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318 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 10 - décembre 2001 M ISE AU POINT érythromycine, prototype des macrolides dits à 14 chaî- nons, est restée jusqu’au milieu des années 80 le prin- cipal macrolide d’usage clinique courant, en parallèle avec la josamycine, un représentant de la classe des macrolides dits à 16 chaînons. À partir de 1985, ont été introduites succes- sivement plusieurs nouvelles molécules dérivées de l’érythro- mycine [1] (roxithromycine, clarithromycine, azithromycine). Celles-ci présentent une activité antibactérienne essentiellement comparable à celle de l’érythromycine, mais s’en distinguent assez fortement par leur pharmacologie d’une part et par une meilleure sécurité d’emploi d’autre part (1, 2). Enfin, très récem- ment, une nouvelle sous-classe de macrolides, les kétolides, a été développée dans le but d’apporter une réponse à la montée de la résistance des pneumocoques à l’érythromycine et aux autres macrolides qui en sont directement dérivés. Sur cette base, cet article présente une vue critique de l’usage clinique que l’on peut envisager pour les différents macrolides. Ceci paraît d’autant plus important qu’une mauvaise compré- hension des propriétés réelles des divers représentants de cette classe d’antibiotiques pourrait mener à un usage inapproprié et à des erreurs cliniques. PROPRIÉTÉS MICROBIOLOGIQUES GÉNÉRALES DES MACROLIDES Tous les macrolides à activité antibactérienne [2] présentent une structure chimique commune constituée d’un macrocycle lactonique de 14, 15 ou 16 atomes. Ce cycle est toujours sub- stitué par un sucre aminé (désosamine) et par un sucre neutre, sauf dans les kétolides (figure 1). Des modifications chi- miques rationnelles au départ de la structure de l’érythromy- cine ont permis d’obtenir les néomacrolides, essentiellement dans le but d’améliorer la stabilité de la molécule. La pre- mière famille est constituée par les molécules comprenant 14 ou 15 atomes dans le cycle et dont le chef de file est l’éry- thromycine elle-même. Cet antibiotique se caractérise par une fonction cétone en position 9 du macrocycle (carbone oxydé [C=O] placé entre deux carbones réduits [-CH 2 -]), qui n’est plus présente dans les autres molécules de la famille, à l’ex- ception de la clarithromycine. La deuxième famille, consti- tuée des molécules à cycle à 16 atomes, a pour chef de file la spiramycine et comprend plusieurs molécules dont la josa- mycine, la miocamycine ou la rokitamycine (commercialisée au Japon). Érythromycine, autres macrolides et kétolides : usages cliniques actuels et perspectives F. Van Bambeke*, J. Verhaegen**, P.M. Tulkens* * Unité de pharmacologie cellulaire et moléculaire, université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique. ** Microbiologie, Universitair Ziekenhuis Gasthuisberg en Katholieke Universiteit Leuven, Belgique. [1] Ces molécules ont souvent été regroupées sous la dénomination de néo- macrolides, sans que cette classe ait été clairement définie, tant en ce qui concerne ses propriétés que les molécules qui devraient y être rangées. [2] 0n range souvent dans la classe générale des macrolides d’autres molécules comprenant également un macrocycle lactonique et dépourvues d’activité antibactérienne, mais douées d’autres activités pharmacologiques, comme par exemple le tacrolimus (doué d’un effet immunosuppresseur et utilisé aujour- d’hui pour diminuer le rejet des greffes) ou la bafilomycine (utilisée expéri- mentalement pour modifier le pH des vacuoles intracellulaires). Ces molécules se distinguent des macrolides dont il est question dans cet article par plusieurs éléments structuraux essentiels, et ne seront donc pas examinées ici. RÉSUMÉ. Les macrolides sont des antibiotiques actifs sur les bactéries à Gram positif, les mycoplasmes et les germes intracellulaires. Leur chef de file, l’érythromycine, présente cependant des inconvénients pharmaco-toxicologiques majeurs (instabilité gastrique réduisant la biodisponi- bilité et la rendant très variable, demi-vie courte exigeant des administrations répétées, interactions médicamenteuses potentiellement dange- reuses, intolérance gastrique). Ces inconvénients sont réduits pour les autres macrolides (roxithromycine, clarithromycine, azithromycine), mais leur activité antibiotique et leur sensibilité aux mécanismes de résistance demeurent similaires à celles de l’érythromycine. La montée des résistances chez Streptococcus pneumoniae incite à la prudence dans l’usage des macrolides pour le traitement des infections respiratoires (les kétolides [télithromycine], actifs vis-à-vis des S. pneumoniae résistants aux autres macrolides, pourraient apporter une réponse à ce problème, mais leur place en pratique clinique doit être établie). En revanche, les macrolides restent le premier choix dans le traitement des infections génitales, de l’ulcère causé par Helicobacter pylori et des infections intracellulaires en général. Mots-clés : Érythromycine - Macrolides - Kétolides. L …/…

Erythromycine, autre macrolides et kétolides : usage ... · cipal macrolide d’usage clinique courant, en parallèle avec la josamycine, un représentant de la classe des macrolides

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318 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 10 - décembre 2001

M I S E A U P O I N T

érythromycine, prototype des macrolides dits à 14 chaî-nons, est restée jusqu’au milieu des années 80 le prin-cipal macrolide d’usage clinique courant, en parallèle

avec la josamycine, un représentant de la classe des macrolidesdits à 16 chaînons. À partir de 1985, ont été introduites succes-sivement plusieurs nouvelles molécules dérivées de l’érythro-mycine[1] (roxithromycine, clarithromycine, azithromycine).Celles-ci présentent une activité antibactérienne essentiellementcomparable à celle de l’érythromycine, mais s’en distinguentassez fortement par leur pharmacologie d’une part et par unemeilleure sécurité d’emploi d’autre part (1, 2). Enfin, très récem-ment, une nouvelle sous-classe de macrolides, les kétolides, aété développée dans le but d’apporter une réponse à la montéede la résistance des pneumocoques à l’érythromycine et auxautres macrolides qui en sont directement dérivés.

Sur cette base, cet article présente une vue critique de l’usageclinique que l’on peut envisager pour les différents macrolides.Ceci paraît d’autant plus important qu’une mauvaise compré-hension des propriétés réelles des divers représentants de cetteclasse d’antibiotiques pourrait mener à un usage inapproprié età des erreurs cliniques.

PROPRIÉTÉS MICROBIOLOGIQUES GÉNÉRALESDES MACROLIDES

Tous les macrolides à activité antibactérienne[2] présentent unestructure chimique commune constituée d’un macrocycle lactonique de 14, 15 ou 16 atomes. Ce cycle est toujours sub-stitué par un sucre aminé (désosamine) et par un sucre neutre,sauf dans les kétolides (figure 1). Des modifications chi-miques rationnelles au départ de la structure de l’érythromy-cine ont permis d’obtenir les néomacrolides, essentiellementdans le but d’améliorer la stabilité de la molécule. La pre-mière famille est constituée par les molécules comprenant 14ou 15 atomes dans le cycle et dont le chef de file est l’éry-thromycine elle-même. Cet antibiotique se caractérise par unefonction cétone en position 9 du macrocycle (carbone oxydé[C=O] placé entre deux carbones réduits [-CH2-]), qui n’estplus présente dans les autres molécules de la famille, à l’ex-ception de la clarithromycine. La deuxième famille, consti-tuée des molécules à cycle à 16 atomes, a pour chef de file laspiramycine et comprend plusieurs molécules dont la josa-mycine, la miocamycine ou la rokitamycine (commercialiséeau Japon).

Érythromycine, autres macrolides et kétolides :usages cliniques actuels et perspectives

● F. Van Bambeke*, J. Verhaegen**, P.M. Tulkens*

* Unité de pharmacologie cellulaire et moléculaire, université catholique deLouvain, Bruxelles, Belgique.** Microbiologie, Universitair Ziekenhuis Gasthuisberg en KatholiekeUniversiteit Leuven, Belgique.

[1] Ces molécules ont souvent été regroupées sous la dénomination de néo-macrolides, sans que cette classe ait été clairement définie, tant en ce quiconcerne ses propriétés que les molécules qui devraient y être rangées.[2] 0n range souvent dans la classe générale des macrolides d’autres moléculescomprenant également un macrocycle lactonique et dépourvues d’activité antibactérienne, mais douées d’autres activités pharmacologiques, comme parexemple le tacrolimus (doué d’un effet immunosuppresseur et utilisé aujour-d’hui pour diminuer le rejet des greffes) ou la bafilomycine (utilisée expéri-mentalement pour modifier le pH des vacuoles intracellulaires). Ces moléculesse distinguent des macrolides dont il est question dans cet article par plusieurséléments structuraux essentiels, et ne seront donc pas examinées ici.

RÉSUMÉ. Les macrolides sont des antibiotiques actifs sur les bactéries à Gram positif, les mycoplasmes et les germes intracellulaires. Leur chefde file, l’érythromycine, présente cependant des inconvénients pharmaco-toxicologiques majeurs (instabilité gastrique réduisant la biodisponi-bilité et la rendant très variable, demi-vie courte exigeant des administrations répétées, interactions médicamenteuses potentiellement dange-reuses, intolérance gastrique). Ces inconvénients sont réduits pour les autres macrolides (roxithromycine, clarithromycine, azithromycine), maisleur activité antibiotique et leur sensibilité aux mécanismes de résistance demeurent similaires à celles de l’érythromycine. La montée desrésistances chez Streptococcus pneumoniae incite à la prudence dans l’usage des macrolides pour le traitement des infections respiratoires(les kétolides [télithromycine], actifs vis-à-vis des S. pneumoniae résistants aux autres macrolides, pourraient apporter une réponse à ce problème, mais leur place en pratique clinique doit être établie). En revanche, les macrolides restent le premier choix dans le traitement desinfections génitales, de l’ulcère causé par Helicobacter pylori et des infections intracellulaires en général.

Mots-clés : Érythromycine - Macrolides - Kétolides.

L’

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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 10 - décembre 2001 319

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Érythromycine Roxithromycine

Néo

mac

rolid

es

Clarithromycine

Érythromycylamine*

Azithromycine

Josamycine

Miocamycine

Spiramycine

Désosamine

Cladinose

O

OH

OH

OH

H3C

H3C

H3CN

H3C

H3C

H3CH2C

H3CO

CH3

CH3

CH3 CH3

CH3

CH3

H3COH2CH2COH2CO

OCH3

CH3

CH3

N

N

N-oxime

OH

NH2

HO

99

9

99a

1

6

6

O O

O

O OO

14/15 atomes

16 atomes

14

15

méthoxy-

Kétolides(retrait du cladinose)

Télithromycine*présenté sous formede dirithromycinepour l'usage clinique

Chaînelatérale

méthoxy-

Fonction cétone en C3

O

O

OO

O O

OHOO

N

H3CH2C

CH3

CH3

OCH3

CH3

CH3

NHN

H3C

H3C

H3C(H3C)2N

N

N

Désosamine

R1 = COCH3/R2 = H/R3 = H/R4 = COCH2CH(CH3)2

R1 = COCH2CH3/R2 = COCH3/R3 = COCH3/R4 = COCH2CH3

R1 = H/R2 = CO(CH2)2CHCHOHCH3/R3 = H/R4 = H

Sucre neutre

H3CH3CO (H3C)2N

OHC

CH3

CH3

CH3

CH3O

O

OR1

OR2

O OHO O

O

OR3

OR4

NHCH3

Figure 1. Structure chimique générale des macrolides commercialisés et décrits dans cet article, ainsi que de la télithromycine (HMR3647 ; les parties de la molécule inchangées par rapport à l’érythromycine sont en traits pointillés). Toutes ces molécules possèdent une fonction aminée (simple flèche) sur un sucre (désosamine) qui confère à la molécule un caractère basique responsable de son accumulation cellulaire(l’azithromycine, l’érythromycylamine, la spiramycine et la télithromycine possèdent une deuxième fonction aminée [double flèche], ce quiexplique leur accumulation plus importante).

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Tous les macrolides ont un spectre d’action tourné principale-ment vers les bactéries à Gram positif (3). En effet, ils pénè-trent mal au travers de la membrane externe des bactéries àGram négatif, à quelques exceptions notables, mais d’un grandintérêt médical (Neisseria spp, Haemophilus influenzae,Helicobacter pylori, Campylobacter, Legionella pneumoniae,Chlamydia spp, Salmonella spp). Les macrolides sont aussiactifs sur Mycoplasma spp et divers germes atypiques [Rickettsia, Borrelia, mycobactéries] (2). Le tableau I donneles CMI des diverses molécules étudiées dans cet article vis-à-vis de souches sensibles d’intérêt clinique.

Les macrolides doivent leur activité antibiotique à leur liaisonà la sous-unité 50 S du ribosome bactérien (1, 2), et plus pré-cisément au niveau du complexe 23 S de l’ARNr. La liaisondes macrolides à ce site entraîne une inhibition de la synthèseprotéique. Ce mode d’action implique que les macrolides soientessentiellement bactériostatiques, sauf à concentration très éle-vée. L’efficacité thérapeutique dépendra donc essentiellementdu temps pendant lequel la concentration en antibiotique au sited’infection reste supérieure à la CMI (4) (dans le cas particu-

lier de l’azithromycine, la longue demi-vie fait que son acti-vité dépend davantage de la quantité totale d’antibiotique cir-culant pendant la durée du traitement dans l’organisme, telleque mesurée par la détermination de l’aire sous la courbe[ASC]).

La résistance aux macrolides est le plus souvent plasmidique,ce qui entraîne une dissémination rapide. Le mode de résis-tance le plus courant consiste en une modification de la ciblebactérienne (méthylation du site de fixation de l’antibiotiqueau ribosome [mécanisme codé par le gène erm]). Cela confèreune résistance croisée vis-à-vis non seulement de tous lesmacrolides (sauf les kétolides), mais aussi de deux autresclasses d’antibiotiques qui agissent en se liant en partie à cemême site, à savoir les lincosamides (clindamycine et linco-mycine) et la streptogramine de type B, d’où le nom de résis-tance MLSB (2). L’expression phénotypique de cette résis-tance peut être constitutive, c’est-à-dire qu’elle s’exprime defaçon permanente, rendant alors la bactérie d’emblée insen-sible à ces trois classes d’antibiotiques. Elle peut aussi être inductible, c’est-à-dire qu’elle requiert pour s’exprimer

…/…

Tableau I. CMI (concentrations minimales inhibitrices) des macrolides vis-à-vis de bactéries d’intérêt clinique (à l’exception de l’érythro-mycine, les publications dont ces chiffres sont tirés correspondent la plupart du temps à des relevés établis au moment du début de la commercialisation des molécules correspondantes ; la sensibilité décroît au cours du temps suite au développement de résistances).

Espèce CMI mg/l

Érythromycine Roxithromycine Clarithromycine Érythromycylamine Azithromycine Miocamycine Josamycine Spiramycine Télithromycine

Staphylococcus 0,1-0,5 0,2-0,5 0,06-0,5 0,02-2 0,02-1 0,5-4 0,25-64 0,25-64 0,03-0,06aureus(méticilline-sensible)

Streptococcus 0,03-0,06 0,03-0,06 0,015 0,06-0,12 0,03-0,12 0,25-0,5 0,06-0,25 0,06-0,12pyogenes

Streptococcus 0,015-1 0,05-0,2 0,015-0,5 0,06-1 0,06-2 0,12-0,5 0,015-0,3 0,015-0,3 0,008-0,25pneumoniae

Haemophilus 1-8 1-8 1-8 0,2-32 0,2-4 0,1-16 4-32 4-16 2-4influenzae

Chlamydia 0,06 0,25 0,007 0,5 < 2 0,25 4 0,015-2pneumoniae

Moraxella 0,1-0,5 0,5-2 0,06-2 0,1-1 0,01-0,1 0,5 4-8 0,12catarrhalis

Legionella 0,1-1 0,06-0,5 0,1-0,5 0,5-4 0,125-0,5 0,1-0,5 0,5-1 8-64 0,03-0,12pneumophila

Helicobacter 0,1 0,07 0,03 0,06-0,5 0,2 0,5pylori

Chlamydia 0,06-1 0,015-2 0,004-0,2 1 0,03-0,06 0,06trachomatis

Salmonella spp 4-16

Borrelia 0,03-0,12 0,015-0,12 0,015-0,12 < 0,5 0,015-0,12burgdorferi

Mycobacterium 32-64 8-32 0,5-8 8-32 5aviumet complex

Les CMI indiquées en caractères gras italiques correspondent à celles où l’antibiotique considéré possède un avantage sur les autres macrolides.

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la présence de l’antibiotique, celui-ci induisant la synthèse del’enzyme responsable de la méthylation du ribosome suite àsa reconnaissance par un “senseur”. Ce dernier étant assezspécifique, l’induction ne s’obtient qu’avec les macrolides à14 ou 15 atomes, mais pas avec ceux à 16 atomes, en raisonde leurs différences de structure et de conformation. Ces der-niers restent donc actifs vis-à-vis des souches ayant développéune résistance inductible. Aujourd’hui, une proportion élevéedes Streptococcus pneumoniae (plus de 50 % en France) sontrésistants à l’érythromycine, principalement de façon consti-tutive[3] [voir <http://www.Alexander-Network.com> pourune évolution des résistances dans différents pays], ce quiveut dire que cette résistance s’étend à tous les macrolides,sauf, comme nous le verrons plus loin, aux kétolides. La résis-tance des streptocoques du groupe A (Streptococcus pyo-genes) est d’environ 5 % aux États-Unis ou en France (5),mais atteint des taux plus élevés dans d’autres pays d’Europe,ce qui pourrait devenir un problème inquiétant. En Europe, larésistance chez ces streptocoques est souvent médiée par unmécanisme d’efflux actif de l’antibiotique hors de la bacté-rie[3], mais les proportions varient fortement d’un pays à l’autreet n’atteignent, par exemple, qu’environ 50 % en France. La résistance de Staphylococcus aureus est surtout inductible.La résistance de Haemophilus influenzae, enfin, paraît impor-tante (30 à 50 %). Il ne s’agit cependant pas ici de résistancede haut niveau, mais de souches vis-à-vis desquelles les CMIsont légèrement augmentées, de telle sorte que leurs valeurs,par rapport à celles obtenues vis-à-vis de souches sauvages,excèdent les points critiques (breakpoint) repris dans lesrecommandations du NCCLS (National Committee for Cli-nical Laboratory Standards, Inc.)[4] et du Comité français del’antibiogramme. D’une façon générale, l’activité des macro-lides vis-à-vis de Haemophilus semble limitée (2), mais, parailleurs, le rôle réel de cet organisme (sous sa forme la plusfréquente de souches non encapsulées dont le taux de portageest de 50 à 80 %) est controversé en tant qu’agent pathogèneprimaire en pathologie respiratoire (6).

PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES GÉNÉRALESDES MACROLIDES ET LOGIQUE DU DÉVELOPPEMENTDES DÉRIVÉS SEMI-SYNTHÉTIQUES DE L’ÉRYTHROMYCINE(NÉOMACROLIDES, KÉTOLIDES)

Ce sont des considérations rationnelles qui ont permis de conce-voir, à partir de la structure de l’érythromycine, les néomacro-lides (roxithromycine, clarithromycine, érythromycylamine,azithromycine) d’une part, et les kétolides d’autre part. Cinq élé-ments essentiels sont à prendre en considération dans ce cadre,à savoir la stabilité de la molécule en milieu acide, sa demi-viesérique, sa sécurité d’emploi (liée en partie à sa capacité à se lierau cytochrome P 450), son caractère basique et, enfin, la pré-sence ou non de cladinose. Les quatre premiers concernent enfait uniquement les propriétés pharmacocinétiques (y compris lemétabolisme) ; seul le dernier implique une modification fonda-mentale de l’activité vis-à-vis des souches résistantes.

Stabilité en milieu acide

L’érythromycine est caractérisée par une forte instabilité enmilieu acide, ce qui entraîne une biodisponibilité médiocre,mais surtout très variable en fonction du niveau de l’acidité gas-trique. Cette instabilité résulte de la proximité spatiale de lafonction cétone en C9 et de la fonction hydroxyle en C6, qui,par cyclisation intramoléculaire, peut mener à la formation deproduits microbiologiquement inactifs (figure 2) (7). La sup-pression de la fonction cétone en C9 (érythromycylamine, roxi-thromycine, azithromycine) ou la méthylation de la fonctionhydroxyle en C6 (clarithromycine, télithromycine) rendent lesdérivés correspondants intrinsèquement stables (figure 1).N’ayant pas de fonction cétone dans le cycle, les macrolides à16 atomes sont également intrinsèquement stables. La biodis-ponibilité de toutes ces molécules et leurs taux sériques sontdès lors plus reproductibles.

Demi-vie sérique

L’érythromycine est rapidement éliminée du plasma, ce qui imposede multiples administrations journalières (puisque les études phar-macodynamiques montrent que l’activité est dépendante du tempspendant lequel la concentration sérique demeure supérieure à laCMI). Cela a été pris en compte pour la sélection des néomacro-lides (en particulier la roxithromycine) et des kétolides.

Sécurité d’emploi, liaison au cytochrome P 450et interactions médicamenteuses

La métabolisation de l’érythromycine par le cytochrome P 450(type 3A4) conduit à la formation d’un dérivé oxydé capablede s’y lier avec une forte affinité, ce qui rend ce cytochromeindisponible pour la métabolisation d’autres médicaments(8, 9). Ceux-ci voient dès lors leur élimination diminuer, engen-drant un risque de toxicité potentiellement très grave si le produit non métabolisé est lui-même doué d’une activité nondésirée[5]. Les macrolides à 16 chaînons se lient spontanément

La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 10 - décembre 2001 321

M I S E A U P O I N T

[3] L’existence de “pompes à antibiotiques” a été décrite originellement pour lestétracyclines, mais il apparaît aujourd’hui que ce mécanisme est beaucoupplus général et implique un grand nombre de médicaments, dont plusieursclasses d’anti-infectieux. L’impact de ce mécanisme pourrait devenir trèsimportant s’il devait se répandre. En effet, il peut coopérer avec d’autres méca-nismes pour entraîner d’emblée un niveau de résistance. Par ailleurs, en rédui-sant la concentration intrabactérienne d’antibiotique, il permet une sélectionplus aisée de mutants résistants.[4] Pour cette raison, la terfénadine a été retirée en partie du marché et rempla-cée par son métabolite actif, la fexofénadine, qui ne présente pas cet effettoxique. L’astémizole a également été retiré, tandis que le cisapride est soumisà restriction sévère. Pour la même raison, la grépafloxacine, un antibiotique dela famille des fluoroquinolones, a été retirée du marché rapidement après sonenregistrement.

[5] Chaque protonation conduit à une accumulation maximale de dix fois pargradient d’une unité de pH. Le pH lysosomial étant d’environ deux unités plusbas que le pH extracellulaire, une molécule dibasique peut donc s’y accumulercent fois plus qu’une molécule monobasique.

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nettement moins au cytochrome P 450. Au cours de leur déve-loppement, les néomacrolides et les kétolides en usage cliniqueont été sélectionnés, en partie, pour leur moindre affinité vis-à-vis du cytochrome P 450. Il en résulte que les interactionsmédicamenteuses de tous ces macrolides sont nettement plusfaibles que celles de l’érythromycine. Le tableau III montrel’ensemble des interactions médicamenteuses d’intérêt cliniqueimmédiat pour chaque molécule.

Les effets secondaires des macrolides concernent essentielle-ment des troubles digestifs : agonistes de faible affinité durécepteur à la motiline, les macrolides, et l’érythromycine enparticulier, engendrent un effet prokinétique sur la motricitédigestive. Un effet secondaire plus rare, mais aussi plus grave,fait l’objet d’une attention particulière depuis quelques années,et est systématiquement recherché pour les nouveaux médica-ments soumis à une procédure d’enregistrement : il s’agit deleur capacité à interagir avec les canaux potassiques et sodiquesau niveau cardiaque. Cela provoque un allongement du tempsde repolarisation (allongement de l’intervalle QT) qui peut êtreà l’origine de perturbations du rythme cardiaque pouvant entraî-ner la mort (torsades de pointe). Cet effet est particulièrementmarqué pour les antihistaminiques non sédatifs (terfénadine,astémizole) ou avec le cisapride[5]. Cependant, les macrolidesentraînent eux aussi une prolongation de l’intervalle QT (ceteffet est décrit pour l’érythromycine et la clarithromycine). Defaçon plus inquiétante, l’inhibition du métabolisme de la terfénadine, de l’astémizole ou du cisapride chez les patientsrecevant un macrolide conduit à un effet synergique des deuxmédicaments sur cet intervalle QT tel qu’il peut entraîner l’arrêt cardiaque.

Caractère basique et accumulation/rétention cellulaire et tissulaire

Les macrolides sont tous relativement liposolubles et basiques.Cela leur permet à la fois de diffuser aisément au travers desmembranes biologiques et de s’accumuler dans les comparti-ments cellulaires acides (principalement les lysosomes) par pié-geage de la forme protonée peu diffusible (10). In vivo, lesmacrolides présentent donc une accumulation tissulaire impor-tante, ce qui explique leur volume de distribution élevé(tableau II). L’azithromycine, l’érythromycylamine et les kéto-lides sont des molécules dibasiques (figure 1). Cette propriétérenforce considérablement leur capacité à s’accumuler dans lestissus car la molécule subit une double protonation dans lemilieu acide[5]. L’azithromycine, et, dans une moindre mesure,l’érythromycylamine présentent en outre une forte rétention tissulaire, probablement liée à leur capacité à se fixer aux phospholipides et à se concentrer ainsi dans les cellules, ce quiexplique leur très longue demi-vie.

Rôle du cladinose et activité vis-à-vis des pneumocoquesrésistant à l’érythromycine

La présence de cladinose est essentielle à la bonne activité del’érythromycine, des néomacrolides et des macrolides à16 chaînons. Cependant, la diminution d’activité qu’entraînela perte du cladinose peut être compensée par l’addition d’une

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Figure 2. Mécanisme de l’inactivation de l’érythromycine en milieuacide. La fonction cétone en position 9 peut réagir avec la fonctionalcool en C6, conduisant à la formation d’un hémicétal. Celui-ci setransforme ensuite en spirocétal n’ayant aucune activité antibio-tique. Les néomacrolides (voir figure 1) ne présentent plus cet incon-vénient en raison du remplacement soit de la cétone (roxithro-mycine, azithromycine), soit de l’alcool (clarithromycine) pard’autres fonctions chimiques (adapté de la référence 7).

Érythromycine

O

OH

OH

OH

H3C

H3C

(H3C)2NH3C

H3C

H3CH2C

H3CO

CH3

CH3

CH3 CH3

CH3

OH

HO

9

1

6

O O

O

O OO

OH

OH

OH

H3C

H3C

(H3C)2NH3C

H3C

H3CH2C

H3CO

C

CH3

CH3

CH3 CH3

CH3HO

1

O O

O

O OO

O

Milieu acide

Milieu acide

8,9-anhydroérythromycine-6,9 hémicétal

érythromycine-6,9 ; 9,12 spirocétal

HO

OHH3C

(H3C)2NH3C

H3C

H3CH2C

H3CO

CH3

CH3

CH3 CH3

CH3HO

1

O O

O

O OO

OO

Cétone

Alcool

…/…

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Tableau III. Médicaments dont le taux sérique est augmenté par l’administration de macrolides [9].

Macrolide Médicament coadministré Attitude clinique

Érythromycine Terfénadine (anti-H1 non sédatifs) Contre-indiquéErgotamine Contre-indiquéCarbamazépine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de la dose de 25 %Ciclosporine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de la dose de 50 %Théophylline Suivi thérapeutique si concentration sérique en théophylline > 12 mg/l

et si traitement à l’érythromycine 7 joursDigoxine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de doseBenzodiazépines Éviter l’usage ; réduction de la dose de 50 %Bromocriptine Éviter l’usage Anticoagulants oraux Prudence chez la personne âgée

Roxithromycine Terfénadine (anti-H1 non sédatifs) Contre-indiquéErgotamine Contre-indiquéCiclosporine À surveillerThéophylline Suivi thérapeutique si concentration sérique en théophylline > 12 mg/lBromocriptine Éviter l’usage

Clarithromycine Terfénadine (anti-H1 non sédatifs) Contre-indiquéErgotamine Contre-indiquéCarbamazépine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de la dose de 25-50 %Ciclosporine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de la doseThéophylline Suivi thérapeutique si concentration sérique en théophylline > 12 mg/lBromocriptine Éviter l’usageAnticoagulants À surveiller (données insuffisantes)Digoxine À surveiller (données insuffisantes)

Azithromycine - Ergotamine et anti-H1 non sédatifs contre-indiqués par mesure de sécurité

Érythromycylamine - Ergotamine et anti-H1 non sédatifs contre-indiqués par mesure de sécurité

Miocamycine Ergotamine et anti-H1 non sédatifs contre-indiqués par mesure de sécuritéCarbamazépine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de la dose de 15 %Ciclosporine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de la dose

Josamycine Ergotamine et anti-H1 non sédatifs contre-indiqués par mesure de sécuritéCarbamazépine Éviter l’usage ; suivi thérapeutiqueCiclosporine Éviter l’usage ; suivi thérapeutique et réduction de la doseThéophylline Prudence chez l’enfantBromocriptine Éviter l’usage

Spiramycine Ergotamine et anti-H1 non sédatifs contre-indiqués par mesure de sécurité

Télithromycine Terfénadine (anti-H1 non sédatifs) Contre-indiquéErgotamine Contre-indiquéStatines Interrompre le traitement par la statineBenzodiazépines Suivi thérapeutique et ajuster la doseCiclosporine Suivi thérapeutique et ajuster la doseDigoxine Vérification du taux sérique de la digoxine

Tableau II. Paramètres pharmacocinétiques des macrolides.

Paramètre Érythromycine Roxithromycine Clarithromycine Azithromycine Érythromycylamine Miocamycine Josamycine Spiramycine Télithromycinepharmacocinétique (500 mg ) (150 mg) (250 mg ) (500 mg) (500 mg) (600 mg) (500 mg) 6 millions (800 mg)

(6106) UI

Cmax (mg/l) 3 6,8 6,8 0,4 0,2-06 2-3 1,2 3,3 2

Tmax (h) 1,9-4,4 2 2,7 2,5 3-5 2 1,1 2 1-3

T1/2 (h) 2 8-13 4,4 35-40 42 1 1-1,5[a] 8 10

Vd (l/kg) 0,64 3-4 23-31 11 2,9

Biodisponibilité 55 % 37 % 6-14 % 57 %

Liaison aux protéines 65-90 73-96 40-70 12-40 15-30 10 15 10-20 60-70

Concentration tissulaire/ 0,5 1-2 3-8 50-1 150 20-30 4-8 2-20[b] 1-30 2-150concentration sérique

ASC (mg.h/l) 4,4-14 70 4,1 2-3,4 3,8 3 8,3

Élimination Foie Rein (65 %) Foie (70 %) Foie Foie (80-97 %) Foie (95 %) Foie (50 %) Foie Foie (66 %)

Vd : volume de distribution ; ASC : aire sous la courbe.[a] 5 à 6 heures à l’équilibre en raison de la forte accumulation tissulaire.[b] Variable suivant les études.

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chaîne latérale supplémentaire. C’est cette option qui a été sui-vie pour mener aux kétolides (télithromycine). Ces moléculespossèdent donc un type de liaison différent au ribosome bacté-rien, dont la signification est décrite plus loin.

DESCRIPTION DES PROPRIÉTÉS DES MACROLIDES

Érythromycine

L’instabilité gastrique a pu être partiellement résolue par l’usaged’esters (hémisuccinate, lactobionate, etc.), qui sont habituel-lement plus stables que l’érythromycine base (tableau IV), cequi explique les nombreuses formes galéniques disponibles.Tous les autres inconvénients demeurant largement inchangés,l’usage de l’érythromycine devrait être aujourd’hui limité auxpatients jeunes ou sans risques particuliers, dont la bonne obser-vance est assurée (nécessité de quatre administrations par jour),présentant une bonne tolérance digestive, et chez qui on peutexclure les risques d’interactions médicamenteuses.

Roxithromycine

Décrite en 1986 (11), la roxithromycine conserve fondamen-talement le spectre d’action de l’érythromycine (tableau I),montrant cependant une meilleure activité vis-à-vis de L. pneu-mophila. Sa pharmacocinétique est fondamentalement amélio-rée en ce qui concerne sa biodisponibilité, ce qui autorise une

réduction de dose. Son accumulation cellulaire, plus importanteque celle de l’érythromycine, et sa demi-vie sérique prolongéepermettent une administration biquotidienne (tableau II).Enfin, on note une réduction partielle des interactions médica-menteuses (tableau III). La roxithromycine constitue donc unealternative préférable à l’érythromycine chez les patients àfaible observance d’une part (schéma biquotidien), et recevantcertains autres médicaments d’autre part.

Clarithromycine

Décrite en 1990 (12), la clarithromycine présente le mêmespectre que l’érythromycine, mais ses CMI sont quasi systé-matiquement plus basses (13), d’une à deux dilutions pour la plupart des germes sensibles, et de plusieurs dilutions pour L. pneumophila, H. pylori et M. avium intracellulare(tableau I). Sa capture cellulaire est supérieure à celle de l’éry-thromycine, mais sa demi-vie n’est que modérément augmen-tée (tableau II), de telle sorte que son administration en deuxprises par jour ne permet d’assurer une concentration supérieureaux CMI tout au long du nycthémère que dans la mesure oùcelles-ci sont suffisamment basses. Si ces CMI continuent àaugmenter, comme cela a été le cas au cours des cinq dernièresannées, le schéma d’administration de la clarithromycine devraêtre revu à la hausse, soit en ce qui concerne les doses, soit ence qui concerne la fréquence de leur administration (trois

…/…

Tableau IV. Posologie orale des macrolides en usage clinique courant[a].

Macrolide Dose journalière (adulte) Dose journalière (enfant) Durée du traitement standard(DCI et noms commerciaux)

Érythromycine (Égéry®, Logécine®)[1] 500 mg x 4/jour 12,5 mg/kg x 4/jour 8 jours

Érythromycine propionate (Éry-500®,

Érythrocine®, Érythrogram®)

Érythromycine éthylsuccinate (Éricocci®)[2]

Roxithromycine (Rulid®, Claramid®) 150 mg x 2 /jour 3 mg/kg x 2/jour 8 jours

Clarithromycine (Zeclar®, Naxy®) 250 mg x 2 /jour[b] 7,5 mg/kg x 2/jour 8 jours250 mg x 3/jour 7,5 mg/kg x 3/jour

Azithromycine (Zithromax®)[3] 500 mg (jour 1) 10 mg/kg (jour 1) 5 jourspuis 250 mg x 1/jour puis 5 mg/kg

Dirithromycine (Dynabac®) 500 mg x 1/jour

Miocamycine (Mosil®) 800 mg x 2/jour 10 jours

Josamycine (Josacine®) 500 mg x 2/jour[b] 30 à 50 mg/kg répartis 8 jours500 mg x 3/jour en 2 ou 3 administrations[c]

Spiramycine (Rovamycine®) 3 millions UI 2-3 x /jour 0,075-0,1 million UI/kg 2-3 x/jour

Télithromycine (Ketek®) 800 mg x 1/jour 800 mg x 1/jour[d] 7-10 jours : pneumonie communautaire5 jours : autres indications

[a] Doses standard pour infections respiratoires suivant les notices scientifiques (les valeurs en italique sont celles recommandées par les auteurs tenant compte de lavaleur moyenne des CMI actuelles des germes dits “sensibles”). Les posologies pour les autres infections peuvent différer considérablement (voir texte et notices etmonographies scientifiques).[b] La notice suggère une double dose x 2/jour en cas d’infection sévère. Il nous semblerait plus indiqué de multiplier les administrations en raison de la courte demi-vie du produit (voir tableau II).[c] La répartition en trois plutôt que deux administrations est en accord avec les données pharmacocinétiques.[d] Indiqué uniquement pour le traitement de la pharyngite chez l’enfant de plus de 12 ans (la sécurité d’emploi n’a pas encore été établie pour des patients plus jeunes).

[1] Microgranules acido-résistants.[2] Pédiazole® contient de l’érythromycine éthylsuccinate en association avec de l’acétate de sulfafurazole (sulfamidé antibactérien) et n’a d’indication que pour l’otitemoyenne aiguë de l’enfant.[3] Existe aussi sous forme de présentation dosée à 600 mg (Azadose®) pour le traitement des infections à Mycobacterium avium.

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administrations par jour)[6]. La clarithromycine présente des interactions médicamenteuses moins nombreuses que l’érythromycine (tableau III), mais la notice scientifique amé-ricaine recommande de surveiller les concentrations sériques desmolécules métabolisées par le cytochrome P 450. D’une façongénérale, la clarithromycine peut certainement être préférée à l’érythromycine dans la plupart des indications de cettemolécule en raison de sa meilleure tolérance gastrique, du moinsgrand nombre d’interactions médicamenteuses, et, si les CMIl’autorisent, d’un schéma d’administration plus aisé. Par rapport aux autres macrolides, elle constitue certainement unpremier choix pour les patients souffrant d’infections à L. pneu-mophila et à H. pylori. Elle est utile dans les infections à M. aviumintracellulare chez les patients atteints de sida, à condition detenir compte d’interactions spécifiques à ces patients[7].

Azithromycine

Obtenue par agrandissement du macrocycle par insertion d’unatome d’azote ionisable (N9a) et par suppression simultanéede la fonction cétone en C9 par réduction du carbone, l’azi-thromycine est donc à la fois stable et dibasique[8]. Décrite en1986 (14), son spectre antibactérien est fondamentalement sem-blable à celui de l’érythromycine, avec cependant un gain d’ac-tivité appréciable sur H. influenzae et Moraxella catarrhalis.Chlamydia trachomatis et Chlamydia pneumoniae sont biensensibles (tableau I). Elle présente un effet postantibiotiqueimportant. La propriété la plus exceptionnelle de l’azithromy-cine est son accumulation cellulaire très élevée, entraînant destaux tissulaires cent fois supérieurs à la concentration sériqueet une forte rétention tissulaire (t1/2 de 50 à 90 h) (15). Cesdeux propriétés justifient sa posologie particulière (curescourtes de 3 à 5 jours avec administration uniquotidienne, voiremême administration unique dans certaines situations) et sonintérêt évident pour le traitement des infections à germes intra-cellulaires. L’azithromycine constitue en fait le premier exemplebien étudié d’un antibiotique à tropisme tissulaire pour lequell’efficacité thérapeutique ne peut pas être simplement liée auxseuls taux sériques. La question du risque d’émergence rapidede résistance associé spécifiquement à la présence de tauxsériques faibles a fait l’objet de nombreuses controverses etreste ouverte (1), mais les études récentes sont plutôt rassu-

rantes sur ce point de vue (16). L’azithromycine est dépourvued’interactions avec la plupart des médicaments qui ont pu êtreétudiés en clinique, à l’exception des anti-acides (tableau III).D’une façon générale, l’azithromycine peut donc être considé-rée comme un antibiotique de choix pour les patients souffrantd’infections à germes intracellulaires [en particulier ceux pou-vant justifier et/ou nécessitant un traitement “minute” ou trèscourt (Chlamydia spp.)], chez les patients dont l’observancen’est pas assurée, et, surtout, chez ceux prenant d’autres médi-caments. Le schéma d’administration de l’azithromycine peutaussi avoir un intérêt pharmaco-économique. Cependant, lesfaibles taux sériques de l’azithromycine doivent la faire écar-ter chez les patients pour lesquels on peut craindre un carac-tère disséminé de l’infection (par exemple, chez les patientsatteints de pneumonie à pneumocoques accompagnée de bac-tériémie).

Érythromycylamine (dirithromycine)

L’érythromycylamine est également un dérivé dibasique del’érythromycine A. Décrite en 1970 (17), elle a été développéesous la forme d’une prodrogue, la dirithromycine, qui régénèrerapidement le produit actif. L’érythromycylamine (et donc ladirithromycine) présente malheureusement le plus souvent desCMI légèrement supérieures (une à deux dilutions) à celles del’érythromycine (sauf peut-être vis-à-vis de H. influenzae)(tableau I). Elle est, en outre, peu active sur C. trachomatis.Son accumulation cellulaire et tissulaire est très importante enraison de son caractère dibasique. Malgré des avantages telsqu’une demi-vie d’élimination prolongée (tableau III) (ce quipermet une administration uniquotidienne) et une faible liaisonau cytochrome P 450 3A4 (ce qui rend pratiquement inexis-tantes les interactions médicamenteuses), la faible activité anti-bactérienne de l’érythromycylamine (et donc de la dirithro-mycine) ne la rend recommandable que chez des patients pourlesquels une bonne sensibilité des germes en cause peut êtredémontrée ou raisonnablement supposée.

Josamycine, miocamycine et spiramycine

Représentants des macrolides à 16 chaînons, la josamycine, lamiocamycine et la spiramycine[9] ont un spectre comparable àcelui des autres macrolides, mais les CMI sont généralementlégèrement supérieures (tableau I). L’intérêt potentiel desmacrolides à 16 atomes consiste dans le fait qu’ils ne sont nireconnus par le “senseur” des souches présentant le phénotypede résistance inductible aux macrolides (2, 3), ni par les pompesà efflux chassant les macrolides hors des bactéries. Cette amé-lioration doit malheureusement être considérée comme margi-nale dans le cas des S. pneumoniae, pour lesquels la résistanceest le plus souvent constitutive. En revanche, ces dérivés pour-raient être utiles dans les infections à S. pyogenes, puisque ceux-ci présentent assez souvent le mécanisme de résistance parefflux. La stabilité gastrique, et dès lors la biodisponibilité orale,

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[6] Dans ce cadre, une forme galénique nouvelle de la clarithromycine a étémise au point afin de permettre une administration de 1 g/j de produit actifsous forme d’une prise unique de deux tablettes à libération prolongée de500 mg chacune. Cette forme permet d’obtenir des aires sous la courbe équi-valentes à celles d’une administration de 500 mg de clarithromycine conven-tionnelle toutes les 12 h avec des concentrations sériques minimales constam-ment supérieures à 0,7 µg/ml. L’intérêt de cette forme est donc limité auxgermes dont les CMI sont inférieures à cette valeur.[7] La clarithromycine réduit l’absorption digestive de la zidovudine (Retrovir®),mais cet effet peut être évité en espaçant d’au moins deux heures l’adminis-tration des deux médicaments, et elle augmente de 40 % la surface sous la courbe de la didanosine [Videx®], le mécanisme de cette interaction étantencore inconnu.[8] L’azithromycine est, chimiquement parlant, un azalide (fonction aza en position 9). Cette distinction n’a cependant pas de signification clinique, et ilest donc inutile, dans ce cadre, de la considérer différemment des autresmacrolides.

[9] La spiramycine n’est guère utilisée que dans le cadre de la lutte contre latoxoplasmose, en particulier pendant la grossesse.

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sont satisfaisantes (tableau II). Les interactions médicamen-teuses sont probablement faibles en raison d’une moindre inter-action générale des macrolides à 16 atomes avec le cytochromeP 450 3A4 (tableau III). En particulier, ces interactions sontquasi inexistantes pour la spiramycine.

USAGE CLINIQUE RAISONNÉ

Les niveaux de résistance actuels de certaines bactéries, consi-dérées anciennement comme sensibles, et les propriétés phar-macologiques des néomacrolides doivent conduire à réexami-ner de façon critique les indications de ces antibiotiques.Celles-ci, avec leurs limites, sont présentées de façon résuméedans le tableau V. Il apparaît d’emblée que, contrairement à cequi a longtemps été considéré comme une règle de base, lesmacrolides actuellement disponibles ne sont plus des moléculesde premier choix dans les infections des voies respiratoires etde la sphère ORL, domaines où ils sont néanmoins encore abon-damment prescrits. La raison en est essentiellement le niveauélevé de résistance de S. pneumoniae, un des agents les plusfréquents dans ce type d’infection. En outre, les éléments sui-vants doivent être soulignés :

✓ Un grand nombre d’infections respiratoires hautes sont d’originevirale (plus de 30 % des otites et des bronchites ; plus de 80 % desangines et des pharyngites) et ne demandent donc pas de traitementantibiotique, sauf si des surinfections bactériennes significatives lescompliquent. Dans plusieurs pays, l’abstinence thérapeutique,au-delà des traitements symptomatiques, est d’ailleurs la règle.✓ Dans la pharyngite, la pénicilline reste de l’avis général l’an-tibiotique de premier choix, sous forme de pénicilline parenté-rale (pénicilline G) ou, plus généralement, de pénicilline orale(pénicilline V ou phénoxyméthylpénicilline ; nombreusesformes commerciales).✓ L’otite et la sinusite, outre le risque d’inefficacité en casd’infection par des S. pneumoniae résistants, posent le problèmedes concentrations locales souvent insuffisantes en cas d’in-fection par H. influenzae. La nécessité d’un traitement anti-biotique de ces infections, dont la résilience spontanée est fré-quente, n’est d’ailleurs pas absolue (18), même si beaucoupconsidèrent que la diminution des complications suppurativesobservée depuis l’introduction des antibiotiques constitue enelle-même une justification à leur emploi.✓ Dans la pneumonie communautaire[10] (pneumonie nonhospitalière, acquise en ville), où la nécessité d’un traitement

Tableau V. Usage clinique raisonné des macrolides.

Place Indication Germe(s) en cause Molécule(s) de choixdes macrolides

Premier choix Infections génitales Neisseria gonorrheae AzithromycineChlamydia trachomatis AzithromycineUreaplasma urealyticum

Pneumopathies atypiques Legionella pneumophila ClarithromycineChlamydia pneumoniae ClarithromycineMycoplasma

Infections à MAC chez l’immunodéprimé Mycobacterium avium et complex Azithromycine, clarithromycine

Ulcère gastrique Helicobacter pylori Clarithromycine + nitro-imidazoleou amoxicilline + anti-acide majeur

Infections respiratoires pédiatriques– diphtérie Corynebacterium diphtheriae Érythromycine– coqueluche Bordetella pertussis Érythromycine (roxithromycine,

azithromycine)

Infections cutanées chez l’immunodéprimé– angiomatose bacillaire Rochalimaea henselae (Rickettsia) Érythromycine (clarithromycine,

azithromycine)

Alternative Infections de la peau et des tissus mous Propionibacterium acnes ClarithromycineStaphylococcus aureus Attention aux résistances !

Infections respiratoires et ORL– pharyngite Virus, Streptococcus pyogenes, – Pas d’antibiotiques d’emblée[1]

Mycoplasma pneumoniae (β-lactame)– otite Virus, Streptococcus pneumoniae, – Pas d’antibiotiques d’emblée[1]

M. catarrhalis, H. influenzae (β-lactame ou macrolide)[2]

– sinusite Virus, S. pneumoniae, – Pas d’antibiotiques d’emblée[1]

Moraxella catarrhalis, Haemophilus influenzae (β-lactame ou macrolide)[2]

– bronchite Virus, S. pneumoniae, – Pas d’antibiotiques d’emblée[1]

M. catarrhalis, H. influenzae (β-lactame ou macrolide)[2]

– pneumonie communautaire S. pneumoniae, (H. influenzae, – Clarithromycine (β-lactame ou β-lactameS. aureus), C. pneumoniae (enfants) + macrolide [si germes atypiques])

[1] L’utilisation d’un antibiotique dès l’apparition des symptômes est souvent injustifiée en raison du taux important d’infections virales dans ces territoires.[2] Le choix de l’antibiothérapie, lorsqu’elle est mise en œuvre, doit reposer sur l’épidémiologie locale (résistance de S. pneumoniae et H. influenzae aux macrolideset aux β-lactames).

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antibactérien efficace est évidente, plusieurs publications deconsensus anglo-saxonnes – même très récentes – ont reprisles macrolides comme antibiotiques de premier choix chez lespatients âgés de moins de 60 ans et sans autre comorbidité (19).Cependant, ce choix semble résulter d’une importance exagé-rée accordée à la présence potentielle de germes atypiques etconduit, en raison de la montée de la résistance chez S. pneu-moniae, à mettre en œuvre des bithérapies (macrolides plusbêtalactames) de façon quasi systématique. Cela ne peut se justifier que dans les cas sévères [voir le consensus de l’European Respiratory Society (20)], et la nécessité d’inclureinitialement un macrolide a été remise en question. La ten-dance dans plusieurs pays européens est donc de privilégier enpremière intention une monothérapie par une pénicilline (de type amoxicilline) ou éventuellement une céphalosporine(de type céfuroxime axétil, qui aura l’avantage d’agir égale-ment sur les souches de H. influenzae et de M. catarrhalis pro-ductrices de bêtalactamases). Les doses devront cependant êtreajustées vers le haut en fonction de la très probable sensibilitéréduite de S. pneumoniae aux bêtalactames. Les macrolidesseront réservés aux situations où l’on suspecte fortement laprésence de germes atypiques (qui peuvent représenter jusqu’à16 % [C. pneumoniae] et même 26 % [Mycoplasma pneumo-niae] des pathogènes retrouvés dans la pneumonie commu-nautaire[11]). La place de l’antibiothérapie dans les exacerba-tions de bronchite chronique est très controversée. En effet, denombreuses études contre placebo mettent en évidence unbénéfice faible voire nul d’un antibiotique, quel qu’il soit, danscette indication (21). Le traitement de base doit donc avanttout consister à améliorer la fonction respiratoire par l’admi-nistration de bronchodilatateurs d’une part, et par des mesuresadéquates d’hygiène et de kinésithérapie respiratoire d’autrepart. Si un antibiotique est estimé nécessaire (surinfection bac-térienne), il doit être sélectionné tout d’abord sur la base del’épidémiologie locale, ensuite sur celle de sa sécurité d’em-ploi (absence d’interaction médicamenteuse, en particulieravec la théophylline), et enfin sur celle de sa facilité d’admi-nistration (observance pour un traitement long). On voit dèslors que les néomacrolides, qui répondent mieux que l’éry-thromycine aux deux derniers critères (particulièrement l’azi-thromycine), ne se justifient que dans le cas de surinfectionspar des germes vis-à-vis desquels ils présentent une activitémarquée, comme par exemple les mycoplasmes.

LES KÉTOLIDES : LE FUTUR DES MACROLIDES ?

La synthèse des premiers kétolides a correspondu à unedémarche rationnelle destinée à répondre très précisément auproblème de l’émergence de résistance des pneumocoques à

l’érythromycine et aux néomacrolides (22). En fait, l’originede cette classe de macrolides provient de l’observation qu’unemolécule naturelle dépourvue de cladinose, la narbomycine, neprésente qu’une faible activité antibiotique, mais conserve cetteactivité vis-à-vis des souches résistantes aux autres macrolides.La démarche rationnelle a donc consisté à renforcer l’activitéintrinsèque de la narbomycine, ce qui a été obtenu par l’addi-tion d’une chaîne latérale telle qu’elle apparaît dans la télithromycine.

Leur mode d’action fait toujours intervenir une liaison à lasous-unité 50 S du ribosome bactérien, au niveau du complexe23 S de l’ARNr. Cependant, contrairement aux macrolidesconventionnels qui ne se lient qu’à un domaine de ce site (ledomaine V), les kétolides se lient à deux domaines (lesdomaines II et V). Cela leur permet de faire preuve d’une acti-vité égale ou même souvent supérieure à l’érythromycine vis-à-vis des germes sensibles (tableau I). L’intérêt de ce doubleancrage au ribosome est que la molécule conserve une cer-taine affinité vis-à-vis des ribosomes méthylés au niveau dudomaine V. Par ailleurs, les kétolides n’induisent pas ou guèrela production de la méthylase. Ces deux propriétés leur per-mettent ainsi d’être raisonnablement actifs vis-à-vis desgermes résistants par modification de la cible bactérienne(résistance portée par le gène erm). De plus, les kétolides nesont pas reconnus par les pompes à efflux des streptocoques.L’ensemble de ces éléments leur confère donc une activité rai-sonnable vis-à-vis des principales souches de streptocoques.Cependant, ils demeurent inactifs vis-à-vis des souches présentant une résistance constitutive de haut niveau (en pratique, S. pyogenes[12] et Staphylococcus aureus résistant àla méticilline).

En ce qui concerne la pharmacocinétique, les kétolides se carac-térisent par une accumulation tissulaire importante en raisonde la présence d’un groupe basique sur la chaîne latérale.

L’un d’entre eux, la télithromycine (23), a été approuvé trèsrécemment par l’EMEA (Agence européenne pour l’évaluationdes produits médicinaux), pour le traitement des pneumoniescommunautaires, des exacerbations de bronchite chronique, dessinusites aiguës et des pharyngites (dans ce dernier cas, en alter-native aux bêtalactames lorsque celles-ci ne sont pas appro-priées) et, ensuite, par la FDA (Food and Drug Administration)aux États-Unis, mais, pour l’instant, avec des indications res-treintes au traitement des pneumonies communautaires. Laposologie proposée est de 800 mg en une administration quo-tidienne, pour une durée de traitement de 7 à 10 jours dans lespneumonies et de 5 jours dans les autres cas. L’administrationuniquotidienne est rendue possible d’une part par la longuedemi-vie du produit (tableau II) et, d’autre part, par son profilpharmacodynamique (activité dépendant davantage de saconcentration que du temps d’exposition ; ce profil pharmaco-dynamique se rapproche donc de celui de l’azithromycine,mais diffère de celui des autres macrolides ; voir le paragrapheconsacré aux “Propriétés microbiologiques générales desmacrolides”).

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[10] Le terme de communautaire, peu usité en France, est très largement utilisédans la littérature anglo-saxonne pour désigner ce type de pneumonie (community-acquired pneumonia).[11] L’arrivée des fluoroquinolones dites “respiratoires” (lévofloxacine, et surtoutmoxifloxacine) risque cependant de remettre en cause ces orientations théra-peutiques. Ce point sera abordé dans un prochain article.[12] En France, environ la moitié des souches résistantes de Streptococcus pyo-genes échapperont aux kétolides (résistance constitutive de haut niveau parméthylation du ribosome).

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Comme les autres macrolides, la télithromycine est un substratet un inhibiteur non seulement du cytochrome P 450 3A4, maisaussi du 2D6 (tableau III), ce qui impose donc les mêmes pré-cautions d’usage que pour les autres molécules (risques d’in-teractions médicamenteuses). En pratique, on peut considérerque la télithromycine est équivalente à la clarithromycine de cepoint de vue, et donc très inférieure à l’azithromycine. La télithromycine a également un effet équivalent à celui de la clarithromycine sur l’intervalle QT (prolongation de l’ordre de 2-3 m/sec), ce qui imposera la prudence chez les patientssouffrant de troubles du rythme cardiaque ou prenant d’autresmédicaments affectant ce rythme et/ou cardiotoxiques [4].

Globalement, on peut penser que les kétolides sont susceptiblesde rendre aux macrolides une possibilité d’action importantedans les infections respiratoires, si l’on tient compte des niveauxde résistance actuels vis-à-vis des autres molécules. Leur placedans le traitement de première intention des infections respira-toires basses, y compris celles qui sont dues au pneumocoquerésistant aux macrolides, reste cependant à établir. Un usageprudent et rationnel de ces nouvelles molécules (qui doitd’ailleurs être la règle pour tous les antibiotiques) s’imposecependant si l’on veut éviter que des résistances apparaissent,et surtout se répandent rapidement. ■

R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S

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Les auteurs remercient le Pr C. Carbon(CHU Bichat-Claude Bernard et université de Paris-VI,

Paris) pour sa lecture critique du manuscrit.F. Van Bambeke est chercheur qualifié

du Fonds national (belge) de la recherche scientifique.

R e m e rR e m e r c i e m e n t sc i e m e n t s

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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - n° 10 - décembre 2001 331

M I S E A U P O I N T

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Formation Médicale Continue

M

C

??

?I. Les macrolidesà 16 atomes(josamycine, spiramycine

et miocamycine) :

a. sont actifs vis-à-vis des souches de Streptococcus pyogenes résistantes par un mécanisme d’effluxb. sont actifs vis-à-vis des souches de Streptococcus pneumoniae présentant un mécanisme de

résistance inductiblec. présentent un intérêt majeur pour le traitement des infections par S. pneumoniae résistant

aux autres macrolidesd. peuvent constituer une alternative aux bêtalactames dans le traitement des pharyngites à

streptocoques

a. est sans conséquence pour le patient asthmatique traité par la théophyllineb. est sans danger chez le patient migraineux traité par l’ergotaminec. peut entraîner une toxicité cardiaque chez les patients traités par des médicaments

susceptibles de rallonger l’intervalle QTd. impose un réajustement des doses d’anticoagulants coumariniques

a. présentent une activité vis-à-vis de la plupart des souches de Streptococcus pneumoniae résis-tantes aux macrolides

b. n’offrent pas d’avantage particulier vis-à-vis des infections à Haemophilus influenzaec. sont dépourvus d’interactions médicamenteuses avec les substrats ou inhibiteurs du cytochrome P 450d. peuvent être administrés une fois par jour sur la base de leurs propriétés pharmacocinétiques

et pharmacodynamiques

Voir réponses page 341

II. L’administrationde l’érythromycine :

III. Les kétolides :

? a. présentent une biodisponibilité orale améliorée par rapport à l’érythromycineb. sont actifs vis-à-vis des souches résistantes à l’érythromycinec. sont des inhibiteurs du cytochrome P 450 moins puissants que l’érythromycined. ont un spectre d’action élargi par rapport à celui de l’érythromycine

IV. Les macrolidesdérivés

de l’érythromycine(“néomacrolides”) :

SITES WEB PRÉSENTANT DES INFORMATIONSFACTUELLES INTÉRESSANTES

1. Notices scientifiques américaines● clarithromycine: http://www.rxabbott.com/product/bia/biapi.htm● azithromycine: http://www.pfizer.com/hml/pi’s/zithromaxregpi.html (formes orales) ;

http://www.pfizer.com/hml/pi’s/zithromaxivpi.html (formes i.v.)

2. Descriptions systématiques des produits pharmaceutiques et compilation desinteractions médicamenteuses (“Banque d’Informations Automatisée sur lesMédicaments” [BIAM ; initiative associant l’université et l’industrie pharma-ceutique françaises]) : http://www.cri.ensmp.fr/biam/ (code d’accès accordélibrement aux professionnels de la santé)

3. Surveillance des taux de résistance (Projet Alexander)http://www.Alexander-Network.com (code d’accès accordé librement aux professionnels de la santé)

4. Food and Drug Administration: dossier d’enregistrement de la télithromycine(Ketek“) http://www.fda.gov/cder/

5. National Committee for Clinical Laboratory Standards (NCCLS)http://www.nccls.org/

…/…