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DITORIAL L'HYSTRIQUE, L'ANALYSTE ET LA QUESTION DUPRE

Alain Vanier

ERES | Figures de la psychanalyse

2014/1 - n 27pages 9 13

ISSN 1623-3883

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http://www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2014-1-page-9.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Vanier Alain, ditorial L'hystrique, l'analyste et la question du pre , Figures de la psychanalyse, 2014/1 n 27, p. 9-13. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Alain Vanier, psychanalyste, [email protected]

1. Pour reprendre le mot de Claude-Nole Pickmann. Ces quelques notes sont issues des

conclusions des Journes dEspace analytique, Lhystrie dans lair du temps , les 23

et 24 mars 2013 Paris. Elles paraissent ici grce leur rcriture par Claude-Nole

Pickmann que je remercie chaleureusement.

2. J. Lacan, Conclusions du 9me Congrs de lcole Freudienne de Paris sur La

transmission (juillet 1978) , Lettres de lcole, n 25, vol. II, 1979.

3. J. Lacan, Propos sur lhystrie (1977), texte tabli par Jacques-Alain Miller, Quarto

n 90, juin 2007.

ditorialLhystrique, lanalyste et la question du pre

Alain Vanier

Lacan a renouvel la question hystrique en en faisant lun des quatre

Discours. Cest un virage trs important qui se produit au moment des sminaires

Lenvers de la psychanalyse et Dun autre lAutre et qui montre combien lhys-

trie est toujours dactualit. Car lhystrie nest pas seulement dans lair du

temps, mais elle fait lair du temps1 . Toujours et encore.

Pourtant, Lacan a pu dire la fois dans lune de ses dernires interventions en

1979 qu il nest pas trs sr que la nvrose hystrique existe toujours2 , et

presque en mme temps, en 1977, quil a toujours t guid par les hyst-

riques . Mais il est vrai quil prcise, par ce quon a encore porte de main

comme hystriques.

Il se demande dailleurs si ce nest pas la loufoquerie psychanalytique3 qui

aurait remplac les symptmes et les nvroses hystriques dautrefois.

Si Lacan, tout comme Freud, a t guid par les hystriques, au moment o il

produit les quatre Discours, dont celui de lhystrique, il indique lexistence dun

point de divergence davec Freud, un point o, selon lui, Freud sest tromp. Le

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4. J. Lacan, Le Sminaire, Livre XVII, Lenvers de la psychanalyse (1969-1970), texte tabli

par J.-A. Miller, Paris, Le Seuil, 1991, p. 112-113.

5. Ibid.

point o Freud sest tromp, cest le complexe ddipe strictement inutili-

sable . Il souligne ce jour-l que les psychanalystes sen servent fort peu, de ce

complexe ddipe, lexception de certains de son cole , quand mme. Or

ce qui a rendu le complexe ddipe freudien strictement inutilisable , cest

davoir fonctionn pour Freud comme un savoir prtention de vrit. La lecture

de ldipe par Freud est en impasse et Lacan en apporte une autre. Pour-

quoi substitue-t-il au savoir quil a recueilli de toutes ces bouches dor, Anna,

Emmy, Dora, ce mythe, le complexe ddipe4 ? Or le savoir que Freud installe

cette place nest pas vrit, mme sil rpond un appel de/ la vrit qui est

celui-l mme de lhystrique. Or cet appel la vrit est aussi la proposition de

lanalyste, do cette hsitation entre la loufoquerie analytique et lhystrie. Car

le savoir que Freud soutient et qui fait son point dachoppement, selon Lacan,

cest celui du pre-tout-amour, cest--dire celui de la religion. Cela conduit Freud

soutenir une quivalence, celle entre le matre et le pre qui est une quiva-

lence proprement hystrique que seule une cure peut dnouer.

Cependant, cela ne veut pas dire que nous allions pour autant au-del de

ldipe , Lacan le signale lui-mme. En effet, cet au-del est quivoque puisque,

suivant le point o on se place, cest avant ou aprs, si cela veut dire quelque

chose. Cela ne veut donc pas dire que nous allions au-del de ldipe vers du plus

fondamental, du plus archaque nous retomberions dans les ornires que Lacan

na cess de dnoncer (et Freud avant lui pensons Rank, etc.). Mais il y a une

autre lecture du complexe ddipe rduit la structure, car le foisonnement

des mythes na comme fonction que de loger une vrit pour masquer que le

pre est castr ds lorigine. Cest l limpasse de Freud, sa bute sur le Penisneid ;

en effet, quand on larticule, cela aboutit au reproche par la fille fait la mre

de ne pas lavoir cre garon et au report sur la mre, sous forme de frustra-

tion, de ce qui se ddouble en, dune part, castration du pre idalis, qui livre

le secret du matre, et, dautre part, privation, assomption par le sujet, fminin

ou pas, de la jouissance dtre priv5 . Car cest une particularit hystrique de

situer le fminin comme phallus, cest--dire de nenvisager le fminin qu partir

du ct masculin des formules de la sexuation. Do cette confusion fondamen-

tale entre le pre et le matre qui est au cur de la nvrose hystrique, et une

privation en rapport avec la fonction de lautre femme dans lhystrie.

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6. J. Lacan, Le Sminaire, Livre XXIV, Linsu que sait de lune bvue saile mourre (1976-

1977), indit, sance du 14 dcembre 1976.

7. Ibid.

Car le dfaut de lhystrie, ce dont elle se pare, son armature, cest son

amour pour son pre6 . Si bien que Lacan se dfinira comme un hystrique

parfait , cest--dire sans symptme , en tant quil se spare de lhystrie au

point prcis de lamour du pre. Parfait hystrique , comme Socrate qui ne

confond pas le pre et le matre. On en a un bel exemple au thtre dans la

premire scne du Roi Lear quand il dcide de partager son royaume entre ses

trois filles et quil leur demande de lui dclarer leur amour pour savoir quelle part

leur reviendra : De laquelle dirons-nous quelle nous aime le plus ? , interroge-

t-il. Cest que ce vieux fou croit quil est fait pour tre aim , note Lacan. Lors-

quon lit ou voit la pice, on entend la diffrence entre Goneril et Regan, dune

part, celles qui auront la bonne part du gteau, parce quelles expriment leur

amour cela nempchera pas la manire dont Goneril et Regan traiteront

ensuite leur pre et, dautre part, le silence de Cordelia, ce rien quelle

rpond la question pressante de son pre. quoi le roi rpond : Rien ne vient

de rien. Nothing will come of nothing. Elle lui explique mme que lamour

de la fille pour le pre a des limites puisque un jour, elle se mariera. On voit, dans

cet exemple, lcart entre lhystrie et lhystrie parfaite.

Peut-on envisager lanalyste comme lhystrique parfait ainsi que Lacan nous

y invite ? Comme celui qui pousserait bout le vice ferenczien de linterrogation

permanente de linconscient ? Lacan confie la fin de son enseignement quil

passe son temps penser son inconscient, que a loccupe tout le temps, quil

lunifie avec (s)on conscient . Or ce que lhystrique manifeste, cest que pour

faire consister son corps, elle na quun inconscient. Cest pourquoi Lacan la

nomme la radicalement Autre7 . Elle ne consiste quen un inconscient, et

Lacan ajoute : moi aussi ; ceci prs, prcise-t-il aussitt, quil na pas besoin

de lamour du pre, qui donne lhystrique son assise. Elle mconnat ainsi que

cest limpuissance du pre qui permet sa symbolisation.

On saisit bien en quoi la prsence de lanalyse et de lanalyste dans la culture

peut avoir modifi la position de lhystrique qui parle sans doute aujourdhui

des dialectes plus conformes lpoque. Et cest la psychanalyse qui a pris en

charge, pour une part, sa passion de la vrit.

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Car la cure ramne toute nvrose son noyau fondamental, qui est hyst-

rique. On pourrait mme dire quune psychanalyse, cest la production dune

hystrie fondamentale que le dispositif sait rsoudre. Cest un aspect et une

dimension trs importants dans notre pratique et cest dailleurs ce quexige litt-

ralement la rgle fondamentale en nonant comme un devoir, celui de lanaly-

sant, ce que fait lhystrique : Dites nimporte quoi, vous ne savez pas ce que

vous dites, mais pourtant vous dites quelque chose par les mots qui (vous)

manquent , ce qui consiste introduire cet appel la vrit, qui concerne le

dsir, mais qui est li aussi une certaine dimension de la jouissance. Ce disposi-

tif ne consiste-t-il pas ramener lhystrie toute nvrose, et de l tout un savoir-

faire pour agencer cette mise en place initiale ? Ramener toute nvrose ce

noyau fondamental permet de rarticuler limpuissance limpossible et ainsi de

cerner le Rel, ce Rel qui est loppos de notre pratique , mais qui loriente.

Or ce rapport entre Rel et vrit nest pas sans relation avec la question du pre.

Alors, certes, lhystrie a disparu des classifications psychiatriques, consom-

mant ainsi un certain divorce davec la psychiatrie o elle, comme lanalyse, avait

trouv un abri fortuit. Mais a-t-elle disparu de la culture ou parle-t-elle dautres

dialectes ? Nobjecte-t-elle pas toujours ce que la sexualit soit rduite des

comportements ? Ne manifeste-t-elle pas autrement le questionnement de

lidentit, dans un monde o la prcarit des liens, voire des identifications,

conduit dautres modes de prsence ? Mme si, aujourdhui, on ne met pas en

chec le savoir du neurologue en proposant une anatomie de fantaisie, lhyst-

rie oblige saffronter des questions sans rponses. Do la ncessit de mettre

en place des comits dthiques, des staffs, etc., chaque fois que le dsir vient

dstabiliser les protocoles, introduit de limprvu, subvertit un certain rapport

aux biens. En loccurrence, le bien en question est souvent lenfant dont tout un

chacun se doit maintenant dtre pourvu.

Aujourdhui, on dplore le manque de pre dans la culture, cest mme la

plainte de certains analystes, oubliant ce que la psychanalyse nous a appris sur

cette place, car le pre a toujours manqu. Cest la leon de lhystrique mais

aussi celle de lanalyse. Mais ce discours nostalgique qui, comme toute dplora-

tion, est un appel Lacan voyait ainsi le retour du religieux nest-il pas conson-

nant avec ce point o nous conduit lhystrie, l o Freud, selon Lacan, se serait

tromp, lcueil religieux, cest--dire limpossibilit de remettre en cause le pre

lui-mme ? Dans une psychanalyse, il sagit danalyser cette fonction pour affron-

ter ce quelque chose qui, dans le dsir de Freud, na jamais t analys. Le pre

et la femme demeurent notre question, et restent lun des enjeux de la psycha-

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nalyse dans la modernit, cest ce que lhystrique nous rappelle. En effet, nous

sommes loin den avoir fini avec ces questions cruciales qui travaillent non seule-

ment la psychanalyse depuis ses dbuts mais aussi la culture, imparablement.

RSUM

Lhystrie a-t-elle cess de guider les psychanalystes ? Certainement pas si lon veut bien

considrer quelle condense la fois la dcouverte et la bute de toute approche de lin-

conscient dans la psychanalyse.

MOTS-CLS

Freud, hystrie, Lacan, dipe, Pre.

SUMMARY

Has hysteria ceased guiding psychoanalysts? Certainly not if one wants to consider that

hysteria condenses both the discovery and stumbling blocks of every approach to the

unconscious in psychoanalysis.

KEYWORDS

Freud, hysteria, Lacan, Oedipus, Father.

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