident en la faveur d’un rôle moteur des

communautés d’agglomération et communautés urbaines en matière d’énergie.

- Le premier objectif est de correspondre au bassin de vie. Comme indiqué plus haut, les

acteurs de la lutte contre le changement climatique sont d’abord les habitants de la

collectivité, mais aussi les usagers habitant à l’extérieur du territoire. Raisonner à l’échelle de

l’intercommunalité permet d’approcher davantage cette notion de bassin de vie.

- Les EPCI représentent un niveau privilégié pour la planification stratégique. Ils peuvent

disposer de compétences en matière d’urbanisme règlementaire (PLU) – c’est notamment le

cas pour les communautés urbaines - et réalisent d’autres documents de planification (PLH,

PDU etc.). La planification en matière d’énergie devrait donc également être réalisée à ce

niveau.

- Par ailleurs, les EPCI disposent des compétences en matière de réseaux (voirie, transports,

assainissement, eau). Il semble donc logique de rassembler cette gestion des réseaux au

niveau communautaire, y compris les réseaux de distribution d’énergie (électricité, gaz,

réseaux de chaleur urbains).

- L’intérêt est également d’obtenir une « masse critique » permettant de négocier avec les

opérateurs et rééquilibrer la relation avec eux. De plus, les réseaux de distribution dépassent

largement l’échelle communale.

- Enfin, agir au niveau intercommunal peut permettre de mutualiser les ressources financières,

humaines et techniques afin de soutenir les plus petites communes de l’intercommunalité et

de promouvoir la solidarité intercommunale.

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A l’inverse, le niveau communal reste essentiel pour plusieurs raisons.

- Il s’agit du premier niveau de contact avec les usagers. Les communes jouent ainsi un rôle de

proximité essentiel avec les habitants. Les actions de sensibilisation et d’information doivent

être menées au niveau le plus fin possible, le cas échéant à l’échelle du quartier, à

destination des habitants, mais aussi des commerçants.

- Sur un plan opérationnel, les communes peuvent être un maillon essentiel dans le

développement et la mise en œuvre des actions en matière énergétique : identification des

ilots très consommateurs d’énergie ou action sur les bâtiments publics, les communes étant

les propriétaires de la plus grande partie du patrimoine public local).

- Certaines compétences restent parfois de compétence communale, comme l’éclairage

public. Dès lors, le rôle des communes reste central.

Ce partage des rôles entre les communes et l’intercommunalité est relativement classique.

Cependant, en matière d’énergie, l’enquête réalisée montre que la répartition des rôles ne suit pas

toujours ce schéma.

L’objectif, en matière d’énergie, est bien d’aboutir à une stratégie partagée entre l’EPCI et les

communes, mais avec une répartition des rôles de chacun. Cette répartition dépend bien sûr du

contexte local et des caractéristiques du territoire (taille de l’intercommunalité, répartition rural-

urbain, poids de la ville-centre, compétences déjà transférées à l’EPCI, affiliation des communes à un

syndicat d’énergie, nombre de communes faisant partie de l’intercommunalité, compétences

techniques disponibles sur le territoire, etc.). Il n’existe pas un seul modèle pouvant être mis en

œuvre de la même manière sur chaque territoire.

Bien évidemment, cette répartition de principe doit s’effectuer en lien avec les compétences de la

région et du département (cf. infra).

3.2. Quelles compétences transférer ?

En conséquence, une réflexion sur les compétences à transférer en matière d’énergie doit être

menée.

Comme rappelé plus haut, l’analyse juridique et l’expérience pratique montrent que beaucoup de

choses peuvent être faites par les communautés urbaines et d’agglomération, même sans prise de

compétence. Celle-ci s’impose néanmoins dans certains cas :

- risque de blocages juridiques (principe de spécialité des EPCI),

- nécessité opérationnelle de contrôler certains leviers stratégiques (réseaux de distribution

d’énergie, équipements de production d’EnR),

- défaut de légitimité de l’EPCI pour travailler sur ces sujets (la prise de compétence permet

alors de lever certains blocages, même si des actions auraient pu être menées sans cette

prise de compétence).

En matière d’énergie, deux grands types de compétences ont été identifiés :

- le soutien aux actions de maîtrise de la demande en énergie,

- le transfert de la compétence d’AOD (électricité, gaz, réseaux de chaleur urbains).

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Les avantages et limites d’une telle prise de compétence sont résumés dans les tableaux ci-dessous.

Transfert de la compétence en matière de soutien aux actions de maîtrise de la demande en

énergie

Avantages

- Lever des obstacles juridiques (principe de spécialité des EPCI)

- Légitimer l’action de l’intercommunalité en matière d’énergie par rapport aux communes et

aux partenaires

Limites / Risques / Points de vigilance

- Risque de doublon avec la ville-centre

- Nécessité d’un portage politique fort pour accompagner la prise de cette compétence

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Transfert de la compétence d’AOD en matière de réseaux (électricité et/ou gaz et/RCU45)

Avantages

- Planifier l’action des collectivités sur le long terme en matière d’énergie

- Mettre en cohérence le développement des différents réseaux de distribution d’énergie

(électricité, gaz, RCU)

- Correspondre aux bassins de vie de la population (usagers, habitants), au-delà des limites

communales

- Mettre en cohérence la politique en matière d’énergie avec les autres politiques

d’aménagement pilotées par l’EPCI

- Atteindre une masse critique suffisante pour rééquilibrer la relation avec les

concessionnaires, négocier les contrats de concession et assurer leur contrôle

- Diminuer le coût des investissements (économies d’échelle) pour les installations de

production d’énergie et pour les RCU

- Mutualiser les ressources (financières, humaines et techniques) afin de maîtriser les coûts et

d’en faire bénéficier l’ensemble des communes de l’EPCI

Limites / Risques / Points de vigilance

- Risque de perte de la relation de proximité des communes

- Nécessité de veiller à conserver l’expérience technique et humaine accumulée par la ville-

centre, lors du transfert de compétence

- Importance de bien calibrer les moyens alloués à ces questions (budget, agents), à l’échelle

du territoire pris en charge

- Veiller à atteindre un équilibre pour prendre en compte les besoins de la ville-centre mais

aussi des autres communes

- Dans certaines situations, difficulté forte à transférer les compétences sur les réseaux,

compte-tenu des caractéristiques du territoire ou d’enjeux politiques locaux

Comme indiqué plus haut, le transfert de ces compétences à l’EPCI dépend des caractéristiques des

territoires et des collectivités concernées et ne constitue pas un modèle unique. Cette question doit

cependant être examinée et arbitrée par les élus.

4. Quelle organisation interne adopter ?

L’organisation interne adoptée par la collectivité en matière de politique énergétique découle

logiquement des objectifs et priorités politiques fixés par ses élus. En outre, cette organisation varie

naturellement selon les collectivités, leur histoire et les hommes et femmes qui la composent. La

mise en œuvre de la politique énergétique, qui est par essence transversale, nécessite le recours à

des outils et modes de travail « en mode projet », tant au niveau politique qu’administratif. En

fonction du contexte local et des objectifs définis, plusieurs modèles ou configurations peuvent ainsi

être imaginés.

45

Pour mémoire, en matière de RCU, deux degrés de compétence peuvent être distingués : soit

l’intercommunalité n’est compétente que pour les RCU d’intérêt communautaire, soit elle est AOD en matière

de RCU et pilote l’ensemble de la politique en la matière. Les deux aspects sont assimilés ici.

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4.1. Organisation politique : mettre en avant l’élu en charge de la politique de l’énergie

L’organisation de la délégation politique est le premier reflet des choix effectués en matière de

politique énergétique. L’état des lieux réalisé auprès des collectivités interrogées fait ainsi ressortir

deux conceptions de la gestion des questions de l’énergie dans les territoires urbains, soit :

- l’énergie comme composante d’une politique globale de lutte contre le changement

climatique,

- l’énergie comme un service public à part entière (au même titre que l’eau ou

l’assainissement)

Si l’identification d’un élu délégué à l’énergie est essentielle, deux options différentes peuvent être

prises :

- Option 1 : identifier la délégation énergie de manière isolée, pour bien la distinguer de la

délégation développement durable et/ou PCET. Cette option a été choisie par près de 40%

des collectivités interrogées, où l’énergie fait l’objet d’une délégation autonome, aux

intitulés variables.

- Option 2 : rattacher la délégation énergie, à l’élu en charge du développement durable et/ou

du PCET. Plus de 50% des collectivités interrogées ont opté pour le rattachement de l’énergie

à une délégation plus large.

En définitive, si deux grands modèles semblent se dégager renvoyant à des options différentes de

structuration de la politique énergétique, subsiste la question de l’articulation entre la dimension

technique du sujet (liée aux réseaux) et une dimension plus globale (liée au climat et au

développement durable plus globalement). Cette cohérence doit pouvoir se refléter dans les modes

de portage à la fois politique et administratif des actions en matière d’énergie.

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4.2. Identifier les directions pertinentes

Préalablement au choix d’un modèle d’organisation administrative, il apparaît utile d’identifier les

directions pertinentes à mobiliser prioritairement en fonction des objectifs politiques définis. L’on

constatera ainsi que la politique de l’énergie revêt un caractère pleinement transversal et qu’elle

implique à ce titre une animation en mode « projet ».

Volet / objectif Directions prioritairement impliquées

Réduire la « facture énergétique » de la

collectivité

- Bâtiments

- Directions techniques (éclairage public,

gestion des flux)

- Achats / moyens généraux

- Contrôle de gestion

- Direction en charge du développement

durable

- Communication interne

- Prospective

Améliorer le service public de l’énergie rendu

aux usagers

- Gestion et suivi des DSP

- Service juridique

- Direction des finances

- Directions techniques pour contrôler les

installations

- Prospective

Lutter contre le changement climatique

- Développement durable et

environnement

- Directions opérationnelles (habitat,

urbanisme, aménagement, réseaux,

transports, social…)

- Prospective

4.3. Adopter une organisation permettant de faire vivre la transversalité

Il semble évident qu’il n’existe pas de modèle d’organisation administrative valable dans l’absolu. En

réalité, l’organisation adoptée dépend de la structuration existante et des choix opérés dans un

contexte précis. Sur la base des trois grands objectifs identifiés en matière de politique énergétique,

et compte tenu du caractère nécessairement transversal de cette politique, il est néanmoins possible

d’identifier des scenarii d’organisation à partir desquels la collectivité pourra faire son choix.

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Volet / objectif Scenarii d’organisation

Réduire la « facture énergétique » de la

collectivité

- Mise en place d’un groupe de travail

transversal, animé par une direction

responsable

- Mobilisation des agents pour changer

les habitudes : réunions d’information,

implication de l’encadrement, etc.

- Mise en place d’indicateurs de

consommation par unité ou par

équipement

- Désignation d’un gestionnaire des flux

pour maintien des efforts dans le temps

Améliorer le service public de l’énergie rendu

aux usagers

- Gestion autonome avec création d’un

service dédié en charge de l’énergie,

déconnecté du PCET et des autres

aspects de la lutte contre le changement

climatique

ou

- Gestion intégrée avec la création d’une

réelle direction énergie et climat, faisant

le lien entre les réseaux d’énergie et la

stratégie d’économies d’énergie.

Lutter contre le changement climatique

- Gestion intégrée avec la création d’une

réelle direction énergie et climat, faisant

le lien entre les réseaux d’énergie et la

stratégie d’économies d’énergie.

ou

- Modèle d’organisation avec un « chargé

de mission », incluant le risque de

moyens insuffisants et d’un portage plus

faible de la politique face aux autres

directions

Enfin, en appui à la recherche de modes d’organisation performants et adaptés, citons l’existence

depuis 2003 du label d’origine européenne Cit'ergie, destiné aux collectivités (communes et

intercommunalités) qui souhaitent contribuer activement à améliorer leur politique énergie durable

en cohérence avec des objectifs climatiques. Il s’agit d’un label de « bonne conduite » qui

récompense le processus de management de la politique énergétique et/ou climatique de la

collectivité au niveau du territoire. Le processus de labellisation Cit'ergie vient en appui et en

complément des démarches de type PCET ou Agenda 21 engagées par les collectivités.46

46

Plusieurs collectivités françaises sont aujourd’hui engagées dans la démarche, dont la CA de Grenoble, la CA

de Besançon, la ville et la CU de Bordeaux, la CU de Dunkerque et la Métropole Nice Côte d’Azur.

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4.4. Quelle opportunité de mutualiser des services liés à l’énergie ?

La loi du 16 décembre 2010 a sensiblement renforcé le cadre des mutualisations de services entre le

bloc communal et les intercommunalités. Dans le champ de la politique énergétique, la pertinence

de la mutualisation ne va toutefois pas de soi, dans un contexte où les relations entre communes et

EPCI ne sont pas encore stabilisées.

L’enquête menée auprès des territoires urbains révèle que certaines collectivités ont déjà mutualisé

leurs services en charge des questions énergétiques, même si cela reste encore minoritaire. C’est le

cas par exemple des CA de Rennes, Saint-Étienne et Mulhouse, ainsi que des CU de Brest et

Strasbourg (où les services sont totalement mutualisés). La mutualisation des services en matière

d’énergie est fonction ainsi en premier lieu du niveau global d’intégration entre les communes et

l’EPCI.

Indéniablement, la mutualisation des services peut représenter une opportunité en matière

d’expertise et d’ingénierie financière et juridique, notamment pour les communes petites ou

moyennes ne disposant pas de la taille critique et des moyens pour déployer une réelle politique

énergétique.

Inversement, une mutualisation complète peut apparaître comme inopportune pour des communes

souhaitant garder des leviers directs en matière de politique énergétique. De même, elle peut se

révéler techniquement difficile là où l’ensemble des compétences n’est pas transféré (ex : dans les

champs des politiques opérationnelles), ce qui peut représenter un frein à l’action. Néanmoins,

même partielle, la mutualisation des services peut représenter une opportunité pour renforcer

l’intercommunalité de projet et le travail en transversalité dans le champ de l’énergie.

5. Quel partenariat territorial ?

Dans le champ de la politique énergétique, l’action en mode partenarial apparaît à la fois comme

une nécessité, comme une réalité et comme un cadre de référence pour l’action.

L’énergie est en effet une politique partenariale par essence, dans la mesure où son champ d’action

revêt un caractère transversal (il touche à l’aménagement, à l’urbanisme, au transport, etc.) et qu’il

requiert une approche globale des politiques mises en œuvre. A cette nécessité d’agir en partenariat,

consubstantielle au domaine d’intervention, s’ajoute la réalité d’une multitude d’acteurs dans le

domaine de l’énergie, à la fois publics et privés, intervenant à diverses échelles et adoptant des

prismes divers (ex : les entreprises, l’Europe, etc.). Enfin, l’action partenariale renvoie à des notions

de responsabilité partagée, de répartition des rôles et des compétences et à des principes de

gouvernance, impliquant des formes de transparence et de participation de tous. Ces principes

constituent autant de références pour l’action environnementale et en matière de développement

durable.

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L’action partenariale en matière d’énergie renvoie ainsi à des aspects concrets et à des outils

pouvant être mis en œuvre pour la promouvoir dans le cadre des agglomérations urbaines. D’un

point de vue pratique, trois aspects peuvent être approfondis :

- l’approche territoriale du partenariat, permettant d’associer de façon horizontale et dans

une vision à 360° la diversité des acteurs locaux intervenant dans le champ de la politique

énergétique ;

- une approche en termes d’équilibre, attentive aux relations qu’entretiennent les territoires

urbains avec le milieu rural et les structures qui le représentent (à l’image des syndicats

d’énergie) ;

- enfin, une approche privilégiant la recherche d’une cohérence d’ensemble, d’une

articulation, voire d’une complémentarité, entre les différentes échelles d’intervention

(métropole, région, etc.).

5.1. Une vision territoriale et à 360 degrés des partenariats en matière d’énergie

L’enquête menée auprès des territoires urbains a permis de faire ressortir la diversité des pratiques

et des contextes présidant à l’action en matière de politique énergétique depuis une vingtaine

d’années. Parallèlement, on constate qu’une grande majorité des collectivités interrogées recourt

aujourd’hui à des outils permettant la mise en cohérence des politiques énergétiques et le

développement de politiques incitatives tournées vers le territoire. Ceci est notamment le cas à

travers la réalisation d’Agendas 21 (dont environ 600 sont aujourd’hui mis en œuvre par des

collectivités de tous niveaux) et, depuis les lois Grenelle, de plans climat énergie territoriaux (PCET).

Constituant un projet territorial de développement durable au sein duquel la question énergétique

est abordée à travers son impact sur le climat, le PCET met en place un cadre d’engagement commun

de réduction des gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique. En matière

partenariale, l’outil PCET peut servir de support pour développer différents modes de coopération

horizontale47 :

- en amont, à travers la mise en œuvre de démarches de concertation et le développement

d’outils participatifs en direction des citoyens-usagers. En dépit des limites inhérentes aux

démarches participatives, celles-ci vont dans le sens d’un renforcement des relations entre

les territoires urbains et les citoyens, enjeu majeur dans le débat sur la gouvernance

énergétique (action conjointe en matière de changement des comportements et des

postures, de choix du mix énergétique, etc.),

- en aval, le développement des volets « externes » des PCET est l’occasion de sensibiliser les

acteurs du territoire aux problématiques climat-énergie et de fixer avec eux des objectifs en

la matière. Le volet externe impulse et met en cohérence l’ensemble des actions en matière

d’énergie à destination du territoire. Certains territoires interrogés développent ainsi des

stratégies propres en direction de secteurs économiques spécifiques, en y associant les

entreprises et les chambres consulaires. D’autres territoires impulsent des dynamiques en

lien avec les bailleurs sociaux privés (ex : en matière de la lutte contre la précarité

énergétique) ou avec les grands opérateurs énergétiques (sur des projets de maîtrise de la

demande en énergie ou des réseaux intelligents).

47

Voir aussi supra le paragraphe 2.3.3 de cette partie.

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L’enquête auprès des territoires urbains fait ressortir que plusieurs collectivités se servant du PCET

comme outil d’animation du partenariat territorial s’appuient souvent sur des vecteurs

organisationnels et juridiques facilitant une gouvernance partagée des enjeux énergétiques. C’est

ainsi que se développent sur des périmètres variables des structures telles que les Espaces info

Energie (EIE) et les Agences locales de l’énergie (ALE), pensées de plus en plus comme des outils de

mobilisation de l’ensemble des partenaires d’un territoire (publics et privés). Ces structures visent à

promouvoir la co-construction de la politique énergétique à l’échelle du territoire et à favoriser

l’émergence de projets rassemblant des acteurs divers.

Enfin, la question du partenariat et de la gouvernance territoriale est de plus en plus liée aux

préoccupations financières, dans un contexte de raréfaction des ressources. C’est ainsi que des

initiatives sont menées pour élargir la participation financière des entreprises privées aux ALE, ou

encore des réflexions sur la mise en place de sociétés d’économie mixte (SEM) permettant de

mobiliser directement des capitaux privés (à l’image de la SEM Energies Posit’If en Ile-de-France

dédiée à l’accompagnement de projets d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables). En

matière de coopération financière, le recours à l’outil société publique locale (SPL) est également à

l’étude dans certains territoires (ex : Brest), dans l’optique d’une mutualisation des capacités

d’investissement publiques.

5.2. L’équilibre dans les relations avec le monde rural

S’interroger sur le partenariat territorial en matière d’énergie passe également par une réflexion sur

les relations des territoires urbains avec le milieu rural, ces deux niveaux étant en réalité de plus en

plus imbriqués. En effet, la relation urbain / rural se situe aujourd’hui au cœur des débats en matière

de gouvernance, car elle touche aux divers aspects de la politique énergétique des territoires :

production, consommation, distribution, financement, etc.

Malgré un contexte de coopération parfois complexe, il apparaît que territoires urbains et ruraux

partagent plusieurs enjeux et intérêts communs en matière de politique énergétique qu’il est

nécessaire de prendre en compte :

- des objets de travail communs : certains syndicats intercommunaux d’énergie (SIE) ont élargi

leurs missions traditionnelles liées aux réseaux pour intervenir dans le domaine des

économies d’énergie, de la production d’énergies renouvelables, des smartgrids…

- une potentielle complémentarité, tandis que les frontières entre modes de vie urbains et

ruraux tendent à s’estomper et que l’interdépendance s’accroît (ex : les territoires urbains

ont besoin des sources d’énergie présentes en milieu rural : bois, éolien, hydraulique, etc. et

les territoires ruraux sont toujours en demande d’une solidarité financière de la part du

monde urbain),

- des intérêts communs en matière de relations aux concessionnaires, pour pourvoir peser

ensemble lors de la négociation des contrats de concession (ce que ne favorise pas le fort

éclatement dans certains territoires du paysage des syndicats intercommunaux d’énergie

(SIE).

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Pour contrebalancer les tendances au repli institutionnel et aux stratégies exclusivement

concurrentielles, les enjeux énergétiques globaux et la recherche d’un partenariat territorial équilibré

commanderaient le développement de coopérations locales avec le milieu rural et les syndicats qui

le représentent de facto. Comme cela se fait dans certains territoires et dans certains domaines (ex :

les CEE), ceci peut se manifester par des échanges de compétences, de savoir-faire et de

connaissances entre techniciens des différentes structures. Par ailleurs, la mise en place de lieux

ressources et d’échanges inter-institutionnels peut favoriser le dialogue entre AOD, encore peu

développé à ce jour.

5.3. Des coopérations à plusieurs échelles

Outre les relations nouées avec des acteurs locaux spécifiques, la question du partenariat renvoie

également à l’articulation entre les différentes échelles d’intervention, tandis que les enjeux

énergétiques se posent aux niveaux régional, national et mondial. Dans ce contexte, il apparaît

important d’interroger la cohérence des politiques menées par les différents acteurs, en premier lieu

celle des départements et des régions.

Concernant les départements, les entretiens réalisés avec les collectivités urbaines font ressortir

l’importance du travail partenarial à mener sur la question de la précarité énergétique, en lien avec

les CCAS, les concessionnaires et les bailleurs sociaux. Plus globalement, est évoquée la nécessité

d’une prise en compte des enjeux énergétiques et environnementaux dans les principales politiques

départementales menées en relations avec les territoires urbains, dont les politiques sociales et

d’aménagement du territoire. Ce partenariat quotidien peut prendre la forme d’échanges entre

techniciens, d’impulsion de projets et de démarches communes (dans le cadre des Agendas 21, des

PCET, des EIE et ALE).

Par ailleurs, le questionnement sur le rôle et la place des régions dans la structuration du partenariat

en matière d’énergie est aujourd’hui central. Des entretiens réalisés, il ressort que le niveau de

coopération avec l’échelon niveau régional varie fortement selon les traditions locales et la volonté

ou pas du Conseil régional d’assumer un rôle de leadership sur la question de l’énergie. Trois niveaux

de complémentarité avec les territoires urbains peuvent ainsi être envisagés pour les régions:

- mise en cohérence territoriale des actions : en effet, les régions élaborent d’ores et déjà des

schémas (ex : sur l’éolien, sur l’air climat énergie), auxquels contribuent parfois directement

les territoires urbains. Ceux-ci pourraient servir davantage encore de cadre de référence

pour les actions menées, favorisant ainsi leur lisibilité et leur promotion.

- impulsion en lien avec leurs compétences : ceci est notamment vrai dans des secteurs tels

que les énergies renouvelables et le développement de filières spécifiques (ex : le bois) et

dans le domaine de la formation professionnelle, qui peut être mobilisé en appui au

développement des actions dans le domaine de l’énergie. Enfin, la région peut intervenir en

subventionnant directement des actions spécifiques portées par les territoires (ex : en

matière d’efficacité énergétique des bâtiments).

- coordinateur et relais des politiques énergétiques locales : intervenant à une échelle

intermédiaire entre le local et le national (ainsi que le niveau européen), la région peut

potentiellement jouer un rôle de facilitateur de dialogue entre les différents échelons. Dans

certains cas, ceci peut donner lieu à des dispositifs engageant des partenaires de différents

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niveaux, tels que le Pacte électrique breton, démarche multi-partenariale coprésidée par

l’Etat et la Région.

Enfin, le développement de la coopération entre collectivités agissant sur un même territoire

gagnerait selon plusieurs des personnes interrogées à s’intégrer dans des démarches de planification

territoriale plus larges, par exemple à l’échelle des schémas de cohérence territoriale (SCOT). De

même, des instances de concertation et des lieux d’échange et de ressources multi-acteurs peuvent

être imaginés à l’échelle des pôles métropolitains.

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Face aux nouveaux enjeux énergétiques, quelle gouvernance de l’énergie dans les territoires urbains ?

Au-delà des questions que chaque territoire urbain doit se poser et des arbitrages à effectuer sur la

politique de l’énergie, plusieurs enjeux méritent d’être soulevés pour l’avenir de la gouvernance

énergétique dans les territoires urbains pris dans leur ensemble, et non plus individuellement.

En effet, les enjeux énergétiques connaissent aujourd’hui un tournant stratégique. Alors que 80% de

la population vit désormais en milieu urbain, ils concernent, dès lors, moins l’électrification des zones

rurales que le maintien d’un réseau de qualité, la maîtrise de la demande en énergie et l’atteinte des

objectifs de réduction des consommations d’énergie correspondant à la stratégie de l’UE des 3X20 à

court terme ainsi qu’au facteur 4 à horizon 2050. Des mutations profondes sont donc nécessaires à

chaque niveau d’action. La question aujourd’hui est donc de savoir quel(s) acteur(s) et quel(s)

échelon(s) de collectivités sont les plus pertinents pour conduire ces transitions.

La liste de « grands débats », ci-dessous, est destinée aux membres de l’ACUF et de l’AMGVF et plus

généralement à l’ensemble des acteurs des territoires urbains. Elle est donc construite au regard des

objectifs que cette catégorie de territoires cherche à atteindre en matière de politique énergétique.

Sachant que les questions des compétences et de la gouvernance sont étroitement liées, des

perspectives d’évolution des compétences énergétiques des territoires urbains sont dressées en

articulation avec celles de la gouvernance.

Ces douze grands débats ont donc pour ambition de contribuer à nourrir les réflexions et orienter les

stratégies des territoires urbains pour développer une politique de l’énergie efficace, concertée et

durable. Il s’agit également de mettre en perspective celle menée par leurs partenaires et les autres

acteurs du secteur. Ces grands débats ont également pour souci de contribuer à affirmer le rôle des

territoires urbains dans le domaine de l’énergie au plan national. Si l’ACUF et l’AMGVF doivent

aujourd’hui définir leur propre position en matière d’énergie, elles doivent également être porteuses

de l’instauration d’un dialogue étroit avec les autres acteurs de la politique énergétique et

notamment avec la FNCCR, l’Etat ou les grands opérateurs énergétiques.

Les territoires urbains rencontrent parfois des difficultés pour mettre en œuvre une politique de

l’énergie correspondant aux enjeux auxquels ils doivent répondre. Ces difficultés sont d’ordre

politique, juridique mais aussi économique et financier. Afin de dépasser ces blocages, plusieurs

perspectives sont envisageables. Elles méritent toutefois d’être débattues et critiquées. Les

problématiques suivantes ont ainsi pour objet de soulever de grandes questions et d’ouvrir des

discussions constructives.

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1. Pourquoi faut-il porter la voix des territoires urbains au plan national sur

le sujet de l’énergie?

Les territoires urbains ont aujourd’hui une véritable place dans la réponse aux nouveaux enjeux

énergétiques. Quel que soit le volontarisme des acteurs des villes, agglomérations, communautés

urbaines ou métropoles, ceux-ci ne sont pas aujourd’hui en mesure d’y répondre de manière

totalement satisfaisante, faute de moyens juridiques et financiers adéquats.

Face à la défense des intérêts des autres acteurs de l’énergie (concessionnaires, syndicats d’énergie

etc.) et dans le contexte d’une rationalisation du nombre d’autorités organisatrices en faveur des

territoires ruraux (avec l’objectif poursuivi d’avoir un seul syndicat par département), la nécessité de

porter la voix des territoires urbains dans le débat s’impose. En effet, le poids de la population

urbaine et périurbaine s’est considérablement accru depuis la fin des années 1970, ce qui implique la

montée en puissance des problématiques liées à l’énergie : les grandes agglomérations urbaines sont

des productrices ainsi que des consommatrices d’énergie de plus en plus importantes à travers

l’habitat, les transports et l’activité économique qu’elles concentrent. Elles disposent également de

capacités d’innovation et d’ingénierie majeures. Enfin, sur le plan institutionnel, le développement

de l’échelon intercommunal, avec la montée en compétences des communautés d’agglomérations,

des communautés urbaines et aujourd’hui des métropoles, nécessite une réflexion globale sur leurs

compétences.

Au moment où se redéfinit la gouvernance du secteur de l’énergie, et alors même qu’émergent de

nouveaux enjeux (au premier rang desquels la lutte contre le changement climatique), les territoires

urbains semblent avoir intérêt à davantage structurer leur approche. Pour cela, il est nécessaire de

favoriser les échanges entre collectivités sur le sujet. Cela pourrait passer par exemple par le

développement de « lieux d’échanges» à différentes échelles, entre territoires urbains (EPCI, grandes

métropoles) et au sein de chaque territoire. Ces lieux ressources peuvent être des centres

d’information et de partage, éventuellement virtuels. Cela permettrait de mutualiser l’information

sur les bonnes pratiques à adopter et de débattre sur des questions nouvelles : boîte à outils

financière, nouvelles technologies, etc.

En préambule à ces débats, il convient de rappeler quelques principes. La décentralisation en matière

d’énergie permettrait de rapprocher les compétences des singularités locales et de les organiser en

fonction des besoins et des réalités des territoires. Toutefois, pour répondre aux enjeux énergétiques

actuels, qui plus est dans un contexte de libéralisation des marchés au niveau européen, le secteur

de l’énergie a besoin de planification et de régulation. Les pouvoirs publics doivent garantir la

cohérence des politiques énergétiques et le respect des objectifs du service public. Enfin, la

décentralisation en matière d’énergie doit s’accompagner d’une politique de péréquation garante

d’une équité territoriale et soucieuse des efforts réalisés au niveau local pour répondre aux

nouveaux enjeux énergétiques.

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2. Faut-il donner plus de compétences aux territoires urbains ?

En l’état actuel des choses, les territoires urbains portent beaucoup d’actions et de compétences, en

matière d’énergie. De plus, il semble clair que les objectifs du Grenelle de l’environnement ne

pourront être atteints que grâce à la mobilisation de l’ensemble des acteurs, parmi lesquels figurent

en bonne place les grandes villes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines.

Avec l’annonce d’un débat national sur l’énergie ainsi que d’un nouvel acte de décentralisation par le

nouveau Président de la République, la question du transfert de nouvelles compétences aux

collectivités en matière d’énergie se pose. Même si, à droit constant, les collectivités ont la possibilité

d’améliorer leur action en matière d’énergie en mettant à plat leurs pratiques et leur organisation

ainsi qu’en intégrant des réflexions sur l’énergie dans l’ensemble de leurs politiques publiques, de

nouvelles mesures pourraient favoriser leur action. A l’échelle de chaque territoire, les relations

entre les communes et les EPCI doivent être clarifiées notamment en ce qui concerne les

compétences détenues par les intercommunalités (cf. infra).

Pour aller plus loin, alors que les communes ou leurs intercommunalités sont titulaires du service

public de distribution d’électricité ou de gaz, elles peuvent éprouver des difficultés à négocier sur un

pied d’égalité avec les grands opérateurs nationaux (EDF et GDF et leurs filiales ERDF et GRDF). Il

semble dès lors opportun de leur donner des leviers pour peser et faire valoir leur point de vue. La

question du mode de gestion des réseaux doit donc être posée. Ainsi, la possibilité du retour d’une

gestion des réseaux en régie doit pouvoir être mise en débat dans un contexte où les

concessionnaires (électricité et gaz) adoptent souvent des logiques de rentabilité et d’extension au

détriment de la maîtrise de la consommation. Confier la maîtrise de leurs réseaux aux territoires

urbains leur permettrait de remplir plus facilement leurs objectifs en matière de MDE et de

développement des EnR, en lien avec les sources de production locales. L’affirmation de

compétences fortes en faveur des territoires urbains en la matière serait également un moyen de

favoriser le rééquilibrage des relations avec les concessionnaires.

Plusieurs pistes peuvent être dégagées pour cela :

- l’accès aux données des réseaux d’électricité et de gaz à un niveau fin pourrait être

véritablement garanti aux collectivités, afin de leur permettre de mettre en œuvre leur

politique énergétique ;

- les contrats de concession devraient pouvoir être mieux négociés par les collectivités AOD et

prendre davantage en compte les enjeux du territoire ;

- la mise en régie de la distribution pourrait être rendue possible, afin tout au moins de

pouvoir peser dans les négociations avec les opérateurs.

Le renforcement de l’action des collectivités est également envisageable :

- la généralisation de la compétence de soutien aux actions de maîtrise de la demande en

énergie au niveau intercommunal pourrait être favorisée, ce qui permettrait une mise en

cohérence des politiques locales de l’énergie ;

- une réflexion sur la généralisation d’un transfert de la compétence d’AOD aux grandes

communautés d’agglomération et aux communautés est également une piste envisageable.

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Enfin, un droit d’expérimentation pourrait être défini en faveur des territoires urbains, et des EPCI en

particulier, en lien avec la réflexion sur leurs compétences en matière de politique de l’énergie. Dans

un premier temps, l’expérimentation permettrait en effet de « tester » la mise en place éventuelle de

compétences nouvelles ou de modes de gouvernance repensés. Cette formule permet de prendre en

compte la diversité des situations et des enjeux rencontrés dans le domaine de l’énergie ainsi que

d’adapter les mesures législatives et règlementaires nationales au contexte local.

3. Comment repenser les relations entre les territoires urbains et les

territoires ruraux à propos de l’énergie ?

L’affirmation des territoires urbains en matière de politique énergétique ne doit pas se faire au

détriment des territoires ruraux. A l’heure du constat des modifications des modes de vie et des

modes de gouvernance, la complémentarité entre territoires urbains et ruraux s’affirme, sur les EnR

notamment. Leurs intérêts communs en matière de relations aux concessionnaires et de contrats de

concession justifient à eux seuls d’engager un véritable dialogue entre les territoires ruraux,

fortement représentés au sein de la FNCCR et les représentants des territoires urbains pour aboutir à

des propositions partagées au niveau national.

L’affirmation des territoires urbains dans le domaine de l’énergie ne doit pas accréditer l’idée d’un

clivage urbain/rural mais au contraire faire apparaître les enjeux communs et les complémentarités

entre ces espaces. Néanmoins, il semble fondamental d’inscrire cette démarche dans un mouvement

de reconnaissance des spécificités de l’urbain, du périurbain et du rural en la matière. Les modes de

vie propres à chaque territoire (utilisation plus ou moins importante de la voiture, habitat dense ou

« mitage » de l’espace, capacité de production des EnR) nécessitent des réponses adaptées et

complémentaires en matière de maîtrise de l’énergie et de lutte contre le changement climatique.

Par exemple, dans l’objectif de renforcer l’indépendance énergétique du territoire, la diversification

des sources d’énergie s’impose. Les territoires urbains ne pouvant subvenir seuls à leurs besoins dans

ce domaine, les territoires ruraux voisins sont potentiellement des fournisseurs de sources d’énergie

complémentaires : bois, éolien, etc.

Il convient donc de dépasser le clivage urbain/rural et de réinventer les relations entre territoires

urbains et ruraux pour faire face aux nouveaux enjeux énergétiques. D’autres pays, comme

l’Allemagne, ont développé des relations étroites entre territoires urbains et autres territoires en

matière d’énergie. A Munich, par exemple, la régie municipale (SWM — Stadtwerke München) qui

s’est engagée à produire autant d’électricité renouvelable avec ses propres capacités que les besoins

actuels de l’ensemble des Munichois, explore plusieurs pistes dont celle de l’investissement en

dehors de son territoire. En France, la question de la possibilité, pour un territoire urbain, d’investir

dans la production d’EnR sur un territoire rural et de comptabiliser cet investissement dans son ratio

d’EnR pourrait donc être envisagée.

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4. FACé : faut-il repenser le système de péréquation actuel, fondé sur une

séparation entre l’urbain et le rural ?

Face aux nouveaux objectifs et aux nouveaux paramètres que constituent la contribution aux EnR ou

le soutien à la MDE, le renouvellement du système actuel, symbolisé par le FACé, est en question.

Ce grand débat est intrinsèquement lié au débat précédent. La péréquation entre les territoires doit

être affirmée pour que l’égal accès au service public de l’électricité soit respecté. Il convient

cependant de souligner qu’il est possible d’aboutir à un système énergétique plus décentralisé sans

pour autant remettre en cause la péréquation entre les territoires.

En effet, les territoires ruraux ont bénéficié par le passé des transferts financiers opérés par les

territoires urbains pour l’extension des réseaux, au moment de l’électrification. Ces transferts,

sources de péréquation, demeurent aujourd’hui à travers le FACé, et ce, alors même que la

problématique de l’électrification n’a plus lieu d’être, l’ensemble du territoire étant couvert. Certains

souhaitent ainsi remettre en cause l’existence du FACé pour réattribuer ses fonds en faveur de

nouvelles politiques énergétiques (développement des EnR, performance énergétique, etc.). Une

priorisation des financements par la loi pourrait être envisagée. D’autres, par ailleurs, défendent la

question de l’équilibre des politiques publiques entre les territoires et défendent le FACé en faveur

du maintien de la qualité du service public en milieu rural.

Aujourd’hui, le débat sur la péréquation devrait intégrer de nouveaux paramètres correspondant aux

enjeux énergétiques. La maîtrise de la consommation et les actions de développement durable

favorisent désormais les actions de densification de l’habitat et de développement du transport en

commun, qui sont des politiques fortement prises en charge en milieu urbain. En revanche, en ce qui

concerne la production des énergies renouvelables, les territoires urbains ne sont pas en capacité de

répondre à l’ensemble de leurs besoins. Si l’on imagine de nouveaux transferts de sources d’énergie

des territoires ruraux vers les territoires urbains, la question de la péréquation et du maintien du

FACé pourrait être envisagée à la lumière de ces évolutions.

Enfin, si la péréquation est souhaitable, celle-ci doit être transparente et traçable pour les

collectivités contributrices. Les critères déterminant la péréquation devraient prendre en compte les

objectifs du développement durable et ne pas se fonder uniquement sur la distinction urbain/rural.

5. CEE et disponibilités de financement : faut-il simplifier ou mutualiser ?

Faut-il revoir les dispositifs financiers liés à l’énergie ?

Dans un contexte de contrainte budgétaire forte, et alors que les dépenses dédiés à l’énergie

semblent nécessairement devoir être accrus, les ressources doivent, dans un premier temps, être

optimisées.

Tout d’abord, l’exploitation des dispositifs de finance carbone ou des CEE pourrait être davantage

développée. Sachant que ceux-ci mobilisent une ingénierie conséquente et que le bilan

coût/avantage qu’en retirent les collectivités est souvent trop faible pour qu’elles s’y investissent

sérieusement, une évaluation poussée de ces démarches est souhaitable. Une simplification des

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procédures administratives de ces dispositifs et/ou une attribution de leur gestion à un échelon

territorial pertinent (le niveau intercommunal semble être en capacité de développer une ingénierie

suffisante) paraissent envisageables.

La révision des dispositifs financiers peut ensuite impliquer de revoir l’affectation des taxes et des

recettes, pour que celle-ci soit plus pertinente et adaptée aux besoins.

Comme évoqué dans la partie 3 de ce rapport, le transfert de la compétence d’AOD en matière

d’électricité à l’EPCI entraîne le transfert de la part communale de la TCFE48. Depuis 2012, en

application de la loi NOME, les syndicats intercommunaux ou départements exerçant la compétence

d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité perçoivent donc la taxe sur

l’électricité (TCFE) en lieu et place des communes de moins de 2000 habitants qui en sont membres

et, facultativement, des communes de plus de 2000 habitants.

En pratique, la part communale de la TCFE peut très bien être reversée aux communes dans le cadre

des transferts financiers entre l’EPCI et la commune (ex : attribution de compensation). Dans tous les

cas, que la taxe soit in fine perçue par la commune ou par l’EPCI, cette taxe est affectée au budget

général. Afin d’atteindre les objectifs fixés par le Grenelle, la loi pourrait affecter systématiquement

cette taxe vers des actions en matière d’énergie, afin de bénéficier d’un réel effet levier. De plus, une

bonification de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou un mécanisme d’abondement des

recettes de la TCFE, pourrait être envisagés lors du transfert de la compétence d’AOD à un EPCI à

fiscalité propre, afin de favoriser le regroupement des compétences à un niveau intercommunal,

lorsque cela est possible et selon le contexte institutionnel local.

6. Comment financer la maîtrise de la demande de l’énergie par l’économie

de la concession ?

Plusieurs interlocuteurs rencontrés au cours de la mission ont souligné que les grands opérateurs

de réseaux, au premier rang desquels ERDF et GRDF, devraient être mobilisés pour financer des

actions de maîtrise de la demande en énergie (MDE). Cette proposition vise ainsi à faire financer ces

actions par l’économie de la concession.

En effet, lorsque des travaux de MDE sont réalisés sur une zone particulière du territoire, cela peut

permettre d’éviter de renforcer ou développer les réseaux d’électricité ou de gaz dans cette zone.

Dès lors, les opérateurs pourraient financer ces travaux, puisque cela leur évite de devoir investir

eux-mêmes dans les réseaux. Cela symboliserait clairement le passage d’une logique de croissance et

de développement des réseaux à une logique de maîtrise de la demande en énergie, lorsque cela est

possible.

Une étude juridique plus précise devrait cependant être menée à ce sujet. En effet, ERDF est financé

à 90% par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), proposé par la commission

48

En effet, selon l’article L2333-2 du CGCT, le transfert de la compétence d’AOD à un EPCI (syndicat ou

communauté) entraîne le transfert de la TCFE communale : « Il est institué, au profit des communes ou, selon

le cas, au profit des établissements publics de coopération intercommunale ou des départements qui leur sont

substitués au titre de leur compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité […]une

taxe communale sur la consommation finale d'électricité ».

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de régulation de l’énergie (CRE) au gouvernement, qui le fixe. Or, il semble qu’en l’état du droit il ne

soit pas possible à ERDF de financer ce type de travaux de MDE (ex : isolation des bâtiments), ses

sources de financement étant exclusivement destinées à la distribution d’électricité. Comme évoqué

dans la première partie de ce rapport, ce lien entre l’économie de la concession et la MDE est déjà

envisagé par le droit, mais force est de reconnaitre qu’à ce jour cette possibilité reste peu mise en

œuvre49.

Toutefois, il convient de souligner ici que cette question doit être envisagée dans le cadre plus large

des autres éléments devant être financés en matière d’électricité :

- le renouvellement en cours des réseaux urbains et ruraux, relancé par ERDF après plusieurs

décennies de diminution de l’investissement,

- le déploiement des compteurs intelligents Linky, dont le financement et la propriété n’ont

pas encore fait l’objet d’un accord avec ERDF, les collectivités concédantes et l’Etat50.

La répartition du financement entre ces différentes priorités devrait nécessairement être arbitrée par

le gouvernement et par la représentation nationale, lors du débat à venir sur la transition

énergétique. Les autorités concédantes pourraient cependant mettre en avant que les travaux de

MDE, qu’elles réalisent ou aident à réaliser, contribuent à limiter l’extension des réseaux,

notamment d’électricité, et devraient donc être financés, au moins partiellement, par les mêmes

canaux de financement.

7. Quelle planification pour la politique énergétique ? Comment répondre au

besoin de cohérence des actions menées par les différents acteurs ?

Les politiques de l’énergie ont aujourd’hui besoin d’une planification et d’une stratégie globale. La

planification énergétique nécessite de renforcer la régulation publique, voire d’instaurer une

régulation « territoriale »51. Dans un souci de cohérence aux niveaux national et local, la

décentralisation en matière d’énergie ne peut donc se passer d’une réflexion globale et d’une

planification stratégique.

49

Ainsi, selon l’article L.2224-34 du CGCT, « les collectivités territoriales, les établissements publics de

coopération intercommunale ou les syndicats mixtes compétents en matière de distribution publique

d'énergies de réseau peuvent, de manière non discriminatoire, réaliser des actions tendant à maîtriser la

demande d'énergies de réseau des consommateurs finals ou faire réaliser, dans le cadre des dispositions de

l'article L.2224-31 [i.e. via le contrat de concession de distribution], des actions tendant à maîtriser la demande

d'énergies de réseau des consommateurs desservis en basse tension pour l'électricité ou en gaz, lorsque ces

actions sont de nature à éviter ou à différer, dans de bonnes conditions économiques, l'extension ou le

renforcement des réseaux publics de distribution d'énergies de réseau relevant de leur compétence ». 50

Rappelons ici que les compteurs électriques sont la propriété des autorités concédantes. La généralisation de

Linky d’ici 2013, décidée par le gouvernement fin 2011, devrait coûter entre 4,5 et 5 milliards d’euros pour 35

millions de compteurs concernés, selon ERDF. Linky vise à améliorer la gestion et l’usage des réseaux

électriques, permettant un suivi de la consommation en temps réel par les opérateurs et les usagers ainsi que

le lancement de nouveaux services. 51

Cf. infra

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Plusieurs pistes peuvent être identifiées pour mettre en place une réelle planification énergétique

dans les territoires urbains :

- définir des stratégies d’aménagement énergétique, sur le modèle des documents existants

en urbanisme (PLU), habitat (PLH), transports (PDU) ou en matière d’eau potable (SAGE),

- développer des systèmes d’incitation financière au niveau local sur des critères de cohérence

des objectifs de la politique énergétique de la collectivité (critères énergétiques dans

certaines dotations financières ou subventions de projets par exemple).

L’exploration de ces pistes nécessite une réflexion sur les moyens financiers et humains (formations

notamment) nécessaires à leur mise en œuvre.

8. Faut-il penser un nouveau « pacte énergétique » entre communes et

intercommunalités urbaines ?

L’articulation entre politiques communales et intercommunales en matière d’énergie semble

aujourd’hui déterminante. Or, elle n’est pas toujours évidente alors que la législation ne favorise pas

une stricte délimitation des compétences entre les deux niveaux. Ainsi, la cohérence entre la

compétence « MDE » des communes et la compétence « soutien aux actions de MDE » des

intercommunalités mérite d’être l’objet d’un accord explicite au niveau local. Par exemple, cela peut

se traduire par un débat entre un EPCI et ses communes sur la pertinence d’utiliser le levier d’action

de sensibilisation des habitants au niveau intercommunal ou de laisser ce volet animation de

proximité aux communes.

En outre, compte-tenu de leurs compétences, la question de confier la fonction d’AOD aux CA et CU

disposant des ressources pour assumer cette fonction peut être posée. Cela pourrait notamment

permettre d’atteindre une masse critique permettant de peser sur les opérateurs nationaux52.

9. Quelle complémentarité imaginer avec l’action des départements ?

La coordination entre l’action départementale et l’action des territoires urbains en matière d’énergie

sur leurs territoires mérite d’être mise à plat. Il semblerait par exemple pertinent que le conseil

général prenne en charge l’aspect social des politiques de précarité énergétiques dans les territoires

urbains via notamment le fonds de solidarité logement (FSL), et que les villes et les communautés

traitent l’aspect préventif (isolation, performance énergétique, conseil aux particuliers). Ainsi,

lorsque les domaines et les territoires d’actions des collectivités urbaines et des conseils généraux se

recoupent, un travail partenarial pourrait être mis en place afin d’établir une coordination et une

articulation pertinente des actions et faire le lien entre actions curatives et actions préventives.

10. Faut-il développer un partenariat privilégié entre intercommunalités

urbaines et régions ?

A l’heure de la diversification des sources d’énergie et de la globalisation des enjeux, le rôle de la

région en la matière s’affirme. Coordonnatrice et planificatrice, la région dispose de leviers pour 52

Cf. supra dans le paragraphe 3.2 de la troisième partie du rapport

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organiser la politique de l’énergie à l’échelle d’un territoire pertinent et représente un échelon de

dialogue au niveau national. De plus, l’approche régionale du développement de filières d’énergies

renouvelables, à l’image de la filière bois par exemple, paraît pertinente.

En tant que niveau de coordination de l’action publique dans les territoires, la région pourrait porter

de manière plus forte les schémas régionaux en matière d’énergie ou de développement des EnR, à

l’image de son rôle dans le schéma régional climat air énergie (SRCAE). Cela pourrait permettre, par

exemple, de mettre en cohérence une filière bois au niveau régional ou de renforcer la

complémentarité des filières d’énergies renouvelables, à l’échelle régionale ou avec les régions

voisines, voire transfrontalières. En fixant des orientations et des objectifs quantitatifs à l’échelle du

territoire régional, ces schémas devraient permettre d’organiser l’action de l’ensemble des

collectivités, en appui aux initiatives du bloc local. Pour certains territoires (ruraux, villes moyennes),

le rôle de la région en matière d’aide à l’efficacité énergétique (subventions et conseil aux

particuliers et entreprises) reste primordial et doit s’inscrire en complémentarité avec les grandes

agglomérations. Dès lors, elle peut être le lieu de mise en relation et de coordination entre les

différents territoires et les différentes AOD. Son rôle doit être d’organiser ce dialogue entre les

collectivités pour adopter des stratégies communes. Elle peut permettre aussi de mettre en

cohérence les PCET mais aussi les RCU, qui parfois dépassent le cadre intercommunal voire

départemental, comme en Ile-de-France. Enfin, si un droit d’expérimentation est ouvert aux

collectivités territoriales, les régions pourraient en bénéficier, par exemple pour fixer des tarifs de

rachat d’EnR qui soient adaptés au territoire.

C’est pourquoi l’on peut imaginer l’intérêt d’un binôme intercommunalités urbaines/région en

matière d’énergie. Les intercommunalités urbaines, lieu de vie d’une majorité d’habitants, et donc de

consommation d’énergie, pourraient alors s’appuyer sur la région comme relais face à des

interlocuteurs de niveau national, européen ou mondial. A contrario, les régions volontaristes en

matière d’énergie ne semblent pas pouvoir se passer de la coopération des intercommunalités

urbaines pour impulser une dynamique en la matière.

11. Quelle place pour le citoyen dans les débats sur l’énergie ?

Les éléments de rééquilibrage entre collectivités et concessionnaires doivent en partie contribuer à

une amélioration du service public pour l’usager, à la fois du point de vue du consommateur (tarif,

temps de coupure), mais aussi du point de vue de l’intérêt général. Cependant, à l’heure de

l’affirmation de la démocratie participative et alors que l’intérêt porté par les citoyens aux questions

de développement durable et par les usagers aux questions de hausse du coût de l’énergie grandit, la

place du citoyen dans les débats sur l’énergie mérite d’être repensée.

Ainsi, les grandes villes semblent devoir entretenir ce lien de proximité avec leurs habitants sur les

questions urbaines, en imaginant parfois des formules innovantes de participation citoyenne. Au

même titre que les comités d’usagers des transports, on peut ainsi envisager la création de comités

d’usagers des réseaux énergétiques dépassant le traditionnel obstacle de la technique pour amener

les débats sur des enjeux de consommation, de choix de source d’énergie ou de relation aux

concessionnaires par exemple.

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12. Quel système de régulation pour répondre aux nouveaux enjeux de la

politique énergétique ?

Comme évoqué plus haut en matière de planification, la décentralisation des compétences en

matière d’énergie peut ou doit s’accompagner de mesures de régulation permettant de respecter les

objectifs de la politique énergétique, au niveau local comme national. En effet, il n’existe pas

aujourd’hui de moyens d’organiser et de contraindre les choix individuels ou collectifs en matière

d’énergie lorsque cela se justifie.

De plus en plus de dispositions sont introduites dans les PLU, mais les outils juridiques restent

aujourd’hui insuffisants. Les acteurs locaux devraient en effet pouvoir être en mesure d’imposer une

source d’énergie sur un secteur lorsque ceci est pertinent au regard des objectifs de la politique

énergétique. Cette plus grande régulation pourrait ainsi conduire à :

- donner les moyens aux AOD d’exercer réellement leur compétence en leur donnant la

possibilité de contraindre, sur une certaine zone de leur territoire, les particuliers et les

entreprises à recourir à une certaine source d’énergie (électricité, gaz, RCU), afin notamment

d’éviter qu’une collectivité qui souhaite mettre en place un RCU alimenté par des EnR ne soit

« concurrencée » par d’autres systèmes de chauffage moins performants en matière de MDE

ou alimentés par des énergies non renouvelables,

- mettre en place un pouvoir de police de l’énergie, confié, au niveau local, au maire ou au

président de la communauté d’agglomération ou urbaine selon les cas, afin de faire

respecter les orientations de la collectivité.

Si le système de régulation de la production d’énergie au niveau local peut passer par la mise en

place d’incitations financières pour favoriser les projets intégrant des économies d’énergie ou des

EnR, il est également possible de mettre en place une structure de contrôle et de régulation au

niveau national. Une police de l’énergie pourrait ainsi être créée en s’inspirant du modèle de la police

de l’eau.

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Conclusion

Des territoires urbains au cœur des enjeux en matière de transition

énergétique

Lieux de vie de la moitié de la population mondiale et de 80 % de la population française, les

territoires urbains sont devenus des acteurs essentiels en matière d’énergie, de développement

durable et de lutte contre le changement climatique.

Ces territoires représentent un échelon de proximité et de coordination de divers acteurs, détenant

la capacité d’impulser des changements de comportement (secteur privé, citoyens, société civile,

autres niveaux de collectivités), tout en intégrant les enjeux mondiaux.

Par ailleurs, ils constituent une échelle pertinente d’action, capable d’intégrer efficacement les

différents défis en termes de transition énergétique, mais aussi de développement économique,

d’emploi et de cohésion sociale.

Aujourd’hui, si les territoires urbains développent de multiples actions et outils d’intervention en

matière de politique énergétique, ils évoluent paradoxalement dans un système fortement

centralisé, et ne disposent pas des leviers suffisants leur permettant de répondre aux enjeux actuels

et notamment d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES fixés au niveau national et

européen.

Donner de nouvelles capacités d’action aux territoires urbains, tout en

soulignant la solidarité entre territoires urbains et territoires ruraux

La question de l’autonomie interroge aujourd’hui la capacité d’action des territoires urbains. Celle-ci

implique en effet de disposer de leviers d’intervention pour agir à un niveau fin. Cela concerne en

particulier les relations avec les grands opérateurs nationaux de l’énergie, dont la coopération avec

les collectivités devrait être développée.

Par ailleurs, un renforcement de l’autonomie suppose de réévaluer les moyens, y compris financiers

dont disposent les territoires urbains. Il importe ainsi d’adapter le système de péréquation actuel,

symbolisé par le FACé, aux nouveaux enjeux, comme la maîtrise de la demande en énergie, le

développement d’une production décentralisée d’énergie ou le développement des compteurs

intelligents.

Enfin, un enjeu de solidarité se pose. Une cohérence des actions et un partage des responsabilités

entre les différents niveaux d’intervention est nécessaire. Ceci est notamment vrai pour les relations

entre les EPCI et les communes, entre territoires urbains, ainsi qu’entre les territoires urbains et

ruraux.

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Un cadre d’action à clarifier et une gouvernance territoriale à renforcer

A l’heure où les discussions vont s’ouvrir sur des évolutions législatives en matière de transition

énergétique et de réforme des collectivités, l’opportunité se présente de mener une réflexion sur le

partage des rôles et la répartition des compétences entre chaque acteur dans le domaine de

l’énergie (Etat, collectivités, opérateurs, société civile, etc.). Ceci afin que chaque acteur dispose d’un

cadre d’action sécurisé ainsi que de compétences clarifiées.

L’objectif de cette réflexion serait d’approfondir la mise en cohérence des politiques menées aux

différents niveaux, dans un souci de plus grande efficacité. De même, garantir et sécuriser un cadre

global d’action semble aujourd’hui essentiel notamment pour asseoir la légitimité des territoires

urbains dans leurs relations avec les délégataires de service public.

Dans cette perspective, les territoires urbains semblent prêts à assumer leur part de responsabilité

dans la transition énergétique qui s’annonce. Pour cela, les collectivités urbaines doivent disposer de

moyens financiers leur permettant d’assumer ces obligations, mais également d’un cadre juridique

clair et d’outils de planification opérationnelle.

A terme, on pourrait ainsi envisager d’entériner un rôle déjà bien affirmé en pratique et de faire des

territoires urbains des autorités organisatrices de plein exercice en matière d’énergie, comme cela

est déjà le cas en matière de transports ou de déchets. Pour autant, ceci est à concilier avec une

certaine souplesse permettant aux territoires d’expérimenter des actions et des modes

d’organisation, de coopération et de gouvernance, adaptés aux enjeux locaux. Les territoires urbains

peuvent ainsi constituer des terrains locaux d’évaluation de la pertinence et de l’avancée d’objectifs

globaux.